L'entrée en guerre - Ville de Fontenay-aux-Roses

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L'entrée en guerre - Ville de Fontenay-aux-Roses
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                                    L’entrée en guerre
       A partir du 19 juillet 1870, il faut moins de 2 mois à la coalition allemande
      dirigée par les Prussiens pour atteindre les hauteurs de Fontenay-aux-Roses,
                          ultime étape avant l’entrée dans Paris.

     Le XIXe siècle a été scandé par                                        Suite à la loi du 3 avril 1841, la
plusieurs périodes de tensions entre la                               capitale française est fortifiée par une
France et la Prusse. En 1840, une nouvelle                            enceinte continue et seize forts extérieurs.
crise décide le gouvernement français à                               La région du sud de Paris est défendue par
entamer des travaux pour protéger Paris à                             les enceintes de Vanves, Issy et Montrouge.
un moment où l’occupation prussienne de                               A la fin des travaux, en 1845, Paris est
1814-1815 est encore dans toutes les                                  réputée imprenable.
mémoires.1

                                                                          L’équilibre européen issu du Congrès de
1 Germaine Mailhé rappelle que Fontenay-aux-Roses dut                    Vienne (1815) est en place jusqu’en 1866.
subir du 2 juillet au 14 décembre un total de 1 815 officiers,             Dans les années 1860, la Confédération
11 156 chevaux et 28 710 journées militaires (Histoire de                     Germanique se compose de 35 états.
Fontenay-aux-Roses, 1969, p.201).

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Vienne) bascule avec la création de la
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                                                            Habilement orchestrées par le ministre-
                                                            président Otto von Bismarck2, les tensions
                                                            s’aggravent. Elles isolent progressivement
                                                            la France d’un point de vue diplomatique
                                                            quand la Prusse réussit à prendre la tête
                                                            d’une nouvelle confédération et à rallier les
                                                            états du sud (royaumes de Bavière et de
                                                            Wurtemberg, grand-duché de Bade) à sa
                                                            cause.
                                                                   Fin juin 1870, c’est la candidature
                                                            téléguidée d’un prince de Holenzolern-
                                                            Sigmaringen (Prusse) au trône espagnol qui
                                                            sert de prétexte. L’habilité de Bismarck, qui
                                                            réécrit la fameuse dépêche d’Ems pour
 La prééminence prussienne (en bleu) sur les autres
                                                            humilier les Français et exploiter la naïveté
 états allemands après la victoire contre l’Autriche        de ces derniers, fait son œuvre : le 19 juillet
 de 1866.                                                   1870, la France devient l’agresseur et
                                                            déclare la guerre à la Prusse.

    Le Le
       système fortifié
          système   de protégeant Paris à la fin des années 1860 est encore celui mis en place en 1841 :
     une enceinte bastonnée (en rouge) et des forts détachés à quelques kilomètres. Trois forts sont à
                        proximité de Fontenay-aux-Roses : Vanves, Issy et Montrouge.

      Après 1866, et la victoire de la Prusse               2Voir à ce sujet les travaux de l’historien allemand Josef
sur l’Autriche, l’équilibre des forces en                   Becker (cité par Pierre Milza, L’année terrible, 2009).
Europe stabilisé depuis 1815 (congrès de
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Le Ministre français de la Guerre                                victorieuses (Danemark en 1864 et Autriche
affiche sa confiance dans une formule                                  en 1866).
demeurée célèbre : « Nous sommes prêts et                                     Sur le terrain, deux conceptions du
archi-prêts. La guerre dût-elle durer deux                             combat s’affrontent également : côté
ans, il ne manquerait pas un bouton de                                 français, suivant l’héritage napoléonien, la
guêtre à nos soldats »3. Mais en                                       priorité est donnée à l’infanterie et aux
l’occurrence, la Prusse semble mieux                                   charges de cavalerie. En face, fort de
informée sur l’état des forces en présence.                            l’expérience de la guerre de Sécession aux
                                                                       Etats-Unis, c’est la puissance de feu qui est
                                                                       privilégiée… bien aidée en cela par un
                                                                       matériel moderne fournit notamment par
                                                                       Krupp dont les pièces ont désormais une
                                                                       portée supérieure à 6 km, distance
                                                                       inimaginable 30 années plus tôt.

  Otto von Bismarck, ministre-président de la
  Prusse en 1870. Son objectif depuis 1862 : unir
  les états allemands quoiqu’il en coûte.

       Fin juillet, la France aligne une armée
bientôt scindée en 2, l’armée d’Alsace (Mac
Mahon) et l’armée de Châlons (Bazaine)
                                                                        L’empereur Napoléon III. En 1870, malgré la
pour un totale de 250 000 soldats contre                                maladie, il engage une France non préparée
500 000 pour la Prusse et ses alliés. Côté                              dans une guerre qu’il ne voulait pas.
français, une armée fragilisée par la
déconvenue de la campagne du Mexique                                          Afin      de     contrebalancer      ce
(1867), engluée dans une conscription                                  déséquilibre, dès le 7 aout 1870, le Comité
inégalitaire4, mal équipée avec des chefs                              de Défense de Paris décide de construire des
souvent dépassés. En face, une armée plus                              redoutes avancées pour protéger les forts du
jeune,      disciplinée,    instruite,   mieux                         sud. L’objectif est d’empêcher l’installation
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entrainée et qui reste sur deux campagnes                              de l’artillerie ennemie sur des hauteurs qui
3 Edmond Le Bœuf, le 15 juillet 1870 devant le Corps
                                                                       pourraient permettre d’atteindre Paris. Les
législatif lors du vote de crédits militaires complémentaires.         sites de Montretout (Saint-Cloud), de
4 En raison de l’opposition parlementaire à la réforme Niel            Sèvres et du plateau de Châtillon sont
(1868), le fonctionnement s’appuie encore sur certains points          notamment retenus.
de la loi Soult (1832) : un service de 5 ans par tirage au sort
avec possibilité        de se faire remplacer contre un                       Sur les hauteurs de Fontenay-aux-
dédommagement.
5 La réforme de 1859 met en place un service militaire de 3
                                                                       Roses et de Châtillon, après avoir expulsé
ans (50 % des effectifs de l’armée prussienne) secondée par            les occupants sans autre forme de procès, il
une armée territoriale.                                                s’agit d’installer une enceinte fortifiée pour
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couper la route de Chevreuse. La durée des              prospérer le grand magasin « Au Bon
travaux, qui débutent vers la mi-août, est              Marché », résident fontenaisien depuis
estimée à six mois. Ils sont confiés au Génie           moins d’une décennie, refuse le poste de
du 13e corps mais devront très rapidement               Maire « proposé » par les autres élus
être abandonnés devant l’avancée ennemie.               (appuyés par le Préfet).

  L’emplacement approximatif envisagé pour la redoute de Châtillon : à cheval sur la route de Chevreuse
      (actuelle avenue de la Division-Leclerc), entre Fontenay-aux-Roses et Châtillon. AM FaR série Fi

       Ces travaux se déroulent dans un                        Durant les premières semaines du
contexte d’élections municipales : les 7 et             mois       d’août    1870,    les     défaites
17 août, comme dans toutes les communes                 s’enchaînent pour      l’armée     impériale
du Département de la Seine, les                         constamment sur la défensive et toujours
Fontenaisiens sont appelés aux urnes                    dans l’improvisation6 : à Wissembourg (le 4
(scrutin de liste à 2 tours). Seuls 4                   août), à Frœschwiller-Woerth, Forbach et
conseillers sont reconduits (J.M. Bazin, J.             Reichshoffen (le 6 août), à Vionville (le 15
Leloir, J. Noblet et E. Babeau) et résistent à          août)…
la poussée républicaine. Les nouveaux élus                     Jusque-là confiante quant à l’issue du
reflètent la diversité sociale du village : des         conflit, l’opinion commence à se retourner.7
commerçants, un parisien en villégiature (A.            Le tout dans un climat qui devient parfois
Boucicaut),      des      entrepreneurs      en
maçonnerie,       des     propriétaires,     un         6   L’état-major n’a pas de plan global de la région frontalière.
enseignant. Aristide Boucicaut, fait alors              7   Voir François Roth, La guerre de 1870, p. 110.

                                                   16
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« L’annonce de l’abolition du régime impérial devant le palais du corps législatif le 4 septembre 1870 » .
       Une vision apaisée du changement de régime par Jules Didier et Jacques Guiaud. Musée d’Orsay
insurrectionnel (à Marseille, à Belleville).                       coalition allemande et capitulent dans la
De plus, une intense paranoïa se développe.8                       cuvette de Sedan le 2 septembre 1870.
       Nous     ignorons      combien       de                     L’empereur Napoléon III est prisonnier
Fontenaisiens des classes 1855-1864                                ainsi que plus de 80 000 soldats français.
(célibataires ou veufs sans enfants) ont été                              A Paris, sous la pression des
mobilisés le 15 juillet. Cependant, suivant la                     Parisiens, le député Léon Gambetta
loi, ce chiffre est équivalent à celui de                          proclame la déchéance de l’empereur et
Garde nationale mobile (les réservistes)                           rétablit la République. Un gouvernement de
convoquée puis intégrée à l’armée d’active                         défense nationale, composé de Républicains
à la fin du mois d’août : pour ce corps, nous                      modérés9, est instauré pour continuer le
savons qu’ils sont 134 à percevoir leur                            combat. Gambetta y cumule bientôt les
armement (fusil à tabatière et baïonnette).                        postes de Ministre de l’Intérieur et de la
       Le 18 août, la défaite à Gravelotte                         Guerre alors que les Prussiens marchent
(batailles de Rezonville et de Saint-Privat)                       vers Paris. La défense de la capitale est
ouvre la route de Metz aux Prussiens.                              confiée au général Trochu qui préside aussi
L’armée du Rhin se retrouve enfermée dans                          le gouvernement.
la capitale mosellane. Sous la pression de
l’impératrice Eugénie, devenue régente, et                         Pour en savoir plus :
du Conseil des Ministres, Mac Mahon et                             MILZA Pierre, L’année terrible. La guerre-franco-
                                                                   prussienne, sept. 1870-mars 1871. Perrin, 2009.
l’armée de Châlons tentent de secourir le                          ROTH François, La guerre de 1870, Pluriel, 2011.
maréchal Bazaine mais ils sont défaits par la                      SARDAIN Marie-France, Défenses et sièges de
8 L’espion à la solde de la Prusse serait partout comme par
                                                                   Paris, Economica (2009).
exemple à Hautefaye (Dordogne) le 16 août où un homme              9
« suspect » est lynché et brulé vif. Voir Alain Corbin, Le          Arago, Crémieux, Dorian, Favre, Ferry, Gambetta, Garnier-
Village des cannibales, Flammarion, 1999.                          Pagès, Glais-Bizouin, Guyot-Montpayroux, Magnin, Picard,
                                                                   Tachard, Pelletan, Rochefort, Simon.
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