L'ÉMOTION D'UN GÉANT COPPOLA PRIX LUMIÈRE 2019 - Festival Lumière
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SAMEDI 19 OCTOBRE Le journal du Festival « Le Cinématographe amuse le monde entier. Que pouvions-nous faire de mieux et qui nous donne plus de fierté ? » Louis Lumière # 08 10 ANS COPPOLA PRIX LUMIÈRE 2019 L'ÉMOTION D'UN GÉANT ©Jean-Luc Mège Francis Ford Coppola célèbre le Prix Lumière avec son épouse Eleanor.
C É L É B R AT I O N « Que mes films « Je n'étais pas préparé à cela, mais j'ai bien fait de ne pas me préparer car il n'y avait aucun moyen d'anticiper les choses que vous inspirent d'autres suis entré à l'Université suite à ce choc. Dans le documentaire Au coeur des Ténèbres, on voit Francis Coppola déclarer : “Demain, s'il le cinéastes ! » avez dites. J'ai été très touché par les mots de veut, un gamin de 9 ans peut devenir réalisa- Bertrand Tavernier. Et aussi de Bong Joon-ho, teur !” Ça m'a donné du courage et j'ai fait un car c'est précisément ce pour quoi je fais ce tra- court métrage. Comme je ne savais pas faire de vail : quand vous faites un film, vous le lâchez films, j'ai pris une scène que j'aimais bien dans dans la nature et s'il peut déclencher cette étin- Le Parrain, j'ai commencé à la dessiner. J'ai celle chez un autre, vous ne pouvez rien espé- Le festival Lumière a déroulé le tapis rouge pour Francis Ford Coppola, analysé plan par plan cette scène de meurtre rer de plus. Je deviens immortel grâce à vous. Prix Lumière 2019 ! Le maître a reçu, vendredi soir, sa prestigieuse de Lucas et j'ai commencé à dessiner le sto- Et vous deviendrez immortel avec un autre. ryboard. Aujourd'hui j’ai Francis Ford Coppola Cette vision, je l'ai moi-même volée à Balzac. distinction, à l'issue d'une cérémonie riche et émouvante. en face de moi et je suis tout tremblant ! » On lui disait : “il y a des jeunes qui plagient vos Roman Coppola souffle timidement : « Bravo écrits”. Et il répondait : “Mais, c'est bien pour ça Papa, nous sommes si fiers de toi. Tu nous ins- qu'ils existent !” Je pense comme lui », a souli- pires, dans notre vie et dans notre travail, on gné le réalisateur américain en recevant le prix t'aime tellement. » « Ditto » (pareil) lance alors honorant sa carrière devant les 3000 specta- Eleanor, l’épouse de Francis. teurs de l’amphithéâtre de Lyon. « Je crois qu'on a eu une bonne idée de créer ce « Je me suis revu, enfant, observer une parade, festival », lance Bertrand Tavernier. « Francis, et je voyais passer cette fanfare et ne rêvais je vous ai croisé en 1963 à Los Angeles lors que d'une chose c'était d'en faire partie. Pas d'une soirée organisée par Roger Corman, vous forcément de la mener mais en faire partie. veniez de réaliser Dementia 13 et il ne tarissait Ce soir, vous m'avez permis de ressentir cela, pas d'éloges sur vous ! » Et le président de l’ins- j'ai eu l'impression d'appartenir à un groupe. titut Lumière, visiblement très ému, de dire la J'ai ressenti à Lyon trois choses qui manquent difficulté à partager son admiration devant le cruellement dans notre monde : la convivia- cinéaste, en public. « Je vous ai côtoyé à tra- lité, l’enthousiasme et la célébration. Merci vers vos films, a -t-il repris. Devant mon écran de m'avoir fait sentir ces trois sentiments ! », j'épousais vos passions et partageais vos a ajouté l'auteur d’Apocalypse Now, l'un de ses doutes. J'étais impressionné, je le suis encore films culte qui sera projeté dimanche lors de la plus ce soir, j'avais peur d'admirer mal. Je vous clôture de cette édition anniversaire. ai aimé dès le road movie Les Gens de la pluie. A l'arrivée des invités d'honneur du festival Apocalypse Now est de ces films qui vous (Bong Joon-Ho, en forme devant la photo du collent à la peau. » ©Olivier Chassignole maître, s'amusant à lui lustrer la barbe ; Nathalie Il a ensuite longuement disséqué l’œuvre du Baye, Alain Chabat, Jean-Loup Dabadie, Gael Prix Lumière 2019, avec la connaissance poin- García Bernal, Robin Campillo, Marina Foïs, tue du cinéma qui est la sienne, mais aussi des Vincent Lindon...) succède une belle introduc- Bong Joon-ho remet le Prix Lumière à Francis Ford Coppola sur le regard de Bertrand Tavernier et Nathalie Baye. références littéraires (William Faulkner, Robert tion avec l’interprétation au piano par la chan- Penn Warren). Ce discours d’une grande éru- teuse française Jeanne Cherhal de l'entêtante de ses enfants, James Gray lui lance depuis Coppola parle à tout le monde, il est indémo- dition et d'une sincérité équivalente a été l’un partition de Nino Rota dans Le Parrain : Parle Paris : « Vous êtes la plus grande influence dable. » des moments forts de la cérémonie. Et, comme plus bas. créatrice de ma vie, vous êtes de ceux qui ne Invité sur scène, Bong Joon-ho n'a pas caché souvent à Lumière, tout s’est fini en chanson : Les louanges se succèdent : le ténor américain déçoivent pas. Mon amour pour votre œuvre l'importance de Coppola dans sa carrière. Aux Champs-Elysées, de Joe Dassin – dont John Osborn chante le Lamento de Federico n'a pas de limites ». Nathalie Baye rappelle son « Apocalypse Now est resté censuré pen- Coppola a connu le père cinéaste – chanté par issu de l'opéra L'Arlesiana, accompagné du expérience à ses côtés dans le jury du festival dant 9 ans en Corée, sous la dictature. Je n'ai Alain Chamfort et la salle conquise. pianiste Florian Caroubi. Sofia Coppola féli- de Cannes : « Je suis une immense admiratrice donc pas pu le voir avant 1988. Ce fut un choc cite son père depuis New York accompagnée et une grande fan. Le cinéma de Francis Ford incroyable qu'il est difficile de décrire ici. Je — Benoit Pavan et Charlotte Pavard CO N F I D E N C E S Dès neuf heures du matin, une file n’a pas aimé qu’on commence par la fin a été créé à San Francisco. Ensuite, il y a déjà imposante de cinéphiles attendait pour décrire le personnage et on m’a eu le passage au numérique. La question l’ouverture des portes du Théâtre des viré. Puis George C. Scott a repris le rôle s’est posée sur Star Wars. George Lucas se Célestins. Mais ce n’est que peu après et là quelqu’un du studio s’est souvenu disait : puisqu’il y aura beaucoup de plans Conversation 15 heures que Francis Ford Coppola, en mode friday wear, était accueilli sur la scène par Thierry Frémaux et Bertrand qu’un petit jeune avait écrit un truc. On m’a rappelé. Moralité pour vous les étu- diants : soyez convaincus que les choses truqués, pourquoi ne pas tourner directe- ment en numérique ? (pas du tout) Tavernier pour une heure et demi de pour lesquelles on pourra vous virer sont LE PRODUCTEUR conversation, que le cinéaste a souhaité celles pour lesquelles on vous donnera Aussi mauvaise que soit la relation d’abord « interactive », afin que les nom- des prix en avançant dans votre carrière ! que vous avez avec un producteur, elle breux étudiants présents trouvent leur peut être fructueuse. Oui, le conflit, la secrète compte. « C’est moi qui ai tenu au mot de conversation, a dit Coppola. Le terme master class a été utilisé une fois pour une pièce sur Maria Callas et depuis on EINSENSTEIN ET LES FILLES Dans ma scolarité j’ai changé d’école tous les ans jusqu’à tomber dans un col- lège qui avait un super cinéma. Et pour contrainte peuvent être fertiles et par- fois la meilleure idée est souvent la moins chère. Bob Evans, en me confiant la réalisation du Parrain, m’a lancé, c’est Apprendre sans relâche, progresser l’applique à tout. Il n’y a pas de maître, la première fois, je suis resté quatre ans manifeste. Mais sachez que lorsqu’on m’a sans jamais se sentir un maître : sinon Martin Scorsese qui, lui, a appris là, parce que c’est là qu’étaient les filles ! demandé de faire Le Parrain 2 ma condi- et enseigne le cinéma. En tout cas, moi Un après-midi, j’ai découvert en pro- tion était qu’il ne le produise pas ! Dès lors Francis Ford Coppola a conquis je n’en suis pas un. Cependant, a ajouté jection Octobre de S. M. Eisenstein. Je qu’on prend de la hauteur on veut tous se le public par son humilité le cinéaste, j’espère que vous partirez n’en croyais pas mes yeux, car si le film débarrasser du producteur. Cependant, d’ici en ayant trouvé cet échange utile. était muet, par l’art du montage j’aurais un producteur peut aussi avoir un rôle et l’acuité de son regard sur le cinéma. Soyez convaincus quand même que j’ai pu le croire sonore. J’ai donc tourné le moteur. Je sais que durant le tournage plus à apprendre de vous que vous avez à dos au théâtre et je me suis dit que j’irai de La Grande Bouffe, Jean-Pierre Rassam apprendre de moi ». apprendre le cinéma. avait poussé Marco Ferreri à aller tou- jours plus loin. LA 1ÈRE SCÈNE D’UN FILM ROGER CORMAN Elle peut me venir d’un rêve, mais quand Avec ce producteur de séries B, j’ai com- UN BON FILM ce n’est pas le cas, j’essaye de trouver mencé en bas de l'échelle en faisant à Un bon film repose sur l’écriture et sur rapidement le ou les mots qui porteront la peu près tout ce qu’on peut faire sur un les acteurs. Le reste, si c’est moins fort, thématique que je veux illustrer. Ce peut plateau. Ce fut très formateur. Et comme on peut s’en accommoder, compenser. être l’intimité pour Conversation secrète, il était près de ses sous, j’ai compris Quand j’entends que tel ou tel réalisateur la succession pour Le Parrain, la morale que pour faire cinéma on avait besoin a dirigé ses acteurs de manière magni- pour Apocalypse Now. Ensuite il peut d’argent. Corman a 92 ans et il reste très fique, je n’y crois pas. C’est à l'acteur de se poser cent questions pour lesquelles actif. Je ne sais pas ce qu’il a dû penser jouer, alors que vous, votre boulot en tant j’aurais de manière intuitive autant de en découvrant Apocalypse Now [plus que « director », c’est de faire en sorte qu'il réponses. Et quand je sèche, je reviens au dispendieux que les films produits par soit à l’aise pour s’exprimer. thème principal. Corman] sinon que je devais être fou et il n’aurait pas eu tort car c’est un film dont LES SÉRIES PATTON l’ampleur m’a dépassé. Mais sachez que Il reste des thèmes que je veux encore J’avais écrit la scène d’ouverture de tout ce que vous voyez dans le film s’est aborder et je suis sûr que j’apprendrai Patton après un long travail de documen- vraiment passé. Pas de numérique ! encore. Mais je n’ai pas l’impression que tation sur le personnage. Les récits le les séries m'offriraient ça, car ce qui les décrivaient comme un homme haut en LE POIDS DU SON alimente c’est les informations d’un couleurs, qui croyait en la réincarnation, A l'époque, le travail du son pouvait être algorithme qui font d’une série d’abord qui arborait fièrement ses galons. J’ai accessoire sur pas mal de films. Dans un enjeu financier. Cela devient un pro- donc imaginé une première scène pour notre bande de San Francisco, où il y duit industriel. Alors à ceux qui ont des ©Jean-Luc Mège que les spectateurs le voient dans toute avait George Lucas, nous avions une aspirations artistiques, je dirais : méfiez- sa superbe, qu’ils se croient sous ses conscience très forte que l’émotion face vous de l’appât du gain ! ordres, galvanisés. Mais Burt Lancaster à un film naît d’un son travaillé. Le Dolby — Propos recueillis par Carlos Gomez Bertrand Tavernier et Francis Ford Coppola. 02
L‘autre I MPLI CATI ON « Pas de progrès social trilogie sans création ! » Avant la Nuit du Parrain, ce qu’il faut Présidente du directoire d’Arte France, savoir sur la mythique trilogie de Véronique Cayla est la lauréate Francis Ford Coppola du Prix Fabienne Vonier, ©DR Le Parrain 2 (1974) remis à une personnalité féminine C’est l’un des plus grands films de l’histoire. les délais. Pourtant, tourné en seulement de l’industrie du cinéma. L’American Film Institute le classe « troisième 77 jours pour 6 petits millions de dollars, le film meilleur long métrage américain de tous les en rapporte près de 270 et lui ouvre en grand temps », après Citizen Kane et Casablanca. Un les portes d’Hollywood. Que représente pour patrimoine dans toute sa plu- et de notre site. Nous créons exemplaire du film est même conservé à la Sauf qu’il ne le voyait pas son avenir comme ça : vous le Prix Fabienne ralité et lui redonne toute sa des correspondances entre Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis pour « d’une certaine façon, ce film a eu ma peau, Vonier ? vitalité et sa modernité ! Le les films que nous diffusons institutionnaliser son « importance culturelle, confiait-il en 2007. Il m’a contraint à prendre Je suis d’abord très touchée Festival Lumière offre au sur Arte et sur Arte.tv. Nous historique et esthétique ». Maintenant qu’on la direction opposée à celle que je souhaitais : par ce Prix car j’aimais et public cette émotion artistique l’avons fait pour les cycles vous a dit ça, vous vous demandez peut-être écrire et réaliser de petits films originaux. j’admirais beaucoup Fabienne incomparable, irremplaçable Rohmer et Garrel. encore « mais de quoi ça parle Le Parrain ? » C’est une terrible frustration de constater que Vonier. Je suis honorée d’être celle de l’expérience collective Alors pour ceux qui se seraient absentés de la personne ne s’intéressait à mes projets per- associée à cette grande dame d’un film en salle de cinéma ; Arte, aujourd’hui, Terre ces dernières années, un bref résumé : il sonnels. » Il en réalise pourtant un, juste après, du cinéma, défricheuse incom- lorsqu’un film fait rire ou pleu- c’est la chaîne du était une fois en Amérique une famille d’immi- Conversation secrète, mais que la Paramount parable, qui a inlassablement rer, les barrières tombent, les cinéma ? grés siciliens, régnant en maître sur les jeux n’accepte de financer que parce que Coppola œuvré pour le 7e art, sans frontières se déplacent, et la Arte est la chaîne de toutes les et la prostitution. Mais la guerre des clans fait s’est engagé à faire Le Parrain 2, après avoir jamais se mettre en avant. Et civilisation progresse. cinéphilies, oui ! J’évoquais le rage et après un attentat contre le patriarche suggéré au studio d’engager plutôt Martin évidemment ce Prix c’est aussi cinéma de patrimoine mais Vito Corleone, sa succession doit s’organi- Scorsese. Le « 2 » sort en décembre 1974. la reconnaissance du sens Quelle est la place du nous valorisons aussi des ser. A la surprise de tous, c’est son troisième L’épisode va et vient entre deux époques et met que j’ai voulu donner à ma vie cinéma de patrimoine films plus contemporains, fils, Michael, qui se destine à devenir juge, qui en parallèle la jeunesse de Vito Corleone (Robert professionnelle : ne pas suivre sur Arte et Arte.tv ? la jeune création venue des s’impose comme le nouveau « capo », avec des de Niro, explosif) et le présent de Michael (Al une ambition personnelle - j’ai Le cinéma de patrimoine a une quatre coins de l’Europe y méthodes qui vont mettre le feu aux poudres… Pacino) pour dire tout ce qui les sépare. Six toujours eu le sentiment que place de choix sur Arte et Arte.tv trouve toute sa place. Un des Sorti en mars 1972, Le Parrain fascine le public Oscars (meilleur film, meilleur réalisateur) font je n’avais rien de spécial à et sous toutes ses formes, des emblèmes de notre ambition dans des proportions qui vont dépasser son de Coppola à son corps défendant LE cinéaste dire - mais plutôt un fil rouge : classiques du cinéma français dans ce domaine, c’est le festi- créateur. Coppola, 33 ans, n’est encore que le de la décennie. Quinze ans vont passer jusqu’à accompagner les artistes, en passant par les westerns val numérique Arte Kino lancé réalisateur d’une poignée de films indépen- l’Opus 3 de la saga. Coppola a vieilli (51 ans) et aider ceux qui ont un besoin américains ! Nous diffusons il y a trois ans. Accessible dants. Il n’est pas cher et c’est même sa pre- Michael Corleone encore plus, qui rêve main- vital de s’exprimer à le faire. Il régulièrement des cycles dans toute l’Europe en dix lan- mière qualité aux yeux d’une industrie où un tenant de respectabilité. Trop tard. Dans cet faut le geste créatif advienne consacrés à des réalisateurs. gues, il se décline maintenant dollar est un dollar. Il vient de s’endetter en épilogue, le cinéaste décidait d’en finir avec le et profite à tous. Pas de progrès Bientôt Bertrand Tavernier toute l’année avec un film par produisant THX 1138 de George Lucas et s’il mythe par trop pesant, orchestrant, sur fonds social sans création ! sera à l’honneur sur nos mois, puisé dans le meilleur du accepte, c’est pour se renflouer. Mais la réali- d’opéra, la chute de son anti-héros maléfique. antennes. D’autres suivront : cinéma d’auteur européen. sation va être pour lui un calvaire - « un état Sublime ! — Carlos Gomez Quel regard portez- Chabrol, Ozon, Bigelow… Nous d’angoisse permanente, je me demandais vous sur le Festival défendons aussi une politique constamment quand j’allais me faire virer » Lumière ? de diffusion du cinéma origi- - sommé qu’il est par la Paramount de faire NUI T L E PARRAIN C’est un magnifique festival nale en jouant sur la complé- — Propos recueillis « moins classique », « plus violent » et de tenir > HALLE TONY GARNIER, aujourd’hui, 20h30 qui fait rayonner le cinéma de mentarité de notre antenne par Aurélien Ferenczi MOT E U R ! RÉSURRECT I ON Cinéma, mon amour « 5 ans de travail C’est le grand film méconnu d’un autre Coppola, Roman, fils de Francis, frère de Sofia. Dans CQ, le jeune cinéaste fait passer son amour pour 7 heures ©Sandrine Thesillat immodéré du cinéma, ses doutes et sa propre histoire. de film ! » Sophie Seydoux, présidente de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, nous raconte le processus de restauration de La Roue d’Abel Gance (1923), ample mélodrame présenté en deux matinées avec orchestre. Quand avez-vous décidé Quels sont vos prochains de restaurer La Roue ? chantiers de restauration ? C’est un des films phares du catalogue muet de Deux adaptations, l’une muette, l’autre par- Pathé. Depuis longtemps, je rêvais qu’on le res- lante, du roman de Pierre Louÿs La Femme et taure. J’avais vu une version de 4h30, mon rêve le Pantin. La version de Jean de Baroncelli est était d’arriver le plus près du film tel qu’il avait d’une sensualité exceptionnelle. Et c’est amu- été projeté au Gaumont Palace en février 1923. sant de travailler en regard sur celle de Julien Les chiffres n’avaient pas été très bons, on avait Duvivier avec Brigitte Bardot. Nous travaillons demandé à Gance une version plus courte : il aussi sur les films d’André Antoine, comme a fait plusieurs montages différents, coupant La Terre ou Les Travailleurs de la mer. A plus directement dans le négatif. On a donc dû faire long terme, j’aimerais restaurer le premier un long travail de comparaison des copies Belphégor, d’Henri Desfontaines, tourné en ©DR existantes – dont une copie teintée magni- 1927, qui est formidable, avec quelques-unes CQ (2001) fique venant de la Cinémathèque de Lausanne. des premières images tournées à l’intérieur du Le premier opus de Roman Coppola, le fils effets spéciaux bricolés ! - évoque Barbarella, Avec François Ede côté image et la ZDF côté Louvre. Il va falloir trouver les financements ! puîné de la famille, pose quelques vraies mais s’il avait été réalisé par Mario Bava musique, on a travaillé à partir du scénario, — Propos recueillis par Aurélien Ferenczi questions sur le fait d’être cinéaste. Pour faire période Danger : Diabolik ! Invention, couleurs, des notes de Gance, et aussi de la liste de Paul œuvre sincère, faut-il puiser dans sa propre vie, psychédélisme…. La partie noir et blanc, elle, Fosse, le directeur musical du Gaumont Palace, voire se raconter à la première personne ? Ou est clairement inspirée du Journal de David qui notait les morceaux joués pour chacun des l’expression personnelle peut-elle surgir d’une Holzman, faux documentaire autobiographique films projetés. Il a fallu cinq ans de travail pour œuvre plus artisanale, un film de genre, une de Jim McBride. L’ambiance des années 60, où reconstituer un film de sept heures ! commande ? De tout cela, Roman a dû souvent côté cinéma tout paraît encore possible et à discuter avec son père… inventer, est magique ! Une restauration de cette Dans CQ (l’acronyme phonétique de « seek Nul besoin, pourtant, de connaître ces réfé- ampleur, cela représente you » - « je te cherche »), un jeune Américain rences savantes pour goûter le charme pop de quel investissement ? installé dans le Paris des années 60 est indécis, ce récit d’apprentissage, nimbé par la musique Plus d’un million d’euros. Je ne pense pas que tiraillé. D’un côté, son projet personnel, autofic- évocatrice du groupe Mellow. Et inutile de de ma vie je reconstruirai un film aussi lourd. tion en noir et blanc très Nouvelle Vague, avec connaître personnellement la famille Coppola On a reçu une aide formidable du CNC, un ©DR la jolie hôtesse de l’air qui partage sa vie ; de pour goûter l’émouvante scène de retrouvailles accord très rapide d’Arte. Ce dont je suis très La Roue (1923) l’autre, le film de science-fiction bricolé produit entre le jeune héros (joué par Jeremy Davies) et fière, c’est qu’il s’agit d’un projet européen : CINÉ-CONCERT La Roue par un nabab italien dont il est le monteur, et son père (le vétéran Dean Stockwell). plusieurs cinémathèques – Paris, Lausanne, > AUDITORIUM DE LYON, dont on lui propose de reprendre la mise en — Aurélien Ferenczi Prague – ont collaboré, c’est la filiale pari- 1ère partie, aujourd'hui, 10h, 2ème partie, dimanche, 10h scène après la disparition du réalisateur… sienne d’un laboratoire italien qui s’est occu- Avec l’Orchestre national de Lyon, L’amour du cinéma infuse CQ : le film dans le SÉANC E pée de la restauration, toute la musique a été dirigé par Frank Strobel film, dont on voit le tournage – et quelques > INSTITUT LUMIÈRE, aujourd’hui, 16h15 faite en Allemagne. 03
Ça se passe à LUMIÈRE « Un jour, Serge Reggiani m'appelle et me dit qu'il veut se lancer dans la chanson. Lui, le grand acteur. Il avait 45 ans et c'était l'époque des Yéyés. Je lui ai dit que je ne savais pas écrire de chansons et il m'a répondu que c'était précisément pour ça qu'il faisait appel à moi ! Il a ajouté : « la mauvaise nouvelle, c'est que Barbara m'a invité à faire sa première partie mardi prochain ». On était le vendredi précédent ! J'ai cherché un sujet et j'ai fait appel, sans le vouloir, à sa légende d'acteur. J'ai écrit Le Petit Garçon comme un scénario, « Astérix : Mission euphorie » puis j'en ai fait une chanson. Serge était un grand à la Halle Tony Garnier ! timide. Il lisait ce que j'écrivais pour lui debout, s'arrêtait, restait un moment silencieux et repliait le Dès les premières notes de La Carioca, manuscrit. Puis il disait qu'il fallait vite qu'il appelle la Halle Tony Garnier s’est enflammée. Alors, Jacques Datin, son compositeur. C'était sa manière l’équipe du film Astérix : Mission Cléopâtre soit à lui de me dire qu'il aimait mon texte. Il ne me Gérard Darmon, Monica Bellucci et Alain Chabat demandait jamais rien par téléphone. Il m'écrivait ont fait une entrée sous les acclamations des et sous son nom, il dessinait toujours une rose. 5 000 spectateurs impatients de redécouvrir sur Serge était porteur d'une extrême souffrance, grand écran le film culte de 2002. Parmi les fans, mais il ne s’apitoyait jamais, même lorsque son fils Margot, 20 ans et Valentin, 21 ans, étudiants en cinéma s'est donné la mort. Il n'en parlait jamais. Il avait à l’école CinéCréatis, qui ont « grandi » avec cette en lui cette douleur humaine qui faisait qu'on comédie : « j’ai la cassette VHS du film, on la regarde avait envie de l'aimer. Il portait ça dans ses rôles souvent avec mes grands-parents ! » confie Valentin, ©Olivier Chassignole et dans ses chansons. Le tragique fait partie de futur réalisateur. Le festival a offert au public plusieurs la grandeur de l'homme et il avait une grandeur pépites concoctées par l’équipe des Nuls : fausses pubs Hassan Cehef (si, si c’est possible), en passant les bienfaits du Toniglandyl et le Moonwalk signé par qu'on ne trouvait pas chez les autres. Jean-Loup Dabadie, lors de l’Hommage » Chabat dans Miami Vice. De quoi mettre en appétit Amonbofis, Cléopâtre et Jules César : les retrouvailles. à Serge Reggiani des festivaliers déjà en transes. « Avé Chabat !» lance l’un des fans dans la salle. Le cinaste a régalé le public avec un sens de la formule dont lui seul a le secret : « attention, alerte spoiler : à la fin du film, on termine ensemble Monica et moi ! ». Avant d’évoquer le tournage du film et son attachement aux albums scénarisés par René Goscinny et dessinés par Albert Uderzo : « leurs albums m’accompagnent toujours, on peut lire Astérix à tous les âges, on trouve à chaque fois de nouvelles choses ». Génial interprète d’Amonbofils, Gérard Darmon a aussi décrit un tournage « magnifique, fait que de bons souvenirs, de fous rires ». « On riait tellement qu’on n’arrivait pas à tourner ! Je ne me suis jamais autant amusée sur un tournage », confirme Monica Bellucci, l’inoubliable Cléopâtre. Avant que son César adoré ©Romane Derbelen reprenne le flambeau : « dans Irréversible, tu as ©Jacques Croizer rigolé quand même ! » Hilarité dans la salle. Et quand un spectateur réclame « la suite d’Astérix », le réalisateur regarde sa reine d’Egypte, mais ne dit pas non : « Astérix, je pourrais en faire toute ma Tony Gatlif inaugurant sa plaque Eye Haïdara présentant Baby face. vie ! » Affaire à suivre… — Laura Lépine Rue du Premier-Film. Ciné-Brocante : un week-end pour chiner ! Comme le veut la tradition, la Ciné-Brocante du festival prend ses quartiers ce week-end rue du Premier-Film. Caméras, affiches de films culte, coffrets DVD, livres : autant de trésors à dénicher par la centaine d’exposants présents. L’occasion aussi de découvrir les secrets du cinéma lors des ateliers proposés pour toute la famille. Vous pourrez aussi jouer aux experts en menant l’enquête sur les frères Lumière ! CINÉ-BROCANTE ©Pedro Rojo Romeo samedi 19 octobre de 11h à 19h et dimanche 20 octobre de 9h à 18h © Olivier Elsener > Rue du Premier-Film (Lyon 8e). Quatre lieux : Lycée du Premier-Film, école maternelle Lumière, école élémentaire Lumière et Marché International du Film Classique (MIFC). Entrée Libre. Ludivine Sagnier présentant La Règle du jeu. Gael Garcia Bernal présentant AT E LI E R S sur les origines et les secrets du cinéma Carnets de voyage. samedi 19 octobre à 14h et à 16h, rendez-vous devant le Lycée Lumière, 14 rue du Premier-Film. Enquête sur les frères Lumière : des livrets seront distribués à l’entrée. P O RTRAIT « J’aime rencontrer les gens, mais surtout, j’adore aider et les voir sourire ! » Avec un enthousiasme débordant, Samer Fallaha, 46 ans, participe pour la deuxième année consécutive au festival en tant © Laura Lépine que bénévole. Accueil du public à la Halle Tony-Garnier, à l’Auditorium, distribution des journaux et des programmes, Samer est sur tous les fronts pour chouchouter les festivaliers. Des missions qu’il réalise en tant que membre de l’association SINGA qui vise à créer du lien entre personnes réfugiées et locaux. C’est en 2016 que Samer quitte sa ville natale d’Alep en Syrie pour rejoindre la France. Arrivé à Paris, cet architecte d’intérieur s’installe près de Mâcon avant de poser ses valises défini- Rédacteur en chef : Aurélien Ferenczi tivement à Caluire. Toujours prêt à aider les autres, Samer s’engage dans de nombreuses associa- Suivi éditorial : Thierry Frémaux Un jour tions de l’agglomération lyonnaise d’Action Réfugiés, Ecosila au centre social Bonnefoi, en passant par La petite cantine et le Réfugiés Food Festival. Traduction, préparation de repas ou activités Conception graphique et réalisation : Justine Ravinet - Kiblind Agence un bénévole culturelles, l’ancien architecte devenu traiteur n’hésite pas à donner de son temps : « j’aime aider Imprimé en 10 500 exemplaires les autres et puis c’est aussi une façon pour moi de remercier la France qui m’a accueillie. Je fais ce SAMER FALLAHA : « J’ADORE AIDER LES GENS, que je peux à mon échelle ». Difficile de ne pas avoir envie de sourire lorsque l’on croise Samer, que Institut Lumière, 25 rue du Premier-Film - 69 008 Lyon J’AIME LES VOIR SOURIRE ! » certains gourmets connaissent déjà sous le nom de « Cuisine Sam ». — Laura Lépine Remerciements à BNP Paribas pour son soutien au quotidien du festival 04
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