De demain : plaidoyer pour le lotissement vertical micro-volumétrique

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Idée nouvelle                                 ACTES PRATIQUES & INGÉNIERIE IMMOBILIÈRE - REVUE TRIMESTRIELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - AVRIL-MAI-JUIN 2012

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         Construire la ville                                                                 ici d’un terrain à bâtir artificiel, constitué d’une
                                                                                             fraction de dalle, autrement dit, d’un micro-

         de demain : plaidoyer
                                                                                             volume.
                                                                                             L’objet de cette étude est donc de tenter de
                                                                                             démontrer l’actualité de la technique des micro-

         pour le lotissement                                                                 montages volumétriques dans la perspective
                                                                                             d’une « reconstruction de la ville sur elle-

         vertical micro-
                                                                                             même ».
                                                                                             Ce type de réflexion n’est pas seulement théo-
                                                                                             rique : certaines grandes enseignes du BTP et de
         volumétrique                                                                        la construction immobilière dans le secteur HLM
                                                                                             l’étudient, avec l’assentiment de municipalités
                                                                                             innovatrices.
         Patrice CORNILLE,
         avocat au barreau de Bordeaux
                                                                                             L’idée est celle de commercialiser auprès de
                                                                                             nouveaux accédants un logement viable en l’état
                                                                                             futur d’achèvement, mais comprenant, de
                                                                                             surcroît, la surface d’une partie de dalle (consti-

          N                                               « Proposer aux
                     ous vous proposons ci-après de                                          tuant un des niveaux du bâtiment) qui lui confère
                     redécouvrir le montage juridique                                        le pouvoir de réaliser (ou non), sur la surface
                                                          habitants, plutôt
                     lié à la construction en volumes.                                       concernée, tout aménagement de son choix
    Pourquoi ne pas imaginer que cette technique,         que les sacro-                     (agrandissement du logement ou réalisation d’un
    loin d’être inédite, puisse se faire une « nouvelle   saintes maisons                    jardin ou d’une véranda, ou bien encore réalisa-
    jeunesse » dans le cadre des préoccupations                                              tion d’une partie de la façade diversifiée du
                                                          individuelles                      bâtiment collectif par un aménagement indivi-
    modernes de densification et de lutte contre
    l’étalement urbain ?                                  exagérément                        dualisé, en bois, ou végétalisé, par exemple).
    Toutes les évolutions du droit de l’urbanisme         consommatrices                     Le concept est d’abord celui d’un logement
    français ne tendent-elles pas à limiter la progres-                                      « agrandissable », avec la particularité de sa
    sion de la ville moyennant une gestion raisonnée
                                                          d’espace, de                       situation dans un immeuble vertical collectif.
    des espaces ? N’est-il pas aussi question             nouvelles surfaces                 Quelques dessins et projections graphiques
    d’accroître le COS de 30 % (quoique, aux              de construction »                  permettent de mieux se représenter la construc-
    dernières nouvelles, le texte devrait prochaine-                                         tion ainsi que la commercialisation d’un
    ment être abrogé...), et plus généralement les                                           immeuble en forme de « casier », dans lequel les
    droits à construire dans les espaces déjà urbani-                                        logements vendus représentent les différents
    sés ?                                                                                    « tiroirs » du « casier » concerné.
    Le lotissement vertical micro-volumétrique                                               Le résultat souhaité est que chaque propriétaire
    pourrait être une solution.                                                              de chaque « tiroir » ait le pouvoir individuel de
                                                                                             l’agrandir au-delà du logement qu’il a acquis en
                                                                                             EFA, l’agrandissement ayant pour assiette le
                                                                                             « bonus » de surface acquise du constructeur,
                                                                                             au-delà de l’emprise de son logement.
                                                                                             Mais, il est aussi possible qu’il puisse construire ce
                                                                                             qu’il souhaite sur la surface libre acquise, tout
                                                                                             particulièrement en façade, dans la plus complète
                                                                                             indépendance architecturale et paysagère.
                                                                                             Il va sans dire que le caractère innovant du projet
                                                                                             implique de s’émanciper du cadre des organisa-
                                                                                             tions juridiques classiques de construction et de
                                                                                             gestion des immeubles collectifs, tout particuliè-
                                                                                             rement du statut de la copropriété régi par la loi
                                                                                             du 10 juillet 1965.
                                                                                             Il faut en effet rappeler que la copropriété est pour
                                                                                             l’essentiel le contraire de la propriété, et il
                                                                                             faudrait même enseigner le statut comme tel.
                                                                                             Pour parvenir à une solution satisfaisante dans
    La ville peut en effet être mieux appréhendée                                            notre contexte, il faut donc tenter de raisonner en
    dans sa verticalité, et proposer aux habitants,                                          termes culturels, même si une telle approche
    plutôt que les sacro-saintes maisons individuelles                                       peut paraître prétentieuse.
    exagérément consommatrices d’espace, de                                                  Toutefois, le droit français en matière de locaux
    nouvelles surfaces de construction dans des                                              d’habitation étant ce qu’il est, c’est-à-dire
    immeubles d’habitation collectifs.                                                       gouverné pour l’essentiel par l’ordre public de
    Elles permettraient à chacun de construire,                                              protection, il est hors de question de méconnaître
    comme s’il avait acquis un terrain à bâtir ordi-                                         totalement les techniques juridiques existantes en
    naire, à la différence majeure près qu’il s’agirait                                      la matière.                               ➔ Suite page 3
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ACTES PRATIQUES & INGÉNIERIE IMMOBILIÈRE - REVUE TRIMESTRIELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - AVRIL-MAI-JUIN 2012                     Idée nouvelle

La base de réflexion, sans laquelle le projet paraît radicale-                         A. Renault-Fournier, Les principes fondamentaux de la divi-
ment irréalisable, est donc de partir de l’idée de pouvoir,                            sion en volumes : JCP N 2008, n° 41, p. 21).
puisque, pour un juriste, la propriété c’est d’abord le pouvoir.                       On sait que l’un des atouts majeurs de la division en volumes
Il s’agit de définir un régime de construction, d’appropriation,                       est notamment de permettre une cohabitation entre des
de gestion et d’animation d’un immeuble collectif vertical                             propriétés publiques et privées (Y. Gaudemet, Ouvrages
dans lequel le pouvoir de chacun des propriétaires des                                 complexes et domanialité publique : RD imm. 2009, p. 507
« logements-tiroirs » sera libre et exercé de manière indépen-                         et Cumenge, Imbrication dans l’espace des propriétés privées
dante dans la seule limite d’un contre-pouvoir indispensable                           et publiques : Rev. Tunnel, déc. 1974, n° 6), autrement dit de
à la garantie de la viabilité du bâtiment pendant toute sa                             réunir, au sein d’un même ensemble immobilier, des
durée d’existence.                                                                     constructions ayant des vocations profondément diverses et
Or, si concevoir le pouvoir propre de chacun n’est guère                               même inconciliables, mais là n’est pas le but recherché dans
difficile (car la technique des volumes, ainsi que nous                                notre contexte ; en revanche, nous observerons que cette
pensons pouvoir le démontrer plus loin, permet d’y parvenir),                          dualité Propriété privée/Propriété publique est un moyen,
concevoir un contre-pouvoir légitime, c’est-à-dire adapté à la                         probablement le seul, permettant la viabilité du projet.
« culture » alternative du concept, nous paraît beaucoup                               Cette technique se distingue aussi du statut de la copropriété
moins aisé, sans du moins le rechercher dans l’implication                             régi par la loi du 10 juillet 1965, lequel repose sur une
des pouvoirs publics dans le projet.                                                   répartition indivise de la propriété : à chaque fraction priva-
                                                                                       tive est associée une quote-part des parties communes,
1. Nouveaux quartiers verticaux : nouveaux pouvoirs des
                                                                                       laquelle génère inévitablement l’exercice du contre-pouvoir
habitants
                                                                                       des copropriétaires.
Dans le projet évoqué, l’immeuble aura, tout particulière-                             Or, c’est de ce contre-pouvoir privé de la collectivité des
ment sur ses façades, une apparence hétérogène et c’est en                             copropriétaires dont il s’agit de s’émanciper (N. Le Rudulier,
cela que la technique de la construction en volumes trouve                             Division en volumes et copropriété : Quels choix ? AJDI
toute son utilité puisqu’elle permet à chaque propriétaire de                          2011, p. 271).
réaliser sur une fraction de sa propriété, tout aménagement                            Bien qu’elle soit théoriquement attractive, il faut bien concé-
qu’il souhaiterait, sans notamment avoir à se soucier de                               der que la division en volumes est entièrement soumise à la
l’harmonie générale du bâtiment.                                                       volonté des différents propriétaires des volumes, puisque le
L’exigence d’un montage volumétrique : il n’est pas douteux                            régime applicable à l’immeuble devra être prévu et régle-
que le seul régime juridique existant qui permette d’assurer                           menté de manière extrêmement précise dans le cadre d’un
l’exercice d’un pouvoir propre de s’agrandir et d’être proprié-                        état descriptif de division, un réseau de servitudes de droit
taire en toute individualité d’un logement et du droit de                              privé et par un cahier des charges réglant l’usage et l’habita-
l’agrandir dans un bâtiment vertical collectif réside dans la                          tion des immeubles.
technique des volumes, débouchant sur un ensemble immo-                                Le statut de la copropriété peut être aussi psychologiquement
bilier complexe (EIC).                                                                 plus rassurant, puisqu’il entraîne l’application de dispositions
Rappelons simplement ici que la division en volumes,                                   législatives et réglementaires connues, depuis longtemps
imaginée par le doyen R. Savatier, repose sur une technique                            pratiquées et dès lors prévisibles dans leurs effets, même si le
de dissociation entre la propriété du dessus (superficie) et la                        contentieux de la copropriété, on le sait, est abondant (D.
propriété du dessous (tréfonds).                                                       Sizaire, La division en volumes et copropriété des immeubles
Certes, l’article 552 du Code civil dispose que la propriété du                        bâtis : JCPN 1988, I, p. 323. – V. également, P. Chambelland
sol emporte la propriété du dessus et du dessous, mais cela                            et P. Walet, La construction en volumes : Masson 1989).
reste une présomption.                                                                 C’est pourquoi la première question que soulève le projet
L’article 553 du Code civil permet de distinguer différents                            évoqué consiste à savoir si un immeuble collectif d’habita-
niveaux de propriétés : « Toutes constructions, plantations et                         tion vertical peut être soumis isolément et en tant que tel au
ouvrages sur un terrain ou dans l’intérieur, sont présumés faits                       régime des « volumes », c’est-à-dire consister à lui seul en un
par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire                     « ensemble immobilier complexe » (EIC).
n’est prouvé ; sans préjudice de la propriété qu’un tiers                              Rappelons que les EIC peuvent être définis, organiquement,
pourrait avoir acquise ou pourrait acquérir par prescription,                          comme la somme des actes et documents régissant les
soit d’un souterrain sous le bâtiment d’autrui, soit de toute                          volumes, qui permet la réunion de ces fractions d’immeubles
autre partie du bâtiment ».                                                            ainsi que la soumission à des régimes juridiques propres et
Les volumes sont donc des espaces homogènes, pouvant se                                indépendants :
situer au-dessus ou en dessous du sol, et constituant des                              « Il s’agit de masses de bâtiments groupés ou même apparem-
parties définies géométriquement en trois dimensions                                   ment distincts entrecoupés au rez-de-chaussée par des voies
(longueur, largeur, hauteur), référencées par des plans, des                           et des places ouvertes au public et construits sur une seule
coupes et des cotes (P. Chambelland, Y. Rousseau,                                      dalle porteuse.(...). Et dans les EIC, les installations publiques
A. Haloche, La construction en volumes : AJPI 1981, p. 688,                            les plus diverses (routes, commissariat, crèche, etc.) côtoient
spéc. p. 689, 1re col.).                                                               la propriété privée » (Division de l’immeuble, le sol, l’espace,
Pour ce faire, les géomètres utilisent le système altimétrique                         le bâti : 103e Congrès des notaires de France, Lyon
général, géré par l’Institut Géographique National (IGN).                              23-26 sept. 2007).
Matériellement, le propriétaire exerce ses droits sur un                               On sait aussi qu’il est communément choisi de soumettre
volume d’air. L’acquisition des constructions nouvelles réali-                         l’EIC à un cahier des charges ainsi qu’aux statuts d’une
sées par le propriétaire s’effectue au fur et à mesure de leur                         Association Syndicale Libre (ASL) ou d’une Association
édification à l’intérieur du volume qu’il a acquis de l’opéra-                         Foncière Urbaine (AFU) pour assurer la gestion des éléments
teur initial, via la technique de l’accession (A. Fournier et                          communs de l’EIC.                                      ➔ Suite page 4

                                                                                                                                                               3
Idée nouvelle                                   ACTES PRATIQUES & INGÉNIERIE IMMOBILIÈRE - REVUE TRIMESTRIELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - AVRIL-MAI-JUIN 2012

    De tout cela, les géomètres, les notaires, les conservateurs               et R. Bombreault, Pratique de l’état descriptif de division en
    des hypothèques, ont désormais l’expérience, mais il est vrai              volumes : Litec 1995, p.17) ;
    à propos d’EIC importants, comportant plusieurs bâtiments,                 – réserver deux ou trois des lots-volumes ainsi prédéfinis (tout
    dans lesquels les différentes parties sont imbriquées, et où               particulièrement ceux en infrastructure – tréfonds – et
    l’on constate souvent (mais pas nécessairement) la présence                superstructure – lots en élévation) ainsi que certains autres
    de volumes dépendant du domaine public, d’autres en pures                  volumes contenant les éléments d’équipement communs
    propriétés privées pouvant de surcroît contenir des copro-                 (ascenseurs, escaliers, gaines et trémies techniques) à la
    priétés.
                                                                               collectivité qui serait chargée de la gestion commune des
    La nouveauté est qu’il s’agit ici d’appliquer la technique à un
                                                                               éléments d’équipement du bâtiment ;
    seul bâtiment vertical collectif, ce qui aboutit sommairement
    à:                                                                         – commercialiser auprès des futurs propriétaires chacun des
    – devoir rédiger un état descriptif de division volumétrique               lots-volumes, sous la forme d’une vente en l’état futur
    (faisant référence aux cotes altimétriques NGF, suivant le                 d’achèvement, un appartement, immédiatement viable dès
    système LAMBERT) pour un seul immeuble en identifiant                      sa livraison, mais comportant outre les locaux vendus,
    autant de volumes dans le bâtiment qu’il y a de « logements-               puisque compris dans les lots-volumes, une « surface libre »
    tiroirs » à construire et à commercialiser auprès des acqué-               pour chacun (de quelques dizaines de mètres carrés), située
    reurs, chaque appartement agrandissable constituant un                     sur les façades du bâtiment, en tout cas en prolongement de
    « volume », dont la dalle agrandissable est d’une surface d’à              l’appartement vendu, laquelle surface serait aménageable ou
    peine quelques dizaines de mètres carrés (comp : C. Destame                non, mais librement par chaque acquéreur.

    – Le procédé permet de concevoir la construction de                        Selon les courants doctrinaux, échapper au statut de la loi du
    « logements-tiroirs », dont la particularité est qu’ils sont               10 juillet 1965 n’est pas chose aisée.
    « agrandissables » au moyen de la surface « libre » attachée à             Selon Madame Catherine Bosgiraud, approuvée par
    chaque logement vendu, au gré de chacun ; l’objet de                       Messieurs J. Lafond et B. Stemmer, l’absence de description
    chaque VEFA consentie par l’opérateur à l’origine de l’opéra-              de parties communes et privatives au sein de l’état descriptif
    tion, n’est au final rien d’autre qu’un logement sur son terrain,          de division, ne suffit pas à éluder le statut de la copropriété
    à la seule différence que le « terrain » concerné est constitué            lorsque l’immeuble est « de conception homogène et
    par une surface déterminée, elle-même issue d’une dalle                    unitaire » (C. Bosgiraud, Volumes ou copropriété, le choix
    matérielle pré-définie composant l’un des différents niveaux               n’est pas toujours permis : Bull. CRIDON Paris, mai 1988,
    du bâtiment.                                                               p. 72).
    Il n’est pas nécessaire de détailler plus avant le montage que             La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 17 février 1999,
                                                                               a paru suivre cette position, précisant que la division en
    nous proposons : la technique des volumes est suffisamment
                                                                               volumes permettait d’échapper à la loi du 10 juillet 1965,
    pratiquée pour, en tout cas sur le principe, ne choquer
                                                                               mais uniquement en présence d’un ensemble immobilier
    personne.
                                                                               hétérogène (Cass. 3e civ.,17 févr.1999, n° 97-14.368, AFUL
    Son usage ici renouvelé présente toutefois deux obstacles                  Grand Écran c/ ASL Italie-Vandrezanne : JurisData n° 1999-
    majeurs, qu’il faut s’efforcer de lever.                                   000683 : JCP N 1999, n° 46, p. 1639, note D. Sizaire ; JCP N
    Le premier est qu’il s’agit d’un « micro-montage volumé-                   2000, n° 37, p. 1311, D. Sizaire et A. Fournier).
    trique » que beaucoup stigmatiseront comme étant contraire                 Ce courant doctrinal applique le critère de l’« homogénéité
    au statut d’ordre public de la copropriété (L. n° 65-557, 10               architecturale » pour soumettre ou non l’immeuble à la loi du
    juill. 1965, art. 1er), avec, par conséquent, le risque d’annu-            10 juillet 1965. Ainsi, une structure architecturale homogène
    lation judiciaire et de rappel des charges de copropriété                  entraînerait l’application automatique du statut de la
4   pendant dix ans qui peut en découler.                                      copropriété.                                        ➔ Suite page 5
ACTES PRATIQUES & INGÉNIERIE IMMOBILIÈRE - REVUE TRIMESTRIELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - AVRIL-MAI-JUIN 2012                   Idée nouvelle

Il ne faut pas s’arrêter à cette objection, bien qu’elle soit                          indispensable au contrôle de l’exercice du droit individuel de
sérieuse.                                                                              chaque propriétaire.
On peut soutenir que, compte tenu de la « culture » alterna-                           Mais, dans notre idée, il faut écarter cette solution tradition-
tive du projet et de la recherche primordiale de l’indépen-                            nelle.
dance des pouvoirs dont il s’accompagne (ce qui rejoint par                            Il est à craindre en effet que toute structure privée de gestion
certains aspects, une « destination » particulière du bâtiment,                        commune, qu’il s’agisse d’une Association Syndicale Libre,
par analogie avec la destination de l’immeuble dans la                                 d’une Association Foncière Urbaine Libre, avec le principe
copropriété), ainsi qu’à la condition que les documents                                unanimiste, que ces structures entraînent par leur fonction-
régissant notre « micro-ensemble immobilier complexe »,                                nement ainsi que leur caractère « fermé » (ces structures ne
soient rédigés avec la plus grande minutie, il est possible                            groupent que les propriétaires des bâtiments compris dans
d’assurer la licéité de ce montage.                                                    l’EIC), soit ressentie psychologiquement comme une entrave
Le second obstacle est plus délicat à résoudre.                                        majeure au pouvoir individualiste de chacun de s’agrandir
Il réside dans l’impératif absolu d’éviter toute idée de                               librement.
« parties communes » du bâtiment, tout en traitant nécessai-                           Il en serait évidemment de même d’un syndicat des copro-
rement l’appropriation et la gestion des éléments d’équipe-                            priétaires, même si son fonctionnement est pour l’essentiel
ment qui bénéficieront à l’ensemble des propriétaires (CA                              majoritaire, selon les règles de la loi de 1965.
Paris, 28 avr.1983 : RD imm. 1983, p. 372, note Givord et                              Il faut bien comprendre en effet que le but avoué du
Giverdon).                                                                             programme, sans lequel il ne présente aucun intérêt, est de
Il est en effet techniquement inconcevable d’imaginer la                               favoriser l’exercice individuel d’un pouvoir par chacun des
construction et l’usage d’un bâtiment d’habitation collectif                           membres d’un groupe de propriétaires, ce groupe étant
sans qu’il soit nécessaire de prévoir et de réaliser un                                seulement uni par la matérialité d’un bâtiment, sans devoir
minimum d’éléments d’équipement communs.                                               subir les limites résultant de la volonté des membres du
Nous savons que la présence de « parties communes » dans                               groupe concerné.
l’immeuble impliquerait l’application impérative du statut de                          Le concept est de laisser une entière marge de manœuvre aux
la copropriété, lequel est inconciliable avec les objectifs du                         propriétaires pour réaliser les aménagements qu’ils
projet.                                                                                souhaitent, sans subir l’opposition ou l’interdiction de leurs
La division de la propriété en « micro-volumes » ne doit donc                          voisins du dessous, du dessus, ainsi que de leurs voisins « de
laisser apparaître aucune partie commune, tout professionnel                           palier ».
concerné devant être particulièrement vigilant à ce que la
                                                                                       Cette « philosophie », si elle est bien comprise, est inconci-
rédaction des actes soit dépourvue de toute ambiguïté à cet
                                                                                       liable avec toute technique de gestion commune par le
égard en assurant également l’information des acquéreurs
                                                                                       groupe, qu’elle soit d’inspiration unanimiste, mais même
quant aux caractéristiques et au fonctionnement des
                                                                                       aussi majoritaire.
éléments d’équipement de l’immeuble qui serviront à tous
ses occupants.                                                                         Toute structure privée unissant les acquéreurs, surtout si son
Dans les EIC « classiques », cette difficulté est traitée par le                       objet est étendu, deviendra rapidement le théâtre de dissen-
transfert des éléments d’équipement communs à une                                      sions, tout comme dans les assemblées générales de copro-
personne morale, type ASL ou AFUL (P. Walet, Construction                              priétaires, et risque de faire déboucher le projet vers l’appli-
en volumes : Bull. Cridon PARIS, avr. 1994), groupant les                              cation forcée du régime issu de la loi de 1965.
« volumiers ».                                                                         Il faut éviter à tout prix cette dérive.
Il s’agit d’une personne morale de droit privé dont la mission                         Cela implique de réfléchir à une adaptation indispensable
est d’inspiration « communautaire » : elle gère les équipe-                            des montages volumétriques, tels qu’ils sont actuellement
ments communs concernés et appelle les « redevances »                                  pratiqués : aucune structure de gestion commune organisée
afférentes à l’entretien et aux réparations des éléments                               (type ASL ou AFUL) ne paraît souhaitable, sans « détruire »
d’équipement communs de l’EIC auprès de chacun des                                     l’inspiration très individualiste du concept.
propriétaires des volumes.                                                             Il faut donc trouver ailleurs le contre-pouvoir indispensable à
Dans les montages volumétriques classiques, les ASL ou                                 sa viabilité et qui soit opposable aux propriétaires des
AFUL sont créées à l’initiative de l’ensemble des propriétaires                        « logements-tiroirs » concernés.
sur la base d’une décision unanime et écrite, sans interven-                           2. Nouveaux espaces publics : nouveau contre-pouvoir
tion de l’administration.                                                              public
La structure (ASL/AFUL) est elle-même gérée par une assem-
blée groupant l’ensemble des propriétaires des volumes                                 Pour de multiples raisons pratiques ayant trait, à la fois, aux
(lesquels ne peuvent se retirer de l’organe communautaire                              contraintes de construction, de commercialisation et de
que par la vente de leurs lots) ainsi qu’un organe de                                  gestion future de l’immeuble, on ne peut concevoir de laisser
représentation (Président) lui-même issu de la collectivité des                        le pouvoir individuel de chacun des « micro–volumiers »
propriétaires.                                                                         s’exercer sans aucune limite.
Bien sûr, ce régime (lequel en pratique ne donne pas entière                           Pareillement, il est inconcevable, sans violer dans son
satisfaction, même dans les EIC « classiques ») pourrait être                          essence le droit de propriété de chacun sur son volume, de
purement et simplement transposé dans le nouveau contexte                              prétendre limiter son pouvoir dans le temps (par exemple, en
évoqué.                                                                                prévoyant une caducité de la prérogative d’agrandir son
Il est manifeste d’ailleurs que toute structure « privée » de                          « logement-tiroir » au terme d’un certain délai, ou en l’assu-
gestion commune constituée entre les « volumiers » pourrait                            jettissant à une obligation de cession de son droit de
constituer en elle-même une forme de « contre-pouvoir »                                construire, dans le cas où il ne l’exercerait pas). ➔ Suite page 6

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Idée nouvelle                                   ACTES PRATIQUES & INGÉNIERIE IMMOBILIÈRE - REVUE TRIMESTRIELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - AVRIL-MAI-JUIN 2012

    Dans le montage micro-volumétrique proposé, il n’est pas                   son projet ; s’il fallait s’y résoudre, c’est bien toute la
    contestable que le pouvoir individuel de chaque propriétaire               philosophie du projet qui serait remise en cause.
    est limité « dans l’espace », puisqu’il est cantonné à la                  Dans le cadre du statut de la copropriété, il est d’usage
    « surface libre » de son micro-volume, précisément détermi-                d’insérer une clause dite d’harmonie au sein des règlements
    née par l’EDDV, laquelle est attachée aux locaux qu’il achète              de copropriété. Cette dernière impose aux copropriétaires de
    en état futur d’achèvement de l’opérateur d’origine et                     respecter un certain nombre de dispositions impératives afin
    formant la partie principale de son lot.                                   de maintenir l’homogénéité du bâtiment, limitant ainsi leur
    Mais, et ainsi que nous l’écrivions plus haut, il est sûr que le           liberté et leurs pouvoirs. Elle vient limiter les aménagements
    bâtiment, en raison de son caractère collectif vertical,                   ou ornements que les propriétaires souhaiteraient apporter à
    comportera nécessairement des éléments d’équipement                        leurs parties privatives, qu’ils s’agissent d’équipements exté-
    communs aux logements-volumes ou à certains d’entre eux                    rieurs, de la couleur des volets ou des peintures murales,
    (canalisations, gaines, voies d’accès, conduites de circulation            etc. ; autant d’obstacles qu’il faut précisément supprimer
    des fluides, éventuellement escaliers, ascenseurs, parkings en             dans notre projet.
    rez-de-chaussée ou en sous-sol).                                           – sur le point précis de l’agrandissement par chaque « volu-
    Nous savons que ces éléments sont ordinairement traités                    mier » de la partie agrandissable du logement qu’il a acquis,
    dans les EIC classiques au moyen de leur appropriation et de               il est aisé d’anticiper que l’exercice de ce pouvoir individuel
    leur gestion par l’ASL ou l’AFUL.                                          de construire suppose une grande « largeur de vue » de
    Ce n’est d’ailleurs pas nécessairement un mieux par rapport                l’autorité compétente, puisqu’elle doit concevoir de délivrer
    au régime de la copropriété, car, sauf statuts dérogatoires de             un permis de construire à chaque occupant d’un logement
    la personne morale concernée, nous répétons que c’est                      dans un bâtiment vertical collectif sans avoir à se préoccuper
    l’unanimité qui régit, en principe, son fonctionnement.                    de l’accord de ses voisins immédiats, ni d’aucun des autres
    Par ailleurs, l’expérience démontre que tous les propriétaires             d’ailleurs dans l’immeuble.
    des locaux en copropriété compris dans les volumes, et qui                 Cela dit, il est possible de démontrer que les plus récentes
    devraient, en principe, être membres de l’Association Syndi-               évolutions du droit de l’urbanisme français font qu’il y a
    cale ou de l’Association Foncière Libre, n’en comprennent                  moins d’obstacles théoriques qu’autrefois à concevoir la
    pas toujours le sens, ni l’utilité, et délèguent en général leurs          délivrance d’une pluralité de permis de construire à une
    pouvoirs aux syndics de leurs copropriétés, lesquels les                   pluralité de « volumiers » (J.-L. Pissaloux, Ensemble immobi-
    représentent avec plus ou moins de bonheur lors des                        lier unique et permis de construire : une évolution jurispru-
    assemblées de l’ASL ou de l’AFUL.                                          dentielle mesurée et encadrée : Rev. Lamy des Collectivités
                                                                               territoriales, 1er janv. 2010, n° 53, p. 44-47).
    Dans la nouvelle idée proposée, il faut répéter que la
                                                                               Le dépôt par l’ensemble des volumiers d’un permis de
    « culture » par essence individualiste (pour ne pas dire
                                                                               construire conjoint, ne pose évidemment plus de grandes
    presque...libertaire) des protagonistes, ne peut s’accommo-
                                                                               difficultés.
    der d’un contre-pouvoir « privé » qui résulterait des décisions
                                                                               En revanche, lorsque la demande émane d’un seul proprié-
    d’une communauté de gestion contractuelle ou statutaire,
                                                                               taire, on a pu s’interroger sur les éventuels risques d’opposi-
    comme s’il s’agissait de contrebalancer les pouvoirs des
                                                                               tion entre les projets portés par les habitants de l’immeuble.
    copropriétaires par ceux d’un syndicat.
                                                                               La réponse est de source prétorienne, la jurisprudence
    Ce type de contre-pouvoir ne paraît donc pas légitime dans le
                                                                               considère les différents volumiers comme des propriétaires
    contexte du projet.
                                                                               ordinaires utilisant librement leurs droits à construire, dès lors
    Le seuil acceptable ne peut se trouver que dans l’implication              que les travaux sont en conformité avec les documents
    de la collectivité locale du lieu de situation de l’immeuble               d’urbanisme et la législation en vigueur.
    dans le programme, au titre de ses pouvoirs généraux de                    Ainsi, la possibilité d’une pluralité de permis de construire
    police, entendus au sens large.                                            dans le cadre d’ensembles immobiliers complexes a été
    Justification : dès lors que l’on admet que l’expérimentation              annoncée par l’arrêt « Ville de Grenoble », rendu par le
    de ce type de projet implique de superposer et de juxtaposer               Conseil d’État (CE, sect., 17 juill. 2009, n° 301615 : JurisData
    des pouvoirs individuels dans des espaces volumétriques                    n° 2009-005325 : Rec. CE 2009M, p. 270, P.E. Durand,
    déterminés composant un ensemble, il faut s’efforcer de                    Ensemble immobilier unique et pluralité de permis de
    raisonner comme si l’ensemble concerné était en réalité un                 construire : RDI 2009, p. 568 – P. Soler-Couteaux, Pluralité
    quartier nouveau de la ville, à la différence qu’il est vertical           de permis pour l’ensemble immobilier complexe : AJDA
    et non plus horizontal, comme l’est un lotissement classique.              2009, p. 2127-2133), lequel considère qu’à raison de
    Dès lors, le « contre-pouvoir » indispensable à l’exercice sain            l’ampleur et de la complexité de ces ensembles immobiliers,
    et raisonné de celui de chacun ne peut être recherché,                     une pluralité de permis de construire peut répondre à la
    comme dans un quartier au sens traditionnel de la ville, que               diversité fonctionnelle des différents volumes.
    dans l’exercice ordinaire par les pouvoirs publics de leurs                Les propriétaires des différents volumes, n’ont pas en prin-
    prérogatives de police, entendues dans leur sens le plus                   cipe à harmoniser leurs demandes de permis de construire
    large.                                                                     sur tels ou tels aspects, puisque le recours à la division en
    Il doit en être ainsi, tout particulièrement :                             volumes entraîne une liberté de gestion des droits à
    – au sujet de l’obtention de son propre permis de construire,              construire sur le volume considéré. En effet, le permis ne peut
    par chacun des propriétaires des « logements-tiroirs », dans               porter que sur les ouvrages contenus dans le volume attribué
    le but d’agrandir (ou d’aménager en partie de façade de                    à son propriétaire, peu important l’assentiment ou l’opposi-
    l’immeuble) son lot-volume ; il est inconcevable que chacun                tion du micro-volumier voisin ou l’absence d’harmonie
    doive solliciter l’autorisation de son voisin, et encore moins             esthétique entre les ouvrages réalisés par les différents
    de la collectivité de ses voisins dans le bâtiment pour réaliser           propriétaires.                                       ➔ Suite page 7

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ACTES PRATIQUES & INGÉNIERIE IMMOBILIÈRE - REVUE TRIMESTRIELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - AVRIL-MAI-JUIN 2012                   Idée nouvelle

Il est vrai qu’appliqué à un projet comme celui que nous                               endroits où se font de grands rassemblements d’hommes tels
proposons, concevoir le libre dépôt et les instructions isolées                        que les foires, marchés, cafés, églises et autres lieux publics ».
des permis de construire de chacun des logements-tiroirs                               Cette surveillance publique présente des avantages puisque
implique une sérieuse remise en cause des habitudes.                                   les propriétaires se voient assurés que lesdits espaces
Nous allons jusqu’à en déduire qu’il serait souhaitable, au                            (lesquels auraient le statut de parties communes si le statut de
niveau de la norme d’urbanisme applicable, c’est dire au                               la copropriété s’appliquait), feront l’objet d’un contrôle
niveau même du PLU, que l’immeuble micro-volumétrique,                                 permanent de la part de la collectivité, pouvant créer un
conçu comme un quartier « innovant », soit spécifiquement                              sentiment de confiance pour les habitants.
prévu pour pouvoir s’adapter à tous les articles du règlement                          Corrélativement, l’inconvénient d’un classement dans le
de zone.                                                                               domaine public est évidemment de laisser à toute personne la
Ce devrait être même plus exactement l’inverse : le PLU                                possibilité de s’introduire et d’utiliser les éléments d’équipe-
devrait être spécifiquement rédigé pour accueillir l’expéri-                           ment de l’immeuble, entraînant un risque de dégradation
mentation de ces nouveaux « quartiers verticaux » dans des                             accélérée de ces équipements, à moins que soient instaurés
zones dédiées.                                                                         des codes ou dispositifs de surveillance ou vidéoprotection
Nous ne verrions par ailleurs qu’avantage à soustraire le                              appropriés.
maximum d’éléments d’équipement communs de                                             Nul doute que la technique le permet aujourd’hui.
l’immeuble (et tout particulièrement les parkings en rez-de-                           Nul doute aussi que le droit existant n’y ferait pas obstacle, au
chaussée, s’il s’agit d’un immeuble « transparent »), ainsi que                        moins dans l’esprit : depuis la loi n° 95-73 du 21 janvier
certains équipements (tout particulièrement les escaliers ou                           1995, les propriétaires et les exploitants d’immeubles à usage
ascenseurs permettant d’accéder à chaque dalle formant                                 d’habitation peuvent accorder à la police ou à la gendarmerie
niveau), à tout régime d’appropriation privée (que ce soit                             nationales, ainsi que le cas échéant, à la police municipale
propriété commune, indivise, ou propriété d’une ASL ou                                 l’autorisation permanente de pénétrer dans les parties
d’une AFUL).                                                                           communes des immeubles (CCH, art. L. 126-1 et s.) ; l’exer-
Il serait idéal que tous les éléments d’équipement de                                  cice de ce pouvoir de police serait encore plus légitime si les
l’immeuble et qui servent à tous soient classés dans le                                parties « communes » concernées étaient... publiques !
domaine public de la collectivité locale.                                              Par ailleurs, il n’est pas douteux que le classement de
                                                                                       certaines parties du bâtiment considéré dans son ensemble
Il est vrai qu’en raison de ce classement, la collectivité se
                                                                                       dans la domanialité publique, présenterait deux garanties :
verrait attribuer la charge des équipements collectifs concer-
                                                                                       – la première serait de légitimer juridiquement le choix d’un
nés, ce qui implique qu’elle accepte notamment la prise en
                                                                                       montage micro-volumétrique par l’éviction certaine et garan-
charge financière de l’entretien et des réparations.
                                                                                       tie du statut de la copropriété ;
La collectivité se substituerait ainsi à l’ASL ou l’AFUL,                              – le second serait de placer les propriétaires des « logements-
c’est-à-dire à l’un des « organes de gestion » de l’EIC                                tiroirs » en face d’une gestion publique des « abords » de
classique et les parties de l’immeuble micro-volumétrique                              leurs propriétés individuelles, exactement comme dans un
relevant du domaine public seraient accessibles au public.                             quartier horizontal traditionnel.
Les articles L. 2111-1 et L 2111-2 du Code général de la                               Notre réticence à la création de toute structure de gestion
propriété des personnes publiques disposent que le domaine                             commune, pour régir les parties à usage commun du micro
public est constitué de biens appartenant à une personne                               EIC a, cependant, des limites.
publique qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit                       Nous sommes bien forcés de considérer, en effet, qu’il faut
affectés à un service public, pourvu qu’en ce cas, ils fassent                         impérativement traiter de l’appropriation des « lots-vo-
l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des                               lumes » en élévation (sur-dalle au-dessus du faîtage des
missions de service public.                                                            lots-volumes du dernier niveau), et en tréfonds (lot d’infras-
Ces choix très innovants peuvent être ou non techniquement                             tructure, en dessous des ouvrages de fondations).
réalisables, car tout dépend de savoir quels seront les                                Sur ce point, l’idéal serait encore d’en prévoir l’appropriation
éléments communs du bâtiment, et surtout ils impliquent là                             par la collectivité publique ; mais si cette dernière s’y refuse,
encore une remise en cause considérable de la manière de                               on est forcé d’en transférer la propriété à une structure
raisonner, sur ce dernier point, des pouvoirs publics.                                 d’appropriation commune entre les « volumiers » et l’on
Dans l’hypothèse où le classement de certains volumes dans                             retombe nécessairement sur l’exigence de créer une structure
le domaine de la personne publique serait acquis, ces                                  d’appropriation et de gestion privée, ce qui est contraire à la
espaces deviendraient accessibles par le public comme un                               philosophie du projet.
espace public classique, ce qui peut inquiéter par exemple                             Pareillement, il faut impérativement traiter de l’entretien et
pour les cages d’escaliers, les ascenseurs, les paliers, certains                      des réparations des ouvrages-dalles composant la structure
espaces de circulation.                                                                du bâtiment vertical car, par la force des choses (et plus
L’ouverture au public justifiera notamment la présence de la                           exactement par l’effet de la pesanteur naturelle), il est
police, chargée de veiller à la sécurité des personnes et de ces                       actuellement impossible de concevoir la reconstruction d’un
espaces conformément aux dispositions de l’article L. 2212-2                           volume dans un niveau supérieur sans reconstruire d’abord
du Code général des collectivités territoriales, lequel attribue                       celui du niveau inférieur, notamment en cas de sinistre.
à la police municipale « le maintien du bon ordre dans les                                                                                  ➔ Suite page 8

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Idée nouvelle                                   ACTES PRATIQUES & INGÉNIERIE IMMOBILIÈRE - REVUE TRIMESTRIELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - AVRIL-MAI-JUIN 2012

    Ces problèmes sont connus dans les ensembles immobiliers                   Il reste vrai, néanmoins, que concevoir un EIC sans prévoir la
    EIC « classiques » : ils sont traités, le plus souvent, par                création d’une ASL ou d’une AFUL demeure tout à fait
    l’obligation faite aux propriétaires des volumes de souscrire              contraire à la doctrine juridique dans son ensemble (D.
    ensemble une assurance-dommages assurant la reconstruc-                    Sizaire, Gestion des ouvrages immobiliers complexes et
    tion « valeur à neuf » de la totalité des volumes, même et y               recours à l’association foncière urbaine : RD imm. 1999,
    compris contre la volonté d’un propriétaire de volume de                   p. 551. – V. également, Une division organisée suppose la
    reconstruire son volume (F. Ausseur, Réalisation des                       mise en place d’une organisation collective : JCP N 1993,
    ouvrages complexes et assurances : RD imm. 1999, p. 546 et                 n° 16, p. 169).
    D. Sizaire et C. Destame, Division en volumes : reconstruc-                L’argument habituellement avancé n’est cependant que celui
    tion et réparations : JCP N 1993, I, p. 169).                              du « bon sens ».
    Dans ce dernier cas, l’« abandon » juridique de son volume                 Ainsi, D. Sizaire écrivait qu’il est nécessaire de « tenir
    par le défaillant, ou par l’indifférent, à la structure d’appro-           compte des rapports de faits entre ces différentes propriétés.
    priation commune (ASL le plus souvent) est rendu obliga-                   Ces rapports doivent être établis et organisés juridique-
    toire, dans l’intérêt de tous.                                             ment ». Néanmoins, il considérait que « sauf cas particulier,
    Rappelons que la solution tenant à la souscription d’une                   l’établissement d’un cahier des charges et des servitudes ne
    police d’assurance restait insuffisante aux yeux de D. Sizaire
                                                                               sera pas suffisant s’il n’est pas accompagné d’une organisa-
    (Division en volumes et copropriété des immeubles bâtis :
                                                                               tion ayant pour objet sa mise en œuvre et d’une façon
    JCP N 1988, I, p. 323).
                                                                               générale, la gestion collective de la division » (Colloque : Les
    Est-ce à dire qu’une structure privée soit absolument indis-
                                                                               ouvrages immobiliers complexes : volumes et superposition :
    pensable pour mettre en place l’idée d’un quartier vertical ?
                                                                               RD imm. 1999, p. 551).
    On peut ne pas le croire car il serait concevable, en limitant
    matériellement au maximum l’existence d’éléments d’équi-                   Loin de vouloir contredire celui qui était sans doute le plus
    pement communs dans l’EIC, de faire en sorte d’organiser le                grand spécialiste des volumes, on peut concevoir que le
    minimum de « communauté » en résultant par une simple                      meilleur contre-pouvoir de « bon sens » au pouvoir de
    convention signée entre les propriétaires des lots-volumes.                chacun se trouve dans l’exercice renouvelé de leurs préroga-
    En d’autres termes, nous pensons qu’une rédaction appro-                   tives par les pouvoirs publics.
    priée du cahier des charges de l’EIC (dont nous croyons en                 Le plus délicat, si l’idée proposée séduit, sera évidemment de
    revanche l’établissement indispensable) suffirait pour organi-             surmonter les réticences « culturelles » (encore une fois) des
    ser le minimum nécessaire de gestion communautaire du                      opérateurs, de leurs commerciaux, des services d’urbanisme,
    bâtiment.                                                                  des Conservations des hypothèques, des mairies, plus géné-
    Il apparaît surtout que le travail de l’architecte du projet est,          ralement des pouvoirs publics, bref de tous.
    sur ce point, essentiel car l’immeuble doit comporter le                   Mais, renouveler la réflexion paraît indispensable dans les
    moins d’éléments communs possible.                                         temps d’incertitudes que nous vivons.

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