L'OSSATURE NUMÉRIQUE - RTE
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L’OSSATURE NUMÉRIQUE LES ADAPTATIONS 4 L’OSSATURE NUMÉRIQUE SCHÉMA DÉCENNAL DE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU I ÉDITION 2019 95
4. L’OSSATURE NUMÉRIQUE : DES DISPOSITIFS À RENFORCER AFIN DE GARANTIR, À CHAQUE INSTANT, LA SÛRETÉ ET LA PERFORMANCE DU RÉSEAU ÉLECTRIQUE SYNTHÈSE Le fonctionnement d’un grand réseau maillé, Aujourd’hui, les centres de conduite du réseau comme le réseau de transport d’électricité fran- (dispatching) s’appuient sur une représentation çais, repose sur un ensemble de systèmes d’in- de l’état du système électrique grâce au traite- formation qui permet son exploitation en temps ment de plus de 40 000 télémesures1 relevées réel. Ces systèmes sont adossés à des moyens de toutes les 10 secondes et de plus de 350 000 télé- télécommunication et à un ensemble de disposi- signalisations2 relevées à chaque changement tifs visant à capter et trier l’information. Tous ces d’état des matériels (par exemple : disjoncteur éléments constituent un « système nerveux » qui ouvert ou fermé). Ces échanges de données en garantit l’observabilité, la commandabilité et la temps réel participent à la sécurité des biens et protégeabilité du réseau électrique. des personnes car ils permettent de limiter les conséquences d’un blackout sur le réseau élec- Ces liens de télécommunications existent et trique (garantie pour l’alimentation électrique des participent au bon fonctionnement du système sites nucléaires, réalimentation rapide d’une zone électrique depuis la création des premières ou d’une région coupée), mais contribuent égale- lignes électriques, au début du XXe siècle. Les ment à la performance du réseau, en permettant technologies n’ont cessé d’évoluer et, depuis d’exploiter et de maintenir le réseau au plus près les années 2000, ces systèmes d’information de ses limites techniques3. sont en cours de numérisation pour former une « ossature numérique » pour le réseau électrique. Le réseau électrique sera, dans les prochaines Son déploiement et sa maintenance doivent être décennies, soumis à deux phénomènes qui trans- envisagés de façon à minimiser toute situation formeront en profondeur ses modes d’exploitation de dépendance ou de faiblesse, vis-à-vis de tiers et de maintenance : malveillants, notamment en renforçant les exi- uu L’essor des énergies renouvelables électriques gences de cybersécurité. Au vu de l’importance variables (éolien et solaire) : ce phénomène de la gestion du réseau pour l’économie du pays est encore récent et partiel en France et ses et pour sa sécurité, il s’agit d’une infrastructure conséquences sur le réseau et l’exploitation du stratégique. système ne sont ainsi pas encore pleinement perceptibles. Les retours d’expérience dispo- nibles dans les pays voisins suffisent néanmoins 1. L a télémesure correspond à la transmission, depuis un appareil de mesure (transformateur de courant ou de tension) situé dans un poste électrique, de la valeur d’une grandeur physique (courant ou tension) jusqu’aux outils de conduite du réseau. 2. La télésignalisation correspond à la transmission, depuis un appareil d’aiguillage (sectionneur ou disjoncteur) situé dans un poste électrique, d’un état (ouvert ou fermé) jusqu’aux outils de conduite du réseau. 3. Le développement des technologies numériques permet en outre d’implémenter des fonctionnalités d’interaction avec les acteurs du système électrique beaucoup plus riche, donnant un levier d’action supplémentaire pour adapter le système électrique à la transition énergétique, dans une approche sobre en ressource. 96
L’OSSATURE NUMÉRIQUE 4 à établir la nécessité de modes d’exploitation Le renouvellement des dispositifs obsolescents du système électrique plus agiles. (paquet 0) représente un montant de 1,5 Md€ uu Le vieillissement du réseau électrique : le d’ici 2030. Les paquets 1 et 2, qui conduiraient réseau développé massivement après la à relier via un lien de télécommunication près seconde guerre atteindra, dès 2030, un niveau de 1 700 sites de RTE (contre 1 100 aujourd’hui) d’obsolescence avancée. La connaissance fine pour compléter le dispositif vital de sûreté du sys- de la dégradation subie par chacun des maté- tème électrique et pour maintenir la performance riels est indispensable pour orienter les opéra- technique et économique du réseau, représentent tions d’entretien et de renouvellement vers les 1,4 Md€ sur la période 2021-2035. Cette per- composants les plus critiques pour le système formance se traduit concrètement par des gains électrique. économiques sur les coûts d’adaptation et de renouvellement du réseau estimés entre 1,5 et Afin de répondre à ces transformations du sys- 2,8 Md€ sur 15 ans (voir chapitres 2 et 3) et par tème électrique, tout en préservant la sécurité des des bénéfices sociétaux en limitant ou en retar- biens et des personnes et en maintenant la per- dant la construction de nouvelles infrastructures formance électrique, RTE renforce l’« ossature voire en évitant certaines reconstructions pour numérique » de son réseau selon un déploie- des ouvrages en fin de vie. ment par paquet fonctionnel cohérent : Des efforts complémentaires – paquet 3 – uu Le paquet 0 « renouvellement » pour pourraient être réalisés en fonction de la répondre au vieillissement naturel des dynamique constatée des scénarios de systèmes de contrôle-commande exis- transition énergétique sur les territoires. tants, installés dans les postes depuis les Ces efforts viseraient à répondre à des scéna- années 1970. rios de développement très rapide des énergies renouvelables (trajectoire type PPE), par un uu Le paquet 1 « fondamental » pour étendre renouvellement en anticipation de l’ensemble l’infrastructure privée télécom afin de des systèmes de contrôle- commande et une garantir l’observabilité et la conduite du réseau extension de l’infrastructure privée télécom. en cas de blackout électrique, et assurer in fine la sûreté et la sécurité des biens et des Le SDDR n’intègre donc que le « socle numérique personnes. minimal » (paquet 0 + 1 + 2) dans la trajectoire de référence : le paquet 3 n’y figure pas mais pour- uu Le paquet 2 « performance » pour main- rait être mis en œuvre selon la temporalité des tenir la performance du réseau électrique phénomènes de la transition énergétique. Cette actuel, en minimisant l’impact des défauts sur stratégie anticipe également, de par son architec- la coupure de consommation et mieux maî- ture, la possibilité à terme d’activer de nouveaux triser les investissements d’adaptation et services, en particulier par le biais de technologies de renouvellement via un dimensionnement décentralisées comme la blockchain. optimal du réseau en intégrant des écrête- ments sur la production décentralisée. SCHÉMA DÉCENNAL DE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU I ÉDITION 2019 97
4.1 L’infrastructure numérique permet de capter, transmettre et analyser les données du réseau électrique afin de garantir sécurité et performance L’exploitation du système Un ensemble de dispositifs ont ainsi été développés électrique repose sur des dispositifs pour collecter, échanger et analyser l’information. permettant de capter, transmettre et agir sur les composants du réseau À ces dispositifs, sont associés trois notions parti- culièrement importantes pour : Le fonctionnement d’un grand réseau maillé, uu la protégeabilité du réseau : il s’agit de la pro- comme le réseau de transport d’électricité français, tection automatique des infrastructures élec- repose sur un ensemble de systèmes d’information triques et des personnes en cas de court-circuit qui permettent son exploitation en temps réel. ou de dégradation significative du matériel ; Ces systèmes d’information sont adossés à des cette protection favorise la résilience du réseau moyens de télécommunication et à un ensemble et le maintien de la qualité de l’électricité (conti- de dispositifs visant à capter et trier l’information. nuité de l’alimentation et qualité de l’onde). uu l’observabilité du réseau : il s’agit de connaître Tous ces éléments sont constitutifs du réseau, avec précision la position des organes et l’état au même titre que les câbles, les pylônes ou les du système électrique ; postes. Ils en constituent « le système nerveux », uu la commandabilité du réseau : il s’agit de pou- dans la mesure où, sans eux, le réseau électrique voir agir sur les constituants du système élec- ne pourrait être exploité. trique pour en adapter son exploitation. Pour pouvoir agir sur les composants du réseau, il C’est sur ces notions qu’est bâtie la téléconduite, est nécessaire d’être en mesure d’en connaître l’état. clef de voûte de l’exploitation du réseau. Figure 4.1 Ossature de contrôle-commande et télécommunications du réseau électrique Aujourd’hui Couche logicielle centralisée (SCADA) Lien télécom Technologie : Fibre (41 %) Cuivre 35 %) Contrôle-commande Radio 3G/4G (17 %) CPL (courant porteur au niveau local ligne) (5 %) Technologies : Faisceau hertzien (2 %) - Relais électromécaniques (15 %) Statut : - Cartes électroniques (47 %) Privé (57 %) - Numérique (38 %) Opéré (43 %) 98
L’OSSATURE NUMÉRIQUE 4 Développée depuis les années 1970, la structure fonctionnement du système, qui date des années actuelle de téléconduite s’appuie sur différentes 1920 – à l’époque où se sont mis en place les pre- couches logicielles ou matérielles remplissant cha- miers grands opérateurs de transport d’électricité. cune leur rôle dans le traitement de l’information. Le décret du 29 juillet 1927 (modifié en 1935, 1950, 1975 et 2011) pour l’application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie sti- Capter, protéger et agir : pule dans son article 61 (télécommunications) que le contrôle-commande « les entrepreneurs de distribution ou de transport sont tenus d’établir et d’entretenir, à leurs frais Au niveau local, des unités de contrôle-commande (…) les lignes télégraphiques ou téléphoniques ou sont installées dans chaque poste électrique. Les de signaux et (…) les installations radioélectriques dispositifs de contrôle-commande, qui captent en reconnues nécessaires par le service du contrôle continu des informations sur l’état des composants pour assurer la sécurité de l’exploitation ». Cette électriques, constituent le socle technique des fonc- exigence n’a été remise en cause ni par l’évolution tions de protection, d’observation et de commande du des techniques du transport d’électricité et des réseau. Ces dispositifs s’articulent avec le réseau de télécommunications, ni par des évolutions législa- télécommunication, qui permet la transmission des tives majeures qu’a connues le secteur électrique informations associées à ces différentes fonctions. (1946 et 2000). Le code de l’énergie, en applica- tion du décret du 30 décembre 2015 qui en codi- Les dispositifs de contrôle-commande ont été fie la partie réglementaire5, en maintient l’esprit déployés au fil du temps et intègrent différents puisqu’il prévoit dans son article R323-34 que « les stades d’avancées technologiques. Comme pour les gestionnaires des réseaux publics d’électricité et câbles, les postes ou les pylônes, différents paliers les titulaires d’autorisation de lignes directes dis techniques de contrôle-commande coexistent ainsi posent des systèmes de télécommunications indis sur le réseau français, traduisant des époques pensables au bon fonctionnement des ouvrages d’installation ou de renouvellement différentes. dont ils ont la charge ». D’abord conçus à base de relais électroméca- Ces moyens de télécommunications peuvent niques puis de cartes électroniques, les systèmes aujourd’hui être décrits de la façon suivante. de contrôle-commandes d’aujourd’hui s’appuient sur des calculateurs et des équipements numé- D’une part, ils sont caractérisés par une cohabita- riques4. À fin 2019, 38 % des postes disposent d’un tion entre des réseaux de télécommunications « pri- contrôle-commande numérique. vés » (possédés et exploités directement par RTE) et des réseaux « opérés » (possédés et exploités par un opérateur télécom, qui rend une prestation de Transmettre les données : les service à RTE). De manière très schématique, les réseaux de télécommunication activités relatives à la téléconduite et les activités les plus sensibles sont réalisées de manière préfé- Un système électrique s’appuie sur des réseaux de rentielle via un réseau privé, tandis que pour les télécommunication. applications tertiaires, l’infrastructure de télécom- munication est principalement détenue et exploi- L’exigence d’un couplage entre réseaux élec- tée par des opérateurs télécom, via une mise en triques et systèmes de télécommunication consti- concurrence systématique depuis l’ouverture du tue en réalité une exigence ancienne dans le marché dans le secteur des télécommunications. 4. À noter que la boucle de communication des différents équipements au sein du poste électrique (matériels à haute tension et équipements basse tension) s’est également numérisée en associant cuivre et fibre optique. 5. Dans le détail, le décret du 1er décembre 2011 en abrogeant l’article 61 du décret de 1927 avait déjà introduit cette exigence réglementaire dans son article 17. Par la suite, le décret de décembre 2015 abroge le décret de 2011 et introduit ce texte dans la partie réglementaire du code de l’énergie. SCHÉMA DÉCENNAL DE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU I ÉDITION 2019 99
D’autre part, le système électrique est un système Piloter le système et aider ouvert et en forte interaction avec de nombreux à la prise de décision : intervenants (producteurs, consommateurs, ges- la conduite et la supervision tionnaires de réseau de distribution, acteurs de marché, gestionnaires de réseau des pays voi- Les systèmes de conduite et de supervision sins). Les réseaux de télécommunications assurent assurent l’observabilité et la commandabilité du l’échange d’informations et d’ordres entre les diffé- système électrique via l’agrégation de l’ensemble rents niveaux (de la maille locale à la maille natio- des informations remontées des différents points nale), entre les opérateurs du réseau électrique du réseau. L’architecture de conduite du réseau (français ou européens) et avec les utilisateurs du repose sur une organisation hiérarchisée des fonc- réseau électrique (producteurs, consommateurs et tions de surveillance et de commande avec quatre distributeurs). À ce titre, il s’agit de réseaux très niveaux de conduite : surveillés sur le plan de la sécurité informatique. 1. un niveau national, réalisé par le centre de conduite (ou dispatching) national dont les mis- En troisième lieu, il s’agit d’un domaine où la tech- sions essentielles sont l’équilibre en temps-réel nologie est très évolutive. Au cours du temps, l’in- production-consommation, la gestion du plan de frastructure de télécommunication de RTE a évolué tension, la gestion des échanges aux frontières en fonction des technologies disponibles (cuivre, et la maîtrise des transits sur le réseau de grand fibre optique, radio 1G/2G/3G/4G, faisceaux hert- transport (400 kV - 225 kV) ; ziens, satellites...) et du service rendu associé 2. un niveau régional, effectué par plusieurs dis- (latence, résilience, garantie de service). Depuis patching locaux dont les missions essentielles les années 2000, la technologie fibre optique est consistent dans la surveillance des transits sur privilégiée pour les services de téléconduite. À ce les réseaux de répartition (63, 90 et 225 kV), la jour, plus de 23 000 km de câbles optique des- maîtrise de la topologie du réseau, le pilotage servent près de 1 200 sites électriques avec des de la tension par zones et la surveillance des connexions point à point le long des liaisons élec- injections aux nœuds électriques du réseau ; triques souterraines, ou via des câbles enroulés 3. un niveau intermédiaire, par groupements de autour des câbles de garde ou de phase, ou bien postes électriques, en charge de la surveillance encore intégrés dans ces mêmes câbles. des installations électriques ; 4. un niveau local situé dans chaque poste élec- Les réseaux de télécommunication déployés en trique pour protéger, surveiller et comman- propre par RTE sont peu redondants avec les der les équipements. Ce niveau permet d’agir infrastructures des principaux opérateurs com- localement en ultime secours ou dans certaines merciaux. Ils visent en effet à connecter des lieux phases de travaux. situés le plus souvent à l’écart des principales zones d’habitation (postes électriques, centrales En temps réel, RTE dispose de toutes les données nucléaires), et pour cette raison non ciblés en concernant la topologie et la valeur des grandeurs priorité par ces derniers. De plus, les réseaux électriques caractéristiques du fonctionnement du opérés ne sont pas conçus (en termes d’archi- système. Ces données sont traitées au sein d’outils tecture), maintenus et exploités avec les mêmes d’analyse et d’aide à la décision et les commandes objectifs que des réseaux privés adaptés à des nécessaires au bon fonctionnement du système besoins spécifiques. électrique sont renvoyées au niveau local via l’en- voi d’ordres automatiques ou manuels sur les dif- Enfin, il s’agit de réseaux stratégiques, soumis à férents matériels du réseau électrique. des règles de surveillance de plus en plus stricte dans le cadre de la lutte contre la cybercrimina- Globalement, les systèmes d’information actuels lité. Ce volet est réalisé sous la supervision de datent des années 2000 et sont en évolution l’Agence nationale de la sécurité des systèmes constante du fait de l’augmentation des données d’information (ANSSI) et n’est pas détaillé dans à traiter (augmentation du nombre d’entités à le SDDR. superviser) et des nouvelles possibilités d’analyse 100
L’OSSATURE NUMÉRIQUE 4 et d’action en temps réel via la généralisation des uu les services de performance pour maintenir un automates. haut niveau de qualité de l’électricité : il s’agit de limiter l’impact d’un défaut électrique (proté Aujourd’hui, les centres de dispatching s’appuient geabilité) grâce à des systèmes de protection sur une représentation de l’état du réseau grâce permettant, en cas de défaut, une mise hors au traitement de plus de 40 000 télémesures6 tension rapide et sélective des ouvrages et de relevées toutes les 10 secondes et de plus de rétablir l’alimentation des consommateurs au 350 000 télésignalisations7 relevées à chaque plus vite en cas de coupure. changement d’état des matériels (par exemple, uu les services d’optimisation, qui visent à maxi- disjoncteur ouvert ou fermé). Cet échange massif miser le volume de production renouvelable de données répond à des besoins de service de pouvant être accueilli sans modification de l’in- nature différente : frastructure de réseau (voir chapitre 3) ou à uu les services essentiels pour la sûreté et la sécu- gérer le renouvellement de manière plus per- rité du système électrique : il s’agit notamment formante (voir chapitre 2) via la mise en œuvre d’assurer l’observabilité et la commandabilité du d’une instrumentation numérique (capteurs ou réseau en cas de blackout, afin : automates). Cette hybridation entre les tech- •d’avoir une connaissance précise de l’état nologies électriques et numériques constitue des groupes de production (notamment les une opportunité pour repenser l’exploitation centrales nucléaires) pour maintenir l’alimen- du réseau de transport d’électricité, en faisant tation de leurs services auxiliaires et, en cas appel à des solutions moins coûteuses et plus de besoin, utiliser le réseau pour « renvoyer la flexibles permettant d’éviter le développement tension » ; de nouvelles infrastructures. • d’avoir une connaissance précise de l’état du réseau et la capacité à le manœuvrer à Au cours des prochaines années, l’enjeu principal distance afin de mettre en œuvre un plan consiste à achever la numérisation de certaines de reconstitution du réseau et de réalimen- infrastructures, à compléter le maillage par des ter le plus rapidement possible les zones de réseaux de télécommunication performants, et à consommation. mettre en œuvre de nouvelles fonctionnalités. 6. La télémesure correspond à la transmission, depuis un appareil de mesure (transformateur de courant ou de tension) situé dans un poste électrique, de la valeur d’une grandeur physique (courant ou tension) jusqu’aux outils de conduite du réseau. 7. La télésignalisation correspond à la transmission, depuis un appareil d’aiguillage (sectionneur ou disjoncteur) situé dans un poste électrique, d’un état (ouvert ou fermé) jusqu’aux outils de conduite du réseau. SCHÉMA DÉCENNAL DE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU I ÉDITION 2019 101
Le projet « Postes Intelligents » : un démonstrateur pour étudier la numérisation du réseau Dans le cadre d’un consortium industriel8 par- Ce démonstrateur vise trois objectifs : rainé par l’ADEME au titre du programme des 1. La conception et la mise en œuvre d’une investissements d’avenir, RTE a déployé plu- nouvelle architecture du contrôle commande sieurs innovations technologiques sur deux d’un poste électrique et l’utilisation de nou- postes électriques, pour démontrer en situa- veaux matériels à haute tension de mesure tion d’exploitation l’apport du numérique. Les dits à interface numérique, le tout utilisant postes retenus pour cette expérimentation sont la norme IEC 6185010 régissant les échanges BLOCAUX et ALLEUX9, deux infrastructures du d’information entre les équipements élec- réseau de transport contribuant à l’aiguillage triques intelligents. des flux induits par la production éolienne, dont 2. L’expérimentation de différents types de cap- le rythme d’implantation est très soutenu sur ce teurs pour connaître l’état des équipements du territoire. poste et mesurant les conditions d’environne- ment (météorologie locale) pour réaliser une Figure 4.2 Localisation de la zone de réseau environnant les démonstrateurs situés dans les postes de BLOCAUX et ALLEUX SORRUS CAUDIÈRE RUE BRAILLY-CORNEHOTTE ABBEVILLE SAUCOURT LE TREPORT LIMEUX VILLE-LE-MARCLET BEAUCHAMPS AIRAINES ARGOEUVES BOURBEL BLOCAUX CROIXRAULT AUMALE FOUILLOY NEUFCHATEL Réseau 400 kV ALLEUX Réseau 225 kV Réseau 90 kV FORGE-LES-EAUX 8. Outre RTE, le consortium rassemble Enedis, GE Solutions Grids, NOKIA, SCHNEIDER Electric, NEELOGY. 9. Le poste de BLOCAUX, situé sur la commune de Gauville dans la Somme, en dessous d’Amiens, est un nœud électrique structurant de la zone puisque raccordé d’une part au réseau 225 kV et d’autre part au réseau 20 kV du distributeur avec un échelon intermédiaire à 90 kV. De son côté, le poste de ALLEUX, situé sur la commune de Grandvilliers également dans la Somme, est un poste 90 kV raccordé au réseau 20 kV du distributeur. 10. C ette norme définit un standard pour assurer l’« interopérabilité pour les applications de protection et de contrôle ». 102
L’OSSATURE NUMÉRIQUE 4 surveillance en temps réel des matériels de Aujourd’hui, toutes les fonctions envisagées ini- poste et des liaisons aériennes. tialement ne sont pas encore pleinement opéra- 3. Une fois réalisés les deux objectifs précé- tionnelles. Pour autant, les enseignements ont dents, l’utilisation des informations pour créer été nombreux et l’héritage du poste intelligent de nouvelles fonctions de surveillance, voire est important sur le plan industriel puisque : d’automatisme à effet local incluant plusieurs uu la solution R#Space, qui deviendra le nou- postes électriques pour gérer la production veau standard interopérable de contrôle- éolienne de la zone, génératrice de contrainte commande de RTE, est largement inspirée sur le réseau de transport dans certaines des expérimentations réalisées avec les solu- situations défavorables. tions interopérables du poste de BLOCAUX ; uu le système de DLR 11 est en cours de déploie- Engagés en 2013, ces démonstrateurs ont ment dans les zones de contraintes d’éva- confirmé certains avantages de la numérisa- cuation d’éolien, bien que des analyses tion : diminution des câblages en cuivre au pro- complémentaires au projet doivent être fit de la fibre optique et réduction du nombre menées pour consolider les modélisations de bâtiments intermédiaires de relayage. testées12 sur le démonstrateur de BLOCAUX ; L’augmentation du nombre d’informations dis- uu les automates de supervision du réseau, qui ponibles sur le fonctionnement des matériels et s’inspirent du concept d’automates de zone l’architecture numérique retenue rendent pos- du démonstrateur de BLOCAUX, entrent dans sible les télé-opérations de maintenance depuis un processus de conception et de qualifica- le centre de maintenance de Lille minimisant les tion, via le projet NAZA13, pour définir une déplacements. architecture industrielle robuste et générali- sable sur toutes les zones de réseau forte- La mise en œuvre opérationnelle a aussi fait ment sollicitées par la production d’EnR. émerger des difficultés techniques telle que la synchronisation des équipements entre eux Les démonstrateurs de BLOCAUX et ALLEUX ont ou encore la représentation commune et pré- permis de gagner en maturité sur les techno- cise des données échangées. Ces complications logies numériques. Ces démonstrateurs sont sont autant d’écueils évités dans les extensions pérennes sur le réseau et conserveront leur industrielles de ce projet, à savoir les postes de fonction de laboratoire numérique en environ- nouvelles génération. Certaines fonctions avan- nement opérationnel. La stratégie d’hybridation cées telles que les automates de zone se sont décrite dans ce chapitre vise à réussir le change- révélées, sur le démonstrateur, plus complexes ment d’échelle pour ces solutions afin d’activer à mettre en œuvre en situation réelle, avec une les différents leviers de gains économiques. mise en service retardée malgré des résultats concluant en phase de maquettage. 11. Dynamic Line Rating : estimation dynamique de l’ampacité (courant) d’un conducteur aérien 12. L’une fondée sur un capteur installé directement sur la ligne électrique, l’autre réalisée grâce à des stations météorologiques localisées judicieusement. 13. Nouveaux Automates de Zones Adaptatifs SCHÉMA DÉCENNAL DE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU I ÉDITION 2019 103
4.2 La cible fonctionnelle pour l’ossature du réseau Au cours des prochaines années, plusieurs pro- permettre par ce biais de réduire les investissements grammes sont prévus pour renouveler l’ossature par rapport à un scénario tendanciel : il constitue du réseau, traitée dans ce chapitre, et l’adapter à ainsi un prérequis à la politique de « dimensionne- la transformation du mix électrique qui s’annonce. ment optimal » présentée au chapitre 3 et le support de la nouvelle politique de gestion des actifs articu- D’une part, certains dispositifs de contrôle-com- lée comme l’une des réponses au défi du « mur de mandes deviennent obsolètes et devront être renouvellement » à l’horizon 2030. renouvelés durant la période. Cette problématique s’apparente à celle qui est présentée au chapitre 2 Ce « socle numérique » consiste en des évolutions pour les liaisons, les pylônes et les postes. sur les contrôles-commandes, les liaisons télé- coms, l’instrumentation des composants du réseau D’autre part, l’accueil sur le réseau des nouvelles et les systèmes d’information (couche logicielle). installations de production prévue par la PPE ou le renouvellement du réseau électrique existant Dans cette partie, la cible fonctionnelle est présen- peuvent être réalisés à moindre coût en s’appuyant tée, articulée autour de la cible de 2030 (la partie sur un « socle numérique » plus étendu qu’au- suivante présente les aménagements proposés par jourd’hui. Ce « socle numérique » doit autoriser un RTE pour la mener à l’horizon 2035). meilleur contrôle des flux sur les lignes du réseau et Figure 4.3 Ossature de contrôle-commande et télécommunications du réseau électrique Aujourd’hui À la cible Couche Couche logicielle fonctionnelle logicielle centralisée centralisée (SCADA nouvelle génération + (SCADA) « système expert ») Lien télécom Lien télécom Technologie : Technologie Couche zonale : Fibre (41 %) de référence : automates Cuivre (35 %) Contrôle- Fibre optique de zone Radio 3G/4G (17 %) Radio 4G/5G commande au CPL (courant Faisceaux porteur ligne) (5 %) niveau local hertziens Faisceau hertzien (2 %) Technologies : Statut : •R elais électromécaniques (15 %) Statut : privé (73 %), Contrôle- Privé (57 %) • Cartes électroniques (47 %) opéré (27 %) • Numérique (38 %) commande au Opéré (43 %) niveau local Instrumentation Technologies : •R elais électromécaniques (0 %) des matériels • Cartes électroniques (0 %) (monitoring) • Numérique (100 %) 104
L’OSSATURE NUMÉRIQUE 4 Enjeux pour le contrôle- 100 M€/an, les budgets de renouvellement se mon- commande : 1 - Renouveler teront à environ 150 M€/an sur 2021-2030 puis les composants obsolescents devraient diminuer progressivement de manière à dans les postes électriques se caler à 120 M€/an après 2030. Les dispositifs de contrôle-commande déployés à À l’occasion des renouvellements des contrôles- partir des années 1970 sont vieillissants et s’ap- commandes, les paliers techniques les plus puient sur des technologies devenues obsolètes récents peuvent être déployés. Ces paliers sont (relais électromécaniques) qui en limitent les fonc- compatibles avec les exigences du nouveau tionnalités. En particulier, ces systèmes n’étant ni « socle numérique ». À partir de 2022, la solution surveillés ni redondés, leur rôle de protection pour R#Space14 dotera les postes de nouvelle généra- le système en cas de défaut électrique n’est pas tion d’une architecture totalement numérique et garanti. Par ailleurs, ils n’offrent pas les possibilités interopérable afin de favoriser la configuration et de maintenance à distance rendues possibles par l’évolution des fonctions et des automatismes sur les technologies numériques. le système électrique. La pyramide des âges des paliers de contrôle-com- Avec ce nouveau palier technologique, les évolu- mandes installés est à cet égard très éclairante et tions fonctionnelles doivent être facilitées et les permet de documenter le vieillissement « méca- dispositifs d’action et de surveillance pourront être nique » de ces composants ainsi que l’importance adaptés à l’état du système électrique dans la zone de l’effort de renouvellement à y consacrer. de surveillance, en tenant compte par exemple, de l’intermittence des flux liées à l’essor des énergies À compter de 2020, un effort accru de renouvelle- renouvelables, ou des problématiques propres aux ment des composants obsolescents sera à l’ordre consommateurs industriels de la zone. Ces nouveaux du jour. Cet effort se traduira par une augmenta- paliers permettent de réduire le temps d’indisponi- tion de 50 M€/an des budgets qui y sont consacrés. bilité des équipements, en minimisant les déplace- Ainsi, par rapport à une rythme tendanciel d’environ ments et en favorisant les conditions de sécurité. Figure 4.4 Pyramide des âges des paliers de contrôle commande installés par poste électrique 160 140 Nombre de dispositifs 120 100 80 60 40 20 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 Âge du dispositif Électromécanique Statique Numérique 14. RTE # Smart Protection and Automation Control Ecosystem – https://www.rte-france.com/fr/article/rspace SCHÉMA DÉCENNAL DE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU I ÉDITION 2019 105
Figure 4.5 Carte des postes électriques équipés de contrôle-commande numérique en 2019 et à la cible 2019 à la cible Technologie non numérique Technologie numérique R#SPACE 2 – Anticiper le renouvellement afin Compte tenu du rythme soutenu de développement d’optimiser le réseau pour l’insertion des EnR variables dans les différents scénarios, une des énergies renouvelables hypothèse de déploiement très rapide a initiale- ment été retenue par RTE. Cette cible, développée Le remplacement « tendanciel » des contrôles-com- en 2015, consiste à prévoir une numérisation de mandes conduirait à avoir doté tous les postes l’ensemble des systèmes de contrôle-commande d’une technologie numérique à l’horizon 2045. Cet d’ici 2030. Le coût de cette stratégie d’anticipation horizon est trop tardif par rapport aux échéances a été évalué à environ 80 M€ par an sur la période de déploiement de la cible fonctionnelle, et notam- 2021-2030. ment très largement postérieur aux jalons clés pour les enjeux de renouvellement (avec le « mur » Le travail plus approfondi de confrontation des de 2030) et le développement des EnR. études AMDEC15 et d’analyse des trajectoires de développement des énergies renouvelables, mené Il est donc prévu d’anticiper le renouvellement conjointement à l’élaboration du SDDR, conduit à de certains dispositifs de contrôle-commande revoir cet objectif et à repousser l’objectif de bas- afin de basculer plus rapidement vers les paliers cule de la totalité des contrôles commandes en numériques. numérique à l’horizon 2035. 15. A nalyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité : méthode d’évaluation des conséquences de divers évènements (aléas, défaillances) sur le fonctionnement d’un équipement et de l’impact sur le système auquel il appartient. 106
L’OSSATURE NUMÉRIQUE 4 Les deux systèmes de contrôle commande : Smart Electre et R#SPACE Smart Electre et R#SPACE sont deux solu- Dans le contexte d’un avenir de plus en tions contrôle-commande numérique avec des plus incertain, l’infrastructure haute-tension apports fonctionnels différents, bien qu’elles nécessite une plus grande flexibilité dans satisfassent toutes les deux aux fonctions son fonctionnement. En s’appuyant sur le essentielles d’un système contrôle-com- retour d’expérience des anciens paliers et mande : protéger – surveiller – commander. sur les réussites du démonstrateur du Poste Intelligent de Blocaux, RTE met au point un Le palier Smart Electre sera disponible, nouveau système de contrôle commande pour tout type de poste, à partir de 2019. 100 % numérique, ouvert, interopérable et Ses apports fonctionnels complémentaires sûr, socle des postes de nouvelle génération : concernent principalement la maintenance R#SPACE. par l’accroissement de la supervision et des interventions à distance qui permettent de R#SPACE sera disponible pour les postes les réduire le temps d’indisponibilité des équi- plus simples à partir de 2023 et les plus com- pements (gains sur les phases de diagnostic, plexes à partir de 2026. Cette solution palliera de première intervention voire de relance des les deux principales limites du palier Electre équipements), de faciliter le déploiement de (dont Smart Electre) en proposant : correctifs ou d’évolutions de leur configu- uu une numérisation intégrale, inspirée du ration. Ces télé-interventions réduisant les poste intelligent, permettant le partage de déplacements et le nombre d’intervenants toutes les données à l’ensemble des fonc- nécessaires, favorisent de fait les délais tions (une donnée pour plusieurs usages) de retour à la normale et les conditions de uu un modèle de données, maîtrisé par RTE, sécurité. selon la norme IEC 61-850. RTE est alors l’intégrateur fonctionnel du système, Au-delà des apports fonctionnels, cette solu- même si le modèle de données peut être tion de transition, a été conçue dans l’ob- partagé et enrichi par d’autres. jectif de réduire le coût de son déploiement (séparation des coûts de développement/qua- R#SPACE permettra d’intégrer, de manière lification des coûts du déploiement, assiette plus rapide et adaptée (en volume, en consis- concurrentielle élargie, jeux de spécifications tance et en coûts) de nouvelles fonctions uniques, méthodes d’installation innovantes). (support de plus de flexibilité) comme les Par ailleurs, cette solution présente les incon- automates, de nouveaux matériels haute ten- vénients d’une numérisation partielle et d’un sion et d’acquérir un nombre croissant d’infor- système numérique toujours propriété du mations sur l’état des ouvrages. fournisseur. Ceci limite fortement l’évolutivité de Smart Electre car chaque nouvelle fonction R#SPACE s’inscrit pleinement comme un doit être spécifiée, étudiée, développée, qua- des projets pivot de transformation de l’outil lifiée autant de fois que de fournisseurs (4) ce industriel aux enjeux des transitions énergé- qui nécessite des délais de plusieurs années, tique et environnementale permettant de tirer renchérit le coût de son déploiement compre- plus de profit de l’infrastructure électrique nant souvent des travaux de câblage. grâce aux apports de fonctions numériques. SCHÉMA DÉCENNAL DE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU I ÉDITION 2019 107
Enjeux pour le réseau de Figure 4.6 Chemins optiques déployés sur le territoire télécommunication : 1 – assurer au 31 décembre 2018 les services fondamentaux de sûreté du système électrique en cas de blackout, 2 – maintenir la performance et la qualité de l’électricité, 3 – optimiser le réseau existant pour les nouveaux usages La cible fonctionnelle repose, pour ce qui concerne les liens télécoms, sur l’utilisation de solutions privées et de solutions opérées. Les arbitrages entre ces types de solutions, ou les technologies utilisées pour ces liaisons de télécommunications, demeurent en revanche des points pour lesquels les orientations présentées dans le SDDR pourront être réinterrogées en fonction de la compétitivité relative des différentes solutions. Sur le fond, les services fondamentaux assurés par l’intrastructure de télécommunication doivent couvrir des besoins spécifiques en matière de rési- lience et de latence, tels que la continuité d’alimen- tation, en particulier en cas de blackout (sûreté du système et contribution à la sûreté nucléaire) ou le nécessaire pour réaliser ce renvoi de tension. La fonctionnement des systèmes de protection (sécu- cible fonctionnelle repose sur des liaisons pri- rité des biens et des personnes). vées pour cette fonction. Les services offerts par les liens de télécommuni- 2. Garantir l’observabilité et la conduite du cations peuvent être regroupés selon leur finalité. réseau en cas de blackout électrique : en cas de blackout électrique, aucun opérateur 1. Contribuer à la sûreté nucléaire en cas de télécom ne garantit la résilience de ses réseaux blackout électrique : en cas de rupture d’ali- et la continuité d’alimentation. Dans le cas du mentation (résultant par exemple d’un aléa système électrique, l’impossibilité de pouvoir climatique exceptionnel comme une tempête) utiliser les liens permettant de collecter les infor- ou de blackout, des exigences spécifiques sont mations sur l’état des composants du réseau fixées dans le référentiel de sûreté des cen- constituerait un événement dont les consé- trales nucléaires. Il est ainsi prévu que, même quences ne sont pas acceptables en matière privées d’une source externe d’alimentation de gestion du risque. L’absence d’information de leurs auxiliaires de sûreté, les centrales sur l’état du réseau et des groupes de produc- puissent fonctionner de manière ilotée ou en tion, l’impossibilité de manœuvrer à distance le utilisant leurs moyens de secours internes. Un réseau de transport ralentirait considérablement troisième niveau de protection est assuré par le la mise en œuvre du plan de sauvegarde, per- réseau : une procédure spécifique prévoit que la turbant la réalimentation progressive des sites tension puisse être rétablie par l’intermédiaire nucléaires et in fine des plus grosses zones de d’un renvoi de tension depuis un groupe de pro- consommation. Il est dès lors nécessaire de pré- duction disposant de la capacité de démarrer voir des niveaux de redondance, ou d’astreindre sans tension à ses bornes (groupe hydraulique l’infrastructure de télécommunications à des ou turbine à combustion). Une liaison télécom exigences précises. apte à fonctionner en situation de blackout est 108
L’OSSATURE NUMÉRIQUE 4 Ces services s’appuient depuis de nombreuses 4. Servir de support au « socle numérique » années sur une infrastructure privée de télécom- Enfin, l’infrastructure de télécommunication est munication, qui offre une meilleure garantie pour le support de services d’optimisation indispen- les fonctions d’observabilité et de commandabilité sables au « socle numérique ». Celui-ci permet : dans ces situations critiques. Pour ces différents uuune réduction des dépenses d’adaptation du services, la cible fonctionnelle est basée sur un réseau pour accueillir plus de 85 GW16 d’EnR réseau privé dont l’alimentation électrique est sur la période 2021-2030 ; assurée par les auxiliaires secourus des postes uuune modération des besoins de renouvelle- électriques, sur une technologie fibre optique, et ment du réseau en tirant parti d’une gestion sur une maîtrise des composants et des fournis- patrimoniale des actifs. seurs en lien avec les exigences fixées dans la loi de programmation militaire. Cette performance est conditionnée par le déploie- ment d’un nombre important de nouvelles solutions 3. Maintenir la performance du réseau élec- technologiques pour superviser et agir sur l’état du trique et la qualité d’électricité : les ouvrages réseau en temps réel (DLR, automates…). Celles-ci de RTE disposent de systèmes de protection, doivent bénéficier d’infrastructures de communica- afin de garantir la sécurité des biens et des per- tion adaptées, avec des temps d’intervention dans sonnes, permettant en cas de défaut une mise un délai de quelques secondes. hors tension rapide et sélective des ouvrages. Les délais de transmission requis sont compris S’agissant de cette catégorie, la cible fonctionnelle entre 4 et 10 millisecondes pour ces système de n’est pas prescriptive quant à la nature de l’in- protections et de téléaction, alors que les stan- frastructure (privée ou opérée) ou à la technologie dards des opérateurs télécom sont de l’ordre utilisée (la fibre est considérée comme le meilleur de 50 à 100 millisecondes. Ces performances moyen de rendre le service à courte échéance, mais du réseau de télécommunication sont indispen- ceci ne vaudra pas forcément à l’horizon 2030). sables pour la qualité de l’électricité, notamment Les solutions retenues sont les moins coûteuses, à pour rétablir l’alimentation des consommateurs niveau de service fixé. au plus vite en cas de coupure. Le volume associé à cette quatrième finalité Cette finalité est aujourd’hui assurée par un opé- demeure à préciser de manière fine. rateur de téléphonie et donc par une infrastructure opérée. Au vu du faible intérêt manifesté par les Pour l’ensemble des différentes finalités, l’atteinte opérateurs privés dont les services se concentrent intégrale de la cible fonctionnelle par la technologie sur les besoins grand public et afin d’accroître la fibre et sous la forme d’une infrastructure privée maîtrise des délais de maintenance, la qualité et conduirait à un investissement de près de 90 M€ l’évolutivité de ces services, l’orientation privi- par an pendant 10 ans, pour le raccordement de légiée consiste, à ce jour, à retenir une solution 1 700 nouveaux sites. Ce chiffre est néanmoins privée, sauf à ce que le service puisse être opéré très indicatif, dans la mesure où d’autres évolu- par un tiers à des conditions plus compétitives. La tions technologiques pourraient être intégrées à cible fonctionnelle privilégie la fibre optique, mais ce déploiement, notamment avec l’émergence de d’autres technologies sont envisageables, notam- la 5G17, en fonction de sa maturité technique et ment à l’horizon 2030. économique. 16. Objectifs hauts du projet de PPE concernant le PV et l’éolien (offshore et terrestre) à l’horizon 2028. 17. 5e génération des standards de téléphonie mobile, promettant des débits adaptés aux services traitant de grosses quantités de données (imagerie en trois dimensions voire holographique, Internet des objets, intelligence artificielle…). SCHÉMA DÉCENNAL DE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU I ÉDITION 2019 109
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