L'UQAM, pionnière dans l'enseignement des relations publiques

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                        Revue de communication sociale et publique
                        La communication à l'UQAM | 2020
                        La communication à l'UQAM

L’UQAM, pionnière dans l’enseignement des
relations publiques
UQAM: Pioneer in Public Relations Teaching

Stéphanie Yates

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/communiquer/5129
DOI : 10.4000/communiquer.5129
ISSN : 2368-9587

Éditeur
Département de communication sociale et publique - UQAM

Édition imprimée
Date de publication : 31 mars 2020
Pagination : 47-60

Référence électronique
Stéphanie Yates, « L’UQAM, pionnière dans l’enseignement des relations publiques », Communiquer [En
ligne], La communication à l'UQAM | 2020, mis en ligne le 31 mars 2020, consulté le 02 avril 2020.
URL : http://journals.openedition.org/communiquer/5129 ; DOI : https://doi.org/10.4000/
communiquer.5129

© Communiquer
L’UQAM, pionnière dans l’enseignement des
relations publiques
Stéphanie Yates, Ph. D.
Professeure, Département de communication sociale et publique
Université du Québec à Montréal, Canada
Stéphanie Yates est professeure au Département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à
Montréal (UQAM), titulaire adjointe de la Chaire de relations publiques et communication marketing de l’UQAM et
membre du Groupe de recherche en communication politique de l’Université Laval. Politologue de formation, elle
étudie le rôle des citoyens et des groupes d’intérêt dans la gouverne des États et des entreprises. Dans cette perspec-
tive, elle se penche sur les stratégies de médiatisation des acteurs publics et privés en lien au lobbyisme, à la partici-
pation publique, à l’acceptabilité sociale et à la responsabilité sociale des organisations. Elle s’intéresse également à
la communication environnementale. Partant d’une approche interdisciplinaire, elle a publié de nombreux articles et
chapitres dans des publications en communication, en science politique et en management. Elle a également dirigé
l’ouvrage Introduction aux relations publiques. Fondements, enjeux et pratiques, publié aux Presses de l’Université
du Québec en 2018.

Résumé
Les relations publiques ont mis du temps à s’imposer comme champ d’études légitime en communication, notamment
en raison des balbutiements de la profession, marqués par des pratiques douteuses sur le plan éthique. S’appuyant
sur les développements théoriques des années 1980, dont le modèle de l’excellence en relations publiques de James E.
Grunig, l’UQAM fait preuve d’audace en mettant sur pied, au milieu des années 1990, le premier programme en
Amérique du Nord entièrement consacré à l’enseignement des relations publiques en français. Dès le départ, des
liens étroits seront établis entre le programme et les milieux de pratique, ce que concrétise la création de la Chaire
de relations publiques et de communication marketing. La recherche associée à ce champ d’études prendra son
essor au fil de l’arrivée de professeures et professeurs spécialisés, entre autres, en communication de risque et de
crise, en communication politique, en stratégies de médiatisation, en analyse de discours et en usage des médias
socionumériques à des fins de relations publiques, faisant de l’UQAM un pôle important dans l’étude de ce champ et
une référence pertinente pour les milieux de pratique.
Mots-clés : relations publiques, Université du Québec à Montréal, modèle de l’excellence en relations publiques,
théorie de la Fully functioning Society, Chaire de relations publiques et de communication marketing;
Laboratoire d’analyse de presse Caisse-Chartier.

Abstract
UQAM: Pioneer in Public Relations Teaching
Public relations have been slow to establish themselves as a legitimate field of study in communications, partly
because of the beginnings of the profession, marked by ethically questionable practices. Building on the theoretical
developments of the 1980s, including James E. Grunig’s model of excellence in public relations, UQAM took the
bold step of establishing, in the mid-1990s, the first program in North America entirely devoted to teaching public
relations in French. From the outset, the program established close ties with practitioners; the Chaire de relations
publiques et de communication marketing was created in this perspective. The research associated with this field of
study will take off with the arrival of professors specializing, among other things, in risk and crisis communication,
political communication, media strategies, discourse analysis, and the use of social media for public relations
purposes. This research confers UQAM an important role in public relations study and a relevant reference for
practitioners.
Keywords: public relations, Université du Québec à Montréal, excellence model in public relations, Fully
Functioning Society Theory.

Certains droits réservés © Stéphanie Yates (2020)
Sous licence Creative Commons (by-nc-nd).
ISSN 2368-9587                                                                    communiquer.revues.org
48 | S. Yates                                                                 Communiquer, 2020(HS), 47-60

L’Université du Québec à Montréal (UQAM) a fait preuve d’audace en mettant sur pied,
au milieu des années 1990, le premier programme entièrement consacré à l’enseignement
des relations publiques dans le monde francophone. Il s’agissait d’un geste fort et d’un
positionnement pour le moins audacieux en regard de l’opprobre entourant encore la
profession à cette époque ; cette suspicion était d’ailleurs très présente au sein même du
milieu universitaire.

1. Un champ disciplinaire qui émerge tardivement
Il faut dire que les relations publiques ont mis du temps à s’imposer comme champ d’études
légitime en communication. De fait, les balbutiements de la profession sont marqués par
des pratiques qui empruntent largement à la psychologie, particulièrement en regard de la
marque laissée par Edward Bernays. Ce dernier, neveu du célèbre Sigmund Freud, n’hésite
pas à avoir recours à la psychanalyse pour « manipuler les consentements » (Bernays, 1947).
Lors de la Première Guerre mondiale, il mettra sa science au service du gouvernement fédéral
américain afin de convaincre de la nécessité, pour les États-Unis, de prendre part au conflit
en rejoignant les forces alliées. Au lendemain de la guerre, ses techniques de propagande
profiteront à divers clients qui participent à l’émergence de la société de consommation.
Les campagnes ainsi déployées réussissent certes à convaincre, mais souvent à coup de
dissimulation, voire de mensonge (à ce sujet, voir, notamment, Olasky, 2011). Les relations
publiques sont ainsi marquées, dès leur émergence, d’un certain stigmate qui leur confère
une connotation négative, dont on retrouve encore les traces à ce jour.

    Dans les années 1950, on assiste tout de même à l’institutionnalisation graduelle d’une
profession qui réclame sa légitimité. La Public Relations Society of America voit le jour
en 1947 et la Société canadienne des relations publiques (SCRP) est fondée à Montréal en
1948. Le siège social de l’organisation déménagera en Ontario en 1953, dans la foulée de sa
fusion avec la Public Relations Association of Ontario. La Société canadienne des relations
publiques, section Québec (SCRP-Québec), sera mise sur pied en 1965 en réponse à l’appel des
relationnistes francophones qui souhaitent obtenir davantage de services dans leur langue.
De fait, en 1972, des membres se dissocient de la SCRP-Québec et fondent l’Association des
relationnistes du Québec (ARQ). En 1984, celle-ci fusionnera à nouveau ses activités avec
la SCRP-Québec pour devenir la Société des relationnistes du Québec (SRQ) et prendra le
nom de Société québécoise des professionnels en relations publiques (SQPRP) en 2006, à la
suite d’un repositionnement stratégique. Ces associations professionnelles placent l’intérêt
public au cœur de la mission des relations publiques, la SCRP faisant sienne la définition
de Terry Flynn, Fran Gregory et Jean Valin (cités dans Yaxley, 2009) selon laquelle « [l]
es relations publiques sont la gestion stratégique, par le truchement de la communication,
des liens entre une organisation et ses différents publics afin de favoriser la compréhension
mutuelle, de réaliser ses objectifs organisationnels et de servir l’intérêt public 1 » (s. p.).
Cet accent sur l’intérêt public ne manque pas d’en faire sourciller plusieurs, alors que les
références à la propagande « à la Bernays » restent ancrées dans l’imaginaire collectif.
D’aucuns, et les médias au premier chef, sont ainsi prompts à dénoncer de fréquentes

1. Traduction libre de : « Public relations is the strategic management of relationships between an organization
and its diverse publics, through the use of communication, to achieve mutual understanding, realize organizational
goals, and serve the public interest ».
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« opérations de relations publiques » lesquelles, pointées de la sorte, sont associées à des
démarches manipulatoires souvent condamnables sur le plan éthique.

    Pourtant, les organisations, quelles qu’elles soient, doivent entrer en relation avec
leurs divers publics et ont donc besoin de professionnelles et professionnels qui auront
l’ouverture et la sensibilité requise pour ce faire. Cela est d’autant plus vrai que la société se
complexifie, notamment au tournant des années 1960, où on assiste à une industrialisation
massive : à la montée des revendications issues des nouveaux mouvements sociaux
concernant, par exemple, l’intégration et le respect des minorités, le droit des femmes ou
les droits civiques (Neveu, 2011) ; à l’émergence de la conscience environnementale à partir
des années 1970, notamment avec la publication, en 1962, du livre Silent Spring de Rachel
Carson ; et à la genèse de la mondialisation, quelques années plus tard (Dollfus, 1997). Les
relations publiques doivent également se définir par rapport au champ du marketing, qui
prend de l’ampleur à partir des années 1950 et qui, souvent, se présente comme fédérateur
de l’ensemble de la fonction communication managériale (Hutton, 2010), reléguant les
relations publiques à un simple rôle technique.

    Il faudra attendre les années 1980 pour que se structure un univers théorique autour des
relations publiques. On doit en grande partie ce travail à James E. Grunig, de l’Université
du Maryland, qui publiera, en 1984, avec Todd Hunt, l’ouvrage Managing Public Relations,
dans lequel il développe les bases de sa théorie. Dès lors, Grunig met de l’avant quatre
modèles de relations publiques qui correspondent plus ou moins aux approches ayant
marqué la profession à travers le temps, soit celui de l’agent de presse ou de la promotion,
de l’information au public, de la communication bidirectionnelle asymétrique et de la
communication bidirectionnelle symétrique.

     Le premier modèle 2, celui de l’agent de presse ou de la promotion (press agent/
promotion), suppose une communication unidirectionnelle émanant de l’organisation et
visant à mettre en évidence des aspects strictement positifs de celle-ci. De fait, c’est un
modèle proche de la publicité ou de la propagande, en vertu duquel tous les moyens sont
bons, y compris la ruse et le mensonge, pour arriver à ses fins. Le deuxième modèle, celui
de l’information au public, correspond également à une communication unidirectionnelle
émanant de l’organisation, les informations ainsi communiquées répondant toutefois
davantage aux attentes et aux besoins des publics, ou aux différentes « attentes sociétales »
(Heath et Palenchar, 2009). Il y a donc esquisse d’une bidirectionnalité, même si
l’information diffusée demeure en grande partie favorable à l’organisation. Par exemple,
une entreprise qui divulguerait de l’information sur ses rejets polluants dans son rapport
annuel mettrait de l’avant une approche communicationnelle s’apparentant à ce modèle.
Le troisième modèle, celui de la communication bidirectionnelle asymétrique (two-way
assymetrical communication), comme son nom l’indique, permet une communication à
double sens, divers mécanismes permettant aux publics de faire connaître leurs points de vue
auprès de l’organisation. La communication est toutefois qualifiée d’asymétrique, puisque
cet apport des publics n’influe pas directement la prise de décision, qui relève strictement
des organisations, lesquelles sont, au demeurant, peu enclines à faire évoluer leur point de
vue. Ce serait également le cas d’une stratégie communicationnelle faisant appel au sondage
ou à une journée portes ouvertes, par exemple. Enfin, le modèle de la communication
bidirectionnelle symétrique (two-way symmetrical public relations) implique une réelle
participation des publics à la prise de décision organisationnelle, puisqu’il y a interinfluence
véritable entre les différents interlocuteurs ou parties prenantes à la discussion, autant
du côté de l’organisation que des divers publics. Dans un tel contexte, le contenu de la
communication organisationnelle reflète à la fois les besoins en matière d’information

2. Cette portion du texte est largement inspirée de Yates et Turbide (2018).
50 | S. Yates                                                                Communiquer, 2020(HS), 47-60

des différents publics et ceux de « plaidoyer » (ou d’advocacy) de l’organisation (Grunig,
2009). Le concept de symétrie est central à ce modèle. Il réfère à la volonté, de part et
d’autre, de saisir les différents points de vue mis de l’avant et de demeurer ouvert à faire
évoluer sa propre vision de l’enjeu discuté, quitte à laisser tomber certaines conditions
ou revendications. Ainsi, « les organisations obtiennent davantage ce qu’elles souhaitent
lorsqu’elles laissent tomber une part de ce qu’elles souhaitent 3 » (Grunig et White, 1992,
p. 46).

    De façon plus large, le modèle de la communication bidirectionnelle symétrique
s’inscrit dans la « théorie de l’excellence » (Grunig, 1992), une approche normative qui
vise à orienter vers un idéal la pratique des relationnistes – alors qu’un modèle positiviste
viserait plutôt à décrire les pratiques telles qu’elles se manifestent concrètement (Grunig,
2009). Dans la foulée de cette première théorisation, achevée en 2002 avec la publication de
l’ouvrage Excellence in public relations and communication management (Grunig, Grunig
et Dozier, 2002), des chercheuses et chercheurs en communication se penchent plus avant
sur la notion de dialogue, implicite à la notion de symétrie, en tentant de déterminer des
caractéristiques qui permettraient de statuer qu’une relation établie entre une organisation
et ses publics s’avère en effet être de nature dialogique. Ces écrits s’inscrivent dans ce qu’on
appellera le « courant relationnel », ou le modèle des « relations publiques dialogiques »
(Kent et Taylor, 2002 ; Ledingham et Bruning, 2000).

    Ceci dit, l’approche normative prônée par Grunig et les tenants du courant relationnel
n’est pas sans susciter des réactions parmi d’autres chercheuses et chercheurs en
communication, qui critiquent ce qu’ils perçoivent comme une vision idéalisée qui tient peu
compte des réalités vécues sur le terrain, qu’il s’agisse de la difficulté, pour les organisations,
de concilier leurs intérêts avec ceux, divers, de leurs différents publics (Cancel et al., 1997),
ou encore des relations de pouvoir, peu propices à l’établissement d’une relation symétrique
entre une organisation et ses publics (Cheney et Christensen, 2001 ; Leitch et Neilson, 2001 ;
L’Étang et Pieczka, 2006). D’autres avancent qu’une approche symétrique n’est pas toujours
souhaitable puisqu’elle peut poser des enjeux éthiques importants lorsque mise de l’avant
dans certaines circonstances – avec des groupes terroristes, par exemple – ou lorsque le
consensus est recherché à tout prix (Stoker et Tusinsky, 2006). D’autres soutiennent enfin
que la communication bidirectionnelle symétrique peut contribuer à maintenir l’hégémonie
que les acteurs dominants (l’État ou les entreprises) exercent sur les acteurs sociaux, en
servant d’exutoire aux tensions entre les dominés et les dominants (Roper, 2005). Bref,
on assiste, au tournant des années 2000, à un foisonnement de la recherche en relations
publiques, à laquelle on peut désormais aussi associer des approches critiques.

    C’est en 1975 qu’apparaît la Public Relations Review, la première revue disciplinaire
faisant place aux personnes chercheuses et praticiennes du domaine. Le Journal of
Public Relations Research suivra, en 1989, de même que le Journal of Communication
Management, créé en 1996, puis, enfin, la revue PRism, qui voit le jour en 2003. Ainsi,
la multiplication des publications scientifiques d’envergure internationale spécifiquement
consacrées aux relations publiques témoigne d’une certaine consolidation du champ
disciplinaire.

2. Les relations publiques à l’UQAM
À l’UQAM, l’idée de développer un programme de baccalauréat spécifiquement consacré aux
relations publiques est évoquée dès la fin des années 1980. À l’initiative de Gaétan Tremblay,
professeur du Département des communications, un comité de travail est mis sur pied en
3. Traduction libre de : « organizations get more of what they want when they give up some of what they want ».
L’UQAM, pionnière dans l’enseignement des relations publiques | 51

1989 ; le projet est piloté conjointement par la Famille des Lettres et Communications et
par l’École des sciences de la gestion. Bien que l’idée d’introduire un tel programme au
sein d’un département qui forme aussi des journalistes soit contestée – pour certains, cela
n’équivaut à rien de moins que de « faire entrer le loup dans la bergerie » ! – le projet sera
par ailleurs défendu par des professeures et professeurs convaincus de sa pertinence, dont
Enrico Carontini et René-Jean Ravault.

    Dans le document de présentation du projet, on justifie le besoin d’un nouveau programme
dédié aux relations publiques en invoquant, déjà, la complexité croissante du monde des
organisations, caractérisée par une ouverture des communications organisationnelles,
à l’interne et à l’externe, grâce « au développement quasi exponentiel des technologies
communicationnelles » (UQAM, 1992, p. 4). Le projet de baccalauréat s’appuie notamment
sur une étude de la Société canadienne des relations publiques qui déplore, dans un
document intitulé Les programmes d’études en relations publiques au Canada (1988),
qu’il n’existe alors aucune formation universitaire complète de premier cycle au Québec
portant spécifiquement sur les relations publiques 4. Des représentantes et représentants
de la Société des relationnistes du Québec et, plus largement, plusieurs professionnelles
et professionnels québécois de renom se montrent quant à eux enthousiastes à l’idée de la
création d’une telle formation et signent une lettre d’appui formel au projet.

    En faisant notamment référence aux conclusions de la Commission on Undergraduate
Public Relations Education (1987) et aux tendances dégagées par les chercheuses et
chercheurs du domaine s’étant penchés sur la formation en relations publiques (dont
Gibson, 1987 ; Grunig et Grunig, 1989 ; Turk, 1989, cités dans UQAM, 1992), le projet
uqamien insiste sur l’importance d’une formation générale en sciences humaines – qui serait
comblée par l’intégration de cours en sciences de la gestion – et aux aspects théoriques et
pratiques nécessaires à un éventuel programme de relations publiques. Ce sont les principes
de base à partir desquels sera élaboré le programme, qui s’appuie aussi très clairement
sur la perspective normative proposée par le modèle de l’excellence de Grunig. D’ailleurs,
l’UQAM décernera, en 2011, un doctorat honoris causa à Jame E. et Larissa A. Grunig,
en reconnaissance de « l’apport déterminant de leur contribution à la recherche théorique
et empirique dans le domaine des relations publiques et des communications ainsi que la
qualité innovante, fédératrice et humaniste de leur œuvre 5 ».

    Le programme de communication (relations publiques) se donne comme objectif de
      [f]ormer des personnes aptes à identifier les enjeux sociaux auxquels une organisation est
      susceptible d’être confrontée et à établir les politiques, stratégies et programmes destinés à les
      gérer au meilleur des intérêts de l’organisation, dans le respect des publics avec lesquels elle est
      appelée à interagir et des règles d’éthique de la profession 6 (UQAM, 1992, p. 48).

4. Dans le Canada anglophone, on compte alors un seul programme de baccalauréat en relations publiques, soit celui
de la Mount Saint Vincent University, à Halifax. Des formations en relations publiques qui ne correspondent toutefois
pas à un baccalauréat sont par ailleurs accessibles au Québec, que ce soit le Certificate in Public Relations Management
de l’Université McGill, le certificat en relations publiques de l’Université de Montréal ou la concentration en relations
publiques offerte dans le cadre du baccalauréat en communication de l’Université Laval. En contexte québécois, la
situation est demeurée assez similaire depuis (Gagné, 2018), l’UQAM continuant de faire figure d’exception avec un
baccalauréat entièrement consacré à l’apprentissage des relations publiques.
5. https://salledepresse.uqam.ca/communiques-de-presse/general/1428-doctorat-honoris-causa-grunig
6. Il s’agit du premier objectif général du programme proposé, qui en compte un total de quatre. Le deuxième objectif
général est de « [f]ormer des personnes aptes à concevoir et à gérer les modes d’intervention entre l’organisation et
les différentes composantes de son milieu ». Le troisième est de « [f]ormer des personnes aptes à analyser et évaluer
les processus qui sous-tendent les relations interpersonnelles et groupales, tant au sein de l’organisation qu’avec les
différentes composantes de son milieu, et à intervenir sur ces processus ». Le quatrième objectif, enfin, est de « [f]
ormer des personnes aptes à utiliser les méthodes et techniques qui sous-tendent les communications orales, écrites
et médiatiques » (UQAM, 1992, p. 49-51).
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    Danielle Maisonneuve fera son entrée comme professeure spécialisée en relations
publiques en 1996. Son mandat de directrice du tout nouveau programme est titanesque.
Elle doit recruter les enseignantes et enseignants qui l’aideront à donner les tout nouveaux
cours prévus au programme – et à les encadrer en ce sens – tout en enseignant et en
développant elle-même plusieurs contenus. Dès le départ, des liens étroits sont établis avec
les milieux de pratique, plusieurs personnes chargées de cours étant recrutées parmi des
professionnelles et professionnels en activité. Le fait que le programme prévoit deux stages
en organisations contribue à établir une proximité durable avec les milieux de pratique,
une des marques fortes du nouveau programme. Celui-ci s’avère être un franc succès, les
demandes d’admission dépassant chaque année de plus de six fois le nombre d’étudiantes
et étudiants admis (de 60 nouvelles étudiantes et nouveaux étudiants par année, on passe
à des cohortes de 90 étudiantes et étudiants à compter de 2008). Le programme fera
l’objet de nombreux changements au fil des années afin de mieux répondre aux attentes
des étudiantes et étudiants et des milieux de pratique ; en 2016, il sera revu en profondeur
afin de refléter les nouvelles réalités de l’univers des relations publiques – notamment les
bouleversements intervenus sur le plan médiatique (Motulsky, 2018) en raison de la montée
en puissance des médias socionumériques (Grunig, 2009).

    En parallèle à son enseignement et à l’encadrement des personnes chargées de cours
récemment recrutées, Danielle Maisonneuve se consacre à la mise sur pied de la Chaire de
relations publiques, qui voit le jour en 2002 (elle deviendra la Chaire de relations publiques
et de communication marketing en 2008). Si la chaire se veut un pôle de recherche dans
la discipline, elle permettra surtout, dans ses premières années, la réalisation de mandats
concrets de relations publiques, auxquels seront régulièrement associés les étudiantes et
étudiants. Ces derniers seront encadrés, pour ce faire, par des personnes chargés de cours
et professionnelles du milieu, dont au premier chef, Pierre Bérubé, embauché à l’UQAM
en 1998 et au cœur du quotidien de la chaire afin de soutenir ses activités. Le passage à
l’UQAM de Marcel Barthe, praticien hautement respecté, permet de consolider la place de
la chaire auprès des milieux de pratique. Au fil des années, la chaire fédère des chercheuses
et chercheurs d’autres universités œuvrant dans le champ des relations publiques. Dans
la foulée de son embauche comme professeur à l’UQAM, Bernard Motulsky en prendra la
direction en 2009 et continuera d’entretenir des liens étroits avec les milieux de pratique.

    Le fait que les relations publiques soient désormais enseignées au Québec dans un
programme qui leur est entièrement consacré a des répercussions importantes dans les
milieux de pratique. Au premier chef, les théories de James E. Grunig percolent désormais
dans les milieux socioprofessionnels québécois, où on s’approprie graduellement ces
principes en référant de plus en plus souvent à l’idéal de la communication bidirectionnelle
symétrique. Certes, le processus d’agrément de la Société canadienne de relations publiques
véhicule aussi ces théories, mais les professionnelles et professionnels québécois agrégés –
lesquels ont dû se familiariser avec les théories de Grunig en vue de l’examen d’agrément
conférant le titre de ARP – demeurent très peu nombreux. Ainsi, le fait que l’UQAM, par la
voix de Danielle Maisonneuve, mette de l’avant ce modèle a certainement contribué à son
appropriation par les milieux de pratique. On peut penser que cette percée théorique au
sein de l’industrie a participé au processus de légitimation de la profession, alors que les
relationnistes avaient désormais des bases théoriques concrètes pour appuyer et justifier
leurs démarches.

    En 1998, l’ouvrage phare de Danielle Maisonneuve, Les relations publiques dans une
société en mouvance, publié aux Presses de l’Université du Québec et qui sera réédité
trois fois (1999, 2003 et 2010) concrétise le leadership de l’UQAM dans le domaine, à la
fois auprès des milieux universitaires et de pratiques. En plus de présenter, en français,
les principales théories en relations publiques, l’ouvrage insiste sur les bonnes pratiques
L’UQAM, pionnière dans l’enseignement des relations publiques | 53

liées aux différentes facettes du métier de relationniste. Il trouvera écho dans toute la
francophonie. Les Presses de l’Université du Québec lanceront d’ailleurs, en 1999, la
collection « Communication et relations publiques », dont Danielle Maisonneuve sera la
première directrice. À ce jour, 32 titres ont été publiés dans cette collection, dont plusieurs
sont devenus des ouvrages de référence, que ce soit sur le plan théorique (Sauvé, 2010), en
matière d’éthique (Cossette, 2013), en ce qui concerne la gestion de crise (Maisonneuve,
Saouter et Char, 1999), le protocole (Dussault, 2009) ou l’organisation d’événements
(Branchaud, 2009).

    L’UQAM jouera également un rôle important en matière d’analyse du discours
médiatique : le Laboratoire d’analyse de presse Caisse-Chartier est ainsi constitué en 2001,
sous l’impulsion de Lise Chartier, dont la méthode Morin-Chartier (Leray, 2008) est encore
utilisée à ce jour pour évaluer, pour le compte de divers clients, l’orientation et la visibilité
des discours tenus dans les médias traditionnels (journaux, radio, télévision) et sur les
nouveaux médias (médias socionumériques et blogues). Pierre Bérubé prendra la direction
du Laboratoire de 2008 à 2013, avant que Nadège Broustau, de 2014 à 2016, puis, Olivier
Turbide, depuis 2016, ne prennent la relève.

3. Un rôle qui se consolide en matière de recherche
Au fil des années, l’arrivée à l’UQAM de professeures et professeurs et de personnes chargées
de cours intéressés par l’étude de phénomènes étroitement liés aux relations publiques a
permis le développement de divers créneaux de recherche. Fidèles à l’approche uqamienne,
ceux-ci se sont développés de concert avec les réflexions et les interrogations qui animent
les milieux de pratique.

   Solange Tremblay et Thérèse Drapeau, qui s’intéressent à la communication liée
à la notion de développement durable et aux responsabilités des communicateurs
en cette matière, rédigent, de concert avec Danielle Maisonneuve, la Déclaration des
communicateurs et des professionnels en relations publiques du Québec à l’égard du
développement durable. Cette déclaration sera signée le 4 octobre 2006 par les principaux
regroupements professionnels de l’industrie (une copie de la déclaration est présentée dans
Tremblay, 2007) et contribuera à conscientiser les relationnistes du milieu sur la question
environnementale.

    En plus de s’intéresser à la communication en temps de crise, Pierre Bérubé se penche
quant à lui sur la communication de risques, un champ disciplinaire en plein essor qui trouve
toute sa pertinence dans le contexte de la multiplication des risques liés aux catastrophes
naturelles, notamment attribuables aux changements climatiques. Sa thèse de doctorat,
réalisée à l’UQAM, s’intéresse ainsi aux systèmes d’alerte et à la communication en situation
d’urgence (Bérubé, 2012). Dans une perspective similaire, Bernard Motulsky se penche sur
la communication de risques, mais cette fois en rapport avec la nécessaire adaptation aux
changements climatiques. À ce titre, il joue une part active au sein du Réseau Inondations
intersectoriel du Québec (RIISQ) en tant que responsable des communications et membre
du comité de gestion.

    L’arrivée de Stéphanie Yates à l’UQAM a par ailleurs permis au Département de
communication sociale et publique de s’inscrire plus directement dans le champ de la
communication politique. Ses recherches portent sur les stratégies de médiatisation mises
de l’avant par différents acteurs lorsqu’ils déploient des activités de lobbyisme (Yates et
Hudon, 2016) et, plus généralement, sur l’encadrement de ces activités (Yates, 2018a).
Elle se penche également sur la notion d’acceptabilité sociale et sur ses implications en
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matière de gouvernance et d’approche communicationnelle (voir, notamment, Yates, 2019 ;
Yates et Arbour, 2016). Étroitement liée à la notion d’acceptabilité sociale, la participation
publique constitue également un de ses champs d’intérêt (Gendron, Yates et Motulsky,
2016). Stéphanie Yates est d’ailleurs l’une des rares chercheuses à faire le pont entre la
littérature sur les relations publiques et celle sur la participation publique, qui toutes deux
font référence à la notion de dialogue (Yates, 2015).

    Les recherches d’Olivier Turbide s’inscrivent également dans le champ de la
communication politique. Spécialisé en analyse du discours et des interactions médiatiques
et politiques, il s’intéresse à la gestion de l’image publique d’organisations (Saïdi et
Turbide, 2019) et d’acteurs politiques (voir, notamment, Turbide, 2017, 2018) en contexte
de controverse publique, incluant les stratégies mobilisées sur différents espaces (presse,
télévision, médias socionumériques) par ceux-ci pour affiner, voire restaurer leur image.
En parallèle, cet intérêt pour le fonctionnement des controverses l’amène à étudier les
dynamiques de la communication médiatique conflictuelle – de la radio de confrontation
(Turbide, 2015) en passant par le phénomène de confrontainment (Turbide et Laforest,
2015) jusqu’à l’incivilité sur les plateformes numériques (Turbide, 2019) – qui imposent
de nouvelles contraintes communicationnelles aux professionnelles et professionnels des
relations publiques.

     Nadège Broustau, embauchée comme professeure à l’UQAM en 2012 et aujourd’hui
professeure à l’Université libre de Bruxelles et professeure associée chez nous, a, quant à elle,
développé une réflexion poussée sur les rapports entre les professionnelles et professionnels
de la communication et les journalistes, de même que sur les représentations médiatiques
et l’argumentation dans les débats publics (Broustau, 2018 ; Broustau et Francoeur, 2017).

    Enfin, l’arrivée récente à l’UQAM du professeur Camille Alloing consolidera la place du
Département de communication sociale et publique dans l’analyse de l’usage des médias
socionumériques à des fins de relations publiques, un sujet exploré par Stéphanie Yates
(Yates et Arbour, 2013) et par Olivier Turbide (2017a, 2017b), ainsi que par certains collègues
du département – principalement Mélanie Millette et Alexandre Coutant – pour qui les
relations publiques constituent par ailleurs un phénomène périphérique par rapport à leurs
intérêts premiers de recherche. Ses travaux portant sur la construction de la réputation des
organisations dans des espaces numériques (Alloing, 2016), le développement des approches
affectives par les relationnistes (Alloing et Pierre, 2017), la circulation des rumeurs en
ligne durant des situations de crise (Alloing et Vanderbiest 2018) ou plus généralement la
mesure des publics et des actions des organisations sur le Web (Alloing, 2020) renforceront
sans aucun doute le rôle de l’UQAM dans le développement de recherches et de pratiques
innovantes en relations publiques.

    La recherche telle qu’elle se fait actuellement en relations publiques à l’UQAM est donc
particulièrement riche et pertinente sur les plans scientifique et social. Les chercheuses et
chercheurs de l’UQAM, loin de travailler en vase clos, sont actifs dans divers groupes de
recherche, souvent de nature interdisciplinaire. Par exemple, conjointement avec la collègue
Johanne Saint-Charles, Stéphanie Yates mène des recherches sur la participation citoyenne
en contexte ouest-africain, le tout sur la base d’une collaboration avec des chercheuses
et chercheurs issus des domaines médical et environnemental (Yates et al., 2018). Elle
collabore aussi étroitement avec des chercheuses et chercheurs de l’École des sciences de
la gestion et du Département des sciences de la terre et de l’atmosphère de l’UQAM en
rapport avec le développement d’un indice du risque social des projets miniers (Bergeron
et al., 2015 ; Yates et al., 2016). Pour sa part, Olivier Turbide collabore avec des experts en
linguistique afin de mener ses recherches sur le discours conflictuel (Turbide et Laforest,
2015). Bernard Motulsky, on l’a dit, joue un rôle important au sein du RIISQ, composé
L’UQAM, pionnière dans l’enseignement des relations publiques | 55

de plus d’une centaine de chercheuses et chercheurs issus d’une variété de disciplines
(santé publique, climatologie, génie civil, géographie, psychologie, etc.), de même que des
partenaires publics, parapublics et privés.

    Les chercheuses et chercheurs de l’UQAM ont également le souci très clair de diffuser
leurs résultats auprès des communautés de pratique, souvent par l’entremise de conférences
auprès de ces milieux, qui les sollicitent régulièrement. De par leurs recherches, ils
contribuent ainsi à l’évolution des différentes facettes des relations publiques telles qu’elles
se déploient en contexte contemporain.

4. Le temps des relations publiques 7
La publication de l’ouvrage Introduction aux relations publiques. Fondements, enjeux
et pratiques, paru en 2018 aux Presses de l’Université du Québec sous la direction de
Stéphanie Yates (Yates, 2018b), a permis de réaffirmer le leadership de l’UQAM en matière
de relations publiques. L’ouvrage regroupe en effet les contributions de 25 collaboratrices et
collaborateurs, issus des milieux universitaires et de pratique, qui se penchent sur différents
aspects de la profession pour faire ressortir les enjeux – parfois nouveaux – qui émergent
relativement à celle-ci : fausses nouvelles, instantanéité, rôle incontournable des médias
socionumériques, acceptabilité sociale en tant que nouvel impératif, pour n’en nommer que
quelques-uns. L’ouvrage s’intéresse aussi aux implications de ces enjeux sur les pratiques.
Fait non négligeable, il a aussi été l’occasion de faire le point sur les nouveaux apports
théoriques en relations publiques, notamment avec la théorie de la fully funtioning society
défendue par Robert L. Heath.

    Cette théorie 8 se veut une réponse aux critiques formulées à l’endroit du modèle de
l’excellence de Grunig. Elle conçoit d’abord que les relations publiques contribuent au bon
fonctionnement de la société en permettant l’établissement d’un dialogue de qualité entre
les différents acteurs composant celle-ci (Heath, 2013). Les relations publiques sont ainsi
conçues comme un phénomène catalyseur qui renforce les relations entre les organisations
et les citoyens et qui favorisent le maintien de communautés en permettant une prise de
décision plus éclairée (Heath, 2006).

     Dans cette perspective, il s’agit pour l’organisation de « construire du sens » non plus
à partir de ce qui est dans son intérêt propre, mais plutôt sur la base de ce qui est dans
l’intérêt du public, vu comme un point de départ permettant de construire un sens partagé
par la suite (Heath, 2006). Ce processus fait appel à la notion de management réfléchi
(reflective management), où il s’agit, pour l’organisation, de comprendre quels sont ses
intérêts en fonction l’environnement où elle évolue 9 (Holmstrom, 2004). La légitimité de
l’organisation – qu’on pourrait associer à son « permis social d’opérer » (Owen et Kemp,
2013) – et la création de sens autour de ses activités sont ainsi issues d’un processus de
coconstruction développé avec les acteurs sociaux, à travers des démarches qui relèvent
à la fois de l’information, de la persuasion et d’interventions relationnelles ou discursives
(Van Ruler et Vercic, 2005).

    La théorie de l’excellence de Grunig évacue en quelque sorte les procédés rhétoriques en
concevant le dialogue comme un processus « neutre » au sein duquel les acteurs acceptent
de mettre leurs intérêts et leurs préférences de côté pour qu’émerge une vision commune de
l’enjeu discuté, à travers les jeux d’interinfluence. La fully functioning theory reconnaît pour
7. L’expression est de Guy Versailles, ARP, FSCRP, PRP, qui a publié un essai sur la question (Versailles, 2019).
8. Le développement autour de la théorie de la fully funtioning society est très largement inspiré de Yates et Turbide
(2018).
9. Le mot réfléchi est donc ici associé à l’idée de reflet.
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sa part que les acteurs sont porteurs d’intérêts et qu’ils déploient des procédés rhétoriques
pour les faire valoir (Coombs et Holladay, 2007). Ils le font toutefois en tenant compte du
« reflet » de l’environnement où ils s’inscrivent, selon le principe du management réfléchi
auquel nous venons de faire référence. Le tout est susceptible de mener à un plaidoyer
responsable (responsive advocacy) de la part de l’organisation. La notion de responsabilité
implique que les organisations doivent demeurer ouvertes au dialogue, et donc aux
principes de la démocratie délibérative (Heath, 2013), et fournir les conditions pour que
celui-ci puisse s’exercer.

    En somme, la vision du dialogue telle que la propose Heath raffine la notion de symétrie,
en tenant compte de la force des idées contestées et débattues dans l’espace public. Ainsi,
l’égalité entre les différentes parties en présence, à la base du concept de symétrie, tient
jusqu’à ce que leurs idées respectives soient mises en examen, à travers le dialogue :
     Cette vision de la symétrie suppose une égalité dans le droit de parole, mais ne suppose pas que
     tous les points de vue sont égaux dans leur puissance rhétorique. À travers la persuasion et la
     contre persuasion, certaines idées gagnent et d’autres perdent, et ce, même lorsque les parties
     finissent par en arriver à une décision mutuelle qui soit satisfaisante pour tous 10 (Heath, 2001,
     p. 35).

    Dans cette perspective, le dialogue ne mène pas nécessairement au consensus, lequel
a trop souvent été associé, selon plusieurs (Theunissen et Rahman, 2015 ; Stoker et
Tusinski, 2006), au concept de communication bidirectionnelle symétrique. Ainsi, même
si l’intersubjectivité et l’interinfluence issues des processus dialogiques ne mènent pas
nécessairement à un consensus, une entente « suffisante » ou un certain degré d’accord
(concurrence of views) permet aux parties en présence de poursuivre le dialogue dans un
esprit de « coopération compétitive » (Heath, 2001).

    Cet apport théorique, partagé par Stéphanie Yates et Olivier Turbide (2018) dans un
des chapitres de l’ouvrage Introduction aux relations publiques, mais également lors de
conférences destinées aux milieux professionnels, a été reçu avec un certain soulagement
par les milieux professionnels. Ces derniers ont en effet longtemps été mal à l’aise avec
les préceptes normatifs prônés par Grunig, lesquels s’avèrent difficiles à concilier avec les
réalités du terrain. En effet, contrairement à la conception initiale de la notion de symétrie,
le relationniste n’est pas neutre : il est payé par un employeur ou un client qui a une idée
bien précise des objectifs qu’il souhaite atteindre. Dans ce contexte, cet employeur, ou ce
client, s’attend à ce que le relationniste défende la position de l’organisation et use pour
ce faire d’une communication persuasive efficace, d’une stratégie argumentative finement
réfléchie qui nous éloigne définitivement de la posture idéale – neutre – prônée par Grunig.
Il semble donc que pendant des années a persisté une certaine déconnexion entre ce
qui était promulgué par la théorie en relations publiques, circonscrite autour du modèle
de l’excellence de Grunig, et la pratique, dictée par des considérations beaucoup plus
pragmatiques. Dans le milieu universitaire, on a souvent illustré cette situation en clamant
qu’en matière de relations publiques, les universitaires venaient de Mars et les praticiennes
et praticiens, de Vénus (Van Ruler, 2005). Ainsi, bien que la théorisation proposée par
Grunig ait été cruciale pour asseoir la profession sur des bases théoriques qui étaient
jusque-là cruellement manquantes, cette déconnexion entre théorie et pratique n’a pas aidé
le milieu professionnel des relations publiques à gagner en lettres de noblesse.

   C’est donc forts de cette nouvelle base théorique et du lien très clair établi entre relations
publiques et démocratie que les professionnelles et professionnels réfléchissent aujourd’hui

10. Traduction libre de : « This view of symmetry assumes an equality of right to speak but does not presume that
all points of view are equal in rhetorical potency. Through persuasion and counterpersuasion, some ideas win and
others lose even when parties eventually achieve mutually satisfying decisions ».
L’UQAM, pionnière dans l’enseignement des relations publiques | 57

à la crédibilisation de la profession, notamment par la création d’une éventuelle certification
professionnelle. Le corps professoral de l’UQAM est étroitement lié à ces discussions. Il
semble être temps que la profession affirme plus clairement – et plus fièrement – son
rôle fondamental en démocratie. Plusieurs bouleversements sociétaux requièrent plus
que jamais que nous soyons en mesure, en tant que société, de dialoguer, de converser,
de déterminer l’ordonnancement de nos valeurs face à un enjeu donné, de déterminer
l’équilibre qui nous semble juste, collectivement, et qui fera en sorte qu’on jugera qu’un
projet, un développement, une politique, un produit, est acceptable socialement, ou pas.
Les professionnelles et professionnels en relations publiques sont parmi les mieux placés
pour piloter ces conversations, ces dialogues. Ils sont formés pour communiquer sur des
enjeux complexes, pour vulgariser. Ils ont l’habitude d’être à l’écoute et ont une sensibilité
particulière afin de déceler les non-dits. Ils ont la capacité de persuader, de convaincre leurs
employeurs ou leurs clients de la nécessité de mettre en dialogue les idées, les produits,
les valeurs, sur la place publique, et de faire évoluer les points de vue afin de tenir compte
de la vision des différents acteurs sociaux. C’est animés de cette vision que nous formons,
à l’UQAM, les futures et futurs professionnels en relations publiques et que nous incitons
les étudiantes et étudiants à poursuivre la recherche dans ce domaine incontournable en
démocratie.

Références

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