L'utilisation de l'activité sportive de loisir : en quête d'un équilibre occupationnel pour la personne blessée médullaire - Portail du Centre de ...
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IFPEK Institut de Formation en Pédicurie-podologie, Ergothérapie, Masso-kinésithérapie 12 rue Jean-Louis Bertrand, 35000 Rennes L’utilisation de l’activité sportive de loisir : en quête d’un équilibre occupationnel pour la personne blessée médullaire Jacquemard Quentin Mémoire d’initiation à la recherche en ergothérapie Formation en ergothérapie Sous la direction de Mme Bénis Virginie Promotion 2018-2021 Session juin 2021
PRÉFET DE LA RÉGION BRETAGNE DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS ET DE LA COHÉSION SOCIALE Pôle formation-certification-métier ATTESTATION SUR L’HONNEUR, FRAUDES ET PLAGIAT, CODE DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE Diplôme d’Etat d’Ergothérapeute Travaux de fin d’études : L’utilisation de l’activité sportive de loisir dans le cadre d’une blessure médullaire : en quête d’un équilibre occupationnel optimal Page à insérer par l’étudiant après la 1ère page de couverture de son travail de fin d’études Conformément à l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle du 3 juillet 1992 : « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ». J’atteste sur l’honneur que la rédaction des travaux de fin d’études, réalisée en vue de l’obtention du diplôme d’Etat d’Ergothérapeute est uniquement la transcription de mes réflexions et de mon travail personnel. Et, si pour mon argumentation, je copie, j’emprunte un extrait, une partie ou la totalité de pages d’un texte, je certifie avoir précisé les sources bibliographiques. Le 11/05/2021 Signature de l’étudiant : Fraudes aux examens : CODE PENAL, TITRE IV DES ATTEINTES A LA CONFIANCE PUBLIQUE CHAPITRE PREMIER : DES FAUX Art. 441-1 : Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques. Le faux et l’usage de faux sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. Loi du 23 décembre 1901, réprimant les fraudes dans les examens et concours publics. Art. 1er : Toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l’entrée dans une administration publique ou l’acquisition d’un diplôme délivré par l’Etat constitue un délit.
IMPRIME Ip 04.04.03 – C MAJ : mai 2019 ENGAGEMENT ETUDIANT Doc de rattachement : I 04.04.01 JACQUEMARD Quentin Je soussigné(e), …………………………………………………………………….., étudiant(e) IFPEK en : Pédicurie-Podologie Ergothérapie Masso-kinésithérapie Reconnaîs avoir pris connaissance de la procédure IFPEK « Procédure Interne Ethique Recherche Etudiante » Accepte les conditions de réalisation des projets au sein de l’IFPEK M’engage à respecter toutes les étapes définies dans la procédure, durant toute la durée de mes études au sein de l’IFPEK, et notamment : o Le recueil des consentements auprès des personnes interrogées dans le cadre de mes projets, o Le recueil de l’autorisation du professionnel de santé d’utiliser des données de santé anonymisées dans le cadre d’une étude rétrospective, o L’anonymisation des personnes interrogées et des données collectées, o La non diffusion de ces données en dehors du cadre pédagogique, o La destruction des données brutes recueillies à l’issue du projet. En cas de manquement à ces différentes règles, l’IFPEK sera susceptible d’appliquer des sanctions notamment si des plaintes ou réclamations sont déposées par des personnes interrogées (avertissement, conseil de discipline, …). Fait en deux exemplaires à Rennes , le 11/05/2021 L’étudiant IFPEK (lu et approuvé) « Lu et approuvé » Association IFPEK – 12 rue Jean-Louis Bertrand - 35000 RENNES 1/1
La plus grande gloire dans la vie ne réside pas dans le fait de ne jamais tomber, mais dans celui de se relever à chaque fois que nous tombons. Nelson Mandela
Remerciements Je tiens sincèrement à remercier, Les ergothérapeutes qui m’ont accordé de leur temps pour répondre à mes questions malgré les difficultés liées au contexte sanitaire. Particulièrement les deux jeunes adultes pour leur courage et leur riche partage d’expérience. Madame Bénis Virginie, ma directrice de mémoire, pour ses précieux conseils, son accessibilité et la qualité de son suivi. Toute l’équipe des formateurs de l’IFPEK et plus particulièrement Madame SUBLETT Perrine, ma référente pédagogique, pour son accompagnement et sa bienveillance. Annick pour ses nombreuses relectures et la qualité de ses conseils. Mes amis de TLTB pour m’avoir fait vivre de très bons moments et particulièrement Martin, Mattéo et Hugo pour leur soutien et leur entraide. Enfin à Armel, mon meilleur ami et colocataire, pour ses précieux conseils et son soutien sans faille.
JACQUEMARD Quentin L’utilisation de l’activité sportive de loisir dans le cadre d’une blessure médullaire : en quête d’un équilibre occupationnel optimal. Résumé : À la suite d’un traumatisme engendrant une paraplégie ou tétraplégie, la personne peut rencontrer des freins liés à la pratique d’une activité sportive de loisir. À l’heure où l’activité sportive peut être pratiquée sur ordonnance par des professionnels paramédicaux, comment l’ergothérapeute peut utiliser ce support en guise d’accompagnement signifiant et novateur pour la personne permettant ainsi un meilleur engagement occupationnel ? La recherche réalisée a pour objectif d’étudier le rapport entre l’utilisation de l’activité sportive de loisir comme moyen signifiant, les notions de motivation, d’engagement occupationnel dans un accompagnement dont l’utilisation d’un modèle conceptuel peut augmenter les bénéfices. L’étude qualitative qui s’adresse aux ergothérapeutes ainsi qu’aux personnes ayant vécu ce traumatisme a permis de comparer et analyser les données sur les versants théorique et pratique. En effet, les conclusions mettent en avant l’importance du travail autour de l’activité sportive fruit d’un accompagnement motivationnel et vecteur d’engagement occupationnel. Abstract : Following a trauma resulting in paraplegia or tetraplegia, the person may find it difficult to practice a leisure sport. This can be prescribed by healthcare professionals. Therefore, occupational therapists may use it as a way to provide meaningful and innovative care for such patients, thus enabling them to recover an optimal occupational balance. This research focuses on the relationship between the following: leisure sport as a therapeutic activity, motivation and occupational commitment whose benefits can be increased by using a conceptual model. The qualitative study, which is aimed at occupational therapists and people who have experienced this trauma, made it possible to compare and analyse the data theoretically and practically. Indeed, the findings highlight the importance of working with peer emulation as a result of motivational support and as a vehicle for occupational commitment. Mots-clefs : Ergothérapie, blessure médullaire, activité sportive, loisir, équilibre occupationnel, engagement, motivation. Key words : Occupational therapy, spinal cord injury, sport, leisure, occupational balance, commitment, motivation. Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes – 12 rue Jean-Louis Bertrand Mémoire d’initiation à la recherche 2020-2021
Table des matières Introduction ....................................................................................................................... 1 Problématisation ............................................................................................................... 2 1. Question de départ ............................................................................................................ 2 1.1 Exposition de la question de départ ......................................................................................................... 2 1.2 Définitions et réflexions autour des concepts .......................................................................................... 5 1.2.1 La lésion médullaire, un handicap acquis ................................................................................... 5 1.2.2 L’ergothérapeute, un professionnel de l’Occupation................................................................. 6 1.3 Entretien exploratoire............................................................................................................................... 8 2. Cadre conceptuel ............................................................................................................. 10 2.1 L’aspect antérieur à l’accident ................................................................................................................ 10 2.1.1 Les bienfaits de l’activité sportive de loisirs vers un équilibre occupationnel optimal ........ 11 2.1.2 L’équilibre occupationnel d’un individu en lien avec le modèle PEOP ................................. 12 2.1.3 Le sens des activités pour un individu ...................................................................................... 13 2.2 La rééducation et la réadaptation des étapes clefs dans le processus motivationnel du client ............. 14 2.2.1 Le Modèle de l’Occupation Humaine, un outil ergothérapique dont la volition est au centre .................................................................................................................................................................. 15 2.2.2 Le processus de deuil .................................................................................................................. 18 2.2.3 La motivation, un enjeu dans le bon déroulement de la prise en soins ............................... 20 2.3 Les conséquences sur l’équilibre occupationnel..................................................................................... 21 2.3.1 L’activité sportive et ses bénéfices sur l’autonomie, la qualité de vie et la réinsertion sociale ...................................................................................................................................................... 21 2.3.2 La pratique d’une activité sportive moteur d’une réinsertion socioprofessionnelle ............ 22 3 Exposition de la question de recherche et des hypothèses .................................................. 23 4 Cadre d’analyse ................................................................................................................... 23 4.1 Exposition de la méthodologie de la recherche ...................................................................................... 23 4.2 L’entretien semi-structuré ou semi-directif ............................................................................................ 24 4.3 L’entretien semi-directif auprès des ergothérapeutes ........................................................................... 25 4.3.1 Choix de la population des ergothérapeutes............................................................................ 25 4.3.2 Construction de l’entretien auprès des ergothérapeutes........................................................ 25 4.3.3 Prise de contact avec les ergothérapeutes .............................................................................. 26 4.4 L’entretien semi-directif auprès des personnes blessées médullaires ................................................... 26 4.4.1 Choix de la population des personnes blessées médullaires ................................................ 26 4.4.2 Construction du guide d’entretien auprès des personnes blessées médullaires ................ 27 4.4.3 Recherche de la population en vue de réaliser les entretiens ............................................... 27
4.5 Recueil et analyse des données suite aux entretiens avec les ergothérapeutes .................................... 28 4.5.1 Présentation des ergothérapeutes interrogées ........................................................................ 28 4.5.2 Identification des centres d’intérêts et activités de loisirs ....................................................... 29 4.5.3 Utilisation des modèles et évaluations ergothérapiques ........................................................ 30 4.5.4 Mise en place des objectifs ......................................................................................................... 31 4.5.5 L’activité sportive de loisir ........................................................................................................... 33 4.5.6 La place de la collaboration ........................................................................................................ 35 4.5.7 La motivation, l’engagement et l’accomplissement des objectifs .......................................... 37 4.5.8 Le retour à domicile et la continuité de la pratique .................................................................. 37 4.6 Recueil et analyse des données suite aux entretiens avec les patients .................................................. 39 4.6.1 Présentation des patients interrogés ......................................................................................... 39 4.6.2 L’accompagnement sportif en centre de rééducation ............................................................. 40 4.6.3 La pratique actuelle et ses apports ............................................................................................ 41 4.6.4 La perception du corps ................................................................................................................ 43 4.6.5 La motivation et l‘engagement dans les soins ................................................................................. 43 4.6.6 Les bénéfices de l’accompagnement par l’activité sportive ................................................... 44 5 Discussion ........................................................................................................................... 46 5.1 Questionnements autour de l’enquête .................................................................................................. 46 5.2 Confrontation de la question de recherche et ses hypothèses .............................................................. 48 5.3 Forces et limites de la recherche ............................................................................................................ 50 5.4 Ouverture et propositions d’actions ....................................................................................................... 51 6 Conclusion .......................................................................................................................... 52 Bibliographie ................................................................................................................... 53 Annexes ........................................................................................................................... 58
Table des illustrations FIGURE 1 : PRESENTATION DES ERGOTHERAPEUTES INTERROGEES ........................................................................................ 28 FIGURE 2 : RECUEIL DES CENTRES D’INTERETS LIES AUX ACTIVITES SPORTIVES DE LOISIRS .......................................................... 29 FIGURE 3 : DIAGRAMME DE L’UTILISATION DES MODELES ERGOTHERAPIQUES ........................................................................ 30 FIGURE 4 : MISE EN PLACE DES OBJECTIFS EN ERGOTHERAPIE ............................................................................................. 31 FIGURE 5 : LES BIENFAITS DE L’ACTIVITE SPORTIVE DE LOISIRS ET SA FREQUENCE D’UTILISATION EN ERGOTHERAPIE ........................ 33 FIGURE 6 : L’UTILISATION DE L’ACTIVITE SPORTIVE DE LOISIR EN ERGOTHERAPIE...................................................................... 34 FIGURE 7 : LA PLACE DES ERGOTHERAPEUTES DANS LA COLLABORATION EN LIEN AVEC L’ACTIVITE SPORTIVE ................................. 36 FIGURE 8 : RETOUR A DOMICILE ET CONTINUITE DE LA PRATIQUE ........................................................................................ 38 FIGURE 9 : PRESENTATION DES PATIENTS INTERROGES....................................................................................................... 39 FIGURE 10 : SUIVI SPORTIF EN REEDUCATION .................................................................................................................. 40 FIGURE 11 : LA PRATIQUE SPORTIVE ACTUELLE ET SES APPORTS .......................................................................................... 42 FIGURE 12 : LA MOTIVATION ET L’ENGAGEMENT DANS LES SOINS ....................................................................................... 44 FIGURE 13 : LES BENEFICES DE L’ACCOMPAGNEMENT SPORTIF ............................................................................................ 45
Table des abréviations ALD Affection Longue Durée ANFE Association Nationale Française des Ergothérapeutes AO Adaptation Occupationnelle CNRTL Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales EAPA Enseignant en Activités Physiques Adaptées INJEP Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire LMNT Lésion Médullaire Non-Traumatique LMT Lésion Médullaire Traumatique MCREO Modèle Canadien du Rendement, de l’Engagement et de l’Occupation MCRO Mesure Canadienne du Rendement Occupationnel MIF Mesure de l’Indépendance Fonctionnelle MOH Modèle de l’Occupation Humaine MOS SF 36 Medical Outcome Study Short Form 36 OMS Organisation Mondiale de la Santé STAPS Sciences Techniques des Activités Physiques et Sportives
Introduction De nos jours, le sport et la médecine sont étroitement liés. Depuis décembre 2016, l’activité physique sur ordonnance est désormais possible et peut être prescrite par le médecin généraliste en réponse à des Affections de Longues Durées (ALD). Depuis la parution de cette loi concernant le sport sur ordonnance, les ergothérapeutes font partie des professions paramédicales ayant la possibilité de dispenser ces activités (articles L.4321-1,L.4331-1 et L.4332). Cette avancée a déjà été testée dans des pays comme l’Angleterre ou la Suède, et des grandes villes françaises comme Strasbourg ou Toulouse, ont montré que la pratique du sport engendre une diminution de la consommation de médicaments. La qualité de vie, l’autonomie, la santé et le bien-être sont des éléments que nous cherchons à installer et maintenir tout au long de notre vie. Une maladie, un accident, la survenue d’un handicap peuvent très rapidement entraver ces notions qui sont nécessaires au bon déroulé de notre quotidien. C’est notamment le cas pour des handicaps acquis comme les blessures médullaires qui bouleversent la vie du jour au lendemain. L’ergothérapeute, professionnel de l’Occupation peut intervenir sur différentes phases que sont la rééducation, la réadaptation, la réinsertion. Cela va permettre de faire du lien entre avant et après l’apparition du handicap mais également de préparer la ré-autonomisation et le regain d’un bon équilibre occupationnel pour le patient. Cependant quelles sont concrètement les manières d’aborder, d’utiliser l’activité sportive pour l’ergothérapeute ? Pourquoi cette approche est-elle si peu utilisée ? À quelle place doit-il se positionner ? Qu’est-ce que l’ergothérapeute peut apporter pour compléter l’apport des professions déjà axées sur l’utilisation de l’activité sportive dans la prise en soins ? Autant de questions qui sont le fruit de mes premières lectures, de mon statut d’étudiant en ergothérapie et de mon attrait pour le sport. Dans un premier temps nous aborderons l’aspect antérieur à la blessure médullaire. Il permettra de mettre en avant les bénéfices de l’activité physique de loisirs, de la tenue d’un équilibre occupationnel dynamique et positif pour l’individu en pratiquant des activités qui ont du sens pour lui. Par la suite, une attention particulière sera portée au déroulé de la rééducation et de la réadaptation qui sont des étapes importantes dans la reconstruction globale de l’individu blessé médullaire. La notion clef de volition sera mise en avant grâce à l’étude du Modèle de l’Occupation Humaine. La troisième partie sera axée sur la réinsertion de la personne dans son milieu de vie, sur les bénéfices de la rééducation par l’activité sportive en termes d’équilibre occupationnel, de socialisation, de qualité de vie etc. 1
Problématisation 1. Question de départ 1.1 Exposition de la question de départ Depuis très jeune, mon quotidien est rythmé par la pratique sportive, c’est une facette de ma vie très importante pour moi et qui me permet de me sentir en forme physiquement et mentalement. J’ai toujours voulu travailler dans le milieu de la santé et encore mieux allier ce secteur avec le sport. Durant ma première année d’études supérieures à Rennes en Licence 1 de Sciences Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS), j’ai rencontré un camarade en situation de handicap moteur et atteint d’une tétraplégie. Il se déplaçait en fauteuil roulant électrique. En discutant avec lui j’ai appris qu’il pratiquait de la boccia et du foot fauteuil à haut niveau. L’année suivante, lors de la rentrée en école d’ergothérapie nous avons eu l’opportunité́ de rencontrer des sportifs handisports, dont une ancienne championne de tennis de table adapté qui nous a fait part de ce que le sport lui a apporté́ notamment dans l’acceptation de son handicap. En questionnant cette sportive sur ses connaissances de l’ergothérapie avec le domaine sportif, elle m’a fait savoir qu’elle n’était pas en contact direct avec ce corps de métier et que celui-ci n’intervenait pas sur les compétitions. Ce fut pour moi un déclic car j’ai commencé à me documenter sur le sujet de l’handisport, notamment avec l’autobiographie d’Oscar Pistorius qui explique son vécu de sportif professionnel avec une amputation des deux membres inférieurs. Dans un premier temps j’ai pensé à axer ce travail de recherche sur l’accessibilité des complexes sportifs, que ce soit en termes d’aménagements ou d’équipements. En me documentant sur le sujet, j’ai constaté que les lois portant sur cette thématique dataient du début des années 2000. Aujourd’hui chaque établissement est construit avec des obligations en lien avec l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, cette recherche n’était donc pas très pertinente. Durant mon stage en centre de rééducation j’ai pu rencontrer des patients blessés médullaires. Certains étaient anciennement sportifs et bénéficiaient d’une rééducation sportive, que ce soit avec les Enseignants en Activités Physiques Adaptés (EAPA) ou avec les kinésithérapeutes, cependant pas avec des ergothérapeutes. Or, ceux-ci s’intéressent aux activités qui ont du sens pour la personne. Donc si les activités sportives et plus largement les activités physiques en font partie, l’ergothérapeute a toute sa place dans ce champ d’exercice. Comme peut le préciser Romain Bertrand dans son article Vers une perspective occupationnelle de l’activité physique et sportive en ergothérapie : une recension 2
des écrits, « l’activité physique est un vecteur d’engagement occupationnel et contribue positivement à l’équilibre occupationnel » (BERTRAND, 2020). En se basant sur le Modèle Canadien du Rendement, de l’Engagement et de l’Occupation (MCREO), modèle conceptuel ergothérapique, nous pouvons classer les informations relatives à une personne en trois grandes catégories que sont l’environnement, l’occupation et la personne. L’activité physique correspond à la partie occupationnelle dans laquelle nous pouvons retrouver les domaines des loisirs, de la productivité et des soins personnels. À force de lectures, je me suis très vite rendu compte que les termes d’activité physique, de sport, d’activité de loisirs sont à la fois proches mais également différentes dans leurs définitions. En expliquant chacune d’entre-elles, j’ai pour objectif de justifier mon choix quant au domaine que je souhaite aborder dans mon travail de recherche. L’activité physique correspond à « tout mouvement produit par les muscles squelettiques, responsable d’une augmentation de la dépense énergétique » (OMS). Elle prend en compte la pratique sportive mais également les activités de la vie quotidienne que peuvent être le vélo pour aller au travail, le jardinage, le ménage etc. Elle permet à un individu d’éviter la sédentarité ce qui correspond à « une situation d’éveil caractérisée par une dépense énergétique faible en position assise ou allongée » (DUCLOS, 2017, p.6). Le sport prend en compte la notion d’adhérence à « un ensemble commun de règles et où un objectif est défini » (DUCLOS, 2017, p.3). Il permettra par exemple, au pratiquant de s’inscrire en compétition. Un individu peut réaliser suffisamment d’activité physique sans pour autant pratiquer un sport. L’activité physique correspond donc à un terme général dont le sport n’est qu’un sous-ensemble. Lorsqu’il est de haut-niveau, le sportif est inscrit sur des listes qui sont reconnues par le ministère des sports. Celui-ci permet l’accès à des compétitions nationales et internationales (Jeux Olympiques, championnats du monde…) et représente en quelque sorte un niveau d’excellence sportive qui s’éloigne de la pratique d’un sport de loisir (MINISTÈRE DES SPORTS, 2020). Ainsi, cette pratique entre davantage dans le domaine des activités productives. Par loisirs on entend « Un ensemble d’activités auxquelles l’individu peut s’adonner de plein gré, soit pour se divertir (…) pour sa participation sociale volontaire ou sa libre capacité créatrice, après s’être dégagé de ses obligations professionnelles, familiales et sociales » (DUMAZEDIER, 1962, p.29). Les loisirs ont des effets bénéfiques sur une personne. Ils permettent l’agrandissement du réseau de soutien, l’amélioration de la santé psychologique et physique, la diminution du stress (DUTIL, BIER et GAUDREAULT, 2007). Ces activités sont libératoires. En effet, elles permettent de mettre de côté la pression quotidienne que peut ressentir le pratiquant. Le loisir permet au participant de rechercher du plaisir, un état de satisfaction et un sentiment de bien-être. Il peut être pratiqué en individuel ou en groupe, ce qui laisse place à des perspectives d’intégration sociale. À la suite d’un accident engendrant un handicap acquis, la participation des sujets à des activités dîtes de loisirs sont moins fréquentes et demandent des changements dans la pratique. Cette pratique reste tout de même une donnée très 3
importante pour des individus qui ont besoin de se reconstruire notamment d’un point de vue social et occupationnel. En effet, c’est ce lien entre les activités sportives et de loisirs qui m’intéresse car elles permettent tous les bienfaits évoqués précédemment sans rendre obligatoire la participation à des compétitions et l’adhésion dans une association ou un club. Dans ce cadre, je souhaite particulièrement m’intéresser au domaine des loisirs. Le sport de compétition est un domaine qui m’intéresse mais je voudrais porter ma recherche sur le domaine plus large des loisirs. Le sport de loisirs prend aussi en compte tout un panel d’activités de liberté, à sensations fortes n’ayant pas forcément de fédération mais permettant au pratiquant de dépasser ses limites. De plus, cela touche davantage de profils différents. Par ce travail, j’aimerais mettre en exergue l’intérêt qu’il peut y avoir pour le patient de bénéficier d’une prise en soins pluridisciplinaire et collaborative entre différents professionnels que sont par exemple les ergothérapeutes, kinésithérapeutes, EAPA, psychomotriciens etc. En effet, notre objectif est de majorer la motivation du patient pour qu’il s’investisse au maximum dans son projet de soins. Cela est d’autant plus bénéfique lorsque les professionnels accompagnent le bénéficiaire de manière complémentaire. J’ai effectué différentes lectures concernant les rôles de l’ergothérapeute auprès de personnes atteintes d’une lésion médullaire qui souhaiteraient reprendre une activité sportive de loisirs et l’utiliser comme moyen de rééducation et réadaptation. Cela de manière à favoriser sa motivation et son engagement dans les soins. En effet, nous connaissons le métier d’EAPA, de kinésithérapeute qui travaillent avec les activités physiques. J’aimerais savoir quel rôle peut avoir l’ergothérapeute dans la rééducation et la réadaptation du blessé médullaire en utilisant cet atout sportif. L’ergothérapeute porte une attention au sens que peut avoir une activité pour le patient. Si celui-ci était sportif avant l’accident pouvons/devons-nous utiliser ce support pour susciter une meilleure motivation de cette personne dans son projet de soins ? Si oui, de quelle manière pour que notre intervention soit complémentaire de l’action des autres professionnels évoqués précédemment ? Ainsi l’ergothérapeute pourrait avoir sa propre identité en termes d’activités physiques et sportives. N’est-ce pas justement plus intéressant pour nous de recueillir nos données à partir d’un modèle ergothérapique pour identifier les besoins et les volontés de notre patient ? Pouvons-nous avec cette approche sportive travailler sur les aspects physiques, moteurs, mentaux, sociaux en même temps ? D’après certaines lectures sur le sport de loisirs, j’ai pu aussi constater que les blessés médullaires recherchent davantage d’activités à risques et à sensations fortes. Dans quelles mesures peuvent-elles avoir des bienfaits mais également des méfaits sur l’individu et son corps ? Si l’activité physique tend vers une routinisation, est-ce que cela peut favoriser l’équilibre occupationnel de la personne ? Enfin, si tous ces bienfaits sont réels, pourquoi l’ergothérapeute utilise si peu l’activité physique et sportive comme moyen ? 4
C’est en m’interrogeant de cette manière que j’en suis venu à me poser cette question : En quoi la prise en compte des activités de loisirs antérieures à l’accident, peuvent impacter de manière positive la rééducation et la réadaptation de l’adulte blessé médullaire d’un point de vue motivationnel, et ainsi permettre la récupération d’un équilibre occupationnel optimal ? 1.2 Définitions et réflexions autour des concepts Dans mes premières lectures, j’ai cherché à définir les termes clefs de ma recherche : blessure médullaire, ergothérapie, activité sportive, loisirs, équilibre occupationnel, rééducation, réadaptation. 1.2.1 La lésion médullaire, un handicap acquis Afin de pouvoir faire un lien entre la vie avant et après l’accident, j’ai fait le choix de m’intéresser aux formes de handicaps non-congénitales autrement dit acquises. Le handicap acquis correspond à une survenue après la naissance (DELCEY, 2002) et peut survenir à tout moment de l’existence d’une personne. En effet, pour certains individus il fait irruption dans une vie qui peut être caractérisée « d’ordinaire » engendrant ainsi des situations bien plus difficiles. Les causes peuvent être multiples : accident de la route, tentatives de suicide, maladies infectieuses, accidents vasculaires cérébraux, accidents domestiques… Ceci peut expliquer certaines atteintes cognitives, physiques qui surviennent au cours de la vie (ASSOCIATION PERCE-NEIGE, 2019). Ces causes peuvent engendrer des déficiences au niveau de la sensibilité (anesthésie, thermique, douleur etc.), de la motricité (paraplégie, hémiplégie, tétraplégie etc.), du langage (aphasie) etc. L’abord est bien différent pour un soignant lorsqu’il accompagne une personne ayant acquis son handicap au cours de la vie car il y a un vécu au préalable. C’est cette vie antérieure à l’accident qui est intéressante à prendre en compte pour le soignant. En effet il est important d’utiliser le vécu de l’individu pour permettre de majorer la motivation de celui-ci dans son projet de soins (notion de signification que nous aborderons par la suite) et d’adapter l’accompagnement de manière pertinente pour chacun. Pour centrer davantage mes recherches je me suis intéressé à un type de handicap acquis : les lésions médullaires. La lésion médullaire est une forme de handicap acquis et touche les blessures liées à la moelle épinière (ANNEXE 1). En France l’incidence de ces lésions est d’environ 1200 nouveaux cas par année avec une prévalence d’environ 50 000 (HAS, 2007). La moelle épinière joue un rôle très important dans le passage des informations à caractère sensorielles et motrices allant ou revenant de l’encéphale mais également dans les réflexes dits de coordination. Les lésions peuvent être d’origine traumatiques ou directement liées à des causes infectieuses, tumorales, vasculaires et dans ce cas-là elles sont dites non-traumatiques (HAS, 2007). 5
Les lésions médullaires non-traumatiques (LMNT) sont beaucoup moins nombreuses et plus compliquées à évaluer puisque certains sujets atteints ne sont pas admis dans les services spécialisés pour les traumatisés majeurs. Les causes sont diverses mais les principales restent la sténose du canal rachidien et la compression médullaire pouvant être liée à une tumeur (ENG ET AL., 2010). Les lésions médullaires dites traumatiques (LMT) font suite dans la majorité des cas à des accidents de véhicules motorisés, de chutes ou d’incidents violents suite par exemple à des plongeons (MOUTQUIN et INSTITUT NATIONAL D’EXCELLENCE EN SANTÉ ET EN SERVICES SOCIAUX (QUÉBEC), 2013). Selon cette même étude québécoise, il existe un pic des LMT à 30 ans et un autre à 65 ans, correspondant à la majoration des chutes à cet âge. Les LMT représentent plus de la moitié des étiologies et entrainent une paraplégie ou une tétraplégie. La tétraplégie correspond à une atteinte de la moelle épinière au niveau de la région cervicale, c’est-à- dire dans la partie la plus haute de celle-ci. Ses conséquences seront la quadriplégie autrement dit une paralysie des quatre extrémités du corps ainsi que du tronc. Lorsque l’atteinte est haute (au-dessus de la quatrième cervicale), le sujet peut avoir une paralysie du diaphragme, engendrant ainsi une aide pour respirer sur le long terme MOUTQUIN et INSTITUT NATIONAL D’EXCELLENCE EN SANTÉ ET EN SERVICES SOCIAUX (QUÉBEC), 2013). L’altération ne se situe pas qu’aux niveaux des membres puisque les fonctions digestives, respiratoires, de la vessie sont la conséquence de l’atteinte abdominale. Nous verrons par la suite qu’il existe des exceptions et que l’étendue de la lésion va jouer un rôle conséquent concernant les capacités du blessé médullaire. La paraplégie est associée à un ensemble de déficiences motrices et sensitives des membres inférieurs et possiblement du tronc (POUPLIN, 2011). Tout ceci peut être associé à des troubles viscéraux, c’est- à-dire urinaires, respiratoires, sexuels … Dans ce cas l’atteinte est située sous les cervicales, ce qui permet au sujet de garder une plus grande partie de ses fonctions motrices et sensorielles au niveau supérieur du corps. Cependant, au-delà de l’endroit de la lésion, c’est l’étendue de celle-ci qui va jouer un rôle important dans les futures possibilités motrices et sensorielles. En effet, dans certains cas la moelle épinière n’est pas totalement rompue, ce qui peut permettre à l’individu de conserver des fonctions. Certains tétraplégiques peuvent bouger leurs jambes et se servir de leurs mains (SUNRISE MÉDICAL, 2018). On parle alors de lésion médullaire complète lorsque le sujet n’a plus aucune possibilité motrice ou sensorielle. Si celui-ci conserve une certaine capacité de contrôle moteur ou des sens on dit que la lésion est incomplète (CNFS, 2019) Ce sont des données importantes puisqu’elles impactent de manière conséquente la réalisation des occupations, une notion qui va être développée par la suite. 1.2.2 L’ergothérapeute, un professionnel de l’Occupation 6
Selon l’ANFE, l’ergothérapeute est un professionnel de santé qui : « fonde sa pratique sur le lien entre l’activité humaine et la santé. Il a pour fonctions de : maintenir, restaurer et permettre les activités humaines de manière sécurisée, autonome et efficace. Prévenir, réduire ou supprimer les situations de handicap en tenant compte des habitudes de vie des personnes et de leur environnement. » (ANFE, 2019). Cette définition met en avant que les domaines d’intervention de l’ergothérapeute sont très larges, ce qui peut être un avantage comme un inconvénient. Il est vrai que cet aspect assez diversifié peut poser des limites dans le sens où nous travaillons en pluridisciplinarité, c’est-à-dire avec d’autres professionnels de la rééducation. La pluridisciplinarité correspond à l’abord d’un sujet d’étude selon plusieurs points de vue, les différentes disciplines apportent alors un regard qui se veut complémentaire (SNETAP-FSU, 2020). Cependant elle ne dépasse pas l’étape de transmission d’informations communes (MORGANE, 2015). De son côté l’interdisciplinarité permet de faire travailler ensemble des professionnels issus de plusieurs disciplines scientifiques. Elle nécessite de l’échange et du dialogue autour des savoirs et méthodes utilisées suivant les professions (SNETAP-FSU, 2020). Il est alors nécessaire trouver un juste milieu pour ne pas travailler à la place des autres professionnels mais plutôt de manière complémentaire. L’ergothérapeute ou Occupational Therapist en anglais, est par définition considéré comme un thérapeute de l’occupation. Selon Doris Pierce (2016, p25) docteur en ergothérapie, « Une occupation est une expérience spécifique, individuelle, construite personnellement et qui ne se répète pas. C’est- à-dire qu’une occupation est un évènement subjectif dans des conditions temporelles, spatiales et socio- culturelles perçues qui sont propre à cette occurrence unique. Une occupation a une forme, une cadence, un début et une fin, un aspect partagé ou solitaire, un sens culturel pour la personne et un nombre infini d’autres qualités contextuelles perçues ». En effet, cette notion est une donnée importante dans la pratique de l’ergothérapie puisqu’elle est centrée sur la personne et sur les occupations. Elle permet d’expliquer les relations entre la santé et l’occupation, de soutenir la pratique des ergothérapeutes, aussi de comprendre les humains en tant qu’êtres occupationnels (MOLINEUX et WHITEFORD, 2011). Ce professionnel de l’occupation axe sa pratique sur les activités humaines pour qu’elles puissent être réalisées de la manière la plus optimale possible en termes de temps, d’énergie physique, d’autonomie etc. Notons qu’il y a un lien très proche entre les occupations d’une personne, sa qualité de vie et le sens donné à son existence (ANFE, 2019). Il paraît indispensable de préciser que l’ergothérapeute utilise l’engagement dans des activités dites significatives et signifiantes afin de développer les possibilités de la personne. Les activités peuvent également être un moyen et un objectif thérapeutique. En effet en adaptant la manière de les réaliser ou leur réalisation en elle-même, suivant les besoins de la personne, nous réfléchissons à la mise en place d’une activité thérapeutique pour le patient. Celui-ci s’engage dans un processus de changement (MOREL, 2006). Pour que cette action soit bénéfique et adaptée à la personne et sa situation, l’ergothérapeute doit réaliser une évaluation détaillée de son environnement, ses habitudes de vie en prenant en considération ses capacités et le potentiel thérapeutique de l’activité (MOREL, 2006). Pour 7
analyser son potentiel thérapeutique, l’ergothérapeute prend en compte les différentes composantes de de la vie de la personne, qu’elles soient physiques, cognitives, affectives et sociales etc. (ORDRE DES ERGOTHÉRAPEUTES DU QUÉBEC, 2008). L’ergothérapeute paraît donc légitime d’utiliser l’activité physique, si celle-ci est en lien avec ce qui est signifiant pour le patient, comme moyen de rééducation et de participation active dans un projet de soins. En effet, « Vos activités sont le reflet de ce que vous êtes et elles donnent du sens à la vie » (ANFE, 2019). 1.3 Entretien exploratoire Dans l’objectif de faire du lien entre mon sujet de recherche et la pratique, j’ai fait le choix de contacter une ergothérapeute diplômée depuis 2003 et qui exerce dans un centre de rééducation accueillant des personnes blessées médullaires. Compte tenu du contexte sanitaire et pour faciliter le choix du créneau, cet échange s’est déroulé par téléphone. J’ai pu demander des informations par rapport à son expérience, sa vision de la prise en soins chez des sujets avec cette typologie de handicaps acquis et également avoir des conseils sur mon sujet de recherche. Il est vrai qu’à la suite d’un accident entrainant des pertes de différentes fonctions qu’elles soient motrices ou sensitives, le sujet passe par différentes phases. Elles sont à prendre en compte pour proposer un accompagnement pertinent et cohérent avec l’état physique et psychologique du patient. Dans sa pratique et notamment lors des bilans d’entrée elle utilise la Mesure Canadienne du Rendement Occupationnel et de la Performance (MCROP), un modèle conceptuel ergothérapique. Elle le trouve très intéressant car il considère le sujet en tant que personne et non en tant que patient, ce qui permet de le positionner au centre de la prise en soins. En effet, la MCROP débute d’abord par l’interrogation autour des loisirs, partie qu’elle commence à développer avant d’évoquer le quotidien car cela permet d’aborder dans un premier temps des sujets qui sont source de plaisir et ainsi apporter de la positivité dès le départ. Selon elle, cela fait sortir la personne du milieu hospitalier, elle remarque d’ailleurs des améliorations lors de la réalisation de la tâche entre le premier et les futurs recueils de données. En effet, cette ergothérapeute voit davantage les progrès en termes de satisfaction dans l’activité car souvent au début celle-ci est souvent nulle et elle cherche à mettre en avant les améliorations au cours de la prise en soins. Cela permet de majorer la motivation du bénéficiaire des soins. En effectuant des recherches, je me suis questionné et intéressé quant au choix du modèle car celui de l’Occupation Humaine (MOH) aborde cet aspect de la volition dans l’activité. En effet, il permet aussi de recueillir les données et d’établir des objectifs qui sont « négociés » avec le patient, c’est-à-dire que celui-ci émet des idées, des volontés et nous pouvons reprendre ensemble de manière à les ajuster. L’intérêt d’évoquer puis de construire les objectifs en collaboration permet d’utiliser des moyens qui ont du sens pour le sujet, induisant ainsi une meilleure adhésion dans la prise en soins. Souvent au début, les personnes récemment blessées médullaires n’ont pas conscience de leurs capacités, notre rôle de 8
soignant est de les informer, les conseiller pour qu’ils aient confiance et reconnaissent les possibilités qu’ils ont. De plus, ce modèle aborde et permet d’analyser la réalisation des activités de vie quotidienne, du travail mais également des loisirs dans son environnement. Il prend en considération la personne, la manière dont elle réalise l’activité, ses compétences, son identité et son adaptation dans celle-ci. Cet aspect global, centré sur l’occupation, la volition et avec une vision très holistique me paraît donc intéressant par rapport à la population que j’aborde. Concernant l’abord de la thématique sportive, je me questionnais quant à la temporalité de cette possibilité d’approche. Cette même ergothérapeute me disait que ce n’était pas immédiat et que durant les 2 ou 3 premiers mois elle attendait de voir si la pathologie allait évoluer ou si elle était stabilisée. De plus pour ces patients, souvent le sport est déconseillé au début, pour certains il y a des arthrodèses. C’est l’aspect médical sur lequel nous porterons attention dans les premiers mois (formations d’escarres, surveillance de la tension …). Par la suite, des activités sportives adaptées peuvent être proposées, dans un premier temps par les Enseignants en Activités Physiques Adaptées (EAPA). Dans son établissement, sont organisées mensuellement des sorties handisports où les patients peuvent découvrir des activités qu’ils n’avaient pas forcément l’habitude de faire : char à voile, kayak, wakeboard … Ses témoignages m’ont permis de faire du lien avec certaines de mes lectures. Il est souvent mis en avant que les sujets ayant eu un accident engendrant un tel handicap ont des préférences pour des activités à sensations fortes leur permettant de se dépasser et d’être libre sans forcément les avoir pratiquées auparavant. Ces pratiques ne se font pas forcément au sein du centre de rééducation mais par le biais d’associations, de partenaires. Je me suis questionné sur la place qu’avait l’ergothérapeute dans ce cheminement et elle me disait que dans sa structure ce sont les connaissances interdisciplinaires qui font la différence car chaque professionnel apporte « sa pierre à l’édifice » c’est-à-dire en termes de conseils, de relation avec des partenaires, de propositions d’activités etc. Pour conclure sur cette partie de l’entretien, j’ai trouvé intéressant le rapport qu’elle avait quant à sa place dans ce processus de soins par l’activité sportive et de loisirs. En effet elle estime que de proposer et de participer à ce type de pratiques permet aussi de créer du lien entre les professionnels (de l’équipe soignante mais aussi d’autres). La pratique est d’autant plus riche et cela permet de « décloisonner ». Ayant eu des difficultés à placer ma recherche dans le processus de soins, j’ai questionné l’ergothérapeute afin d’avoir son avis sur les possibilités et l’utilité de proposer des activités sportives de loisirs au cours de la prise en soins. Elle me disait que c’était possible assez tôt mais que ce serait davantage lié à la réappropriation du corps, au développement des capacités résiduelles, au travail de l’équilibre. Tandis qu’après quelques mois, lorsque le sujet peut entrer en phase de rééducation plus intensive nous pouvons mettre en place des pratiques avec les pairs, le sport est aussi utilisé comme vecteur de liens sociaux permettant ainsi de rompre l’isolement, se dépasser et de découvrir une notion de plaisir. Malgré l’accident les individus sont capables de pratiquer autrement et par l’activité sportive 9
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