LA BANQUE NATIONALE son histoire locale (1851-2018) sa succursale liégeoise - NBB Museum
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Colophon Cette brochure a été réalisée dans le cadre des célébrations marquant la fin du réseau local de la Banque nationale de Belgique, et en particulier la fermeture de son siège de Liège. Les textes sont de la Banque nationale de Belgique, à l’exception du texte « La succursale de Liège de la Banque nationale. (...) », qui est dû à Aloys Beguin, architecte, professeur HE à la faculté d’Architecture de l’ULiège. Les images sans mention de droit d’auteur proviennent des archives de la LA BANQUE NATIONALE Banque nationale de Belgique. Les photographies de la couverture, ainsi que des pages 4, 7, 14-15, 16, 18, 20, 22-23 et 30 ont été réalisées par Jean-Michel Sarlet dans le cadre d’une mission photographique commanditée pour la collection de la Banque nationale de Belgique. Les images des pages 24, et son histoire locale (1851-2018) 28 et 29 sont de l’atelier XXe / reconversion de la faculté d’Architecture de l’ULiège. Mise en page et impression : Banque nationale de Belgique.
© Jean-Michel Sarlet Fondée en 1850, la Banque nationale Largement indépendantes à l’origine, a disposé dès l’année suivante d’un ces succursales et agences se sont réseau d’une trentaine de sièges progressivement intégrées dans la locaux. À son apogée, dans l’Entre- structure de l’administration centrale. deux-guerres, celui-ci en comptera Mais jusqu’à cette fin 2018, qui voit la 43. Leurs missions ont naturellement fermeture des deux derniers sièges fluctué au gré de l’évolution des tâches locaux de la Banque nationale à de la Banque, des transformations du Courtrai et à Liège, le réseau de secteur financier et du développe- celle-ci a toujours été animé du souci ment des nouvelles techniques de de s’inscrire dans le tissu économique communication et de traitement de local et d’y représenter au mieux la l’information. banque centrale. 5
La préhistoire Lorsque la Belgique devient indépen- Elle se voit en outre confier la mission dante, plusieurs monnaies circulent développer un réseau et des comptoirs sur son territoire : franc français, florin d’escompte. La Banque de Belgique, néerlandais, pièces autrichiennes et de créée en 1835, et quelques banques la principauté de Liège. Le franc belge, locales, émettent aussi des billets. défini par son poids en argent, est créé en 1832. Le système bancaire est alors En 1838 et 1848, de sérieuses crises embryonnaire. Seule grande banque, économiques démontrent la fragilité la Société générale, de fondation d’un système financier qui, en outre, orangiste (1822), continue d’émettre des ne soutient pas suffisamment l’éco billets et devient caissier de l’État belge. nomie. Le ministre des Finances, le liégeois Frère-Orban, propose alors des réformes impliquant la création d’une banque centrale et d’un institut d’escompte, l’unification de la circulation fiduciaire et la fondation d’institutions publiques garantissant l’accès au crédit aux acteurs économique et aux parti- culiers. Fondée par une loi de 1850, la Banque nationale (« de Belgique » à partir de 1900) doit assurer la circulation fiduciaire, pallier les limites du secteur © Jean-Michel Sarlet bancaire en améliorant l’accès au crédit commercial, gérer les réserves de change et assumer le rôle de caissier de l’État. 6 7
Un réseau au service de la collectivité La Banque nationale a reçu entre autres expérience, à l’exemple de J. Lint, pour mission d’ouvrir dans chacun premier agent de Louvain, fonction- des 52 arrondissements judiciaires naire de l’administration des Finances une agence où serait assuré le service sous Napoléon, puis cadre à la Société de caissier de l’État. En pratique, la générale sous Guillaume 1er… Ce profil Banque ouvre 24 agences en 1851, dont de chef de siège combinant des 17 reprises à la Société générale. Les talents d’organisation et de gestion, autres s’installent généralement dans de contact et de diplomatie, avec une des bâtiments appartenant au chef de large culture économique et financière, siège, hormis à Anvers, où la Banque s’est perpétué tout au long de la vie du bâtit d’emblée une succursale. L’insti- réseau. La culture d’entreprise y sera tution est par ailleurs chargée d’ouvrir caractérisée par la polyvalence et le un comptoir d’escompte dans chaque sens du service au public. chef-lieu de province pour offrir du crédit à court terme bon-marché. Même si, dans le cadre de leur fonction La Société générale ayant partout de Caissier de l’Etat, les chefs de siège abandonné cette activité jugée peu pouvaient être considérés comme rentable sauf à Bruxelles et Anvers, ces fonctionnaires, leurs autres respon- comptoirs doivent être créés ex-nihilo. sabilités leur offrent une très large Ils sont constitués sous forme d’associa- autonomie, qui se voit davantage tions de fait de notables et industriels encadrée à mesure de leur intégration locaux solidairement responsables, ce dans la structure de la Banque. qui permet à la Banque de s’intégrer Initialement, les agents dépendent dans le tissu économique et financier directement du gouverneur, et l’inter- local. Ceci restera l’une des caractéris- vention du siège central se limite à des tiques principales de son réseau, avec missions de contrôle. Ce n’est qu’en le souci de rendre à la collectivité un 1973 qu’est créé le département des service que le secteur privé ne peut ou succursales et agences, chargé de ne souhaite pas remplir. gérer les sièges et d’en contrôler les activités. Cette intégration se renforcera Les premiers agents étaient des nota- par la fusion de ce département avec bles locaux disposant d’une certaine la Caisse centrale. L’agence de la Banque nationale à Louvain, chef d’œuvre néogothique 8 9
Assurer la circulation fiduciaire Comme émetteur des billets, une Dans les années 1970, le développe- sera repris par le secteur privé, les un chant du cygne. Après ce pic banque centrale doit répondre à ment du réseau routier et la réorga- agences de la Banque nationale et d’activité, plusieurs sièges sont fermés. la demande de monnaie fiduciaire, nisation progressive des banques, qui sa caisse centrale préparent ainsi des notamment de la part des banques. concentrent leurs dépôts et retraits colis destinés aux agences bancaires Dans les années 2010, il reste cinq Elle doit aussi compter et trier les dans les sièges principaux de la et reçoivent directement les dépôts sièges. La Banque conçoit alors le projet billets déposés pour retirer les Banque nationale, amènent celle-ci de celle-ci. de partager leurs infrastructures avec éventuelles contrefaçons et les billets à fermer ses plus petites agences. les transporteurs de fonds. Dans ce usagés, et assurer ainsi la qualité de Les services bancaires étant devenus Réduites à une douzaine à l’aube du scénario, les transporteurs auraient pris la circulation fiduciaire. Un réseau largement accessibles et les activités nouveau millénaire, les succursales en charge la préparation de l’approvi- est indispensable pour assurer d’escompte terminées, le réseau et agences jouent un rôle majeur sionnement des agences bancaires, la partout la distribution des billets aux passe de 43 à 23 agences entre 1970 et lors du passage du franc belge à Banque assurant uniquement le tri des banques et à la Poste. Les particuliers 1984. Dans la décennie suivante, c’est l’euro fiduciaire, le 1er janvier 2002. billets selon les normes propres aux peuvent aussi échanger pièces et progressivement aux transporteurs De la livraison des premiers billets à banques centrales. Le projet est recalé billets en d’autres coupures, se faire de fonds que les banquiers confient la fin 1999 au retour rapide des francs par l’autorité belge de la concurrence. rembourser des billets n’ayant plus le traitement des billets et pièces de belges au début 2002, le personnel cours légal ou présenter les billets monnaie. Pour conserver un contrôle des sièges contribue autant à Enfin, le développement du recyclage détériorés. suffisant de la qualité des billets en l’échange des pièces et des billets qu’à des billets par les automates de retrait circulation tout en permettant aux l’information du public. Les efforts de et de dépôt et la centralisation des Jusqu’au développement d’équipe- banques de réduire l’activité de formation des commerçants et autres activités de traitement par les opérateurs ments performants dans les années leurs caisses centrales, la Banque professionnels à l’authentification des privés réduisent drastiquement les 1980, le tri des billets et la détection leur propose un service payant de billets sont poursuivis depuis lors. Mais mouvements aux guichets des sièges. des faux est une opération anuelle. « détail ». Jusqu’en 2016, où le service ce passage à l’euro résonne comme L’heure de la fermeture est proche. 10 11
L a Banque nationale de Faciliter le crédit : générale d’épargne et de retraite sur demande des copies payantes. Belgique… à Luxembourg l’escompte et ses comptoirs (CGER – 1865), les comptoirs étendront Le dépôt s’informatisera ensuite, sur progressivement leur champ d’action disquettes puis par Internet. L’Union économique belgo-luxem- La volonté du ministre Frère-Orban de jusqu’au crédit hypothécaire et bourgeoise a été créée en 1921 et, mettre le crédit commercial à la portée industriel. Mais dans les années À partir de 1985, les agences ouvrent initialement, pour une durée de des entreprises et commerçants en 1960, la simplification de l’accès au également un guichet dédié à la 50 ans. La parité de 1 à 1 entre les adossant des comptoirs d’escompte crédit bancaire entraîne le déclin de Centrale des crédits aux particuliers. francs luxembourgeois et belges aux principales agences de la Banque l’escompte du papier commercial : Chacun peut y consulter les données a, quant à elle, été fixée en 1929. En est rapidement mise en œuvre. Cette l’activité des comptoirs cesse en 1971. qui le concernent. conséquence, une convention de formule permet à la Banque, qui 1935 prévoyait l’ouverture d’une réescompte les effets escomptés par Depuis 1954, la Banque nationale effectue succursale de la Banque nationale les comptoirs, d’étendre rapidement Des services à l’État, aux auprès d’un panel de chefs d’entreprise au Grand-Duché, accordant le son champ d’action. Les premiers particuliers et aux agents une enquête mensuelle sur leur appré- cours légal au Luxembourg des comptoirs – Liège, Gand, Charleroi et ciation de la situation économique – les billets et pièces belges. L’adminis- Mons – ouvrent dès 1851, suivis dans économiques enquêtes de conjoncture : elle conduit trateur de la Banque y joua donc la décennie par vingt-et-un autres, également d’autres enquêtes auprès un rôle particulier, puisqu’outre puis onze encore après 1865. Anvers Dès sa fondation, la Banque est des entreprises. Les sièges de la Banque ses fonctions traditionnelles, il (jusqu’en 1952), tout comme Bruxelles, instituée caissier de l’État. À Bruxelles, nationale ont contribué à maintenir un représentait l’institution auprès n’a pas de comptoir, mais dispose d’un cette mission est confiée par le Roi au réseau régional permettant d’assurer des autorités et des banques comité d’escompte travaillant dans un gouverneur de la Banque, et ailleurs une bonne représentativité de cet luxembourgeoises. cadre différent. En 1872, un changement aux chefs de siège. Elle consiste à échantillon. de statut juridique des comptoirs réduit centraliser recettes et dépenses de Les besoins de la circulation cependant le rôle des agents de la l’État sur le compte ouvert au nom du Par ailleurs, les succursales d’Anvers, puis fiduciaire grand-ducale étaient Banque au rang d’observateurs. Trésor, d’y enregistrer les opérations de Liège, ont été à l’initiative d’études pour 95 % assurés par la Banque que la Banque effectue pour État économiques portant sur leurs ports nationale. Les billets émis par le Collaborant avec les institutions comme l’émission, le paiement des respectifs : celles-ci ont été reprises au gouvernement (puis par l’Institut publiques de crédit, dont la Caisse intérêts et le remboursement de ses siège central, qui les a étendues aux Monétaire) et par la Banque Inter- emprunts ou l’encaissement de taxes, y domaines aéroportuaire et logistique. nationale à Luxembourg complé- compris certaines taxes locales, … taient les besoins. Les représentants régionaux de la En 1978, le législateur confie à la Banque Banque nationale ont ainsi, depuis La naissance de l’euro et du Système la gestion d’une Centrale des bilans toujours, joué un rôle d’ambassa- européen de banques centrales destinée à faciliter la publication et deurs de l’institution auprès des forces a mis un terme à cette particu- la consultation des comptes annuels, vives de leur région, en adhérant larité : en 1998, le bâtiment de la tâche auparavant assumée par les notamment aux Chambres de succursale de la Banque nationale greffes des tribunaux de commerce commerce et d’industrie, à des asso- de Belgique à Luxembourg était locaux. Après contrôle de qualité, ciations professionnelles, des services repris par la toute jeune Banque les documents déposés – initiale- Club… Ils organisent des séances d’in- centrale du Luxembourg. ment sur papier – à la Centrale des formation et des formations (signes de bilans sont à l’époque microfilmés et sécurité des billets, Intrastat, Comptes transmis aux agences, qui en délivrent régionaux…), et participent à des salons 12 H.J.W. Frère-Orban, fondateur de 13 la Banque nationale (1850)
professionnels. Les agents furent en Cette présence sur le terrain permet moment où, dans les années 1960 et Essentielles au fonctionnement des outre pionniers des contacts trans- en retour de disposer d’une connais- 1970, elles sont devenues plus géné- paiements interbancaires, les cham- frontaliers, rencontrant régulièrement sance intime du terrain économique, ralistes et ont développé leur propre bres de compensation ont vu le jour, leurs homologues allemands, français, et de percevoir certaines évolutions réseau. Les guichets de la Banque chez nous, dès 1872 pour permettre luxembourgeois ou néerlandais. avant même qu’elles se traduisent en acceptaient les dépôts et retraits pour aux participants de régler leurs données chiffrées. leur compte. soldes entre eux et se prêter éven- C’est dans les sièges que fut longtemps tuellement les montants dont ils ont assuré le secrétariat du Forum financier Les liens avec la Société nationale de besoin en fin de journée. Elles sont, belge présent dans tout le pays via ses Au service du secteur crédit à l’industrie (SNCI), créée en à Bruxelles et dans le réseau, le point 15 comités régionaux, celui-ci est un lieu financier 1919 pour assurer le crédit industriel central des opérations entre banques. d’études et de rencontre centré sur les à moyen et à long terme, sont plus En fin de journée, les différents soldes questions financières et économiques étroits : son capital était au départ sont centralisés à Bruxelles. L’infor- et permettant des contacts directs La création de la CGER en 1865, et issu des réserves de la Banque, avant matisation des opérations et la fin entre acteurs économiques locaux. La plus tard celles des autres institutions d’être élargi à des banques privées. La de l’eurochèque à la fin des années présentation annuelle du rapport de la publiques de crédit s’inscrit dans la Banque et son réseau l’ont hébergée 1990 mettront un terme aux activités Banque nationale permet à la Banque et réforme lancée par le ministre des jusqu’en 1927 et ont très longtemps de compensation en province. à sa direction de diffuser plus largement Finances en 1850. La Banque a assuré encore effectué à ses guichets des leurs analyses et recommandations. le service de ces institutions jusqu’au opérations pour son compte. © Jean-Michel Sarlet 14 15
Des axes d’avenir Longtemps incontournables, les formation seront dorénavant assurées succursales, agences, bureaux de au départ de Bruxelles, avec le même représentation et leur personnel ont souci de servir les citoyens et les assuré leurs missions très variées acteurs économiques. La Banque en s’adaptant à un environnement entend en particulier maintenir en perpétuelle mutation. Les deux ses contacts économiques locaux, derniers sièges – Liège et Courtrai – poursuivre la réalisation d’études ferment à la fin 2018, mettant un point régionales et assurer des formations final à un pan important de l’histoire de partout où le besoin se fait sentir. Le la banque centrale. Forum financier – qu’elle soutient aux côtés de Febelfin, la FSMA et Les dernières responsabilités essen- Assuralia –, avec sa centaine de tielles du réseau en matière de conférences annuelles, est désormais billets et pièces, de représentation géré par une équipe basée au siège de la Banque, de connaissance des central : il se profile comme un pilier milieux économiques, de rencontres important de sa communication dans économiques et financières ou de tout le pays. © Jean-Michel Sarlet 16 17
LA BANQUE NATIONALE ET SA SUCCURSALE DE LIÈGE Regard rétrospectif et prospectif sur un projet singulier du bureau d’architecture et d’urbanisme EGAU © Jean-Michel Sarlet
Les immeubles des premiers sièges fidélité au passé amena l’architecte à locaux de la Banque nationale, repris prévoir des statues pour les niches à la Société générale ou appartenant prévues dans la façade. Le sculpteur à l’agent, étaient très disparates de qui reçut la commande proposa que nature. Si certains étaient porteurs certaines de ses statues représentent d’histoire, comme le Château Puissant les membres du Comité de direction de Charleroi, qui accueillit la même de la Banque, ce qui fut fait ! année Napoléon et Blücher, puis Léopold Ier en 1832, d’autres pouvaient Dans la deuxième moitié du XXe siècle, être de simples maisons bourgeoises. les bâtiments deviennent davantage fonctionnels, sûrs et confortables pour Dans la deuxième moitié du XIXe le personnel et l’agent qui y habitait. siècle, la Banque nationale érigea C’est le cas des deux derniers sièges pour son réseau de nouveaux à fermer en 2018, Liège et Courtrai. La bâtiments, souvent prestigieux. Le Banque nationale a été représentée plus connu est son siège anversois, dans la cité ardente dès le 1er janvier signé de l’architecte Hendrik Beyaert. 1851, et c’est en 1873 qu’elle s’installa Celui de l’agence de Louvain visait au coin de la rue Hazinelle et du quant à lui à participer à la restaura- boulevard d’Avroy. tion de l’esprit gothique de la ville après les destructions de la Première L’architecture du siège de Courtrai, Guerre mondiale. Sa façade reproduit situé en périphérie de la ville, est à l’identique celle d’un immeuble marquée par les contraintes de du XVe siècle considéré comme sécurité et les exigences d’efficacité. un joyau architectural, mais abattu Les opérations de réception, d’envoi © Jean-Michel Sarlet au milieu du XIXe siècle. La Banque et de traitement des valeurs étaient rencontra la suggestion de la ville toutes situées au rez-de-chaussée, la de rendre au cœur de la cité son conception des lieux permettant de esthétique d’antan. Le souci de stricte minimiser les mouvements. Dans le hall d’entrée de la succursale de la Banque nationale à Liège, une tapisserie de Marie-Jo Lafontaine et un relief de Willy Helleweegen, œuvres appartenant à la collection d’art de la Banque nationale 20 21
À Liège, un bâtiment urbain La succursale de la Banque nationale de Liège, construite entre 1963 et 1968 à l’angle de la rue Hazinelle et de la place Saint-Paul par les architectes du groupe liégeois EGAU, est fortement empreinte de son contexte urbain. Développant une frontalité et une échelle mesurée face à la place encadrée d’arbres, en contrepoint aux deux écrans latéraux nettement plus élevés, elle assure en outre une continuité et un raccord soigneux avec le caractère pittoresque de la petite rue St-Remy. Le gabarit du bâtiment s’inscrit dans le registre habituel de la ville tradition- © Jean-Michel Sarlet nelle, avec une rythmique de travées, une corniche soulignée et un étage d’attique en recul, couvert par une toiture à bâtière. La matérialité sobre du bâtiment l’intègre dans la palette commune de la ville. Les façades de la succursale de la Banque nationale à Liège sont déclinées dans une esthétique néoclassique 22 23
Plan du rez-de-chaussée de la succursale © Atelier XXe-reconversion, faculté d’Architecture de l’ULiège Un immeuble autour d’un atrium Fondamentalement, c’est la figure Les ailes du bâtiment qui s’y articulent classique de l’immeuble sur cour qui sont de conception très simple : a guidé le projet. L’atrium, abritant volumétries quadrangulaires polyva- guichets et bureaux paysagers sur lentes, planchers en dalle nervurée 600m2, couvert par un lanterneau de béton portant de façade à façade de 400 m2 situé à 8m de hauteur en sans point d’appui intermédiaire. La constitue l’élément le plus significatif. composition globale est basée sur une trame modulaire de 2,40m x 2,40m. Ce Autour de celui-ci, trois ailes strictement méthodisme est perturbé par l’organi- orthogonales, la quatrième étant issue sation hiérarchisée de l’agence qui a d’une extension en 1988, fortement conduit à la multiplication des circu- contrainte par les découpes du parcel lations verticales (cages d’escalier et laire urbain, en réponse à l’évolution ascenseurs). De plus, la nécessité de des besoins techniques (sécurisation séparation des zones sécurisées et les des zones de transfert de fonds, comp- nombreuses transformations fonction- tabilisation mécanisée, etc…). nelles ont fini par rendre labyrinthique le plan d’origine, dont la lecture se De cet atrium central baigné de perd dans des cloisonnements, sas et lumière, traité avec magnificence par micro-aménagements. un sol et des lambrissages imposants de marbre blanc, gris et noir, découle Plus dommage encore, la grande la qualité d’atmosphère de tout verrière a été refermée en 1997 pour l’édifice. Dès l’entrée par l’escalier et des questions de sécurité, amputant le portail de la place St-Paul, le regard l’espace architectural de ses qualités du visiteur glisse sur un écran de originelles. marbre gris qui le conduit à l’atrium, à la clarté magnétique. 24 Vue de l’atrium en cours de construction 25
Une écriture architecturale singulière Comparée à celle des autres projets on notera que cette tempérance contemporains du groupe EGAU, a néanmoins produit un bâtiment l’écriture architecturale du bâtiment qui affiche une sorte de normalité est déconcertante : le centre sportif langagière, une monumentalité sans du séminaire (1962), l’hôtel de ville arrogance et une intelligence d’inté- d’Ougrée (1966) ou la cité de Droixhe gration dans le tissu environnant. (1954-1979) développent un langage manifestement moderniste, alors que Dans les projets d’après-guerre, la les façades de la Banque nationale politique architecturale de la Banque sont déclinées dans une esthétique nationale, est marquée par le modèle néo-classique dont la modénature du siège central de Bruxelles. (1957, traditionnelle masque un bâtiment architecte Marcel Van Goethem). ossaturé en béton armé. L’architecture prônée, tout en Sur cette dichotomie, l’architecte Jules étant d’une modernité classique et Mozin (architecte du groupe EGAU) monumentale exprimant la solidité exprime des regrets dans une interview et la stabilité (de l’institution), est qu’il livre dans le n° 1 de la revue liégeoise également mue par l’objectif fonc- « architecture et vie » en avril 1983 : tionnaliste d’une nouvelle ergonomie « … Nous avons remporté le concours bancaire au sein d’une société en avec un projet dont les façades étaient pleine croissance économique. conçues en résille d’acier inoxydable. Et puis, pour d’obscures raisons on nous a La succursale de Liège est construite fait étudier plusieurs nouveaux projets selon cette directive, en opération pour aboutir à cette construction aux « tiroir » par rapport à l’ancienne agence façades Louis XVI édulcoré alors que établie dans un hôtel de maître du pour les aménagements intérieurs boulevard d’Avroy. De l’aile s’étirant le on nous laissait « carte blanche ». C’est long de la rue Hazinelle, le projet gardera parfois étrange les décisions d’un les coffres en sous-sol, tout en orientant La structure de la façade en cours de construction conseil d’administration. (…). » le nouveau siège vers la place St-Paul. Il présente plusieurs atouts : lisibilité La rhétorique du projet reflète cette forte, surface de 5000 m2 hors-sol, ambiguïté latente entre les aspirations accessibilité aisée à deux pas de la de la modernité et un certain repli place de la Cathédrale et du Pont classiciste. Avec le recul historique d’Avroy, grande flexibilité d’usage. 26 27
L’atelier XXe / reconversion L’atelier de projets d’architecture « XXe / • une maison des étudiants regroupant • une fondation d’art contemporain d’exposition ou de communication reconversion » de la faculté d’architec- une centaine de logements, des mettant en valeur les collections de dialoguant avec la place Saint-Paul. ture de L’université de Liège s’attache espaces de vie communautaire, de la Banque nationale elle-même ; à l’étude de bâtiments de l’époque travail, de services et de détente ; Les analyses et les projets exploratoires moderne et à leur potentiel de recon- • un ensemble de logements Tous les projets misent sur une clarifi- plaident pour une réflexion synergique version : la vacance du bâtiment de la diversifiés rassemblés autour d’un cation des cheminements irriguant les qui animerait nouveaux propriétaires, place St-Paul suite à l’arrêt des activités jardin central en plein cœur de la ville. différents plateaux, sur la réhabilitation architectes et pouvoirs publics autour bancaires ne pouvait que susciter • un pôle de co-working et d’accueil de l’atrium central, parfois en jardin d’une reconversion audacieuse et l’intérêt quant à son devenir. de start-up ; privé ou public, sur la requalification ouverte en amorce d’un projet urbain • une pépinière d’entreprises de la de la zone latérale de cours devenue de requalification de la place St-Paul. L’étude monographique du bâtiment création avec pôle d’exposition du garage couvert et de la structure démontre à souhait ses qualités urba- design ; primaire du bâtiment noyée dans de La démarche s’inscrit également dans nistiques et architecturales singulières, • un médialab groupant espaces d’in- trop nombreux cloisonnements. une action de sensibilisation à l’œuvre et ses potentialités de reconversion. formation, d’enseignement et de du groupe EGAU qui, avec celle du travail, dans un domaine émergent Plusieurs projets exploitent l’intérêt de groupe L’équerre, a été primordiale Des projets variés développés sur le plan technique, artistique ou la situation urbaine et la configuration dans le panorama de l’architec- avec une quinzaine d’étudiants de économique ; du plan sur cour pour ouvrir le rez-de- ture moderne liégeoise et qui est l’atelier de master durant l’année • une surprenante école de cirque, chaussée à des programmes d’intérêt pourtant systématiquement menacée académique 2017-2018 démontrent tirant parti avec force des poten- collectif : café, garderie, espaces faute de véritable conscience et que le bâtiment pourrait accueillir… tialités de la typologie du bâtiment ; de travail pour étudiants, espaces de conviction culturelle. Maquettes de projets de reconversion par l’Atelier XXe / reconversion 28 29
30 © Jean-Michel Sarlet
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