La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe - Contribution au débat public - Roland Berger

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La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe - Contribution au débat public - Roland Berger
Contribution au débat public

La coopération
Franco-Allemande
au service
de la croissance
en Europe

                               SEPTEMBRE 2013
Contribution au débat public

La coopération Franco-Allemande
au service de la croissance en Europe

Soutenir la reprise de l’Europe :
Trois initiatives pour relancer la croissance

Les opinions exposées dans ce document relèvent de la seule responsabilité
du cabinet Roland Berger Strategy Consultants
2   Contribution au débat public

    Table des matières

    Résumé Exécutif                                                                          6

    Introduction :
    Donner une nouvelle impulsion à la croissance européenne est une urgence                12
         - Les politiques fiscales et monétaires traditionnelles ne seront pas
           suffisantes pour résoudre la crise économique européenne                         12
         - Il existe cependant des voies nouvelles audacieuses pour soutenir le
           développement économique de l’Europe                                             16
         - Le couple franco-allemand a un rôle majeur à jouer dans l’activation de
           nouveaux leviers de croissance à l’échelle européenne                            17

    A. Remettre le secteur de l’énergie au service de la croissance                         18
       A.1 La situation énergétique européenne révèle des dysfonctionnements graves         18
       A.2 « Une étude de cas » : l’Allemagne a pris un virage énergétique irréversible,
           qui se heurte à de nombreux obstacles                                            23
       A.3 Il y a urgence à mettre en place une véritable politique énergétique
           européenne                                                                       26
       A.4 Seule une initiative franco-allemande pour créer une véritable Europe de
           l’énergie peut donner un signal favorable à la croissance sur le continent       30

    B. Faciliter l’investissement privé dans les infrastructures pour dynamiser             33
       la croissance
       B.1 Les besoins en investissement, considérables dans l’ensemble des
           catégories d’infrastructures risquent d’être insuffisamment satisfaits           33
       B.2 De tels investissements sont pourtant cruciaux pour l’économie européenne        35
       B.3 Encourager l’investissement privé dans les infrastructures en Europe tout
           en garantissant une rationalité accrue serait bénéfique pour la croissance
           économique                                                                       38
       B.4 À cette fin, il convient de lever les freins à l’investissement privé dans les
           infrastructures                                                                  44
       B.5 Pour ce faire, trois initiatives sont possibles : adapter les normes
           prudentielles, créer un incubateur dédié à l’investissement privé dans les
           infrastructures, et renforcer le soutien à l’innovation                          48
       B.6 Synthèse : Initiatives franco-allemandes pour accroître les investissements
           privés dans les infrastructures                                                  51

    C. Redéfinir une politique sociale au XXIe siècle, juste et efficace                    52
       C.1 Le concept de « flexisécurité », au cœur de la future politique sociale          53
       C.2 Un mouvement général vers plus de flexisécurité                                  53
       C.3 Synthèse : Initiatives franco-allemandes pour redéfinir une politique sociale
           juste et efficace                                                                57
3   La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe

    D. Annexes                                                                             59
       D.1 Focus sur les besoins en investissements dans les infrastructures en Europe
          [2012 – 2020]                                                                    59
       D.2 Modèles de participation du secteur privé à des projets d’infrastructures       60

    E. Bibliographie                                                                       61

    Remerciements                                                                          62

    Contributeurs                                                                          64

    Table des figures
    FIGURE 1        Déficits budgétaires et dette publique dans l’UE27
                    [% du PIB, 2008 - 2012]                                                13
    FIGURE 2        Pression économique sur les énergéticiens allemands                    24
    FIGURE 3        Impact de la décentralisation du secteur énergétique allemand          25
    FIGURE 4        Objectifs de développement des infrastructures de l’UE à 2020          33
    FIGURE 5        Prévisions d’investissement vs. besoin d’investissement dans
                    des projets significatifs pour l’Europe [2011-20; EUR ‘000 mds]        34
    FIGURE 6        Classement des pays de la zone euro dans l’Indice de Compétitivité
                    du Forum Économique mondial 2012-13                                    36
    FIGURE 7        Avantages et inconvénients des PPP selon les acteurs du secteur
                    ferroviaire en Europe                                                  40
    FIGURE 8        Échéancier de la mobilité intelligente                                 43
    FIGURE 9        Principales causes d’échec ou de délais majeurs dans les projets
                    d’infrastructures énergétiques                                         47
    FIGURE 10       Comparaison de la flexibilité et de la sécurité de 16 pays de l’OCDE
                    [1990 et 2012]                                                         53
    FIGURE 11       Indice de flexisécurité par pays [1990 et 2012]                        55
    FIGURE 12       Évolution de la corrélation entre le taux de chômage et l’indice de
                    flexisécurité                                                          56
    FIGURE 13       Évolution du taux de chômage en France et en Allemagne
                    [% population active ; 1980 – 2013]                                    57
4   Contribution au débat public

    Contexte de la présente contribution au débat public

    En ce 50e anniversaire du Traité de l’Élysée, les relations franco-allemandes
    et l’Europe sont à la croisée des chemins :

    >> L’Europe a besoin de croissance faute de quoi elle se fera distancer par ses                        L'Europe a besoin, plus que
       grands concurrents, perdra le soutien de l’opinion publique, mettra en dan-                         jamais, d'une forte entente
       ger sa cohésion sociale et sera à nouveau menacée de division.                                      franco-allemande

    >> L’Europe a besoin d’une forte entente franco-allemande sans laquelle il ne
       peut y avoir de décision et de projet capable d’entraîner l’ensemble des 28.
       À la veille du nouveau départ que sera naturellement le résultat des
       élections générales du 22 septembre en Allemagne, cette vérité est plus
       que jamais évidente.

    Parmi les nombreuses initiatives lancées en 20131), le cabinet Roland Berger
    Strategy Consultants a souhaité apporter sa contribution. Déjà, en septembre
    2012, les membres des rencontres d’Evian avaient demandé à Roland Berger
    Strategy Consultants de leur exposer les moyens de développer les relations
    économiques entre les deux pays. Il a été décidé de poursuivre ces travaux.

    Convaincu du caractère décisif de la relation franco-allemande pour toute
    avancée en Europe, le cabinet a engagé une réflexion pragmatique en étudiant
    pendant plusieurs mois avec des acteurs économiques et universitaires quelles
    initiatives la France et l'Allemagne pourraient porter conjointement pour
    soutenir la croissance des 28 membres de l’UE. Il a ainsi organisé avec l’Ambas-
    sade d’Allemagne en France2) des petits déjeuners de travail suivis d’entretiens
    bilatéraux pour approfondir plusieurs thèmes et déterminer des projets concrets.

    La réflexion engagée est partie de plusieurs constats qui remettent l’UE
    à sa juste place mais qui soulignent la grande fragilité de la situation actuelle :

    >> L’Union Européenne, malgré toutes ses hésitations, ses retards et ses imper-
       fections, a beaucoup progressé depuis quatre ans vers une meilleure
       gouvernance économique, une coordination des politiques économiques
       et des moyens de défense de la monnaie unique. Mais tout reste encore
       dépendant du respect des engagements pris et des délais de mise en œuvre
       des décisions – comme par exemple l’Union bancaire – ainsi que du retour
       d’un minimum de croissance.

    1) En particulier le rapport rédigé par Jean Louis Beffa et Gerhard Cromme à la demande du président
       de la République française et de la Chancelière allemande
    2) Petit-déjeuner « La coopération franco-allemande au service de la croissance en Europe : Une
       approche des problèmes de « l’Énergie » (18/12/2012) ; Petit-déjeuner « Soutenir la reprise de
       l’Europe – l’investissement dans les infrastructures comme moteur de croissance » (26/03/2013) ;
       Petit-déjeuner « France-Allemagne : quelle convergence sociale ? » (17/07/2013)
5   La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe

    >> Les pays membres sont tous engagés dans des processus d’ajustement de
       leurs économies qui amènent pour certains une forte amélioration de
       leur compétitivité et qui devrait à terme placer l’ensemble de la zone dans
       une situation meilleure que d’autres régions du monde. Mais ces ajustements          Faute d’initiatives franco-
       ont aujourd’hui des coûts sociaux très élevés et sont générateurs de graves          allemandes, la croissance
       tensions. Sans une perspective claire de croissance à venir, celles-ci risquent      ne sera pas au rendez-vous
       de devenir insupportables.

    >> Le 50e anniversaire du Traité de L’Élysée a montré la solidité du lien franco-
       allemand et la conscience très forte des responsables politiques de la
       nécessité de l’utiliser au service de l’Europe. Mais chacun voit bien les
       différences de sensibilité et parfois d’intérêt qui peuvent séparer les deux
       pays si la volonté de dialogue et de compromis font défaut. Faute d’initiatives
       franco-allemandes, la confiance manquera et la croissance ne sera pas
       au rendez-vous.

    Dans un tel contexte, il est urgent d’agir. Agir, c’est d’abord dépasser le fatalisme
    de ceux qui jugent que les Européens n’ont aucune marge de manœuvre,
    faute de pouvoir utiliser les vieilles recettes de la dépense publique, et parce
    qu’ils seraient paralysés par la tutelle des marchés. Agir, c’est viser une
    croissance durable dans un contexte où il n’est guère possible aux Européens
    d’avoir recours comme au Japon et aux États Unis à une émission massive
    de monnaie (porteuse à long terme de graves incertitudes). Agir c’est, enfin,
    avoir la certitude qu’une volonté politique forte utilisant les bons outils peut
    porter rapidement des fruits.

    Et dans l’immédiat, agir, c’est avant tout permettre à un large débat public
    d’apporter des pistes d’initiatives nouvelles susceptibles d’être portées
    conjointement par la France et l’Allemagne – en marge des mesures macro-
    économiques et d’amélioration de la gouvernance économique européenne,
    qui sont aujourd’hui indispensables et font déjà l’objet de réflexions approfondies
    et de propositions. C’est pourquoi le cabinet Roland Berger Strategy Consul-
    tants a retenu trois thèmes spécifiques en raison de leur importance pour
    la construction européenne, pour la confiance des agents économiques et pour
    leur effet potentiel sur la croissance : l’énergie, les infrastructures (notamment
    de transport), et le marché du travail. Chacun de ces thèmes peut apporter
    la preuve que les européens peuvent soutenir leur activité sans augmenter
    la dépense publique et au moyen de réformes rapidement mises en œuvre.

    Le présent document reprend et complète les travaux initiés à l’occasion des
    petits déjeuners de travail organisés avec l’Ambassade d’Allemagne en France.
    Nous espérons que cette contribution recevra un écho auprès de tous ceux
    pour qui la coopération franco-allemande est susceptible de représenter une
    source d’espoir.
6   Contribution au débat public

    Résumé exécutif

    Les pays européens ont répondu à la crise économique par l’instauration ou
    la poursuite de politiques de remise en ordre de leurs comptes publics et
    sociaux avec une nouvelle rigueur, parfois qualifiée d’austérité. Ces politiques
    commencent à porter leurs fruits, mais les perspectives de croissance restent
    peu enthousiasmantes. L’économie de l’Union Européenne était en récession
    en 2012, sera vraisemblablement à l’équilibre en 2013 et bénéficiera d’une
    croissance faible en 2014 (autour de 1%3)).

    En parallèle, il existe une épargne considérable en Europe (taux d’épargne                             Convenablement encadrée,
    des ménages de près de 14% du PIB) parfois stérilisée, investie à l’étranger                           l’épargne des Européens pourrait
    ou dans des classes d’actifs à faibles rendements. Convenablement encadrée,                            être mobilisée davantage pour
    cette épargne pourrait être mobilisée davantage dans des investissements privés                        soutenir la croissance, à condition
    en Europe, pour soutenir durablement la croissance – à condition que le cadre                          que le cadre réglementaire des
    réglementaire garantisse une meilleure rationalité économique.                                         investissements garantisse une
    C’est particulièrement le cas dans le domaine de l’énergie et des infrastructures,                     meilleure rationalité économique
    où les besoins risquent d’être pour partie insatisfaits et où sont susceptibles
    d’être engendrées – sous certaines conditions – des externalités positives
    sur l’ensemble de l’économie.

    Mais pour permettre à ces investissements privés de se déployer, et donc
    au capital d’être mieux alloué, un certain nombre de freins doivent être levés :

    >> Avec les nouvelles normes prudentielles, des contraintes de liquidité et de
       solvabilité menacent de peser désormais sur la mobilisation du capital à long
       terme, et, partant, sur le financement des projets à cycles longs (typiquement le
       cas de grands projets d’énergie ou d’infrastructures) ;

    >> L'environnement réglementaire et institutionnel des investissements dans les
       grandes infrastructures est trop peu sécurisant et trop hétérogène en Europe
       pour les investissements privés – en particulier dans la production et la distri-
       bution d’énergie, où le désordre actuel enlève tout repère aux investisseurs ;

    >> Les investissements prévus dans les infrastructures risquent d’être insuffisants                    Le déficit d'investissement probable
       pour faire face aux besoins de l’économie européenne. Le cabinet Roland                             dans les infrastructures d'ici à 2020
       Berger évalue à près de 800 milliards d'euros le déficit d'investissement pro-                      pourrait s'élever à 800 milliards
       bable par rapport aux besoins identifiés. En parallèle toutefois, trop de projets                   d'euros, tandis que trop de projets à
       à faible intérêt socio-économique sont encore soutenus par les pouvoirs                             faible intérêt socio-économique sont
       publics. Attirer davantage d’investissements privés dans ce secteur pourrait                        encore soutenus par la collectivité
       remédier partiellement à ces problèmes, mais il reste pour cela à garantir un
       cadre lisible et une supervision efficace de ces projets.

    3) Projections du Fonds Monétaire International (FMI) et de l’Organisation pour la Coopération et le
       Développement Économique (OCDE). Des projections plus optimistes sont avancés par les Ministères
       des Finances des pays concernés.
7   La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe

    >> L’innovation, susceptible de débloquer des gains de productivité importants
       et de générer des « effets systèmes » – dans les économies d’énergie, la pro-
       duction et le stockage d’énergie renouvelables, ou encore dans la « mobilité
       intelligente » – devrait être davantage soutenue pour permettre à l’Europe de
       rivaliser avec ses concurrents américains et asiatiques ;

    >> L’évaluation des grands projets (dans les infrastructures comme dans
       l’énergie) mériterait d’être facilitée, en développant des méthodologies stan-
       dardisées d’évaluation des coûts complets des projets.

    À cette fin, la recherche d’un équilibre optimal entre compétitivité et solidarité
    (concrètement, entre flexibilité et sécurité de l’emploi) est également
    un domaine d’intervention majeur.

    Atteindre cet équilibre suppose de regarder précisément la réalité des enjeux
    sociaux (emplois, revenus, partage de la valeur ajoutée), et de s’appuyer sur un
    dialogue social partant des réalités et sans entraves pour effectuer les arbitrages
    nécessairement douloureux. Un Conseil des sages ou un « observatoire » franco-
    allemand qui chaque année établirait les données factuelles incontestables du
    dialogue social pourrait contribuer de façon majeure à développer de la confiance.
    Cela devrait aller de pair avec l’étude des conditions qui peuvent rendre
    plus acceptables la flexisécurité, en particulier un effort important en faveur
    de la formation. Par ailleurs, il conviendrait d’optimiser les mécanismes
    franco-allemands et européens existants tels l’amélioration de la mobilité intra-
    européenne des travailleurs ou le renforcement des dispositifs d’apprentissage
    transfrontaliers.

    Un ensemble de mesures concrètes qui marqueront une direction claire et
    redonneront les repères nécessaires aux agents pourra créer la confiance sans
    laquelle il n’y a pas de croissance solide et durable :

    >> L’énergie : Le désordre et les divergences des politiques énergétiques en Eu-
       rope entraînent dès aujourd’hui de graves conséquences sur la compétitivité
       industrielle et remettent en question les espoirs d’une transition énergétique
       réussie. Pour rétablir la confiance et rendre compatibles les choix différents
       des pays membres, des mesures urgentes tant réglementaires qu’en matière
       d’investissements sont nécessaires, quitte à circonscrire le périmètre d’appli-
       cation aux seuls pays volontaires (via une coopération renforcée).
8   Contribution au débat public

    >> Le financement privé d’un grand programme d’infrastructures rentables et
       tournées vers l’avenir : La qualité des infrastructures est une condition essen-
       tielle de la compétitivité. Un grand programme européen de renouvellement
       et de modernisation des infrastructures pourrait y contribuer parce qu’il
       aurait un impact direct sur la croissance. Il faut pour cela définir les conditions
       dans lesquelles l’épargne considérable des européens pourrait être mobilisée
       judicieusement (ce qui milite en faveur d’un assouplissement des normes
       prudentielles), ainsi que les meilleures procédures pour choisir les projets les
       plus utiles. Rétablir des conditions de visibilité satisfaisantes pour les investis-
       seurs est une urgence.

    >> Un meilleur équilibre en Europe entre compétitivité et solidarité sociale :
       Sous la pression des ajustements de l’économie européenne et d’une concur-
       rence internationale très vive, la définition d’un nouvel équilibre entre
       solidarité sociale et compétitivité est en cours en Europe. Un tel consensus
       est indispensable pour retrouver la confiance des partenaires sociaux sans
       laquelle la croissance ne sera pas au rendez vous. Très profondément attachées
       à un haut niveau de solidarité mais avec des cultures sociales différentes,
       la France et l’Allemagne peuvent y contribuer de façon décisive.

    Elles sont proposées dans chacun des domaines d’initiatives étudiés :
9   La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe

          ÉNERGIE                                                           INFRASTRUCTURES
          >> Coopération renforcée dans                                     >> Incubateur européen des
             le domaine de l’énergie                                           investissements privés dans
                                                                               les infrastructures
          >> Champions franco-allemands
             de la transition énergétique                                   >> Soutien accru à la recherche
                                                                               dans les infrastructures intelli-
          >> Réseau franco-allemand de                                         gentes par l'accroissement des
             recherche dans l'énergie                                          fonds européens
             conventionnelle et renou-
             velable (s'appuyant sur                                        >> Adaptation des normes
             l'OFAEnR)                                                         Bâles III / Solvency II

          SOCIAL
          >> Comité des Sages franco-allemand dans
             le domaine social

          >> Affirmer le principe d’une harmonisa-
             tion des modes de financement de la
             protection sociale

          >> Rapprocher les marchés du travail en
             France et en Allemagne (mobilité intra-
             européenne accrue par une meilleure
             portabilité des droits et par un renforce-
             ment de l'apprentissage transfrontalier)
10   Contribution au débat public

     Coopérer pour relancer l'Europe de l'energie

        1                                                                3
                >> Mettre en place une Coopération Renfor-                   >> Soutenir l'innovation dans le domaine de
                   cée pour faire avancer l'Europe de l'énergie,                l'énergie conventionnelle et renouvelable en
                   en synchronisant un processus de transition                  établissant un « Réseau franco-allemand de
                   énergétique raisonné entre États participants :              l’énergie », s'appuyant sur les structures exis-
                   –– Harmoniser progressivement les principes                  tantes (ex. OFAEnR)
                      de rémunération des énergies renouve-                     –– Débloquer de nouveaux fonds dédiés à des
                      lables et de protection des capacités exis-                  projets de R&D communs portés par des
                      tantes d’énergies « permanentes »                            instituts de recherche
                   –– Prévoir une trajectoire d’évolution du mix                –– Chaque année la France et l’Allemagne
                      énergétique coordonnée, à un rythme com-                     organiseraient des appels d’offres à projets
                      patible avec la maturation des technolo-                     sur ces thèmes
                      gies                                                      –– Les membres du réseau de fournir un réfé-
                   –– Veiller au respect des règles européennes                    rentiel d’évaluation objectif et consensuel
                      en matière de concurrence, y compris dans                    de l’impact environnemental des technolo-
                      la politique de soutien aux énergies vertes                  gies de production d’énergie

        2                                                                4
                >> Fixer une priorité plus forte aux économies               >> Étudier la constitution de champions franco-
                   d’énergie et en assurer une rémunération                     allemands de la transition énergétique :
                   aussi attrayante que celle des énergies renou-               –– Dans le démantèlement et l’assainissement
                   velables                                                        de centrales nucléaires
                   –– Retourner à une politique volontariste de                 –– Dans l’efficacité énergétique
                      réduction des GES en en faisant supporter
                      le prix aux consommateurs (via des instru-
                      ments fiscaux ou une remise en ordre du
                      marché du CO2)
                   –– Harmoniser les normes d’isolation ther-
                      mique des bâtiments
                   –– Porter à terme, à l'échelle internationale,
                      une proposition d'instauration d'une obli-
                      gation d'établissement d'états carbone, à
                      l'instar des états financiers et du bilan social
11   La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe

     Financer les infrastructures de demain en partenariat avec le secteur privé

        5
                >> Adapter avec précaution les normes Bâle III et                  –– Idéalement, octroyant une « garantie règle-
                   Solvency II pour éviter de raréfier les liquidi-                   mentaire » aux acteurs privés et les indem-
                   tés disponibles pour les investissements privés                    nisant en cas de non-respect des clause
                   de long terme                                                      contractées avec le maître d'œuvre public
                   –– Rendre les normes Solvency II plus flexibles
                      (abaisser momentanément en période de

                                                                             7
                      crise le seuil de capital de solvabilité requis            >> Soutenir davantage l’innovation dans les
                      – par exemple de 99,5% à 99%)                                 infrastructures intelligentes, en veillant à ce
                   –– Etaler d'un an le calendrier d'application                    qu'une partie importante des fonds européens
                      des normes Bâle III                                           dédiés à la recherche (programme-cadre de
                                                                                    recherche de l'UE "Horizon 2020") soient
                                                                                    mobilisés dans ce domaine et en appuyant des

        6
                >> Créer un incubateur européen visant à ac-                        projets précis :
                   croître l’investissement privé dans des infras-                  –– Ex. mobilité intelligente : réseau de cap-
                   tructures ciblées :                                                 teurs en milieu urbain pour décongestion-
                   –– Apportant un appui technique aux projets                         ner le trafic
                      d'infrastructures génératrices d'externalités                 –– Ex. déploiement des réseaux électriques
                      positives pour l'économie                                        intelligents (sur le modèle du programme
                   –– Jouant un rôle d'arbitrage entre institutions                    Spur Energy Smart Grid initié aux Etats-
                      publiques et ses partenaires privés en cas                       Unis dès 2009)
                      de litiges

     Avancer dans la voie de la flexisécurité pour conjuguer compétitivité et solidarité

        8                                                                    9
                >> Mener des actions concrètes pour rapprocher                   >> Viser à terme une harmonisation franco-alle-
                   les marchés du travail français et allemands :                   mande des modes de financement de la pro-
                   –– Favoriser la mobilité intra-européenne en                     tection sociale
                      améliorant la portabilité des droits (pen-
                      sions et couverture sociale) ainsi que la

                                                                             10
                      reconnaissance des qualifications                          >> Créer un Comité des Sages franco-allemand
                   –– Renforcer les initiatives d’apprentissage                     dans le domaine social, chargé de présenter
                      transfrontaliers                                              chaque année de façon « objective » les don-
                   –– Rendre rendre la flexi-sécurité plus attrac-                  nées factuelles du dialogue social et des équi-
                      tive grâce à un effort de formation des de-                   libres sociaux-économiques en France et en
                      mandeurs d'emploi                                             Allemagne
                                                                                    –– En coordonnant ses travaux dans le cadre
                                                                                       du Semestre Européen
                                                                                    –– En alimentant le dialogue social par des
                                                                                       analyses et des études susceptibles
12   Contribution au débat public

     Introduction : Donner une nouvelle impulsion
     à la croissance européenne est une urgence

     Les politiques fiscales et monétaires traditionnelles ne seront
     pas suffisantes pour résoudre la crise économique européenne

     L’Europe se remet progressivement de plusieurs années de déprime écono-
     mique, consécutives à la crise financière de 2008.

     Pour faire face à celle-ci, les pays européens se concentrent sur des réformes
     structurelles (ex. : réforme des retraites ou du marché du travail) ou conjonc-
     turelles (baisse de la dépense publique, hausses d’impôts). Mais les marges de
     manœuvre des politiques budgétaires et monétaires sont des plus restreintes.
     Le taux d’intérêt nominal à court terme atteint un niveau proche de son
     minimum, c’est-à-dire zéro. De nombreux pays européens atteignent des
     niveaux d’endettement insoutenables à moyen terme.

     Quelle que soit l’opinion exprimée sur l’impact des mesures d’austérité (facteurs
     aggravant de la crise ou seule voie de sortie ?), le constat s'impose : l’Europe est   Les solutions classiques de relance
     en passe de sortir de la récession (évolution du PIB à prix constants : -0,4%          se heurtent au mur de la dette et
     en 2012, -0,1% en 20134)). Cette sortie de crise a été ralentie par les politiques     des marchés - la croissance doit
     de contrôle des dépenses publiques mises en place par nombre de pays euro-             être recherchée ailleurs
     péens, lesquelles sont parvenues à endiguer partiellement les déficits publics
     – politiques que l’explosion de la dette publique et la pression des marchés
     financiers imposaient (Figure 1).

     Cette sortie de crise est fragile. Selon les pays, la tendance est à la stagnation
     ou à une faible croissance plutôt qu’à une véritable reprise - contrastant avec
     le relatif dynamisme de la plupart des autres pays de l’OCDE. De plus,
     la moyenne européenne masque des situations très contrastées, avec certains
     pays englués dans une spirale incontrôlée de récession – dérapage des finances
     publiques (Grèce et Portugal, Irlande dans une moindre mesure), nécessitant
     des plans d’aides internationaux.

     Enfin, les déséquilibres sociaux s’aggravent, en particulier en Europe du Sud.
     Ainsi, le chômage des jeunes de la zone Euro dépassait les 23% à la fin 2012
     (plus de 50% en Espagne et en Grèce).

     Dans un contexte ou les solutions classiques de relance économique se heurtent
     au mur de la dette et des marchés, la croissance doit être recherchée ailleurs.
     C’est une urgence.

     4) Source : Eurostat. Périmètre : UE27. 2013 : prévision à juillet 2013.
13   La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe

     FIGURE 1 : DÉFICITS BUDGÉTAIRES ET DETTE PUBLIQUE DANS L’UE27 [% DU PIB, 2008 - 2012]

                                                                               82.5%                    85.3%
                                                     80.0%
                               74.6%
          62.3%

          -2.4%
                                                                               -4.4%                    -4.0%

                                -6.9%                -6.5%

          2008                  2009                  2010                     2011                     2012

                                                     Source : Eurostat. Périmètre : UE27. 2013 : prévision à juillet 2013.

     Les solutions traditionnellement avancées ne constituent pas de
     recette miracle

     La réponse des pays à cette crise européenne s’est concentrée sur quatre axes :

     >> Au niveau européen :
        –– ­Mise en place de mécanismes d’assistance financière (Mécanisme Euro-                                             La réponse des Européens
            péen de Stabilité et ses prédécesseurs) renforçant la crédibilité financière                                     à la crise était nécessaire pour
            de l’Europe ;                                                                                                    éviter une catastrophe financière
        –– ­Initiatives diverses pour soutenir la croissance (cf. supra) : interventions                                     mais pas suffisante pour espérer
            non-conventionnelles de la BCE, activité renforcée de la BEI, Mécanisme                                          un rebond économique durable
            pour l’interconnexion en Europe (cf. infra).

     >> Au niveau national :
        –– ­Politiques de remise en ordre des comptes publics et sociaux avec un
            gel des dépenses publiques (ou une baisse dans les cas les plus sévères),
            accompagné d’une augmentation de la ponction fiscale pour endiguer
            rapidement les déficits publics ;
        –– ­Mesures structurelles, visant à préparer l’avenir mais également à rassurer
            les marchés financiers, afin de maintenir sous contrôle le coût de la dette.
            Par exemple, l’Irlande, la Grèce et le Portugal ont baissé le coût unitaire
            du travail de plus de 2% par an depuis 20095).

     5) Source : Eurostat. Périmètre : UE27. 2013 : prévision à juillet 2013.
14   Contribution au débat public

     Cette réponse était nécessaire pour éviter une catastrophe financière, mais
     pas suffisante pour espérer un rebond économique durable dans le cadre
     d’une Europe vieillissante, confrontée à une concurrence internationale de plus
     en plus rude.

     Pendant ce temps, les marges des acteurs économiques (notamment des PME /
     PMI) dans les grands pays stagnent à des niveaux historiquement faibles,
     obérant l’investissement au moment même ou d’autres concurrents internatio-
     naux sont précisément en train d’investir dans les secteurs d’avenir.
     Cela présage d’un affaiblissement de la position de l’Europe dans le monde
     dans les années à venir.

     Les leviers traditionnels des politiques fiscales et monétaires sont insuffisants

     La dette publique représente près de 86% du PIB des pays de l’Union à la fin
     du 1er trimestre 20136), à comparer aux 60% retenus théoriquement par les
     « critères de convergence », préalablement à la constitution de la zone euro.
     Même si certains pays connaissent depuis des années un taux d’endettement
     largement supérieur à ces critères7), la situation devient difficilement soutenable
     sur le moyen / long terme pour certains pays européens. Sans mentionner
     la Grèce, qui a déjà bénéficié d’une restructuration de sa dette, l’Espagne,
     l’Irlande, l’Italie et le Portugal sont déjà confrontés à des taux d’intérêt de leurs
     emprunts à 10 ans élevés, supérieurs à 6%8).

     De plus, la plupart des pays membres de l’Union Européenne, soucieux de
     ne pas répéter les erreurs passées et d’adresser un signal clair de sérieux budgé-
     taire aux marchés financiers, ont officialisé dans le Traité sur la Stabilité,
     la Coordination et la Gouvernance (« pacte budgétaire ») la transposition en
     droit national d’une règle d’or budgétaire, garantissant une trajectoire de
     maîtrise des déficits publics. L’Allemagne avait déjà inscrit cette obligation dans
     sa constitution en 2009.

     Dans ce contexte, le soutien à l’économie par un accroissement significatif
     du déficit public devient une option exclue par la majorité des économistes,
     et par la totalité des gouvernements européens en place à l’été 2013.

     6) Et plus de 92% pour les seuls pays de la zone euro. Source : Eurostat. Elle dépasse 100% en
        Belgique, Italie, Portugal, Grèce, et Irlande.
     7) La dette publique belge avoisinait les 130% du PIB au milieu des années 1990, et était restée
        supérieure à 90% jusqu’en 2006. La dette publique japonaise est supérieure à 200% du PIB
        depuis 2009.
     8) 8% pour le Portugal, en juillet 2013. Sans l’intervention de la Banque Centrale Européenne, qui a
        procédé à de multiples initiatives de soutien du marché (maintien de taux d’intérêt bas, interventions non
        conventionnelles sur les marchés interbancaires), ces taux se seraient sans doute maintenus au-delà de
        7% - niveau jugé insoutenable à moyen terme.
15   La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe

     La relance par la consommation ne semble plus une option très pertinente

     Compte tenu de l’absence quasi généralisée de marges de manœuvres finan-
     cières, les États seraient bien en peine de mettre en place une audacieuse
     politique de relance par la consommation. Le souhaiteraient-ils qu’ils seraient
     confrontés à deux obstacles majeurs.

     D’une part, l’accroissement de la pression fiscale (l’une des composantes essen-                            Les pouvoirs publics ne sont guère
     tielles des politiques de rigueur ou d’austérité aux côtés de la maîtrise de la                             en mesure de suppléer au déclin
     dépense publique) joue en défaveur de la consommation. Cela est vrai quand                                  de l’investissement par une relance
     bien même celle-ci s’applique avant tout à une catégorie de population aux                                  de l’investissement public
     revenus élevés, qui ont une propension à consommer inférieure à la moyenne.

     D’autre part, à mesure que les économies européennes sont devenues plus
     ouvertes que jamais, les politiques de relance par la consommation risqueraient
     de se traduire par une hausse des importations, notamment en provenance
     des pays émergents.

     L’investissement public ne peut compenser le lent déclin
     de l’investissement privé

     Dans certains pays européens (notamment en Europe du Sud), les taux d’inves-
     tissements sont en berne. Le taux d’investissement en Europe tourne aux
     alentours de 18% (21% pour le Japon, 25% pour le Corée… et 47% pour la
     Chine). Il n’est évidemment pas question d’espérer redresser ce taux au
     niveau de ceux d’économies émergentes, où les opportunités d’investissement
     rentables sont légion – reflétant in fine d’importants gisements de gains de pro-
     ductivité. Cependant, chaque demi-point d’investissement en plus ou en moins
     entraîne des répercussions importantes sur la croissance future.

     Or, les pouvoirs publics ne sont guère en mesure de suppléer à ce déclin par
     une relance de l’investissement public (cf. supra). En revanche, de son côté,
     l’Union Européenne peut, en mutualisant les capacités de mobilisation
     des fonds, apporter une solution partielle à ce déficit d’investissement.

     Du reste, la BEI, banque publique européenne dont la lettre de mission est
     fixée par les traités européens a traditionnellement joué un rôle important dans
     le financement des projets à long terme en Europe, et notamment des infras-
     tructures (20% de ses crédits ayant une maturité supérieure à 12 ans). Avec des
     augmentations de capital significatives ces dernières années (réalisées auprès
     des états membres de l’UE)9) et près de 90% de ses prêts octroyés en Europe,
     il paraît difficile cependant d’accroître massivement son exposition aux écono-
     mies européennes.

     9) Par exemple, augmentation de 10 milliards d’euros des fonds propres en 2012. Sur le marché
        obligataire, la BEI (déjà premier émetteur obligataire supranational au monde) prévoit de lever 70
        milliards d’euros en 2013 (30 milliards levés à la fin du premier trimestre). La BEI présente un bilan
        de 472 milliards d’euros en 2012.
16   Contribution au débat public

     Au mieux, la BEI pourrait éventuellement faire évoluer son levier financier
     (ses fonds propres représentant 23% de son exposition10)), dégageant ainsi des
     capacités de financement additionnelles.

     Les autres initiatives communes type « project bonds » ou Fonds Marguerite
     répondent également à de vrais besoins, mais ne représentent encore que des
     enjeux financiers limités.
     Dans cette logique, la Commission européenne a récemment prévu de mettre
     en place un fonds d’investissement de 29 milliards d’euros dans le cadre du
     « Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) », destiné à développer
     les infrastructures européennes de transport, de l’énergie et des télécommuni-
     cations sur la période 2014 - 2020.

     Ces montants sont cependant faibles au regard des besoins (cf. infra) et ces
     procédure nouvelles progressent avec prudence. L’essentiel des investissements
     dans les infrastructures continuera d’être porté très majoritairement par les
     investisseurs nationaux.

     Il existe cependant des voies nouvelles audacieuses pour soutenir
     le développement économique de l’Europe

     Le paradoxe de la crise économique actuelle est la forte disponibilité de liquidités.               La paralysie de l’investissement
     En 2011, les sociétés européennes cotées disposées d’un excès de trésorerie                         engendre une allocation sous-
     estimée à 750 milliards d’euros. En pratique, les investisseurs réduisent leurs                     optimale du capital obérant les
     investissements en raison de l’incertitude.                                                         perspectives de réveil économique
                                                                                                         de l’Europe
     Pire, une part considérable des liquidités sont investies dans des obligations
     d’État à taux très faible, et avec un rendement dérisoire. Dans le climat actuel
     d’incertitude, les retours sur investissements (ajustés au risque) des obligations
     d’État sont supérieurs à ceux des investissements directs à long terme.

     Si momentanément, cette situation profite à la trésorerie des budgets des États
     européens, elle est nocive à long terme pour la croissance économique.
     Faute de liquidités engagées dans le secteur productif, l’investissement stagne
     ou régresse, ne permettant pas d’assurer la croissance future. De plus,
     en abreuvant généreusement les pouvoirs publics de liquidités, les investisseurs
     leur permettent de différer une partie des réformes structurelles indispensables
     pour la survie du modèle social européen ; en réduisant leurs investissements
     en Europe, les entreprises du Vieux Continent ne se donnent pas les moyens
     de contenir la concurrence croissante de leurs homologues internationaux.
     En d’autres termes, la paralysie de l’investissement engendre une allocation
     sous-optimale du capital, obérant les perspectives de réveil économique
     de l’Europe.

     10) Au sens des ratios Bâle II (soit 55 milliards d’euros en 2013 – contre 42 milliards en 2011).
17   La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe

     Il est possible de redresser cette situation grâce à des réformes et à quelques
     orientations claires qui n’auront guère de conséquences sur les finances
     publiques :

     >> Recréer des conditions économiques favorables dans le secteur de l’énergie
        et engager des projets précis pour renforcer la compétitivité

     >> Donner aux investisseurs privés des garanties suffisantes à long terme pour
        accroître leur implication dans le secteur des infrastructures, en ciblant une
        rationalité économique accrue

     >> Affirmer un attachement franco allemand partagé à un nouvel équilibre forte
        solidarité / compétitivité favorable à l’emploi

     Le couple franco-allemand a un rôle majeur à jouer dans l’activation
     de nouveaux leviers de croissance à l’échelle européenne

     Quels que soient les jugements que l’on porte sur la construction européenne,
     force est de constater que chaque avancée de l’Europe a d’abord requis
     un accord de la France et de l’Allemagne. Inversement, les demi-mesures qui
     ont pu entraver le fonctionnement de l’Europe (telle l’insuffisante coordination
     économique de la zone euro et sa non-évolution vers une « zone monétaire
     optimale ») trouvent aussi son origine dans des divergences franco-allemandes
     de fond11).

     Or du fait du poids économique conjugué de l’Allemagne et de la France,
     de leur intérêt supérieur à la promotion d’un espace économique européen
     dynamique et de l’absence d’alternatives pour soutenir la croissance, il est
     essentiel que la France et l’Allemagne s’engagent (comme elles ont déjà envi-
     sagé de le faire) dans un nouvel effort de rapprochement pour relancer la crois-
     sance en Europe, en « alliant au pessimisme de l'intelligence l’optimisme de la
     volonté ». La situation économique en Europe l’exige et ces initiatives existent.

     11) cf. la relative impuissance du Pacte de Stabilité et de Croissance de 1997 à instaurer une réelle
         discipline budgétaire (que l’Allemagne comme la France ne respecteront pas dans des périodes
         récessives moins traumatiques que la période actuelle), dont les conséquences apparaissent
         aujourd’hui.
18   Contribution au débat public

     A. Remettre le secteur de l’énergie au service
     de la croissance

     A.1 La situation énergétique européenne révèle des dysfonctionnements graves

     L’énergie est un sujet de différences et de divergences profondes entre la France
     et l’Allemagne, porteur de risques potentiels pour la croissance. Il est donc urgent
     de le traiter, pour rendre compatibles des choix différents.

     La France et l’Allemagne ont en effet effectué des choix énergétiques radicale-
     ment différents (autour du nucléaire, mais également du niveau de soutien aux
     énergies renouvelables). Les deux pays partent également de traditions d’orga-
     nisation du secteur énergétique largement dissemblables, pour des raisons
     historiques et d’organisation politique : centralisation et concentration
     en France, décentralisation et déconcentration en Allemagne. Est-ce à dire que
     le couple franco-allemand ne peut plus porter de propositions susceptibles
     de faire avancer l’Europe de l’énergie, comme il l’avait fait dans le passé, pour
     le charbon, mais aussi pour le nucléaire ?

     A.1.1 L’Europe est aujourd’hui en situation de faiblesse (décalage)
     par rapport à la nouvelle donne énergétique mondiale
     Il y a seulement trois ans, le prix du pétrole atteignait des sommets historiques,     La révolution énergétique
     un peu en deçà de 150 dollars / baril. La révolution énergétique était en marche.      a désormais changé de visage,
     On prédisait alors un renchérissement inéluctable du coût de l’énergie,                et les conditions de la transition
     dû au renouvellement de plus en plus difficile des réserves d’hydrocarbures.           énergétique dans plusieurs pays
     La lutte contre le changement climatique pouvait être servie par des prix              européens sont des plus incertaines
     élevés de l’énergie. Face à la combinaison d’énergies primaires plus chères
     et de prix du CO2 en hausse, les économies d’énergie, le développement
     d’énergies renouvelables et la relance de programmes nucléaires constituaient
     alors les composantes d’une transition énergétique jugée inéluctable.

     Cette révolution énergétique a désormais changé de visage

     >> Les États-Unis ont, au moins au niveau fédéral, fait un choix de politique
        énergétique embrassant à nouveau les hydrocarbures et en particulier le gaz
        naturel, pour les décennies à venir. Important près de la moitié de leur gaz
        naturel il y a quelques années, les États-Unis réduisent progressivement cette
        dépendance grâce aux abondants gaz non conventionnels. Ils en deviendront
        même exportateurs nets d’ici quelques années, à la faveur du développement
        des infrastructures de liquéfaction. Le gaz se substitue au charbon et les
        Américains vont également devenir, à l’horizon 2030, de grands exportateurs
        de charbon de très bonne qualité, à destination de l’Asie (et de l’Allemagne !)
        notamment. De leur côté, les énergies renouvelables stagnent car elles
        ne sont pas compétitives sans subventions (le « production tax credit »,
        dont le renouvellement après le 31 décembre 2013 est encore incertain).
19   La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe

     >> L’industrie américaine gagne en compétitivité grâce à ses hydrocarbures
        bon marché (gaz et pétrole). Les industries pétrochimiques et chimiques
        envisagent déjà de nouveaux investissements en Amérique du Nord, bientôt
        suivies par d’autres industries électrointensives (mouvement déjà expéri-
        menté au Moyen Orient par exemple), cette fois grâce à des prix d’électricité
        non économiques ;

     >> Le gaz mondial destiné aux États-Unis se retrouve en Europe et (depuis
        Fukushima) en Asie, entraînant une « bulle de gaz » sans précédent, qui révo­
        lutionne les mécanismes de formation des prix. Ainsi, la décorrélation des
        prix du gaz et du pétrole s’installe probablement définitivement en Europe,
        traduisant l’abondance d’un gaz naturel bon marché. Aux contrats long
        terme d’approvisionnement en gaz naturel (dont le prix est indexé sur le
        pétrole), succède depuis 2009 un environnement beaucoup plus marchand,
        avec des contrats aux horizons plus courts, indexés sur des marchés du gaz
        naturel à court terme. Or, ces marchés sont réputés suffisamment liquides et
        profonds pour assurer en toute situation la continuité d’approvisionnement
        de l’Europe, en dépit du ralentissement programmé de la production de la
        Mer du Nord. Mais pour ce faire, il y aura lieu de mettre en place toutes les
        infrastructures nécessaires (ter­minaux de regaséification du GNL, gazoducs
        transcontinentaux) permettant d’acheminer le gaz.

     Dans ce cadre, l’Europe reste toujours fortement dépendante d’importations
     pour son pétrole et son gaz naturel : 54 % de l’énergie primaire de l’Union
     est importée en 2011 (50 % en France, grâce au programme nucléaire, 60 %
     en Allemagne). Au-delà de la disponibilité décroissante des ressources euro-
     péennes, cette dépendance pourrait s’accroître avec des évolutions visant
     à substituer d’autres énergies au nucléaire ou au charbon. Le gaz naturel offre
     indubitablement un outil de transition.

     A.1.2 Les conditions de la transition énergétique dans plusieurs pays européens
     sont des plus incertaines
     L’Allemagne, la France, ainsi que d’autres pays de l’Union, comme la Belgique
     ou la Suède, engagent une transition énergétique, aux contours plus ou moins
     définis. Cette transition s’inscrit d’une part dans le paradigme de la lutte contre
     le changement climatique, d’autre part dans le cadre d’une pression sur l’éner-
     gie nucléaire après la catastrophe de Fukushima (la part du nucléaire étant du
     reste amenée à baisser naturellement, compte tenu du faible nombre de projets
     actuels de construction de centrales et de la montée en puissance prévue
     de l’éolien terrestre et maritime). Une telle transition énergétique n’arrive-t-elle
     pas trop tôt, si elle repose exclusivement sur des moyens de production d’élec-
     tricité d’origine renouvelable ?
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