La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe - Contribution au débat public - Roland Berger
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Contribution au débat public La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe SEPTEMBRE 2013
Contribution au débat public La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe Soutenir la reprise de l’Europe : Trois initiatives pour relancer la croissance Les opinions exposées dans ce document relèvent de la seule responsabilité du cabinet Roland Berger Strategy Consultants
2 Contribution au débat public Table des matières Résumé Exécutif 6 Introduction : Donner une nouvelle impulsion à la croissance européenne est une urgence 12 - Les politiques fiscales et monétaires traditionnelles ne seront pas suffisantes pour résoudre la crise économique européenne 12 - Il existe cependant des voies nouvelles audacieuses pour soutenir le développement économique de l’Europe 16 - Le couple franco-allemand a un rôle majeur à jouer dans l’activation de nouveaux leviers de croissance à l’échelle européenne 17 A. Remettre le secteur de l’énergie au service de la croissance 18 A.1 La situation énergétique européenne révèle des dysfonctionnements graves 18 A.2 « Une étude de cas » : l’Allemagne a pris un virage énergétique irréversible, qui se heurte à de nombreux obstacles 23 A.3 Il y a urgence à mettre en place une véritable politique énergétique européenne 26 A.4 Seule une initiative franco-allemande pour créer une véritable Europe de l’énergie peut donner un signal favorable à la croissance sur le continent 30 B. Faciliter l’investissement privé dans les infrastructures pour dynamiser 33 la croissance B.1 Les besoins en investissement, considérables dans l’ensemble des catégories d’infrastructures risquent d’être insuffisamment satisfaits 33 B.2 De tels investissements sont pourtant cruciaux pour l’économie européenne 35 B.3 Encourager l’investissement privé dans les infrastructures en Europe tout en garantissant une rationalité accrue serait bénéfique pour la croissance économique 38 B.4 À cette fin, il convient de lever les freins à l’investissement privé dans les infrastructures 44 B.5 Pour ce faire, trois initiatives sont possibles : adapter les normes prudentielles, créer un incubateur dédié à l’investissement privé dans les infrastructures, et renforcer le soutien à l’innovation 48 B.6 Synthèse : Initiatives franco-allemandes pour accroître les investissements privés dans les infrastructures 51 C. Redéfinir une politique sociale au XXIe siècle, juste et efficace 52 C.1 Le concept de « flexisécurité », au cœur de la future politique sociale 53 C.2 Un mouvement général vers plus de flexisécurité 53 C.3 Synthèse : Initiatives franco-allemandes pour redéfinir une politique sociale juste et efficace 57
3 La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe D. Annexes 59 D.1 Focus sur les besoins en investissements dans les infrastructures en Europe [2012 – 2020] 59 D.2 Modèles de participation du secteur privé à des projets d’infrastructures 60 E. Bibliographie 61 Remerciements 62 Contributeurs 64 Table des figures FIGURE 1 Déficits budgétaires et dette publique dans l’UE27 [% du PIB, 2008 - 2012] 13 FIGURE 2 Pression économique sur les énergéticiens allemands 24 FIGURE 3 Impact de la décentralisation du secteur énergétique allemand 25 FIGURE 4 Objectifs de développement des infrastructures de l’UE à 2020 33 FIGURE 5 Prévisions d’investissement vs. besoin d’investissement dans des projets significatifs pour l’Europe [2011-20; EUR ‘000 mds] 34 FIGURE 6 Classement des pays de la zone euro dans l’Indice de Compétitivité du Forum Économique mondial 2012-13 36 FIGURE 7 Avantages et inconvénients des PPP selon les acteurs du secteur ferroviaire en Europe 40 FIGURE 8 Échéancier de la mobilité intelligente 43 FIGURE 9 Principales causes d’échec ou de délais majeurs dans les projets d’infrastructures énergétiques 47 FIGURE 10 Comparaison de la flexibilité et de la sécurité de 16 pays de l’OCDE [1990 et 2012] 53 FIGURE 11 Indice de flexisécurité par pays [1990 et 2012] 55 FIGURE 12 Évolution de la corrélation entre le taux de chômage et l’indice de flexisécurité 56 FIGURE 13 Évolution du taux de chômage en France et en Allemagne [% population active ; 1980 – 2013] 57
4 Contribution au débat public Contexte de la présente contribution au débat public En ce 50e anniversaire du Traité de l’Élysée, les relations franco-allemandes et l’Europe sont à la croisée des chemins : >> L’Europe a besoin de croissance faute de quoi elle se fera distancer par ses L'Europe a besoin, plus que grands concurrents, perdra le soutien de l’opinion publique, mettra en dan- jamais, d'une forte entente ger sa cohésion sociale et sera à nouveau menacée de division. franco-allemande >> L’Europe a besoin d’une forte entente franco-allemande sans laquelle il ne peut y avoir de décision et de projet capable d’entraîner l’ensemble des 28. À la veille du nouveau départ que sera naturellement le résultat des élections générales du 22 septembre en Allemagne, cette vérité est plus que jamais évidente. Parmi les nombreuses initiatives lancées en 20131), le cabinet Roland Berger Strategy Consultants a souhaité apporter sa contribution. Déjà, en septembre 2012, les membres des rencontres d’Evian avaient demandé à Roland Berger Strategy Consultants de leur exposer les moyens de développer les relations économiques entre les deux pays. Il a été décidé de poursuivre ces travaux. Convaincu du caractère décisif de la relation franco-allemande pour toute avancée en Europe, le cabinet a engagé une réflexion pragmatique en étudiant pendant plusieurs mois avec des acteurs économiques et universitaires quelles initiatives la France et l'Allemagne pourraient porter conjointement pour soutenir la croissance des 28 membres de l’UE. Il a ainsi organisé avec l’Ambas- sade d’Allemagne en France2) des petits déjeuners de travail suivis d’entretiens bilatéraux pour approfondir plusieurs thèmes et déterminer des projets concrets. La réflexion engagée est partie de plusieurs constats qui remettent l’UE à sa juste place mais qui soulignent la grande fragilité de la situation actuelle : >> L’Union Européenne, malgré toutes ses hésitations, ses retards et ses imper- fections, a beaucoup progressé depuis quatre ans vers une meilleure gouvernance économique, une coordination des politiques économiques et des moyens de défense de la monnaie unique. Mais tout reste encore dépendant du respect des engagements pris et des délais de mise en œuvre des décisions – comme par exemple l’Union bancaire – ainsi que du retour d’un minimum de croissance. 1) En particulier le rapport rédigé par Jean Louis Beffa et Gerhard Cromme à la demande du président de la République française et de la Chancelière allemande 2) Petit-déjeuner « La coopération franco-allemande au service de la croissance en Europe : Une approche des problèmes de « l’Énergie » (18/12/2012) ; Petit-déjeuner « Soutenir la reprise de l’Europe – l’investissement dans les infrastructures comme moteur de croissance » (26/03/2013) ; Petit-déjeuner « France-Allemagne : quelle convergence sociale ? » (17/07/2013)
5 La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe >> Les pays membres sont tous engagés dans des processus d’ajustement de leurs économies qui amènent pour certains une forte amélioration de leur compétitivité et qui devrait à terme placer l’ensemble de la zone dans une situation meilleure que d’autres régions du monde. Mais ces ajustements Faute d’initiatives franco- ont aujourd’hui des coûts sociaux très élevés et sont générateurs de graves allemandes, la croissance tensions. Sans une perspective claire de croissance à venir, celles-ci risquent ne sera pas au rendez-vous de devenir insupportables. >> Le 50e anniversaire du Traité de L’Élysée a montré la solidité du lien franco- allemand et la conscience très forte des responsables politiques de la nécessité de l’utiliser au service de l’Europe. Mais chacun voit bien les différences de sensibilité et parfois d’intérêt qui peuvent séparer les deux pays si la volonté de dialogue et de compromis font défaut. Faute d’initiatives franco-allemandes, la confiance manquera et la croissance ne sera pas au rendez-vous. Dans un tel contexte, il est urgent d’agir. Agir, c’est d’abord dépasser le fatalisme de ceux qui jugent que les Européens n’ont aucune marge de manœuvre, faute de pouvoir utiliser les vieilles recettes de la dépense publique, et parce qu’ils seraient paralysés par la tutelle des marchés. Agir, c’est viser une croissance durable dans un contexte où il n’est guère possible aux Européens d’avoir recours comme au Japon et aux États Unis à une émission massive de monnaie (porteuse à long terme de graves incertitudes). Agir c’est, enfin, avoir la certitude qu’une volonté politique forte utilisant les bons outils peut porter rapidement des fruits. Et dans l’immédiat, agir, c’est avant tout permettre à un large débat public d’apporter des pistes d’initiatives nouvelles susceptibles d’être portées conjointement par la France et l’Allemagne – en marge des mesures macro- économiques et d’amélioration de la gouvernance économique européenne, qui sont aujourd’hui indispensables et font déjà l’objet de réflexions approfondies et de propositions. C’est pourquoi le cabinet Roland Berger Strategy Consul- tants a retenu trois thèmes spécifiques en raison de leur importance pour la construction européenne, pour la confiance des agents économiques et pour leur effet potentiel sur la croissance : l’énergie, les infrastructures (notamment de transport), et le marché du travail. Chacun de ces thèmes peut apporter la preuve que les européens peuvent soutenir leur activité sans augmenter la dépense publique et au moyen de réformes rapidement mises en œuvre. Le présent document reprend et complète les travaux initiés à l’occasion des petits déjeuners de travail organisés avec l’Ambassade d’Allemagne en France. Nous espérons que cette contribution recevra un écho auprès de tous ceux pour qui la coopération franco-allemande est susceptible de représenter une source d’espoir.
6 Contribution au débat public Résumé exécutif Les pays européens ont répondu à la crise économique par l’instauration ou la poursuite de politiques de remise en ordre de leurs comptes publics et sociaux avec une nouvelle rigueur, parfois qualifiée d’austérité. Ces politiques commencent à porter leurs fruits, mais les perspectives de croissance restent peu enthousiasmantes. L’économie de l’Union Européenne était en récession en 2012, sera vraisemblablement à l’équilibre en 2013 et bénéficiera d’une croissance faible en 2014 (autour de 1%3)). En parallèle, il existe une épargne considérable en Europe (taux d’épargne Convenablement encadrée, des ménages de près de 14% du PIB) parfois stérilisée, investie à l’étranger l’épargne des Européens pourrait ou dans des classes d’actifs à faibles rendements. Convenablement encadrée, être mobilisée davantage pour cette épargne pourrait être mobilisée davantage dans des investissements privés soutenir la croissance, à condition en Europe, pour soutenir durablement la croissance – à condition que le cadre que le cadre réglementaire des réglementaire garantisse une meilleure rationalité économique. investissements garantisse une C’est particulièrement le cas dans le domaine de l’énergie et des infrastructures, meilleure rationalité économique où les besoins risquent d’être pour partie insatisfaits et où sont susceptibles d’être engendrées – sous certaines conditions – des externalités positives sur l’ensemble de l’économie. Mais pour permettre à ces investissements privés de se déployer, et donc au capital d’être mieux alloué, un certain nombre de freins doivent être levés : >> Avec les nouvelles normes prudentielles, des contraintes de liquidité et de solvabilité menacent de peser désormais sur la mobilisation du capital à long terme, et, partant, sur le financement des projets à cycles longs (typiquement le cas de grands projets d’énergie ou d’infrastructures) ; >> L'environnement réglementaire et institutionnel des investissements dans les grandes infrastructures est trop peu sécurisant et trop hétérogène en Europe pour les investissements privés – en particulier dans la production et la distri- bution d’énergie, où le désordre actuel enlève tout repère aux investisseurs ; >> Les investissements prévus dans les infrastructures risquent d’être insuffisants Le déficit d'investissement probable pour faire face aux besoins de l’économie européenne. Le cabinet Roland dans les infrastructures d'ici à 2020 Berger évalue à près de 800 milliards d'euros le déficit d'investissement pro- pourrait s'élever à 800 milliards bable par rapport aux besoins identifiés. En parallèle toutefois, trop de projets d'euros, tandis que trop de projets à à faible intérêt socio-économique sont encore soutenus par les pouvoirs faible intérêt socio-économique sont publics. Attirer davantage d’investissements privés dans ce secteur pourrait encore soutenus par la collectivité remédier partiellement à ces problèmes, mais il reste pour cela à garantir un cadre lisible et une supervision efficace de ces projets. 3) Projections du Fonds Monétaire International (FMI) et de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE). Des projections plus optimistes sont avancés par les Ministères des Finances des pays concernés.
7 La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe >> L’innovation, susceptible de débloquer des gains de productivité importants et de générer des « effets systèmes » – dans les économies d’énergie, la pro- duction et le stockage d’énergie renouvelables, ou encore dans la « mobilité intelligente » – devrait être davantage soutenue pour permettre à l’Europe de rivaliser avec ses concurrents américains et asiatiques ; >> L’évaluation des grands projets (dans les infrastructures comme dans l’énergie) mériterait d’être facilitée, en développant des méthodologies stan- dardisées d’évaluation des coûts complets des projets. À cette fin, la recherche d’un équilibre optimal entre compétitivité et solidarité (concrètement, entre flexibilité et sécurité de l’emploi) est également un domaine d’intervention majeur. Atteindre cet équilibre suppose de regarder précisément la réalité des enjeux sociaux (emplois, revenus, partage de la valeur ajoutée), et de s’appuyer sur un dialogue social partant des réalités et sans entraves pour effectuer les arbitrages nécessairement douloureux. Un Conseil des sages ou un « observatoire » franco- allemand qui chaque année établirait les données factuelles incontestables du dialogue social pourrait contribuer de façon majeure à développer de la confiance. Cela devrait aller de pair avec l’étude des conditions qui peuvent rendre plus acceptables la flexisécurité, en particulier un effort important en faveur de la formation. Par ailleurs, il conviendrait d’optimiser les mécanismes franco-allemands et européens existants tels l’amélioration de la mobilité intra- européenne des travailleurs ou le renforcement des dispositifs d’apprentissage transfrontaliers. Un ensemble de mesures concrètes qui marqueront une direction claire et redonneront les repères nécessaires aux agents pourra créer la confiance sans laquelle il n’y a pas de croissance solide et durable : >> L’énergie : Le désordre et les divergences des politiques énergétiques en Eu- rope entraînent dès aujourd’hui de graves conséquences sur la compétitivité industrielle et remettent en question les espoirs d’une transition énergétique réussie. Pour rétablir la confiance et rendre compatibles les choix différents des pays membres, des mesures urgentes tant réglementaires qu’en matière d’investissements sont nécessaires, quitte à circonscrire le périmètre d’appli- cation aux seuls pays volontaires (via une coopération renforcée).
8 Contribution au débat public >> Le financement privé d’un grand programme d’infrastructures rentables et tournées vers l’avenir : La qualité des infrastructures est une condition essen- tielle de la compétitivité. Un grand programme européen de renouvellement et de modernisation des infrastructures pourrait y contribuer parce qu’il aurait un impact direct sur la croissance. Il faut pour cela définir les conditions dans lesquelles l’épargne considérable des européens pourrait être mobilisée judicieusement (ce qui milite en faveur d’un assouplissement des normes prudentielles), ainsi que les meilleures procédures pour choisir les projets les plus utiles. Rétablir des conditions de visibilité satisfaisantes pour les investis- seurs est une urgence. >> Un meilleur équilibre en Europe entre compétitivité et solidarité sociale : Sous la pression des ajustements de l’économie européenne et d’une concur- rence internationale très vive, la définition d’un nouvel équilibre entre solidarité sociale et compétitivité est en cours en Europe. Un tel consensus est indispensable pour retrouver la confiance des partenaires sociaux sans laquelle la croissance ne sera pas au rendez vous. Très profondément attachées à un haut niveau de solidarité mais avec des cultures sociales différentes, la France et l’Allemagne peuvent y contribuer de façon décisive. Elles sont proposées dans chacun des domaines d’initiatives étudiés :
9 La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe ÉNERGIE INFRASTRUCTURES >> Coopération renforcée dans >> Incubateur européen des le domaine de l’énergie investissements privés dans les infrastructures >> Champions franco-allemands de la transition énergétique >> Soutien accru à la recherche dans les infrastructures intelli- >> Réseau franco-allemand de gentes par l'accroissement des recherche dans l'énergie fonds européens conventionnelle et renou- velable (s'appuyant sur >> Adaptation des normes l'OFAEnR) Bâles III / Solvency II SOCIAL >> Comité des Sages franco-allemand dans le domaine social >> Affirmer le principe d’une harmonisa- tion des modes de financement de la protection sociale >> Rapprocher les marchés du travail en France et en Allemagne (mobilité intra- européenne accrue par une meilleure portabilité des droits et par un renforce- ment de l'apprentissage transfrontalier)
10 Contribution au débat public Coopérer pour relancer l'Europe de l'energie 1 3 >> Mettre en place une Coopération Renfor- >> Soutenir l'innovation dans le domaine de cée pour faire avancer l'Europe de l'énergie, l'énergie conventionnelle et renouvelable en en synchronisant un processus de transition établissant un « Réseau franco-allemand de énergétique raisonné entre États participants : l’énergie », s'appuyant sur les structures exis- –– Harmoniser progressivement les principes tantes (ex. OFAEnR) de rémunération des énergies renouve- –– Débloquer de nouveaux fonds dédiés à des lables et de protection des capacités exis- projets de R&D communs portés par des tantes d’énergies « permanentes » instituts de recherche –– Prévoir une trajectoire d’évolution du mix –– Chaque année la France et l’Allemagne énergétique coordonnée, à un rythme com- organiseraient des appels d’offres à projets patible avec la maturation des technolo- sur ces thèmes gies –– Les membres du réseau de fournir un réfé- –– Veiller au respect des règles européennes rentiel d’évaluation objectif et consensuel en matière de concurrence, y compris dans de l’impact environnemental des technolo- la politique de soutien aux énergies vertes gies de production d’énergie 2 4 >> Fixer une priorité plus forte aux économies >> Étudier la constitution de champions franco- d’énergie et en assurer une rémunération allemands de la transition énergétique : aussi attrayante que celle des énergies renou- –– Dans le démantèlement et l’assainissement velables de centrales nucléaires –– Retourner à une politique volontariste de –– Dans l’efficacité énergétique réduction des GES en en faisant supporter le prix aux consommateurs (via des instru- ments fiscaux ou une remise en ordre du marché du CO2) –– Harmoniser les normes d’isolation ther- mique des bâtiments –– Porter à terme, à l'échelle internationale, une proposition d'instauration d'une obli- gation d'établissement d'états carbone, à l'instar des états financiers et du bilan social
11 La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe Financer les infrastructures de demain en partenariat avec le secteur privé 5 >> Adapter avec précaution les normes Bâle III et –– Idéalement, octroyant une « garantie règle- Solvency II pour éviter de raréfier les liquidi- mentaire » aux acteurs privés et les indem- tés disponibles pour les investissements privés nisant en cas de non-respect des clause de long terme contractées avec le maître d'œuvre public –– Rendre les normes Solvency II plus flexibles (abaisser momentanément en période de 7 crise le seuil de capital de solvabilité requis >> Soutenir davantage l’innovation dans les – par exemple de 99,5% à 99%) infrastructures intelligentes, en veillant à ce –– Etaler d'un an le calendrier d'application qu'une partie importante des fonds européens des normes Bâle III dédiés à la recherche (programme-cadre de recherche de l'UE "Horizon 2020") soient mobilisés dans ce domaine et en appuyant des 6 >> Créer un incubateur européen visant à ac- projets précis : croître l’investissement privé dans des infras- –– Ex. mobilité intelligente : réseau de cap- tructures ciblées : teurs en milieu urbain pour décongestion- –– Apportant un appui technique aux projets ner le trafic d'infrastructures génératrices d'externalités –– Ex. déploiement des réseaux électriques positives pour l'économie intelligents (sur le modèle du programme –– Jouant un rôle d'arbitrage entre institutions Spur Energy Smart Grid initié aux Etats- publiques et ses partenaires privés en cas Unis dès 2009) de litiges Avancer dans la voie de la flexisécurité pour conjuguer compétitivité et solidarité 8 9 >> Mener des actions concrètes pour rapprocher >> Viser à terme une harmonisation franco-alle- les marchés du travail français et allemands : mande des modes de financement de la pro- –– Favoriser la mobilité intra-européenne en tection sociale améliorant la portabilité des droits (pen- sions et couverture sociale) ainsi que la 10 reconnaissance des qualifications >> Créer un Comité des Sages franco-allemand –– Renforcer les initiatives d’apprentissage dans le domaine social, chargé de présenter transfrontaliers chaque année de façon « objective » les don- –– Rendre rendre la flexi-sécurité plus attrac- nées factuelles du dialogue social et des équi- tive grâce à un effort de formation des de- libres sociaux-économiques en France et en mandeurs d'emploi Allemagne –– En coordonnant ses travaux dans le cadre du Semestre Européen –– En alimentant le dialogue social par des analyses et des études susceptibles
12 Contribution au débat public Introduction : Donner une nouvelle impulsion à la croissance européenne est une urgence Les politiques fiscales et monétaires traditionnelles ne seront pas suffisantes pour résoudre la crise économique européenne L’Europe se remet progressivement de plusieurs années de déprime écono- mique, consécutives à la crise financière de 2008. Pour faire face à celle-ci, les pays européens se concentrent sur des réformes structurelles (ex. : réforme des retraites ou du marché du travail) ou conjonc- turelles (baisse de la dépense publique, hausses d’impôts). Mais les marges de manœuvre des politiques budgétaires et monétaires sont des plus restreintes. Le taux d’intérêt nominal à court terme atteint un niveau proche de son minimum, c’est-à-dire zéro. De nombreux pays européens atteignent des niveaux d’endettement insoutenables à moyen terme. Quelle que soit l’opinion exprimée sur l’impact des mesures d’austérité (facteurs aggravant de la crise ou seule voie de sortie ?), le constat s'impose : l’Europe est Les solutions classiques de relance en passe de sortir de la récession (évolution du PIB à prix constants : -0,4% se heurtent au mur de la dette et en 2012, -0,1% en 20134)). Cette sortie de crise a été ralentie par les politiques des marchés - la croissance doit de contrôle des dépenses publiques mises en place par nombre de pays euro- être recherchée ailleurs péens, lesquelles sont parvenues à endiguer partiellement les déficits publics – politiques que l’explosion de la dette publique et la pression des marchés financiers imposaient (Figure 1). Cette sortie de crise est fragile. Selon les pays, la tendance est à la stagnation ou à une faible croissance plutôt qu’à une véritable reprise - contrastant avec le relatif dynamisme de la plupart des autres pays de l’OCDE. De plus, la moyenne européenne masque des situations très contrastées, avec certains pays englués dans une spirale incontrôlée de récession – dérapage des finances publiques (Grèce et Portugal, Irlande dans une moindre mesure), nécessitant des plans d’aides internationaux. Enfin, les déséquilibres sociaux s’aggravent, en particulier en Europe du Sud. Ainsi, le chômage des jeunes de la zone Euro dépassait les 23% à la fin 2012 (plus de 50% en Espagne et en Grèce). Dans un contexte ou les solutions classiques de relance économique se heurtent au mur de la dette et des marchés, la croissance doit être recherchée ailleurs. C’est une urgence. 4) Source : Eurostat. Périmètre : UE27. 2013 : prévision à juillet 2013.
13 La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe FIGURE 1 : DÉFICITS BUDGÉTAIRES ET DETTE PUBLIQUE DANS L’UE27 [% DU PIB, 2008 - 2012] 82.5% 85.3% 80.0% 74.6% 62.3% -2.4% -4.4% -4.0% -6.9% -6.5% 2008 2009 2010 2011 2012 Source : Eurostat. Périmètre : UE27. 2013 : prévision à juillet 2013. Les solutions traditionnellement avancées ne constituent pas de recette miracle La réponse des pays à cette crise européenne s’est concentrée sur quatre axes : >> Au niveau européen : –– Mise en place de mécanismes d’assistance financière (Mécanisme Euro- La réponse des Européens péen de Stabilité et ses prédécesseurs) renforçant la crédibilité financière à la crise était nécessaire pour de l’Europe ; éviter une catastrophe financière –– Initiatives diverses pour soutenir la croissance (cf. supra) : interventions mais pas suffisante pour espérer non-conventionnelles de la BCE, activité renforcée de la BEI, Mécanisme un rebond économique durable pour l’interconnexion en Europe (cf. infra). >> Au niveau national : –– Politiques de remise en ordre des comptes publics et sociaux avec un gel des dépenses publiques (ou une baisse dans les cas les plus sévères), accompagné d’une augmentation de la ponction fiscale pour endiguer rapidement les déficits publics ; –– Mesures structurelles, visant à préparer l’avenir mais également à rassurer les marchés financiers, afin de maintenir sous contrôle le coût de la dette. Par exemple, l’Irlande, la Grèce et le Portugal ont baissé le coût unitaire du travail de plus de 2% par an depuis 20095). 5) Source : Eurostat. Périmètre : UE27. 2013 : prévision à juillet 2013.
14 Contribution au débat public Cette réponse était nécessaire pour éviter une catastrophe financière, mais pas suffisante pour espérer un rebond économique durable dans le cadre d’une Europe vieillissante, confrontée à une concurrence internationale de plus en plus rude. Pendant ce temps, les marges des acteurs économiques (notamment des PME / PMI) dans les grands pays stagnent à des niveaux historiquement faibles, obérant l’investissement au moment même ou d’autres concurrents internatio- naux sont précisément en train d’investir dans les secteurs d’avenir. Cela présage d’un affaiblissement de la position de l’Europe dans le monde dans les années à venir. Les leviers traditionnels des politiques fiscales et monétaires sont insuffisants La dette publique représente près de 86% du PIB des pays de l’Union à la fin du 1er trimestre 20136), à comparer aux 60% retenus théoriquement par les « critères de convergence », préalablement à la constitution de la zone euro. Même si certains pays connaissent depuis des années un taux d’endettement largement supérieur à ces critères7), la situation devient difficilement soutenable sur le moyen / long terme pour certains pays européens. Sans mentionner la Grèce, qui a déjà bénéficié d’une restructuration de sa dette, l’Espagne, l’Irlande, l’Italie et le Portugal sont déjà confrontés à des taux d’intérêt de leurs emprunts à 10 ans élevés, supérieurs à 6%8). De plus, la plupart des pays membres de l’Union Européenne, soucieux de ne pas répéter les erreurs passées et d’adresser un signal clair de sérieux budgé- taire aux marchés financiers, ont officialisé dans le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (« pacte budgétaire ») la transposition en droit national d’une règle d’or budgétaire, garantissant une trajectoire de maîtrise des déficits publics. L’Allemagne avait déjà inscrit cette obligation dans sa constitution en 2009. Dans ce contexte, le soutien à l’économie par un accroissement significatif du déficit public devient une option exclue par la majorité des économistes, et par la totalité des gouvernements européens en place à l’été 2013. 6) Et plus de 92% pour les seuls pays de la zone euro. Source : Eurostat. Elle dépasse 100% en Belgique, Italie, Portugal, Grèce, et Irlande. 7) La dette publique belge avoisinait les 130% du PIB au milieu des années 1990, et était restée supérieure à 90% jusqu’en 2006. La dette publique japonaise est supérieure à 200% du PIB depuis 2009. 8) 8% pour le Portugal, en juillet 2013. Sans l’intervention de la Banque Centrale Européenne, qui a procédé à de multiples initiatives de soutien du marché (maintien de taux d’intérêt bas, interventions non conventionnelles sur les marchés interbancaires), ces taux se seraient sans doute maintenus au-delà de 7% - niveau jugé insoutenable à moyen terme.
15 La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe La relance par la consommation ne semble plus une option très pertinente Compte tenu de l’absence quasi généralisée de marges de manœuvres finan- cières, les États seraient bien en peine de mettre en place une audacieuse politique de relance par la consommation. Le souhaiteraient-ils qu’ils seraient confrontés à deux obstacles majeurs. D’une part, l’accroissement de la pression fiscale (l’une des composantes essen- Les pouvoirs publics ne sont guère tielles des politiques de rigueur ou d’austérité aux côtés de la maîtrise de la en mesure de suppléer au déclin dépense publique) joue en défaveur de la consommation. Cela est vrai quand de l’investissement par une relance bien même celle-ci s’applique avant tout à une catégorie de population aux de l’investissement public revenus élevés, qui ont une propension à consommer inférieure à la moyenne. D’autre part, à mesure que les économies européennes sont devenues plus ouvertes que jamais, les politiques de relance par la consommation risqueraient de se traduire par une hausse des importations, notamment en provenance des pays émergents. L’investissement public ne peut compenser le lent déclin de l’investissement privé Dans certains pays européens (notamment en Europe du Sud), les taux d’inves- tissements sont en berne. Le taux d’investissement en Europe tourne aux alentours de 18% (21% pour le Japon, 25% pour le Corée… et 47% pour la Chine). Il n’est évidemment pas question d’espérer redresser ce taux au niveau de ceux d’économies émergentes, où les opportunités d’investissement rentables sont légion – reflétant in fine d’importants gisements de gains de pro- ductivité. Cependant, chaque demi-point d’investissement en plus ou en moins entraîne des répercussions importantes sur la croissance future. Or, les pouvoirs publics ne sont guère en mesure de suppléer à ce déclin par une relance de l’investissement public (cf. supra). En revanche, de son côté, l’Union Européenne peut, en mutualisant les capacités de mobilisation des fonds, apporter une solution partielle à ce déficit d’investissement. Du reste, la BEI, banque publique européenne dont la lettre de mission est fixée par les traités européens a traditionnellement joué un rôle important dans le financement des projets à long terme en Europe, et notamment des infras- tructures (20% de ses crédits ayant une maturité supérieure à 12 ans). Avec des augmentations de capital significatives ces dernières années (réalisées auprès des états membres de l’UE)9) et près de 90% de ses prêts octroyés en Europe, il paraît difficile cependant d’accroître massivement son exposition aux écono- mies européennes. 9) Par exemple, augmentation de 10 milliards d’euros des fonds propres en 2012. Sur le marché obligataire, la BEI (déjà premier émetteur obligataire supranational au monde) prévoit de lever 70 milliards d’euros en 2013 (30 milliards levés à la fin du premier trimestre). La BEI présente un bilan de 472 milliards d’euros en 2012.
16 Contribution au débat public Au mieux, la BEI pourrait éventuellement faire évoluer son levier financier (ses fonds propres représentant 23% de son exposition10)), dégageant ainsi des capacités de financement additionnelles. Les autres initiatives communes type « project bonds » ou Fonds Marguerite répondent également à de vrais besoins, mais ne représentent encore que des enjeux financiers limités. Dans cette logique, la Commission européenne a récemment prévu de mettre en place un fonds d’investissement de 29 milliards d’euros dans le cadre du « Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) », destiné à développer les infrastructures européennes de transport, de l’énergie et des télécommuni- cations sur la période 2014 - 2020. Ces montants sont cependant faibles au regard des besoins (cf. infra) et ces procédure nouvelles progressent avec prudence. L’essentiel des investissements dans les infrastructures continuera d’être porté très majoritairement par les investisseurs nationaux. Il existe cependant des voies nouvelles audacieuses pour soutenir le développement économique de l’Europe Le paradoxe de la crise économique actuelle est la forte disponibilité de liquidités. La paralysie de l’investissement En 2011, les sociétés européennes cotées disposées d’un excès de trésorerie engendre une allocation sous- estimée à 750 milliards d’euros. En pratique, les investisseurs réduisent leurs optimale du capital obérant les investissements en raison de l’incertitude. perspectives de réveil économique de l’Europe Pire, une part considérable des liquidités sont investies dans des obligations d’État à taux très faible, et avec un rendement dérisoire. Dans le climat actuel d’incertitude, les retours sur investissements (ajustés au risque) des obligations d’État sont supérieurs à ceux des investissements directs à long terme. Si momentanément, cette situation profite à la trésorerie des budgets des États européens, elle est nocive à long terme pour la croissance économique. Faute de liquidités engagées dans le secteur productif, l’investissement stagne ou régresse, ne permettant pas d’assurer la croissance future. De plus, en abreuvant généreusement les pouvoirs publics de liquidités, les investisseurs leur permettent de différer une partie des réformes structurelles indispensables pour la survie du modèle social européen ; en réduisant leurs investissements en Europe, les entreprises du Vieux Continent ne se donnent pas les moyens de contenir la concurrence croissante de leurs homologues internationaux. En d’autres termes, la paralysie de l’investissement engendre une allocation sous-optimale du capital, obérant les perspectives de réveil économique de l’Europe. 10) Au sens des ratios Bâle II (soit 55 milliards d’euros en 2013 – contre 42 milliards en 2011).
17 La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe Il est possible de redresser cette situation grâce à des réformes et à quelques orientations claires qui n’auront guère de conséquences sur les finances publiques : >> Recréer des conditions économiques favorables dans le secteur de l’énergie et engager des projets précis pour renforcer la compétitivité >> Donner aux investisseurs privés des garanties suffisantes à long terme pour accroître leur implication dans le secteur des infrastructures, en ciblant une rationalité économique accrue >> Affirmer un attachement franco allemand partagé à un nouvel équilibre forte solidarité / compétitivité favorable à l’emploi Le couple franco-allemand a un rôle majeur à jouer dans l’activation de nouveaux leviers de croissance à l’échelle européenne Quels que soient les jugements que l’on porte sur la construction européenne, force est de constater que chaque avancée de l’Europe a d’abord requis un accord de la France et de l’Allemagne. Inversement, les demi-mesures qui ont pu entraver le fonctionnement de l’Europe (telle l’insuffisante coordination économique de la zone euro et sa non-évolution vers une « zone monétaire optimale ») trouvent aussi son origine dans des divergences franco-allemandes de fond11). Or du fait du poids économique conjugué de l’Allemagne et de la France, de leur intérêt supérieur à la promotion d’un espace économique européen dynamique et de l’absence d’alternatives pour soutenir la croissance, il est essentiel que la France et l’Allemagne s’engagent (comme elles ont déjà envi- sagé de le faire) dans un nouvel effort de rapprochement pour relancer la crois- sance en Europe, en « alliant au pessimisme de l'intelligence l’optimisme de la volonté ». La situation économique en Europe l’exige et ces initiatives existent. 11) cf. la relative impuissance du Pacte de Stabilité et de Croissance de 1997 à instaurer une réelle discipline budgétaire (que l’Allemagne comme la France ne respecteront pas dans des périodes récessives moins traumatiques que la période actuelle), dont les conséquences apparaissent aujourd’hui.
18 Contribution au débat public A. Remettre le secteur de l’énergie au service de la croissance A.1 La situation énergétique européenne révèle des dysfonctionnements graves L’énergie est un sujet de différences et de divergences profondes entre la France et l’Allemagne, porteur de risques potentiels pour la croissance. Il est donc urgent de le traiter, pour rendre compatibles des choix différents. La France et l’Allemagne ont en effet effectué des choix énergétiques radicale- ment différents (autour du nucléaire, mais également du niveau de soutien aux énergies renouvelables). Les deux pays partent également de traditions d’orga- nisation du secteur énergétique largement dissemblables, pour des raisons historiques et d’organisation politique : centralisation et concentration en France, décentralisation et déconcentration en Allemagne. Est-ce à dire que le couple franco-allemand ne peut plus porter de propositions susceptibles de faire avancer l’Europe de l’énergie, comme il l’avait fait dans le passé, pour le charbon, mais aussi pour le nucléaire ? A.1.1 L’Europe est aujourd’hui en situation de faiblesse (décalage) par rapport à la nouvelle donne énergétique mondiale Il y a seulement trois ans, le prix du pétrole atteignait des sommets historiques, La révolution énergétique un peu en deçà de 150 dollars / baril. La révolution énergétique était en marche. a désormais changé de visage, On prédisait alors un renchérissement inéluctable du coût de l’énergie, et les conditions de la transition dû au renouvellement de plus en plus difficile des réserves d’hydrocarbures. énergétique dans plusieurs pays La lutte contre le changement climatique pouvait être servie par des prix européens sont des plus incertaines élevés de l’énergie. Face à la combinaison d’énergies primaires plus chères et de prix du CO2 en hausse, les économies d’énergie, le développement d’énergies renouvelables et la relance de programmes nucléaires constituaient alors les composantes d’une transition énergétique jugée inéluctable. Cette révolution énergétique a désormais changé de visage >> Les États-Unis ont, au moins au niveau fédéral, fait un choix de politique énergétique embrassant à nouveau les hydrocarbures et en particulier le gaz naturel, pour les décennies à venir. Important près de la moitié de leur gaz naturel il y a quelques années, les États-Unis réduisent progressivement cette dépendance grâce aux abondants gaz non conventionnels. Ils en deviendront même exportateurs nets d’ici quelques années, à la faveur du développement des infrastructures de liquéfaction. Le gaz se substitue au charbon et les Américains vont également devenir, à l’horizon 2030, de grands exportateurs de charbon de très bonne qualité, à destination de l’Asie (et de l’Allemagne !) notamment. De leur côté, les énergies renouvelables stagnent car elles ne sont pas compétitives sans subventions (le « production tax credit », dont le renouvellement après le 31 décembre 2013 est encore incertain).
19 La coopération Franco-Allemande au service de la croissance en Europe >> L’industrie américaine gagne en compétitivité grâce à ses hydrocarbures bon marché (gaz et pétrole). Les industries pétrochimiques et chimiques envisagent déjà de nouveaux investissements en Amérique du Nord, bientôt suivies par d’autres industries électrointensives (mouvement déjà expéri- menté au Moyen Orient par exemple), cette fois grâce à des prix d’électricité non économiques ; >> Le gaz mondial destiné aux États-Unis se retrouve en Europe et (depuis Fukushima) en Asie, entraînant une « bulle de gaz » sans précédent, qui révo lutionne les mécanismes de formation des prix. Ainsi, la décorrélation des prix du gaz et du pétrole s’installe probablement définitivement en Europe, traduisant l’abondance d’un gaz naturel bon marché. Aux contrats long terme d’approvisionnement en gaz naturel (dont le prix est indexé sur le pétrole), succède depuis 2009 un environnement beaucoup plus marchand, avec des contrats aux horizons plus courts, indexés sur des marchés du gaz naturel à court terme. Or, ces marchés sont réputés suffisamment liquides et profonds pour assurer en toute situation la continuité d’approvisionnement de l’Europe, en dépit du ralentissement programmé de la production de la Mer du Nord. Mais pour ce faire, il y aura lieu de mettre en place toutes les infrastructures nécessaires (terminaux de regaséification du GNL, gazoducs transcontinentaux) permettant d’acheminer le gaz. Dans ce cadre, l’Europe reste toujours fortement dépendante d’importations pour son pétrole et son gaz naturel : 54 % de l’énergie primaire de l’Union est importée en 2011 (50 % en France, grâce au programme nucléaire, 60 % en Allemagne). Au-delà de la disponibilité décroissante des ressources euro- péennes, cette dépendance pourrait s’accroître avec des évolutions visant à substituer d’autres énergies au nucléaire ou au charbon. Le gaz naturel offre indubitablement un outil de transition. A.1.2 Les conditions de la transition énergétique dans plusieurs pays européens sont des plus incertaines L’Allemagne, la France, ainsi que d’autres pays de l’Union, comme la Belgique ou la Suède, engagent une transition énergétique, aux contours plus ou moins définis. Cette transition s’inscrit d’une part dans le paradigme de la lutte contre le changement climatique, d’autre part dans le cadre d’une pression sur l’éner- gie nucléaire après la catastrophe de Fukushima (la part du nucléaire étant du reste amenée à baisser naturellement, compte tenu du faible nombre de projets actuels de construction de centrales et de la montée en puissance prévue de l’éolien terrestre et maritime). Une telle transition énergétique n’arrive-t-elle pas trop tôt, si elle repose exclusivement sur des moyens de production d’élec- tricité d’origine renouvelable ?
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