La crise de Schengen dans le contexte du printemps arabe
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Culture et Société | Migrations La crise de Schengen dans le contexte du printemps arabe Hugo Brady final, le conflit s’est avéré mineur. Il a été rapide- Bilan Directeur de recherche ment résolu lors d’un sommet bilatéral qui s’est Centre for European Reform, Londres tenu le même mois entre les deux chefs d’État, Sil- vio Berlusconi et Nicolas Sarkozy. Mais les réper- cussions politiques du conflit se sont fait ressentir L’espace Schengen – l’espace européen où l’on dans toute l’UE, la tactique de Maroni ayant éveillé peut voyager sans passeport et qui profite à 650 des craintes chez les autres pays membres de Med.2012 millions de voyageurs chaque année – est en diffi- Schengen, dont l’Autriche, la Belgique, les Pays- culté. La question la plus urgente est de sécuriser Bas et l’Allemagne. la frontière poreuse de la Grèce avec la Turquie, Lors de leurs discussions en avril, Berlusconi et principale source d’immigration illégale vers l’UE Sarkozy se sont accordés sur le fait que les règles par voie terrestre. Mais les tensions politiques entre fondamentales régissant l’espace Schengen de- les États membres de Schengen se sont étendues vaient être renégociées. Les leaders européens ont à d’autres domaines. Ainsi, en avril 2011, la France officiellement soutenu cette idée lors d’un sommet 305 a provisoirement rétabli les contrôles à la frontière à Bruxelles, en juin 2011. Les gouvernements avec l’Italie, les troubles politiques liés au prin- veulent modifier le « code frontières » de Schen- temps arabe ayant conduit à une augmentation de gen, afin de réinstaurer des contrôles temporaires l’immigration clandestine en provenance de Tunisie plus facilement, d’améliorer la surveillance des vers la petite île italienne de Lampedusa et la ré- frontières communes, et, dans des cas extrêmes, gion des Pouilles. Bien qu’important, le nombre de d’exclure temporairement les pays qui ne peuvent réfugiés – 48 000 au plus fort de la vague d’immi- pas ou ne veulent pas maîtriser leurs frontières cor- gration – était parfaitement gérable. Malgré cela, rectement. Mais les négociations sur cette réforme Roberto Maroni, le ministre de l’Intérieur italien de se sont enlisées dans des disputes portant sur les l’époque, a réclamé une intervention de grande « bases juridiques », et plus particulièrement sur la ampleur des autres pays européens afin d’aider question du pouvoir accordé aux institutions euro- l’Italie à faire face à l’afflux de réfugiés, affirmant péennes sur l’éventuel rétablissement de frontières qu’un « tsunami humain » allait déferler depuis nationales. l’Afrique du Nord. Cette rhétorique excessive s’inscrivait dans le cadre d’une stratégie visant à faire pression sur la La tentative (frustrée) de révision des règles France voisine afin qu’elle accueille les migrants de Schengen francophones de son ancienne colonie. Maroni a ainsi délivré aux Tunisiens fraîchement arrivés des Le conflit qui a opposé la France à l’Italie à propos titres de séjour qui leur donnaient le droit de se des migrants tunisiens, en avril 2011, semble être à déplacer librement dans l’espace Schengen. Les l’origine de la volonté des responsables européens autorités françaises ont rétorqué en rétablissant et nationaux de repenser les règles régissant l’es- des postes de contrôle entre les deux pays, et en pace Schengen. Mais, avec le recul, il est clair que arrêtant les trains en provenance de Ventimiglia, au les événements qui se sont déroulés à Ventimiglia nord de l’Italie, dernière ville avant la frontière. Au et alentour ont servi de prétexte commode aux gou-
vernements de la zone Schengen. En réalité, le Nombre d’entre eux ont durci leurs politiques d’im- mécontentement lié aux modalités de mise en migration et modernisé leurs contrôles aux fron- œuvre du traité de Schengen couvait depuis des tières, en réponse à une demande récente de l’opi- années. Pour autant, les gouvernements ne par- nion publique. viennent pas aujourd’hui à se mettre d’accord entre eux, et avec les institutions européennes, sur les Les gardes-frontières mécontents : ce sont les réformes à mener pour améliorer le fonctionnement pays d’Europe du Sud chargés de la surveillance de l’espace de circulation sans passeport. C’est des frontières les plus problématiques de l’espace d’autant plus regrettable que l’espace Schengen Schengen. Ces pays veulent avoir le droit de déro- est confronté à l’une des périodes les plus difficiles ger au « Règlement de Dublin » sur l’asile, règlement de sa courte histoire. qui les oblige à prendre en charge tous les deman- Depuis l’abolition des contrôles aux frontières en deurs d’asile qui atteignent leurs côtes en premier, 1995, les pays de l’espace Schengen ont rétabli sans pouvoir les transférer vers des pays plus riches, Bilan les contrôles frontaliers à au moins 70 reprises. Les au nord du continent. Mais même si ces pays sont règles actuelles permettent aux États membres de agacés par le manque de solidarité dont font preuve rétablir les contrôles aux frontières pour des rai- leurs partenaires de Schengen, ils ne souhaitent pas sons de sécurité nationale ou d’ordre public, no- voir la réforme porter atteinte au droit de leurs tamment pour mettre en place des mesures de sé- propres citoyens de circuler librement. Dans ce curité renforcées lors de tournois sportifs majeurs contexte, l’accord conclu entre Berlusconi et Sarko- Med.2012 ou de sommets internationaux. Mais certains gou- zy, en avril 2011, a sidéré les observateurs spéciali- vernements souhaitent assouplir ou clarifier ces sés, l’actuel régime de Schengen étant davantage règles, de façon à pouvoir réintroduire des contrôles favorable à l’Italie. Les responsables européens aux frontières plus facilement et dans d’autres si- disent en privé que Sarkozy a autorisé les Tunisiens tuations. Depuis le dernier élargissement de à entrer en France en échange du soutien italien à la Schengen, en 2007, la France, l’Allemagne, les renégociation de l’accord de Schengen. Pays-Bas et un certain nombre d’autres pays ont 306 renforcé discrètement les « contrôles aléatoires » Les idéalistes partisans de la libre circula- de la police aux frontières terrestres. Face à cette tion : ce sont les pays d’Europe de l’Est ayant adhé- recrudescence des contrôles frontaliers, la Com- ré récemment à l’espace Schengen. Les pays com- mission souhaite également réviser les accords de pris dans cette catégorie surveillent la frontière Schengen, mais uniquement pour empêcher un terrestre orientale avec la Biélorussie, l’Ukraine et la retour progressif aux frontières nationales. Russie, jadis perçue comme la principale menace Il existe quatre catégories d’acteurs dans les négo- potentielle pour les frontières communes (d’où l’im- ciations qui sont menées actuellement en vue de la plantation du siège de Frontex à Varsovie, et non rédaction d’un nouveau traité Schengen: dans les îles Canaries, où l’agence avait d’abord été établie en 2006) 1. Les dispositifs de contrôle des Les policiers nerveux : ce sont les pays d’Europe frontières, d’immigration et d’asile de ces pays n’ont du Nord, y compris la France et l’Allemagne, pour pas encore été confrontés à des afflux de migrants lesquels les dispositifs de surveillance et de contrôle importants, seules la République tchèque et la Slo- des frontières prévus par Schengen ne garantissent vénie ayant connu une migration intérieure significa- pas un niveau de sécurité adéquat. Les gouverne- tive. Pour autant, les pays de l’Est attachent énormé- ments de ces pays se sentent prisonniers des règles ment d’importance à la possibilité de circuler sans existantes et électoralement vulnérables à la panique passeport, et ils se méfient de toute réforme du sys- provoquée par l’immigration. En tant que groupe, tème de Schengen. ces pays sont parmi ceux qui accueillent le nombre de réfugiés le plus important d’Europe, et, avec le Les as du barreau libertaires : ce ne sont pas Royaume-Uni, ils abritent la majorité des migrants des États mais des institutions européennes, provenant de l’UE et d’autres États membres. comme la Commission européenne, le Parlement 1 Cet organisme européen, qui a débuté son activité en 2005, a pour mission de mobiliser les équipements, l’expertise et la main d’œuvre au sein de l’espace Schengen et de les rediriger vers les zones d’urgence le long des frontières communes.
ou la Cour de justice. La Cour européenne des sonnes dans l’Union européenne, devrait être Droits de l’Homme de Strasbourg, bien qu’elle ne confiée à la Commission 2. soit pas à proprement parler un organe de l’UE, est Malgré leur intention déclarée de réformer le sys- également un acteur important car elle a la faculté tème de Schengen, la plupart des gouvernements de sanctionner les pays qui traitent les migrants et de l’UE sont horrifiés par ces propositions, et tout les demandeurs d’asile de façon inhumaine. La particulièrement par la première d’entre elles. En ef- mission des institutions européennes est de garan- fet, toutes ces idées impliquent de donner de nou- tir l’ouverture des frontières nationales aux biens, veaux pouvoirs à la Commission en matière de ges- aux services, aux capitaux et aux personnes. Elles tion des frontières nationales. Les dilemmes soulevés sont donc naturellement enclines à renforcer leurs par cette question, en termes de souveraineté natio- propres pouvoirs juridiques afin de surveiller les nale, sont similaires à ceux auxquels sont confrontés systèmes de contrôle des frontières et d’immigra- les gouvernements dans la crise de la zone euro. tion des pays membres de Schengen. En outre, les D’un côté, les pays veulent un régime de Schengen Bilan institutions européennes sont généralement à l’abri renforcé, où tous les pays seraient obligés de suivre des politiques anti-immigration. les mêmes règles ; de l’autre, ils sont très réticents à l’idée de céder le contrôle de leurs propres fron- tières à une instance supérieure chargée de la mise Frontex a ainsi déployé des en œuvre d’un tel régime. missions frontalières dans toute Ainsi, des pays comme la France et les Pays-Bas Med.2012 affirment qu’ils veulent simplement assouplir les la région sud de la Méditerranée règles existantes. D’après les gouvernements de et de la mer Égée, et elle possède ces pays, les conditions actuelles dans lesquelles une connaissance intime des les contrôles nationaux sont autorisés – pour des principales difficultés auxquelles raisons de sécurité nationale ou d’ordre public – de- vraient être étendues, notamment, aux afflux massifs sont confrontés ces de réfugiés. La Commission rétorque qu’un système 307 différents pays plus souple nécessiterait la création d’un arbitre in- dépendant, au cas où les pays demanderaient des Tout nouveau dispositif régissant l’espace Schen- dérogations en permanence, ce qui se traduirait par gen doit donc assurer un équilibre entre les intérêts un affaiblissement grave de la zone de libre circula- de ces quatre catégories d’acteurs. Pour y parve- tion. Dans le même temps, les pays du Sud s’in- nir, la Commission européenne a proposé trois quiètent de ce que la mise en place d’un « système grands axes de réflexion. Premièrement, les pays plus souple » revienne à donner le droit aux autres de l’espace Schengen devraient avoir la possibilité pays de les exclure de l’espace Schengen sous des de rétablir des contrôles aux frontières de façon prétextes fallacieux. temporaire. En revanche, la fermeture des fron- Les règles de Schengen ne peuvent être modifiées tières pendant plus de cinq jours devrait être ap- que si une majorité qualifiée d’États membres et du prouvée par la Commission et par une majorité des Parlement européen se mettent d’accord sur les pro- pays membres de Schengen. Deuxièmement, les positions formulées par la commissaire aux Affaires pays qui sont systématiquement défaillants dans le intérieures Cecilia Malmström. Nombre de gouverne- contrôle de leurs frontières pourraient être exclus ments préféreraient conserver le système actuel en de l’espace Schengen si une majorité de membres l’état plutôt que de perdre de l’autorité sur leurs en décidait ainsi. Troisièmement, l’évaluation des propres frontières. Dès lors, les propositions de la contrôles aux frontières des pays membres de Commission sur Schengen ont toutes les chances Schengen, qui est assurée actuellement par la pré- d’échouer si elles ne sont pas reformulées de façon sidence du Conseil Justice et Affaires intérieures à ne se concentrer que sur les modalités d’évaluation (JAI), l’organisme chargé de prendre les décisions des frontières nationales et sur l’exclusion des pays finales concernant la libre circulation des per- qui ne respecteraient pas les règles de Schengen. 2 Le terme Justice et affaires intérieures (JAI) recouvre toutes les politiques européennes concernant la migration, la sécurité intérieure, les règles relatives aux réfugiés ainsi que le droit privé.
LE CODE FRONTIÈRES DE SCHENGEN Le Code frontières de Schengen, publié dans le Journal officiel de membres à réintroduire les contrôles aux frontières intérieures pendant l’Union européenne en avril 2006, est un code communautaire régissant une durée maximale de trente jours. Avant de procéder au rétablisse- le franchissement des frontières intérieures et extérieures de l’UE. Ce ment des contrôles aux frontières intérieures, les États membres doivent code vise à améliorer la législation antérieure sur les contrôles aux fron- en informer la Commission et les autres États membres au moins quinze tières en définissant les modalités d’entrée et de sortie de l’Union pour jours à l’avance, afin que ceux-ci puissent examiner la proportionnalité les ressortissants de l’UE et de pays tiers. des mesures envisagées. En cas de menace exceptionnelle pour l’ordre En outre, le Code frontières de Schengen prévoit la possibilité de rétablir public ou la sécurité nationale, les États membres peuvent réintroduire les contrôles aux frontières intérieures. En effet, en cas de menace grave immédiatement les contrôles aux frontières à condition d’informer les à l’ordre public ou à la sécurité intérieure, le code autorise les États autres États membres et la Commission de leur décision. Les dispositifs actuels d’évaluation de pair à pair – pace Schengen, la « clause grecque », en allusion Bilan dans lesquels les gardes-frontières chargés de la au fait que la Grèce serait sans doute le premier surveillance des frontières nationales des pays pays à être visé par ce type de sanction. En no- membres de l’espace Schengen s’inspectent à tour vembre 2010, la frontière, déjà poreuse, de la Grèce de rôle tous les cinq ans – n’ont manifestement pas avec la Turquie s’était totalement effondrée pendant réussi à résoudre les problèmes chroniques obser- un court laps de temps, ce qui avait entraîné une vés en Grèce et dans d’autres pays. Là aussi, comme intervention d’urgence de Frontex 4. Néanmoins, le Med.2012 dans la crise de l’euro, les pays membres de Schen- gouvernement grec devrait être rassuré par le fait gen souffrent d’un « problème de politesse » dans la qu’aucune mesure visant à exclure temporairement coordination des politiques 3. Les responsables po- la Grèce de l’espace Schengen ne devrait intervenir litiques rechignent en effet à adresser des critiques avant deux ans au moins. La Grèce devrait profiter trop virulentes à leurs collègues d’autres États de cette période pour se mettre d’accord avec les membres. Et souvent, les recommandations expo- responsables européens sur un nouveau plan d’ac- sées dans les rapports d’évaluation ne sont pas sui- tion fixant un calendrier réaliste pour la réforme de 308 vies par le pays examiné. ses systèmes de frontières, d’immigration et d’asile. La Commission et le Conseil JAI devraient deman- Pendant cette période, d’autres pays membres de der à Frontex de mettre en place un nouveau régime l’espace Schengen devraient envoyer une équipe d’évaluation des règles en matière de gestion des d’experts nationaux en Grèce, afin de renforcer les frontières dans les États membres de Schengen. administrations publiques et les services de con L’agence, sous la houlette de son directeur Ilkka trôle des frontières du pays, ne serait-ce que pour Laitinen, réputé pour sa prudence et son esprit mé- les aider à utiliser et à répartir les fonds européens thodique, a tissé des relations de travail étroites disponibles pour la gestion des frontières et de avec les administrations en charge du contrôle des l’immigration. frontières nationales, de l’immigration et des de- Une autre priorité est de réduire l’entrée illégale de mandes d’asile au sein de l’UE. Frontex a ainsi dé- migrants dans l’espace Schengen via la Méditerra- ployé des missions frontalières dans toute la région née du sud. Frontex est engagée dans une bataille sud de la Méditerranée et de la mer Égée, et elle permanente dans la région pour tenter d’enrayer le possède une connaissance intime des principales transport de milliers de migrants dans des embarca- difficultés auxquelles sont confrontés ces différents tions de fortune vers les îles Canaries. Face à cette pays. Si nécessaire, elle pourra recommander l’ex- pression policière, les trafiquants ont emprunté clusion temporaire de pays qui refusent de gérer d’autres routes, d’abord vers Malte et l’Italie, puis correctement leur partie de la frontière. vers la frontière terrestre grecque, instaurant une Les diplomates appellent la proposition de la Com- dynamique de « ballon dégonflé» le long des fron- mission d’autoriser l’exclusion temporaire de l’es- tières sud de Schengen. Ainsi, les entrées illégales 3 Mario Monti, « Europe’s problem – too deferential and too polite », Financial Times, 20 juin 2011. 4Bien que la Grèce ait rejoint l’espace Schengen en 2000, elle n’a jamais été considérée comme un membre à part entière. D’autres pays membres vérifient régulièrement les passeports des voyageurs en provenance de Grèce, et certains ont même cessé de coopérer avec le gouver- nement grec sur la question des réfugiés, en raison d’inquiétudes sur le respect des droits de l’homme.
diminuent au fur et à mesure que les autorités ren- l’UE et qui envoient régulièrement de l’argent chez forcent les frontières d’une région, mais les trafi- eux s’en sort mille fois mieux qu’un pays avec 2 000 quants se déplacent rapidement vers d’autres sec- chômeurs en plus ». teurs moins contrôlés qui, à leur tour, « gonflent » sous la pression migratoire. Dans ce contexte, il est impératif que l’UE accélère Conclusion le projet d’établissement, avant octobre 2013, d’un « système européen de surveillance des frontières » Imaginez que les responsables européens aient pu unique (EUROSUR), afin de garantir le contrôle per- avoir un aperçu, il y a deux ans, de la situation de la manent des frontières de Schengen ainsi que zone euro aujourd’hui. Ils auraient fait tout ce qui l’échange d’informations en temps réel entre les dif- était nécessaire pour empêcher la crise de la mon- férents États membres de l’espace Schengen. Pour naie unique de s’intensifier et de se transformer en l’instant, les contrôles aux frontières sont assurés quelque chose de beaucoup plus grave. La même Bilan par diverses autorités publiques de l’espace Schen- chose peut être dite de Schengen. Aujourd’hui, les gen, qui varient en fonction du pays (gardes-fron- gouvernements de l’UE risquent de faire de 2012 et tières, gardes-côtes, police, douanes, marine...). À de 2013 les années où l’avenir de la circulation libre l’heure actuelle, il est impossible de rassembler et en Europe est sérieusement remis en cause pour la d’échanger les fichiers de ces agences et les première fois. Faute d’une action politique détermi- comptes rendus sur les flux migratoires et les me- née, le fragile équilibre qui permet à 26 pays euro- Med.2012 naces sécuritaires. péens de partager une frontière commune et une Dans le même temps, l’UE doit amener les pays politique de visas commune, pourrait s’effondrer. d’Afrique du Nord à signer les accords dits de De plus, il est fort probable que la remise en cause « réadmission » sur le rapatriement des immigrants de l’ouverture des frontières se traduise par des me- illégaux. Dans la foulée du printemps arabe, Cathe- sures de représailles et par un rétablissement des rine Ashton, Haut Représentant de l’UE pour les contrôles aux frontières. On pourrait même assister Affaires étrangères, a suggéré que des accords de à la réintroduction des permis de travail et de séjour 309 rapatriement soient conclus avec l’ensemble des pour les ressortissants européens. Mais les gouver- pays maghrébins. La coopération de ces pays est nements et les institutions de l’Union européenne fondamentale pour sécuriser les frontières sud de peuvent désamorcer cette escalade. Pour cela, ils Schengen. Or, en raison de désaccords sur les doivent suspendre l’élargissement de l’espace conditions d’accès au visa et sur la réduction des Schengen pendant deux ans et profiter de ce délai barrières douanières de l’UE sur les exportations pour s’attaquer aux faiblesses et aux vulnérabilités agricoles, aucun d’entre eux n’a encore signé d’ac- internes, accélérer les initiatives existantes et renfor- cord de rapatriement avec Bruxelles. L’UE a conclu cer la coopération avec les pays d’Afrique du Nord un nouveau « partenariat de mobilité » avec le Cap et la Turquie. Vert, la Géorgie et la Moldavie ; ces partenariats Enfin, les frontières sont foncièrement élastiques. consistent, pour l’essentiel, à récompenser les Elles ont toujours été renforcées ou assouplies en pays signataires qui collaborent dans la lutte contre fonction d’impératifs de politique intérieure, des af- les flux d’immigration irrégulière, par une aide finan- flux de migrants et de la situation économique. Et cière, des programmes techniques et un accès quelles que soient les inquiétudes que l’immigration plus facile aux visas. La Commission a récemment peut susciter, peu d’électeurs souhaitent revenir à engagé des négociations en vue de la conclusion une Europe où ils seraient confrontés à des fron- de partenariats similaires avec le Maroc et la Tuni- tières nationales pour se rendre au bureau, pour par- sie. Toutefois, des négociations de ce type ont déjà tir en vacances ou pour se rendre pour affaire dans échoué par le passé. En effet, selon un haut fonc- d’autres pays de l’espace Schengen. Mais il faut tionnaire travaillant au Conseil JAI, « un pays avec espérer que les gouvernements de l’UE ne laisse- 2000 ressortissants séjournant illégalement dans ront pas la situation se dégrader à ce point.
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