LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES - BEYOND MAINSTREAM - Roland Berger
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BEYOND MAINSTREAM LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES Comment en faire une opportunité ? MAI 2014
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? THE BIG 3 1 52% vs. 27% Part des exportations dans le PIB en 2012 en Allemagne vs. France p. 8 2 42 points Ecart d’endettement public en points de PIB entre le Nord et le Sud de la zone euro d’ici 2020 dans un scénario « fil de l’eau » p. 18 3 90% Augmentation de la contribution nette de l’Allemagne au budget européen nécessaire au financement d’une assurance chômage et d’un fonds pour l’innovation européens p. 23 2 ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? L’année écoulée a été riche en débats sur les difficultés de la zone euro. Les appels à « l’intégration » et la « coordination économique » ont émaillé les nombreux rapports ou tribunes parus sur le sujet. En cette année d’élections européennes les économies budgétaires et une stabilisation financière de la zone du Nord et du Sud de l’Europe continuent cependant à euro. Mais la divergence économique a aussi une diverger. L’Europe n’a pas seulement un problème cause, naturelle : celle de la spécialisation productive d’intégration politique. Alors que l’on se concentre sur inhérente à toute zone monétaire. En France, comme l’harmonisation des politiques économiques depuis le aux Etats-Unis ou au Japon, cette spécialisation existe, début de la crise, l’Europe bute sur un problème de avec des territoires qui produisent plus que d’autres, modèle économique commun qui semble introuvable. ou produisent autre chose. La mise en place de l’Euro avait pour objectif de La divergence économique est normale, elle est favoriser les échanges entre les pays et de faire même consubstantielle à la monnaie unique. En re- converger les économies européennes. Cette conver- vanche le risque de décrochage de certains pays de la gence a eu lieu pour partie : le bilan de l’Euro est posi- zone euro est, lui, problématique, et doit faire l’objet tif en termes de consolidation du marché unique, de de politiques permettant à tous les pays de retrouver maîtrise de l’inflation et de baisse des taux d’intérêt. leur compétitivité. Reste que, en 2014, l’hétérogénéité des économies C’est pourquoi l’horizon actuel de l’Europe consis- européennes est un fait. terait davantage à assumer une spécialisation produc- Cette divergence économique a deux causes. tive pertinente lui permettant d’être compétitive sur La première touche aux politiques économiques me- les marchés mondiaux. Mais alors elle doit s’interroger nées depuis la création de l’euro. Tandis que le Nord sur ce qu’impliquerait véritablement d’assumer une améliorait sa compétitivité, maîtrisait ses coûts sala- telle spécialisation. Un fédéralisme qui organiserait la riaux et investissait dans l’innovation, le Sud a soutenu circulation des richesses et des hommes entre des sa demande intérieure en recourant à l’endettement zones économiques profondément différentes serait public et privé, rendu bon marché grâce à la monnaie une manière de parachever l’union monétaire. Mais unique. Sur ce plan, les réformes récentes de la gou- cette option a un coût que les différents pays euro- vernance économique européenne (mise en place du péens ne sont pas prêts à assumer à ce jour. C’est semestre européen, du Mécanisme Européen de Sta- pourquoi l’Europe a avant tout besoin de refonder une bilité, de l’Union bancaire) doivent permettre de ren- vision de son intérêt commun. forcer la coordination des politiques économiques et ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS 3
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? Une convergence économique espérée, mais introuvable. L’Union Européenne est la première puissance écono- 1. La convergence réelle mique avec 23% du PIB mondial en 2012. Elle est éga- des économies pour projet politique lement la première puissance commerciale en termes d’importations et d’exportations, devant la Chine et les Initialement, la création de l’Union Economique et Etats-Unis. Sa monnaie est la deuxième monnaie du Monétaire avait pour objectif de poursuivre l’intégration monde. Elle est enfin la troisième puissance démogra- et la convergence des économies européennes, et de phique mondiale avec 506 millions d’habitants. parachever ainsi la réalisation du marché unique Pourtant, elle connaît aujourd’hui un déclin relatif amorcée en 1985. La création de l’Euro reposait donc par rapport aux autres zones du monde. L’Union Euro- sur les effets positifs attendus de la convergence péenne se caractérise par une faible croissance éco- nominale des économies. nomique, à 1,0% en 2013 contre 2,7% pour les Etats- L’idée qui prévaut alors est que c’est par la conver- Unis, un chômage élevé, à 10,6% en février 2014 gence nominale des économies qu’adviendra progres- contre 6,7% aux Etats-Unis. L’inflation y est particuliè- sivement leur convergence réelle. Le traité de rement faible, à 0,5% en mars 2014 et menace de se Maastricht définit ces critères de convergence nomi- transformer en phénomène déflationniste. Enfin, sur le nale censés garantir la convergence réelle 1) : plan géopolitique l’actualité récente a encore montré > le taux d’inflation, ne devant pas dépasser de plus les difficultés persistantes de l’Europe à définir une de 1,5 point celui des trois Etats membres dont les position commune en politique étrangère dans sa prix sont les plus stables; zone d’influence tel que pour l’Ukraine. > la maîtrise des taux d’intérêt à long terme, ne devant Or l’avènement d’un monde multipolaire est une pas dépasser de plus de 2% ceux des trois Etats opportunité pour l’Europe, qui lui permet de prendre membres présentant les meilleurs résultats; toute sa place dans le concert des nations. Mais la > la bonne gestion des finances publiques, avec un voix européenne ne pourra compter dans le monde déficit public inférieur à 3% du PIB et une dette que si l’Union Européenne recouvre sa puissance publique inférieure à 60% du PIB; économique. A cet égard, la nécessité d’harmoniser > la fixité des taux de change, qui exclut les les économies de la zone euro, fait figure de priorité. dévaluations Mais la convergence des économies européennes Les années 1990 sont néanmoins marquées par de ne peut se décréter. En effet le débat sur les modes de vifs débats sur la pertinence de cette approche. Le coordination et d’harmonisation d’économies rapport du Comité Delors (1989) puis le rapport nationales fondamentalement diverses est au cœur du Emerson (1990), préparé par la Direction Générale processus de la construction européenne, et de ses des Affaires économiques et financières de la ambigüités. A Commission européenne, procèdent à des analyses coûts-bénéfices de la mise en place de l’Union 1) « Convergence des économies européennes : vingt ans après », nota d’analyse du CAS, n°286, septembre 2012 4 ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? économique et monétaire. Ils concluent en faveur de Cependant, quelques voix for tes s’élèveront cette dernière, en tablant notamment sur l’abaissement rapidement pour contester cette vision optimiste de la des primes de risque (risque inflationniste, risque de mise en place de l’Union monétaire. C’est le cas de change) entraînant la convergence des taux d’intérêt Paul Krugman, dans un article de 1993 2), en réponse réels vers les niveaux les plus bas, et engageant un au rapport Emerson. Ces travaux fondent leur cercle vertueux de croissance des investissements démonstration sur la faiblesse d’un dispositif productifs dans les pays jusqu’alors peu dotés en budgétaire et fiscal à même de répondre aux capital. Devait s’en suivre une hausse de la productivité conséquences de chocs asymétriques dans la zone. Ils et des salaires dans les pays où ces derniers étaient questionnent également le caractère optimal de la encore peu élevés. Parallèlement, le rapport Winkler zone euro, condition nécessaire au bon fonctionnement (1995) fait valoir l’engagement en faveur de politiques d’une monnaie unique. Ils s’interrogent enfin sur économiques et budgétaires saines que garantirait la l’aspect endogène de la convergence au sein des convergence nominale, gage de stabilité pour la future zones monétaires. Les deux décennies suivantes leur monnaie unique. ont donné raison. A LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE VISAIT À ACCROÎTRE LA CONVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES PAR LEUR COOPÉRATION 1951 1957 1979 1986 1990 Traité de Paris Traité de Rome Acte Unique européen Traité de Maastricht Création de la Commu- Création de la Commu- Création de l’Union nauté Economique du nauté Economique Européenne Charbon et de l’Acier Européenne Création d’un marché Mise en place du Création du Système Décision d’achever Décision d’adoption commun du charbon marché commun et Monétaire Européen le marché intérieur de l’Union Econo- et de l’acier de l’union douanière en 1993 mique et Monétaire (monnaie unique) Nombre de pays membres 6 6 9 12 12 2) P. Krugman, « Lessons from Massachussets for EMU », dans Torres F. & Giavazzi F. (Editors), Adjustment and Growth in the European Monetary Union, Londres, CEPR and Cambridge University Press Source : CAS, Commission Européenne, recherche documentaire, analyse Roland Berger ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS 5
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? 2. Dans les faits, une divergence B économique croissante VALEUR DES IMPORTATIONS ET EXPORTATIONS AU SEIN DE LA ZONE EURO Plusieurs effets positifs sont à mettre au crédit de [en % du PIB] l’Euro. L’Union Economique et Monétaire a d’abord favorisé l’intégration de l’économie et des marchés de biens et de services. 67% des exportations des pays de la zone euro étaient à destination de la zone euro en 2010, et 63% des importations de la zone euro +7points étaient en provenance des pays de la zone euro. Il s’agit bien d’un effet lié à la suppression du risque de 33% change et à la diminution du coût des transactions transfrontalières. B On outre, les années 1990 ont vu converger les taux d’inflation, les taux d’intérêt et des taux de change dans tous les pays concernés. Les taux d’intérêt réels ont convergé rapidement vers les taux allemands, 26% alors les plus bas. Le bilan de l’Euro en matière de maîtrise de l’inflation est également positif, avec un ancrage des prévisions d’inflation à long terme proche de la définition de la stabilité des prix établie par la BCE (2%). On assiste dans les années 2000 à une stabilisation de l’inflation par rapport aux années 1990 et 1980. C Mais si l’on a pu constater dans les années 1990 un début de convergence réelle des économies, avec notamment, un rattrapage des pays de la périphérie de la zone euro, on constate en 2014 que les éco- nomies européennes sont restées particulièrement divergentes, et que l’ambition d’une convergence réelle portée par la convergence nominale n’a pas +2 points fonctionné. L’analyse de l’évolution des principaux indicateurs 7% macroéconomiques de 18 pays membres de la zone 5% euro fait nettement apparaître deux groupe de pays, opposant le Nord de l’Europe (Allemagne, Autriche, Belgique, Estonie, Lettonie, Luxembourg, Finlande, Pays-Bas) au Sud (France, Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Irlande, Chypre, Malte, Slovénie, Slovaquie). 1998 2010 1998 2010 Biens Services Source : Banque de France, Sénat, analyse Roland Berger 6 ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? L’hétérogénéité des situations européennes s’apprécie A cette hétérogénéité des taux de croissance, des ni- d’abord à travers la croissance (réelle et potentielle 3)). veaux de vie et des situations du marché de l’emploi, Si la crise de 2008 se traduit par une baisse générali- s’ajoute une hétérogénéité des structures productives sée de la croissance, on observe à partir de 2010 un elles-mêmes. En matière de balance commerciale net décrochage de la croissance des pays du Sud, tan- d’abord, avec un Nord exportateur, et un Sud consom- dis que les perspectives s’améliorent rapidement au mateur. En 2012, la part des exportations dans le PIB Nord. La croissance potentielle, dont le principal dé- représentait 57% en Autriche, 52% en Allemagne contre terminant dans les économies développées est la pro- 33% en Espagne et 27% en France et en Grèce. E ductivité globale des facteurs, est encore plus nette- Ce différentiel dans les capacités d’exportation re- ment différenciée. Elle décroit au Sud de l’Europe couvre une hétérogénéité de la compétitivité coût des depuis la fin des années 1990. D économies européennes. En effet, le développement Les écart des niveaux de vie sont, eux aussi, restés des exportations a été permis grâce à une modération persistants. Si les années 1990 ont vu les pays péri- des salaires dans les pays du Nord, tandis que les phériques de la zone euro opérer un rattrapage, les coûts du travail s’envolaient au Sud. Entre 2000 et écarts des PIB par habitant ont recommencé à se creu- 2013, ils ont progressé de 30% en Allemagne, contre ser à partir de 2008. Les taux de chômage ont quant à 43% en France et 50% en Italie. F eux suivi une évolution encore plus contrastée. Ils se sont envolés à partir de 2008 dans les pays du Sud. C TAUX D’INFLATION TAUX D’INTÉRÊT RÉEL LONG TERME en zone Euro [en %] en zone Euro [en %] 5% 12% 4% 10% Création Création de l’euro de l’euro 3% 8% 2% 6% 1% 4% Moyenne 91-98 Moyenne 99-07 Moyenne 91-98 Moyenne 99-13 2,6% 2,0% 8,2% 4,2% 0% 2% -1% 0% Jan. 95 Jan. 00 Jan. 05 Jan. 10 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 3) Taux de croissance théorique d’une économie au regard de ses facteurs de production (dotation en capital, quantité de travail fournie, productivité globale des facteurs) Source : Banque de France, OCDE, analyse Roland Berger ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS 7
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? NORD/SUD HÉTÉROGÉNÉITÉ DES MODÈLES ÉCONOMIQUES EN EUROPE D CROISSANCE RÉELLE CROISSANCE POTENTIELLE 1) PIB en volume [base 100 en 1999] Productivité globale des facteurs [base 100 en 1999] 125 108 120 106 104 115 102 110 100 105 98 100 96 99 01 03 05 07 09 11 13 15 99 01 03 05 07 09 11 13 Nord de la zone euro 2) Sud de la zone euro 3) 1) Taux de croissance théorique d’une économie au regard de ses facteurs de production (dotation en capital, quantité de travail fournie, productivité globale des facteurs) 2) Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Belgique 3) France, Espagne, Italie, Finlande, Irlande, Portugal, Grèce Source : Natixis, analyse Roland Berger E EXPORTATIONS 1 [en milliards d’euros] 52% 1 400 1 200 27% 1 000 30% 800 600 33% 400 57% 200 0 27% 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Allemagne France Italie Espagne Autriche Grèce Source : Eurostat, analyse Roland Berger 8 ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? Le différentiel de balance commerciale s’explique aus- G si par une hétérogénéité des niveaux d’endettement, DEMANDE INTÉRIEURE publics comme privés. La croissance des pays du Sud [en volume – base 100 en 1999] de la zone euro a été soutenue par la demande inté- 130 rieure des pays, permise par une hausse de l’endette- 120 ment, et cause d’un fort niveau d’importation. L’endet- 110 tement privé est à cet égard nettement corrélé avec l’augmentation du prix des actifs, qui a augmenté de 100 130% entre 1999 et 2012 dans le Sud, contre seule- 90 ment 30% dans le nord. L’endettement fut également 99 00 02 04 06 08 10 12 public, conduisant dans de nombreux pays au non-res- Nord de la zone euro Sud de la zone euro pect des règles du Pacte de Stabilité et de Croissance. On parle généralement de « déficits jumeaux » pour ENDET TEMENT PRIVÉ désigner la corrélation entre le déficit de la balance Dette du secteur privé [en % du PIB en valeur] commerciale et le déficit public des pays du Sud de la 250 zone euro. G 200 150 F 100 COÛT SALARIAL UNITAIRE 50 [base 100 en 1999] 99 00 02 04 06 08 10 12 140 Allemagne France Italie Espagne 130 ENDET TEMENT PUBLIC 120 Déficit public [en % du PIB en valeur] 110 2 100 0 90 -2 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 -4 -6 -8 PRODUCTIVITÉ PAR TÊTE 99 00 02 04 06 08 10 12 [base 100 en 1999] 110 Dette publique [en % du PIB en valeur] 110 105 100 100 90 95 80 90 70 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 99 00 02 04 06 08 10 12 Allemagne France Italie Espagne Nord de la zone euro Sud de la zone euro Source : Natixis, Eurostat, analyse Roland Berger ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS 9
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? La double cause de l’hétérogénéité des économies européennes. L’hétérogénéité de la zone euro a deux causes. Cette stratégie consistait à accepter la faiblesse de la La première relève d’une non coordination des poli- demande intérieure et à assumer la déformation du tiques et, pour certains pays, d’une mauvaise gestion partage des revenus en faveur des entreprises. macroéconomique. Cette première cause de diver- A l’inverse, la croissance des pays du Sud de la gence peut être corrigée. Mais il en est une seconde, zone euro a été soutenue par la demande intérieure, structurelle, qui tient à la spécialisation productive permise par une hausse de l’endettement public et pri- inhérente à toute zone monétaire. Contrairement à ce vé. L’euro a ainsi permis à l’Europe du Sud de s’endet- qui était attendu, l’Euro n’a pas permis la convergence ter à des taux artificiellement bas, grâce à la conver- des économies européennes, mais a au contraire gence des taux d’intérêt permise par la mise en place accru leur divergence. de l’Union Economique et Monétaire, avec pour consé- Si la première cause appelle des réponses en quence une sous-évaluation de la prime de risque de termes de coordination des politiques économiques, certains pays (Grèce, Espagne, etc.). H qui doivent permettre de la corriger, la seconde en Entre 2000 et 2007, la Grèce a connu une crois- revanche, ne peut être résolue que par des méca- sance moyenne de 4,2 %, grâce notamment à l’apport nismes de transferts entre les régions de la zone Euro. de capitaux venus du Nord de l’Europe. En 2009, les montants prêtés par le Nord au Sud ont atteint 2000 1. Des politiques économiques Mds€, soit 7 fois plus qu’en 1999 (300 milliards). non coordonnées L’accroissement de l’endettement a eu comme coro- laire l’accroissement du prix des actifs et par consé- Pays du Nord et du Sud ont poursuivi ces dernières quent la formation de différentes « bulles » dans les années des politiques économiques diamétralement pays du Sud : bulle de la construction en Espagne en opposées. Particulièrement représentative de la 2008, avec une explosion puis un recul brutal des dynamique du Nord, qui concentra ses efforts sur le mises en chantier (indice 100 en 1995, 250 en 2007, soutien à la compétitivité des entreprises dans les 50 en 2011), ou encore la bulle de l’immobilier en années 20000-2010, l’Allemagne a lancé l’Agenda France, avec une hausse du prix de l’immobilier rési- 2010, avec les réformes Hartz portant notamment sur dentiel entre 1995-2013 de 80% supérieure à celle la réduction du coût du travail et la flexibilisation du des prix de consommation et de 55% supérieure au marché du travail. Des politiques budgétaires salaire par tête. rigoureuses ont été conduites au Nord, pour maintenir En France, si la gestion budgétaire a été plus la compétitivité, associées au développement d’une consciencieuse que dans d’autres pays du Sud, peu fiscalité favorable à l’offre (avec une baisse du poids de réformes de structure ont été menées sur les sys- de la fiscalité indirecte), qui ont favorisé le maintien tèmes de protection sociale et les services publics, d’une industrie de grande taille. et la politique économique est restée fondée sur la 10 ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? relance de la demande intérieure : hausse contrôlée I Dès 1993, Krugman, en réponse au rapport Emer- des salaires et charges sociales, réduction du temps son, met en évidence les mécanismes à travers les- de travail. quels la mise en place d’une monnaie unique accentue Cette divergence des politiques économiques en la tendance des pays à se spécialiser en fonction de zone euro a produit une partie des hétérogénéités au- leurs avantages comparatifs. L’élimination des bar- jourd’hui observables, que l’on peut qualifier d’anor- rières commerciales devient facteur de concentration males. Au Sud, la hausse trop rapide des salaires et de la production dans le centre de la zone concernée, l’insuffisant effort d’innovation ont participé à la dé- afin de tirer avantage des économies d’échelle et de sindustrialisation, aux pertes de parts de marché et à l’accès aux marchés, avec pour effet induit des dispa- la polarisation de l’activité sur des services peu so- rités entre les régions. C’est ce mécanisme qui a no- phistiqués (services aux particuliers, construction, tamment accéléré la concentration de l’industrie dans tourisme…). Au Nord, les excédents commerciaux alle- un petit nombre de pays, et contribué à la désindus- mands récemment critiqués par le Fonds Monétaire trialisation des autres. Les politiques régionales, via International et la Commission européenne résultent les Fonds structurels, avaient pour objectif de contre- d’un excès d’épargne, attribuable à la déformation du balancer cet effet et d’assurer le processus de conver- partage des revenus au détriment des salariés dans gence en Europe. Mais la dynamique de spécialisation le Nord. l’emporta largement. Or la théorie de la nouvelle économie géographique 2. Une spécialisation productive montre également que, si la spécialisation productive inhérente à toute union monétaire est normale, elle n’est tenable que dans une Zone Mo- nétaire Optimale (ZMO). En effet la spécialisation pro- Mais indépendamment de la non coordination des po- ductive peut générer un risque de chocs asymétriques litiques économiques, les modèles économiques des en cas de crise économique. Si une zone monétaire différents pays européens ont divergé sous l’effet est optimale, l’asymétrie est limitée par des méca- d’une spécialisation productive des pays qui est, elle, nismes d’ajustement au sein de la zone, et notamment inhérente à toute zone monétaire. la mobilité du facteur travail, et des transferts publics H SPREAD DU TAUX DINTÉRÊT À 10 ANS PAR RAPPORT À L’ALLEMAGNE 75 50 25 0 -25 -50 -75 01 02 03 04 05 06 07 08 Grèce Espagne Portugal Source : analyse Roland Berger ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS 11
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? entre les régions de la zone monétaire (investisse- I ment, pensions de retraite, assurance chômage, etc.) THÉORIE DE LA NOUVELLE ÉCONOMIE GÉOGRAPHIQUE A l’échelle nationale, ces mécanismes fonctionnent. (P. Krugman, Prix Nobel d’économie, 1990) Ainsi en France, 31% du PIB est concentré en Île de France ( qui ne représente que 2,2% du territoire ). Mais différentes régions bénéficient de transferts pu- blics massifs, notamment la région PACA grâce à la Elimination Faibles coûts des barrières de transport forte présence de retraités. commerciales et Cependant, l’Union européenne n’est pas devenue monétaires au une zone monétaire optimale. La mobilité des travail- sein d'une zone leurs au sein de la zone euro est restée faible, et les monétaire transferts entre les pays y sont demeurés insuffisants pour compenser la spécialisation productive. Si les Fonds structurels européens et les Fonds de cohésion ont représenté un transfert de 347 Mds€ sur la pé- riode 2007-2013, la faiblesse du budget de l’Union Economies Concentration Européenne, à environ 1% du PIB, ne permet pas de d’échelle pour les des activités déployer des mécanismes de véritable redistribution. entreprises productives plutôt Dès lors, l’hétérogénéité naturelle de la zone euro que localisation n’a cessé de s’accentuer, encore aggravée par la crise près des consom- mateurs dans des économique à partir de 2008. Du fait de salaires et de zones à grande gains de productivité plus élevés dans l’industrie, la di- économie d’échelle vergence des niveaux de revenu et de croissance entre Nord industriel et Sud désindustrialisé s’est accrue. J De même, la croissance est devenue plus forte dans Concentration des activités productives les pays industriels, renforçant l’hétérogénéité des ni- dans certaines régions d’une zone monétaire veaux de vie. L’équilibre de la balance commerciale est également plus difficile en l’absence d’industrie. Les pays déficitaires en commerce extérieur n’ont alors pour seule possibilité que de réduire leur de- SPÉCIALISATION PRODUCTIVE mande intérieure. Ce phénomène s’observe déjà dans AU SEIN D’UNE ZONE MONÉTAIRE plusieurs pays du Sud de la zone euro. Source : CAS, Commission Européenne, analyse Roland Berger 12 ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? J L’INDUSTRIE AU CŒUR DE LA DIVERGENCE ÉCONOMIQUE EN EUROPE EVOLUTION DE LA PART DE LA VALEUR AJOUTÉE DE L’INDUSTRIE DANS LE PIB [2000 - 2012 ; %] ∆ 2000-2012 [pt] 24% 22,3 22,2 22,4 22% 21,9 +0,1 Concentration industrielle dans 20,1 les pays du Nord 20% 19,0 18,5 18% 17,9 17,9 -1,6 18,1 17,6 15,6 15,7 16% 15,2 -4,5 Désindustrialisation des pays du Sud 13,8 14% 13,3 13,0 -4,6 12% 11,3 10,0 10% -5,2 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 Allemagne Autriche Italie Espagne France Source : CAS, Commission Européenne, analyse Roland Berger EMPLOIS INDUSTRIELS [2003-2012 ; millions d’emplois] TCAM TCAM Main d’œuvre ayant [2003-2012] [2009-2012] terminé des études secondaires [2012; %] 11,3 11,5 11,3 11,0 11,1 +0,1 +0,7 57,8 11,0 5,9 6,0 5,8 5,6 5,5 5,3 5,8 -0,6 -1,1 43,6 5,0 4,7 4,5 4,0 -4,3 -8,4 23,6 3,6 1,0 1,1 1,1 1,0 +0,1 -2,4 41,2 1,1 1,0 1,0 1,0 0,5 0,6 -4,7 -13,1 64,1 0,0 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 Allemagne France Espagne Autriche Grèce Source : OIT, Banque Mondiale, analyse Roland Berger ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS 13
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? 3. Des politiques de coordination La surveillance budgétaire a également été complétée et d’harmonisation nécessaires, par une surveillance des déséquilibres macroécono- mais qui ne résoudront pas la miques, mise en place janvier 2012, avec pour objectif problématique de la divergence de lutter contre les déséquilibres au sein de la zone euro. Elle consiste en un suivi d’une dizaine d’indica- Plusieurs réformes récentes de la gouvernance écono- teurs macroéconomiques (endettement public et pri- mique européenne ont cherché à mieux coordonner vé, évolution du marché de l’immobilier, balance cou- les politiques économiques des pays de l’Union Euro- rante, taux de change réels effectifs, parts de marchés péenne et à renforcer sa stabilité économique et à l’exportation, évolutions des prix, etc.) Un bilan ap- financière : profondi est mené par la Commission en cas d’un > la mise en place du semestre européen doit éventuel déséquilibre d’un Etat Membre. Des mesures permettre de contrer le dérapage des politiques correctives et sanctions financières peuvent être pré- budgétaires et le manque de coordination économique; vues en cas de non-respect des recommandations de > le Mécanisme européen de stabilité (MES) doit la Commission. permettre de gérer collectivement une crise des Parallèlement, la crise de la zone euro a mis en lu- finances publiques menaçant la stabilité d’un Etat et mière la nécessité d’institutionnaliser le principe d’une par extension de la zone Euro; solidarité entre pays de la zone euro, et donc de doter > enfin, l’Union bancaire vise à contrer le risque sys- la zone euro d’un mécanisme d’intervention d’urgence témique lié à une faillite bancaire au sein de l’Union permanent (en remplacement du Fonds Européen de Européenne. Stabilité Financière, temporaire). C’est l’ambition du Mécanisme européen de stabilité (MES). K Avec la crise, le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) s’est révélé insuffisant pour assurer le contrôle Enfin, la mise en place de l’Union bancaire a pour ob- budgétaire. Adopté au Conseil européen d’Amsterdam jectif de mieux contrôler le secteur bancaire afin de li- de 1997, le Pacte instaurait des règles fixant la limite miter le risque systémique lié à une faillite bancaire eu du déficit public à 3% du PIB et celui de l’endettement sein de l’Union Européenne, la crise de la zone euro public à 60% du PIB. Il a été peu respecté par les ayant révélé l’existence d’un cercle vicieux pouvant lier Etats. L’accord franco-allemand en 2003 a ainsi les banques aux dettes souveraines. L permis d’éviter les sanctions prévues par la procédure Ces mesures ont permis à la zone euro de com- pour déficit excessifs engagée suite au non-respect mencer à retrouver le chemin de la croissance, qui de- des règles du Pacte. meure néanmoins fragile. La reprise économique est La surveillance budgétaire a donc été renforcée là, et se confirme. Le taux de croissance attendu de la avec le « semestre européen », mis en place en 2011. zone au premier trimestre de 2014 est de +0,4 %, Il s’agit d’un cycle de coordination des politiques éco- après avoir été de +0,3% au dernier trimestre de 2013 nomiques et budgétaires entre les Etats Membres et et de +0,1% au troisième. Ce retour de la croissance les institutions de l’Union Européenne, avec pour ob- concerne l’ensemble des pays et des secteurs, à l’ex- jectifs de garantir des finances publiques saines et de ception de la construction. Il est tiré par une améliora- favoriser la croissance économique. Coordination et tion progressive de la demande intérieure et une surveillance budgétaire ont été renforcées par les rè- contribution légèrement positive du commerce exté- glements et directives du « two-pack » et du « six-pack » rieure. L’année 2014 marque également le retour de la en 2011-2012, qui prévoient des sanctions accen- Grèce sur les marchés financiers, tandis que le déficit tuées en cas de non-respect des règles. de la zone euro redescendait à 3% du PIB fin 2013. M 14 ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS
THINK ACT LE DÉFI DE LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES K MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ MISSION STATUTS MOYENS Garantir la mobilisation de fonds Institution financière Capacité initiale de prêt pour faire face à une éventuelle de 500 milliards d’euros sur la défaillance d’un de ses membres États membres de la zone euro base d’un capital de 700 milliards et éviter la propagation de la crise membres de fait d’euros à toute la zone euro Dirigé par le conseil des gouver- En cas de difficulté d’un État Contrepartie : engagement neurs composé des ministres des membre de la zone euro, des États bénéficiaires à prendre finances des Etats membres 80 milliards d’euros disponibles des mesures conditionnant immédiatement, le reste devant l’octroi du prêt Droits de vote proportionnels être appelé par les contributeurs à la contribution au capital Possibilité pour lever cet argent de faire appel aux marchés financiers afin de le prêter à des taux bonifiés aux États en difficulté L UNION BANCAIRE SUPERVISION BANCAIRE RÉSOLUTION DES CRISES GARANTIE DES DÉPÔTS Supervision unique du secteur Mise à contribution des acteurs Protection des dépôts des bancaire dans la zone euro privés en cas de crise épargnants en cas de faillite assurée par la Banque centrale bancaire jusqu’à 100 000 euros européenne Mécanisme unique de résolution : conseil de résolution unique pour Récupération de l’épargne 130 banques concernées gérer la liquidation et fonds de en 7 jours ouvrés résolution abondé par le secteur bancaire (EUR 55 Mds à 2025) ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS 15
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? Toutefois, le risque de déflation demeure. Le taux L’Europe doit aujourd’hui assumer sa spécialisation d’inflation annuel de la zone euro est en baisse productive, pour maintenir la cohésion de la zone et continue et a atteint +0,5% en mars 2014 contre 1,7% prévenir les chocs asymétriques. La solution théorique en mars 2013. Il baisse notamment en Allemagne et serait de faire en sorte que la zone euro devienne une en Espagne. zone monétaire optimale. Mais cela passe par des En réalité la coordination économique et budgé- évolutions culturelles qui ne se décrètent pas, tels que taire, la solidarité en cas de crise financière et l’union l’accroissement de la mobilité des travailleurs et des bancaire, qui sont chacune des progrès majeurs, ne retraités, ou des mécanismes qui présentent un coût suffiront pas à résoudre la problématique de l’hétéro- économique et politique élevé, comme l’accroisse- généité des économies européennes, dont la cause ne ment massif des transferts publics entre pays du Nord se réduit pas au trop peu de gouvernement écono- et pays du Sud. A ce jour les différents pays n’y sont mique européen. pas prêts. M TAUX DE CROISSANCE DE LA ZONE EURO [glissement annuel] 4% 2% 0% -2% -4% -6% 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 INDICE COMPOSITE D’ACTIVITÉ PMI DE LA ZONE EURO1) 70 60 54 50 40 30 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 1) Cabinet Markit – indice composite mesurant l’activité dans les services et l’industrie productivité globale des facteurs Source : Eurostat, Insee, cabinet Markit, analyse Roland Berger 16 ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? Trois scénarios pour repenser l’avenir économique de l’Europe. AUJOURD’HUI, TROIS SCÉNARIOS 1. Un scénario tendanciel intenable SONT ENVISAGEABLES. économiquement LE PREMIER peut être qualifié de « tendanciel ». Le scenario « tendanciel » N repose sur le prolonge- Il consiste à poursuivre les politiques budgétaires ment des tendances actuelles et prend donc les hypo- d’encouragement à la convergence sans accroisse- thèses suivantes : ment significatif des transferts entre le Nord et le Sud > une croissance faible, de 1,6 % pour le Nord entre de la zone euro. Cela devrait permettre d’éviter que la 2014 et 2020 et de 1,2% pour le Sud entre 2014 et poursuite de la spécialisation productive n’aboutisse à 2020. un écart de taux de croissance entre le Nord et des conséquences intenables, qui pourraient menacer le Sud persistant mais en baisse : 1,1 point en 2014, la zone d’éclatement. Il réduit les risques sans réduire contre 0,4 en 2020 le probléme. > une réduction lente du déficit public : -0,4 points UN DEUXIÈME SCÉNARIO peut être qualifié de scé- pour le Nord entre 2013 et 2020 et - 3 points pour le nario des « contrats ». C’est notamment l’approche dé- Sud entre 2013 et 2020 fendue par Mme Merkel, qui consiste à mettre en > l’absence de transfert significatif entre pays du Nord place des mécanismes « donnant-donnant » entre pays et pays du Sud. du Nord et pays du Sud, où les Etats qui engageraient Cette option semble difficilement tenable à moyen des réformes structurelles bénéficieraient de trans- terme. Elle ne parait pas à la mesure de l’ampleur du ferts substantiels. La mise en place de contrats de différentiel d’endettement entre Nord et Sud de la réformes structurelles entre les Etats et l’Eurogroupe, zone euro. O et le soutien macro-économique à ces réformes En effet selon un scénario «fil de l’eau» l’accroisse- (investissements européens, etc.), permettraient de ment de l’écart d’endettement public en point de PIB procéder aux ajustement structurels nécessaires, pourrait atteindre 42 points entre le Nord et le Sud de notamment au Sud, mais également de procéder à la zone euro d’ici 2020. Cela se traduirait par la pour- des transferts nécessaires pour assumer une spéciali- suite de politiques d’austérité et donc un appauvrisse- sation productive pertinente en Europe. ment durable du Sud de la zone euro, et l’acceptation UN TROISIÈME SCÉNARIO, largement défendu par d’une divergence importante des niveaux de vie sur le les tenants d’une intégration renforcée, peut être qua- continent. Par ailleurs la Banque Centrale Européenne lifié d’intégrateur. Il consiste achever la construction rencontrerait des difficultés croissantes à mener une de l’Union Economique et Monétaire par l’accroisse- politique monétaire adaptée à des situations ment des transferts au sein de la zone euro, via un macro-économiques toujours plus divergentes. Les li- budget commun qui pourrait par exemple financer l’as- mites de ce scénario sont l’argument essentiel de ceux surance chômage européenne ou un fonds européen qui nourrissent des doutes sur la sortie à terme de pour l’innovation. Mais le coût d’une telle option est certains pays de la zone euro. rarement évoqué, et à ce jour les différents pays euro- péens ne paraissent pas prêts à l’assumer. ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS 17
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? N TAUX DE CROISSANCE DU PIB RÉDUCTION DU DÉFICIT PUBLIC [en volume] [en %] 4% 2% 1,9 2% 0% 0,3 1,6 -0,5 -0,8 0% -2% -1,9 -0,9 -2% -4% -4,9 -4% -6% -6% -8% 08 10 12 14 16 18 20 08 10 12 14 16 18 20 O ENDET TEMENT PUBLIC 2 [en % du PIB courant] - Voir note méthodologique a 120% 109 109 110% 100% 32 90% points 42 points 80% 77 70% 67 60% 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Nord de la zone euro 1) Sud de la zone euro 2) 1) Allemagne, Autriche, Belgique, Estonie, Lettonie, Luxembourg, Finlande, Pays-Bas 2) France, Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Irlande, Chypre, Malte, Slovénie, Slovaquie, Sources : Taux de croissance : Commission européenne, The Economist. Inflation et endettement : Commission européenne. Analyse Roland Berger 18 ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? 2. Un scénario « des contrats » pour 3. Un scénario intégrateur assumer a minima la spécialisation difficilement tenable politiquement productive Une voie consiste à encourager bilatéralement les ré- Enfin , un scénario fédéraliste consisterait à aller au formes structurelles nécessaires au Sud, tout en assu- bout de la logique de la monnaie unique en faisant de mant la spécialisation productive inhérente à toute la zone euro une zone monétaire optimale . zone monétaire. Ce scénario dit «des contrats», porté Cela passe d’abord par l’accroissement de la soli- notamment par Mme Merkel, a pour objectif de réali- darité dans la zone euro par le développement de ser des réformes structurelles en échange d’un soutien transferts de type fédéral, et notamment : macroéconomique. > la mise en place d’un budget spécifique à la zone Il repose sur un engagement contractuel des Etats euro (entre 0,5% et 2% du PIB selon la plupart des à mener des réformes structurelles, qui prendrait la propositions existantes); forme de contrats entre les Etats membres de la zone > l’harmonisation de la fiscalité des pays de la zone euro et la Commission Européenne, où les premiers euro; s’engageraient à des réformes pour réaliser les rééqui- > le financement de projets européens permettant des librages jugés nécessaires collectivement, tels que la transferts du Nord vers le Sud : mise en place d’une flexibilisation du marché du travail, la réforme des re- assurance chômage européenne, investissements en traites afin de diminuer le déficit public, la réforme de R&D, mobilité des travailleurs, mobilité des retraités, la fiscalité afin de transférer la pression fiscale des en- investissement dans des secteurs stratégiques tels que treprises vers les ménages ou la réforme des politiques l’environnement, l’éducation, les infrastructures, etc. sociales pour en diminuer les coûts. Ces réformes La poursuite des efforts de discipline budgétaire et visent à accroître la croissance potentielle des Etats. de coordination des politiques économiques est la se- En échange de cet engagement, l’Union euro- conde ligne de force de ce scénario fédéral, avec la péenne mettrait en place un soutien macroécono- poursuite de l’assainissement des finances publiques, mique aux réformes structurelles, avec pour objectif et la simplification des mécanismes de contrôle et de de compenser leur effet négatif à court terme. Plu- coordination des politiques économiques. sieurs formes de soutien sont possibles, sous forme Enfin, le scénario fédéral implique une réforme ins- d’investissements européens, de crédits bonifiés, de titutionnelle de la zone visant à améliorer sa gouver- tolérance au maintien des déficits publics, etc. nance, passant par le renforcement de l’exécutif de la Ce scénario met l’accent sur la coopération entre zone euro, et la création d’un parlement spécifique à la des économies hétérogènes mais potentiellement zone euro. complémentaires, tout en explicitant l’importance de La conséquence d’une telle dynamique serait en la discipline budgétaire et des réformes structurelles. définitive de faire de la zone euro une zone monétaire Il permet d’affirmer que l’économie européenne a be- optimale, où les transferts du Nord vers le Sud com- soin de producteurs et de consommateurs, et que les penseraient la spécialisation productive. P destins de la zone Nord et celui de la zone Sud de l’Europe sont liés. Si le Sud de l’Europe doit faire effort pour retrouver des marges de manœuvre, le Nord doit assumer un rôle de fer de lance de la reprise. Il permet de montrer aux marchés que la possibilité d’un défaut souverain européen non souhaité n’est pas une pers- pective crédible. ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS 19
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? P TRANSFERTS DU NORD VERS LE SUD INDUSTRIE SPÉCIALISATION PRODUCTIVE TRANSFERTS DE TYPE FÉDÉRAL CONSOM- MATION + SERVICES Source : analyse Roland Berger Cela se traduirait par un certain nombre d’effets ver- > un renforcement de la DISCIPLINE ET DE LA COOR- tueux sur le plan économique, et notamment une sta- DINATION DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES bilisation macroéconomique de la zone euro, une > une réforme de la GOUVERNANCE amélioration de la croissance potentielle des pays du Sud de la zone euro, une réduction des chocs asymé- L’évaluation du coût d’une dynamique intégratrice de triques et une convergence des cycles économiques. ce type est rarement évoqué. Il serait pourtant très Ce scénario a les faveurs des cercles pro-euro- élevé pour les pays contributeurs nets à un futur bud- péens pour lesquels le parachèvement de l’édifice de get commun susceptible de porter des politiques véri- l’Union économique et monétaire est nécessaire pour tablement redistributives. Dans l’état actuel des opi- retrouver des perspectives de croissance en Europe. nions et des équilibres en Europel il apparait Ces différents cercles de réflexion ont tous en com- aujourd’hui comme peu acceptable politiquement et mun de faire des propositions sur trois plans Q : d’abord de la part des pays contributeurs qui verraient > un accroissement de la SOLIDARITÉ à l’échelle leur effort augmenter de façon massive. de la zone euro 20 ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS
THINK ACT LA DIVERGENCE DES ÉCONOMIES EUROPÉENNES : COMMENT EN FAIRE UNE OPPORTUNITÉ ? Q PLUSIEURS RAPPORTS ONT DÉTAILLÉ LES DIFFÉRENTES MODALITÉS DU SCÉNARIO « FÉDÉRALISTE » Groupe de Rapport Groupe Manifeste4) France Glienecke1) Synopia2) Eiffel3) Ministère des Finances SOLIDARITÉ Financement Budget propre nd Budget propre Budget propre de Budget propre de 0,5% du PIB Financé par une 0,5% à 1% du PIB de 2% du PIB ressource fiscale Financé par un IS Financé par une propre (IS ou taxe harmonisé contribution des carbone) Etats Projets de Assurance Etude de la Assurance Investissements Projets d’in- transferts Chômage faisabilité d’une chômage de l’environne- frastructure complémentaire mutualisation des ment, la formation (énergie, TIC, des systèmes dettes Politique et les infrastruc- transports), nationaux favorisant la tures investissements Création à terme mobilité d’avenir (capital Politique d’un « Trésor Mutualisation des humaine, R&D, favorisant la européen » Lutte contre les dettes dépassant inégalités, pour innovation) mobilité 60% du PIB l’éducation, l’innovation, la formation Transition énergétique, infrastructure DISCIPLINE POLITIQUES ÉCONOMIQUES Renforcement du Simplification des Poursuite de nd Renforcement mécanisme de instruments de l’assainissement du gouvernement sanctions contrôle des finances économique publiques GOUVERNANCE Exécutif Union de l’Euro Président dédié Exécutif propre à Ministre des nd avec un gouverne- à la zone euro la « Communauté finances de la ment économique de l’euro »,respon- zone euro / Gouvernement : sable devant gouvernement Eurogroupe l’Assemblée à terme Législatif « Parlement de « Parlement de « Assemblée « Chambre nd l’euro » composé la zone euro » parlementaire » européenne » soit des composé de composée de composé de parlementaires membres des députés du membres des européens, soit 18 parlements Parlement Parlements de parlementaires nationaux Européen nationaux nationaux 1) Groupe de 11 économistes, juristes et politiques allemands 2) Groupe emmené par Pierre de Boissieu 3) Groupe emmené par Sylvie Goulard, Agnès Bénassy-Quéré et Jean-Louis Bianco 4) Groupe emmené par Pierre Rosanvallon et Thomas Piketty Source : Presse, Direction Générale du Trésor ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS 21
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