La présence autochtone dans la littérature jeunesse - Sodep

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La présence autochtone dans la littérature jeunesse - Sodep
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                         La présence autochtone
                         dans la littérature jeunesse
                         Rachel DeRoy-Ringuette et Danièle Courchesne

Introduction                                        qui se sent proche de ce patrimoine culturel         utilise plusieurs termes tirés des langues
                                                    auquel il décide consciemment de s’iden-             amérindiennes qu’il explique au moyen d’un
La question autochtone fait partie de l’actua-      tifier» (p. 38). Pour ce texte, nous avons           glossaire ou de notes de bas de page.
lité pour diverses raisons, dont la création        d’abord choisi de présenter certains auteurs             David Bouchard, Métis né en Saskat-
du Centre national pour la vérité et la récon-      en fonction de leurs origines, selon les infor-      chewan, se concentre surtout à faire connaitre
ciliation pour qui «L’éducation est la clé de       mations disponibles dans leurs livres ou sur         les contes et légendes des autochtones de
la réconciliation». Puisque la littérature          différents sites Internet, ensuite des auteurs       l’Ouest canadien. Selon son site Internet, il a
est un excellent vecteur d’éducation, nous          qui affirment avoir un intérêt marqué pour la        une cinquantaine de livres pour la jeunesse
nous sommes questionnées sur la présence            culture autochtone, puis ceux qui s’inspirent        à son actif, dont neuf se trouvent dans notre
autochtone dans la littérature québécoise et        de cette culture pour raconter une histoire.         corpus. David Bouchard, tout comme Michel
franco-canadienne pour la jeunesse. Ainsi,          Malheureusement, ne pouvant traiter de cha-          Noël, est habité par un désir de transmis-
pour cet article, nous avons effectué une           cun des auteurs, nous en avons sélectionné           sion de la culture autochtone. Ainsi, dans
recherche dans la base de données Lurindex          quelques-uns afin de mettre en lumière notre         Le secret de ton nom, l’auteur traite du legs
à l’aide du mot-clé «autochtone», limitant          propos.                                              culturel autochtone. Comme le soulignait
notre exploration aux années 2006 à 2016,               Deux auteurs autochtones bien connus             Michel-Ernest Clément au sujet de ce livre :
sans préciser de catégories d’âge ni de types       ressortent de nos cent-dix-huit livres réperto-      «En quête des racines de son peuple, [le
de livres. Nous avons alors obtenu cent-dix-        riés : Michel Noël, chevalier de l’Ordre natio-      narrateur] adresse à sa grand-mère décédée
huit résultats. Nous sommes conscientes des         nal du Québec, et David Bouchard, membre             sa tristesse de n’avoir rien appris du passé
lacunes de ce procédé, sachant par exemple          de l’Ordre du Canada. Les deux cumulent un           de son peuple […] Il lui promet affectueuse-
que Lurelu ne reçoit pas en service de presse       nombre impressionnant de récompenses, de             ment de retracer les éléments perdus de cette
tous les livres publiés. Par conséquent,            nominations, de citations à différentes sélec-       mémoire collective, dont elle l’instruit dans
certains titres pertinents sont certainement        tions et à différents prix littéraires.              ses rêves, pour les partager avec ses frères
restés hors de notre corpus. Les résultats de           Michel Noël, ethnologue d’origine algon-         métis, autochtones et toutes les personnes
cette recherche nous amènent toutefois à            quine, a publié de nombreux romans, contes           de bonne volonté soucieuses de vérité histo-
constater que, bon an mal an, une quinzaine         et documentaires dans lesquels l’action se           rique et de réconciliation» (�����������������
                                                                                                                                        p. 39). La péren-
de livres touchent à notre thématique, sur les      déroule sur le territoire québécois. Dans le         nité des enseignements de ses ancêtres est
six-cents titres édités annuellement.               corpus étudié, il a écrit vingt livres pour toutes   réellement au centre de la démarche créatrice
    Comme la question de la présence autoch-        les tranches d’âge. Pour les adolescents, ses        de David Bouchard.
tone est vaste, nous circonscrivons notre pro-      romans mettent en scène des personnages                  Si, en 1989, Bernard Assiniwi précisait
pos autour des auteurs, des types de livres         en quête de leur identité et qui établissent         que, pendant très longtemps, «la littérature
et de leur public cible. À l’instar du ministère    des relations entre les cultures blanches et         autochtone fut l’affaire des conteurs, déten-
des Affaires autochtones et du Nord Canada,         autochtones. Pour les plus jeunes, les dix           teurs de la tradition orale» (p. 46), force est de
nous utilisons ici le terme «autochtone» pour       titres de la collection «Premières Nations»,         constater que Michel Noël et David Bouchard
désigner les Premières Nations, les Inuits et       chez Dominique et compagnie, initient les            s’inscrivent dans cette tradition orale, tout
les Métis.                                          enfants d’âge primaire au mode de vie tradi-         en couchant sur papier la mémoire de ceux
                                                    tionnel de différentes nations amérindiennes.        qui les ont précédés. C’est ainsi que dans
Les auteurs                                         Certains de ses titres ont été écrits avec Sylvie    Nokum : Ma voix et mon cœur (Red Deer
                                                    Roberge; c’est le cas des documentaires de la        Press), David Bouchard propose un récit
Dans son recueil Littérature amérindienne           collection «Curieux de savoir», toujours chez        dialogué entre un enfant et une grand-mère
du Québec, Maurizio Gatti soutient que «la          le même éditeur. Pour ces titres, il raconte         qui évoque la dualité et la complémenta-
notion d’auteur amérindien demeure floue et         des contes étiologiques en guise d’intro-            rité entre les enseignements ancestraux et
difficile à saisir» (p. 35). Il compare plusieurs   duction au sujet traité. Il reprend d’ailleurs       l’enseignement des Blancs, notamment en
définitions, allant de l’origine linguistique       ce type de conte pour Eskoumina : L’amour            ce qui a trait à l’apprentissage de la lecture
stricte jusqu’à l’allusion à un courant qui         des petits fruits (Hurtubise) et Pinéshish, la       versus la tradition orale. À ce sujet, l’auteur
prétend que «l’auteur amérindien est celui          pie bleue (Isatis). Dans chaque livre, l’auteur      indiquait en entrevue, sur la chaine TFO,
La présence autochtone dans la littérature jeunesse - Sodep
lurelu volume 39 • no 3 • hiver 2017
                                                                              Tableau des langues dans les albums
                           Titres                        Auteurs                     Traducteurs                 Musique                Éditeurs         Langues autochtones
               Le maître Glooscap transforme
                                                       Réjean Roy                   Serena M. Sock                                  Bouton d’or Acadie         Mi’kmaq
                   animaux et paysages
                   Glooscap, les castors
                                                       Réjean Roy                   Serena M. Sock                                  Bouton d’or Acadie         Mi’kmaq
                   et le mont Sugarloaf
                      Le Roi de glace                Corinne Gallant                Serena M. Sock                                  Bouton d’or Acadie         Mi’kmaq
                     La ceinture fléchée              Sylvain Rivard            Wahiake:ron George Gilbert                             Hannenorak              Mohawk
                    Corneille Arc-en-ciel            David Bouchard                   Jason Jones                Manantial           Red Deer Press            Ojibwé
               Nokum : Ma voix et mon cœur           David Bouchard                   Steve Wood             Groupe Northern Cree    Red Deer Press              Cri
                    Le secret de ton nom             David Bouchard                  Norman Fleury              John Arcand          Red Deer Press             Michif
12                  Le capteur de rêves
                                                     David Bouchard              Jason et Nancy Jones          Stephen Kakfwi          Des Plaines             Ojibwé
                   et les Sept Tentations
                  Sous la lune de Corbeau            David Bouchard              Pauline et Pewi Alfred       Mary Youngblood          Des Plaines            Kwak’wala
              La plus belle Création de Corbeau      David Bouchard                   Jason Jones             Jana Mashonee            Des Plaines             Ojibwé
                  Les mocassins de Neka              Rollande Boivin                     Matlen                                      Soleil de minuit           Innu
                  Le cadeau de l’esturgeon          Stéphanie Déziel              Monique A. Papatie                                 Soleil de minuit         Algonquin
                 La malédiction de Carcajou           Étienne Poirier             Jean-Paul Échaquan                                 Soleil de minuit         Atikamekw
                    Mingan, mon village           Collectif d’enfants innus        Joséphine Bacon                                   De la Bagnole               Innu

     qu’il est avant tout un conteur et qu’il écrit               Planète rebelle, explore depuis longtemps                             Par ailleurs, il est intéressant de soule-
     des histoires, car il ne peut être partout à la              la mythologie et la culture amérindiennes.                        ver que certains albums sont multilingues.
     fois… L’écriture lui permet alors une plus                       Finalement, nous observons également                          Le tableau ci-dessus présente les langues
     vaste diffusion. Quant à Michel Noël, il écrit               dans notre corpus que, à l’occasion, des                          des différentes publications tirées de notre
     dans l’épilogue de Miguetsh! : «Je porte en                  auteurs établis en littérature pour la jeu-                       corpus.
     moi la mémoire de mes ancêtres, comme                        nesse se laissent influencer par les traditions                       Soulignons que les livres publiés chez
     s’ils m’avaient choisi […] pour les prolonger                autochtones. Pensons au conte de Marie                            Bouton d’or Acadie présentent également
     dans le monde d’aujourd’hui et de demain.                    Barguirdjian racontant une aventure légen-                        le texte en anglais, tout comme La ceinture
     Je suis un passeur et, pour bien accomplir                   daire de Corbeau (Corbeau et le secret de la                      fléchée de Sylvain Rivard (Hannenorak). Dans
     ma mission, mes valeureux ancêtres m’ont                     lumière, Bayard Canada Livres), ou encore                         ce tableau, nous constatons le désir de
     généreusement légué un bagage culturel                       au roman de Mireille Villeneuve mettant en                        garder ces langues vivantes et, à la limite,
     incommensurable» (p.166-167). Ce désir de                    scène la rencontre entre une jeune Montréa-                       de les ressusciter, comme c’est le cas pour
     transmettre la culture et les traditions semble              laise d’origine indienne et un garçon innu                        l’album Sous la lune de Corbeau. En effet,
     un moteur de création chez plusieurs auteurs                 (Les fantômes de Mingan, Hurtubise).                              selon le site First Peoples’ Language Map,
     autochtones. À ce sujet, Joséphine Bacon,                                                                                      il y aurait seulement 156 personnes parlant
     dans l’avant-propos de Bâtons à message,                     Les livres de fiction                                             couramment le kwak’wala, 519 qui le com-
     écrit que «les aînés se sont tus, nous laissant                                                                                prennent ou le parlent passablement et 719
     l’écho de leur murmure […] Aujourd’hui,                      Albums                                                            qui l’apprennent, et ce, sur une population
     nous connaissons l’écriture. La poésie nous                  De manière générale, les albums répertoriés                       totale de 7931 personnes issues des commu-
     permet de faire revivre la langue du nutshimit               s’adressent aux enfants de 6 à 12 ans. Sur les                    nautés dont c’est la langue. Ces données ne
     notre terre, et à travers les mots, le son du                trente-huit albums, la majorité présentent                        sont pas sans rappeler des propos tenus dans
     tambour continue de résonner» (p. 7-8).                      des contes et légendes, dont les œuvres                           un reportage à Radio-Canada où il était ques-
         Un certain nombre d’auteurs autochtones                  de Michel Noël et de David Bouchard men-                          tion de cours de langues autochtones afin
     parsèment aussi le paysage littéraire pour la                tionnées précédemment. Ajoutons aussi, en                         d’empêcher leur disparition. À cette occasion,
     jeunesse, mentionnons entre autres Nicola                    guise d’exemple, Le voyage de Kwé-Kwé et                          Émilie Monnet soulignait qu’apprendre la
     Campbell ou Christine Sioui Wawanoloath.                     Mulgtess, de JoAn Pawnee Parent (Planète                          langue permet de «plus [s’]enraciner dans
     Toutefois, cette voix autochtone est toujours                rebelle), ou encore Moz en cinq temps, de                         [son] identité, de mieux comprendre toute
     minoritaire. Nous avons établi que sur nos                   Sylvain Rivard (Cornac). La prédominance                          la philosophie et toute la façon de voir la
     cent-dix-huit titres, en retranchant ceux de                 de ce type de récit nous renvoie à ce que                         vie […] c’est fondamental de connaitre ces
     Michel Noël et de David Bouchard, seulement                  nous avons déjà évoqué sur l’importance,                          langues». Des initiatives comme celles prises
     une quinzaine sont écrits par des auteurs                    sinon l’urgence pour les auteurs de jouer le                      par les maisons d’édition citées dans notre
     autochtones. Le chiffre n’est pas absolu, car                rôle de passeur et ainsi donner aux géné-                         tableau aident certainement à panser des
     certains auteurs sont avares d’informations                  rations futures un accès aux fondements                           blessures souvent attribuées aux pension-
     au sujet de leur origine.                                    de leur culture. Peu de récits sont réalistes,                    nats et aux divers processus d’acculturation.
         En survolant le parcours professionnel                   mis à part les titres de Nicola Campbell,                         En effet, la publication d’œuvres en langues
     et personnel de chacun des auteurs, nous                     La pirogue de Shin-chi et Shi-shi-etko (des                       autochtones offre l’occasion aux jeunes de
     relevons que quelques-uns d’entre eux,                       Plaines), qui relatent la bouleversante épo-                      ces communautés de se les réapproprier,
     sans appartenir à un groupe des Premières                    que des pensionnats amérindiens. De son                           mais également à tous de les découvrir.
     Nations, des Inuits ou des Métis, s’y inté-                  côté, l’album Sarcelle fait figure d’exception,                   Finalement, soulignons que cinq des neuf
     ressent de près. Par exemple, Étienne Poirier                car il se déroule à notre époque. Sont alors                      titres de David Bouchard sont traduits en
     enseigne au secondaire à Manawan, une                        repris certains thèmes importants chez les                        langues autochtones et que certains sont
     communauté atikamekw, tandis que d’autres                    autochtones (le rêve, le rôle des ancêtres, la                    accompagnés d’un CD. Lorsque c’est le cas,
     se passionnent pour la question autochtone                   nature), comme source de réconfort afin de                        l’accès à la langue en est facilité et cet ajout
     par la voie historique, ou encore artistique,                résoudre les difficultés de la vie de citadine                    fait œuvre de devoir de mémoire et donne
     comme Hélène Paré qui, selon le site de                      de la jeune héroïne.                                              à tous ceux qui ne parlent pas la langue la
La présence autochtone dans la littérature jeunesse - Sodep
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possibilité d’entendre ces sonorités. De plus,    Les livres documentaires                           Ceux-ci jettent des ponts entre la tradition
des trames musicales discrètes exécutées                                                             autochtone et notre monde contemporain,
par des musiciens autochtones permettent          Biographies                                        car, bien que les sujets soient généraux,
une incursion dans la musique traditionnelle      Sur les onze biographies répertoriées, cinq        les contes d’introduction sont orientés vers
tout en donnant une ambiance envoutante à         portent sur Louis Riel. Il s’agit donc d’une       les traditions des Premières Nations. Les
la narration.                                     présence marquée de ce personnage histo-           auteurs nous rappellent ainsi que l’influence
                                                  rique dans le corpus. Si les autres titres trai-   de celles-ci est encore présente dans la
Romans                                            tent de personnages ayant vécu au Canada,          culture québécoise actuelle. Nous y voyons
Pour les enfants âgés de 6 à 11 ans, les ro-      deux d’entre eux font figure d’exceptions :        une façon de souligner l’héritage toujours
mans sont majoritairement contemporains.          Sitting Bull et Pocahontas de la collection        vivant des peuples premiers.
Dix titres présentent des intrigues basées sur    «Connais-tu?» (Michel Quintin). Dans ces               De leur côté, Les autochtones d’Améri-
des phénomènes à caractère fantastique, et        deux cas, la dimension de divertissement           que ou Les Algonquiens suivent un ordre
six sont réalistes. De ces romans, une seule      prend le pas sur celle de l’information his-       chronologique. Si les auteurs s’accordent
auteure est d’origine autochtone : Christine      torique et plusieurs clichés sont véhiculés        sur l’histoire des origines, il est intéressant
Sioui Wawanoloath. Nous remarquons que            par les illustrations. À ce propos, nous           de comparer leurs points de vue sur la ren-
la plupart des romans s’adressent aux             constatons que le mot-clé «autochtone» a           contre avec les Européens ou la question des
enfants au sommet de cette tranche d’âge.         été attribué pour des biographies portant          réserves. Dans Les autochtones d’Amérique,
Pour les 12 ans et plus, l’offre est plus vaste   sur des personnages qui ne sont pas de             l’auteur affirme que l’arrivée des Européens
et se centre sur deux tendances fortes : le       cette culture, mais qui ont fréquenté les          en Amérique a eu des conséquences dévas-
roman historique, couvrant la période de          Premières Nations au cours de leur vie. En         tatrices et appuie ses dires sur une série de
1492 aux années 60, et le roman fantasti-         guise d’exemple, nommons Étienne Brûlé de          faits historiques. Dans Les Algonquiens,
que. Sur les trente-cinq romans répertoriés,      Jacques Pasquet (Isatis), qui décrit la vie de     le ton est plus conciliant. Il est seulement
ces deux genres totalisent vingt-neuf titres      ce coureur des bois français. Les biographies      mentionné que les guerres et la maladie
et se divisent presque en parts égales. Les       de notre corpus s’adressent aux enfants de         ont entrainé la disparition des Béothucks, le
six autres romans sont contemporains et           différents âges.                                   commerce de fourrures est ensuite abordé.
réalistes. À l’exception des quatre titres de                                                        Au sujet des réserves, il est indiqué dans
Michel Noël et Tsiueten (Pierre Tisseyre),        Documentaires                                      Les autochtones d’Amérique qu’«à partir du
coécrit par Josée Laflamme et l’auteur innu       La plupart des documentaires de facture            XIXe siècle, la plupart des Autochtones […]
Jean-Louis Fontaine, l’ensemble des romans        classique adoptent d’abord une perspective         ont été forcés de céder leurs territoires. On
est l’ouvrage d’auteurs non autochtones.          historique nous présentant le mode de vie          leur a donné des parcelles de terre, appelées
                                                  traditionnel des autochtones pour ensuite          des “réserves”» (p. 40). Ce ton s’aligne sur la
Poésie                                            se conclure sur la vie contemporaine. Nous         pensée activiste selon laquelle les réserves
Les deux titres de notre corpus qui s’inscri-     remarquons que la plupart sont coécrits avec       sont la représentation tangible de l’autorité
vent dans ce genre sont pour un public d’âge      un membre des communautés autochtones,             coloniale, tel que souligné sur le site de
primaire. Mingan, mon village, un projet réa-     donnant ainsi un accès à leur point de vue         l’Encyclopédie canadienne. Dans Les Algon-
lisé par Rogé, a permis aux enfants de Min-       sur l’Histoire. Le seul documentaire écrit par     quiens, la description de la réserve s’inspire
gan de «dévoiler leur âme de poète». Grâce        un non-autochtone, Les Premières nations           des textes juridiques du gouvernement fédé-
à des ateliers d’écriture poétique, ces enfants   de Robert Livesey (des Plaines), est éga-          ral. Elle est définie dans le lexique comme
communiquent leur culture. La ronde des           lement le seul à se limiter à l’histoire, aux      étant une «parcelle de territoire décernée aux
saisons atikamekw, d’Hélène Chapdelaine,          contes et aux traditions. Il est surprenant        Amérindiens par le gouvernement fédéral»
propose des haïkus illustrés par Christine        de noter que tous les documentaires sont           (p. 31). Dans le texte, il y a des allusions aux
Sioui Wawanoloath. Ces poèmes ont éga-            destinés aux enfants âgés de 8 à 12 ans.           difficultés d’y vivre : «des petits villages
lement une fonction informative puisqu’ils           Des douze documentaires, cinq sont              éloignés des grands centres urbains […]
abordent le déroulement particulier des           coécrits par Sylvie Roberge et Michel Noël         où les familles sont nombreuses, l’espace
saisons selon les Atikamekws.                     dans la collection «Curieux de savoir».            restreint, et le nombre de maisons insuffi-
La présence autochtone dans la littérature jeunesse - Sodep
lurelu volume 39 • no 3 • hiver 2017

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     sant pour loger tout le monde» (p. 22). Par      À notre connaissance, aucune initiative
     contre, soulignons que les deux ouvrages         similaire n’existe en français. Finalement,
     se terminent par une ouverture positive sur      si notre article fait un survol de la présence
     l’avenir où vie moderne et culture ancestrale    autochtone, de nombreuses questions
     se côtoieront harmonieusement.                   restent en suspens : comment est représenté
         Dans un même ordre d’idées, mention-         le personnage autochtone et ses valeurs?
     nons la collection «Notre territoire, un livre   Est-il stéréotypé ou non? Est-ce que les              Références
     d’histoires» (Fifth House Publishers), qui       romans historiques optent pour la version
     est «une série de livres sur les terres et       des Blancs ou sont-ils plus nuancés? Quelles          Affaires autochtones et du Nord Canada : www.
     les cultures des Territoires du Nord-Ouest       sont les communautés les plus représen-                  aadnc-aandc.gc.ca/.
     du Canada (T.N.-O.). Dans ces livres, des        tées? Autant de questions, et bien d’autres           Bernard Assiniwi , «La littérature autochtone d’hier
     conteurs, des aînés et des leaders culturels     encore, qui mériteraient assurément d’être               et d’aujourd’hui», Vie des Arts, vol. 34, n° 137,
     de divers groupes linguistiques des T.N.-O.      approfondies…                                            1989, p. 46.
     nous content des histoires de la vie quoti-                                                            Centre national pour la vérité et la réconciliation :
     dienne du Nord d’aujourd’hui» (4e de couver-                                                              http://nctr.ca/.
     ture). Ces documentaires permettent de voir      Bibliographie                                         L’Encyclopédie canadienne : www.encyclopedieca-
     comment le mode de vie traditionnelle des        (titres dont des citations ont été tirées)               nadienne.ca/.
     nations présentées et la vie contemporaine                                                             First Peoples’ Language Map of British Columbia,
     se marient positivement.                         BACON, Joséphine. Bâtons à message – Tshissinuashi-      http://maps.fphlcc.ca/kwakwala.
                                                        takana, Éd. Mémoire d’encrier, 2009.                Maurizio Gatti, Littérature amérindienne du Québec,
     Conclusion                                       NOËL, Michel. Miguetsh!, Éd. Dominique et com-           Bibliothèque québécoise, 2009.
                                                        pagnie, 2014.                                       Michel-Ernest Clément, «M’as-tu vu?, m’as-tu lu?»,
     Après cette brève observation de la présence     BOUCHARD, David. Sous la lune de Corbeau, Éd.            Lurelu, vol. 36, n° 2, 2013, p. 39.
     autochtone dans la littérature jeunesse, nous      des Plaines, 2012.                                  Radio-Canada, Cours de langue autochtone, repor-
     arrivons à certains constats. Nous notons        COLLECTIF. Mingan, mon village, Éd. de la Bagnole,       tage d’Akli Aït Abdallah, 2016, disponible sur le
     d’abord le fait que peu d’écrits ciblent les       2012.                                                  site : http://ici.radio-canada.ca/emissions/desau-
     très jeunes enfants. Ensuite, nous constatons    PALEJA, S. N. Les autochtones d’Amérique, Bayard         tels_le_dimanche.
     que, hormis Michel Noël et David Bouchard,         Canada Livres, 2016.                                Strong Nations : http://www.strongnations.com/.
     peu de voix autochtones se font entendre         LAFLAMME, Josée et Jean-Louis FONTAINE. Les           TFO, David Bouchard : auteur et conférencier métis,
     pour transmettre leur patrimoine culturel          Algonquiens, Éd. Auzou, 2016.                          reportage réalisé par Éric Bachand, 2015, disponible
     et leur vision du monde. Si nous avons                                                                    sur le site : www.tfo.org/.
     également remarqué que certaines maisons
     d’édition se consacrent plus largement à
     la diffusion de la culture autochtone, nous
     sommes surprises de voir que certains de
     ces titres semblent avoir une diffusion assez
     restreinte. À ce sujet, nous avons découvert
     la maison d’édition Inhabit Media, qui publie
     exclusivement des auteurs du Nunavut.
     Certains de leurs titres sont disponibles en
     français, mais malheureusement ils sont
     majoritairement absents des librairies qué-
     bécoises. De plus, par nos recherches sur
     les auteurs autochtones, nous avons aussi
     découvert le site Strong Nations, dédié à
     la promotion de la littérature autochtone.       Affaires autochtones et du Nord Canada
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