La prestation d'invalidité du Régime de pensions du Canada - ISBN: 1-55382-005-3 - par

 
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La prestation d’invalidité du
Régime de pensions du Canada
                      par

                Sherri Torjman

                  février 2002

            Rédigé pour le compte du
 Bureau du Commissaire des tribunaux de révision

              ISBN: 1-55382-005-3
La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

                                              Sommaire

     Le rapport qui suit retrace l’historique de la politique touchant les prestations d’invalidité du
Régime de pensions du Canada (RPC).

         Le Régime de pensions du Canada est un programme national d’assurance publique qui offre
une protection du revenu aux travailleurs et travailleuses en cas d’une interruption à long terme de
leurs gains découlant d’une retraite, d’une invalidité ou d’un décès. Le programme verse des
prestations d’invalidité aux cotisants et cotisantes qui ne peuvent plus travailler en raison d’une
invalidité grave et prolongée. Le RPC verse également une prestation uniforme aux enfants
admissibles des bénéficiaires de prestations d’invalidité. La prestation d’invalidité du RPC présente
de nombreux avantages importants que n’offrent pas les régimes d’assurances privés, ni la plupart
des autres programmes de sécurité du revenu. Le régime offre une assurance-invalidité à toutes les
travailleuses et tous les travailleurs canadiens, incluant les travailleuses et travailleurs indépendants
(qui ne sont pas admissibles à l’indemnisation des travailleuses et travailleurs ni à l’assurance-
emploi). Le RPC n’exclut pas les travailleurs et travailleuses en fonction de leurs antécédents
médicaux et n’exige pas de primes plus élevées pour les cotisantes et cotisants jugés à haut risque.
Il tient compte de certains coûts liés à l’invalidité en prévoyant un élément à taux fixe dans le calcul
de la prestation. Il garantit la protection jusqu’à la guérison, la retraite ou le décès de la personne.
Contrairement à la plupart des régimes d’assurances privés, le RPC est pleinement indexé sur
l’inflation.

       Le nombre de dossiers du RPC a poursuivi incessamment sa montée depuis le versement des
premières prestations d’invalidité en 1970. Le nombre de bénéficiaires est passé de 27 000 en 1970
à 283 508 en 2000.

        Le mouvement ascendant du nombre de cas qui s’est maintenu jusqu’en 1995 est attribuable
à un certain nombre de facteurs, notamment à l’assouplissement des critères d’admissibilité survenu
dans le sillage des changements législatifs de 1987, puis de 1992. Par contre, la capacité du RPC de
soutenir un nombre croissant de cas d’invalidité a créé des inquiétudes qui ont mené à l’adoption de
changements au chapitre de l’administration et du programme pour resserrer à nouveau les critères
d’admissibilité, provoquant ainsi une baisse progressive, depuis le milieu des années 90. Il n’est pas
surprenant alors que ce mouvement à la baisse ait soulevé des questions quant à la souplesse du
programme et à savoir si, au cours des dernières années, le retour du balancier ne serait pas allé trop
loin tant sur le plan des critères d’admissibilité que de l’administration du programme.

        Le programme semble toujours sous la pression d’équilibrer équité et suffisance avec une
croissance raisonnable du nombre de cas et des coûts. Le taux élevé des appels dans les dossiers
d’invalidité soulève des questions quant au processus de règlement initial des demandes.
Cependant, le système d’appel lui-même a été scruté, particulièrement par les consommateurs qui se
sont dits inquiets de certaines questions de procédure.

2   Caledon Institute of Social Policy
La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

                                           Introduction

       Le rapport qui suit retrace l’historique de la politique de prestation d’invalidité du Régime de
pensions du Canada (RPC). Le document traite principalement du RPC, mais il convient de
souligner que le Québec offre un régime parallèle, appelé Régime de rentes du Québec (RRQ). Au
chapitre de l’invalidité, il existe des différences importantes entre le RPC et le RRQ que nous allons
aborder.

         Le rapport se divise en plusieurs sections. La section 1 trace un bref historique du RPC, ses
points forts à titre de programme national ainsi que son fonctionnement. La section 2 énonce les
caractéristiques particulières du RPC. La section 3 aborde plus particulièrement la prestation
d’invalidité du RPC. La section 4 présente les tendances des données sur le volume des cas et les
coûts des prestations d’invalidité du RPC ainsi que des prestations pour enfants. La section 5 aborde
les grands enjeux liés aux prestations d’invalidité du RPC. La section 6 examine le processus
d’appel. La section 7 met en parallèle les prestations d’invalidité du RPC et les prestations du RRQ,
ainsi que les régimes qui existent à l’étranger. La section 8 analyse les prestations dans le contexte
plus large du système de sécurité du revenu s’adressant aux personnes ayant des limitations
fonctionnelles. La dernière section explore les moyens d’action à court et à long terme en ce qui a
trait à la réforme.

        De nombreux ouvrages ont été consultés tout au long de ces travaux, dont plusieurs rapports
sur le Régime de pensions du Canada ainsi que sur les enjeux pertinents de la réforme de la sécurité
du revenu. Des documents ministériels et administratifs, ainsi que des données de programme ont
également été étudiés. Des entrevues ont été menées auprès des principaux intervenants et
intervenantes du gouvernement, des associations de personnes ayant des limitations fonctionnelles et
du secteur des assurances ainsi que des députés et députées.

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La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

                       Historique du Régime de pensions du Canada

        Le Régime de pensions du Canada a été créé en janvier 1966 par l’adoption d’une loi du
Parlement intitulée Loi instituant au Canada un régime général de pensions de vieillesse et de
prestations supplémentaires (sous le titre abrégé de Régime de pensions du Canada). Il a fallu près
d’une décennie de controverse et de querelles politiques avant que cette loi ne fusse adoptée.

        L’élaboration du Régime de pensions du Canada a débuté par l’ajout en 1951 de l’article
94A à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (maintenant appelé Loi constitutionnelle de 1867).
La nouvelle disposition permettait au gouvernement fédéral d’adopter des lois touchant les pensions
de vieillesse sous réserve qu’elles n’influent pas sur les lois administrées par les provinces.

        Cette modification constitutionnelle a permis l’adoption du programme de la Sécurité de la
vieillesse en 1952, qui prévoyait le versement de prestations universelles aux Canadiennes et
Canadiens âgés de 70 ans et plus. Cependant, la prestation mensuelle de 40 dollars était nettement
insuffisante pour procurer un revenu convenable aux travailleuses et travailleurs à la retraite. En
outre, les régimes de pension privés étaient très limités. Les entreprises qui offraient des régimes de
pensions avaient tendance à limiter la protection à certaines catégories d’employés, notamment à
leurs employées et employés salariés [Santé et Bien-être social Canada 1992: 12].

         La suffisance de la prestation de Sécurité de la vieillesse demeurait source d’inquiétude. En
1958, le gouvernement fédéral confiait à Robert Clark, économiste de l’Université de
Colombie-Britannique, le mandat d’étudier les programmes canadien et américain de la sécurité de
la vieillesse. C’est dans la foulée du « Rapport Clark » que le gouvernement fédéral mit sur pied un
comité interministériel sur les pensions en 1962. Le comité a exploré toute une gamme de
possibilités d’action, incluant différents régimes de pensions contributifs fondés sur la rémunération.

        Dans le cadre d’un congrès d’orientation tenu en 1962, le Parti libéral élaborait un « livre
bleu » dans lequel il jetait les bases d’un régime de pensions national. En 1963, le gouvernement
fédéral s’accordait 60 jours de décision afin de mettre en œuvre les recommandations du document.
[Santé et Bien-être national Canada 1992: 15].

        Cette même année, trois partis fédéraux – Parti libéral, Parti progressiste-conservateur et
Nouveau parti démocratique − se sont engagés, en principe, en vue de la création d’un régime de
pensions contributif fondé sur la rémunération [Santé et Bien-être national Canada 1992: 16]. Un
groupe de travail interministériel sur un Régime de pensions de vieillesse, de survivant et
d’invalidité pour le Canada a été mis sur pied sous la gouverne du sous-ministre du Bien-être social.
En juin 1963, une résolution visant la création d’un nouveau régime d’assurance national, dont les
détails avaient déjà été étudiés par le Comité interministériel sur les pensions, était prête.

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La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

         Un livre blanc, déposé en juillet 1963, énonça les trois éléments du système de revenu de
retraite proposé : une base universelle pour les Canadiennes et Canadiens âgés de plus de 70 ans,
une allocation liée aux ressources pour les personnes âgées de 65 à 69 ans ainsi qu’une prestation
liée aux revenus (c.-à-d. Régime de pensions du Canada) s’ajoutant à la base universelle.
Cependant, aux yeux du Québec, ce projet enfreignait sa sphère de compétence et d’autres provinces
se montrèrent réticentes pour d’autres raisons. De plus, le régime ne prévoyait aucune disposition en
rapport avec les prestations d’invalidité et de survivant parce que la modification constitutionnelle
ne s’appliquait qu’aux prestations pour aînés et aînées et non aux autres segments de population.

        Un deuxième livre blanc sur le RPC fut publié en mars 1964. Le projet de loi C-75, visant la
création d’un programme exhaustif de pension de vieillesse payable aux cotisantes et aux cotisants
et aux survivantes et aux survivants fut approuvé en première lecture à la Chambre des communes
durant le même mois. [Santé et Bien-être social Canada 1992: 19]. Une conférence
fédérale-provinciale, consacrée à l’étude du projet, eut lieu à Québec en avril. Il fut alors crucial que
le projet reçoive l’aval de toute les provinces pour qu’un régime véritablement national découle.

        Le régime souleva de nombreuses controverses, même au tout début. À la Chambre des
communes, par exemple, le progressiste-conservateur Jay Waldo Monteith fit connaître ses
inquiétudes quant à la dimension fédérale-provinciale de la conférence de Québec : « Les journaux
se sont interrogés sur ce qui allait se passer à Québec lors de la conférence fédérale-provinciale qui
débutera le 31 mars dans cette ville. Le gouvernement connaît sans doute déjà l’approche qu’il
compte adopter vis-à-vis des provinces. Si l’on se fie au budget déposé hier soir, les provinces
n’espéreront pas d’autres allégements financiers. Quelle sera la position concernant le Régime de
pensions du Canada? Le gouvernement se présente-t-il à la conférence avec l’intention de
déclencher une élection s’il n’obtient pas gain de cause? On a pressenti cela plus d’une fois. Puis-je
suggérer, monsieur, qu’une attitude plus propice à la conciliation serait beaucoup plus profitable à
l’ensemble des Canadiens. Le plus grand pas vers l’union serait de souligner au Québec
l’importance du caractère universel de ce régime de pensions unique pour le Canada et j’implore le
gouvernement de le faire. » [TRADUCTION]. [Sinclair 2000].

        On crut alors que le projet de RPC était sur le point de s’effondrer. Les deux plus grandes
provinces étaient déjà en voie d’élaborer leurs propres régimes de retraite. L’Ontario travaillait à
l’élaboration d’un régime fondé sur le revenu et avait déjà déposé un avant-projet de programme
provincial en 1961 (même si la province faisait face à une controverse considérable au sujet de la
notion d’un régime de pensions géré par le gouvernement).

        Le Québec ne partageait pas non plus la vision d’Ottawa quant à un régime de pensions
global. Le projet fédéral respectait les volontés du Québec en proposant un régime entièrement
capitalisé (décrit plus loin). Le gouvernement fédéral était prêt à permettre au Québec de s’y
soustraire s’il offrait un régime comparable. Cependant, le RPC proposé n’était pas à la hauteur des

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La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

attentes du Québec − qui souhaitait notamment un régime plus vaste offrant une protection plus
large et des prestations plus complètes. Une autre modification constitutionnelle s’imposerait si le
gouvernement fédéral devait offrir des prestations de survivant et d’invalidité. La modification
antérieure ne lui aurait permis d’offrir des prestations qu’aux survivantes et survivants âgés.

        La conférence de 1964 se termina sans qu’il n’y eut d’entente dans deux domaines
importants : les disparités entre les prestations des régimes projetés du gouvernement fédéral et du
Québec, ainsi que les accords fiscaux sous-jacents. Le Québec convint d’approuver une
modification à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB) sous réserve qu’il puisse se
soustraire au régime fédéral avec pleine compensation. Un accord fut enfin conclu 11 jours plus tard
− mais seulement après d’intenses négociations.

        Un troisième livre blanc sur le RPC a été publié en août 1964. On y abordait précisément
l’un des éléments au cœur de la controverse : le RPC ne visait pas à devenir l’unique source de
revenu des prestataires. « Le régime est global en ce qu’il offre une protection au plus grand nombre
de gens possible. Il ne vise pas à devenir la source de tous les revenus de retraite ou de survivant
que souhaitent de nombreux Canadiens. Il s’agit là d’un choix personnel et, du point de vue du
gouvernement, les gens devraient être libres de souscrire à des régimes d’épargne personnels et à des
régimes de pensions privés. ... Le Régime de pensions du Canada vise à offrir un revenu minimum
raisonnable aux personnes à l’âge normal de la retraite, à celles qui sont atteintes d’une incapacité,
ainsi qu’aux personnes à charge des personnes qui décèdent. Les régimes de pensions privés
pourront continuer d’offrir et d’augmenter leurs prestations au-delà de ces minimums. »
[TRADUCTION]. [Killeen et James 2001].

        Les conditions du nouveau projet d’accord négocié à la conférence de Québec ont été
soumises à l’approbation des provinces. La loi initiale a été retirée. Un plan a été énoncé dans le
projet de loi C-136, qui fut approuvé en première et en seconde lecture en novembre 1964.

         Le projet de RPC fut encore une fois vivement contesté à la Chambre des communes.
Lorsqu’il fut déposé en Chambre sous le projet de loi C-136, la ministre de la Santé et du Bien-être
social, l’honorable Judy LaMarsh, a qualifié le projet de loi de « mesure d’assurance sociale
exhaustive ... qui offre une aide de droit plutôt que fondée sur le resources ou le besoin à ceux qui
subissent la perte d’un être cher qui est soutien de famille ou à ceux qui deviennent invalides et
inaptes à travailler. Je crois que les honorables députés conviendront que cette initiative marque un
pas important pour le programme de sécurité sociale du Canada. » [TRADUCTION] [Killeen et
James 2001].

       Par contre, certains députés et députées estimaient que la portée du régime était trop large.
D’autres, comme Gordon Harvey Aiken, député progressiste-conservateur de la circonscription de
Parry Sound-Muskoka à l’Opposition, estimait qu’il n’allait pas assez loin. « Environ 14 929 000

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La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

Canadiens ne profiteront pas du Régime de pensions du Canada sous sa forme actuelle. Cela
représente 81,66 pourcent de la population totale. Rien n’y est prévu pour ce groupe. Ces chiffres
ne sont pas truqués. Ils sont tirés de documents qui nous ont été fournis par le gouvernement ainsi
que des données du recensement du Bureau fédéral de la statistique que nous avons tous à nos
bureaux touchant la population du Canada » [TRADUCTION] [Sinclair 2000].

        L’honorable député s’inquiétait en outre des incertitudes soulevées à l’égard du régime. « Je
crois parler au nom de tous le membres de notre parti quand j’affirme que nous sommes en faveur
d’un régime de pensions de retraite équitable dont l’ampleur est à la mesure de nos moyens. Le
régime proposé présente des lacunes puisqu’il n’offre pas de prestations de survivant; il offre une
protection inéquitable; il ne prévoit aucune disposition touchant la survie des régimes privés et des
capitaux privés; et il prévoit une aide à ceux qui n’en ont pas vraiment besoin tout en la refusant à
ceux qui en ont le plus besoin. »

         Le député Libéral John Munro a répondu ce qui suit : « l’un des députés a consacré
l’essentiel de son propos à contester les nombreuses caractéristiques du régime soumis à
l’approbation du Parlement. Je parle du député de Parry Sound-Muskoka. Après avoir pris
connaissance de son discours dans le Hansard, il me semble qu’en résumé, ses observations
s’inscrivent sous différentes catégories. En premier lieu, il affirme que le régime ne protège pas un
assez grand nombre de personnes; par contre, il estime qu’il n’est pas assez large. Deuxièmement, il
affirme que la protection offerte aux citoyens canadiens qui y ont droit est insuffisante. En troisième
lieu, il affirme que le Régime de pensions du Canada aurait des effets inflationnistes. Il affirme par
ailleurs que, comme il est partiellement financé, il drainerait nos ressources d’investissement. Cet
avis contredit quelque peu à mon sens sa déclaration précédente. Il me semble également que son
propos au sujet de l’inflation ne cadre pas avec les deux arguments qu’il avançait au sujet de la
suffisance de la protection. Ces attaques ont un point en commun; elles ne semblent préciser
aucunement le genre de régime privilégié » [TRADUCTION. [Sinclair 2000].

        Il ne fait aucun doute que la mise en œuvre du Régime de pensions du Canada fut une
entreprise longue et ardue. Il est le fruit d’une longue controverse et du compromis qui s’en est
suivi. Le Québec a approuvé les modifications à l’AANB, ce qui permettait à Ottawa d’inclure un
éventail de prestations plus large au RPC. Une deuxième modification constitutionnelle (en fait, la
modification de la modification originale de l’alinéa 94a) fut adoptée par le Parlement britannique et
entra en vigueur en juillet 1964. Le projet de RPC permettait au Québec (et à toutes les autres
provinces) d’adopter un régime comparable.

        En février 1965, la Chambre des communes étudia de nouveau le projet de loi C-136, en
tenant compte des propositions du comité parlementaire mixte. Le projet de loi fut entendu en
troisième lecture en mars 1965 et reçut la sanction royale en avril 1965. En juin 1965, l’Assemblée
législative du Québec adoptait le Régime de rentes du Québec.

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La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

         L’élaboration des dispositions visant les prestations d’invalidité des tous premiers projets de
Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec ne fut pas chose facile.
L’adoption de telles dispositions souleva d’importantes questions au sujet de la désincitation au
travail, des critères d’admissibilité et des coûts. En réponse à ces préoccupations, il fut décidé que
les critères d’admissibilité devraient se restreindre à la famille jusqu’à ce que l’on ait acquis une
certaine expérience du nouveau régime [Santé et Bien-être national Canada 1992: 6].

                                   Principales caractéristiques

         Malgré les négociations ardues qui ont entouré sa création, le Régime de pensions du Canada
fut perçu comme une réalisation sociale importante. « L’adoption du RPC en 1966 illustre
parfaitement l’importance du processus de négociation ainsi que les compromis faits de part et
d’autre entre les administrations fédérale et provinciales dans la poursuite d’un objectif commun.
Contre toute attente, un programme national d’assurance sociale fut adopté par neuf provinces et par
les territoires et un programme parallèle mais distinct le fut également au Québec. On a déclaré que
cette réalisation tenait d’un miracle politique. » [TRADUCTION]. [Santé et Bien-être national
Canada 1992: 1].

         La protection offerte par le Régime de pensions du Canada est toute aussi importante qu’elle
l’était lors de l’entrée en vigueur du programme en 1966. Sa principale raison d’être demeure toute
aussi pertinente : offrir un revenu minimum de remplacement aux travailleurs et travailleuses à l’âge
normale de la retraite, en cas d’invalidité ou à leurs enfants, à leur décès [Santé et Bien-être social
Canada 1992: 27].

         Cependant, comme le RPC ne représente qu’un volet d’un système de pensions à paliers
multiples, sa prestation de retraite fut fixée à un niveau relativement modeste, afin de laisser place à
des régimes de retraite privés d’employeurs et d’épargne-retraite individuelle. Par contre, le RPC
offrait d’autres protections et avantages importants qui venaient améliorer le système d’assurance
privé en place. Ces caractéristiques englobent les suivantes : protection universelle, prestation
définie, indexation, disposition d’exclusion et protection contre l’invalidité.

Couverture universelle

      Le RPC est un programme essentiel puisqu’il s’agit du seul régime de pensions fondé
uniquement sur les gains et qu’il s’adresse à la plupart des femmes et, en fait, à la majorité des

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La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

hommes. En 1998, seulement 39,1 pourcent des travailleuses cotisaient à un régime de pension
d’employeur et seulement 30,6 des déclarantes âgées de moins de 65 ans avaient été en mesure de
cotiser à un régime enregistré d’épargne-retraite (REER). La participation aux régimes
d’employeurs est passé en-deçà de 40,8 pour cent en 1991, compte tenu de la croissance du nombre
de travailleuses et de travailleurs indépendants (non admissibles à un RRE) et de la concentration de
la croissance de l’emploi dans le secteur des petites entreprises qui, généralement, n’offrent pas de
régimes de retraite d’employeurs.

        Les chiffres concernant les travailleurs et travailleuses ne sont pas plus reluisants; 41,9 pour
cent cotisaient à un régime de retraite d’employeurs en 1998, ce qui représente un recul par rapport
aux 49,2 pour cent de 1991 et seulement 38 pour cent des répondantes et répondants âgés de moins
de 65 ans ont cotisé à un REER en 1998. Comparativement à cela, le RPC, et son équivalent, le
Régime de rentes du Québec, protégeaient pratiquement toutes les travailleuses et tous les
travailleurs canadiens, incluant la majeur partie des travailleuses et travailleurs à temps partiel et des
travailleuses et travailleurs indépendants.

Prestation déterminée

        Le Régime de pensions du Canada est un programme à « prestation déterminée ». Il assure
un pourcentage fixe de gains d’emploi (jusqu’à un salaire moyen), calculé à partir de la moyenne des
gains d’une personne durant sa vie. Contrairement à cela, la plupart des régimes de pension
d’employeurs et tous les régimes d’épargne-retraite individuels (régimes enregistrés
d’épargne-retraite ou REER) sont des régimes à « cotisations définies ». Les niveaux de prestation
que toucheront les cotisantes et cotisants dépendront de la rentabilité de leurs placements sur le
marché privé et ne sont pas définis au moment où ils travaillent. Contrairement à cela, le RPC
garantit une prestation, quoique modeste, à tous les cotisantes et cotisants en fonction de la moyenne
de leurs gains à vie.

        Les prestations du RPC sont calculées au taux de 25 pour cent des gains à vie ouvrant droit à
pension. Les « gains ouvrant droit à pension » sont les gains correspondant au niveau du maximum
des gains annuels ouvrant droit à pension (MGAP), qui correspond environ au salaire moyen. En
2002, la prestation de retraite annuelle maximale du RPC s’élevait à 9 465 $, la prestation
d’invalidité maximale du RPC s’élevait à 11 473 $, la prestation maximale de survivant s’élevait à
5 256 $ pour les prestataires âgées de moins de 65 ans, et de 5 679 $ pour les personnes âgées de
plus de 65 ans et la prestation maximale pour enfant s’élevait à 2 205 $.

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La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

Indexation

        Le Régime de pensions du Canada est entièrement indexé en fonction de l’inflation, c’est
pourquoi les prestations suivront l’augmentation du coût de la vie au fil des changements de l’indice
des prix à la consommation. La plupart des régimes de pension privés ne prévoient pas de
protection entière contre l’inflation.

Transférabilité

         Le RPC, tout comme le Régime de rentes du Québec, est un régime transférable. Cela
signifie que les Canadiens et les Canadiennes peuvent passer d’un employeur ou d’un emploi (ou
travail indépendant) à l’autre partout au pays tout en conservant la valeur de leurs cotisations au
régime qui les protège tout au long de leur vie professionnelle.

Clauses d’exclusion

        Le Régime de pensions du Canada reconnaît qu’il puisse y avoir des périodes tout au long de
la vie professionnelle d’une personne où les gains sont plus faibles ou non existants. La baisse de
revenus peut être attribuable à différents facteurs comme une maladie temporaire ou l’invalidité, à
des période de chômage ou à un retrait volontaire afin de poursuivre des études ou parfaire des
compétences techniques. Dans le calcul de la pension de retraite, le RPC soustraira 15 pour cent des
gains des années où le revenu du travailleur ou de la travailleuse était le plus faible.

        En plus des clauses d’exclusion visant l’ensemble des travailleurs et travailleuses, le RPC
permet aux travailleurs et travailleuses d’exclure du calcul des gains ouvrant droit à pension les
années où ils ont cessé de travailler ou au cours desquelles leurs gains étaient plus faibles parce
qu’ils avaient un enfant de moins de 7 ans à charge. Il n’y a aucune limite quant au nombre
d’années pouvant être exclues à cette fin. La clause d’exclusion pour élever des enfants permet de
faire en sorte que les travailleurs et travailleuses (la plupart du temps des femmes) qui se retirent du
marché du travail pour prendre soin d’enfants ne soient pas pénalisés par une pension réduite. Les
travailleurs et travailleuses qui touchent des prestations d’invalidité du RPC ont également droit à
ces périodes d’exclusion.

Prestations de survivant

      Le RPC prévoit des prestations de survivant pour les conjoints et les enfants. Il s’agit de
paiements modestes qui, néanmoins, assurent une certaine stabilité au revenu familial, qui diminue

10   Caledon Institute of Social Policy
La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

habituellement au décès d’un soutien de famille. Le RPC verse également une modeste prestation
de décès pour contribuer aux frais funéraires.

Protection contre l’invalidité

        La prestation d’invalidité du RPC offre une protection financière à presque tous les
travailleurs et travailleuses qui répondent à deux grands critères d’admissibilité : être atteint ou
atteinte d’une invalidité grave et prolongée et répondre aux exigences de cotisation minimales,
éléments que nous aborderons plus loin. Il s’agit d’un important moyen de partage de risque qui
permet de protéger la société du fardeau que pourrait imposer une invalidité non assurée. Cette
protection nationale qui s’adresse à tous les travailleurs et travailleuses offre des prestations
équitables partout au Canada; sa transférabilité garantit le versement de prestations égales partout au
pays.

        Ce régime gouvernemental de protection contre l’invalidité garantit une protection
universelle et n’exclut pas les travailleurs et travailleuses qui ont une invalidité grave et prolongée et
qui sont jugés à « haut risque » ou une charge trop importante aux assureurs privés. Le RPC est le
seul régime offrant cette protection sans tenir compte des antécédents médicaux des cotisantes et des
cotisants. Les régimes de pensions privés effectuent des vérifications approfondies. Il arrive
souvent qu’une assurance soit refusée aux personnes qui ont certains troubles de santé ou que l’on
exige que ces travailleurs et travailleuses paient des primes plus élevées, ce qui exclut plusieurs
Canadiens et Canadiens.

Fonctionnement du RPC

Cotisations au Régime

        Le Régime de pensions du Canada est administré par la Direction générale des programmes
de la sécurité du revenu du ministère fédéral de Développement des ressources humaines Canada.
L’Agence canadienne des douanes et du revenu se charge de recueillir auprès des employeurs et des
employés et employées les cotisations obligatoires qui financent le Régime. Les travailleurs et
travailleuses autonomes doivent y verser le double des cotisations, soit la part de l’employeur et
celle de l’employé. Le Régime est également financé à partir des revenus du Fonds
d’investissement du RPC, qui connaîtra sans doute une croissance rapide au cours des années à
venir.

     Les cotisations au RPC sont fondées sur les « gains cotisables » − c’est-à-dire le montant du
maximum des gains cotisables d’une personne pour une année, appelé maximum de ses gains

                                                                 Caledon Institute of Social Policy    11
La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

ouvrant droit à pension (MGAP) pour l’année, moins le montant de son exemption de base pour
l’année (seuil des gains en-deçà duquel aucune cotisation n’est exigée).

        En 2002, les employés et employées doivent verser 4,3 pour cent de leurs gains cotisables
jusqu’à un maximum de 1 496,40 $ pour ceux dont le revenu est supérieur au MGAP (39 100 $) ou
plus. Les employeurs doivent verser une somme égale à la cotisation de l’employé. Les
travailleuses et travailleurs indépendants canadiens doivent verser les deux parts, c’est-à-dire celle
de l’employeur et celle de l’employé (jusqu’à un maximum de 2 992,80 $ pour l’année).

         À l’origine, le MGAP était fixé selon la moyenne des gains annuels. Il est toujours indexé à
partir des gains, mais selon la fluctuation d’une échelle appelée « Indice des gains ». Contrairement
à cela, les prestations du RPC sont indexées en fonction de l’indice des prix à la consommation. (À
l’origine, les prestations étaient indexées en fonction d’un indice de pension spécial fixé lors de la
mise en œuvre du Régime. Il ne pouvait augmenter de plus de deux pour cent par année. L’indice
de pension fut abandonné en 1974 et toutes les prestations furent indexées, par la suite, en fonction
des fluctuations annuelles de l’indice des prix à la consommation.)

        L’exemption de base pour l’année correspondait autrefois à 10 pour cent du MGAP. Suivant
les changements législatifs adoptés 1998, l’EBA fut désindexée et demeure à son niveau de 3 500 $
fixé en 1996, ce qui signifie que sa valeur diminue en fonction du taux d’inflation de chaque année.
(Soulignons cependant que cette désindexation de l’EBA ne s’applique pas à la prestation
d’invalidité.) Aucun changement n’a été apporté au maximum des gains annuels ouvrant droit à
pension − qui s’élevait à 39 100 $ en 2002 et qui demeure indexé sur les salaires.

Financement par répartition au financement partiel

        Dès sa mise en œuvre en 1966 et jusqu’à 1998, le RPC était financé selon une méthode par
répartition. Cela signifie que les cotisations étaient fixées à un niveau permettant de soutenir les
versements de pensions actuels et de prévoir un fonds d’éventualités de deux ans.

       Le taux de cotisation initial réel, incluant l’assurance-invalidité, s’élevait à 1,8 pour cent des
gains cotisables. Les employeurs versaient une part équivalente produisant ainsi un taux combiné de
3,6 pour cent.

        Ce taux de cotisation initial de 3,6 pour cent est le fruit d’un compromis entre ceux qui
souhaitaient un taux plus faible (2 pour cent) et ceux qui estimaient qu’un taux plus élevé (4 pour
cent) serait plus souhaitable. Le taux de cotisation est demeuré à 3,6 pour cent de 1966 à 1986,
après quoi il commença son ascension, pour compenser les pressions financières exercées sur le
RPC en raison du vieillissement de la population.

12   Caledon Institute of Social Policy
La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

        La méthode de financement par répartition adoptée avant 1997 prévoyait une augmentation
annuelle des taux de cotisation visant à atteindre environ 10,1 pour cent en 2016. Selon les
prévisions, ils auraient atteint 14,2 pour cent en 2030 afin de parer à la croissance des coûts
découlant de l’augmentation de la demande.

       Les changements adoptés en 1998 ont fait en sorte que le RPC est passé d’un mode de
financement par répartition à un mode de financement partiel. Il est prévu que les taux de cotisation
passeront de 5,85 pour cent des gains cotisables en 1997 à 9,95 pour cent en 2003 − ce qui
correspond à une croissance beaucoup plus rapide si l’ancien mode par répartition avait été maintenu
[Tamagno 2001: 1]. Par contre, ces taux sont sensés demeurer à 9,95 pour cent après 2003 au lieu
d’augmenter à 14,2 pour cent comme le prévoyait l’ancien mode de financement par répartition.

        Cette accélération de la croissance des taux de cotisation procurera un surplus plus
important, équivalent à environ cinq ans de prestations. Le fonds de réserve qui tirera sa croissance
de la hausse des cotisations est investi dans un portefeuille très diversifié [Tamagno 2001]. Avant
les changements, les fonds étaient investis de façon plus conservatrice dans des obligations
provinciales non négociables.

        L’augmentation rapide des cotisations jusqu’à 2003 imposera un fardeau démesuré aux
travailleurs et travailleuses à faible revenu, puisque leurs cotisations accaparent un large pourcentage
de leurs revenus (faibles). Les travailleurs et travailleuses dont le salaire est inférieur au salaire
moyen sont les plus affectés par le gel de l’exemption de base annuelle. La valeur du seuil minimal
des cotisations diminuera chaque année (comme nous le mentionnions, cette disposition ne touchera
pas la prestation d’invalidité du RPC).

        Les cotisantes et cotisantes au RPC peuvent réclamer un crédit d’impôt non remboursable,
afin d’alléger le fardeau des cotisations au RPC. Ce crédit représente 16 pour cent de la somme de
ces cotisations. En tenant compte des économies d’impôt sur le revenu provincial et territorial, le
crédit d’impôt pour cotisations au RPC représente en moyenne 24 pour cent des cotisations. Par
contre ce crédit ne vient compenser qu’une partie du fardeau que représente l’augmentation des
cotisations pour les travailleurs et travailleuses à plus faible revenu.

Mécanismes de surveillance

        Il n’est pas facile de modifier le Régime de pensions du Canada. La Loi sur le Régime de
pensions du Canada stipule que le gouvernement fédéral ne peut y apporter de modifications
majeures sans le consentement des deux tiers des provinces qu’il « englobe » (c.-à-d. les provinces
visées par le RPC ou celles dotées d’un régime comparable) et que ces provinces comptent les deux
tiers de la population.

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La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

        On entend par modifications importantes celles qui toucheraient les catégories de prestations,
les niveaux de prestations, les taux de cotisation, la formule de calcul des cotisations et des
prestations et la gestion de la caisse et du Fonds d’investissement du RPC. Ces changements
doivent également être annoncés deux ans avant leur entrée en vigueur, à moins que les provinces
conviennent de déroger à cet avis. Les effets à long terme de tout projet de réforme majeur doivent
être mesurés sur une base actuarielle.

         La responsabilité de cet examen actuariel du Régime incombe au Bureau du surintendant des
institutions financières. On procède à un examen actuariel au moins une fois à tous les trois ans ou
si un projet de loi qui aurait des incidences financières sur le Régime est déposé au Parlement. Dix-
sept rapports actuariels ont été élaborés depuis la création du Régime en 1966.

        Le RPC était autrefois surveillé par un groupe appelé Conseil consultatif (appelé « comité
consultatif » dans la Loi originale). Il avait pour mandat d’examiner périodiquement la Loi sur le
Régime de pensions du Canada, l’état du Fonds de placement et la suffisance des prestations du
RPC et la protection offerte par celles-ci. Le Conseil consultatif était tenu de présenter un rapport
annuel au ministre responsable. Le Conseil consultatif du RPC n’existe plus; il fut démantelé dans
le cadre des modifications au RPC, entrées en vigueur en 1998.

      Enfin, les particuliers eux-mêmes effectuent leur propre contrôle du RPC par le biais d’un
système d’appel structuré, dont nous traiterons plus loin dans le document.

                              La prestation d’invalidité du RPC

        La prestation d’invalidité du RPC offre une protection de base en cas d’interruption de
revenu à long terme, lorsqu’une personne est frappée d’une invalidité grave et prolongée qui
l’empêche d’exercer une occupation véritablement rémunératrice. Les personnes qui cessent de
toucher des prestations d’invalidité peuvent devenir à nouveau admissibles si elles ont versé des
cotisations durant chaque année, incluant l’année durant laquelle les prestations d’invalidité ont
cessé (jusqu’à ce qu’elles respectent les critères généraux en matière de cotisations, qui sont
actuellement de quatre années sur six).

14   Caledon Institute of Social Policy
La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

Critères d’admissibilité

i. Exigences en matière de cotisation

       Deux critères d’admissibilité s’appliquent à la prestation d’invalidité : les cotisations versées
au Régime et la définition de l’invalidité.

        Le premier critère d’admissibilité touche les cotisations versées au Régime. Les travailleurs
et travailleuses doivent avoir cotisé au RPC durant une période donnée, qui correspond actuellement
à quatre des six dernières années. Les travailleurs et travailleuses qui n’ont pas accumulé au moins
six années de cotisation doivent y avoir cotisé durant toute période de quatre ans.

        Aux fins du RPC, de septembre 1986 à décembre 1997, les travailleurs et travailleuses
devaient avoir cotisé au RPC durant deux des trois années précédentes ou cinq des dix années
précédant leur invalidité. Une « disposition pour demande tardive », adoptée en 1992, permet aux
travailleuses et travailleurs ayant une limitation fonctionelle d’être admissibles rétroactivement à 15
mois avant leur demande. Notons toutefois que cette disposition sert uniquement à déterminer
l’admissibilité − non pas pour le calcul de paiements rétroactifs. Avant septembre 1986, les
travailleurs et travailleuses devaient cotiser au RPC durant cinq des dix années antérieures et au
moins un tiers du total des années durant lesquelles ils avaient cotisé au régime.

        Le RPC prévoit aussi le versement de prestations rétroactives. Elles peuvent être versées
pour une période allant jusqu’à 15 mois précédant la date de la demande. Par contre, une période
d’attente de quatre mois s’applique avant le versement des prestations d’invalidité du RPC. Cette
période permet de déterminer si l’invalidité sera de longue durée. Dans l’intervalle, les travailleurs
et travailleuses peuvent présenter une demande d’assurance-emploi.

        Les cotisations au RPC sont prélevées sur une bande des gains se situant entre l’exemption
de base annuelle (3 500 $ en 1996) et le maximum des gains annuels ouvrant droit à pension
(39 100 $ en 2002). Les modifications législatives adoptées en 1998 ont bloqué l’exemption de base
à 3 500 $, mais cette exemption demeure à 10 pour cent du maximum des gains ouvrant droit à
pension (3 910 $ en 2002), aux fins des exigences de cotisation minimale pour l’admissibilité à des
prestations d’invalidité.

        Le taux de cotisation s’appliquant à 2002 est de 4,7 pour cent pour les employeurs, jusqu’à
des cotisations maximales de 1 673,20. Les travailleurs et travailleuses autonomes doivent verser le
double du taux de cotisation − 9,4 pour cent en 2002.

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La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

ii. Définition de l’invalidité

       Le deuxième critère d’admissibilité touche l’invalidité proprement dite. L’invalidité doit être
grave et prolongée.

        Selon la Loi sur le RPC, l’invalidité est uniquement qualifiée de grave lorsqu’une personne
est incapable d’occuper régulièrement un emploi véritablement rémunérateur. Il est important de
souligner que le critère de « gravité » employé dans la définition n’a pas toujours été interprété de
façon égale. Dans certains cas, la définition fut interprétée de façon très stricte et restrictive, tandis
que dans d’autres, les circonstances de la « vie réelle » liées à l’incapacité de travailler ont été prises
en compte. Il s’agit notamment de l’âge, du niveau d’instruction, de la capacité d’expression, des
antécédents professionnels et du vécu. Au chapitre des appels, tout particulièrement, un récent
jugement de la Cour fédérale (que nous abordons plus en détail dans la partie « Système d’appel du
RPC ») a contesté l’interprétation au sens strict de la « gravité » et a souligné que la prise en compte
des circonstances de la vie réelle semblait cadrer davantage avec l’intention originale de la
législation touchant le RPC.

        Les divergences d’interprétation pourraient être attribuables en partie aux lignes directrices
de 1995, qui renforçaient l’importance des critères médicaux dans le règlement des demandes. Les
lignes directrices annulaient une directive 1989 en matière de politique qui faisait allusion à la prise
en compte de facteurs socio-économiques, comme les taux de chômage régionaux, les types
d’industries présentes en région et les compétences requises dans ces secteurs, dans la détermination
de l’admissibilité aux prestations d’invalidité du RPC. Peu après l’adoption de la directive de 1989,
le directeur de l’Administration de l’invalidité du RPC indiquait, dans une directive interne, qu’en ce
qui concerne l’état de santé des individus, les demanderesses et demandeurs âgés de plus de 55 ans
qui ne pouvaient plus exercer leurs propres fonctions seraient jugés invalides aux fins du RPC.

       Après avoir été jugée « grave », l’invalidité doit être évaluée afin de déterminer si elle est
également de nature « prolongée ». La Loi sur le RPC précise que l’invalidité est prolongée
seulement si l’on juge qu’elle risque d’être longue, continue et de durée indéfinie ou pourrait
entraîner le décès.

       Les demandes de prestations d’invalidité ainsi que les demandes de réévaluation sont
examinées par une infirmière préposée à l’évaluation des demandes, qui détermine si les critères
touchant les cotisations et la définition ont été respectés. (Avant 1990, un comité de deux
personnes, dont l’une devait être médecin, se chargeait de décider de l’admissibilité ainsi que des
réexamens.)

      Comme la détermination de l’admissibilité est un exercice complexe, le RPC prévoit un
mécanisme de réexamen. Les demandeurs ou demanderesses qui ne sont pas jugés admissibles à

16   Caledon Institute of Social Policy
La prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada

leur demande initiale peuvent demander une réévaluation s’ils estiment que leur demande a été
injustement refusée ou s’ils disposent d’une nouvelle information pertinente à son dossier. Les
demandeurs et demanderesses dont la demande a été rejetée au stade du réexamen peuvent porter
leur cas en appel.

        Enfin, l’on s’attend à ce que les demandeurs et demanderesses fassent état par écrit de tout
changement influant sur leur capacité de travailler. Il peut s’agir de l’amélioration de leur état de
santé, d’un retour au travail ou la réussite d’un programme éducatif ou de recyclage. Les
prestataires qui tardent à déclarer un retour au travail doivent rembourser les prestations du RPC
auxquelles ils n’avaient pas droit.

        Si son état de santé s’améliore et que le ou la prestataire recouvre sa capacité d’occuper
régulièrement un emploi véritablement rémunérateur, les prestations peuvent être annulées. Le
ministère de Développement des ressources humaines Canada annulerait les prestations uniquement
après une période d’essai au travail de trois mois, afin de s’assurer que la personne est en mesure de
maintenir son occupation rémunératrice de façon prolongée.

        Une nouvelle initiative ministérielle, entrée en vigueur en mai 2001, permet aux bénéficiaires
du RPC de gagner jusqu’à 3 910 $ en 2002, sans être tenus d’en informer l’Administration du RPC.
Cette disposition table sur d’autres mesures visant à encourager la participation au marché du travail,
comme le programme de réadaptation professionnelle que nous abordons plus loin.

Montant de la prestation

        La prestation d’invalidité est pleinement indexée et est imposable. Elle est versée
mensuellement à compter du quatrième mois suivant le mois au cours duquel la cotisante ou le
cotisant est devenu invalide.

        La prestation d’invalidité se compose de deux éléments. Le premier est un montant fixe
(364,49 $ par mois en 2002) payable à tous les bénéficiaires. Le second est un montant lié aux gains
représentant 75 pour cent de la pension de retraite à laquelle le cotisant ou la cotisante aurait droit à
65 ans, jusqu’à un maximum de 591,56 $ par mois en 2002. La prestation mensuelle totale
maximale s’élevait à 956,05 $ ou à 11 473 $ annuellement.

        Cependant, la prestation moyenne est substantiellement en-deçà de la prestation maximale
parce que de nombreux travailleurs et travailleuses ont un revenu inférieur à la moyenne de leurs
gains à vie. La prestation mensuelle moyenne en 2000 s’élevait à 737,21 $ pour les hommes et à
625,15 $ pour les femmes. Cet écart entre les sexes est attribuable au volet de la prestation lié aux
gains et reflète le fait que les femmes gagnent moins en moyenne que les hommes

                                                                Caledon Institute of Social Policy      17
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