La restauration du Retable d'Issenheim s'achève

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Par Cathy Gerig

La restauration du                                               Retable
d’Issenheim s’achève
Quatre ans auront été nécessaires pour redonner tout son éclat au Retable
d’Issenheim, œuvre importante pour la spiritualité protestante. Pour l’occasion, le
Musée Unterlinden de Colmar a organisé un week-end festif, du 30 juin au 3
juillet.

De 2018 à 2022, le Retable d’Issenheim a fait l’objet d’une restauration inédite
qui se termine. Elle sera complètement achevée à la fin du mois de juin. Créé
entre 1512 et 1516 par le peintre Grünewald et le sculpteur Nicolas de
Haguenau, le polyptyque monumental avait été régulièrement entretenu et verni
depuis le XVIIIe siècle. Mais “les encadrements n’avaient, semble-t-il, jamais fait
l’objet de l’attention des professionnels” et leur rénovation “était aujourd’hui
devenue une nécessité : plusieurs angles très altérés menaçaient de s’effondrer
risquant de fragiliser les panneaux peints qu’ils protègent. Et concernant les
sculptures, le refixage de leur polychromie à sauver cette dernière de pertes
irrémédiables”, explique Panxtika de Paepe, la directrice du Musée Unterlinden.

La restauration globale encore en cours s’achèvera sous les yeux des visiteurs
lors d’un week-end festif, annonce le Musée Unterlinden de Colmar. Intitulé “Les
artistes et leur retable”, il permettra aux visiteurs de découvrir l’éclat retrouvé du
Retable d’Issenheim en compagnie d’artistes. Du 30 juin au 3 juillet, ils
proposeront des visites, des performances, et même un concert rendant hommage
à l’œuvre de Grünewald et Nicolas de Haguenau. Et dans le cloître du musée, du
30 juin jusqu’à la fin du mois de septembre, des photographies avant/après la
restauration seront exposées.

Une possible évacuation
“Le visiteur du musée ne pourra en rien se douter des longs mois de travail des
restaurateurs lorsqu’il découvrira le Retable. Celui qui le connaissait déjà pourra
sans doute penser ‘c’est un peu différent’ mais sans trop savoir ce qui a changé”,
assure la directrice du Musée Unterlinden. Pourtant, “le Retable d’Issenheim
retrouve une nouvelle jeunesse et les mesures conservatoires lui assurent non pas
l’éternité, mais ce qui peut s’en approcher à l’échelle de temps humain”.

La restauration – freinée par la pandémie – n’a pas uniquement permis des
résultats esthétiques et de compréhension de l’unité du polyptyque. Elle a
également un aspect conservatoire. “Le changement de la structure de maintien
et de présentation du Retable a pu s’inscrire dans le cadre de sa restauration.
Pensée par les restaurateurs, cette transformation permet aujourd’hui
l’évacuation du Retable en cas de sinistre, opération impossible auparavant”,
complète estime Panxtika de Paepe.

“Un monument”
Un point positif quand on connaît l’importance de ce polyptyque pour l’histoire de
l’art et la spiritualité protestante. “Pour l’histoire de l’art, c’est un monument,
assure Jérôme Cottin, professeur de théologie pratique à l’Institut protestant de
théologie de Strasbourg. C’est beaucoup plus qu’un retable !” L’œuvre, qui
s’ouvre sur trois niveaux, forme une structure assez complexe aux dimensions
exceptionnelles.

Le spécialiste de l’iconographie biblique rappelle également le côté novateur du
Retable d’Issenheim, avec son style expressionniste. “Il y a de l’imaginaire, de
l’onirisme et un mélange osé de couleurs” Qui plus est, autrefois, le polyptyque
n’était pas considéré comme un tableau, mais comme “un élément qui participait
à la guérison des malades du feu de saint Antoine”, ayant pour symptômes des
sensations de brûlure, des convulsions, des nécrose, etc.. “Il avait donc une
fonction thérapeutique”, confirme Jérôme Cottin.

“L’expression même de la Réforme”
Une autre raison participe à l’importance du Retable d’Issenheim dans l’histoire
de l’art. “Au XXe siècle, les plus grands artistes de l’art contemporain ont été
fascinés par ce tableau aux formes déformées, aux couleurs très osées. Tous se
sont inspirés de lui un jour ou l’autre, même Picasso”, précise-t-il.

Les protestants ont également un rapport particulier avec le polyptyque. Pourtant
“peint juste avant l’éclosion de la Réforme”, beaucoup ont vu en lui “le porte-
flambeau d’une spiritualité protestante centrée autour de l’abaissement du
Christ”, “une anticipation de ce qui va être mis en avant par la Réforme”. “Encore
aujourd’hui, pour certains protestants, il est l’expression même de la Réforme”,
malgré son antériorité.

Une source d’inspiration pour Karl Barth
Une vision qui vaut lorsque le polyptyque est fermé. Il laisse alors apparaître un
Christ en croix qui rappelle la prédication de Luther, avec son Christ souffrant.
Une interprétation qui a influencé jusqu’au théologien bâlois Karl Barth. Celui-ci,
qui avait accroché une représentation du Retable d’Issenheim dans son bureau,
disait qu’il l’inspirait pour écrire, notamment sa dogmatique.

Programme du week-end festif :

Concert dialogué le jeudi 30 juin, à 18h30 et 20h. Durée : 1h15. 25 € tarif
plein, 10 € réduit, gratuit pour les moins de 12 ans. L’ensemble médiéval Vox In
Rama, en dialogue avec le peintre Daniel Schlier, invite à redécouvrir le Retable
d’Issenheim selon une formule de concert-conférence originale. Les auditeurs
entendront notamment les louanges que les chanoines antonins pratiquaient en
l’honneur de saint Antoine l’Égyptien, dont le retable retrace la vie légendaire.
Ces petits concerts s’entrelaceront avec des présentations commentées du
retable.
Chorégraphie le samedi 2 juillet, à 14h30. Durée 15 mn. Tarifs : entrée du
musée. Bruno Bouché, directeur du Centre chorégraphique national – Ballet de
l’Opéra national du Rhin, met en espace, face au Retable d’Issenheim, la
chorégraphie Bless – ainsi soit-IL qu’il a créé en 2010 en écho à la peinture
murale peinte par Delacroix pour l’église Saint-Sulpice à Paris, La Lutte de Jacob
avec l’Ange. Deux danseurs interprètent un extrait de ce duo entre Jacob et
l’Ange porté par la musique de Johann Sebastian Bach.

Visite dansée le samedi 2 et le dimanche 3 juillet, à 18h30 et 20h. Durée 30
min. 15 € tarif plein, 8 € réduit, gratuit pour les moins de 12 ans. La chorégraphe-
danseuse Aurélie Gandit (compagnie La Brèche) commente et interprète le
Retable d’Issenheim par le texte et la danse, à travers un parcours sensible. Le
mouvement dansé se déploie dans l’espace entre la personne qui regarde et
l’œuvre. La visite dansée pour le Retable d’Issenheim est l’occasion pour Aurélie
Gandit de travailler au corps la force émotionnelle, la qualité picturale et
l’expressivité remarquables du polyptyque monumental.

Performance théâtrale le dimanche 3 juillet, à 14h et 16h. Durée 30 min. La
Comédie de Colmar et sa jeune troupe de comédiens proposent deux courts
spectacles qui questionnent le Retable d’Issenheim et interrogent son potentiel
politique autant que sa puissance poétique. Activant la persistance rétinienne, ces
performances théâtrales invitent les visiteurs à regarder autrement et
s’approprier l’œuvre, s’en imprégner sans se sentir impressionnés.
Par Cathy Gerig

Monde virtuel : le Vatican se lance
dans le métaverse
Le Saint-Siège a annoncé qu’il se lançait dans le métaverse, le monde virtuel. Il
compte y ouvrir une galerie où seront exposées ses œuvres sous la forme NFT,
des jetons non-fongibles.

Après Facebook, Sony, etc. et presque en même temps que Madonna le Vatican a
annoncé qu’il se lançait dans les NFT et le métaverse. L’information a été donnée
au début du mois de mai par Humanity 2.0, une fondation pilotée par le Vatican.
Dans un communiqué, elle explique avoir passé un accord avec Sensorium, une
société suisse spécialisée dans la construction de metaverse. Grâce à cette
dernière, le Vatican rejoindra un monde virtuel actuellement en construction. Il
devrait s’appeler Galaxy et héberger, notamment, le musée virtuel. Un projet sans
arrière-pensée financière.

Il n’est, en effet, pas prévu de créer de monnaie virtuelle, ni de vendre des
œuvres dans leur version NFT. Le Saint-Siège ne parle pas non plus de se lancer
dans l’achat de crypto-monnaies. Dans le monde virtuel, les NFT font office de
certificats d’authenticité. Il assure qu’un fichier est unique. Des œuvres d’art
100% numériques se sont ainsi vendues plusieurs millions de dollars et ce marché
est de plus en plus populaire.

Création d’avatars
Une fois dans le métaverse, la galerie du Vatican accueillera les œuvres d’art de
son musée et ce que la fondation qualifie d’ “initiatives académiques”. L’objectif
est de les rendre accessibles à des visiteurs qui ne pourront peut-être jamais venir
à Rome. Ceux-ci devraient d’ailleurs pouvoir créer des avatars. Des personnages
non-joueurs (PNJ) comme ils s’appellent dans le métaverse. D’autres prestigieux
musées ont déjà franchi le pas. C’est le cas, notamment, du British Museum de
Londres.

Par Rédaction Réforme avec AFP

Spoliations nazies : l’Assemblée
examine la restitution de 15
oeuvres d’art
Entrées légalement dans les collections publiques nationales françaises par
acquisition, leur restitution nécessite une loi, contrairement aux œuvres confiées
à la garde des musées nationaux, qui sont restituées par simple décret.

Un projet de loi portant sur la restitution de 15 oeuvres d’art, dont un tableau de
Gustav Klimt et un autre de Marc Chagall, aux ayants droit de familles juives
spoliées par les nazis sera examiné par l’Assemblée nationale mardi 25 janvier.
Entrées légalement dans les collections publiques nationales françaises par
acquisition, elles relèvent du domaine public mobilier protégé par le principe de
l’imprescriptibilité et d’inaliénabilité. Leur restitution nécessite donc une loi, à la
différence des oeuvres confiés à la garde des musées nationaux (“MNR”), qui sont
restituées par simple décret.

Parmi les 15 oeuvres se trouve “Rosiers sous les arbres” de Gustav Klimt,
conservé au musée d’Orsay, et seule oeuvre du peintre autrichien appartenant
aux collections nationales françaises. Il a été acquis en 1980 par l’État chez un
marchand. Des recherches approfondies ont permis d’établir qu’il appartenait à
l’Autrichienne Eléonore Stiasny qui l’a cédé lors d’une vente forcée à Vienne en
1938, lors de l’Anschluss, avant d’être déportée et assassinée. Onze dessins et
une cire conservés au Musée du Louvre, au Musée d’Orsay et au Musée du
Château de Compiègne ainsi qu’un tableau d’Utrillo conservé au Musée Utrillo-
Valadon (“Carrefour à Sannois”) font également partie des restitutions
envisagées.

Multiplicité des critères de spoliation
Un amendement du 13 janvier a ajouté à cette liste un tableau de Chagall, intitulé
“Le Père”, conservé au Centre Pompidou et entré dans les collections nationales
en 1988. L’artiste l’a sans doute peint en 1911 ou 1912, s’en serait dessaisi avant
la seconde guerre mondiale puis le tableau aurait circulé jusqu’en Pologne lors du
transfert des juifs vers le ghetto de Lodz en 1940. Il a été reconnu propriété de
David Cender, musicien et luthier polonais juif, immigré en France en 1958. Les
ayants droit ont été identifiés par la Commission pour l’indemnisation des
victimes de spoliations (CIVS), créée en 1999.

Le projet de loi a été adopté à l’unanimité en commission des affaires culturelles.
S’il est adopté par le Parlement, “il s’agira d’une première étape importante qui
amène à réfléchir aux futures restitutions et à l’éventualité d’une loi-cadre”, dit à
l’AFP Fabienne Colboc (LREM), sa rapporteure. Comme pour la restitution des
oeuvres d’art en provenance d’Afrique, une future loi-cadre est difficile à établir
en raison de la multiplicité des critères de spoliation comme leur champ
géographique et la période concernée (entre 1933 et 1945).

Ventes forcées, peu de traces
“Beaucoup de familles juives, victimes de mesures antisémites ont été forcées de
vendre leurs biens dès la fin de 1933, en Allemagne. En France, quand la vente a
été organisée par le régime de Vichy, beaucoup d’archives demeurent mais quand
il s’agissait de ventes privées, il n’y a pas de traces, les oeuvres se sont
retrouvées sur le marché de l’art”, a souligné David Zivie, responsable de la
mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés du ministère de
la Culture, lors d’une audition par les sénateurs. Cette mission a été créée en
2019 afin d’accélérer les recherches et d’identifier la provenance des oeuvres
spoliées pour faciliter leur restitution.

Depuis 1990, les recherches de ces oeuvres se sont beaucoup développées,
notamment après le discours de Jacques Chirac en 1995, lors de la
commémoration de la rafle du Vel’d’Hiv, qui reconnaissait la participation de la
France dans l’extermination des juifs par les nazis, puis l’accord de Washington
en 1998 lorsque 44 pays se sont engagés sur les réparations et la restitution des
biens aux familles juives spoliées. Quelque 100.000 oeuvres d’art auraient été
saisies en France durant la Seconde Guerre mondiale, selon le ministère de la
Culture. 60.000 biens – comprenant des œuvres spoliées mais aussi vendues en
France pendant la guerre par des personnes qui n’étaient pas persécutées – ont
été retrouvées en Allemagne à la Libération et renvoyées en France.

Parmi eux, 45.000 ont été restitués à leurs propriétaires entre 1945 et 1950.
Environ 2.200 ont été sélectionnés et confiés à la garde des musées nationaux
(oeuvres “MNR”) et le reste (environ 13.000 objets) a été vendu par
l’administration des Domaines au début des années 1950. Les recherches
concernant les oeuvres spoliées qui appartiendraient aux collections nationales
sont en cours.
Par Sophie Nouaille

La calligraphie arabe, un art
ancestral à préserver en Irak
La calligraphie arabe sera peut-être sauvée par la décision de l’Unesco qui vient
de l’inscrire au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. En Irak, les artistes
qui connaissant et pratiquent cet art ancestral auraient besoin du soutien du
gouvernement pour que cette expression graphique presque sacrée conserve ses
lettres de noblesse.

Quand il ne porte pas des parpaings sur les chantiers dans le nord de l’Irak, Jamal
Hussein s’adonne à la calligraphie arabe, un art qui ne nourrit plus son homme
dans le monde contemporain, reconnaît-il. “J’ai une famille nombreuse, je devais
trouver un autre travail car on ne peut pas vivre de cet art”, dit le
quinquagénaire, père de 11 enfants, installé dans la petite ville de Raniye, au
Kurdistan d’Irak. Plusieurs jours par semaine, il travaille “dans la construction
d’immeubles, et porte des parpaings”, explique-t-il dans son modeste atelier à
domicile.

Désormais patrimoine immatériel de
l’humanité
Mardi, l’Unesco a inscrit la calligraphie arabe — “art arabe Islamique” — au
patrimoine culturel immatériel de l’humanité, après une requête présentée par 16
pays parmi lesquels l’Arabie saoudite, l’Irak, l’Egypte et le Maroc. “La fluidité de
l’écriture arabe offre des possibilités infinies, les lettres peuvent être allongées et
transformées de nombreuses façons, afin de créer différents motifs”, explique
l’institution sur son site Internet. Une décision saluée par M. Hussein, espérant
qu’elle poussera “le gouvernement irakien et la région autonome du Kurdistan à
adopter des mesures sérieuses pour soutenir la calligraphie – le Khat, en arabe –
et ses artistes”.

Aucun soutien du gouvernement irakien
Initié à cet art dans les années 1980, ce Kurde irakien exhibe chez lui certificats
et médailles — une quarantaine au total — attestant de sa participation à des
concours. En octobre, il est arrivé deuxième lors d’une compétition en ligne en
Egypte. Il s’entraîne pour un concours en janvier dans la ville sainte irakienne de
Najaf (centre). Il lui arrive de vendre les créations de son calame (tige utilisée
pour l’écriture calligraphique, qu’il achète en Turquie ou en Iran) pour des
affiches, des devantures de boutiques, voire des stèles funéraires, reconnaît-il. “Il
n’y a aucun soutien du gouvernement, ni pour la calligraphie ni pour les autres
arts”, déplore le quinquagénaire.

Un art “sacré” qui se perd avec la
technologie
“A cause de la technologie, la sacralité de la calligraphie a baissé”, regrette-t-il.
“La calligraphie requiert plus de temps, plus d’efforts, elle coûte plus cher. Les
gens vont vers une production technologique moins onéreuse”. Des décennies
durant, dans les rues du Caire, d’Amman, Beyrouth ou Casablanca, la calligraphie
s’affichait aux devantures des magasins, sur les murs où l’on pouvait lire des
adages populaires, sur les plaques en cuivre à l’entrée d’un immeuble signalant la
présence d’un avocat ou d’un médecin.

Elle reste aujourd’hui visible sur les façades défraîchies de certaines boutiques.
Les hipsters du monde arabe, nostalgiques et grands amateurs de cette
esthétique vintage, sont nombreux à prendre en photos leurs trouvailles pour les
partager sur les réseaux sociaux. Impossible pour M. Hussein d’abandonner son
art. Son rêve? “Voyager en Egypte ou en Turquie, y résider temporairement pour
améliorer mon khat”.
Continuer d’enseigner et de sensibiliser
les jeunes
A l’autre bout de l’Irak, dans le sud pauvre du pays, Waël al-Ramadan ouvre sa
boutique dans une ruelle de Bassora. Alors qu’il était encore enfant, son père l’a
initié à l’art de la calligraphie. Quand un client vient s’enquérir de ses services
pour la confection d’un tampon administratif, il saisit un de ses calames et
commence lentement sur un cahier à tracer les mots demandés, à partir de lettres
arabes se distinguant par leurs élégantes courbes. Il salue la décision de
l’Unesco, un “grand soutien pour la calligraphie et les calligraphes dans le monde
entier”. Il reconnaît toutefois que pour vivre, il enseigne la discipline dans des
écoles et met son art au service de la publicité. “Nous espérons que notre
gouvernement s’intéressera à cet art, par le biais d’expositions, de compétitions”,
ajoute le calligraphe de 49 ans, crâne rasé et tout de noir vêtu. “La survie de la
calligraphie arabe dépend du soutien de l’Etat”, ajoute-t-il. Mais pas question de
jeter l’éponge. “J’espère évidemment que mes enfants me succèderont, tout
comme j’ai marché sur les pas de mon père”, confie-t-il en souriant.

Sophie Nouaille avec AFP

Par Cathy Gerig
Documentaire : Albrecht Dürer, un
artiste novateur sensible aux idées
de la Réforme
Arte.tv consacre un documentaire à Albrecht Dürer, artiste allemand aux
multiples facettes. Proche des idées de Martin Luther et du premier cercle des
partisans de la Réforme, il évoque dans ses tableaux de nombreux passages de la
Bible.

Créateur novateur, génie du commerce, inventeur du droit d’auteur. Albrecht
Dürer est né en 1471 à Nuremberg. La ville allemande est alors l’un des centres
intellectuels de l’Europe. Encouragé par son père, qui a décelé son talent pour
l’art figuratif, Albrecht Dürer propose un univers pictural imprégné d’une
conception chrétienne, selon laquelle le diable et le mal peuvent surgir à
n’importe quel moment. Son premier diptyque représente ses parents. Pour les
experts, ce choix n’a qu’une explication possible : il s’agit de rappeler à l’homme
qu’il est mortel.

L’œuvre d’Albrecht Dürer se distingue aussi parce que l’artiste s’intéresse à ce
qui passe inaperçu et y accorde de l’importance, comme la nature, et par son
souhait de démocratiser l’art. S’il raconte le parcours du graveur, le
documentaire dresse également le portrait d’une société. Copié à maintes
reprises et doté d’une fibre commerciale, Albrecht Dürer décide de la mettre au
service de l’art. Ainsi, il signe chacune de ses compositions en les estampillant
d’un monogramme réalisé à l’aide de ses initiales.

Comme Luther, il défend la langue
allemande
La diffusion à grande échelle des gravures de Dürer, par des représentants, le
rend célèbre dans toute l’Europe. Proche du milieu humaniste allemand, l’artiste
est hanté par une peur panique des maladies contagieuses de l’époque et celle de
l’au-delà. Il réalise toute une série de xylographies sur le thème de l’Apocalypse
de Jean, qu’il présente comme des visions de la réalité à venir plutôt que des
illustrations du texte biblique.

Coutumier des autoportraits, celui réalisé vers 1 500 le représente idéalisé sous
les traits du Christ. Tout au long de sa vie, Albrecht Dürer a contribué à
promouvoir la langue allemande par rapport au latin, qui était la langue savante.
Comme Luther l’a fait en traduisant la Bible. Mais il ne s’agit pas là de l’unique
point commun des deux hommes. Ils partagent également l’idée qu’un contact
direct peut s’établir entre Dieu et l’homme. Des idées à peine esquissées
malheureusement dans le documentaire. Et si les parties “fiction” sont parfois un
peu longues, celui-ci n’en reste pas moins très intéressant.

“Moi, Albrecht Dürer” sur arte.tv. Durée 1h30. Disponible jusqu’au 3 mars 2022.

Par Martine Lecoq

Exposition : “Cartier et les arts de
l’islam”
Le musée des Arts décoratifs à Paris accueille jusqu’au 20 février l’exposition
« Cartier et les arts de l’islam. Aux sources de la modernité » montrant
l’inspiration et l’influence de l’islam dans les créations de Cartier.
Louis, Pierre et Jacques Cartier, tous frères, donnent au tournant du XXe siècle le
coup d’envoi qui propulse la Maison de leur grand-père sur les routes
commerciales de l’Orient. Les motifs islamiques, surtout indiens et persans, vont
alors jouer un rôle éminent dans leur création joaillère.

L’exposition du musée des Arts décoratifs révèle ce travail d’assimilation et de
réinvention prolongé durant des décennies, à travers ses parures et ses
accessoires les plus subtils. Le dessin des entrelacs répétés, la combinaison des
perles multicolores et des métaux précieux, puis sous la direction de Jeanne
Toussaint dans les années 1930, l’apport du Maroc, plus cru, scandent la visite, à
la fois histoire du luxe et plaisir des yeux.

« Cartier et les arts de l’islam. Aux sources de la modernité », jusqu’au
20 février au musée des Arts décoratifs (Paris).

Par Martine Lecoq

Expositions : “Arts de l’islam, un
passé pour un présent”
Les « Arts de l’islam » investissent dix-huit villes françaises ; un évènement
d’ampleur en faveur d’une approche ludique et historique de la culture islamique.
Le projet « Arts de l’islam, un passé pour un présent », né d’une initiative
gouvernementale, celle du Premier ministre Jean Castex, a trouvé auprès d’autres
organismes, les deux ministères de la Culture et de l’Éducation nationale, mais
aussi la Fondation de l’islam de France ainsi que les institutions des villes
d’accueil concernées, l’énergie plurielle nécessaire à sa réalisation. Le musée du
Louvre et la Réunion des musées nationaux – Grand Palais en assurent la
production.

L’idée est simple : aider à une meilleure compréhension de la civilisation
islamique par le biais de dix-huit expositions dans autant de villes de France (hors
Paris). Chacune de ces dernières détiendra, pour les présenter au public, dix
objets d’art issus des différentes collections régionales et nationales dont, bien
sûr, celle du Louvre avec les trésors de son département des arts de l’islam. Les
lieux impliqués, qui se situent dans tout le pays, d’est en ouest et du nord au sud
(avec une extension sur l’île de la Réunion), sont des musées, des bibliothèques
ou de simples espaces culturels propices.

Dix chefs-d’œuvres brillent désormais dans chacun d’eux pour plusieurs mois. Ils
recouvrent une période d’environ dix siècles, le nôtre compris, et enchevêtrent les
continents, de la péninsule arabique à la Turquie, l’Iran et l’Inde, de l’Asie
centrale à la Chine, sans oublier les Afriques maghrébine et subsaharienne. Face
à cette complexité, on comprend que dix œuvres par exposition suffisent, car
chaque objet représente à lui seul un imbroglio historique, humain et spirituel.
Aussi l’évènement s’attache-t-il à accompagner les expositions d’un cadre éducatif
adapté, avec des visites guidées, des conférences, des films.

L’enjeu majeur de l’entreprise consiste à informer la jeunesse, soit sur ses
racines, quand son identité profonde tient à l’un ou l’autre de ces courants
multiples, soit sur une civilisation qui semble étrangère mais avec laquelle,
pourtant, la France tisse une relation suivie et constructive depuis des siècles.
Mais les jeunes ne sont pas le seul public visé, car tant d’amalgames désastreux
ont déformé l’islam dans l’opinion publique, à la suite des attentats et face aux
prétentions du radicalisme religieux, qu’il importe de s’adresser à tous. Chaque
conscience adulte est donc elle aussi invitée à venir prendre ici un bain de
fraîcheur, de beauté, de vérité.

« Arts de l’islam, un passé pour un présent », jusqu’au 27 mars, dans dix-huit
villes françaises.
Par Cathy Gerig

Street art : des portraits géants de
résidents de l’Armée du Salut dans
les rues de Paris
Le projet Human Soul, porté par deux artistes, part à la conquête des rues du 13e
arrondissement de Paris. Les portraits géants, installés à partir du lundi 4
octobre, racontent l’histoire de résidents de la Cité de Refuge, un centre
d’hébergement de la Fondation de l’Armée du Salut.

Des collages pour raconter des trajectoires par toujours faciles. Anne-Laure
Maison et Michel Cam ont entamé une résidence artistique à la Cité de refuge,
dans le 13e arrondissement de Paris, en novembre 2020. Les deux artistes sont
arrivés dans le centre d’hébergement de l’Armée du Salut avec l’envie d’aider des
résidents et des salariés à “se raconter” au travers d’éléments de leur vie ou de
leur personnalité. Lundi 4 octobre, le projet Human Soul, entame une nouvelle
phase : celle du partage avec les Parisiens et les touristes de passage, rue
Chevaleret.
Les portraits, réalisés sous la forme de collages, illustrent la vie passée ou
actuelle des participants. Les créations artistiques “sont absolument
remarquables. Elles ressemblent un peu à des valets, dames et rois des jeux de
cartes et expriment le voyage, l’exil, la pauvreté, la violence, etc”, décrit Samuel
Coppens, porte-parole de l’Armée du Salut.

Lever les yeux
Mais ce n’est pas vraiment la première fois que les participants du projet
montrent au grand public ce dont ils sont capables. Au moment de Noël, certains
de leurs portraits avaient déjà été exposés. Ils avaient été placés sur les grandes
fenêtres de l’immeuble Le Corbusier de la Cité de Refuge.

Cette fois, ils se rapprochent davantage du grand public, afin de partager avec lui
les parcours de vie ou les personnalités de ceux qui les ont réalisés. D’habitude
peu visibles, leurs créateurs osent se dévoiler un peu. Pour apprendre à les
connaître, les passants n’auront qu’à lever les yeux et pourquoi pas à s’arrêter un
peu, avant de poursuivre leur propre route.

Par Rédaction Réforme avec AFP
Comment le peintre Marc Chagall
“a renouvelé l’art sacré”
Pour Chagall, “la bible hébraïque, c’est le point de départ”.

Marc Chagall, “maître des couleurs, a renouvelé l’art sacré” à la moitié du XXe
siècle, estime Elia Biezunski, commissaire d’une exposition du Centre Pompidou-
Metz, hommage au peintre à l’occasion des 800 ans de la cathédrale qu’il illumine
avec ses vitraux.

Intitulée “Marc Chagall, passeur de lumière”, cette exposition se concentre
jusqu’au 30 août sur cette période “du peintre qui aimait le vitrail”, souligne Mme
Biezunski.

Chagall avait débuté dans cet art avec la décoration du baptistère de la nouvelle
église de Notre-Dame-de-Toute-Grâce (Haute-Savoie/1950-57).

Mais c’est à Metz (1959), où il avait été préféré à Jean Cocteau pour cet édifice
classé en pleine rénovation après-guerre, qu’il a pu exercer ses talents de
coloriste à l’échelle d’un bâtiment et a déployé son inventivité. Il poursuivra à
Reims, Jérusalem, Zurich, à l’ONU, Chicago ou Mayence.

“Chagall dialoguait avec les maîtres verriers qui interprétaient ses maquettes
comme des musiciens des partitions musicales. Ensuite il passait derrière mettre
son empreinte”, explique Mme Biezunski.

Quelque 250 œuvres, dessins, tableaux, sculptures, travaux de gravures, vitraux,
collages (les maquettes)… sont exposés et démontrent que Chagall (1887-1985)
natif de Vitebsk (Bélarus), arrivé vers 1911 à Paris, a traversé tous les courants
(fauvisme, cubisme, suprématisme…) sans adhérer à aucun.

Chagall était parfois considéré comme
“Marginal”
“Il a été parfois considéré comme un marginal”, observe la commissaire, car il
s’est “nourri autant des couleurs du fauvisme que des couleurs des gravures
populaires russes de son enfance qui juxtaposent des couleurs très contrastées”,
les Loubki.

Juif, Chagall avait un rapport particulier avec la religion. Il se disait “non
religieux” mais “mystique”. “Il considérait les prophètes comme une
source importante. Tout comme Mozart, l’art, l’amour”, explicite Mme Biezunski.
“Dans ses œuvres, il y avait aussi l’apport affectif de son enfance quand il
s’enivrait des chants assis à côté de son grand-père à la synagogue”.

La religion est revenue très rapidement dans son travail. D’abord en 1930,
lorsqu’on lui commande une illustration de la Bible, dont une des gravures est
exposée.

Pour Chagall, “la bible hébraïque, c’est le point de départ”, relève la commissaire.
Plus tard, dans ses tableaux, le Christ va représenter la tragédie dont sont
victimes les Juifs face aux nazis, et au-delà, les souffrances de l’humanité.

“Pour exprimer la souffrance, il emprunte le Christ comme un symbole car
l’humanité en est imprégnée depuis des siècles”, analyse Mme Biezunski,
précisant que pour Chagall, “l’ensemble de l’œuvre fait figure de symbole”: “Il
empruntait, transformait, combinait et s’appropriait des symboles de différentes
cultures ou traditions très reconnaissables”.

Chagall a déployé une                                      inventivité
iconographique libre
Les vitraux de Chagall n’ont pas été réalisés sans difficulté à Metz, malgré la
volonté de l’architecte en chef des monuments historiques, Robert Renard. Le
ministre de la culture de l’époque, André Malraux, a dû insister pour que le projet
aboutisse.

“Confier des décors d’églises à un artiste d’une autre religion ou à un agnostique,
c’était une révolution”, observe la commissaire, détaillant les principaux griefs
formulés à l’époque : “voir mêler de l’ancien à l’art moderne” et la crainte d’un
“conflit de vocabulaire et de couleurs avec l’existant”.

“C’est cet art et ce nouveau vocabulaire qui ont contribué au renouveau de l’art
sacré en France et à l’international. Chagall a déployé une inventivité
iconographique libre, contraire de la tradition où les symboles étaient liés au
texte”, poursuit-elle.

Aujourd’hui, cette modernité permet encore à l’édifice messin de figurer parmi les
plus visités de France. Quant aux dessins de Chagall, notamment une rosace
bleue, elle suscite toujours des questions.

Ainsi, son Christ, auréolé en jaune, porte un carré sur le front, comme si Chagall
avait voulu rappeler la judéité de Jésus avec ce tephillin, un objet religieux juif.
Son Saint-Jean, en-dessous, avec l’aigle, conforme à l’iconographie du moment,
ressemble aussi beaucoup à un autoportrait.

“Chacun se fera son idée”, répond Mme Biezunski: “Chagall n’était pas enclin à
décrire ses œuvres. Il privilégiait la pluralité des interprétations. Il voulait que
chacun, avec sa culture, ses connaissances puisse proposer sa lecture. Il
souhaitait laisser courir l’imagination du regardeur”.

Par Laure Salamon

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