La Revue de L'Afrique des Idées

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La Revue de L'Afrique des Idées
La     Revue
      de L’Afrique des Idées

                                                 Septembre 2018 | N° 2-2018

                   DANS CETTE ÉDITION :

Renforcement des capacités de         Connectivité physique et
collecte et de tri des déchets dans   échanges commerciaux de la
les villes africaines                 CEMAC
Faten LOUKI et Lamia ROUACHED         Dr. Ludé DJAM’ANGAI

Diasporas camerounaises
et sénégalaises : quelles
contributions au
développement local ?

Christian RIM
La Revue de L'Afrique des Idées
SOMMAIRE                                                                                                                                            1

          La     Revue
          de L’Afrique des Idées
p.    2
     L’Édito

p.    3                                                                                            R ENFORCEMENT              DES CAPACITÉS DE LA COLLECTE DE
                                                                                                    DÉCHETS ET DU TRI DES DÉCHETS DANS LES VILLES
                                                                                                                                  AFRICAINES

     Renforcement des capacités de collecte et de tri des déchets dans les
     villes africaines.                                                                               Résumé                            Table des matières

     Faten Loukil, SEPAL, ISG, Université de Tunis et
                                                                                      Les villes africaines sont aujourd’hui            1   Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
                                                                                  confrontées à une situation urbaine critique
                                                                                  marquée par une défaillance des structures de         2   Un état des lieux de la gestion des déchets ménagers
                                                                                  gouvernance face à une production croissante              en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
                                                                                  des déchets conjuguée à une forte croissance          3   Les modalités de collecte des déchets en Afrique 10
                                                                                  démographique et à une prolifération des
                                                                                  bidonvilles et de la pauvreté. Le renforcement des    4   Les bonnes pratiques de collecte et de traitement des
                                                                                  capacités de gestion des déchets apparait comme           déchets en Afrique, vers une responsabilité partagée
                                                                                  une priorité pour promouvoir le développement             des acteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

     Lamia Raouched, LEGI, Ecole Polytechnique, Université de Tunis.
                                                                                  urbain durable et assurer la stabilité politique,
                                                                                  économique et sociale des villes.
                                                                                                                                        5   Conclusion et recommandations . . . . . . . . . . . . . 18
                                                                                  En partant d’un diagnostic des modes de                   Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
                                                                                  production, de collecte et de traitement des
                                                                                  déchets en Afrique, ce travail se penche sur
                                                                             3    une analyse des expériences de partenariat
                                                                                  public-privé menées dans cinq villes africaines :
                                                                                  Lomé (Togo), Yaoundé (Cameroun), Accra
                                                                                  (Ghana), Ouagadougou (Burkina Faso) et Dakar
                                                                                  (Sénégal). Il montre que les résultats obtenus
                                                                                  restent au-dessous des objectifs escomptés. Le
                                                                                  tâtonnement des autorités dans le choix des
                                                                                  modes de partenariat appropriés, l’inefficacité
                                                                                  des mécanismes financiers de collecte et la
                                                                                  présence du secteur informel accentuent les
                                                                                  dysfonctionnements et le chevauchement des
                                                                                  responsabilités. Par ailleurs, les expériences
                                                                                  innovantes de collecte des déchets en Afrique du
                                                                                  Sud ou en Tunisie révèlent la nécessité de revoir
                                                                                  les mécanismes de financement et d’aller vers
                                                                                  une responsabilité partagée des acteurs.

                                                                                       Mots-clés : collecte des déchets, partena-
                                                                                  riat public-privé, renforcement des capacités,

     22
                                                                                  villes africaines

p.                                                                                           C ONNECTIVITÉ P HYSIQUE ET É CHANGES C OMMERCIAUX DE
                                                                                                                   LA CEMAC

                                                                                                                    
                                                                                                                            Dr. Ludé DJAM’ANGAI

                                                                                                                        LAEREAG, Université de N’Djamena
                                                                                                                                                        

     Connectivité physique et échanges commerciaux de la CEMAC.
     Dr. Ludé DJAM’ANGAI , chercheur LAEREAG, Université de N’Djamena.                                Résumé

                                                                                       L’objectif général de ce travail est de
                                                                                                                                        Table des matières
                                                                                                                                        1   Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
                                                                                  déterminer les effets de la connectivité physique
                                                                                  sur les échanges commerciaux de la CEMAC.             2   Revue de littérature : Place de la connectivité physique
                                                                                  Spécifiquement, il s’agit d’une part, de démontrer        dans les échanges commerciaux . . . . . . . . . . . . . 24
                                                                                  les effets de la connectivité physique par les        3   Evaluation empirique des effets de la connectivité
                                                                                  infrastructures de transport sur les échanges
                                                                                                                                            physique sur les échanges commerciaux de la CEMAC
                                                                                  commerciaux et, d’autre part, de tester les
                                                                                  effets de la connectivité par les infrastructures         27
                                                                                  de télécommunications sur le commerce inter-          4   Conclusion : implications de politique économique et
                                                                                  national. Après estimation, les effets distincts
                                                                                  de la connectivité physique sur les échanges
                                                                                                                                            recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32         22
                                                                                  commerciaux de la CEMAC sont déterminés.                  Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

                                                                                     Mots-clés : connectivité physique,
                                                                                  échanges commerciaux, modèle de gravité
                                                                                  augmenté et CEMAC

p.   35                                                                                        DIASPORAS CAMEROUNAISES ET SENEGALAISES :
                                                                                               QUELLES CONTRIBUTIONS AU DEVELOPPEMENT
                                                                                                               LOCAL ?
                                                                                                                                 Christian RIM
                                                                                                             
                                                                                                                 Juriste et Spécialiste des questions migratoires

     Diasporas camerounaises et sénégalaises : quelles contributions au
     développement local ?
     Christian RIM, juriste et spécialiste des questions migratoires.
                                                                                                       Résumé                           Table des matières
                                                                                       Si les contributions des diasporas sénéga-       1    Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
                                                                                  laises et camerounaises sont significatives, leurs
                                                                                  impacts à long terme apparaissent durablement         2    Etat des lieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
                                                                                  inefficaces dans le développement. L’absence          3    Migrants et acteurs locaux quelles synergies pour maxi-
                                                                                  de politiques migratoires qui favoriseraient la            miser l’apport au développement ? . . . . . . . . . . . 46
                                                                                  mise en place de mécanismes stratégiques et
                                                                                  structurels apparaît comme un frein dans la           4    Conclusion et recommandations . . . . . . . . . . . . . 49
                                                                                  perspective d’une véritable mobilisation. Ces              Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
                                                                                  constats et les conditions qui en découlent,
                                                                             35   analysés dans cette étude, sont à notre sens,
                                                                                  une solution ouvrant la perspective d’une
                                                                                  meilleure gouvernance du secteur migration
                                                                                  et développement, à l’échelle de ces espaces
                                                                                  nationaux et au niveau sub étatique. Cette
                                                                                  étude se veut un plaidoyer adressé aux Etats,
                                                                                  dans l’optique de la mise en place de politiques
                                                                                  publiques cohérentes, participatives et inclusives,
                                                                                  en matière de migrations, seules capables
                                                                                  d’articuler de façon pérenne, le développement
                                                                                  local au sein des contrées d’origine identifiées.

                                                                                      Mots-clés : diaspora, développement local,
                                                                                  transferts, migration
La Revue de L'Afrique des Idées
ÉDITO               2

L’Édito
                                      C’est un réel plaisir pour moi de vous faire tenir le
                                      tout premier numéro de la Revue de l’Afrique des Idées
                                      pour le compte de l’année 2018. Cela fait déjà un
                                      moment que cet exercice se perfectionne ici, et pour
                                      avoir tracé un troisième chemin qui décomplexifie la
                                      posture de l’Afrique et sa marche vers le progrès,
                                      nous avons choisi d’être ni pessimistes, ni optimistes
                                      mais plutôt responsables. Dans cette voie, la toute
                                      première évidence est de construire par idées,
                                      réflexions et actions, l’afro-responsabilité. De
                                      première main et de qualité éprouvée, nous vous
                                      livrons des réflexions très informées, diversifiées et
                                      particulièrement orientées vers des politiques
                                      publiques qui fonctionnent pour tous, leur
                                      performance et efficacité qui sont au nombre des
                                      plus grands défis de la nouvelle Afrique.
L’Afrique s’urbanise vite et l’impréparation des nouvelles villes accroît le déphasage entre
les exigences des milieux de vie urbains et les solutions suboptimales que les politiques
actuelles de gestion urbaine offrent. Dans une analyse comparée, le premier article de la
revue examine la question de la gestion des déchets et note que bien que le partenariat
public-privé ait pu être une alternative efficace, son déploiement et souvent la non-
identification de partenaires performants, l’inefficacité des mécanismes financiers de
collecte et l’engorgement du secteur par l’informel ne livrent que des résultats
suboptimaux. Les ensembles économiques régionaux sont au cœur du débat de la
performance économique et de l’intensification des échanges commerciaux intra-africains.
La contribution du second article est d’examiner le cas de la CEMAC et de renseigner les
effets de la connectivité physique [les infrastructures de transport & télécommunications]
sur les échanges commerciaux. Enfin, en prenant comme exemples le Sénégal et le
Cameroun, le dernier article de ce numéro vous livre une réflexion et un plaidoyer en
faveur de politiques publiques articulées autour de la question de la diaspora africaine
dans l’optique d’en faire une composante essentielle du développement de l’Afrique.

La Revue de l’Afrique des Idées a vocation à initier et alimenter le débat. Cette lecture à
laquelle nous invitons est à faire sans aucune restriction du jugement critique. La
qualité des contributions autant que les sujets qu’elles abordent, je le suspecte, vous en
donne une occasion ultime. Faites l’exercice et, nous l’espérons, le progrès de l’Afrique à
travers des politiques publiques performantes ne s’en portera que mieux.

Merci !

Boris Houenou, économiste
Directeur des publications de l’Afrique des Idées
La Revue de L'Afrique des Idées
R ENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE COLLECTE ET DE
                         TRI DES DÉCHETS DANS LES VILLES AFRICAINES

                                     Faten LOUKIL* et Lamia ROUACHED**

                                         *SEPAL, SIG, Université de Tunis
                               **LEGI, Ecole polytechnique, SG, Université de Tunis

                        Résumé                           Table des matières
        Les villes africaines sont aujourd’hui
                                                         1   Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
    confrontées à une situation urbaine critique
    marquée par une défaillance des structures de        2   Un état des lieux de la gestion des déchets ménagers
    gouvernance face à une production croissante             en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
    des déchets conjuguée à une forte croissance
    démographique et à une prolifération des             3   Les modalités de collecte des déchets en Afrique 10
    bidonvilles et de la pauvreté. Le renforcement des   4   Les bonnes pratiques de collecte et de traitement des
    capacités de gestion des déchets apparait comme          déchets en Afrique, vers une responsabilité partagée
    une priorité pour promouvoir le développement            des acteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
    urbain durable et assurer la stabilité politique,
    économique et sociale des villes.                    5   Conclusion et recommandations . . . . . . . . . . . . . 18
3   En partant d’un diagnostic des modes de                  Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
    production, de collecte et de traitement des
    déchets en Afrique, ce travail se penche sur
    une analyse des expériences de partenariat
    public-privé menées dans cinq villes africaines :
    Lomé (Togo), Yaoundé (Cameroun), Accra
    (Ghana), Ouagadougou (Burkina Faso) et Dakar
    (Sénégal). Il montre que les résultats obtenus
    restent au-dessous des objectifs escomptés. Le
    tâtonnement des autorités dans le choix des
    modes de partenariat appropriés, l’inefficacité
    des mécanismes financiers de collecte et la
    présence du secteur informel accentuent les
    dysfonctionnements et le chevauchement des
    responsabilités. Par ailleurs, les expériences
    innovantes de collecte des déchets en Afrique du
    Sud ou en Tunisie révèlent la nécessité de revoir
    les mécanismes de financement et d’aller vers
    une responsabilité partagée des acteurs.

         Mots-clés : collecte des déchets, partena-
    riat public-privé, renforcement des capacités,
    villes africaines
La Revue de L'Afrique des Idées
1     Introduction                                           privant les municipalités de ressources. Ceci
                                                             empêche d’atteindre un niveau optimal de
    Le bilan environnemental dans les
                                                             collecte des déchets qui garantit la rentabilité
pays africains révèle aujourd’hui, la forte
                                                             des investissements. Les politiques environ-
dégradation de l’environnement, liée à un
                                                             nementales doivent alors se focaliser sur les
usage intensif de ressources naturelles et un
                                                             incitations économiques qui développent
accroissement de la pollution (WWF-BAD,
                                                             l’activité de collecte, la valorisation et la
2012). L’empreinte écologique 1 dépasse de
                                                             réduction à la source des déchets.
plus en plus la bio capacité des pays, un
                                                             Ce travail se penche sur les politiques
déficit écologique qui creuse encore leur
                                                             nationales de gestion des déchets en Afrique.
vulnérabilité face à des modes d’exploitation
                                                             Il envisage de mettre en valeur les capacités
non appropriés et dévoile l’urgence de
                                                             à renforcer dans les pays africains afin de
mettre en place des stratégies durables. Le
                                                             garantir une amélioration de la collecte et de
réchauffement climatique, la sécheresse et
                                                             la valorisation des déchets. En partant d’une
les inondations augmentent la prolifération
                                                             analyse des efforts établis dans plusieurs
des maladies contagieuses et diminuent les
                                                             pays, des modèles de collecte dans les pays
moyens de subsistance, en particulier dans
                                                             développés et des expériences innovantes
les zones urbaines très peuplées (UN-Habitat
                                                             dans certains pays africains, nous montrons
2014). La gestion des déchets pose un
                                                             que le renforcement des capacités doit aller
problème majeur pour les pays africains,
                                                             dans le sens d’une responsabilité partagée
confrontés d’une part à une hausse des
                                                             des acteurs dans la collecte et la valorisation
déchets produits et d’autre part, à une inca-
                                                             des déchets. Il est clair que la réalisation d’un
pacité institutionnelle et organisationnelle à
                                                             tel objectif est tributaire des stratégies des
collecter et valoriser ces déchets. De façon
                                                             producteurs en amont, des consommateurs
générale, les pays en développement ont une
                                                             en aval et des politiques et instruments
production annuelle moyenne des déchets
                                                             définis par les décideurs publics. Elle est
par habitant qui varie de 180 à 240 kg, une
                                                             également subordonnée à l’organisation et au
quantité qui risque de doubler en raison de
                                                             développement de structures de collecte per-
l’industrialisation et l’évolution des modes
                                                             mettant un tri, traitement, valorisation et/ ou
de production et de consommation si les
                                                             élimination des déchets et ce, conformément
mesures adéquates ne sont pas prises pour
                                                             à la réglementation en vigueur.
infléchir cette progression.
                                                             Le papier est ainsi structuré en trois sections.
En matière de collecte des déchets, les
                                                             La première section apporte un diagnostic
stratégies adoptées par les pays africains
                                                             de la gestion des déchets en Afrique. Elle
revêtent plusieurs formes de partenariat
public-privé. En dépit de cette diversité, les
                                                             montre l’évolution quantitative et qualitative
                                                             de la production des déchets et révèle la
                                                                                                                 4
résultats obtenus restent au-dessous des
                                                             défaillance des systèmes de collecte et de
objectifs escomptés. Ainsi, le taux de collecte
                                                             traitement des déchets dans la plupart des
demeure faible en Afrique et les modalités
                                                             pays africains. En se basant sur le concept
de valorisation des déchets sont presque
                                                             de hiérarchisation des modes de gestion
inexistantes. Il en est de même pour le taux
                                                             des déchets qui classe les choix des modes
d’abonnement des ménages au service de
                                                             de traitement des déchets du meilleur
pré-collecte ou encore la cotisation financière
                                                             (prévention) au plus mauvais (traitement et
des producteurs des déchets. Par ailleurs,
                                                             décharge), nous montrons que la plupart des
l’inefficacité de mécanismes financiers pour
                                                             pays africains sont très loin d’une gestion
la collecte des déchets est un obstacle majeur
                                                             durable des déchets. La deuxième partie se
    1. La notion de déficit écologique est liée au concept   penche plus précisément sur le problème de
d’empreinte écologique. Lorsque l’utilisation des res-       collecte et analyse les différentes expériences
sources dépasse la capacité de régénérer les ressources
(bio capacité), nous sommes dans une situation de défi-
                                                             menées dans certaines villes africaines, à
cit écologique.                                              savoir Lomé (Togo), Yaoundé (Cameroun),
La Revue de L'Afrique des Idées
Renforcement des capacités de collecte et tri des déchets dans les villes africaines

    Accra (Ghana), Ouagadougou (Burkina Faso)                    le moins de déchets. En effet, la quantité pro-
    et Dakar (Sénégal). Les dysfonctionnements                   duite en Afrique subsaharienne représente
    des différents systèmes de collecte sont mis                 seulement 5% des déchets produits dans le
    en relief. La troisième partie revient sur                   monde (Banque mondiale, 2012). Cependant,
    le concept de responsabilité partagée des                    la croissance démographique en Afrique et
    acteurs et montre les expériences innovantes                 le mouvement croissant d’urbanisation sont
    dans certains pays comme l’Afrique du Sud                    alarmants. En effet, si les statistiques de la
    et la Tunisie. Ces expériences mettent en                    Banque mondiale (2012) nous signalent un
    valeur la nécessité de renforcer les capacités               risque de doublement de la quantité de dé-
    institutionnelles, humaines, de sensibilisation              chets globale (passer de 1,3 milliard de tonnes
    et de communication afin de créer une                        par an en 2012 à 2,2 milliard de tonnes par
    véritable dynamique dans le secteur de la                    an en 2025), nous remarquons que les prévi-
    collecte des déchets.                                        sions d’accroissement sont plus inquiétantes
                                                                 en Afrique subsaharienne. Contrairement aux
                                                                 pays développés, comme ceux de l’OCDE, qui
    2     Un état des lieux de la ges-                           ont réussi à infléchir cette tendance et à ré-
          tion des déchets ménagers                              duire le taux de production de déchets par
          en Afrique                                             habitant, la tendance est à la hausse dans les
                                                                 pays africains.
       A première vue, nous pouvons constater                    Dans la suite de cette partie, nous envisageons
    que les pays africains sont ceux qui produisent              de définir les facteurs qui peuvent accentuer
                   G RAPHIQUE 1 – Les perspectives d’évolution des déchets dans le monde

5

        Source : Banque mondiale 2012 a

        a. L’estimation des quantités de déchets urbaines et totales est basée sur les informations les plus récentes collectées
    par la Banque mondiale (2012) qui ne correspondent pas toujours à la même année. Les abréviations suivantes sont
    utilisées dans les graphiques. SAR : région Asie du Sud, OECD : Organisation de Coopération et de Développement
    Economiques, Mena : Moyen Orient et nord Afrique, LCR : Amérique Latine et Caraïbes, ECA : Europe et Asie Centrale,
    EAP : Asie de l’Est et Pacifique, Afrique : Afrique subsaharienne.
La Revue de L'Afrique des Idées
la production des déchets en Afrique. Nous         D’un autre côté, l’Afrique est confrontée à
montrons que les modes de valorisation des         une forte accélération du mouvement d’ur-
déchets par le recyclage ou le compostage          banisation avec un taux de 3,5% par an. Or,
sont quasiment absents et que la grande par-       les infrastructures de gestion de déchets ne
tie des déchets produite se termine dans les       permettent pas de faire face à ce rythme sou-
décharges sauvages des pays africains.             tenu d’urbanisation. Ensuite, dans les zones
2.1   Structure et caractéristiques des            rurales, ces infrastructures sont inexistantes
                                                   ce qui accentue le mouvement d’exode rural
      déchets en Afrique
                                                   et renforce la pauvreté (Lall et al., 2017). L’ur-
     Plusieurs facteurs influencent la produc-     banisation, le changement des modes de vie et
tion des déchets dans les pays africains. De fa-   l’industrialisation devraient accentuer davan-
çon générale, la production des déchets révèle     tage la production des déchets et augmenter
nos habitudes de consommation et notre orga-       la complexité et la diversité des déchets en
nisation économique (Guerrero et al. 2012).        Afrique (Graphique 2).
Elle varie ainsi en fonction du climat, du tou-    Par ailleurs, une caractéristique commune des
risme et de la démographie. La composition         pays en développement est l’importance de
d’une famille, son niveau d’éducation et son       la composante organique (Graphique 3) de
revenu mensuel ont aussi un impact sur les         déchets dont le taux est aussi corrélé au ni-
déchets produits (Sujauddin et al. 2008).          veau de revenu. Dans les pays à revenu faible,
Il y a par ailleurs une forte corrélation entre    la proportion des déchets organiques est de
le niveau de revenu et la quantité produite        64% en moyenne, pour les pays à revenu in-
de déchets comme le montre le Graphique 1.         termédiaire faible, le taux baisse à 59%. Pour
Ainsi, dans les pays à revenu élevé, la produc-    les pays à revenu intermédiaire mais élevé, le
tion des déchets par jour et par habitant est      taux est de 54%. En revanche dans les pays
estimée en moyenne à 2,13 kg, en revanche          développés, les déchets organiques sont esti-
dans les pays à revenu faible, la moyenne de       més à seulement 28% de la quantité globale
production est de 0,6 kg.

               G RAPHIQUE 2 – Evolution de la population urbaine dans le monde

                                                                                                        6

   Source : Banque mondiale 2012
La Revue de L'Afrique des Idées
Renforcement des capacités de collecte et tri des déchets dans les villes africaines

    des déchets (Banque mondiale 2012) 2 .
    L’accroissement des revenus et l’amélioration                 2.2    Collecte et traitement des dé-
    du niveau de vie s’associent aussi à un chan-
                                                                         chets en Afrique
    gement qualitatif des déchets. Ainsi, quand
    le revenu d’un pays augmente, la proportion                       Une analyse plus approfondie de la quan-
    biodégradable diminue alors que les déchets                   tité de déchets produite dans les villes afri-
    en plastiques, en papier et autres matériaux                  caines montre une forte disparité entre des
    synthétiques augmentent (Banque mondiale                      villes liée à une inégalité des revenus et au
    2012). Les conséquences environnementales                     rythme de développement. Ainsi, la quantité
    d’une telle mutation qualitative sont néfastes                produite est inférieure à 0,4 Kg/j/hab dans
    car les déchets non biodégradables néces-                     des villes comme Accra, Conakry, Madagascar
    sitent plus de temps pour se décomposer. En                   alors que dans d’autres villes comme Abid-
    Afrique, la part organique est la plus impor-                 jan ou Zinder, le taux est aux alentours de
    tante, mais elle risque de baisser avec le mou-               1kg/j/hab.
    vement d’industrialisation des économies.                         D’après le Graphique 5, nous pouvons re-
                                                                  marquer que le taux de collecte de déchets est
        2. Ces chiffres se basent sur une collecte d’informa-
    tion faite par la Banque mondiale et puisée dans les
                                                                  très faible, il ne dépasse pas les 50% dans la
    documents officiels, les rapports des organismes inter-       plupart des villes 3 . Ainsi, même si le volume
    nationaux et les informations tirées d’articles publiés
    dans des revues impactées. La Banque mondiale uti-               3. L’analyse comparative chiffrée est à prendre avec
    lise d’autres indicateurs pour déterminer l’information       précaution. Bien que les données appartiennent à la
    quand elle n’est pas disponible. Ainsi, lorsque l’indica-     même source publiée en 2012, elles concernent des
    teur disponible est par exemple, la quantité globale des      années différentes. Par exemple, pour Ouagadougou, le
    déchets et qu’elle souhaite déterminer la quantité par        pourcentage est relevé en 1995 alors que celui de Lomé
    habitant, elle utilise l’indicateur de la population totale   est relatif à 2002. A ce problème d’hétérogénéité des
    urbaine.                                                      années s’ajoute une certaine divergence entre certaines
                                                                  statistiques publiées par les différentes sources et ce,

                        G RAPHIQUE 3 – Composition des déchets dans les pays africains

7

       Source : Banque mondiale 2012 a

       a. La composition des déchets est en pourcentage. La catégorie "autres" comporte les autres déchets (céramique,
    textile, cuir, caoutchouc, déchets volumineux, articles ménagers, etc).
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G RAPHIQUE 4 – La production des déchets dans les villes africaines

Source : Banque mondiale 2012

              G RAPHIQUE 5 – La collecte des déchets dans les villes africaines

                                                                                  8

Source :Banque mondiale 2012
La Revue de L'Afrique des Idées
Renforcement des capacités de collecte et tri des déchets dans les villes africaines

    de déchets est moins important en Afrique                     effet, la quasi-totalité des déchets des villes
    comparé aux pays développés, la quantité non                  Africaines est jetée dans des décharges sans
    collectée demeure très élevée. Les impacts                    aménagement préalable permettant de pré-
    environnementaux et sociaux d’une telle si-                   server la santé des riverains (Tableau 1). Ces
    tuation sont croissants quantitativement et                   orientations amènent à réfléchir sur les modes
    qualitativement. En effet, les déchets non                    de traitement les plus adaptés en Afrique. De
    collectés aggravent à court et à long terme                   façon générale, le concept de hiérarchisation
    la pollution des sols, des ressources halieu-                 des déchets permet de classer les différents
    tiques et les risques sanitaires. D’un autre côté,            modes de traitement du « meilleur au pire »
    il est intéressant de constater que certaines                 en allant de la prévention et la valorisation à
    villes ont réussi à avoir des taux de collecte                l’élimination des déchets avec réduction des
    plus élevés et supérieurs à 70%. Certains tra-                impacts sur l’environnement.
    vaux ont souligné une amélioration du taux                         - En premier lieu, la prévention des dé-
    de collecte dans les zones gérées par le sec-                        chets consiste à réfléchir à un mode
    teur privé (Okot okumou et Neynje 2011, Ki-                          de production et de consommation qui
    rama et Mayo 2016). Concernant le choix                              réduit à l’origine la quantité des dé-
    d’un mode de traitement, plusieurs facteurs                          chets. Les méthodes d’éco-conception
    économiques, sociaux et environnementaux                             ou d’analyse de cycle de vie ont comme
    interviennent dans le choix d’un mode de trai-                       objectif d’intégrer le problème de la ges-
    tement tels que la composition des déchets,                          tion des produits dès la phase de pro-
    la densité de population et l’emplacement                            duction.
    des centres de transfert des déchets (Huh-
    tala 1997, Dalemo et al. 1998, Jenkins et al.                      - En deuxième lieu, il faut promouvoir
    2000, Palmer et al. 1997, Hong 1999). Dans                           la valorisation en considérant le déchet
    les pays africains, les décharges non contrô-                        comme un nouveau bien économique
    lées et le recyclage par le secteur informel                         qui peut apporter une valeur ajoutée. Le
    représentent le mode d’élimination dominant                          recyclage est alors le mode de valorisa-
    des déchets (Tabarly et Maccagalia, 2008). En                        tion des déchets, qui par l’intermédiaire
                                                                         d’une transformation, réinsère le pro-
    pour la même période et la même ville. Ainsi, pour la                duit utilisé dans le circuit économique
    période 2000-2003, à Lomé, le taux de collecte publié
                                                                         (De Beir et al., 2007).
    par Folléa et al. (2001) est de 30% alors que celui publié
    par la Banque mondiale (2012) est de 42%. De même                  - En troisième lieu, l’enfouissement des
    pour Dakar, le taux de collecte est 77% pour la première             déchets ou la mise en décharge appa-
    source, en revanche, il ne dépasse pas les 40% pour la
                                                                         raît sur le plan environnemental comme
9   seconde.
                                                                         la solution la moins recommandée. Un

    TABLEAU 1 – Compraison des modes de traitement des déchets dans les pays de l’Afrique et ceux
                                           de l’OCDE

                                          Pays de l’Afrique subsaharienne                          Pays de l’OCDE
                                    (en million de tonnes)       (en pourcentage)   (en million de tonnes)   (en pourcentage)
     Décharges non contrôlées                 2,30                    43,80                   -                       -
     Décharges contrôlées                     2,60                    49,52                  242                    42,23
     Compostage                               0,05                    0,95                   66                     11,51
     Recyclage                                0,14                    2,66                   125                    21,81
     Incinération                             0,05                    0,95                   120                    20,94
     Autres                                   0,11                    2,09                   20                      3,49
     Total                                    5,25                   100,00                  573                    100,00

                                                  Source : Banque mondiale 2012
tel choix génère un gaspillage des res-     différent à la fois au niveau des acteurs et in-
       sources et engage une responsabilité        tervenants impliqués, et plus en amont du pro-
       environnementale future. Les déchets        cessus de gestion, au niveau des structures de
       déposés dans les décharges en Afrique       collecte des déchets. Dans cette perspective,
       sont en effet responsables de 8,8% des      la présente section propose un aperçu des
       émissions de gaz à effet de serre, notam-   modalités de collecte des déchets en Afrique.
       ment le méthane connu pour sa forte         Nous concentrons l’analyse sur les déchets des
       nocivité (Couth et Trois 2012). La mise     produits de consommation courante en don-
       en décharge contribue aussi à pollution     nant des repères chiffrés révélant la situation
       de la nappe phréatique par le lixiviat      de plusieurs villes africaines.
       accentuant ainsi le stress hydrique.        3.1   Les modalités du partenariat
D’après ce concept de hiérarchisation, on re-            public-privé (PPP)
marque que les pays africains se situent au bas
                                                        Dans la plupart des pays en développe-
de l’échelle car les modes de traitement les
                                                   ment, la gestion des déchets est au centre des
plus fréquents sont les décharges sauvages et
                                                   préoccupations des gouvernements. En effet,
à un niveau moins élevé, les décharges contrô-
                                                   il est généralement admis que ce processus est
lées. Le recyclage et le compostage sont les
                                                   du ressort des autorités locales. Le développe-
modes de traitement qui ont le moins d’im-
                                                   ment rapide des volumes de déchets générés
pact sur l’environnement mais ce sont les
                                                   a remis en question la capacité des municipa-
modes les moins utilisés dans les pays afri-
                                                   lités à résoudre seules le problème en raison
cains.
                                                   surtout des facteurs financiers. En effet, face
    La collecte des déchets apparait alors
                                                   aux dépenses importantes nécessaires pour
comme l’un des maillons faibles dans la
                                                   réaliser les services appropriés de gestion des
chaine de gestion intégrée des déchets en
                                                   déchets, les ressources limitées des autori-
Afrique. Pourtant, la littérature économique
                                                   tés locales et la réticence des utilisateurs à
propose une multitude d’instruments écono-
                                                   payer pour le service de prélèvement sont
miques (Walls 2006, Palmer et Walls 1999)
                                                   parmi les facteurs qui entravent l’efficacité
pour l’améliorer.
                                                   du système (Guerrero et al., 2012). A Lomé
3     Les modalités de collecte des                par exemple, le mouvement de l’urbanisation
                                                   et le changement du mode de vie se sont ac-
      déchets en Afrique                           compagnés d’une prolifération de déchets. La
    La prolifération des quantités de déchets      quantité produite est alors estimée à environ
générés dans de nombreux pays africains a          800 tonnes chaque jour, sur la base d’une pro-
suscité les inquiétudes de la majorité des par-
ties prenantes. La diversité des systèmes exis-
                                                   duction journalière de 0,91 kg/hab (Koledzi,
                                                   2011). Désormais, la pré-collecte des déchets
                                                                                                      10
tants traduit des modes d’organisation qui         n’est plus un service public gratuit rendu aux

                          G RAPHIQUE 6 – Modalités de gestion des déchets

    Source : Adapté de Tremblay (2010)
Renforcement des capacités de collecte et tri des déchets dans les villes africaines

     ménages sans paiement de redevance. C’est              des ménages. L’incapacité financière du sec-
     aussi le cas de nombreux pays africains même           teur public à continuer à supporter les charges
     s’il existe de fortes disparités au sein du conti-     de la gestion des déchets a conduit à la rési-
     nent.                                                  liation de son contrat avec la société privée.
          Ainsi, en Afrique, les années 1970                Ainsi, après diverses tentatives d’organisation
     marquent l’initiation du secteur privé dans            de la chaîne de collecte de déchets, la struc-
     la gestion des déchets solides. Les modalités          ture actuelle de gestion des déchets repose
     d’organisation du PPP varient dans l’espace            sur la participation de divers acteurs : la Di-
     et dans le temps. Les choix dépendent des              rection des Services Techniques (DST) de la
     pays. A noter qu’un même pays peut expé-               mairie, des Directions techniques des minis-
     rimenter successivement plusieurs schémas              tères, des entreprises privées, des associations
     à la recherche d’une modalité optimale de              et ONG de pré-collecte et des Comités de Dé-
     répartition des missions entre ces deux pôles.         veloppement de Quartier. Le socle organisa-
                                                            tionnel régissant leurs activités bénéficie des
          Les gouvernements semblent hésiter entre          retombées positives de la coopération entre
     les modes de coopération que peuvent revê-             la municipalité et des partenaires en déve-
     tir les formes de PPP. La délégation peut être         loppement tels que la Banque mondiale, la
     totale ou partielle, partagée avec les autori-         Coopération française et l’Agence Française
     tés publiques. Il est clair que les décisions          de Développement (AFD). D’ailleurs, le projet
     stratégiques restent du ressort des autorités          PEUL 4 , conclu entre la DST et l’AFD vise à
     publiques (Etat ou dans une perspective dé-            la réorganisation de la filière pré-collecte et
     centralisée, la commune ou la municipalité),           collecte et prévoit notamment la construction
     en revanche les décisions opérationnelles, se          d’espaces contrôlés pour le regroupement des
     prêtent mieux aux différentes formes de PPP.           déchets. Ces coopérations décentralisées four-
     Quelle que soit la stratégie choisie, la question      nissent à la commune de Lomé une assistance
     qui se pose est celle du financement du service        humaine, financière et technique. Sur le plan
     privé. Au Burkina Faso, par exemple, ce sont           opérationnel, les activités de pré-collecte sont
     les ménages qui payent des cotisations direc-          sous-traitées et le plus souvent, assurées par
     tement aux entreprises privées alors qu’au Sé-         les associations et ONG et l’acheminement
     négal, ces dernières sont liées par des contrats       vers la décharge finale est réalisé par les en-
     passés avec les pouvoirs publics.                      treprises privées. Si les premières opérations
          La gestion des déchets implique l’inter-          s’effectuent contre des redevances payées par
     vention d’un grand nombre d’acteurs. Très              les ménages bénéficiaires du service, les en-
     schématiquement, deux types d’intervenants             treprises privées sont liées à la municipalité
11   peuvent être distingués : ceux qui s’occupent
     du fonctionnement opérationnel des activi-
                                                            par des contrats. La municipalité a mis en
                                                            place le système de pesage afin de lier la ré-
     tés de la gestion des déchets, ceux qui cha-           munération au poids de déchets effectivement
     peautent ces activités et qui s’intéressent plu-       transporté à la décharge à la place du nombre
     tôt à l’organisation globale. Les liens entre ces      de voyages effectués.
     deux formes d’action sont régis par l’existence             En dépit de cette prise de conscience géné-
     à la fois d’enjeux économiques et d’enjeux             rale de l’importance du processus de collecte
     politiques.                                            (et pré-collecte), les résultats en termes de
     3.1.1   La ville de Lomé                               taux de collecte restent encore insuffisants.
                                                            Considéré comme le maillon le moins per-
         Jusqu’au milieu des années 90, la gestion          formant de la chaîne de gestion des déchets,
     des déchets à Lomé (Togo) était confiée à une          ce processus est toutefois capable de déclen-
     seule entreprise privée (SOTOMEA), dont les            cher des stratégies ambitieuses au niveau des
     activités étaient financées entièrement par le
     budget de la commune avec une subvention                   4. Le Projet Environnement Urbain de Lomé PEUL,
                                                             phase I, est estimé à 8 millions d’euros pour une période
     de l’Etat togolais, sans aucune contribution            de cinq ans entre 2007 et 2012 (AFD, 2012)
autres processus tels que le traitement, la va-    confiée à Waste Management Departement
lorisation énergétique des déchets et le recy-     (WMD). Dans un contexte de renforcement
clage.                                             de la politique de décentralisation, AMA déci-
3.1.2   La ville de Yaoundé                        dait du budget, des dépenses, des politiques
                                                   et des priorités et WMD prenait en charge
     La ville de Yaoundé (Cameroun) a opté en      exclusivement la collecte, le transport et le
1968 pour une délégation totale du système         traitement des déchets solides du territoire.
de collecte des déchets pour le compte d’une       Ce partage n’a pas donné les résultats escomp-
seule société privée HYSACAM (Hygiène et           tés à cause des problèmes de financement et
Salubrité du Cameroun, ancienne filiale de la      de la dépendance financière de WMD vis-à-vis
Lyonnaise des Eaux - France). La crise éco-        de AMA et de l’échec de la tentative de mise
nomique de 1987 au Cameroun a contribué            en place du système de paiement « Pay As
notamment à la rupture des activités de la         You Dump » auprès des ménages (Benrabia,
société HYSACAM en 1991. Face à cette situa-       2003).
tion, et à l’instar de la ville de Lomé, des co-       Les projets pilotes de privatisation de la
opérations entre l’Etat et d’autres partenaires    collecte des déchets se sont consolidés au mi-
tels que la Coopération Française et la Banque     lieu des années 90 confirmant la nécessité de
mondiale ont été mises en place en vue de          l’implication du secteur privé dans le proces-
soutenir financièrement l’implication des as-      sus de gestion des déchets. En 1999, une inter-
sociations, des ONG et des groupes organisés.      vention gouvernementale a entraîné un rema-
Mais, ces différentes tentatives ont échoué        niement dans la structure de privatisation à
au profit de la reprise, en 1998, des activi-      Accra. Désormais, AMA avait un interlocuteur
tés de HYSACAM. C’est ainsi qu’un contrat          unique en position de monopole avec qui elle
liant cette dernière à l’Etat a été signé stipu-   a signé un contrat pour une délégation de la
lant en outre que les attributions de maîtrise     collecte des déchets : City Country Waste Ltd -
d’ouvrage sont confiées à la Communauté Ur-        CCWL (consortium d’entreprises canadiennes
baine de Yaoundé (CUY). Le processus de ges-       et ghanéennes). S’il est vrai qu’en huit mois,
tion des déchets se schématise encore une          le volume collecté a doublé, les charges fac-
fois en trois étapes uniquement : la collecte,     turées à AMA se sont multipliées par 20 com-
le transport et le traitement. Cette dernière      paré à celles payées aux PME privées (Quénot,
se limitant à la mise en décharge contrôlée        2010). Le contrat a donc finalement été arrêté
des déchets ménagers collectés (Sotamenou,         en 2000 et a donné lieu à la reprise de la col-
2005). La délégation totale de la gestion de       laboration avec les opérateurs privés locaux.
déchet à une seule entreprise privée permet        La ville est divisée en zones de ramassage,
certes de réduire les interlocuteurs avec l’Etat
mais comporte des inconvénients liés à la po-
                                                   chacune est attribuée à une entreprise privée
                                                   sous contrat avec AMA.
                                                                                                     12
sition de monopole. L’absence de concurrence           La structure de collecte des déchets à Ac-
au niveau opérationnel réduit la position de       cra n’est pas encore stabilisée, la recherche
l’Etat dans ses négociations avec son parte-       d’une meilleure modalité de privatisation est
naire (prix, quantité, fréquences, logistique et   au cœur des investigations. L’effort des pou-
moyens mobilisés...).                              voirs publics doit s’orienter davantage, d’une
3.1.3   La ville d’Accra                           part, vers l’implication des ménages dans le
    L’intervention du privé dans la gestion des    processus de collecte pour éviter les dépôts
déchets à Accra s’est justifiée par l’incapacité   sauvages et d’autre part, vers l’optimisation
du secteur public à gérer seul le processus        des coûts de la collecte, en particulier, dans
de gestion de déchets. En effet, dès 1985, et      les zones les plus denses.
suite aux volumes importants de déchets non        3.1.4   La ville d’Ouagadougou
collectés sur le territoire de Accra Metropoli-       Dans la perspective de privatisation du sec-
tan Assembly (AMA), la charge a été d’abord        teur gestion des déchets, les expériences de
Renforcement des capacités de collecte et tri des déchets dans les villes africaines

     la ville d’Accra (Ghana) présentent de fortes            d’Aménagement urbain du Sénégal) et fina-
     similitudes avec celles menées par la ville de           lement, en 2003, AMA-Sénégal (une filiale
     Ouagadougou (Burkina Faso). L’étude menée                de la multinationale italienne AMA 6 - Rome)
     dans le cadre de l’AFD (Folléa et al., 2001) a           est retenue suite à un appel d’offres lancé sur
     révélé les défaillances du système de collecte           le marché international sur contrats passés
     à Ouagadougou. Depuis, la gestion des dé-                entre l’autorité publique et un monopole. Le
     chets solides a été réorganisée par le schéma            schéma de gestion de déchets avec la société
     directeur de gestion des déchets (SDGD), mis             AMA-Sénégal fonctionnait par un recours à
     en place en 2005. La municipalité de Oua-                des sous-traitants privés assurant la collecte,
     gadougou a initié un projet de privatisation             le transport des déchets et l’acheminement
     dans le domaine de gestion des déchets. Elle             vers la décharge. L’année 2005 était marquée
     souhaite désormais uniformiser les modes de              par la résiliation du contrat qui liait le
     gestion des déchets (Meunier-Nikiema, 2007).             Ministère des collectivités locales et de la
     La pré-collecte est organisée en subdivisant             décentralisation à AMA-Sénégal. La collecte
     le territoire en 12 zones exclusives compor-             des déchets dans la région de Dakar est une
     tant des centres de collecte construits par la           fois encore du ressort de l’Etat. Depuis, la
     municipalité. Elle est assurée par des opéra-            maîtrise d’ouvrage de la gestion est assurée
     teurs privés et accompagnée par une dizaine              par l’Agence pour la Propreté de Dakar
     d’ONG. Le traitement commence à la récep-                (APRODAK) devenue ensuite Agence pour
     tion des déchets au Centre de Traitement et              la Propreté du Sénégal (APROSEN). Pour
     de Valorisation des Déchets 5 . Ils sont ensuite         une phase transitoire, le gouvernement du
     pesés et répartis selon leur nature (déchets             Sénégal a transféré le programme de gestion
     ménagers, industriels et spéciaux, biomédi-              des déchets solides de la région de Dakar
     caux) vers les cellules d’orientation. Ainsi, les        à une nouvelle structure inter municipale
     déchets organiques ou fermentescibles sont               regroupant l’ensemble de la région Dakar :
     acheminés jusqu’à la zone de compostage et               l’Entente CADAK/CAR (Communauté d’Ag-
     les autres sont enfouis.                                 glomération de Dakar/Communauté des
         Ouagadougou cherche à exploiter l’oppor-             Agglomérations de Rufisque). Par conséquent,
     tunité de mise en œuvre des politiques inter-            si l’on se concentre sur la période postérieure
     nationales de coopération en mettant surtout             à 2001, il apparaît que la maîtrise d’ouvrage
     l’accent sur l’organisation de l’amont de la fi-         de la gestion des déchets oscille entre les
     lière déchets et en accompagnant le processus            ministères publics centraux et la structure
     jusqu’à l’étape de traitement.                           municipale locale à l’image de l’instabilité de
     3.1.5    La ville de Dakar                               la tutelle institutionnelle de l’APROSEN qui
13       A Dakar (Sénégal), la gestion des déchets
                                                              a relevé des ministères chargés de l’environ-
                                                              nement, du cadre de vie, de l’hygiène ou des
     solides s’est caractérisée par une forte                 collectivités locales. Notons enfin qu’en 2012,
     instabilité institutionnelle qui s’est davantage         on assiste à une reprise de la compétence de
     accentuée durant la dernière décennie.                   la gestion des déchets à la mairie de Dakar 7 .
     Bien que le financement soit entièrement
     public, l’organisation reposait sur un recours               En l’absence d’un cadre institutionnel
     au secteur privé. La privatisation de la                 stable et favorable aux investissements privés,
     gestion des déchets n’est pas un phénomène               le PPP n’a pas permis d’atteindre les objectifs
     récent à Dakar, le recours à une entreprise              souhaités dans la ville de Dakar. En outre, les
     privée remonte aux années 1970. Ainsi se                 changements successifs des modes d’organisa-
     succèdent : la SOADIP (SOciété Africaine                 tion et des organismes de tutelles ne s’accom-
     de DIffusion et de Promotion), remplacée,
     en 1985, par la SIAS (Société Industrielle                  6. Azienda Municipale Ambiente
                                                                 7. L’aperçu chronologique s’appuie sur les réfé-
        5. Synthèse à partir de deux sources : Cisse (2011)   rences de Folléa et al. (2001), de Diouf et Fredericks
     et Toguyeni (2006)                                       (2013) et de Diop (2013).
pagnent généralement pas par des processus          intervenants. Elle doit veiller à une meilleure
d’évaluation des expériences précédentes ca-        coordination entre les agents opérationnels
pables de suggérer des pistes d’amélioration.       en évitant les relations conflictuelles entre
3.2     Les capacités à renforcer : les en-         les opérateurs telles celles relevées à Accra
                                                    par exemple. Les opérateurs se livraient à
        jeux liés à la présence de la struc-
                                                    une concurrence acharnée en se disputant les
        ture informelle
                                                    quartiers à fort revenu creusant la différencia-
    Nous l’avons vu, au fil du temps, les choix     tion des services entre les quartiers. La mise
stratégiques sont marqués par une sorte de          à disposition doit prévoir des équipements
tâtonnement d’autant plus que la frontière          adaptés à l’infrastructure de la ville et inclure
entre les modes de PPP n’est pas toujours           les critères de disponibilité des pièces de
claire. Une réflexion doit alors être menée         rechange, de la main d’œuvre qualifiée
pour redresser l’assise officielle (les pouvoirs    et les coûts de réparation lors du choix
publics- centraux et locaux, les associations,      des opérateurs privés. Une évaluation des
les opérateurs impliqués dans les phases de         résultats des systèmes de collecte antérieurs
pré-collecte, de collecte, de transport, de trai-   est nécessaire dans une perspective d’amélio-
tement et d’élimination. . . ) et introduire de     ration des dispositifs actuels. L’introduction
nouveaux acteurs.                                   des indicateurs de performance permet non
3.2.1    Renforcer l’assise officielle actuelle     seulement une évaluation objective des
                                                    résultats obtenus mais contribue aussi à
   Le renforcement de l’assise officielle peut
                                                    prévoir des actions correctives et préventives
porter sur les volets suivants :
                                                    adaptées.
    Structure institutionnelle et encadre-
                                                        Organisation et contrôle des activités
ment réglementaire : Au Cameroun, les
                                                    sous-traitées : Les opérateurs privés sont
activités de contrôle sont soumises à quatre
                                                    tenus de respecter les cahiers des charges
ministères. La répartition des missions n’étant
                                                    conclus avec la Direction. Une sensibilisation
pas clairement définie, cela crée des situa-
                                                    et une formation de leur personnel contri-
tions d’ambiguïté et un chevauchement des
                                                    buent à accroître le taux de collecte et à mieux
responsabilités. Dans la même perspective,
                                                    cibler le type de déchets collectés dans une
une coordination optimale des actions de
                                                    perspective de recyclage et de revalorisation.
partenariat avec les institutions nationales,
                                                    L’amélioration des résultats est également tri-
les ONG et les partenaires internationaux
                                                    butaire des pratiques de collecte mises en
s’impose. Par ailleurs, le niveau de restriction
                                                    avant. Le cas échéant, subordonner la prime
imposé par les lois varie selon les pays mais
un point commun les caractérise : une insuffi-
                                                    et la cotisation aux volumes et aux types de
                                                    déchet collecté.
                                                                                                        14
sance quant au respect de la réglementation
en vigueur. Les causes d’un décalage peuvent        3.2.2   Introduire des nouveaux acteurs
être liées à des difficultés à respecter la             La capacité à intégrer le secteur in-
réglementation, à l’ignorance de l’existence        formel : La structure informelle est active
d’une exigence, à l’incompréhension du              tout au long de la filière de la collecte et
contenu de l’exigence ou encore à l’insuffi-        gestion des déchets. Comme l’a souligné
sance des actions de sensibilisation. . . des       Oguntoyinbo (2012), l’intégration de cette
représailles pouvant être des réponses à des        structure ne pourra être que bénéfique
comportements d’insouciance.                        permettant d’optimiser la collecte dans les
                                                    quartiers les plus défavorisés et d’améliorer
    Planification, mise à disposition des           les résultats du recyclage. Actuellement, le
ressources financières et contrôle : La             recyclage informel passe par un tri manuel
planification doit permettre d’établir une          des déchets mélangé à la recherche des
stratégie transparente et accessible à tous les     matières valorisées par les acheteurs. Ce
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