La Revue de L'Afrique des Idées
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La Revue de L’Afrique des Idées Septembre 2018 | N° 2-2018 DANS CETTE ÉDITION : Renforcement des capacités de Connectivité physique et collecte et de tri des déchets dans échanges commerciaux de la les villes africaines CEMAC Faten LOUKI et Lamia ROUACHED Dr. Ludé DJAM’ANGAI Diasporas camerounaises et sénégalaises : quelles contributions au développement local ? Christian RIM
SOMMAIRE 1 La Revue de L’Afrique des Idées p. 2 L’Édito p. 3 R ENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE LA COLLECTE DE DÉCHETS ET DU TRI DES DÉCHETS DANS LES VILLES AFRICAINES Renforcement des capacités de collecte et de tri des déchets dans les villes africaines. Résumé Table des matières Faten Loukil, SEPAL, ISG, Université de Tunis et Les villes africaines sont aujourd’hui 1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 confrontées à une situation urbaine critique marquée par une défaillance des structures de 2 Un état des lieux de la gestion des déchets ménagers gouvernance face à une production croissante en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 des déchets conjuguée à une forte croissance 3 Les modalités de collecte des déchets en Afrique 10 démographique et à une prolifération des bidonvilles et de la pauvreté. Le renforcement des 4 Les bonnes pratiques de collecte et de traitement des capacités de gestion des déchets apparait comme déchets en Afrique, vers une responsabilité partagée une priorité pour promouvoir le développement des acteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Lamia Raouched, LEGI, Ecole Polytechnique, Université de Tunis. urbain durable et assurer la stabilité politique, économique et sociale des villes. 5 Conclusion et recommandations . . . . . . . . . . . . . 18 En partant d’un diagnostic des modes de Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 production, de collecte et de traitement des déchets en Afrique, ce travail se penche sur 3 une analyse des expériences de partenariat public-privé menées dans cinq villes africaines : Lomé (Togo), Yaoundé (Cameroun), Accra (Ghana), Ouagadougou (Burkina Faso) et Dakar (Sénégal). Il montre que les résultats obtenus restent au-dessous des objectifs escomptés. Le tâtonnement des autorités dans le choix des modes de partenariat appropriés, l’inefficacité des mécanismes financiers de collecte et la présence du secteur informel accentuent les dysfonctionnements et le chevauchement des responsabilités. Par ailleurs, les expériences innovantes de collecte des déchets en Afrique du Sud ou en Tunisie révèlent la nécessité de revoir les mécanismes de financement et d’aller vers une responsabilité partagée des acteurs. Mots-clés : collecte des déchets, partena- riat public-privé, renforcement des capacités, 22 villes africaines p. C ONNECTIVITÉ P HYSIQUE ET É CHANGES C OMMERCIAUX DE LA CEMAC Dr. Ludé DJAM’ANGAI LAEREAG, Université de N’Djamena Connectivité physique et échanges commerciaux de la CEMAC. Dr. Ludé DJAM’ANGAI , chercheur LAEREAG, Université de N’Djamena. Résumé L’objectif général de ce travail est de Table des matières 1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 déterminer les effets de la connectivité physique sur les échanges commerciaux de la CEMAC. 2 Revue de littérature : Place de la connectivité physique Spécifiquement, il s’agit d’une part, de démontrer dans les échanges commerciaux . . . . . . . . . . . . . 24 les effets de la connectivité physique par les 3 Evaluation empirique des effets de la connectivité infrastructures de transport sur les échanges physique sur les échanges commerciaux de la CEMAC commerciaux et, d’autre part, de tester les effets de la connectivité par les infrastructures 27 de télécommunications sur le commerce inter- 4 Conclusion : implications de politique économique et national. Après estimation, les effets distincts de la connectivité physique sur les échanges recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 22 commerciaux de la CEMAC sont déterminés. Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Mots-clés : connectivité physique, échanges commerciaux, modèle de gravité augmenté et CEMAC p. 35 DIASPORAS CAMEROUNAISES ET SENEGALAISES : QUELLES CONTRIBUTIONS AU DEVELOPPEMENT LOCAL ? Christian RIM Juriste et Spécialiste des questions migratoires Diasporas camerounaises et sénégalaises : quelles contributions au développement local ? Christian RIM, juriste et spécialiste des questions migratoires. Résumé Table des matières Si les contributions des diasporas sénéga- 1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 laises et camerounaises sont significatives, leurs impacts à long terme apparaissent durablement 2 Etat des lieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 inefficaces dans le développement. L’absence 3 Migrants et acteurs locaux quelles synergies pour maxi- de politiques migratoires qui favoriseraient la miser l’apport au développement ? . . . . . . . . . . . 46 mise en place de mécanismes stratégiques et structurels apparaît comme un frein dans la 4 Conclusion et recommandations . . . . . . . . . . . . . 49 perspective d’une véritable mobilisation. Ces Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 constats et les conditions qui en découlent, 35 analysés dans cette étude, sont à notre sens, une solution ouvrant la perspective d’une meilleure gouvernance du secteur migration et développement, à l’échelle de ces espaces nationaux et au niveau sub étatique. Cette étude se veut un plaidoyer adressé aux Etats, dans l’optique de la mise en place de politiques publiques cohérentes, participatives et inclusives, en matière de migrations, seules capables d’articuler de façon pérenne, le développement local au sein des contrées d’origine identifiées. Mots-clés : diaspora, développement local, transferts, migration
ÉDITO 2 L’Édito C’est un réel plaisir pour moi de vous faire tenir le tout premier numéro de la Revue de l’Afrique des Idées pour le compte de l’année 2018. Cela fait déjà un moment que cet exercice se perfectionne ici, et pour avoir tracé un troisième chemin qui décomplexifie la posture de l’Afrique et sa marche vers le progrès, nous avons choisi d’être ni pessimistes, ni optimistes mais plutôt responsables. Dans cette voie, la toute première évidence est de construire par idées, réflexions et actions, l’afro-responsabilité. De première main et de qualité éprouvée, nous vous livrons des réflexions très informées, diversifiées et particulièrement orientées vers des politiques publiques qui fonctionnent pour tous, leur performance et efficacité qui sont au nombre des plus grands défis de la nouvelle Afrique. L’Afrique s’urbanise vite et l’impréparation des nouvelles villes accroît le déphasage entre les exigences des milieux de vie urbains et les solutions suboptimales que les politiques actuelles de gestion urbaine offrent. Dans une analyse comparée, le premier article de la revue examine la question de la gestion des déchets et note que bien que le partenariat public-privé ait pu être une alternative efficace, son déploiement et souvent la non- identification de partenaires performants, l’inefficacité des mécanismes financiers de collecte et l’engorgement du secteur par l’informel ne livrent que des résultats suboptimaux. Les ensembles économiques régionaux sont au cœur du débat de la performance économique et de l’intensification des échanges commerciaux intra-africains. La contribution du second article est d’examiner le cas de la CEMAC et de renseigner les effets de la connectivité physique [les infrastructures de transport & télécommunications] sur les échanges commerciaux. Enfin, en prenant comme exemples le Sénégal et le Cameroun, le dernier article de ce numéro vous livre une réflexion et un plaidoyer en faveur de politiques publiques articulées autour de la question de la diaspora africaine dans l’optique d’en faire une composante essentielle du développement de l’Afrique. La Revue de l’Afrique des Idées a vocation à initier et alimenter le débat. Cette lecture à laquelle nous invitons est à faire sans aucune restriction du jugement critique. La qualité des contributions autant que les sujets qu’elles abordent, je le suspecte, vous en donne une occasion ultime. Faites l’exercice et, nous l’espérons, le progrès de l’Afrique à travers des politiques publiques performantes ne s’en portera que mieux. Merci ! Boris Houenou, économiste Directeur des publications de l’Afrique des Idées
R ENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE COLLECTE ET DE TRI DES DÉCHETS DANS LES VILLES AFRICAINES Faten LOUKIL* et Lamia ROUACHED** *SEPAL, SIG, Université de Tunis **LEGI, Ecole polytechnique, SG, Université de Tunis Résumé Table des matières Les villes africaines sont aujourd’hui 1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 confrontées à une situation urbaine critique marquée par une défaillance des structures de 2 Un état des lieux de la gestion des déchets ménagers gouvernance face à une production croissante en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 des déchets conjuguée à une forte croissance démographique et à une prolifération des 3 Les modalités de collecte des déchets en Afrique 10 bidonvilles et de la pauvreté. Le renforcement des 4 Les bonnes pratiques de collecte et de traitement des capacités de gestion des déchets apparait comme déchets en Afrique, vers une responsabilité partagée une priorité pour promouvoir le développement des acteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 urbain durable et assurer la stabilité politique, économique et sociale des villes. 5 Conclusion et recommandations . . . . . . . . . . . . . 18 3 En partant d’un diagnostic des modes de Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 production, de collecte et de traitement des déchets en Afrique, ce travail se penche sur une analyse des expériences de partenariat public-privé menées dans cinq villes africaines : Lomé (Togo), Yaoundé (Cameroun), Accra (Ghana), Ouagadougou (Burkina Faso) et Dakar (Sénégal). Il montre que les résultats obtenus restent au-dessous des objectifs escomptés. Le tâtonnement des autorités dans le choix des modes de partenariat appropriés, l’inefficacité des mécanismes financiers de collecte et la présence du secteur informel accentuent les dysfonctionnements et le chevauchement des responsabilités. Par ailleurs, les expériences innovantes de collecte des déchets en Afrique du Sud ou en Tunisie révèlent la nécessité de revoir les mécanismes de financement et d’aller vers une responsabilité partagée des acteurs. Mots-clés : collecte des déchets, partena- riat public-privé, renforcement des capacités, villes africaines
1 Introduction privant les municipalités de ressources. Ceci empêche d’atteindre un niveau optimal de Le bilan environnemental dans les collecte des déchets qui garantit la rentabilité pays africains révèle aujourd’hui, la forte des investissements. Les politiques environ- dégradation de l’environnement, liée à un nementales doivent alors se focaliser sur les usage intensif de ressources naturelles et un incitations économiques qui développent accroissement de la pollution (WWF-BAD, l’activité de collecte, la valorisation et la 2012). L’empreinte écologique 1 dépasse de réduction à la source des déchets. plus en plus la bio capacité des pays, un Ce travail se penche sur les politiques déficit écologique qui creuse encore leur nationales de gestion des déchets en Afrique. vulnérabilité face à des modes d’exploitation Il envisage de mettre en valeur les capacités non appropriés et dévoile l’urgence de à renforcer dans les pays africains afin de mettre en place des stratégies durables. Le garantir une amélioration de la collecte et de réchauffement climatique, la sécheresse et la valorisation des déchets. En partant d’une les inondations augmentent la prolifération analyse des efforts établis dans plusieurs des maladies contagieuses et diminuent les pays, des modèles de collecte dans les pays moyens de subsistance, en particulier dans développés et des expériences innovantes les zones urbaines très peuplées (UN-Habitat dans certains pays africains, nous montrons 2014). La gestion des déchets pose un que le renforcement des capacités doit aller problème majeur pour les pays africains, dans le sens d’une responsabilité partagée confrontés d’une part à une hausse des des acteurs dans la collecte et la valorisation déchets produits et d’autre part, à une inca- des déchets. Il est clair que la réalisation d’un pacité institutionnelle et organisationnelle à tel objectif est tributaire des stratégies des collecter et valoriser ces déchets. De façon producteurs en amont, des consommateurs générale, les pays en développement ont une en aval et des politiques et instruments production annuelle moyenne des déchets définis par les décideurs publics. Elle est par habitant qui varie de 180 à 240 kg, une également subordonnée à l’organisation et au quantité qui risque de doubler en raison de développement de structures de collecte per- l’industrialisation et l’évolution des modes mettant un tri, traitement, valorisation et/ ou de production et de consommation si les élimination des déchets et ce, conformément mesures adéquates ne sont pas prises pour à la réglementation en vigueur. infléchir cette progression. Le papier est ainsi structuré en trois sections. En matière de collecte des déchets, les La première section apporte un diagnostic stratégies adoptées par les pays africains de la gestion des déchets en Afrique. Elle revêtent plusieurs formes de partenariat public-privé. En dépit de cette diversité, les montre l’évolution quantitative et qualitative de la production des déchets et révèle la 4 résultats obtenus restent au-dessous des défaillance des systèmes de collecte et de objectifs escomptés. Ainsi, le taux de collecte traitement des déchets dans la plupart des demeure faible en Afrique et les modalités pays africains. En se basant sur le concept de valorisation des déchets sont presque de hiérarchisation des modes de gestion inexistantes. Il en est de même pour le taux des déchets qui classe les choix des modes d’abonnement des ménages au service de de traitement des déchets du meilleur pré-collecte ou encore la cotisation financière (prévention) au plus mauvais (traitement et des producteurs des déchets. Par ailleurs, décharge), nous montrons que la plupart des l’inefficacité de mécanismes financiers pour pays africains sont très loin d’une gestion la collecte des déchets est un obstacle majeur durable des déchets. La deuxième partie se 1. La notion de déficit écologique est liée au concept penche plus précisément sur le problème de d’empreinte écologique. Lorsque l’utilisation des res- collecte et analyse les différentes expériences sources dépasse la capacité de régénérer les ressources (bio capacité), nous sommes dans une situation de défi- menées dans certaines villes africaines, à cit écologique. savoir Lomé (Togo), Yaoundé (Cameroun),
Renforcement des capacités de collecte et tri des déchets dans les villes africaines Accra (Ghana), Ouagadougou (Burkina Faso) le moins de déchets. En effet, la quantité pro- et Dakar (Sénégal). Les dysfonctionnements duite en Afrique subsaharienne représente des différents systèmes de collecte sont mis seulement 5% des déchets produits dans le en relief. La troisième partie revient sur monde (Banque mondiale, 2012). Cependant, le concept de responsabilité partagée des la croissance démographique en Afrique et acteurs et montre les expériences innovantes le mouvement croissant d’urbanisation sont dans certains pays comme l’Afrique du Sud alarmants. En effet, si les statistiques de la et la Tunisie. Ces expériences mettent en Banque mondiale (2012) nous signalent un valeur la nécessité de renforcer les capacités risque de doublement de la quantité de dé- institutionnelles, humaines, de sensibilisation chets globale (passer de 1,3 milliard de tonnes et de communication afin de créer une par an en 2012 à 2,2 milliard de tonnes par véritable dynamique dans le secteur de la an en 2025), nous remarquons que les prévi- collecte des déchets. sions d’accroissement sont plus inquiétantes en Afrique subsaharienne. Contrairement aux pays développés, comme ceux de l’OCDE, qui 2 Un état des lieux de la ges- ont réussi à infléchir cette tendance et à ré- tion des déchets ménagers duire le taux de production de déchets par en Afrique habitant, la tendance est à la hausse dans les pays africains. A première vue, nous pouvons constater Dans la suite de cette partie, nous envisageons que les pays africains sont ceux qui produisent de définir les facteurs qui peuvent accentuer G RAPHIQUE 1 – Les perspectives d’évolution des déchets dans le monde 5 Source : Banque mondiale 2012 a a. L’estimation des quantités de déchets urbaines et totales est basée sur les informations les plus récentes collectées par la Banque mondiale (2012) qui ne correspondent pas toujours à la même année. Les abréviations suivantes sont utilisées dans les graphiques. SAR : région Asie du Sud, OECD : Organisation de Coopération et de Développement Economiques, Mena : Moyen Orient et nord Afrique, LCR : Amérique Latine et Caraïbes, ECA : Europe et Asie Centrale, EAP : Asie de l’Est et Pacifique, Afrique : Afrique subsaharienne.
la production des déchets en Afrique. Nous D’un autre côté, l’Afrique est confrontée à montrons que les modes de valorisation des une forte accélération du mouvement d’ur- déchets par le recyclage ou le compostage banisation avec un taux de 3,5% par an. Or, sont quasiment absents et que la grande par- les infrastructures de gestion de déchets ne tie des déchets produite se termine dans les permettent pas de faire face à ce rythme sou- décharges sauvages des pays africains. tenu d’urbanisation. Ensuite, dans les zones 2.1 Structure et caractéristiques des rurales, ces infrastructures sont inexistantes ce qui accentue le mouvement d’exode rural déchets en Afrique et renforce la pauvreté (Lall et al., 2017). L’ur- Plusieurs facteurs influencent la produc- banisation, le changement des modes de vie et tion des déchets dans les pays africains. De fa- l’industrialisation devraient accentuer davan- çon générale, la production des déchets révèle tage la production des déchets et augmenter nos habitudes de consommation et notre orga- la complexité et la diversité des déchets en nisation économique (Guerrero et al. 2012). Afrique (Graphique 2). Elle varie ainsi en fonction du climat, du tou- Par ailleurs, une caractéristique commune des risme et de la démographie. La composition pays en développement est l’importance de d’une famille, son niveau d’éducation et son la composante organique (Graphique 3) de revenu mensuel ont aussi un impact sur les déchets dont le taux est aussi corrélé au ni- déchets produits (Sujauddin et al. 2008). veau de revenu. Dans les pays à revenu faible, Il y a par ailleurs une forte corrélation entre la proportion des déchets organiques est de le niveau de revenu et la quantité produite 64% en moyenne, pour les pays à revenu in- de déchets comme le montre le Graphique 1. termédiaire faible, le taux baisse à 59%. Pour Ainsi, dans les pays à revenu élevé, la produc- les pays à revenu intermédiaire mais élevé, le tion des déchets par jour et par habitant est taux est de 54%. En revanche dans les pays estimée en moyenne à 2,13 kg, en revanche développés, les déchets organiques sont esti- dans les pays à revenu faible, la moyenne de més à seulement 28% de la quantité globale production est de 0,6 kg. G RAPHIQUE 2 – Evolution de la population urbaine dans le monde 6 Source : Banque mondiale 2012
Renforcement des capacités de collecte et tri des déchets dans les villes africaines des déchets (Banque mondiale 2012) 2 . L’accroissement des revenus et l’amélioration 2.2 Collecte et traitement des dé- du niveau de vie s’associent aussi à un chan- chets en Afrique gement qualitatif des déchets. Ainsi, quand le revenu d’un pays augmente, la proportion Une analyse plus approfondie de la quan- biodégradable diminue alors que les déchets tité de déchets produite dans les villes afri- en plastiques, en papier et autres matériaux caines montre une forte disparité entre des synthétiques augmentent (Banque mondiale villes liée à une inégalité des revenus et au 2012). Les conséquences environnementales rythme de développement. Ainsi, la quantité d’une telle mutation qualitative sont néfastes produite est inférieure à 0,4 Kg/j/hab dans car les déchets non biodégradables néces- des villes comme Accra, Conakry, Madagascar sitent plus de temps pour se décomposer. En alors que dans d’autres villes comme Abid- Afrique, la part organique est la plus impor- jan ou Zinder, le taux est aux alentours de tante, mais elle risque de baisser avec le mou- 1kg/j/hab. vement d’industrialisation des économies. D’après le Graphique 5, nous pouvons re- marquer que le taux de collecte de déchets est 2. Ces chiffres se basent sur une collecte d’informa- tion faite par la Banque mondiale et puisée dans les très faible, il ne dépasse pas les 50% dans la documents officiels, les rapports des organismes inter- plupart des villes 3 . Ainsi, même si le volume nationaux et les informations tirées d’articles publiés dans des revues impactées. La Banque mondiale uti- 3. L’analyse comparative chiffrée est à prendre avec lise d’autres indicateurs pour déterminer l’information précaution. Bien que les données appartiennent à la quand elle n’est pas disponible. Ainsi, lorsque l’indica- même source publiée en 2012, elles concernent des teur disponible est par exemple, la quantité globale des années différentes. Par exemple, pour Ouagadougou, le déchets et qu’elle souhaite déterminer la quantité par pourcentage est relevé en 1995 alors que celui de Lomé habitant, elle utilise l’indicateur de la population totale est relatif à 2002. A ce problème d’hétérogénéité des urbaine. années s’ajoute une certaine divergence entre certaines statistiques publiées par les différentes sources et ce, G RAPHIQUE 3 – Composition des déchets dans les pays africains 7 Source : Banque mondiale 2012 a a. La composition des déchets est en pourcentage. La catégorie "autres" comporte les autres déchets (céramique, textile, cuir, caoutchouc, déchets volumineux, articles ménagers, etc).
G RAPHIQUE 4 – La production des déchets dans les villes africaines Source : Banque mondiale 2012 G RAPHIQUE 5 – La collecte des déchets dans les villes africaines 8 Source :Banque mondiale 2012
Renforcement des capacités de collecte et tri des déchets dans les villes africaines de déchets est moins important en Afrique effet, la quasi-totalité des déchets des villes comparé aux pays développés, la quantité non Africaines est jetée dans des décharges sans collectée demeure très élevée. Les impacts aménagement préalable permettant de pré- environnementaux et sociaux d’une telle si- server la santé des riverains (Tableau 1). Ces tuation sont croissants quantitativement et orientations amènent à réfléchir sur les modes qualitativement. En effet, les déchets non de traitement les plus adaptés en Afrique. De collectés aggravent à court et à long terme façon générale, le concept de hiérarchisation la pollution des sols, des ressources halieu- des déchets permet de classer les différents tiques et les risques sanitaires. D’un autre côté, modes de traitement du « meilleur au pire » il est intéressant de constater que certaines en allant de la prévention et la valorisation à villes ont réussi à avoir des taux de collecte l’élimination des déchets avec réduction des plus élevés et supérieurs à 70%. Certains tra- impacts sur l’environnement. vaux ont souligné une amélioration du taux - En premier lieu, la prévention des dé- de collecte dans les zones gérées par le sec- chets consiste à réfléchir à un mode teur privé (Okot okumou et Neynje 2011, Ki- de production et de consommation qui rama et Mayo 2016). Concernant le choix réduit à l’origine la quantité des dé- d’un mode de traitement, plusieurs facteurs chets. Les méthodes d’éco-conception économiques, sociaux et environnementaux ou d’analyse de cycle de vie ont comme interviennent dans le choix d’un mode de trai- objectif d’intégrer le problème de la ges- tement tels que la composition des déchets, tion des produits dès la phase de pro- la densité de population et l’emplacement duction. des centres de transfert des déchets (Huh- tala 1997, Dalemo et al. 1998, Jenkins et al. - En deuxième lieu, il faut promouvoir 2000, Palmer et al. 1997, Hong 1999). Dans la valorisation en considérant le déchet les pays africains, les décharges non contrô- comme un nouveau bien économique lées et le recyclage par le secteur informel qui peut apporter une valeur ajoutée. Le représentent le mode d’élimination dominant recyclage est alors le mode de valorisa- des déchets (Tabarly et Maccagalia, 2008). En tion des déchets, qui par l’intermédiaire d’une transformation, réinsère le pro- pour la même période et la même ville. Ainsi, pour la duit utilisé dans le circuit économique période 2000-2003, à Lomé, le taux de collecte publié (De Beir et al., 2007). par Folléa et al. (2001) est de 30% alors que celui publié par la Banque mondiale (2012) est de 42%. De même - En troisième lieu, l’enfouissement des pour Dakar, le taux de collecte est 77% pour la première déchets ou la mise en décharge appa- source, en revanche, il ne dépasse pas les 40% pour la raît sur le plan environnemental comme 9 seconde. la solution la moins recommandée. Un TABLEAU 1 – Compraison des modes de traitement des déchets dans les pays de l’Afrique et ceux de l’OCDE Pays de l’Afrique subsaharienne Pays de l’OCDE (en million de tonnes) (en pourcentage) (en million de tonnes) (en pourcentage) Décharges non contrôlées 2,30 43,80 - - Décharges contrôlées 2,60 49,52 242 42,23 Compostage 0,05 0,95 66 11,51 Recyclage 0,14 2,66 125 21,81 Incinération 0,05 0,95 120 20,94 Autres 0,11 2,09 20 3,49 Total 5,25 100,00 573 100,00 Source : Banque mondiale 2012
tel choix génère un gaspillage des res- différent à la fois au niveau des acteurs et in- sources et engage une responsabilité tervenants impliqués, et plus en amont du pro- environnementale future. Les déchets cessus de gestion, au niveau des structures de déposés dans les décharges en Afrique collecte des déchets. Dans cette perspective, sont en effet responsables de 8,8% des la présente section propose un aperçu des émissions de gaz à effet de serre, notam- modalités de collecte des déchets en Afrique. ment le méthane connu pour sa forte Nous concentrons l’analyse sur les déchets des nocivité (Couth et Trois 2012). La mise produits de consommation courante en don- en décharge contribue aussi à pollution nant des repères chiffrés révélant la situation de la nappe phréatique par le lixiviat de plusieurs villes africaines. accentuant ainsi le stress hydrique. 3.1 Les modalités du partenariat D’après ce concept de hiérarchisation, on re- public-privé (PPP) marque que les pays africains se situent au bas Dans la plupart des pays en développe- de l’échelle car les modes de traitement les ment, la gestion des déchets est au centre des plus fréquents sont les décharges sauvages et préoccupations des gouvernements. En effet, à un niveau moins élevé, les décharges contrô- il est généralement admis que ce processus est lées. Le recyclage et le compostage sont les du ressort des autorités locales. Le développe- modes de traitement qui ont le moins d’im- ment rapide des volumes de déchets générés pact sur l’environnement mais ce sont les a remis en question la capacité des municipa- modes les moins utilisés dans les pays afri- lités à résoudre seules le problème en raison cains. surtout des facteurs financiers. En effet, face La collecte des déchets apparait alors aux dépenses importantes nécessaires pour comme l’un des maillons faibles dans la réaliser les services appropriés de gestion des chaine de gestion intégrée des déchets en déchets, les ressources limitées des autori- Afrique. Pourtant, la littérature économique tés locales et la réticence des utilisateurs à propose une multitude d’instruments écono- payer pour le service de prélèvement sont miques (Walls 2006, Palmer et Walls 1999) parmi les facteurs qui entravent l’efficacité pour l’améliorer. du système (Guerrero et al., 2012). A Lomé 3 Les modalités de collecte des par exemple, le mouvement de l’urbanisation et le changement du mode de vie se sont ac- déchets en Afrique compagnés d’une prolifération de déchets. La La prolifération des quantités de déchets quantité produite est alors estimée à environ générés dans de nombreux pays africains a 800 tonnes chaque jour, sur la base d’une pro- suscité les inquiétudes de la majorité des par- ties prenantes. La diversité des systèmes exis- duction journalière de 0,91 kg/hab (Koledzi, 2011). Désormais, la pré-collecte des déchets 10 tants traduit des modes d’organisation qui n’est plus un service public gratuit rendu aux G RAPHIQUE 6 – Modalités de gestion des déchets Source : Adapté de Tremblay (2010)
Renforcement des capacités de collecte et tri des déchets dans les villes africaines ménages sans paiement de redevance. C’est des ménages. L’incapacité financière du sec- aussi le cas de nombreux pays africains même teur public à continuer à supporter les charges s’il existe de fortes disparités au sein du conti- de la gestion des déchets a conduit à la rési- nent. liation de son contrat avec la société privée. Ainsi, en Afrique, les années 1970 Ainsi, après diverses tentatives d’organisation marquent l’initiation du secteur privé dans de la chaîne de collecte de déchets, la struc- la gestion des déchets solides. Les modalités ture actuelle de gestion des déchets repose d’organisation du PPP varient dans l’espace sur la participation de divers acteurs : la Di- et dans le temps. Les choix dépendent des rection des Services Techniques (DST) de la pays. A noter qu’un même pays peut expé- mairie, des Directions techniques des minis- rimenter successivement plusieurs schémas tères, des entreprises privées, des associations à la recherche d’une modalité optimale de et ONG de pré-collecte et des Comités de Dé- répartition des missions entre ces deux pôles. veloppement de Quartier. Le socle organisa- tionnel régissant leurs activités bénéficie des Les gouvernements semblent hésiter entre retombées positives de la coopération entre les modes de coopération que peuvent revê- la municipalité et des partenaires en déve- tir les formes de PPP. La délégation peut être loppement tels que la Banque mondiale, la totale ou partielle, partagée avec les autori- Coopération française et l’Agence Française tés publiques. Il est clair que les décisions de Développement (AFD). D’ailleurs, le projet stratégiques restent du ressort des autorités PEUL 4 , conclu entre la DST et l’AFD vise à publiques (Etat ou dans une perspective dé- la réorganisation de la filière pré-collecte et centralisée, la commune ou la municipalité), collecte et prévoit notamment la construction en revanche les décisions opérationnelles, se d’espaces contrôlés pour le regroupement des prêtent mieux aux différentes formes de PPP. déchets. Ces coopérations décentralisées four- Quelle que soit la stratégie choisie, la question nissent à la commune de Lomé une assistance qui se pose est celle du financement du service humaine, financière et technique. Sur le plan privé. Au Burkina Faso, par exemple, ce sont opérationnel, les activités de pré-collecte sont les ménages qui payent des cotisations direc- sous-traitées et le plus souvent, assurées par tement aux entreprises privées alors qu’au Sé- les associations et ONG et l’acheminement négal, ces dernières sont liées par des contrats vers la décharge finale est réalisé par les en- passés avec les pouvoirs publics. treprises privées. Si les premières opérations La gestion des déchets implique l’inter- s’effectuent contre des redevances payées par vention d’un grand nombre d’acteurs. Très les ménages bénéficiaires du service, les en- schématiquement, deux types d’intervenants treprises privées sont liées à la municipalité 11 peuvent être distingués : ceux qui s’occupent du fonctionnement opérationnel des activi- par des contrats. La municipalité a mis en place le système de pesage afin de lier la ré- tés de la gestion des déchets, ceux qui cha- munération au poids de déchets effectivement peautent ces activités et qui s’intéressent plu- transporté à la décharge à la place du nombre tôt à l’organisation globale. Les liens entre ces de voyages effectués. deux formes d’action sont régis par l’existence En dépit de cette prise de conscience géné- à la fois d’enjeux économiques et d’enjeux rale de l’importance du processus de collecte politiques. (et pré-collecte), les résultats en termes de 3.1.1 La ville de Lomé taux de collecte restent encore insuffisants. Considéré comme le maillon le moins per- Jusqu’au milieu des années 90, la gestion formant de la chaîne de gestion des déchets, des déchets à Lomé (Togo) était confiée à une ce processus est toutefois capable de déclen- seule entreprise privée (SOTOMEA), dont les cher des stratégies ambitieuses au niveau des activités étaient financées entièrement par le budget de la commune avec une subvention 4. Le Projet Environnement Urbain de Lomé PEUL, phase I, est estimé à 8 millions d’euros pour une période de l’Etat togolais, sans aucune contribution de cinq ans entre 2007 et 2012 (AFD, 2012)
autres processus tels que le traitement, la va- confiée à Waste Management Departement lorisation énergétique des déchets et le recy- (WMD). Dans un contexte de renforcement clage. de la politique de décentralisation, AMA déci- 3.1.2 La ville de Yaoundé dait du budget, des dépenses, des politiques et des priorités et WMD prenait en charge La ville de Yaoundé (Cameroun) a opté en exclusivement la collecte, le transport et le 1968 pour une délégation totale du système traitement des déchets solides du territoire. de collecte des déchets pour le compte d’une Ce partage n’a pas donné les résultats escomp- seule société privée HYSACAM (Hygiène et tés à cause des problèmes de financement et Salubrité du Cameroun, ancienne filiale de la de la dépendance financière de WMD vis-à-vis Lyonnaise des Eaux - France). La crise éco- de AMA et de l’échec de la tentative de mise nomique de 1987 au Cameroun a contribué en place du système de paiement « Pay As notamment à la rupture des activités de la You Dump » auprès des ménages (Benrabia, société HYSACAM en 1991. Face à cette situa- 2003). tion, et à l’instar de la ville de Lomé, des co- Les projets pilotes de privatisation de la opérations entre l’Etat et d’autres partenaires collecte des déchets se sont consolidés au mi- tels que la Coopération Française et la Banque lieu des années 90 confirmant la nécessité de mondiale ont été mises en place en vue de l’implication du secteur privé dans le proces- soutenir financièrement l’implication des as- sus de gestion des déchets. En 1999, une inter- sociations, des ONG et des groupes organisés. vention gouvernementale a entraîné un rema- Mais, ces différentes tentatives ont échoué niement dans la structure de privatisation à au profit de la reprise, en 1998, des activi- Accra. Désormais, AMA avait un interlocuteur tés de HYSACAM. C’est ainsi qu’un contrat unique en position de monopole avec qui elle liant cette dernière à l’Etat a été signé stipu- a signé un contrat pour une délégation de la lant en outre que les attributions de maîtrise collecte des déchets : City Country Waste Ltd - d’ouvrage sont confiées à la Communauté Ur- CCWL (consortium d’entreprises canadiennes baine de Yaoundé (CUY). Le processus de ges- et ghanéennes). S’il est vrai qu’en huit mois, tion des déchets se schématise encore une le volume collecté a doublé, les charges fac- fois en trois étapes uniquement : la collecte, turées à AMA se sont multipliées par 20 com- le transport et le traitement. Cette dernière paré à celles payées aux PME privées (Quénot, se limitant à la mise en décharge contrôlée 2010). Le contrat a donc finalement été arrêté des déchets ménagers collectés (Sotamenou, en 2000 et a donné lieu à la reprise de la col- 2005). La délégation totale de la gestion de laboration avec les opérateurs privés locaux. déchet à une seule entreprise privée permet La ville est divisée en zones de ramassage, certes de réduire les interlocuteurs avec l’Etat mais comporte des inconvénients liés à la po- chacune est attribuée à une entreprise privée sous contrat avec AMA. 12 sition de monopole. L’absence de concurrence La structure de collecte des déchets à Ac- au niveau opérationnel réduit la position de cra n’est pas encore stabilisée, la recherche l’Etat dans ses négociations avec son parte- d’une meilleure modalité de privatisation est naire (prix, quantité, fréquences, logistique et au cœur des investigations. L’effort des pou- moyens mobilisés...). voirs publics doit s’orienter davantage, d’une 3.1.3 La ville d’Accra part, vers l’implication des ménages dans le L’intervention du privé dans la gestion des processus de collecte pour éviter les dépôts déchets à Accra s’est justifiée par l’incapacité sauvages et d’autre part, vers l’optimisation du secteur public à gérer seul le processus des coûts de la collecte, en particulier, dans de gestion de déchets. En effet, dès 1985, et les zones les plus denses. suite aux volumes importants de déchets non 3.1.4 La ville d’Ouagadougou collectés sur le territoire de Accra Metropoli- Dans la perspective de privatisation du sec- tan Assembly (AMA), la charge a été d’abord teur gestion des déchets, les expériences de
Renforcement des capacités de collecte et tri des déchets dans les villes africaines la ville d’Accra (Ghana) présentent de fortes d’Aménagement urbain du Sénégal) et fina- similitudes avec celles menées par la ville de lement, en 2003, AMA-Sénégal (une filiale Ouagadougou (Burkina Faso). L’étude menée de la multinationale italienne AMA 6 - Rome) dans le cadre de l’AFD (Folléa et al., 2001) a est retenue suite à un appel d’offres lancé sur révélé les défaillances du système de collecte le marché international sur contrats passés à Ouagadougou. Depuis, la gestion des dé- entre l’autorité publique et un monopole. Le chets solides a été réorganisée par le schéma schéma de gestion de déchets avec la société directeur de gestion des déchets (SDGD), mis AMA-Sénégal fonctionnait par un recours à en place en 2005. La municipalité de Oua- des sous-traitants privés assurant la collecte, gadougou a initié un projet de privatisation le transport des déchets et l’acheminement dans le domaine de gestion des déchets. Elle vers la décharge. L’année 2005 était marquée souhaite désormais uniformiser les modes de par la résiliation du contrat qui liait le gestion des déchets (Meunier-Nikiema, 2007). Ministère des collectivités locales et de la La pré-collecte est organisée en subdivisant décentralisation à AMA-Sénégal. La collecte le territoire en 12 zones exclusives compor- des déchets dans la région de Dakar est une tant des centres de collecte construits par la fois encore du ressort de l’Etat. Depuis, la municipalité. Elle est assurée par des opéra- maîtrise d’ouvrage de la gestion est assurée teurs privés et accompagnée par une dizaine par l’Agence pour la Propreté de Dakar d’ONG. Le traitement commence à la récep- (APRODAK) devenue ensuite Agence pour tion des déchets au Centre de Traitement et la Propreté du Sénégal (APROSEN). Pour de Valorisation des Déchets 5 . Ils sont ensuite une phase transitoire, le gouvernement du pesés et répartis selon leur nature (déchets Sénégal a transféré le programme de gestion ménagers, industriels et spéciaux, biomédi- des déchets solides de la région de Dakar caux) vers les cellules d’orientation. Ainsi, les à une nouvelle structure inter municipale déchets organiques ou fermentescibles sont regroupant l’ensemble de la région Dakar : acheminés jusqu’à la zone de compostage et l’Entente CADAK/CAR (Communauté d’Ag- les autres sont enfouis. glomération de Dakar/Communauté des Ouagadougou cherche à exploiter l’oppor- Agglomérations de Rufisque). Par conséquent, tunité de mise en œuvre des politiques inter- si l’on se concentre sur la période postérieure nationales de coopération en mettant surtout à 2001, il apparaît que la maîtrise d’ouvrage l’accent sur l’organisation de l’amont de la fi- de la gestion des déchets oscille entre les lière déchets et en accompagnant le processus ministères publics centraux et la structure jusqu’à l’étape de traitement. municipale locale à l’image de l’instabilité de 3.1.5 La ville de Dakar la tutelle institutionnelle de l’APROSEN qui 13 A Dakar (Sénégal), la gestion des déchets a relevé des ministères chargés de l’environ- nement, du cadre de vie, de l’hygiène ou des solides s’est caractérisée par une forte collectivités locales. Notons enfin qu’en 2012, instabilité institutionnelle qui s’est davantage on assiste à une reprise de la compétence de accentuée durant la dernière décennie. la gestion des déchets à la mairie de Dakar 7 . Bien que le financement soit entièrement public, l’organisation reposait sur un recours En l’absence d’un cadre institutionnel au secteur privé. La privatisation de la stable et favorable aux investissements privés, gestion des déchets n’est pas un phénomène le PPP n’a pas permis d’atteindre les objectifs récent à Dakar, le recours à une entreprise souhaités dans la ville de Dakar. En outre, les privée remonte aux années 1970. Ainsi se changements successifs des modes d’organisa- succèdent : la SOADIP (SOciété Africaine tion et des organismes de tutelles ne s’accom- de DIffusion et de Promotion), remplacée, en 1985, par la SIAS (Société Industrielle 6. Azienda Municipale Ambiente 7. L’aperçu chronologique s’appuie sur les réfé- 5. Synthèse à partir de deux sources : Cisse (2011) rences de Folléa et al. (2001), de Diouf et Fredericks et Toguyeni (2006) (2013) et de Diop (2013).
pagnent généralement pas par des processus intervenants. Elle doit veiller à une meilleure d’évaluation des expériences précédentes ca- coordination entre les agents opérationnels pables de suggérer des pistes d’amélioration. en évitant les relations conflictuelles entre 3.2 Les capacités à renforcer : les en- les opérateurs telles celles relevées à Accra par exemple. Les opérateurs se livraient à jeux liés à la présence de la struc- une concurrence acharnée en se disputant les ture informelle quartiers à fort revenu creusant la différencia- Nous l’avons vu, au fil du temps, les choix tion des services entre les quartiers. La mise stratégiques sont marqués par une sorte de à disposition doit prévoir des équipements tâtonnement d’autant plus que la frontière adaptés à l’infrastructure de la ville et inclure entre les modes de PPP n’est pas toujours les critères de disponibilité des pièces de claire. Une réflexion doit alors être menée rechange, de la main d’œuvre qualifiée pour redresser l’assise officielle (les pouvoirs et les coûts de réparation lors du choix publics- centraux et locaux, les associations, des opérateurs privés. Une évaluation des les opérateurs impliqués dans les phases de résultats des systèmes de collecte antérieurs pré-collecte, de collecte, de transport, de trai- est nécessaire dans une perspective d’amélio- tement et d’élimination. . . ) et introduire de ration des dispositifs actuels. L’introduction nouveaux acteurs. des indicateurs de performance permet non 3.2.1 Renforcer l’assise officielle actuelle seulement une évaluation objective des résultats obtenus mais contribue aussi à Le renforcement de l’assise officielle peut prévoir des actions correctives et préventives porter sur les volets suivants : adaptées. Structure institutionnelle et encadre- Organisation et contrôle des activités ment réglementaire : Au Cameroun, les sous-traitées : Les opérateurs privés sont activités de contrôle sont soumises à quatre tenus de respecter les cahiers des charges ministères. La répartition des missions n’étant conclus avec la Direction. Une sensibilisation pas clairement définie, cela crée des situa- et une formation de leur personnel contri- tions d’ambiguïté et un chevauchement des buent à accroître le taux de collecte et à mieux responsabilités. Dans la même perspective, cibler le type de déchets collectés dans une une coordination optimale des actions de perspective de recyclage et de revalorisation. partenariat avec les institutions nationales, L’amélioration des résultats est également tri- les ONG et les partenaires internationaux butaire des pratiques de collecte mises en s’impose. Par ailleurs, le niveau de restriction avant. Le cas échéant, subordonner la prime imposé par les lois varie selon les pays mais un point commun les caractérise : une insuffi- et la cotisation aux volumes et aux types de déchet collecté. 14 sance quant au respect de la réglementation en vigueur. Les causes d’un décalage peuvent 3.2.2 Introduire des nouveaux acteurs être liées à des difficultés à respecter la La capacité à intégrer le secteur in- réglementation, à l’ignorance de l’existence formel : La structure informelle est active d’une exigence, à l’incompréhension du tout au long de la filière de la collecte et contenu de l’exigence ou encore à l’insuffi- gestion des déchets. Comme l’a souligné sance des actions de sensibilisation. . . des Oguntoyinbo (2012), l’intégration de cette représailles pouvant être des réponses à des structure ne pourra être que bénéfique comportements d’insouciance. permettant d’optimiser la collecte dans les quartiers les plus défavorisés et d’améliorer Planification, mise à disposition des les résultats du recyclage. Actuellement, le ressources financières et contrôle : La recyclage informel passe par un tri manuel planification doit permettre d’établir une des déchets mélangé à la recherche des stratégie transparente et accessible à tous les matières valorisées par les acheteurs. Ce
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