La zone de libre-échange continentale changera-t-elle la donne en Afrique ? - IMF
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3. La zone de libre-échange continentale changera-t-elle la donne en Afrique ? En 2018, les pays membres de l’Union africaine entre les pays et au sein de chaque pays. Les dirigeants ont donné un sérieux coup de pouce à l’intégration redoutent souvent à juste titre que la poursuite de l’in- commerciale et économique régionale en créant la tégration commerciale de leur économie avec celles Zone de libre-échange continentale pour l’Afrique d’autres pays bénéficie à certaines branches d’activité et (ZLECAf). Ils sont convenus de supprimer les droits en pénalise d’autres, qu’elle ait des effets négatifs sur les de douane sur la plupart des marchandises, de libé- bénéfices et les perspectives d’emploi dans certains sec- raliser le commerce des principaux services, de s’atta- teurs et sur certains niveaux de qualification, et qu’elle quer aux obstacles non tarifaires freinant les échanges réduise les recettes budgétaires. commerciaux intrarégionaux, puis de créer un marché unique continental où la main-d’œuvre et les capitaux Le présent chapitre examine les avantages et les diffi- circuleront librement. Même si certains aspects sont en cultés que la mise en œuvre de la ZLECAf pourrait cours de négociation, l’accord sur la ZLECAf a été ra- représenter pour les pays africains. Il se concentre sur tifié par 22 pays et devrait entrer en vigueur en 2019. trois questions : Quand elle sera opérationnelle, la ZLECAf constituera un marché de 1,2 milliard d’individus représentant • Comment le commerce intrarégional en Afrique 2.500 milliards de dollars de PIB cumulé. Cette nou- a-t-il évolué et en quoi diffère-t-il du commerce velle entité pourrait changer la donne sur le continent1. international de l’Afrique ? Que semble mon- trer l’expérience des communautés économiques L’intégration commerciale peut contribuer à faire dé- sous-régionales africaines concernant le potentiel coller le développement et a été à l’origine de réus- d’intégration plus poussée du continent ? sites spectaculaires sur d’autres continents (voir FMI, 2018a). Elle permet aux pays de se spécialiser dans la • Quel pourrait être l’effet de la ZLECAf sur le production des biens et des services pour lesquels ils commerce intrarégional et quelles politiques fau- détiennent un avantage comparatif et d’exploiter les drait-il pour favoriser le renforcement de l’inté- économies d’échelle, ce qui dope la productivité et la gration commerciale régionale ? croissance. L’intégration commerciale peut également favoriser les transformations structurelles en assurant • De quelle manière la ZLECAf influera-t-elle sur la diffusion de connaissances et de technologies et en le bien-être, la répartition des revenus et les re- facilitant la conception de nouveaux produits (voir cettes budgétaires des pays africains ? FMI, 2016). La création d’une grande zone de libre- échange en Afrique amplifiera le potentiel de trans- L’analyse montre que : formation économique de la région. Cela aura pour double effet de stimuler le commerce intrarégional • Le commerce intrarégional en Afrique s’est dé- et d’attirer plus d’investissement direct étranger et de veloppé rapidement, avec un petit nombre de faciliter la création de chaînes d’approvisionnement pôles commerciaux régionaux dominant des flux régionales, qui ont été des moteurs importants de la d’échanges relativement diversifiés. Les importa- transformation économique dans d’autres régions. tions intrarégionales rapportées au total des im- portations ont presque triplé au cours des deux Toutefois, le commerce international soutient la crois- dernières décennies et atteint 12–14 %, soit en- sance, mais il induit aussi des coûts, et ses retombées viron 100 milliards de dollars : la création de plu- ne se répartissent pas forcément de manière uniforme sieurs communautés économiques sous-régionales Ce chapitre a été préparé par une équipe dirigée par Geremia Palomba, coordonnée par Reda Cherif et Yunhui Zhao, et composée par Russell Green, Salifou Issoufou, Thomas McGregor, Adrian Peralta-Alva, Amadou Sy, Bruno Versailles et Jason Weiss. L’Équipe a en outre bénéficié du concours d’Hilary Devine et de Miguel Pereira Mendes en matière de recherche. 1 En avril 2019, les 22 ratifications nécessaires à l’entrée en vigueur de la ZLECAf avaient été finalisées. La ZLECAf prévoit un accord sur les réductions tarifaires spécifiques, les procédures de libéralisation du commerce des services et les règles d’origine courant 2019. Les négociations se poursuivent. En outre, un deuxième cycle de négociations pourrait démarrer en 2020, au sujet des droits de propriété intellectuelle et de la politique de la concurrence (voir l’annexe en ligne 3.1). 41
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES : AFRIQUE SUBSAHARIENNE a stimulé le commerce dans la région. En 2017, recettes budgétaires consécutives à la baisse des les trois quarts des échanges intrarégionaux ont eu droits de douane seront probablement faibles, en lieu dans le cadre des principales communautés moyenne, mais pourraient être importantes dans sous-régionales. Le processus a fait émerger de un petit nombre de pays qui continuent d’appli- grands pôles régionaux comme l’Afrique du Sud, quer des droits à l’exportation élevés. Qui plus la Côte d’Ivoire, le Kenya et le Sénégal (voir FMI, est, l’approfondissement de l’intégration écono- 2015). Contrairement aux exportations vers le mique peut avoir des effets néfastes sur la réparti- reste du monde, les flux commerciaux intrarégio- tion des revenus, notamment quand l’économie naux sont assez diversifiés, concernent des biens à est plus diversifiée et la main-d’œuvre qualifiée re- plus forte valeur ajoutée et comprennent une part lativement nombreuse. Ces effets sont néanmoins non négligeable de produits manufacturés (auto- d’une faible ampleur, car la taille importante du mobiles et vêtements par exemple). secteur informel dans l’économie, tout en accen- tuant les inégalités globales, isole certains segments • Malgré cette expansion, il est encore possible de la population des effets à court terme des flux d’approfondir notablement l’intégration com- commerciaux. De surcroît, ils tendent à s’estomper merciale régionale. Nonobstant leurs niveaux de avec le temps. Enfin, les petits pays, les économies revenus et leur poids économique plus faibles et plus diversifiées et les pôles commerciaux régio- le fait que les distances y sont généralement plus naux établis, déjà exposés à la concurrence interna- importantes que dans d’autres régions, ces pays tionale, sont susceptibles d’être plus avantagés par présentent certaines particularités qui semblent l’approfondissement de l’intégration régionale que limiter leur potentiel commercial par rapport aux les pays où l’agriculture et les ressources naturelles pays d’autres régions. Quelques-unes sont d’ordre jouent un rôle prépondérant. structurel et nécessiteraient un engagement à long terme en faveur du changement. D’autres Ce chapitre montre pour l’essentiel que la ZLECAf sont liées aux politiques conduites (droits de pourrait considérablement stimuler les échanges com- douane, réglementations commerciales, exigences merciaux intrarégionaux en Afrique, à condition d’ac- réglementaires, par exemple) et leur suppres- tionner à la fois les leviers tarifaires et non tarifaires. sion permettrait de stimuler l’intégration régio- Il faudrait une baisse globale des droits de douane nale. Les possibilités de développer le commerce pour obtenir des effets notables sur les flux commer- intrarégional sont particulièrement importantes ciaux dans la région. À terme, l’élimination des droits pour certains produits de base liés à l’agriculture sur 90 % des flux existants — qui constitue l’objectif (produits alimentaires, par exemple) et aux in- le plus ambitieux visé par la ZLECAf — entraînerait dustries manufacturières, ainsi que dans certaines une augmentation d’environ 16 % du commerce ré- communautés économiques sous-régionales afri- gional (16 milliards de dollars). Ces réductions de- caines où le volume des échanges est nettement vraient être complétées par des politiques ciblant les moindre que dans d’autres communautés. obstacles non tarifaires. Dans ce domaine, des progrès même modestes sont susceptibles de produire des ef- • Actuellement, l’intégration commerciale intrarégio- fets appréciables. Améliorer la logistique du com- nale est limitée par les droits de douane, mais plus merce — les services douaniers par exemple — et re- encore par des goulets d’étranglement non tari- médier à la médiocrité de l’infrastructure pourraient faires. En effet, l’expérience des communautés éco- être jusqu’à quatre fois plus efficace qu’une baisse nomiques sous-régionales montre qu’il ne suffit pas des droits de douane pour stimuler les échanges. En de réduire les droits de douane pour accélérer l’in- outre, la réduction des obstacles non tarifaires ac- tégration régionale. Il faut s’attaquer à d’autres obs- centuerait l’effet stimulant des baisses de droits de tacles majeurs comme la logistique du commerce douane sur le commerce, surtout dans les pays en- et, dans une moindre mesure, l’infrastructure, en clavés et à faible revenu. Il serait donc souhaitable particulier dans les pays enclavés et à faible revenu. que l’effort d’approfondissement de l’intégration commerciale en Afrique consiste au premier chef à • La suppression des obstacles au commerce en vue lever une partie des obstacles non tarifaires, en par- de favoriser les échanges intrarégionaux peut avoir ticulier la médiocrité de la logistique commerciale et des effets différents selon les pays. Les pertes de des infrastructures. 42
3. LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE CONTINENTALE CHANGERA-T-ELLE LA DONNE EN AFRIQUE ? Afin que l’intégration commerciale régionale bénéficie Le total des importations (exportations) de services effectivement à tous, des politiques devraient être mises a plus que triplé, passant de 27 (20) milliards de en place pour réduire les coûts d’ajustement qu’elle dollars en 1990 à environ 90 (89) milliards de dol- peut générer. Les pays dont l’économie est moins di- lars en 2017 (graphique 3.1). versifiée ou essentiellement agricole devraient associer leur politique commerciale à des réformes structurelles • Le commerce intrarégional s’est beaucoup dé- pour améliorer la productivité agricole ou renforcer veloppé en parallèle. Il représentait environ leurs avantages comparatifs. Certains pays devront 12 % du total des importations africaines en prendre des mesures pour recouvrer les recettes fiscales 2017, contre approximativement 5 % en 1990. et atténuer les pertes de recettes attendues en raison des Mais ces statistiques sous-estiment les flux in- réductions tarifaires (FMI, 2018b). Il faut aussi atté- trarégionaux effectifs, car elles ne reflètent pas nuer les effets négatifs temporaires de la libéralisation le commerce transfrontalier informel, pourtant des échanges sur la répartition des revenus, en particu- très développé2. Néanmoins, seuls les échanges lier dans les pays où l’économie est plus diversifiée, en commerciaux avec la Chine, en croissance ra- lançant des programmes sociaux ciblés (soutien des re- pide depuis une dizaine d’années, et ceux avec venus, par exemple) et des programmes de formation l’Union européenne dépassaient, en propor- pour faciliter la mobilité de la main-d’œuvre d’une en- tion, le commerce avec les pays africains en 2017 treprise et d’un secteur à l’autre et pour promouvoir (graphique 3.2). l’emploi (FMI, 2017a). Graphique 3.1. Afrique : ouverture commerciale, 1990–2017 (Total des importations et des exportations de biens et de services) PRINCIPALES TENDANCES DE 120 Écart interquartile L’INTÉGRATION COMMERCIALE 100 Médiane RÉGIONALE EN AFRIQUE Pourcentage du PIB 80 Ouverture plus large et potentiel d’approfondissement de l’intégration 60 commerciale régionale 40 Au cours des deux dernières décennies, les flux 20 d’échanges intrarégionaux se sont développés à un 1990 95 2000 05 2010 15 rythme élevé, parallèlement à l’intégration rapide de Source : banque mondiale, base de données des indicateurs du développement dans le monde. l’Afrique dans le système commercial international (annexe en ligne 3.2). Graphique 3.2. Parts des échanges intra-africains et des échanges avec les partenaires commerciaux, 1990–2017 40 70 • Le commerce africain a connu un essor rapide du- Chine 35 Commerce intrarégional africain 60 rant les dernières décennies. Entre 1990 et 2017, UE (échelle de droite) 30 l’ouverture commerciale de la région (importa- 50 Pourcentage Pourcentage 25 tions et exportations de biens et de services) est 40 20 passée d’environ 53 % à 67 % du PIB, après avoir 30 15 culminé aux alentours de 2011, dans un contexte 20 10 de flambée des prix des produits de base. Cet essor 5 10 reflétait à la fois une augmentation des volumes et 0 0 une évolution favorable des prix, qui ont un peu 1990 95 2000 5 10 15 remodelé le paysage des partenariats commerciaux Sources : Nations Unies, base de données COMTRADE ; calculs de l’Afrique : de nouveaux partenariats ont été éta- des services du FMI. Note : la part du commerce est définie comme la moyenne de deux blis avec des pays émergents comme la Chine et le ratios : 1) part du total des exportations africaines et 2) part du total commerce des services s’est également développé. des importations africaines. UE = Union européenne. 2 D’après les données d’enquête, le commerce informel transfrontalier est important en Afrique. Plus tôt dans la décennie, les exportations informelles de l’Ouganda vers d’autres pays d’Afrique orientale représentaient pas moins d’un tiers du commerce formel régional. Dans la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), le commerce informel de certains produits alimentaires atteignait 30 % à 40 % du commerce officiel au début des années 2000 (BAfD, 2012). 43
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES : AFRIQUE SUBSAHARIENNE Graphique 3.3. Commerce intrarégional dans un échantillon de régions, 2007–17 Toutefois, l’intégration commerciale poussée qui ca- (Part moyenne du total des importations provenant de la région) ractérise la région masque une forte hétérogénéité 30 Minéraux d’un pays et d’une sous-région à l’autre. L’expansion 25 Produits alimentaires du commerce régional a fait émerger des pôles com- Produits manufacturés merciaux, notamment (compte tenu de leur part 20 dans le total des importations régionales) l’Afrique du Pourcentage 15 Sud, la Côte d’Ivoire, le Kenya et le Sénégal. Environ 10 35 % des importations intrarégionales proviennent 5 de la seule Afrique du Sud (et environ 40 % des im- portations manufacturières intrarégionales). Les pe- 0 Afrique PAFTA ALADI ASEAN ALENA tites économies du continent, surtout au sein de la Sources : Nations Unies, base de données COMTRADE ; calculs des SACU, sont aussi très bien intégrées (graphique 3.4). services du FMI. A contrario, certains des plus grands pays africains Sources Note : base= de : ALADI données COMTRADE Association des Nations latino-américaine Unies; et calculs des d’intégration sont encore très mal insérés dans le commerce ré- ALENA = Accord de libre-échange nord-américain ; ASEAN = Association des nations de l’Asie du Sud-Est ; gional. L’Algérie, l’Égypte et le Nigéria, qui, en- PAFTA = Zone panarabe de libre-échange. semble, représentent environ la moitié du PIB ré- gional, contribuent relativement peu au commerce • En moyenne, l’importance des échanges intraré- régional (à peu près 11 %). gionaux en Afrique est assez comparable à ce que l’on observe dans d’autres régions émergentes et En Afrique, le commerce intrarégional en développement, mais très inférieure au com- diffère du commerce avec le reste merce intrarégional dans les régions plus avancées. du monde et offre la possibilité En pourcentage du total des importations prove- d’exporter des produits plus sophistiqués nant de la région, le commerce intrarégional afri- cain est comparable voire plus important que le L’une des principales caractéristiques des exportations commerce régional au sein de la Zone panarabe de intrarégionales en Afrique est qu’elles sont plus diver- libre-échange ou de l’Association latino-américaine sifiées et à plus haute teneur en technologie que les d’intégration, par exemple. Il est en revanche bien exportations africaines destinées au reste du monde, moins développé qu’au sein de l’Association de lesquelles concernent toujours essentiellement les mi- l’Asie du Sud-Est et de l’Accord de libre-échange néraux (pétrole brut et cuivre, par exemple), qui repré- nord-américain3 (graphique 3.3). sentaient en moyenne environ 75 % du total des ex- portations entre 2007 et 2017, contre 16 % pour les Graphique 3.4. Intégration commerciale, 2015 100 15 Part du PIB cumulée Part cumulée des échanges commerciaux 80 Ratio commerce/PIB Intégration commerciale régionale relative 10 Part cumulée 60 40 5 20 0 0 GIN LBY LBR NGA GNQ COG SLE LSO GNB DZA MAR TUN GHA UGA CIV COD TCD RWA COM KEN SEN BWA MOZ BFA SSD BEN MWI SWZ SYC EGY GMB STP AGO ETH ZMB MLI GAB TZA CMR ZWE SOM MRT MDG MUS DJI CAF NAM TGO CPV SDN NER ERI BDI Sources : Nations Unies, base de données COMTRADE ; FMI, base de données des Perspectives de l’économie mondiale. Note : Pays classés par ordre décroissant de PIB, hors Afrique du Sud (sous forme de résidu). La part de chaque pays dans le commerce est la moyenne des exportations et des importations rapportée au total du commerce régional africain. L’intégration commerciale régionale relative est définie comme le ratio part du commerce régional/part du PIB régional. Voir à la page vi la liste des abréviations des pays. 3 Il convient de noter que les réexportations, substantielles dans certaines sous-régions (l’Union douanière d’Afrique australe (SACU) par exemple), peuvent contribuer à une hausse des indicateurs d’intégration commerciale intrarégionale et fausser les comparaisons. Néanmoins, faute de données, il n’est pas possible de déterminer le rôle des réexportations dans les tendances d’importation. 44
3. LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE CONTINENTALE CHANGERA-T-ELLE LA DONNE EN AFRIQUE ? 1. Composition du commerce intra-africain Graphique 3.5. Commerce intra-africain et2.commerce Composition des avec le exportations reste africaines vers le reste du monde du monde, 1990–2017 1. Composition 1.1.Composition Composition du du commerce du commerce commerce intra-africain intra-africain intra-africain 2. Composition 2. Composition 2. Composition des desafricaines exportations des exportations exportations africaines africaines vers levers le du reste reste du monde monde 100 vers le reste du monde 100 100 100 100 80 80 80 80 80 60 Pourcentage Pourcentage Pourcentage 60 60 60 60 Pourcentage Pourcentage 40 40 40 40 40 20 20 20 20 20 0 1990 93 96 99 2002 0 05 0 08 11 14 17 1990 93 96 99 2002 0 050 08 11 14 17 1990 1990 93 96 93 99 96 2002 99 2002 05 0805 11 08 14 11 1714 17 1990 1990 93 96 93 99 96 2002 99 200205 08 05 11 08 14 11 17 14 17 Produits manufacturés Produits alimentaires Minéraux Produits Produits Sources : Nations Unies, base de données COMTRADE ; calculs des services du FMI. manufacturés manufacturés ProduitsProduits alimentaires alimentaires Minéraux Minéraux produits manufacturés. En revanche, les exportations commerce dans d’autres régions du monde, et la créa- intrarégionales comprennent des produits à plus forte tion de chaînes de valeur y semble limitée. Par rap- valeur ajoutée : pendant cette période, les produits ma- port à celui d’autres régions, le commerce intrarégional nufacturés représentaient en moyenne quelque 40 % africain est plus axé sur les minéraux et moins sur les du commerce intrarégional (camions, automobiles, produits manufacturés (graphique 3.3). En outre, les etc.), les minéraux, 44 % (cuivre et autres) et les pro- échanges intra-industriels sont plus faibles que dans duits agricoles (dont le maïs), 16 % (graphique 3.5). d’autres régions, attestant d’une moins bonne insertion dans les chaînes de valeur régionales (graphique 3.7). Dans ce contexte, les pays dont l’économie est plus diversifiée tendent à commercer relativement plus Communautés économiques sous-régionales : avec les pays de la région. Même dans les commu- incidence des coûts du commerce liés aux nautés économiques régionales (CER) africaines, la droits de douane et aux mesures non tarifaires sophistication structurelle des exportations va de pair avec une augmentation des exportations intrarégio- L’expérience des CER africaines apporte un éclairage nales (graphique 3.6). sur les facteurs susceptibles d’influencer les échanges intrarégionaux sur le continent. Le développement Toutefois, les échanges commerciaux en Afrique des flux commerciaux régionaux observé en Afrique concernent toujours en priorité des produits moins depuis quelques décennies est allé de pair avec la créa- transformés et à moindre teneur technologique que le tion et l’extension de plusieurs CER, dont certaines Graphique 3.6. Intégration commerciale régionale Graphique 3.7. Indices Grubel–Lloyd et sophistication des exportations, 2015 (commerce intrabranche) régionaux, 2015 12 0,5 Reste de l’Afrique SADC Hors AfSS 10 Intégration commerciale 0,4 régionale relative 8 0,3 Indice GL 6 4 0,2 2 0,1 0 7,5 8 8,5 9 9,5 0,0 Sophistication des exportations ALENA UE ASEAN Mercosur PAFTA Afrique Sources : Nations Unies, base de données COMTRADE ; Cherif, Source : calculs des services du FMI. Hasanov et Wang (2018) ; calculs des services du FMI. Note : L’indice (compris entre 0 et 1) mesure la propension de deux pays Note : L’indice de sophistication des exportations est établi sur la à exporter et importer dans la même branche (code à 4 chiffres). Plus base de l’étude de Hausmann, Hwang et Rodrik (2006). L’intégration l’indice est élevé, plus les échanges commerciaux intrabranche sont commerciale régionale relative est définie comme le ratio part du importants (annexe 3.2 en ligne). ALENA = Accord de libre-échange commerce régional/part du PIB régional. AfSS = Afrique subsaharienne. nord-américain ; ASEAN = Association des nations de l’Asie du Sud-Est ; SADC = Communauté de développement de l’Afrique australe. PAFTA = Zone panarabe de libre-échange ; UE = Union européenne. 45
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES : AFRIQUE SUBSAHARIENNE Graphique 3.8. Afrique : moyenne des droits Graphique 3.9. Afrique : Intégration au sein des communautés de douane par communauté économique régionale économiques régionales Figure 20 3.8. Africa: Average Tariff Rates by Regional (Importations intrarégionales des CER en pourcentage du total des importations, 2015) 25 15 Commerce intrarégional Pourcentage 20 Commerce intra-africain 10 Pourcentage 15 5 Au sein des CER (préférentiel) Reste de l’Afrique Reste du monde Au sein des CER (AHS) 10 0 UMA COMESA CEMAC CEDEAO SADC 5 Sources : Nations Unies, base de données COMTRADE ; estimations des Sources services : Système d’analyse et d’information commerciales (TRAINS) du FMI. 0 Notede: Un la CNUCED et estimations taux de droit desproche préférentiel services dedu FMI.dans une communauté zéro UMA CEMAC COMESA CEDEAO SADC économique régionale (CER) ne signifie pas nécessairement qu’aucun Sources : Banque mondiale ; Nations Unies, base de données droit n’est applicable, car, dans certaines CER, tous les membres ne COMTRADE Sources : ;base calculs des services de données du FMI. des Nations Unies; Banque COMTRADE sont pas parties à l’accord de libre-échange. AHS = droit effectivement Note : Le commerce intra-africain exclut les échanges entre pays appliqué. « Reste de l’Afrique » et « Reste du monde » renvoient à AHS. membres de la même communauté économique régionale (CER). CEDEAO = Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ; CEDEAO = Communauté économique des États de l’Afrique de CEMAC = Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale ; l’Ouest ; CEMAC = Communauté économique et monétaire de CER = communauté économique régionale ; COMESA = Marché l’Afrique centrale ; COMESA = Marché commun de l’Afrique orientale commun de l’Afrique orientale et australe ; SADC = Communauté de et australe ; SADC = Communauté de développement de l’Afrique développement de l’Afrique australe ; UMA = Union du Maghreb arabe. australe ; UMA = Union du Maghreb arabe. appliquent des droits préférentiels presque nuls aux De surcroît, les échanges entre pays membres de échanges entre leurs pays membres (graphique 3.8). CER différentes restent limités (annexe en ligne 3.2), À l’heure actuelle, la quasi-totalité des pays africains sans doute en raison des taux de droits encore assez sont membres de communautés de ce type, et 75 % élevés auxquels ils sont soumis et qui avoisinent en des échanges commerciaux intrarégionaux se répartis- moyenne 12 % à 15 % (graphique 3.8). Le faible ni- saient entre 5 CER en 2017, la SADC représentant à veau des échanges commerciaux entre certains pays elle seule la moitié de ces échanges4. est peut-être également lié à un problème de longue date : de nombreux pays sont parties à plusieurs CER Toutefois, la baisse des droits de douane sur les échanges et accords appliquant des règles commerciales dif- commerciaux au sein des CER africaines a eu des ef- férentes (règles d’origine, par exemple), ce qui aug- fets inégaux sur les flux commerciaux dans les sous-ré- mente le coût des transactions commerciales sur le gions concernées, laissant entrevoir la présence d’obs- continent. Remédier à ces problèmes constitue à la tacles non tarifaires importants. Dans la SADC, par fois un objectif et un défi pour la ZLECAf. exemple, les flux ont atteint des sommets après la réduc- tion des droits de douane, et la part du commerce intra- COMMENT LA ZLECAF PEUT-ELLE communautaire a notablement augmenté. Dans d’autres SOUTENIR L’INTÉGRATION CER, en revanche, la baisse des droits de douane ne s’est pas traduite par un gonflement des flux commerciaux COMMERCIALE RÉGIONALE sous-régionaux (par exemple dans la Communauté éco- EN AFRIQUE ? nomique et monétaire de l’Afrique centrale, CEMAC). Il semble donc que des facteurs non tarifaires freinent le Le développement des flux commerciaux internatio- commerce, y compris le niveau élevé des coûts du com- naux et régionaux a joué un rôle non négligeable dans merce non liés aux droits de douane et la faible diversifi- l’accélération de la croissance en Afrique ces dernières cation des exportations. De fait, dans les pays membres années (FMI, 2015 ; FMI, 2018c). La ZLECAf de des CER en question, les coûts non tarifaires qui pèsent 2018 constitue un nouveau tournant sur la voie sur le commerce sont parmi les plus élevés de la région d’une intégration régionale approfondie et d’une (graphique 3.9) et les exportations sont relativement peu croissance plus rapide et plus durable. Néanmoins, diversifiées (annexe en ligne 3.2). les divers résultats obtenus dans les CER africaines 4 L’analyse se concentre sur cinq grandes CER qui couvrent l’essentiel du continent africain et ne se chevauchent que très peu. Il s’agit d’un sous-échantillon de nombreuses CER africaines (zones de libre-échange, unions douanières, unions monétaires, etc.) imbriquées les unes dans les autres (annexe en ligne 3.2). 46
3. LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE CONTINENTALE CHANGERA-T-ELLE LA DONNE EN AFRIQUE ? Graphique 3.10. Rôle des caractéristiques semblent indiquer que l’intégration régionale est un nationales dans le commerce régional processus complexe mettant en jeu plusieurs facteurs (Effets fixes par pays constatés avec le modèle de gravité : non tarifaires. Cette section s’intéresse au potentiel de médiane et écart interquartile) stimulation des échanges commerciaux régionaux que 20 recèle la ZLECAf et identifie les leviers sur lesquels 10 Différence par rapport les pouvoirs publics peuvent s’appuyer pour renforcer aux pays avancés 0 l’intégration commerciale en Afrique. –10 Potentiel d’approfondissement –20 de l’intégration commerciale régionale –30 Afrique Amérique latine Moyen-Orient Pays en Dans le contexte de l’évaluation de la ZLECAf, il est développement essentiel de déterminer dans quelle mesure elle peut d’Asie stimuler davantage le commerce intrarégional. L’un des Source : estimations des services du FMI. Note : La contribution des caractéristiques nationales est mesurée, piliers de la théorie du commerce est que les flux com- pour chaque région, à l’aide de l’ensemble des effets fixes (par secteur merciaux augmentent avec la taille des pays, leur degré importateur et par secteur exportateur) issus d’une régression de gravité (annexe en ligne 3.3). Les lignes au-dessus et au-dessous correspondent de développement et leur proximité géographique et aux premier (25 %) et troisième (75 %) quartiles des effets fixes. culturelle. Cette section évalue le degré d’intégration Graphique 3.11. Déficits d’échanges commerciaux dans les régionale en Afrique en mesurant l’incidence de ces ca- communautés économiques sous-régionales africaines ractéristiques sur les flux d’échanges. Ce faisant, elle (Différence d’élasticité du commerce par rapport à la SADC) s’inspire des travaux empiriques sur le sujet et estime 4,5 des équations de gravité couvrant 148 pays entre 2000 3,5 Différence par rapport à la et 2015, à l’aide de données sur le commerce des mar- 2,5 chandises ventilées par secteur d’activité. 1,5 SADC 0,5 D’après les estimations, les pays africains commer- –0,5 ceraient moins que les pays d’autres régions (gra- –1,5 phique 3.10). Autrement dit, outre leur taille et leur –2,5 degré de développement, les économies africaines –3,5 présentent des particularités en raison desquelles le CAE CEDEAO CEMAC COMESA UMA niveau de l’activité commerciale est plus faible que Source : estimations des services du FMI. dans d’autres régions. Ces particularités sont entre Note : Les moustaches correspondent à un intervalle de confiance autres des facteurs structurels propres aux économies de 95 %. Pour plus de détails sur la régression de gravité, voir l’annexe en ligne 3.3. CAE = Communauté d’Afrique de l’Est ; africaines et des facteurs liés aux politiques conduites CEDEAO = Communauté économique des États de l’Afrique de (droits de douane, médiocrité de la logistique et des l’Ouest ; CEMAC = Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale ; COMESA = Marché commun de l’Afrique orientale infrastructures, offre de crédit limitée, etc.) (annexe et australe ; SADC = Communauté de développement de l’Afrique en ligne 3.3). Il semble également ressortir de l’ana- australe ; UMA = Union du Maghreb arabe. lyse empirique que certaines sous-régions et cer- alimentaires, les produits sylvicoles et autres produits tains secteurs peuvent encore considérablement ap- primaires ainsi que les produits manufacturés, est profondir l’intégration commerciale. Plusieurs CER moins important que ne le prévoit le modèle de gra- comme la CEMAC, l’Union du Maghreb arabe vité ; les échanges dans ces secteurs pourraient donc (UMA), le Marché commun d’Afrique orientale être davantage développés (graphique 3.12). et australe (COMESA) et la Communauté écono- mique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) Malgré l’effet positif sur le commerce des CER et des couvrent une majorité de pays africains tout en droits de douane préférentiels quasi nuls qu’elles ap- comptabilisant moins d’échanges commerciaux que pliquent, des déficits d’échanges commerciaux sont les CER les plus performantes du continent ; il serait observés. Ils reflètent peut-être les goulets d’étran- donc possible, semble-t-il, d’approfondir l’intégration glement non tarifaires qui subsistent dans ces com- commerciale dans ces sous-régions (graphique 3.11). munautés, ainsi que d’autres obstacles comme la Selon des estimations empiriques, le commerce in- disparité des régimes commerciaux, qui entrave les trarégional des marchandises, telles que les produits échanges entre communautés. 47
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES : AFRIQUE SUBSAHARIENNE Graphique 3.12. Afrique : déficits d’échanges Graphique 3.13. Élasticité du commerce intrarégional commerciaux intrarégionaux par secteur aux droits de douane, par secteur 1,5 (Importations intrarégionales des CER rapportées au total des importations, 2015) niveau de référence du secteur 1,0 Différence par rapport au 0,5 20 0,0 0 Élasticité aux droits –0,5 –20 de douane –1,0 –1,5 –40 –2,0 –60 Combustibles fossiles Produits manufacturés Matériels Produits alimentaires Produits chimiques Produits sylvicoles/miniers Boissons/tabac Huiles alimentaires –80 Combustibles fossiles Produits manufacturés Matériels Produits alimentaires Produits chimiques Produits sylvicoles/miniers Boissons/tabac Source : estimations des services du FMI. Note : Les secteurs sont classés par ordre décroissant de part dans le commerce intra-africain. Les bâtons représentent le déficit, dans chaque secteur, par rapport au commerce intra-africain donné par le modèle Sources : Système d’analyse et d’information commerciales (TRAINS) de gravité (annexe en ligne 3.3). Les moustaches correspondent à de la CNUCED ; estimations des services du FMI. l’intervalle de confiance de 95 %. Rouge clair = coefficient non significatif. Note : Les secteurs sont classés par ordre décroissant de part dans le commerce intra-africain. Les bâtons représentent la sensibilité du commerce Avantages liés à la ZLECAf et mesures aux droits de douane selon le modèle de gravité (annexe en ligne 3.3). Les moustaches correspondent à un intervalle de confiance de 95 %. envisageables pour stimuler notablement l’intégration commerciale régionale mesurés récemment (annexe en ligne 3.3). Des baisses moins importantes auraient bien entendu des effets Comprendre les facteurs à l’origine des déficits impor- globaux plus modestes5. tants d’échanges commerciaux intrarégionaux et iden- tifier les politiques pouvant contribuer à stimuler ces Outre les droits de douane, la distance paraît être, en échanges sera essentiel pour la réussite de la ZLECAf. Afrique, un obstacle au commerce intrarégional plus gênant que dans d’autres régions du monde (annexe en La forme la plus visible et mesurable des obstacles ligne 3.3). C’est le signe que certains facteurs non tari- au commerce — et l’un des aspects centraux de la faires alourdissent singulièrement le coût du commerce ZLECAf — réside dans le niveau des droits de douane. des marchandises pour les pays africains et contribuent Représentent-ils un frein important au commerce in- sans doute aux déficits commerciaux régionaux. L’un trarégional en Afrique ? L’analyse empirique fondée des facteurs essentiels est la médiocrité des services fa- sur un modèle de gravité appliqué aux pays africains cilitant les échanges, comme la logistique et les in- montre que les baisses des droits de douane peuvent frastructures de transport, les procédures à la frontière doper le commerce intrarégional, en particulier des et les pratiques douanières. Les barrières non tarifaires produits minéraux, des produits manufacturés et dans courantes telles que les contingents, les licences et les les secteurs liés à l’agriculture (graphique 3.13). Bien règles d’origine complexes ou dissemblables ainsi que que l’élasticité estimée des flux commerciaux aux droits les obstacles sanitaires, phytosanitaires et techniques de douane en Afrique soit relativement limitée, l’effet jouent également un rôle critique, de même que l’ab- global d’une baisse très étendue des droits de douane, sence d’environnement économique et réglementaire telle qu’elle est envisagée dans le cadre de la ZLECAf, approprié. À cet égard, les pays africains font partie des pourrait être appréciable. La suppression des droits de pays où les coûts non tarifaires du commerce sont les douane sur 90 % des flux d’échanges intrarégionaux plus élevés au monde (graphique 3.14). actuellement frappés majorerait d’environ 16 milliards de dollars (soit de près de 16 %) la valeur du com- Quels sont les obstacles non tarifaires qui contribuent merce intrarégional par rapport aux niveaux moyens à expliquer les déficits commerciaux intrarégionaux 5 Il est prévu que les pays membres de la ZLECAf suppriment les droits de douane sur 90 % des produits, avec possibilité d’appliquer la réduction soit aux lignes tarifaires, soit aux valeurs à l’importation. L’impact potentiel de ces deux options sur la libéralisation des échanges est relativement différent. Cibler les lignes tarifaires pourrait se solder par des réductions tarifaires ne représentant pas plus de 15 % de la valeur des importations (CEA, 2018). 48
3. LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE CONTINENTALE CHANGERA-T-ELLE LA DONNE EN AFRIQUE ? Graphique 3.14. Coût des mesures non tarifaires, 2015 Graphique 3.15. Élasticité du commerce intrarégional (Équivalent tarifaire) (Équivalent tarifaire) 5 Facteurs indirects Élasticité du commerce normalisée 300 4 250 3 200 Pourcentage 2 150 1 100 0 50 -1 0 Logistique Infrastructure Crédit/PIB Éducation Droits de douane Facilité de faire des Afrique Amérique latine Pays en Pays avancés Moyen-Orient développement affaires d’Asie Source : Banque mondiale, base de données sur les coûts du commerce ; Nations Unies, base de données CESAP. Source : Base de données CESAP-Banque mondiale sur les Sources : Système d’analyse et d’information commerciales (TRAINS) en Afrique ? Pour éclaircir ce point, le modèle de gra- de la CNUCED ; estimations des services du FMI. vité est augmenté et inclut des déterminants tels que Note : Les bâtons représentent les coefficients normalisés par l’écart- type de chaque variable. Les moustaches correspondent à un intervalle la qualité de l’infrastructure et la logistique. Comme de confiance de 95 %. L’élasticité aux droits de douane se rapporte au les autres travaux publiés sur ce sujet, notre modèle modèle non augmenté. augmenté prend également en compte des facteurs qui influent indirectement sur les échanges commer- Les résultats fondés sur les tendances du commerce ciaux : offre de crédit au secteur privé, indicateurs re- mondial confirment que la logistique commerciale est latifs au climat économique et à l’éducation, etc.6. Il le facteur non tarifaire le plus important pour prédire apparaît que ces facteurs jouent un rôle important et le commerce international, devant l’infrastructure et pénalisent plus le commerce intrarégional en Afrique d’autres facteurs comme le crédit, l’éducation et le que les droits de douane. Toutes choses égales par ail- climat des affaires (graphique 3.16 ; voir aussi l’an- leurs, l’amélioration de la logistique, de l’infrastruc- nexe en ligne 3.4). ture et de l’accès au crédit ainsi qu’un environnement économique plus propice aux affaires vont de pair S’agissant plus particulièrement du commerce intra- avec des flux commerciaux intrarégionaux plus sou- régional et de l’Afrique, le modèle de gravité confirme tenus (graphique 3.15). S’agissant de la logistique, les ce qui suit (graphique 3.17) : services liés aux douanes, y compris les procédures de dédouanement et, dans une certaine mesure, les ac- • La logistique du commerce constitue l’obstacle di- tivités de secteurs généralement réglementés comme rect le plus gênant. En rapprochant la qualité de les services de courtage, sont particulièrement impor- la logistique de la moyenne mondiale (soit une tants (annexe en ligne 3.3). hausse d’environ 19 %), on diminuerait le coût des mouvements de biens transfrontaliers et l’on Bien que les facteurs non tarifaires soient des obsta- développerait les échanges commerciaux intra- cles majeurs au commerce intrarégional, les décideurs régionaux de plus de 12 %. L’amélioration des doivent surtout déterminer quels facteurs comptent douanes, y compris des procédures de dédouane- le plus. Pour examiner cette question, ce chapitre ment et, dans une certaine mesure, de la qualité s’appuie sur une analyse en composantes principales des services d’exploitation et de courtage, est parti- et sur des techniques d’apprentissage automatique culièrement importante pour les flux commerciaux pour saisir la nature complexe des différents facteurs intrarégionaux en Afrique (annexe en ligne 3.3). facilitant les échanges et les interactions non linéaires entre ces facteurs et les flux commerciaux, dont les • L’infrastructure est un autre obstacle non tari- modèles de gravité habituels font abstraction la plu- faire majeur, même si son impact est moins fort. part du temps. D’après les estimations du modèle de gravité 6 Globalement, les facteurs non tarifaires compliquent les échanges ou en majorent le coût. Il s’agit des obstacles non tarifaires habituels (contingents, subventions, licences, application restrictive de mesures non tarifaires comme les règles d’origine et les mesures sanitaires et phytosanitaires), de la logistique et de l’infrastructure de transport, et d’autres facteurs susceptibles de freiner indirectement les échanges (crédit, capital humain, climat des affaires, etc.). 49
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES : AFRIQUE SUBSAHARIENNE Graphique 3.16. Importance des obstacles non tarifaires Graphique 3.17. Potentiel d’augmentation (Classement optimisé (méthode de la forêt d’arbres décisionnels) du commerce intrarégional en Afrique 0,16 (Variation en pourcentage des flux d’échanges commerciaux) 35 0,14 30 Variation en pourcentage 25 Importance du commerce 0,12 20 15 0,10 10 5 0,08 0 Logistique du commerce Infrastructure Éducation Crédit/PIB Climat des affaires Crédit Logistique Infrastructure Droits de 23 19 40 douane 50 Source : estimations des services du FMI. Sources : Banque mondiale, base de données de l’indice de Note : Les valeurs en abscisse correspondent à la variation en performance logistique ; Forum économique mondial ; calculs pourcentage de l’indicateur nécessaire pour atteindre la moyenne des services du FMI. mondiale. pour l’Afrique, si la qualité de l’infrastructure at- correspondants. Il serait également souhaitable de teignait le niveau moyen mondial (et progres- poursuivre les efforts pour améliorer le climat des sait donc d’environ 40 %), les flux commerciaux affaires et le capital humain. Il faut pour cela des intrarégionaux augmenteraient de 7 %. Les ef- politiques à moyen terme visant à combler les re- forts déployés récemment par de nombreux pays tards du continent en matière d’éducation et de africains pour combler le déficit d’infrastructure compétences et à supprimer les obstacles qui en- peuvent d’ailleurs les aider à tirer avantage de la travent l’activité des entreprises. ZLECAf. Il faut s’attaquer aux obstacles non tarifaires • L’accès du secteur privé au crédit, le climat des af- pour tirer parti des baisses de droits de douane faires et le capital humain contribuent aussi de manière importante à soutenir le commerce in- Les facteurs non tarifaires peuvent aussi nuire à l’effi- trarégional. Parvenir à un niveau d’approfondis- cacité des mesures tarifaires. Ainsi, abaisser les droits sement des circuits financiers comparable au ni- de douane peut avoir des effets moindres sur les flux veau mondial global favoriserait considérablement commerciaux quand il existe des goulets d’étrangle- le développement des échanges. Pour soutenir le ment importants en matière de logistique. Afin d’éva- commerce, l’intégration financière devrait viser luer dans quelle mesure les obstacles non tarifaires en priorité à étoffer l’infrastructure financière ré- sapent l’efficacité des politiques tarifaires, ce chapitre gionale, ce qui signifie notamment : développer s’appuie sur une analyse empirique utilisant un mo- et harmoniser les systèmes de paiement régionaux dèle à seuil couvrant plus de 120 pays entre 1990 et pour faciliter encore plus les paiements trans- 2017 (annexe en ligne 3.4). frontaliers ; créer des accords de crédits croisés entre banques centrales et un centre de compen- L’analyse empirique montre que les facteurs non ta- sation multidevises dans la région pour réduire rifaires comme l’infrastructure et la logistique du les risques qu’induisent les transactions com- commerce nuisent à l’efficacité des mesures tarifaires merciales dans plusieurs monnaies différentes ; conçues pour promouvoir le commerce et pourraient enfin, continuer de coordonner le contrôle des diminuer l’impact de la ZLECAf sur le commerce banques panafricaines susceptibles de faciliter le intrarégional7. L’abaissement des droits de douane, commerce intrarégional (annexe en ligne 3.9). en particulier, a sans doute moins d’effet sur les flux Cette expansion devrait aller de pair avec des d’échanges quand la qualité de l’infrastructure est cadres prudentiels permettant de gérer les risques médiocre (inférieure à un certain seuil, par exemple). 7 Tous les indices sont des mesures synthétiques d’indicateurs existants. Par exemple, l’indice relatif à l’infrastructure couvre huit indicateurs, dont la qualité des routes et des voies ferrées et l’accès à l’électricité. 50
3. LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE CONTINENTALE CHANGERA-T-ELLE LA DONNE EN AFRIQUE ? Graphique 3.18. Déficits relatifs à l’infrastructure et à la logistique commerciale en Afrique 1. 1. Qualité Qualité dede l'infrastructure l'infrastructure 2. 2. Logistique Logistique commerciale commerciale 1,81,8 1,41,4 1,61,6 seuil seuil 1,21,2 1,41,4 seuil seuil 11 1,21,2 11 0,80,8 0,80,8 0,60,6 0,60,6 0,40,4 0,40,4 0,20,2 0,20,2 00 00 NGA BEN UGA SEN GHA RWA KEN CIV DZA MAR MWI BFA AGO ZAM MOZ ETH GAB ZAF MDG BDI MLI CMR ZWE TZA MUS NGA BEN UGA SEN GHA DZA MAR MWI RWA KEN MOZ CIV BFA ETH AGO GAB ZAF NGA BEN UGA SEN GHA RWA KEN CIV DZA ZAM MAR ZWE MUS MWI MDG BDI TZA MLI BFA AGO ZAM MOZ ETH GAB ZAF CMR MDG BDI MLI CMR ZWE TZA MUS NGA BEN UGA SEN GHA DZA MAR MWI RWA KEN MOZ CIV BFA ETH AGO GAB ZAF ZAM ZWE MUS MDG BDI TZA MLI CMR Sources : Banque mondiale, base de données de l’indice de performance logistique ; Forum économique mondial ; calculs des services du FMI. Note : Les seuils sont estimés à partir d’un modèle de panel avec effets fixes (Hansen, 1999). Les seuils identifient les ruptures structurelles qui partagent l’équation en deux régimes différents sur le plan de l’élasticité du commerce aux droits de douane. Voir à la page vi la liste des abréviations des pays. Dans les pays dotés d’une infrastructure insuffi- d’étranglement non tarifaires sont essentielles pour sante, des progrès dans ce domaine multiplieraient dynamiser le commerce intrarégional en Afrique. potentiellement par deux l’effet de stimulation des L’analyse se fonde jusqu’ici sur des modèles d’équi- échanges produit par la baisse des droits de douane. libre partiel et ne rend pas compte des effets de ré- Cet effet est particulièrement puissant dans les pays troaction. Les modèles d’équilibre général calculable enclavés. Ces résultats sont pertinents pour l’Afrique : (EGC) tiennent compte des effets de détournement la plupart des pays africains sont relativement mal des échanges et de création d’échanges qu’engendrent classés en ce qui concerne la qualité de l’infrastruc- les chocs tarifaires et non tarifaires en exploitant les ture (graphique 3.18) et un tiers environ sont en- avantages comparatifs des pays et les ajustements de clavés, indiquant que la médiocrité de l’infrastructure salaires et de prix à l’échelle mondiale8. Appliqués au en Afrique diminue l’efficacité des réductions tari- commerce intrarégional en Afrique, les modèles EGC faires censées stimuler les échanges commerciaux sur confirment tous que la réduction des coûts non ta- le continent. Pour les pays enclavés, la logistique joue rifaires a bien plus d’effets sur les flux commerciaux aussi un rôle important. Elle influe davantage sur leur que la suppression des droits de douane. On estime capacité à commercer, et les services logistiques de que l’élimination des droits de douane perçus dans base renforcent considérablement l’impact des baisses le cadre du commerce intrarégional permet d’aug- tarifaires sur le commerce. Globalement, l’améliora- menter les échanges commerciaux dans la région tion de l’infrastructure et de la logistique commer- d’environ 15 % à 25 % à moyen terme, tandis qu’une ciale de base est particulièrement importante pour réduction de moitié des obstacles non tarifaires pro- que les pays enclavés puissent tirer profit des réduc- duirait des effets plus de deux fois supérieurs. Les tions tarifaires. modèles montrent également que les baisses tarifaires ont un effet limité sur le bien-être et que seule la ré- Dans les pays à faible revenu, plusieurs facteurs non duction simultanée des obstacles tarifaires et non ta- tarifaires agissent sur l’efficacité des réductions tari- rifaires peut avoir des effets bénéfiques notables sur le faires. La médiocrité de l’infrastructure et l’insuffi- bien-être et le PIB (annexe en ligne 3.5)9. sance du capital humain contribuent conjointement à amoindrir l’efficacité des réductions tarifaires prévues Bien que le débat concernant la ZLECAf se soit prin- pour stimuler l’intégration commerciale. cipalement focalisé sur le commerce des biens, la li- béralisation du commerce des services, y compris fi- Globalement, les travaux empiriques indiquent nanciers, est tout aussi importante pour le bien-être que les politiques de suppression des goulets des pays, même si le manque de données empêche 8 Bien qu’ils reflètent diverses interactions économiques, ces modèles ne rendent pas compte de l’effet transformateur que le commerce peut exercer sur l’économie d’un pays. 9 Les études récentes semblent montrer que le gain de bien-être pourrait atteindre 0,5 % à moyen terme si les droits de douane frappant les échanges intrarégionaux étaient supprimés. En combinant suppression des droits de douane et réduction de moitié des obstacles non tarifaires, le gain à moyen terme irait jusqu’à 0,6–3,8 % et le PIB augmenterait d’environ 1 % (annexe en ligne 3.5). 51
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