LAW REFORM COMMISSION - Law of Prescription under Code Civil Mauricien Issue Paper
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LAW REFORM COMMISSION Issue Paper Law of Prescription under Code Civil Mauricien [March 2013] Port Louis, Republic of Mauritius 4th Floor, Cerné House Tel: (230) 212-3816/212-4102 Fax: (230) 212-2132 E-Mail: lrc@mail.gov.mu URL http://lrc.gov.mu
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About the Commission THE LAW REFORM COMMISSION OF MAURITIUS consists of – (a) a Chairperson, appointed by the Attorney-General; (b) a representative of the Judiciary appointed by the Chief Justice; (c) the Solicitor-General or his representative; (d) the Director of Public Prosecutions or his representative; (e) a barrister, appointed by the Attorney-General after consultation with the Mauritius Bar Council; (f) an attorney, appointed by the Attorney-General after consultation with the Mauritius Law Society; (g) a notary, appointed by the Attorney-General after consultation with the Chambre des Notaires; (h) a full-time member of the Department of Law of the University of Mauritius, appointed by the Attorney-General after consultation with the Vice-Chancellor of the University of Mauritius; and (i) two members of the civil society, appointed by the Attorney-General. Under the direction of the Chairperson, the Chief Executive Officer is responsible for all research to be done by the Commission in the discharge of its functions, for the drafting of all reports to be made by the Commission and, generally, for the day-to-day supervision of the staff and work of the Commission. The Secretary to the Commission is responsible for taking the minutes of all the proceedings of the Commission and is also responsible, under the supervision of the Chief Executive Officer, for the administration of the Commission. The Commission may appoint staff on such terms and conditions as it may determine and it may resort to the services of persons with suitable qualifications and experience as consultants to the Commission.
Executive Summary Issue Paper «Law of Prescription under Code Civil Mauricien» [March 2013] In the context of the review of the Code Civil Mauricien, the Commission has compared the provisions of the Code relating to “Prescription” [Articles 2219-2283 CCM] with equivalent provisions in the French Civil Code [Articles 2219-2279 CCF], which were amended in 2008 to give effect to recommendations of the 2005 Catala Report [« Avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription »]. This Issue Paper highlights aspects of our law which can be reformed, such as time periods and mode of computation of time for limitation of actions. The views of stakeholders are being sought on those aspects.
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- PRESCRIPTION (Comparaison des dispositions du Code civil mauricien avec les dispositions du Code civil français) La prescription extinctive Généralités 1. La prescription extinctive, qui est un mode d’extinction des obligations résultant du défaut d’exercice des droits pendant un certain laps de temps, vise à sanctionner le titulaire du droit resté inactif pendant trop longtemps.1 De plus, la prescription extinctive est favorable au débiteur qui n’est plus en mesure de prouver l’exécution de son obligation.2 Réforme de la prescription extinctive dans le Code civil français 2. En ce qui concerne la prescription extinctive dans le Code civil français, « à compter de la seconde moitié du XXème siècle (…) le besoin de réforme se fait sentir ».3 « Le régime de la prescription apparaît trop complexe (point de départ, interruption, suspension, interversion, etc.). Et le délai trentenaire de droit commun, trop long. On dénonce également la multiplicité des délais, estimés à plus de deux cent cinquante par un groupe de travail constitué à la Cour de cassation sous l’égide du président WEBER. »4 La partie de l’avant-projet Catala sur la réforme du droit des obligations, « rédigée par le 1 L’inaction susmentionnée représente une espèce de faute civile. (F. TERRE, Ph. SIMLER, I. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 9ème éd. 2005, p. 1387, n. 1472) 2 TERRE, SIMLER, LEQUETTE, op. cit. , p. p. 1387, n. 1472 3 A. HONTEBEYRIE, Prescription extinctive, Rép. civ. Dalloz, mars 2011, p. 5, n. 3 4 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 5, n. 3 1
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- professeur MALAURIE (…) est inspirée, notamment, de la réforme du droit allemand des obligations intervenue en 2002 et des « codifications savantes » que sont les Principes du droit européen du contrat et les Principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international ».5 Un groupe de travail a été constitué au sein de la Cour de cassation afin d’examiner la partie de l’avant-projet Catala relative à la prescription. Certaines propositions que contenait l’avant-projet Catala ont été approuvées et d’autres pas.6 Par une loi numéro 2008-561 la prescription extinctive a été réformée en juin 2008. Délai de droit commun 3. Les articles 2270 du Code civil mauricien7 et 2224 du Code civil français8 régissent la prescription des actions personnelles. En droit mauricien, le délai de prescription est de 10 ans alors qu’en France, après la réforme de 2008, le délai de prescription est ramené à 5 ans.9 « Le choix de la durée d’une prescription extinctive est évidemment délicat et propice à une certaine forme d’arbitraire. »10 C’est pourquoi il n’est pas sûr que la réforme du délai de droit commun soit recommandable en droit mauricien, même si une telle réforme est envisageable. Il faut aussi se rappeler que même s’il est justifié de sanctionner le créancier négligent en prescrivant son droit d’agir en justice, il est tout de même nécessaire d’accorder au créancier un temps suffisant pour qu’il puisse agir en justice ! Le délai de droit commun ne doit donc pas être trop court. En tout état de cause, le délai de droit commun s’applique à l’action en exécution du contrat, à l’action en responsabilité civile, à l’action en répétition de l’indu, etc. 5 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 6, n. 4 6 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 6, n. 5 7 « Sous réserve des dispositions particulières de la loi, les actions personnelles se prescrivent par dix ans. » 8 « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. » 9 En 2008, le délai de droit commun passe de trente ans à cinq ans. 10 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 14, n. 65 2
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Doit-on maintenir le délai de prescription en matière d’action personnelle à dix ans ? Point de départ du délai de prescription 4. L’article 2224 du Code civil français fixe le point de départ du délai de prescription différemment de l’article 2271 du Code civil mauricien. Selon le texte français, le délai de prescription court « à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » alors que selon le Code mauricien « le délai de prescription court à compter du jour où le droit d'action a pris naissance. » L’action en réparation du préjudice est un exemple qui démontre qu’il existe une réelle différence entre les textes mauricien et français. Le droit d’agir en justice naît au moment où le préjudice a été subi par la victime. Selon notre Code, la prescription court à partir du moment où la victime a subi le préjudice, parce que c’est le moment (jour) où le droit d’agir a pris naissance. En revanche, d’après le Code français, le délai de prescription court à compter du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Il est évident que la victime apprend parfois l’existence de son dommage et de son droit d’agir en justice bien après le jour où le droit d’agir est né. Le droit français contient le mécanisme qui permet d’éviter des injustices. Ainsi a-t-il été jugé à plusieurs reprises, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi de 2008, que « la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance. » Bien entendu, l’ignorance de la victime doit être légitime et raisonnable d’après les circonstances de l’espèce, sinon on considérera qu’elle aurait dû connaître l’existence du dommage. Faut-il modifier le point de départ de la prescription dans le Code civil mauricien ? 3
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Délais de prescription spéciaux 5. Outre le délai de droit commun (5 ans) le Code civil français contient deux délais spéciaux. En ce qui concerne l’action en responsabilité pour préjudices corporels, selon l’article 2226 elle se prescrit par dix ans « à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ». Certes, le délai de prescription prévu à l’article 2226 du Code français correspond au délai de droit commun en droit mauricien. Néanmoins, il serait peut-être judicieux d’ajouter un alinéa ou un article spécial pour régler l’hypothèse évoquée, étant donné que le point de départ de ce délai n’est pas le même que le point de départ en général. En effet, on « substitue la date de consolidation du dommage à celle de sa manifestation »11, cette dernière date étant le moment où le droit d’agir mentionné à l’article 2271 du Code civil mauricien prend naissance. 6. « (…) En cas de préjudice causé par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur, l'action en responsabilité civile est prescrite par vingt ans. » La longueur du délai de prescription s’explique par des considérations spéciales que le législateur accorde à la victime, en raison de la gravité du préjudice subi. En d’autres termes, « (…) l’allongement à vingt ans de la durée de la prescription (…) se justifie, en l’occurrence, par l’évidente supériorité des intérêts en cause et la gravité du dommage. » « En outre, les traumatismes dont s’agit peuvent avoir pour effet de retarder l’exercice de l’action, ne serait-ce qu’en raison de l’appréhension de la victime. »12 Faut-il accorder une protection spéciale aux victimes ayant subi un préjudice particulièrement grave, en prévoyant un délai de prescription plus long que le délai de droit commun ? 11 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 36, n. 260 12 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 20, n. 114 4
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 7. Le Code civil mauricien prévoit un certain nombre de délais de prescription de trois ans ou moins : L’action des maîtres et instituteurs pour les leçons qu’ils donnent au mois, celle des hôteliers et traiteurs pour le logement et la nourriture qu’ils fournissent se prescrivent par six mois (art. 2273 CCM13); L’action des huissiers pour leurs salaires, des maîtres de pension pour le prix de la pension de leurs élèves, des autres maîtres pour le prix de l’apprentissage, des domestiques qui se louent à l’année pour le paiement de leurs salaires se prescrivent par un an (art. 2274 CCM14); L’action des médecins, des sages-femmes et des pharmaciens pour leurs services ou produits, ainsi que l’action des marchands pour le prix des marchandises qu’ils vendent aux non-marchands se prescrivent par deux ans (art. 2274 CCM15); L’action des avoués pour le paiement de leurs frais et salaires se prescrit par deux ans si l’affaire est terminée, sinon l’action se prescrit par cinq ans (art. 2275 CCM16); 13 « L'action des maîtres et instituteurs des sciences et arts pour les leçons qu'ils donnent au mois; Celle des hôteliers et traiteurs, à raison du logement et de la nourriture qu'ils fournissent, Se prescrivent par six mois. » 14 « L'action des huissiers, pour le salaire des actes qu'ils signifient, et des commissions qu'ils exécutent; Celle des maîtres de pension, pour le prix de la pension de leurs élèves et des autres maîtres, pour le prix de l'apprentissage; Celle des domestiques qui se louent à l'année, pour le paiement de leur salaire, Se prescrivent par un an. » 15 « L'action des médecins, chirurgiens, dentistes, sages-femmes, et pharmaciens, pour leurs visites, opérations et médicaments; Celle des marchands, pour les marchandises qu'ils vendent aux particuliers non marchands, se prescrivent par deux ans. » 16 « L'action des avoués, pour le paiement de leur frais et salaires, se prescrit par deux ans, à compter du jugement des procès ou de la conciliation des parties, ou depuis la révocation desdits avoués. A l'égard des affaires non terminées, ils ne peuvent former de demandes pour leurs frais et salaires qui remonteraient à plus de cinq ans. » 5
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Les arrérages des rentes perpétuelles et viagères ; ceux des pensions alimentaires ; les loyers des maisons et le prix de ferme des biens ruraux, les intérêts des sommes prêtées et généralement tout ce qui est payable par année ou à des périodes plus courtes se prescrivent par trois ans (art. 2279 CCM17). L’article 2276 du Code civil mauricien prévoit que les prescriptions susmentionnées s’arrêtent « lorsqu’il y a eu compte arrêté,18 cédule ou obligation,19 ou citation en justice non périmée ». La jurisprudence française en déduisait « qu’en présence d’un tel acte, la prescription était intervertie, en ce sens que le délai trentenaire (ou décennal en matière commerciale) se substituait au délai initial ». En d’autres termes, le délai de droit commun se substitue au délai spécial. L’interversion de la prescription suppose, en tout état de cause, une reconnaissance écrite de la dette, signée par le débiteur et indiquant le montant de la dette. 8. En France, de telles prescriptions existaient avant la réforme de 2008. Elles avaient l’effet probatoire. « L’écoulement du délai aboutissait simplement à présumer que le débiteur s’était acquitté de son obligation. Ces « courtes prescriptions » reposaient donc sur une présomption de paiement, liée au fait que les dettes concernées étaient habituellement réglées à bref délai et sans quittance. »20 « Cette présomption pouvait cependant être renversée et il en résultait, parfois, une interversion de la prescription ».21 « La loi de 2008 a supprimé ces prescriptions présomptives et, corrélativement, le mécanisme d’interversion qui y était attaché. »22 Autrement dit, « (…) il convient de 17 « Les arrérages des rentes perpétuelles et viagères; ceux des pensions alimentaires; Les loyers des maisons, et le prix de ferme des biens ruraux; Les intérêts des sommes prêtées, et généralement tout ce qui est payable par année, ou à des termes périodiques plus courts. Se prescrivent par trois ans. » 18 Il s’agit d’une reconnaissance de dette signée par le débiteur sur une facture, un mémoire détaillant les fournitures ou sur un livre du créancier. 19 Il s’agit d’une reconnaissance de dette dans un acte sous seing privé ou notarié. 20 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 31, n. 214 21 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 31, n. 214 22 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 31, n. 215 6
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- souligner que la loi de 2008 a supprimé quelques prescriptions biennales : – celles des anciens articles 2272, alinéa 3 (action des médecins, chirurgiens et autres professionnels de santé pour leurs visites, opérations et médicaments), et 2273 du code civil (action des avocats pour le paiement de leurs frais et salaires), qui relèvent désormais du droit commun ; – celle de l’article 2276, alinéa 2, du même code, que relaie le nouvel article 2 bis de l’ordonnance no 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers (L. no 2008-561 du 17 juin 2008, art. 8, II. – V. infra, nos 227 s.), en la maintenant à deux ans (…) ».23 « C’est donc désormais la prescription de droit commun qui régit les situations gouvernées naguère par ces dispositions. »24 Faut-il supprimer les prescriptions présomptives de notre Code civil ? Suspension de la prescription 9. L’article 2230 du Code civil français dispose que la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru. « Le cours du délai s’arrête et repartira lorsque l’événement suspensif considéré aura cessé. »25 10. Aux termes de l’article 2234 du Code civil français, « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.26 » Cet article, qui reflète l’adage contra non valentem agere non currit praescriptio, n’a pas fidèlement repris la jurisprudence antérieure à la réforme de 2008.27 L’impossibilité d’agir suspend aussi le 23 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 32, n. 219 24 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 55, n. 480 25 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 39, n. 291 26 Il en va ainsi de la guerre, des désastres naturels, des émeutes etc. 27 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 47, n. 322 7
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- cours de la prescription lorsqu’un sursis (délai de grâce par exemple) est accordé au débiteur par une décision de justice28 ou par une convention passée avec le créancier.29 Faut-il ajouter au Code civil mauricien un article qui autoriserait à suspendre la prescription lorsque le créancier est dans l’impossibilité d’agir pour une des causes prévues par la loi ? 11. Les articles 2252 du Code civil mauricien30 et 2235 du Code civil français31 sont presque identiques. La prescription ne court pas contre les mineurs ni contre les majeurs en tutelle. Or, notre Code fait simplement mention des « mineurs » alors que le Code français parle des « mineurs non émancipés. » La différence est de taille. L’interprétation stricte de l’article 2252 du Code civil mauricien nous amène à la conclusion que la prescription est suspendue non seulement contre les mineurs non émancipés mais aussi contre les mineurs émancipés ! Or, il n’y a pas de raison plausible pour suspendre la prescription contre les mineurs émancipés. Ceux-ci accèdent à une pleine capacité d’exercice et n’ont pas besoin de protection spéciale en raison de leur minorité. C’est pourquoi il est difficile de comprendre pourquoi le cours de la prescription serait suspendu contre les mineurs émancipés. Faut-il préciser dans le Code civil mauricien que la prescription est suspendue contre les mineurs non émancipés ? 12. L’article 2238 du Code civil français contient des règles sur la suspension du délai de prescription absentes de notre Code civil : « La prescription est suspendue à compter du 28 L’article 1244 alinéa 2 du Code civil mauricien dispose : « Les juges peuvent néanmoins, en considération de la position du débiteur, et en usant de ce pouvoir avec une grande réserve, accorder des délais modérés pour le paiement, et sursoir l’exécution des poursuites, toutes choses demeurant en état. » 29 HONTEBEYRIE, op. cit. , n. 315 30 « La prescription ne court pas contre les mineurs et les majeurs en tutelle, sauf ce qui est dit à l'article 2280, et à l’exception des autres cas déterminés par la loi. » 31 « Elle ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, sauf pour les actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, les actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts. » 8
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. (…) Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. » Une telle règle « a pour objectif d’éviter que les parties ne soient dissuadées de recourir aux modes alternatifs de règlement des conflits par crainte de voir expirer la prescription en cours de discussion. Elle répond notamment, sur ce point, à la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (art. 8). »32 La médiation existe bel et bien en droit mauricien. Ainsi, selon la section 2 (2) du Supreme Court (Mediation) Rules 2010 chacune des parties peut s’adresser au Chef Juge qui peut soumettre l’affaire à un médiateur. Or, ce genre de cas n’est pas concerné par une règle similaire à celle de l’article 2238 du Code civil français. La prescription y est suspendue dès le moment où l’instance devant la Cour suprême de Maurice a commencé et pendant toute sa durée. La médiation n’y change rien. En revanche, une règle similaire à celle issue de l’article 2238 du Code civil français peut être utile en cas de médiation extrajudiciaire, confiée à une tierce personne ou à une institution. D’ailleurs, en ce qui concerne le droit français, « il semble que toutes les médiations « nommées », judiciaires ou pas, « – au sens du droit spécial des contrats – soient suspensives de prescription. »33 Ne serait-il pas utile d’ajouter à notre Code civil une règle sur la suspension du délai de prescription en cas de médiation ? 32 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 44, n. 349 33 HONTEBEYRIE, op. cit. , pp. 44-45, n. 355 9
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Interruption de la prescription 13. L’article 2231 du Code civil français34 définit l’interruption de la prescription depuis la réforme de 2008. En revanche, notre Code civil ne définit pas l’interruption de la prescription. Notre Code civil doit-il définir l’interruption de la prescription ? 14. L’article 2242 du Code civil français contient une règle absente de notre Code civil : « L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. » Cette règle résulte du bon sens et est conforme à une jurisprudence bien établie, « aux termes de laquelle l’effet interruptif de la prescription résultant d’une action en justice se prolonge à l’égard de toutes les parties jusqu’à ce que le litige ait trouvé sa solution (…) ».35 Faut-il introduire une règle similaire dans notre Code civil ? Délai butoir 15. La partie du Code civil français relative à la prescription contient désormais un délai butoir, qui est un mécanisme toujours inconnu en droit mauricien. L’article 2232 alinéa 1 du Code civil français dispose : « Le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. » En réalité, le but d’un tel délai butoir consiste à limiter le temps de la prescription dans 34 « L'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien. » 35 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 52, n. 449 10
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- les cas où le report du point de départ, la suspension ou l’interruption durerait trop longtemps. Le délai butoir ne s’applique pas dans un certain nombre de cas : « Le premier alinéa n'est pas applicable dans les cas mentionnés aux articles 2226, 2227, 2233 et 2236, au premier alinéa de l'article 2241 et à l'article 2244. Il ne s'applique pas non plus aux actions relatives à l'état des personnes. » Faut-il introduire un délai butoir dans notre Code civil ? Conséquences du paiement d’une dette prescrite 16. L’article 2249 du Code civil français36 consacre une jurisprudence bien établie. La prescription d’une dette empêche le débiteur de demander la répétition du paiement effectué pour éteindre cette dette. La dette frappée de prescription fait penser à une dette naturelle au sens de l’article 1235 alinéa 2 du Code civil mauricien.37 Certes, il n’est pas possible d’exiger l’exécution forcée de la dette prescrite auprès des juges. Or, l’exécution de cette dette empêche le débiteur de demander la répétition de ce qu’il a payé. Néanmoins, à la différence de la dette naturelle classique, « l’action (…) est refusée » au payeur « alors même qu’il ignorait, au moment du paiement, que la prescription était acquise ».38 Faut-il insérer une règle dans notre Code civil afin de mettre un obstacle à la répétition de ce qui a été payée en vertu d’une dette prescrite ? 36 « Le paiement effectué pour éteindre une dette ne peut être répété au seul motif que le délai de prescription était expiré. » 37 « La répétition n'est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. » 38 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 59, n. 531 11
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Capacité de renoncer à la prescription 17. Les articles 2222 du Code civil mauricien39 et 2252 du Code civil français40 régissent différemment la question de la capacité de renoncer à la prescription déjà acquise. Notre Code contient une solution radicale. Celui qui ne peut aliéner ne peut renoncer à la prescription acquise. Les majeurs en tutelle ne peuvent aliéner alors que les majeurs en curatelle ne peuvent aliéner sans assistance de leur curateur. Néanmoins, les majeurs en curatelle, conservent leur capacité de discernement bien qu’ils aient besoin d’assistance. De plus, il arrive souvent que les majeurs en tutelle conservent eux aussi une partie de leur capacité de discernement, notamment pendant les moments lucides. L’article 2252 du Code civil français en tient compte. La personne qui n’a pas la pleine capacité d’exercice ne peut renoncer seule à la prescription. En d’autres termes, la personne en curatelle peut renoncer à la prescription avec l’aide de son curateur, et la personne en tutelle via son tuteur. Faut-il introduire un article dans le Code civil mauricien pour permettre aux personnes protégées de renoncer à la prescription avec l’aide de leurs tuteurs ou curateurs ? Aménagement conventionnel de la prescription 18. En France, « la loi de 2008 a offert aux parties la possibilité de procéder à un aménagement conventionnel de la prescription ».41 L’article 2254 alinéa 1 du Code civil français42 autorise les parties à réduire ou à allonger le délai de prescription prévu par la loi. Néanmoins, la liberté contractuelle dans ce 39 « Celui qui ne peut aliéner, ne peut renoncer à la prescription acquise. » 40 « Celui qui ne peut exercer par lui-même ses droits ne peut renoncer seul à la prescription acquise. » 41 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 66, n. 602 12
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- domaine n’est pas absolue.43 La convention des parties ne peut prévoir un délai inférieur à un an44 ni un délai supérieur à 10.45 L’article 2254 alinéa 2 du Code civil français46 autorise les parties à ajouter aux causes de suspension ou interruption de la prescription prévues par la loi d’autres causes. 47 « Les parties peuvent donc, par exemple, prévoir que la prescription sera interrompue par une lettre recommandée avec accusé de réception, voire par une lettre simple ou un courriel (…) De même pourraient-elles convenir, par exemple, d’une suspension en cas de négociations transactionnelles, de période de trouble, d’expertise non judiciaire, etc. ».48 Finalement, d’après l’article 2254 alinéa 3 du Code civil français49 le domaine de la liberté des parties est restreint par l’énumération des cas où les parties ne peuvent pas aménager la prescription (al. 3).50 19. L’aménagement conventionnel de la prescription extinctive inquiète la doctrine contemporaine. « Comme toute institution du droit civil, la prescription a pour fonction de protéger certains intérêts, qui sont en l’occurrence d’ordre privé mais aussi, à certains 42 « La durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. » 43 Comp. avec : TERRE, SIMLER, LEQUETTE, op. cit. , p. 1401, nn. 1488 et 1489 44 Le but de ce délai minimum consiste à donner au créancier un temps suffisant pour agir en justice. 45 « Elle ne peut toutefois être réduite à moins d'un an ni étendue à plus de dix ans. » 46 « Les parties peuvent également, d'un commun accord, ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de la prescription prévues par la loi. » 47 « La liberté conférée aux parties va-t-elle jusqu’à leur permettre de supprimer des causes de suspension ? » Sur cette question, la doctrine française est partagée. (HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 67, n. 617) 48 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 66, n. 612 49 « Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables aux actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts. » 50 « On s’interroge toutefois sur la question de savoir si cette possibilité d’aménagement inclut le point de départ de la prescription. En d’autres termes, les parties peuvent-elles différer ou anticiper le point de départ, de droit commun ou spécial, de la prescription ? » (HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 66, n. 608) Le texte de l’article 2254 du Code civil français impose une réponse négative. 13
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- égards, d’ordre public. Qu’en restera-t-il dans un système qui donne aux parties le loisir de l’anéantir de facto, en multipliant les causes d’interruption et de suspension ? »51 Faut-il permettre aux parties d’aménager conventionnellement la prescription ? Changement de la loi modifiant la durée de la prescription 20. La question se pose de savoir comment appliquer une loi nouvelle qui allonge ou qui réduit le délai de prescription ? Notre Code civil contient une lacune sur ce point. En revanche, le Code civil français contient des règles bien claires. La loi nouvelle qui allonge la durée d’une prescription ne s’applique pas aux prescriptions déjà acquises sous la loi ancienne. En revanche, la loi nouvelle s’applique aux prescriptions en cours, lorsque le délai de prescription prévu par la loi ancienne n’a pas encore expiré au jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. On tient compte du temps de la prescription qui s’est déjà écoulé sous la loi ancienne.52 Lorsque la loi nouvelle réduit la durée d’une prescription,53 le nouveau délai de prescription s’applique à partir du jour où la loi nouvelle est entrée en vigueur. Néanmoins, la durée de la prescription ne peut jamais dépasser la durée prévue par la loi antérieure.54 Faut-il transposer ces règles judicieuses sur la loi nouvelle allongeant/réduisant le délai de prescription dans notre Code civil ? 51 HONTEBEYRIE, op. cit. , p. 67, n. 614 52 L’article 2222 alinéa 1 du Code civil français dispose : « La loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. » 53 L’article 2222 alinéa 2 du Code civil français dispose : « En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. » 54 Par exemple, si la loi ancienne prévoyait un délai de prescription de 10 et si au bout de 7 ans à partir du point de départ d’une prescription donnée la loi nouvelle ramène le délai de prescription à 5 ans, la prescription susmentionnée sera acquise au bout de 3 ans à partir de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle et pas au bout de 5 ans. La durée de la prescription ne peut dépasser la durée prévue par la loi ancienne. 14
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- La prescription acquisitive 21. Les articles 2226 du Code civil mauricien55 et 2260 du Code civil français56 écartent la prescription acquisitive des choses hors du commerce. Or, le Code français parle des biens et droits qui sont des notions juridiques contemporaines, alors que notre Code mentionne « le domaine des choses ». Cette expression ne fait plus partie de la terminologie juridique moderne. Faut-il faire un toilettage de l’article 2226 du Code civil mauricien afin de remplacer l’expression « le domaine des choses » par l’expression « les biens ou les droits » ? 22. L’article 2277 alinéa 2 du Code civil français 57 contient une règle absente de l’article 2283 du Code civil mauricien. Si les meubles loués ont été déplacés et achetés sans le consentement du bailleur, celui-ci peut revendiquer la chose contre le tiers acquéreur à condition de lui rembourser le prix. Il s’agit d’une règle protectrice des intérêts du bailleur des meubles. Faut-il transposer l’article 2277 alinéa 2 du Code civil français dans notre Code civil ? 23. L’article 2263 du Code civil mauricien58 et l’article 2272 alinéa 2 du Code civil français59 régissent de façon différente la prescription acquisitive lorsque le possesseur est de bonne foi et lorsque la possession est assortie d’un juste titre. Depuis la réforme de 2008, en 55 « On ne peut prescrire le domaine des choses qui ne sont point dans le commerce. » 56 « On ne peut prescrire les biens ou les droits qui ne sont point dans le commerce. » 57 « Le bailleur qui revendique, en vertu de l'article 2332, les meubles déplacés sans son consentement et qui ont été achetés dans les mêmes conditions doit également rembourser à l'acheteur le prix qu'ils lui ont coûté. » 58 « Celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble, en prescrit la propriété par dix ans, si le véritable propriétaire habite à Maurice et par vingt ans, s'il est domicilié hors de Maurice. » 59 « Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. » 15
Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper «Law of Prescription under the Code Civil Mauricien» [March 2013] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- France,60 la prescription est acquise au bout de 10 ans. A Maurice, le Code civil distingue entre le propriétaire qui habite à Maurice et celui qui habite en dehors de Maurice. La prescription est acquise au bout de 10 ans dans le premier cas, au bout de 20 ans dans le second. L’idée sur laquelle repose la réforme française de 2008 est la suivante. Dans une société moderne, où l’ampleur du progrès technologique n’est plus à démontrer, il n’est pas nécessaire de prévoir un délai de prescription plus long au profit du propriétaire qui n’habite plus dans le ressort de la cour d’appel où l’immeuble est situé. Cette idée est-elle transposable au cas de l’Ile Maurice ? Il arrive que le propriétaire d’un immeuble habitant à l’étranger revienne rarement à Maurice, à cause des contraintes financières, et n’a pas de parents proches qui pourraient l’avertir du danger d’une prescription acquisitive. Serait-il judicieux de supprimer le délai de 20 ans qui a pour but de protéger le propriétaire de l’immeuble habitant à l’étranger ? 60 « Jusqu’à la réforme du 17 juin 2008, le délai de la prescription abrégée variait entre dix et vingt ans selon que le propriétaire véritable habitait ou non dans le ressort de la cour d’appel où était situé l’immeuble ». (B. GRIMONPREZ, Prescription acquisitive, Rép. Civ. Dalloz, jan. 2010, p. 19, n. 116) 16
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