Le défi d'Alice en Archipelia. Perspectives critiques du management interculturel - Philippe Pierre
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Le défi d’Alice en Archipelia. Perspectives critiques du management interculturel Pierre Robert CLOET, Alain-Max GUENETTE, Evalde MUTABAZI et Philippe PIERRE « Nous connaissons la force de gravité mais pas ses origines, et, afin d’expliquer pourquoi nous nous attachons à notre lieu de naissance, nous feignons d’être des arbres et nous parlons de racines. Regardez sous vos pieds. Vous ne trouverez aucune pousse noueuse qui perce vos semelles, Les racines, je me dis parfois, sont un mythe conservateur inventé pour nous maintenir à notre place » (Salman Rushdie, La Honte, Plon, 1998). Les contributions successives qui rythment cet ouvrage abordent les thèmes de recherche les plus ancrés dans l’actualité du management interculturel. Proposées par des collègues d’origines et de champs disciplinaires variés, elles permettent une ample vue d’ensemble des questions interculturelles posées de nos jours aux individus, aux sociétés dans lesquelles ils vivent ainsi qu’aux organisations dans lesquelles ils évoluent. Nourris par les échanges fructueux noués durant le colloque de septembre 2015 à la HEG Neuchâtel, dans la continuité des colloques tenus à l’EM Lyon en 2010 et à HEG Arc à Neuchâtel en 2012, ces recherches ont été regroupées dans la logique des ateliers de travail organisés lors de cet événement. Ces contributions ouvrent aujourd’hui la porte à de nouveaux prolongements nécessaires. Nous vous invitons ainsi à poursuivre cette exploration, en particulier celle des domaines que J. F. CHANLAT (1990) a su appeller des dimensions oubliées. Et afin de clôturer cet ouvrage, nous désirons nous pencher sur certaines pistes de réflexions qui, selon nous, émergent dans l’actualité et le débat public, et que nous nous devons de prendre en considération. Pour ce faire, nous nous appuierons sur une métaphore maritime. Notre ambition sera de mettre les chaussures d’une jeune chercheuse en management interculturel qui, chemin faisant voyagerait, telle un marin dans un archipel de questionnements appelé Archipelia par les géographes, lui donnant envie d’aborder tel ou tel champ d’investigation. Nous aurions pu l’appeler Petite poucette (M. SERRES, 2012) mais nous la baptiserons Alice1. Mais pour partir à l’aventure, saisir la « préfiguration » de ce qui est en train de s’élaborer et partager notre passion, il faudra à Alice se munir de deux outils indispensables à toute aventurière : une boussole et un sextant. Une boussole, tout d’abord, qui pourrait se définir par la perpétuelle recherche du sens. Sens, bien entendu, comme direction et valeur pour la direction. Ceci est évident. Mais aussi comme corporalité (sensorialité), intention et expérience vécue. De quoi le management interculturel est-il le nom ? Celui d’une discussion nécessaire autour de l’élargissement de la notion de sens et d’une compréhension fine de l’origine des différences culturelles dans le champ du travail, sans que l’on cantonne les registres symboliques et imaginaires aux « valeurs » sur lesquelles ils reposent. Un sextant ensuite, qui serait un nœud marin, un lien réunissant les théories, la recherche et les pratiques observées. Ces outils constitueraient les deux fils conducteurs de sa démarche et également de nos échanges à venir. 1: Nous avons choisi les noms d’Alice, grande voyageuse dans les profondeurs et de l’autre côté du miroir, et d’Archipelia comme clins d’oeil à Lewis Carroll, et à Thomas More et son ile Utopia
Une fois équipée, notre jeune aventurière doit disposer d’une carte d’Archipelia lui indiquant les îlots à explorer. Elle devra aussi connaitre et identifier les isthmes et les ponts qui les relient. Et tel un bon guide touristique interculturel, nous lui conseillerions quelques visites à ne pas manquer, la plupart valant - à elles seules - le voyage : § L’ile de la culture nationale est celle qui scintille le plus de jour comme de nuit lors du voyage en pays interculturel. La terre qui a été la plus foulée jusqu’à présent. Elle est à aborder non plus seulement, d’après nous, par la question « comment travailler avec les Chinois » mais comment travailler à distance avec eux. Et plus encore, est-on sûr de pouvoir définir ce qu’est un Chinois quand s’intensifient mobilités et migrations diasporiques ? Ce livre a bien montré que la supposée culture nationale n’est pas, bien souvent, une variable discriminante forte des cas observés ou qu’une variable de niveau supérieur nettement plus significative eu égard à l’objet de recherche opère (l’âge, l’origine sociale, la croyance religieuse, le sexe…). Le management interculturel peut être utile à Alice, notre jeune aventurière, à la condition que ce domaine accepte de pointer, explorer et reconnaître la force des processus humains de « pluri-appartenance » en lien étroits avec les dispositifs et structures qui « enracinent ». Nous défendons, dans cette conclusion, et plus largement dans nos travaux, une démarche dynamique du sujet au travail, incorporant ensemble éléments dialogiques, sémantiques et pragmatiques de l’expression des identités (R. SAINSAULIEU, 1977) et dimensions culturelles structurantes qui en ont précédé l’émergence (J. P. SEGAL, 2011, p. 79). § L’ile de la transculturalité, justement, propre aux phénomènes de télescopages culturels2. M. HERSKOVITS, en 1941, avec la notion de syncrétisme3, R. BASTIDE (1954) avec celle de bricolage, avaient ouvert la voie et montrer qu’une surabondance de cadres culturels entrecroisés dissémine la centralité normative et vient, au final, contester un modèle culturel occidental régi par le mode « linéaire » de la « filiation » et du « territoire » » (C. CHIVALLON 2002, p. 64). E. GLISSANT (1995, p. 19) est l’un de ceux qui a le mieux souligné, de ce fait, l’imprédictibilité foncière de l’Autre et proposé de comprendre, à la suite de G. DELEUZE et F. GUATTARI (1980), « l’identité comme rhizome, (…) non comme racine unique mais comme racine allant 2 : La notion de transculturalité annonce-t-elle la fin d’un certain régime de pouvoir et d’assujettissement des corps et des esprits, centralisé et pyramidal ? Ce qui est pointé ici est le passage de ce que M. FOUCAULT avait appelé les « sociétés disciplinaires », telles qu’elles s’étaient mises en place entre le XVIIIe et le XXe siècles : « la fin des grandes « institutions d’enfermement » (Eglise, Etat, école, caserne, usine, asile, etc.), la fin des « vieilles appartenances » (paroisses, patries, classes, syndicats, familles, etc.), la fin de « toutes les concentrations, même productrices et industrielles, même langagières, même culturelles » au profit « des distributions larges, multiples et singulières » (J. GAUHTIER (2013)). G. DELEUZE le constate en 1990 déjà : « ce qui compte, c’est que nous sommes au début de quelque chose. Dans le régime des prisons : la recherche de peines de « substitution » au moins pour la petite délinquance, et l’utilisation de colliers électroniques qui imposent au condamné de rester chez lui à telles heures. Dans le régime des écoles : les formes de contrôle continu, et l’action de la formation permanente sur l’école, l’abandon correspondant de toute recherche à l’Université, l’introduction de l’« entreprise » à tous les niveaux de scolarité. Dans le régime des hôpitaux : la nouvelle médecine « sans médecin ni malade » qui dégage des malades potentiels et des sujets à risque, qui ne témoigne nullement d’un progrès vers l’individuation, comme on le dit, mais substitue au corps individuel ou numérique le chiffre d’une matière « dividuelle » à contrôler. Dans le régime d’entreprise : les nouveaux traitements de l’argent, des produits et des hommes qui ne passent plus par la vieille forme-usine. Ce sont des exemples assez minces, mais qui permettraient de mieux comprendre ce qu’on entend par crise des institutions, c’est-à-dire l’installation progressive et dispersée d’un nouveau régime de domination ».. 3 : Rappelons que la notion est issue du front uni des cités de Crête, pourtant en rivalité perpétuelle, lorsqu’un ennemi extérieur les menaçait. Plus proche de nous, citons la manière dont les Brésiliens de Salvador de Bahia, descendants pour partie d’esclaves africains, ont fondu dans leur panthéon certaines figures locales, certains saints catholiques et aussi certaines divinités nigérianes yoroubas.
à la rencontre d’autres racines »4. La chance qu’a une culture de totaliser l’ensemble complexe d’inventions humaines est bien mince. Et il y a fort à parier que notre aventurière admette que les phénomènes de construction identitaire prennent nécessairement naissance, forme, sens et intelligibilité quand ils sont mis en rapport avec les dimensions culturelles structurantes qui en fournissent la forme et la cohérence et qu’elle cherche à dépasser une opposition stérile, en management interculturel, entre ceux qui étudient les « identités » et ceux qui ne veulent entendre parler que de « cultures » ; § L’ile de la mobilité, entendue ici - non seulement - comme phénomène accompagné de constantes stratégies identitaires, mais aussi et surtout comme injonction de la société toute entière à se « rendre mobile ». Si tout devient mobilité, appel incessant au mouvement, c’est que la mobilité devient philosophie générale des choses. T. GARCIA (2016) a remarquablement montré que nous sommes, de plus en plus, en Occident, des êtres préoccupés par le mouvement et l’intensification (plus de la même chose) - davantage que par la transcendance (pouvoir connaître autre chose d’éternel ou d’absolu) ; § L’ile du temps, celui de l’instantanéité, d’un avenir qui devient juste « l’instant d’après » (A. CODACCI-PISANELLI, 2004), de l’accélération continue décrite entre autres par H. ROSA (2010). Il s’agira, pour Alice, de comprendre qu’il ne s’agit pas « de la fin du monde » mais bien de la fin d’un monde, comme aime à le dire M. MAFFESOLI5 ; § L’ile de l’innovation, posant à son visiteur les questions de la transformation mais aussi de la transgression décrite par N. ALTER (2000), de la création, et enfin du talent, terme à la mode en entreprise mais équivoque et qu’il convient donc de décrypter sous ses différentes facettes. Là, le management interculturel pourra s’enrichir des recherches récentes en neurobiologie et en neuropsychologie qui étudient pourquoi les caractères qui se ressemblent s’assemblent et pourquoi le mimétisme est résultat d’une reconnaissance largement inconsciente des affinités qui nous rassurent. Alice fera face ici à sa capacité de s’arracher à ses propres habitudes, à ses propres préférences. Elle fera un pas vers l’inconnu ; § L’ile de la domination. Le management interculturel n’a pas à être vidé de l’étude des dimensions de la justice sociale et du pouvoir de dénonciation des structures d’intelligibilité sous jacentes qui amène chacun à agir comme un automate et non comme un sujet. Peut-on, par exemple, relire M. FOUCAULT et son ouvrage Surveiller et punir (1975) avec nos yeux d’interculturalistes quand se renforcent de nouveaux régimes panoptiques de traçabilité de nos parcours de vie sur la Toile ? 4 : Relisant A. CESAIRE et « l'immense cri nègre », G. GERMAIN, acteur et écrivain, écrit, au sujet de la créolisation : « nous avons longtemps pensé qu'après avoir été très européanisés, avec la négritude on voulait nous africaniser, et que nous n'arriverions jamais à être ce que nous sommes vraiment ». Nous y voyons la remise en question d’une « primauté des souches » mais aussi une capacité de s’approprier des signifiants apparus sous d’autres cieux. une culture conquérante et d culture colonisée implique souvent une hiérarchisation entre culture dominante et culture minoritaire 5 : « Quand j’ai commencé, la transmission du savoir était clairement verticale. Dans les dernières années, j’avais en face de moi des étudiants tous équipés d’ordinateurs et de smartphones, qui vérifiaient instantanément toutes mes références sur internet, me reprenant à l’occasion sur une date, ou une citation. Cela montre bien que ma position pouvait être remise en cause. Cet exemple illustre parfaitement l’un des fondements de la postmodernité qui est l’alliance du technologique et de l’archaïque » (Entretien dans Contrepoints.org, 5 janvier 2015, à propos de M. MAFFFESOLI, 2014).
Quand le mot d’ordre est remplacé par le mot de passe, obéissons-nous aussi facilement à des formes de pouvoir numérisés dans tous les pays et de la même manière ? Et comment s’organisent les contre-pouvoirs quand est donne hâtivement le nom de « société de la connaissance » à quelques grandes multinationales qui cherchent à tirer un maximum de profits dérivés, monétisés, de l’intensification des échanges d’informations. J. P. DE CHASTENAY, dans cet opus, souligne les réalités d’un modèle capitaliste californien qui, derrière l’affichage de l’économie de services gratuits cherche à multiplier l’activité en ligne des internautes afin d’en récolter puis d’en analyser les traces, et revendre au prix fort aux annonceurs publicitaires qui sont les vrais clients des informations rares ; § L’ile du corps et de la santé, qui est à découvrir par le prisme original des recherches interculturelles. Notre exploratrice devra se préparer à appréhender le réel avec un regard neuf et assez peu d’écrits relatant les expériences du trauma comme du handicap dans le champ des entreprises ; § L’ile aux racines, du sacré et du transcendant, dans laquelle le chercheur donnera libre cours à sa réflexion sur le fait religieux, en tant que lien entre système de pensée, croyances et pratiques cultuelles ; § L’ile des PME et des TPE, où la voyageuse curieuse prendra le temps de questionner la place du très petit dans le très grand, autrement dit comment est-il possible de dégager un socle commun permettant à tous les types d’acteurs d’explorer les challenges interculturels de leur internationalisation croissante ? § L’ile des « communs », qui conteste le fait que seuls le marché ou l’Etat produisent des biens et services. Le management interculturel a à nous en dire davantage qu’aujourd’hui des pratiques durables dans le temps qui fonctionnent selon des principes démocratiques dans les champs associatifs et humanitaires. Depuis ce point géographique, notre jeune aventurière apercevra certainement l’île du Tiers secteur, de l’économie solidaire, et celle de la sortie du « vieux » couple marché-assistance (économie marchande et action économique - redistribution imposée par un pouvoir central). B. EME (2005) a su montrer mieux que personne ce qu'était le secteur de l'autonomie, de la « socialité vécue » (soziale Lebenswelt) fondée sur la réciprocité des sujets sociaux. Or, les recherches en management interculturel privilégient encore, pour des raisons d’accès au terrain et tout simplement de commandes, l’étude du capitalisme industriel, risquant de laisser de côté l’étude de la révision des modes mêmes de production et ce continent entier de l’insertion et des régimes économiques alternatifs ; § L’île des formes nouvelles du travail salarié quand, par exemple, ceux que l’on nomme des « slasheurs » multiplient les sources de rémunération sans vouloir cultiver, nous dit-on, de véritable « statut ». Le management interculturel a certainement à éclairer ces façons de travailler, cette économie monétaire ou non monétaire des échanges réciprocitaires, qui concerneraient plus de 3 millions de Français, Britanniques ou Allemands. Comment, par exemple, éviter l’isolement du travailleur par des ateliers de coaching collectifs, des espaces de coworking ou des réseaux professionnels densifiés ? L’essentiel, nous avait enseigné A. JACQUARD (2006, p.10), est bien de faire comprendre à chacun qu’il est utile à l’autre, qu’il peut participer en apportant à un réseau vaste de rencontres. « Et c’est le rôle des collectivités, quelles qu’elles soient, de faire se rencontrer des gens pour leur montrer
qu’ils ont besoin les uns des autres, que chacun est défini par ses contacts avec les autres » ; § L’ile du renouveau des modèles de gestion, à visiter après la précédente, à laquelle elle est reliée d’ailleurs par une large bande de terre, et qui interroge l’émergence dans les organisations de nouveaux modèles d’engagements comme de gestion de carrière. Les interculturalistes éclaireront Alice, notre jeune aventurière, sur l’utilisation de plus en plus fréquente, par exemple, du préfixe « co- » quand on pratique le covoiturage, la colocation, la coopération… § L’ile des échanges nécessaire entre interculturalistes pour que les savoirs se diffusent et se discutent. Nul doute qu’Alice sentira combien nous avons besoin de croiser nos regards et nos approches conceptuelles en ces domaines. Ainsi, A. AKIWOWO (1999) puise, par exemple, dans la poésie traditionnelle yorouba (Nigéria) des concepts permettant, à la fois de transposer localement les principes d'explication du social développés en Occident mais aussi d'enrichir la sociologie mondiale. M. K. PARK et K. S. CHANG (1999) relatent la genèse de la maturation (par « dés-américanisation ») de la sociologie coréenne, laquelle considère dorénavant l'Occident comme possible objet d'étude ; § L’ile du transhumanisme, où Alice pourra étudier les rapports nouveaux entre incarnation physique et robotisation, entre corps humain et automation. Une ile de rêve pour celui qui se frotte à la science, à la prospective… et de profonde inquiétude pour celui qui pense que l’intelligence ne sera jamais artificielle et que si l’extériorisation technique, y compris cognitive, peut bien être considérée comme constitutive de l’histoire de l’humanité, le fait d’être « augmenté » constitue, en réalité, une bien grande menace ; § L’ile des faux-semblants quand on confond à tort diversité et égalité, démocratie et République (A. M. GUENETTE, N. MAKSIMOVIC, E. MUTABAZI et P. PIERRE, 2011). Un tableau de bord ne remplacera jamais une action juste, même sous couvert de charte ou de label. La diversité, concept vague et dangereux, ne complétera jamais la force de la loi et du code du travail. La véritable égalité, comme aimait à le rappeler L. GAMBETTA, ce n’est pas de constater des égaux, c’est d’en faire. De nos jours, on sait que ce qui ne peut se mesurer n’existe pas. Nous le regrettons. La fascination pour les appareillages statistiques fait perdre de vue que l’enjeu, en management, est bien de lutter contre une « approche culturelle pétrifiée dans une sorte d’essence intemporelle » ne s’intéressant qu’aux valeurs, pratiques et comportements d’une supposée culture sans en voir la cohérence inscrite en « système de sens » (P. d’IRIBARNE, 2005, p. 164). § L’ile de la critique sociale, où le visiteur devra résoudre l’énigme posée par une nouvelle économie des grandeurs, au sens donné par L.BOLTANSKI et THEVENOT (1991), dans le cadre d’une « cité interculturelle » qui se différencie de la cité « par projet » ; § Et toutes les iles d’Archipelia qui ne figurent pas (encore) sur les cartes. Alice, au cours de son périple apercevra trois iles qui semblent se tourner le dos – mais comment le peut-on quand on est une île – et que les marins les plus aguerris nomment univers de la « pratique », de l’enseignement et de la recherche. Les cours d’eau entre ces iles semblent se refouler sans cesse. Pourtant, dans une société–monde en construction, le
management interculturel réclame une analyse « hors les murs », « opératoire » c’est à dire exercée conjointement à partir de la pratique et de la recherche. Le statut et le développement du management interculturel renvoie, en effet, à la capacité des chercheurs et praticiens de découvrir des problèmes sociaux, des compétences acquises, qui ne pourraient pas être aperçus autrement que depuis l’articulation savante entre des méthodes positives (questionnaires), cliniques (entretiens), compréhensives et ethnographiques. Voici donc ce qui, selon nous, attend notre jeune collègue en Archipelia, et ce qui nous attend si nous décidons de l’accompagner. Elle et nous devrons nous passer des oripeaux des facilités offertes par la dichotomie et la catégorisation hâtive, le binaire et la généralisation abusive. Il conviendra de se vêtir de l’acceptation du chaos, de la concertation, de la remise en question, des atouts offerts par les Humanités, de la critique utile des légitimités discursives et des hiérarchies mal fondées, du militantisme et de l’engagement. Bref un voyage sans le confort du quotidien, dans un univers passionnant, celui de notre avenir. Si le lecteur souhaite avoir un avant goût de ce que nous lui proposons, il pourra s’en faire une idée en revenant en page de couverture, œuvre d’un des contributeurs de cet ouvrage6, qui selon nous illustre une mosaïque de lignes courbes, faites de multiples couleurs et d’angles en imbrications. Un archipel. Archipelia Bibliographie AKIWOWO A., « Indigenous sociologies. Extending the scope of the argument », International Sociology, vol. 14(2), June 1999, p. 115-138. ALTER N., L’innovation ordinaire, PUF, 2000. BASTIDE R., « Le principe de coupure et le comportement afro-brésilien », Congrès international des américanistes de São Paulo, 1954.BOLTANSKI L. et THEVENOT L., De la justification. Les économies de la grandeur, Gallimard, 1991. CHANLAT J. F., L'individu dans l'organisation : les dimensions oubliées, Presses de l'Université Laval, Éditions Eska, 1990. CHIVALLON C., «La diaspora noire des Amériques. Réflexions sur le modèle de l’hybridité de Paul Gilroy», L’Homme, n° 161, 2002, p. 51-74. CODACCI-PISANELLI A., « L’hypervitesse, maladie du XXIème siècle », Courrier international, décembre 2004. DELEUZE G., Pourparlers, Editions de Minuit, 1990. DELEUZE G. et GUATTARI F., Mille Plateaux – Capitalisme et schizophrénie 2, Les Éditions de Minuit, 1980. EME B., Sociologie des logiques d’insertion, Processus sociopolitiques et identités, Thèse de doctorat de sociologie, Sciences Po, 2005. Entretien avec A. JACQUARD recueilli par T. BERTHET et N. ELISSAGARAY, « De la différence à la discrimination », 11ème Université de la formation, de l’éducation et de l’orientation, Bordeaux, AEP, n° 130, 1er trimestre 2006. FOUCAULT M., Surveiller et punir, Gallimard, 1975. GARCIA T., La vie intense. Une obsession moderne, Éditions Autrement, 2016. GAUTHIER J., Petite Poucette : la douteuse fable de Michel Serres, http://skhole.fr/petite- poucette-la-douteuse-fable-de-michel-serres, 25/06/2013. GLISSANT E., Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1995, p. 19. GUENETTE A. M., MAKSIMOVIC N., MUTABAZI E. et PIERRE P., « Gestion de la diversité. L'urgence d'un management interculturel », HR Today, 2011. HERSKOVITS M., The Myth of the Negro Past, Boston, Beacon Press, [1941] 1990. d’IRIBARNE P., 2005, p. 164) « Analyse stratégique et culture : un nécessaire retour aux sources », Revue Française de Sociologie, 46-1, 2005. 6 : Il s’agit de CHAHER SAÏD OMAR MOHAMED que les auteurs de cet ouvrage remercient vivement.
MAFFFESOLI M., L’ordre des choses, CNRS Editions, 2014. PARK M. K. et CHANG K.S., « Sociology between Western Theory and Korean Reality », International Sociology, vol. 14(2), June 1999, p. 139-156. ROSA H., Accélération. Une critique sociale du temps, La Découverte, 2010. SEGAL J. P., « « Culturaliste » ? Culturaliste, toi-même ! », Gérer et comprendre, Mars 2011, n° 103. SERRES M., Petite poucette, Le Pommier, 2012.
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