Le Lien Entre l'Investissement Direct Étranger et le Commerce Intra-Régional au Sein de la CEDEAO
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DOCUMENT DE POLITIQUE GÉNÉRALE Le Lien Entre l'Investissement Direct Étranger et le Commerce Intra- Régional au Sein de la CEDEAO Eme Dada Août 2019 / No.624 Résumé L'objectif de cette note de politique générale est de faire connaître aux ministres du commerce et de l'investissement des pays de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) l'importance du lien entre les investissements directs étrangers (IDE) et le commerce pour les pays en développement. L'IED est considéré comme un moyen important de promouvoir les exportations des pays d'accueil. Ceci est vrai pour les IDE entrants, qui viennent pour des raisons d'efficacité. À l'inverse, on craint que des flux importants d'IDE sortants n'entraînent une baisse des exportations du
2 Document de Politique Générale No.624 pays d'accueil et des pertes d'emplois. Cela suppose à son tour que les exportations du pays d'origine diminuent car les IDE se substituent aux échanges commerciaux. Dans ce contexte, la recherche s'est concentrée sur la relation entre le commerce et l'investissement pour certains pays de la CEDEAO. L'accent a été mis sur l'augmentation des banques nigérianes transfrontalières dans d'autres pays de la CEDEAO. Les politiques régionales pertinentes ont également été examinées. Les résultats indiquent que l'augmentation des investissements dans le secteur bancaire a entraîné une augmentation du commerce. Cet impact sur le commerce est plus efficace que celui des politiques régionales. L'analyse montre également qu'il existe une corrélation positive entre le commerce intra-régional et les IDE, ce qui suggère qu'ils sont complémentaires. L'étude propose l'inclusion de dispositions relatives aux investissements dans les accords commerciaux traitant des flux de capitaux au sein de la CEDEAO. En outre, les politiques qui améliorent l'investissement dans le secteur bancaire devraient être mises en avant. Introduction Cette recherche se justifie du fait de l'importance du lien entre les investissements directs étrangers (IDE) et le commerce pour les pays en développement. Les IDE peuvent avoir des avantages significatifs pour les pays d'accueil, tels que l'amélioration des compétences techniques et gestionnaires ainsi que l'accroissement de la compétitivité sur le marché international. Cela est particulièrement vrai pour les IDE entrants, qui ne sont pas destinés au marché intérieur. À l'inverse, comme nous l'avons déjà mentionné, on craint que les flux importants d'IDE sortants n'entraînent une baisse des exportations du pays d'accueil et une perte d'emplois, ce qui indique un transfert de la capacité de production du pays d'origine vers le pays d'accueil. Cela suppose à son tour que les exportations du pays d'origine diminueront car les IDE se substituent aux échanges commerciaux. L'importance de ce lien explique l'inclusion croissante de dispositions relatives aux investissements dans de nombreux accords commerciaux traitant des flux de capitaux à l'échelle mondiale. Cela a permis d'harmoniser les politiques commerciales et d'investissement dans les accords régionaux. Toutefois, cette harmonisation n'est pas encore réalisée dans les accords commerciaux de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Par ailleurs, la nature de la relation entre le commerce et l'investissement fait l'objet de débats permanents. La théorie économique suggère que le commerce international et l'investissement sont des compléments plutôt que des substituts si le commerce entre les deux pays est basé sur l'avantage comparatif. Toutefois, si le commerce est basé sur l'avantage absolu, il peut y avoir substitution entre le commerce et l'investissement. D'autres arguments indiquent l'absence de causalité entre les exportations et les IDE en Inde. Le lien entre le commerce et l'investissement reste donc une question empirique.
Le Lien Entre l'Investissement Direct Étranger et le Commerce Intra-Régional au Sein de la CEDEAO 3 Il y a eu peu de tentatives pour étudier le lien entre les IDE et le commerce international au sein de la CEDEAO. Les études existantes sur le sujet se sont principalement concentrées sur les déterminants et les potentiels du commerce intra-régional et des IDE en Afrique. En conséquence, cette étude examine comment le commerce et les IDE sont corrélés en utilisant les données de certains pays de la CEDEAO. L'objectif principal est d'abord d'effectuer une analyse de la structure et de la tendance du commerce intra-régional (importation et exportation) et des IDE dans la CEDEAO ; et ensuite, de déterminer le lien entre le commerce et les IDE au sein de la CEDEAO. Ceci est particulièrement important pour la politique en raison des efforts accrus d'intégration régionale au sein de la CEDEAO. Méthodologie Les données utilisées dans la recherche sont les suivantes : les importations et les exportations intra-régionales pour certains pays de la CEDEAO pour la période de 1980 à 2010, provenant des statistiques de la Direction du commerce (DOTS) du Fonds monétaire international (FMI) ; et les IDE pour la même période dans le même ensemble de pays, issus de la base de données de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). La base de données de la CNUCED n'a pas fourni d'informations sur la destination des IDE quittant la CEDEAO. Cependant, sur la base de l'hypothèse de Linder, les IDE sont plus susceptibles de se produire entre des pays ayant des références économiques similaires, la proximité étant un critère clé. Par conséquent, le total des IDE sortants dans la région est considéré comme une approximation des IDE intra-CEDEAO. Carte de l'Afrique illustrant les pays de la CEDEAO
4 Document de Politique Générale No.624 L'estimation a consisté tout d'abord à déterminer les statistiques descriptives des variables. Il a fallu pour cela estimer la moyenne, la médiane, les valeurs maximales et minimales, l'asymétrie, l'aplatissement et l'écart type des séries. La plupart des séries avaient des valeurs supérieures à 0,05, ce qui indique que les séries sont normalement distribuées. La valeur de l'asymétrie pour chacune des séries est proche de zéro, tandis que le kurtosis se situe entre 2,7 et 3,1. Dans l'ensemble, les séries peuvent donc être considérées comme étant normalement distribuées. La force et la direction de l'association linéaire entre le commerce intra-CEDEAO et les IDE dans les pays de la CEDEAO ont été vérifiées sur la base d'une analyse de corrélation. Une association linéaire positive indique une complémentarité entre le commerce et l'investissement, tandis qu'une association linéaire négative suggère qu'ils sont des substituts. Une analyse descriptive utilisant des tableaux et des graphiques a également été menée pour examiner les évolutions des données. Résultats clés La recherche présente quatre résultats clés. Premièrement, l'analyse indique qu'il existe une corrélation positive entre le commerce intra-régional et les IDE. Cela suggère qu'ils sont complémentaires. L'analyse des tendances soutient également la complémentarité du commerce intra-régional et des IDE dans certains pays de la CEDEAO. Une illustration en est fournie dans le graphique 1 ci-dessous. Graphique 1 : Comparaison des échanges intra-commerce et des IDE pour certains pays de la CEDEAO (Bénin, Liberia, Nigeria et Sénégal)
Le Lien Entre l'Investissement Direct Étranger et le Commerce Intra-Régional au Sein de la CEDEAO 5 Plus précisément, les résultats montrent une association linéaire positive entre les deux variables au Bénin, au Liberia, au Nigeria et au Sénégal. Alors que le Mali et le Niger ont révélé une relation linéaire négative. Dans une large mesure, cela implique que les IDE et le commerce intra-CEDEAO sont complémentaires au Bénin, au Liberia, au Nigeria et au Sénégal, et substituables au Mali et au Niger. En ce qui concerne le degré d'association, le commerce intra-CEDEAO et les IDE sont modérément associés au Bénin, au Mali, au Nigeria et au Sénégal. Ils sont fortement associés au Libéria mais faiblement associés au Niger. Nonobstant les effets de substitution dans le cas du Mali et du Niger, il existe suffisamment de preuves pour déduire une relation complémentaire entre le commerce intra-régional et les IDE dans la CEDEAO. Les pays de la CEDEAO qui ont suggéré des relations linéaires positives entre le commerce intra-régional et les IDE (le Nigéria, le Libéria, le Sénégal et le Bénin) représentaient 81,4% du volume total du commerce dans les six pays sélectionnés entre 1980 et 2010. Ils ont également représenté 97% du total des IDE sortants dans la CEDEAO au cours de la même période. Deuxièmement, l'augmentation du nombre de succursales bancaires nigérianes dans d'autres pays de la CEDEAO a eu un impact significatif sur le commerce au sein de la région. Par exemple, le commerce entre le Nigeria et le Ghana est passé de 50 millions de dollars en 2006 à 150 millions de dollars en 2010. Cette période a coïncidé avec l'augmentation des agences bancaires nigérianes au Ghana. Des évolutions similaires sont rapportées pour d'autres pays de la CEDEAO ayant des succursales de la banque nigériane. L'augmentation des agences bancaires transfrontalières a été plus efficace sur le commerce que les politiques régionales de commerce et d'investissement. Troisièmement, la recherche a montré que les barrières non tarifaires influençaient négativement le commerce dans la région et expliquaient l'inefficacité de certaines politiques. Les plus importantes sont les taxes sur certains produits de base et l'existence de barrages routiers le long des routes commerciales. Enfin, l'analyse suggère que les politiques commerciales et d'investissement ne sont pas complémentaires. Par exemple, les accords commerciaux n'accordent que peu d'importance aux dispositions relatives aux investissements et aux flux de capitaux. Ces résultats ont des implications pour le commerce et l'investissement dans la région et sont présentés dans la section suivante. Implications politiques Les arguments tirés de cette recherche doivent être perçus dans le contexte des politiques commerciales régionales au sein de la CEDEAO et de l'approfondissement du commerce intra-régional. Sur la base des résultats, les questions clés suivantes émergent.
6 Document de Politique Générale No.624 Premièrement, la relation complémentaire entre le commerce et l'investissement identifiée suggère qu'il existe des effets d'entraînement significatifs des IDE sur le commerce. Si le manque actuel de synchronisation entre les politiques d'investissement et de commerce n'est pas corrigé, les pays de la CEDEAO ne profiteront pas des avantages significatifs de la complémentarité entre le commerce et l'investissement. Cela souligne le rôle crucial de l'harmonisation des politiques pour que les pays de la CEDEAO puissent bénéficier du commerce et de l'investissement. Deuxièmement, les barrières commerciales non tarifaires existantes observées dans la recherche ont eu un impact négatif sur le commerce dans la région. Plus précisément, ces barrières ont entraîné une augmentation des coûts de transport et des retards excessifs. Par conséquent, il est nécessaire de mettre en place des politiques qui éliminent les barrières non tarifaires au commerce et à l'investissement au sein de la CEDEAO. Recommandations La recherche propose les recommandations suivantes ; • Premièrement, pour que les IDE contribuent pleinement à la promotion des exportations des pays membres de la CEDEAO, les ministres du commerce et de l'investissement des pays hôtes devraient veiller à inclure des dispositions relatives aux investissements dans les accords commerciaux traitant des flux de capitaux dans la région. • Un signe encourageant est la persistance des efforts vers une libéralisation harmonisée des régimes de commerce et d'investissement en Afrique de l'Ouest, ce qui constitue une étape essentielle vers la création d'un environnement propice aux flux d'investissement. De ce fait, le processus actuel d'accords commerciaux régionaux devrait se concentrer sur la libéralisation du commerce, en réduisant notamment les barrières non tarifaires. Il devrait également envisager la libéralisation des investissements. • Deuxièmement, il est nécessaire d'adopter des politiques qui encouragent l'investissement dans le secteur bancaire afin d'améliorer le commerce au sein de la région. Pour maximiser le potentiel de ce processus, davantage de pays de la CEDEAO doivent réformer et renforcer leur cadre réglementaire, de supervision et juridique lié au secteur bancaire. • Dans l'ensemble, l'étude propose que les réformes économiques soient renforcées au niveau national et régional afin de maximiser les avantages de l'intégration régionale tout en minimisant les barrières tarifaires et non tarifaires associées au
Le Lien Entre l'Investissement Direct Étranger et le Commerce Intra-Régional au Sein de la CEDEAO 7 commerce et à l'investissement. L'étude préconise donc l'élaboration de mesures visant à faciliter le commerce et la poursuite d'objectifs harmonisés en matière de politique d'investissement. Références Ajayi, Ibi S. 2008. Foreign Direct Investment in Sub-Saharan Africa: Origin, Targets, Impact and Potential. Ibi Ajayi Ed. African Economic Research Consortium Asiedu, E. 2002. “On the Determinants of Foreign Direct Investment to Developing Countries: Is Africa Different?”, World Development, 30, 1, 107–119. Chaisrisawatsuk, S. and Chaisrisawatsuk, W. 2007. “Imports, exports and foreign direct investment interactions and their effects”, pp.97–115, Chapter IV in ESCAP, Towards coherent policy frameworks: understanding trade and investment linkages – A study by the Asia-Pacific Research and Training Network on Trade, (United Nations, New York). Available online at: http://www.unescap.org/tid/publication/tipub2469.asp Dada Eme. 2013. “Linkage Between FDI and Trade in Selected ECOWAS Countries, AERC Research Final Report, Presented at the Biannual workshop, December 1st to 4th, 2013, Kenya. Keane Jodie, Cali Massimiliano, Kennan Jane. 2010. “Impediments to Intra-Regional Trade in Sub-Saharan Africa”, Prepared for the Common Wealth Secretariat. Sultan, Z. A. 2013. “A Causal Relationship between FDI Inflows and Export: The Case of India” Journal of Economics and Sustainable Development Vol. 4 No. 2
Document de Politique Générale No.624 Mission Renforcer les capacités des chercheurs locaux pour qu'ils soient en mesure de mener des recherches indépendantes et rigoureuses sur les problèmes auxquels est confrontée la gestion des économies d'Afrique subsaharienne. Cette mission repose sur deux prémisses fondamentales. Le développement est plus susceptible de se produire quand il y a une gestion saine et soutenue de l'économie. Une telle gestion est plus susceptible de se réaliser lorsqu'il existe une équipe active d'économistes experts basés sur place pour mener des recherches pertinentes pour les politiques. www.aercafrica.org/fr Pour en savoir plus : www.facebook.com/aercafrica www.instagram.com/aercafrica_official/ twitter.com/aercafrica www.linkedin.com/school/aercafrica/ Contactez-nous : Consortium pour la Recherche Économique en Afrique African Economic Research Consortium Consortium pour la Recherche Économique en Afrique Middle East Bank Towers, 3rd Floor, Jakaya Kikwete Road Nairobi 00200, Kenya Tel: +254 (0) 20 273 4150 communications@aercafrica.org
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