Le pari des Diatomées : respirer pour mieux fixer le CO2
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Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège Le pari des Diatomées : respirer pour mieux fixer le CO2 11/12/15 Petits organismes unicellulaires marins, les diatomées assurent près de 20% de la fixation de dioxyde de carbone (CO2) par photosynthèse sur notre planète. Mais comment ces microalgues sont-elles parvenues à dominer la communauté photosynthétique marine ? Une collaboration de recherche internationale, à laquelle a participé le Laboratoire de Génétique et Physiologie des Microalgues de l'Université de Liège, a mis au jour un mécanisme cellulaire à l'origine de l'impressionnante activité photosynthétique des diatomées. Cette recherche a fait l'objet d'une publication dans le journal américain Nature. Lorsque l'on parle de la photosynthèse, la première image qui nous vient à l'esprit est celle d'une feuille ou d'un arbre baigné d'un rayon de soleil. Normal, la majorité des schémas utilisés pour expliquer l'activité photosynthétique d'un organisme représente souvent une plante dont les feuilles captent l'énergie solaire pour synthétiser la matière organique à partir de dioxyde de carbone (CO2) tout en libérant de l'oxygène (O2). Or, ce que l'on sait moins c'est qu'une activité photosynthétique toute aussi importante existe dans les océans. En effet, les océans jouent jeu égal avec les continents en assurant 50% de la production photosynthétique à l'échelle mondiale ! C'est en grande partie le phytoplancton, l'ensemble des organismes photosynthétiques vivants en suspension dans la zone pélagique des océans, qui se charge du boulot. Malgré l'importance écologique de ces organismes marins, le fonctionnement de leur photosynthèse a été jusqu'ici bien moins étudié que celui des plantes terrestres. Cela tend à changer, au moment où les experts internationaux tirent la sonnette d'alarme. Qu'adviendra-t-il de la production d'oxygène assurée par les océans en cas de montée des températures ? Ces organismes seront-il toujours capable de fixer le dioxyde de carbone atmosphérique de la même façon ? Quel sera l'impact du réchauffement climatique sur la flore océanique ? Les océans risquent-ils de s'acidifier ? © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 27 February 2020 -1-
Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège 20% de la production terrestre C'est en cherchant à répondre à ces questions que l'étude s'est dirigée sur la compréhension des mécanismes de la photosynthèse des diatomées. Dominant la grande communauté du phytoplancton, les diatomées assureraient à elles seules 40% de la production aquatique, soit 20% de la production d'oxygène terrestre globale. « Il faut savoir qu'en terme de capacité de fixation du carbone et de génération de biomasse, ce que produisent les diatomées équivaut à ce qui est produit par les forêts tropicales continentales chaque année, souligne Pierre Cardol, chercheur au Laboratoire de Génétique et Physiologie des Microalgues, à l'Université de Liège. » Pourtant peu d'études ont été menées sur cette lignée d'organismes essentiellement marins qui désormais intéresse les chercheurs du monde entier. Les diatomées constituent, en effet, des organismes clés dans la compréhension des écosystèmes marins. Les diatomées sont une classe d'eucaryotes photosynthétiques des plus réussie d'un point de vue écologique. Organismes unicellulaires de couleur jaune/brun, essentiellement marins, les diatomées possèdent un squelette externe, une coque en silice qui entoure totalement leur cellule. Les diatomées sont autotrophes et utilisent l'énergie de la lumière absorbée par les pigments de leur chloroplaste pour réaliser la photosynthèse. Comme la plupart des autres microalgues, les diatomées possèdent également un mode de multiplication qui ne fait pas intervenir de processus sexué. Depuis plus de 30 millions d'années elles contribuent à modérer le climat terrestre en absorbant de grandes quantités de CO2 présentes dans l'atmosphère. Une activité photosynthétique surprenante Dans le processus photosynthétique bien caractérisé chez les organismes verts, la fixation du CO2 requiert la production, dans le chloroplaste, d'énergie chimique (molécule ATP - adénosine triphosphate et molécule de NADPH - nicotinamide adénine dinucléotide photosphate) dans des proportions bien définies. Or la phase claire de la photosynthèse qui consiste en la conversion de l'énergie lumineuse en énergie chimique (ATP et NADPH) produit un rapport ATP/NADPH inférieur aux besoins de la phase sombre de la photosynthèse où le CO2 est convertit en sucre. A Liège, c'est Benjamin Bailleul - premier auteur de l'article publié dans Nature, aidé par Nicolas Berne et Pierre Cardol - qui a assuré le suivi d'une recherche menée parallèlement en France, en Italie et aux Etats-Unis entre 2009 et 2015. En post-doctorat au Laboratoire de Génétique et Physiologie des microalgues, Benjamin Bailleul et ses collègues se sont penchés sur l'étude du comportement photosynthétique des diatomées et la conversion de l'énergie lumineuse. Cherchant donc les raisons pour lesquelles les diatomées dominent la communauté du phytoplancton, les scientifiques ont découvert une interaction d'une ampleur inattendue entre les chloroplastes et les mitochondries, deux types de compartiments cellulaires dédiés respectivement à la photosynthèse et à la respiration. Chez les diatomées, les mécanismes moléculaires à l'œuvre pour gérer ATP et NADPH dans un © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 27 February 2020 -2-
Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège rapport adéquat pour la fixation du CO2 passent donc par des échanges soutenus entre le chloroplaste et la mitochondrie. Ce processus permet d'exporter du NADPH vers la mitochondrie et d'importer en retour de l'ATP dans le chloroplaste. L'apport particulier de Liège dans cette étude a été la mise en lumière de la conservation de cette interaction entre la photosynthèse et la respiration dans différentes espèces de diatomées. « Le mécanisme mis en évidence est en réalité un mécanisme déjà découvert chez des plantes terrestres mais qui ne se manifeste que des conditions particulières, souligne Pierre Cardol. Les plantes terrestres ont effet des systèmes de régulation (ou d'optimisation) de la photosynthèse qui sont principalement localisés dans le chloroplaste. Ces mécanismes, décrits chez les plantes terrestres vertes, ont vraisemblablement été perdus au cours de l'évolution des diatomées qui ont acquis leur chloroplaste de façon secondaire. Il pourrait s'agir d'une piste pour expliquer la nécessité pour les diatomées de recourir à un système qui fonctionne sur base d'une interaction entre les deux centrales énergétiques de la cellule (ndlr le chloroplaste et la mitochondrie). L'optimisation de cette interaction est vraisemblablement responsable de l'efficacité de la photosynthèse © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 27 February 2020 -3-
Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège chez les diatomées ». Ce processus d'optimisation de la photosynthèse a certainement contribué au succès écologique des diatomées, dans toutes les mers du globe. « Mais avant de pouvoir affirmer cela avec plus de certitudes, il faudrait certainement s'attarder aux 60 autres pourcents de la photosynthèse marine, estime Pierre Cardol Il serait en effet intéressant de voir comment fonctionne le reste des organismes photosynthétiques vivant dans les océans afin de mieux cerner leurs modes de production d'oxygène et de fixation du dioxyde de carbone. » Enfin, cette interaction particulière entre la respiration et la photosynthèse pourrait inspirer des développements prometeurs en biotechnologie, « cette interaction suggère l'idée qu'accroître le processus respiratoire par ajout de sources de carbone organique permettrait de stimuler la croissance des diatomées ». Outre leur grand intérêt écologique, les diatomées sont en effet à l'heure actuelle en ligne de mire des industriels pour leur grande capacité à produire des acides gras polyinsaturés et autres molécules d'intérêt comme des pigments naturels. (1) Benjamin Bailleul, Nicolas Berne, Omer Murik, Dimitris Petroutsos, Judit Prihoda, Atsuko Tanaka, Valeria Villanova, Richard Bligny, Serena Flori, Denis Falconet, Anja Krieger-Liszkay, Stefano Santabarbara, Fabrice Rappaport, Pierre Joliot, Leila Tirichine, Paul G. Falkowski, Pierre Cardol, Chris Bowler & Giovanni Finazzi, Energetic coupling between plastids and mitochondria drives CO2 assimilation in diatoms, Nature, Juilly 2015, DOI: 10.1038/nature14599 © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 27 February 2020 -4-
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