LE PETIT GARÇON QUI AVAIT MANGÉ TROP D'OLIVES - Les compagnons de Pierre Ménard - DOSSIER PEDAGOGIQUE
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
LE PETIT GARÇON QUI AVAIT MANGÉ TROP D’OLIVES Les compagnons de Pierre Ménard DOSSIER PEDAGOGIQUE saison 2021 - 2022
RENSEIGNEMENTS Vendredi 7 janvier à 19h30 Scolaires : jeudi 6 janvier à 10h et 14h30, vendredi 7 janvier à 14h30 À L’ESPACE DES ARTS, LE PRADET En partenariat avec la Ville du Pradet Théâtre, spectacle en français et langue des signes (LSF) TOUT PUBLIC DÈS 9 ANS DURÉE : 1h10 Tarifs : Bénéficiez du tarif scolaire : 6€ / élève L’enseignant et les accompagnateurs, dans la limite de l’encadrement légal, sont invités. Pour tous renseignements, veuillez contacter l’équipe des relations avec les publics : Julia Lecoubet de Boisgelin : 04.94.93.83.51 ou par mail julia@le-pole.fr
Chers professeurs, Une représentation de théâtre est un évènement unique. Elle ne bondit pas spontanément sur la scène, même si c’est ce que les artistes veulent nous faire croire. Avec des mots, des gestes, de la musique et des accessoires, les artistes font apparaître leurs images intérieures dans l’espace. Derrière les instants de beauté et d’émotion se cachent des jours, des semaines, voire des mois de dur labeur. Une sortie au spectacle vivant ne se consomme pas mais se vit. Elle n’a de sens que si elle devient un moment de rencontre entre l’artiste et le spectateur. Quand le spectateur de- vient spect-acteur. Être spect-acteur s’apprend avant, pendant et après le spectacle. Nous vous proposons dans ce dossier quelques outils pour apprendre avec les jeunes spectateurs à voir et à concevoir la sortie au spectacle vivant comme une expérience durable. Nous nous réjouissons de recevoir vos commentaires et vos questions, ainsi que des dessins ou des lettres. Nous sommes à votre entière disposition pour plus de renseignements. Nous vous souhaitons, à vous et à vos élèves, une rencontre stimulante et enrichissante avec les arts vivants !
AVANT PROPOS Ce spectacle parle de ce qui nous lie et nous sépare. Il nous semble fondamental que le public soit mixte. Sur les sorties de résidence, nous avons pu constater que les sourds s’identifient beaucoup et sont très heureux de voir à la fois une part de leur histoire racontée et leur langue magnifiée, et les entendants bouleversés de découvrir un uni- vers qu’ils ne connaissaient pas. Nous aiderons donc les lieux à mobiliser la communauté sourde locale et proposerons systématiquement des bords de scène, répondant aux questions que ce spectacle peut susciter et permettant des échanges entre public sourd et public entendant. LE SPECTACLE Le petit garçon qui avait mangé trop d’olives, c’est son père, devenu sourd à un an et demi, qui a grandi sans langue comme un enfant sauvage. À 11 ans, quand il est entré à l’école, il a appris que les mots existent. C’est le héros d’Isabelle Florido, dans la vie réelle comme dans la vie rêvée. Sur le plateau, la co- médienne transpose son enfance dans un conte par l’alchimie du théâtre, de la langue des signes et de la poésie vernaculaire. Deux langues et deux façons de regarder le monde, quelle richesse ! Et quelle tendresse dans ce portrait en miroir de sa propre jeunesse. Quand le petit garçon aux oreilles cassées mais aux yeux d’or a immigré en France, quand, illettré, il est tombé amoureux du cinéma. Certains parlent avec leur bouche d’autres avec leurs mains, et quand ils se rencontrent, leur dia- logue fait merveille.
LA COMPAGNIE Créée en 2003 par Isabelle Florido, Nicolas Fagart et François Stemmer, la compagnie a eu pour vocation première la promotion de l’art littéraire. À la lecture, nous avons très vite associé la langue des signes (langue maternelle d’Isabelle Florido) dont nous ne cessons de découvrir depuis 15 ans la richesse, les potentialités théâtrales, la poésie et l’humour. Ainsi sont nés nos Contes-dits-du-bout- des-doigts (Les Musiciens de la Ville de Brême, La Sorcière du Placard aux Balais, Le Joueur de Flûte de Hamelin, Titane et Bougrenette, etc.). La sobriété du dispositif, le caractère burlesque des voix et des signes qui font immédiatement penser à un dessin animé de Tex Avery, leur synchronisation parfaite, l’apparente universalité de cette langue étrange, le moment de partage final à la fois drôle et pédagogique, tout a très vite concouru au succès de cette forme. Avec L’Arbre sans Fin, l’idée de bruitage et d’illustration musicale apparaît. Sobriété, précision et sollicitation de l’imaginaire sont toujours de mise, et les enfants, dès 4 ans, plongent avec ravissement dans l’univers de Claude Ponti. Avec Goupil, puis Ysengrin, la présence de la musique s’affirme, avec la présence d’un univers sonore entièrement créé au violoncelle. Et c’est toujours avec émerveillement que nous constatons à quel point la juxtaposition d’une langue des signes a priori inconnue du public, d’un texte au vocabulaire soutenu, et d’une partition musicale exigeante mobilisent l’attention des jeunes spectateurs et emportent leur adhésion enthousiaste. Depuis la création de la compagnie, ce sont plus de 1.200 représentations qui auront été jouées devant plus de 100.000 spectateurs. Le public sourd répond également présent et accueille avec avidité et jubilation cette opportunité rare d’accéder au patrimoine littéraire français. Notre démarche artistique s’accompagne d’un engagement militant vis-à-vis de la Langue des Signes Française (LSF), reconnue officiellement comme langue à part entière depuis 2005 seulement, et malheureusement encore trop rare dans l’éducation des enfants sourds. Avec Le Petit garçon qui avait mangé trop d’olives, nous ouvrons encore plus grande cette porte entrebâillée sur le monde des sourds. L’EQUIPE Sur une idée d’Isabelle Florido Texte Achille Grimaud et Isabelle Florido Adaptation et Jeu LSF Isabelle Florido et Igor Casas Mise en scène Marie-Charlotte Biais Scénographie Christine Solaï Création sonore Estelle Coquin Création lumière Eric Blosse Création visuelle Aurélia Allemandou Régie son et lumière Benoît Lepage ou Vincent Bourgeau Conseiller Visuel Vernaculaire Erwan Cifra Regards extérieurs Emmanuelle Laborit et Jennifer Lesage-David Production Christelle Pernon Administration et Diffusion Marjorie Dubosc
QUELQUES PISTES À EXPLORER AVANT LE SPECTACLE 1- SE PRÉPARER AU SPECTACLE En amont, il existe deux types de préparation à la représentation : la première dépendant de l’expérience du théâtre des élèves en général (les lieux, les métiers, le comportement à adopter lorsqu’on voit un spectacle, etc) et la deuxième plus spécifique portant sur le spectacle lui-même. Juste avant la représentation, l’enseignant peut rappeler les codes de vision d’un spectacle et les règles à suivre. Il peut attirer l’attention des élèves sur certains points du spectacle (les décors, la lumière, la musique, le jeu des personnages). À partir du texte issu de la présentation du spectacle ou de recherches que les élèves peuvent faire : Quel est le thème du spectacle ? Quels sont les champs lexicaux dominants du texte ? Quel est le niveau de langue utilisé dans le texte ? Trouver dans le texte la phrase qui donne la clef du spectacle. Portrait de la compagnie et des artistes. Leur parcours personnel et artistique, leur formation. 2 - L’HISTOIRE DU SPECTACLE Une histoire singulière, racontée par Isabelle Florido, directrice artistique, porteuse du projet et comédienne. « Le petit garçon qui avait mangé trop d’olives, c’est mon père. Devenu sourd à un an, il grandit sans langue, comme un enfant sauvage, utilisant ses yeux pour s’adapter à son environnement, essayant de faire comme les autres lorsqu’il accompagnait ses frères dans les champs d’oliviers par exemple, recevant des gifles quand il ne comprenait vraiment rien. À 11 ans, il intègre une classe de sourds. À l’époque, la langue des signes est interdite dans toute l’Europe. Aux enfants sourds, on apprend uniquement à oraliser et lire sur les lèvres. Là, il découvre l’existence des mots, et que les choses ont un nom. Ce n’est qu’à 16 ans qu’il rencontre la langue des signes, dans une association de sourds. Il plonge dedans et devient un conteur émérite, défiant ses camarades lors des restitutions signées des films qui passaient au cinéma le samedi soir. Puis il émigre, fonde une famille et passera sa vie à prouver au monde qu’il vaut aussi bien que les autres. Quand on regarde son parcours, on peut se dire que mon père est un héros. À mes yeux pourtant, mon père a longtemps été un fardeau. Illettré, dans une société où rien n’est fait pour les sourds, il me sollicitait sans arrêt pour tout lui traduire, remplir ses feuilles d’impôts dès l’âge de 6 ans, l’accompagner à ses entretiens d’embauche… C’était à moi de lui expliquer le monde alors que je ne le comprenais pas toujours. Et à l’adolescence ou à l’âge adulte, quand tu as un père qui a toujours besoin de toi, qui te met la pression pour réussir mieux que lui, qui te surprotège parce que le monde, qu’il ne perçoit qu’à travers la télé, les films d’action ou les catastrophes aux infos, lui apparaît forcément violent, comme il est difficile de s’émanciper ! Mon père, cet homme au parcours que je sais admirable, j’ai eu envie de le tuer mille fois. » Pour raconter l’extra-ordinaire parcours de cet enfant qu’aucun récit n’aide à se construire, et assailli de sensations qu’il ne peut partager avec personne, Achille Grimaud a choisi le conte, où la puissance des émotions va s’incarner dans des allégories.
3- LE DÉFI LINGUISTIQUE DU SPECTACLE « L’écriture, initiée en amont, se fait également au plateau, nourrie de nos improvisations, à Igor et à moi, qui sommes CODA (Child of Deaf Adult / Enfant de parents sourds) et connaissons profondément le monde des sourds et leur langue. Le défi est d’écrire un texte bilingue français / langue des signes où les deux paroles ne soient pas seulement parallèles et synchronisées, comme dans nos précédents spectacles. Parfois, il s’agit de plonger volontairement le spectateur entendant dans l’incompréhension si familière aux sourds ; ou bien au contraire, leur donner à voir une langue des signes extrêmement évocative et limpide ; faire entendre les incompréhensions entre les sourds et les entendants. Et puis certains personnages ne peuvent que signer, d’autres sont forcément dans l’oral. L’objectif est donc de trouver des astuces pour que la même histoire parvienne au public sourd et au public entendant, à travers un parcours différent. Comme toute l’équipe est entendante, nous nous assurons que la partition proposée aux sourds n’est pas moindre, en présentant régulièrement le travail à un public sourd. En particulier, Emmanuelle Laborit, directrice de l’IVT, International Visual Theatre à Paris (un théâtre où des pièces bilingues français / langue des signes sont programmées) a manifesté le souhait d’apporter son expertise linguistique sur des rendez-vous au cours des résidences. Nous intégrons également du Visuel Vernaculaire, autrement appelée VV. C’est une technique nouvelle de récit gestuel issue de la langue des signes, très imagée et qui permet une narration silencieuse très cinématographique, parfaitement intelligible pour tous les publics, sourds comme entendants. Nous sommes accompagnés par Erwan Cifra, un des deux spécialistes en France du VV. » Isabelle Florido 4- LES THÈMES ABORDÉS PENDANT LE SPECTACLE Le spectacle apporte des réflexions sur : - le rapport à sa propre langue ou à son absence de langue - la quête de la normalité - la différence, l’indifférence, le handicap - le déchirement entre deux cultures - les relations au sein du noyau familial où on ne sait plus qui est le parent et qui est l’enfant - la difficulté à communiquer avec son / ses parents - la difficulté à reconnaître en soi l’ambivalence de ses sentiments vis à vis de l’autre - ce qui nous lie et nous sépare - le rapport à la réalité et à la fiction : comment on peut fuir une réalité difficile en se plongeant dans des histoires fictives ; comment les histoires qu’on nous raconte peuvent aider à surmonter un quotidien douloureux Pistes d’ateliers en classe : - Témoignages oraux ou écrits des élèves sur leur identité familiale, sur leur noyau familial, sur leur approche du handicap. - Plusieurs langues sont-elles parlées à la maison ? - Quel héritage familial garderai je plus tard ? (notion de transmission) - Maintenant, en grandissant, plus tard, de quoi / de qui je souhaite m’affranchir ? Sensibilisation à la langue des signes La langue des signes expliquée par Isabelle Florido La Langue des Signes est ma langue maternelle. Enfant de parents sourds, je la pratique depuis le plus jeune âge, ébauchant mes premiers signes en même temps que je balbutiais mes premiers mots. Cette langue gestuelle qui, aujourd’hui, émerveille de plus en plus de gens, n’a pas toujours fasciné. Je me souviens de tous ces voyageurs aux gros yeux lorsque, petite, je signais (i.e. « parlais avec mes mains») avec ma mère dans le métro. Interdite dans les écoles pour sourds de 1880 à 1977,
la Langue des Signes Française (LSF) (car elle n’est pas internationale, contrairement aux idées reçues) n’a commencé à susciter l’intérêt des linguistes puis du public qu’il y a 20 ou 30 ans. Aujourd’hui, cette langue vient à peine d’être reconnue comme langue à part entière, grâce aux revendications de la communauté sourde ! Pour ma part, je suis comme le grand public : je ne me suis rendue compte de l’intérêt de cette langue que tardivement, grâce à la pratique théâtrale et à l’enseignement. La LSF, libératrice du corps et de l’esprit Chaque signe se définit non seulement par une configuration des mains (poing fermé, main ouverte, index tendu, etc.) à un emplacement donné près du buste ou du visage, mais aussi par un mouvement précis dans une certaine direction avec un rythme déterminé, ainsi que par une expression du visage. Changez un de ces paramètres et vous changez le sens du signe ! L’apprentissage de la LSF demande donc une grande précision corporelle alliée à une grande mobilité. De plus, la nécessité d’avoir un visage expressif oblige celui qui signe à donner à voir ses émotions et ses pensées. Enfin, la LSF ayant un fonctionnement complètement différent de celui de toute langue parlée (je comparerais la LSF au langage cinématographique, avec sa mise en espace du récit, ses gros plans, ses plans larges, sa continuité ou ses ellipses temporelles…), sa pratique impose une gymnastique mentale extrême : lorsqu’on s’exprime dans cette langue, toute traduction littérale est impossible, il faut comprendre, penser et exprimer ce qu’on signe. La LSF, langage théâtral La LSF est une langue extraordinairement expressive. Si aucun signe n’est naturel mais culturel (manger se signera dans de nombreux pays les doigts joints devant la bouche, mais en Chine, un sourd symbolisera des baguettes avec son index et son majeur! ; le mot chaud ne se signe pas de la même façon dans un pays chaud ou un pays froid, car il n’y représente pas la même chose,…), l’origine de chacun a un caractère concret : par exemple, un arbre en LSF se représente avant-bras vertical figurant le tronc, paume ouverte pour les branches, et pour désigner une forêt, il suffit de déplacer ce signe vers soi, multipliant ainsi visuellement le nombre d’arbres ! Lorsque une personne et en particulier un comédien signe, il crée autour de lui un univers visuel extrêmement riche et précis, palpable même pour celui qui ne connaît pas la LSF. Ce ballet des mains peut également devenir une véritable chorégraphie, riche d’émotions. 4 - EXTRAIT DU TEXTE « Bon …Maintenant … faut regrimper. Alors ils ont regardé la montagne. Elle avait changé. Elle avait grandi. Elle avait l’air plus dangereuse. Avec ses landes épineuses, des chemins de serpents, des corbeaux voleurs d’yeux, une chanson hantée, et tout en haut, une lueur rouge, d’où l’on pouvait entendre un cri, comme un cri d’ogre ! On grimpe à nouveau la montagne, en serrant les dents, avec une pluie qui te fouette le visage, le tonnerre qui te gronde, le vent froid qui donne des grimaces, le vent qui fait tomber les 7 frères et soeurs. D’ailleurs, j’ai oublié de vous donner leur nom. Il y a « grand qui louche », « moustache », « le maigre », « gros bidon », « taches de rousseur », «mange ta peluche », et le dernier, le plus petit frère, celui par qui tout a commencé … ‘’Tête-dure ‘’! (Grand qui louche) “On aurait dû le laisser ” (Moustache)“ Ouais ! c’est de sa faute la montagne” (Taches de rousseur) “ N’importe quoi, c’est pas de sa faute la montagne…” (Gros bidon) “C’est un petit bébé, son cerveau est tombé dans ses pieds !” (Le maigre) “Contrairement à toi, on n’a rien besoin de lui expliquer, il apprend rien qu’en regardant!” (Mange ta peluche) « Vous êtes pas juste, il est pas pareil c’est tout !” (Grand qui louche) “Tais-toi, il faut dormir ! Encore une journée de grimpade et de dégringolade et on sera à la maison avec l’autre débile.”
Tête-dure est loin d’être un débile. Avec ses mains et sa scie, il a fabriqué des lancepierres pour combattre les corbeaux voleurs d’yeux ! Il a fait des torches pour brûler les serpents. A la nuit tombée, pour ne pas mourir de froid, les frères et soeurs s’asseyent en cercle, collés les uns contre autres sur des lits de cailloux. Tête-dure préfère rester à l’écart. Avec ses yeux vifs, il monte la garde. De temps en temps, il observe les lèvres de ses frères et soeurs qui bougent. Pourtant rien ne rentre ni ne sort. Pourquoi passent-ils tous autant de temps à ouvrir et fermer leur bouche ? » « Quand dehors, y a un cri, un accident, une manif ! Je comprends rien ! Je suis enfermé ! Toi, t’es entendante, t’es ouverte… t’as des oreilles elles sont reliées à ton cerveau…tu peux tout faire, tu peux faire des millions de choses, t’as qu’à parler. Ben moi… mon cerveau il est en panne, bon à jeter à la poubelle parce que je suis sourd et quand t’es sourd… t’as pas les détails ! Si je suis comme ça avec toi, toujours derrière ton dos, à te taper sur l’épaule, à te surveiller, c’est parce que je veux des détails et que j’ai peur, peur que tu m’oublies et que je redevienne comme quand j’étais petit, un étranger dans ma propre famille. Tu peux pas t’imaginer le mur qu’il y avait entre mes frères et soeurs et moi. C’était même pas un mur, c’était une montagne ! … alors je préfère regarder la télé. Ca me rappelle le cinéma ! Le seul endroit où petit, je pouvais m’asseoir au milieu des entendants. Être face à l’écran, la seule chose que je comprends… parce c’est la seule chose dans ce monde qui me raconte une histoire. Et quand on me raconte une histoire, j’oublie que je suis sourd. Tu comprends ça ? » 5- LE CONTE Définition et présentation Le conte est un récit court (en prose ou en vers), un récit de faits qui pose un regard sur la réalité par le biais du merveilleux ou du fantastique. Le conte est généralement destiné à distraire, à instruire en amusant. Le mérite principal du conte consiste dans la variété et la vérité des peintures, la finesse de la plaisanterie, la vivacité et la convenance du style, le contraste piquant des événements. Dans le conte, on observe ni unité de temps, ni unité d’action, ni unité de lieu. Le conte ouvre à l’imagination une vaste et libre carrière. Là, rien ne gêne l’auteur, qui peut prendre et déposer à son gré la baguette des fées, l’anneau des enchanteurs, et, s’élançant du monde idéal vers le monde réel, passer tour à tour du palais des rois à la chaumière du pauvre. Tout lui est permis pourvu qu’il amuse, et tant qu’il remplit cette condition, il n’accepte de lois que de son génie et du siècle dans lequel le hasard l’a placé. Aperçu historique A l’origine oral, le conte passe de la tradition populaire à la tradition littéraire. On a pu reconnaitre des structures semblables entre les différents contes de l’Europe et de l’Inde. Ainsi, le conte schématise ses personnages, multiplie les péripéties initiatiques, sème sur le chemin du héros des obstacles, arme parfois les protagonistes de pouvoirs surnaturels. La finalité du conte est essentiellement morale ou philosophique. A l’issue du conte, le monde perturbé reprend un visage quotidien. Les types de contes Il existe plusieurs types de contes: • le conte de fées, qui fleurit au XVIIème siècle sous les plumes de Mme D’Aulnoy et Charles Perrault, présente, dans un cadre rêvé, des personnages en petit nombre facilement identifiables en «bons» et en «méchants», un propos éducatif; • le conte philosophique, que Voltaire a pratiqué dans Zadig, Migroméga,etc., présente des situations voisines du réel, des personnages quasi familiers; il est le porte-parole des conceptions
philosophiques de son auteur, l’exemple imagé de ses thèses; • le conte fantastique, voisin du conte de fées, en faveur auprès des romantiques (Nodier, Grimm, Hoffman) puis des écrivains de la fin du XIXème siècle (Maupassant, Mérimée), s’alimente d’une équivoque entre le réel et l’irréel, guettant la faille du quotidien; • le conte noir (et aussi le conte d’horreur) utilise la forme du conte tout en cultivant l’illusion du réalisme, et en s’inspirant des thématiques proches du cinéma de genre; • le conte étiologique est un récit qui explique un phénomène de la vie ordinaire (pourquoi les oiseaux ont-ils des ailes?) en le rapportant à une origine mythique ou fictive. C’est un type de récit très fréquent dans la tradition orale, mais beaucoup d’écrivains se sont saisis du genre (Ovide, Kipling, etc.); • le conte plaisant ou facétieux qui veut amuser le lecteur; • le conte satirique veut l’amuser, mais aux dépens de quelqu’un ou de quelque chose. Le conte satirique vise à ridiculiser l’adversaire du héros. De nos jours, si les écrivains produisent encore des contes, ils se sont peu à peu tournés vers la science-fiction. Les caractéristiques d’un conte • Un conte commence généralement par une formule d’ouverture ( «Il était une fois» - «Il y a bien longtemps» - «En ce temps là» - «Au temps où toutes les choses parlaient». ) • le conte se termine par une formule de clôture ( «et il vécurent désormais heureux avec leurs enfants pour ne plus se séparer» - « Et il épousa la princesse et ils vécurent fort longtemps dans un bonheur parfait» - «et ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants».) • le conte a une fin heureuse: les héros rentrent chez eux après avoir éliminé les forces du mal, les amoureux se marient finalement, les enfants perdus se jettent au cou de leurs parents, les pauvres s’enrichissent, le bon est récompensé... • le conte implique l’évolution d’un personnage à travers une succession d’états différents provoquée par les transformations de ces états à travers diverses phases de la narration. • les éléments constants, permanents dans le conte sont les fonctions des personnages qui constituent les parties fondamentales du conte et dont le nombre est limité. La fonction est l’action d’un personnage définie du point de vue de sa signification dans le déroulement de l’intrigue. Le récit initiatique du conte Le conte est en quelque sorte un « récit de formation » qui s’inscrit le plus souvent dans un milieu familial. Il décrit donc le passage d’un état à un autre. Ce passage, en général celui de l’adolescence vers l’âge adulte, en constitue le motif central et se trouve jalonné d’épreuves douloureuses qu’une fin heureuse -de règle dans tous les cas- vient a posteriori justifier. Le conte enseigne donc quelque chose en traduisant toujours une expérience humaine sous forme voilée. Cette forme voilée se caractérise de plusieurs façons : - dans l’anonymat des lieux et des personnages ; - dans l’absence de datation précise; - dans la présence d’une symbolique riche. Cette symbolique est perceptible sur deux niveaux de lecture : à la fois au plan culturel, lorsqu’elle reprend des images et des thèmes universels, mais aussi au plan affectif au moment où le lecteur élabore sa propre interprétation du texte. Dans le cadre d’un travail avec de jeunes élèves, il peut être intéressant de partir de leur interprétation et de leurs propres représentations en les interrogeant sur le sens caché des textes, avant de leur livrer quelques clés plus formelles. On remarquera que les mots représentation et interprétation sont également des termes du vocabulaire théâtral. De fait, en allant assister à une représentation au théâtre, on va écouter une interprétation d’un texte : celle des comédiens et de leur metteur en scène. Pistes proposées par Isabelle COURTIES dans Pièce (dé)montée n° 12 avril 2006
Ateliers autour du conte Ce module permet d’aborder la spécificité du conte et de la transmission orale. Le travail du conteur consiste souvent à prendre appui sur le canevas d’une histoire, à partir duquel il laisse parler son imaginaire, son opinion et sa sensibilité. L’enseignant peut discuter aussi avec les élèves du fait qu’un conteur ne raconte pas l’histoire de la même façon en fonction de la personne qui l’écoute, du moment, du lieu... d’où les innombrables versions d’un même conte. • Discussion libre : Qu’est-ce que la transmission ? A quoi sert-elle ? Entre qui et qui ? Quels sont les différents types de transmission (à travers l’Histoire, dans différentes cultures, à petite/grande échelle…) • Le téléphone : En cercle, le professeur glisse discrètement une ou plusieurs phrases à l’oreille d’un élève, celui-ci la chuchote à son voisin, qui à son tour la transmet à son voisin… ainsi de suite, tout autour du cercle. Le dernier à recevoir la phrase la donne à haute voix, le premier la donne à son tour. Comparez ! Ce dispositif tout simple illustre bien à quel point la transmission orale est sujette au changement et à interprétation. On peut parler du phénomène de la « rumeur », de la déformation, diminution ou amplification d’un propos tenu à l‘oral (l’enseignant peut se servir d’exemples proches des élèves, comme les bruits de couloirs et des dégâts fait par les « on dit », dans les établissements.) Ouverture possible vers les rumeurs et leur propagation entre oral et réseaux sociaux. APRES LE SPECTACLE 1- SE REMÉMORER LE SPECTACLE Suggestions pour parler du spectacle avec les élèves : Vous venez d’assister à un spectacle de : - théâtre - danse - marionnette... Qu’avez-vous ressenti quand vous êtes entrés dans le Théâtre ? Avez-vous remarqué des éléments du décor ? Pouvez-vous décrire le décor ? Pouvez-vous vous exprimer sur le décor ? Sur sa valeur esthétique ? C’est quoi la valeur esthétique ? Dîtes si vous l’avez trouvé beau ou non. Si vous pourriez l’imaginer autrement. Les lumières ont un rôle essentiel. Pourquoi ? Avez-vous discerné des lumières différentes ? A quels moments, quels endroits ? Et pourquoi ? Comment s’appelle la personne qui invente les lumières d’un spectacle ? Après avoir vu le spectacle, vous pouvez aussi leur proposer que chacun rédige un article critique avec les codes journalistiques. Les élèves sont libres de choisir à quel public ils s’adressent et dans quel journal ils publieraient leur article mais ils doivent en tenir compte lors de la rédaction et de la mise en page. 2- POUR ALLER PLUS LOIN SUR LA LSF Histoire de la langue des signes Pendant de nombreux siècles, les sourds ont été considérés comme des handicapés mentaux et mis au banc de la société. Ils ne pouvaient communiquer qu’entre eux à la condition, bien sûr, d’être en présence d’autres sourds (famille, amis proches, association sportive). Ce n’est qu’en 1760, qu’un entendant, l’abbé Charles-Michel de l’Epée, commence à s’interroger sur l’usage d’une langue des signes, les gestes pouvant exprimer la pensée humaine autant qu’une langue orale. Il fonde une école à Paris, l’Institut National des Jeunes Sourds. C’est le début de l’Âge d’or pour les sourds, et la langue des signes se développe très vite. En 1880, cependant, les partisans de
l’oralisme l’interdisent. Il faut attendre la fin des années 1970 pour que des entendants réalisent la nécessité de la langue des signes pour la communauté sourde. En 1977, l’interdiction est levée dans les écoles. En 1991, elle est autorisée dans l’enseignement. En 2005, elle est enfin reconnue comme langue. Vous trouverez en annexe un document de la compagnie intitulé « Des yeux pour entendre ou toutes les questions sur les sourds que vous n’avez jamais osé poser » sous la forme d’un jeu de cartes à découper. L’alphabet manuel, la dactylologie La dactylologie est utile pour épeler des noms propres ou des mots dont vous ne connaissez pas encore le signe. Les règles de la dactylologie o N’épelez le mot qu’avec la main dominante. o Terminez d’épeler le mot, même si celui avec qui vous signez semble comprendre. o Restez sur le même plan lorsque vous épelez le mot pas d’à-coups vers l’avant). o Si vous voulez faire des accents ou des signes de ponctuations (facultatif), utilisez votre index. o Lorsque deux lettres identiques se succèdent, effectuez un léger déplacement latéral vers l’extérieur en gardant la même configuration de la main. La communication par la langue des signes Expliquer ce que signifie « Communiquer » Pour communiquer il faut donc un émetteur (celui qui exprime quelque chose) et un récepteur (celui qui reçoit quelque chose). Qui dit communication dit aller/retour entre l’émetteur et le récepteur.
Communiquer, c’est établir une relation avec quelqu’un ou bien transmettre quelque chose à quelqu’un. La communication n’a pas forcément besoin des mots, elle peut se servir des gestes. La chaîne de communication est constituée : - de l’émetteur (ou expéditeur) - du récepteur (ou destinataire) - du message qui est transmis de l’un à l’autre - du code qui sert à transmettre le message (ex : la langue) - le canal de transmission (ex : de vive voix, téléphone...) - le contexte Plusieurs manières de communiquer Expliquer par les sons, les paroles, l’écriture mais aussi les gestes que nous pouvons communiquer de plusieurs manières. La Langue des Signes sert aux sourds à communiquer avec les autres. C’est une langue visuelle. Le récepteur reçoit l’information par le regard. L’émetteur s’exprime par des gestes et des expressions du visage. Les signes sont précis. Des mots peuvent également être épelés grâce à l’alphabet dactylologique (vu ci-dessus). Ateliers Proposer aux élèves de trouver les expressions de visage associées aux différentes émotions. Inventer des signes qui pourraient y être associés, ou visionner les vrais signes sur un dictionnaire en ligne (par exemple http://dico.elix-lsf.fr ou http://www.sematos.eu/lsf.html). Généraliser ce jeu avec signes inventés / signes réels à d’autres domaines que les émotions (les actions, les animaux, les objets du quotidien). Proposer aux élèves de dire leur prénom avec l’alphabet dactylologique. Puis attribuer un signe- prénom à chacun des enfants (en fonction du caractère, du physique, d’un geste machinal, d’une passion…), en s’inspirant du signe de la comédienne Isabelle ‘couette’ mime de 2 couettes de cheveux sur la tête. 3- PISTES DE TRAVAIL SUR LES THÈMES DU SPECTACLE • Le spectacle est un texte autobiographique, sur l’héritage transgénérationnel, le rapport parent-enfant… Proposer aux élèves un atelier collectage sur l’histoire de ses propres parents, leur langue… et réaliser une exposition avec leurs travaux. Productions écrites : - écrire une lettre à son père ou à sa mère, en lui disant ce qu’on n’a jamais osé dire - l’élève se met dans la peau d’être père ou mère, que souhaite-t-il transmettre (notions de valeurs) à son enfant ? - écrire une liste de ce qui nous lie et nous sépare entre les parents et les enfants • Le spectacle parle aussi de la quête de la normalité et de la différence Il peut être intéressant de travailler avec les enfants autour de la différence et de leur demander de dessiner la différence, ou de l’écrire. Mettre en commun leurs points de vue. Qu’est-ce que la différence ? Pourquoi on dit qu’il y a différence ? Quel comportement a-t-on face à la différence ? Parler du rejet de la différence…
Lire et voir autour de la différence : - Les autres, mode d’emploi, Sylvie Baussier, édition Oskar Jeunesse Est-ce Arno qui ne comprend pas les gens, ou bien les gens qui ne comprennent pas Arno ? Pourquoi se moque-t- on souvent de lui ? « Autiste », est-ce une injure ou un handicap ? Le jeune garçon sait tous les secrets des oiseaux, mais pour ce qui est de ses parents, des profs ou des autres collégiens, il a besoin de cours de rattrapage. Comment vivre avec les autres, quand on n’a pas leur mode d’emploi ? (à partir de 9 ans) - Pibi mon étrange ami, Jin-Heon Song, éditions Le Sorbier L’auteur décrit pas à pas sa rencontre avec cet enfant solitaire qui passe ses journées dans la forêt. Petit à petit, on le voit s’approcher de ce garçon qui l’intrigue. Sans échanger un mot, il va apprécier sa compagnie et passer de longs moments à ses côtés dans les bois. Mais lorsque arrive la fin de l’hiver, c’est le temps pour le jeune narrateur de rentrer à l’école. Là, tout change. Peu à peu, influencé par le regard de ses camarades de classe, il s’éloignera de Pibi -qui ne va pas à l’école- et perdra cette relation particulière. (à partir de 7 ans) Mais encore : - Edgar Paillette de Simon Boulerice (Texte de théâtre) - Des Fleurs pour Algernon de Daniel Keyes (Texte de science fiction) - La Belle et la Bête de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve - L’Homme qui rit de Victor Hugo - Quasimodo dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. - Je veux savoir pourquoi je suis noir, de Julie Rey (texte de théâtre) - La valse des handicapés, de Claire Lestien (texte de théâtre) - Le vilain petit canard, de Hans Christian Andersen - Stargirl, roman de Jerry Spinelli, 2003 (à partir de 12 ans) - Oui à la différence, ouvrage documentaire réalisé par les enfants de l’école de Vitruve, et le généticien et écrivain Albert Jacquard, 2004 (à partir de 7 ans) Petite bibliographie pour ados et adultes - Ma vie d’autiste, Temple Grandin, éditions Odile Jacob - Le bizarre incident du chien pendant la nuit, Mark Haddon, éditions Pocket Jeunesse - Je suis à l’est, Joseph Schovanec, éditions Plon - Je suis né un jour bleu, Daniel Tamet, éditions Broché Cinéma Le film Kes, de Ken Loach (1969) Le jeune Billy, victime de la violence de son frère aîné et de l’hostilité de ses camarades de classe, déniche un faucon crécerelle et tente de le dresser. Le film Le garçon aux cheveux verts, de Joseph Losey (1948) Un matin, le jeune Peter Frye a la surprise de voir ses cheveux devenir verts. Du jour au lendemain, il devient la victime de la curiosité de ses camarades de classe qui se moquent de lui... Le film Rain man, de Barry Levinson (1988) A la mort de son père, Charlie Babbitt, jeune revendeur de voitures de Los Angeles, se voit déposséder de son héritage. Le défunt père a légué presque toute sa fortune son frère aîné Raymond, dont il ignorait l’existence. Celui-ci est autiste et vit dans un hôpital psychiatrique de Cincinnati. ANNEXE SUR DEMANDE : Petit jeux de Questions/réponses pour en savoir plus sur le monde des Sourds, « Des yeux pour entendre » (19 pages). Nous pouvons vous communiquer ce document par mail, sur demande.
PARCE QUE VOTRE PAROLE EST ESSENTIELLE... Le dossier pédagogique est un outil que nous mettons à votre disposition pour vous donner des éléments pertinents sur le spectacle et la compagnie qui l’a créé. Nous vous proposons des pistes pédagogiques sous formes d’ateliers, d’exercices ou d’expériences à réaliser avec votre classe. Nous vous suggérons également une courte bibliographie qui vous permet d’aller plus loin sur les thèmes ou les sujets abordés par le spectacle. Nous vous laissons le soin de vous emparer de ces éléments pour sensibiliser les enfants avant le spectacle ou encore pour prolonger l’expérience après la représentation. Nous souhaitons avoir votre avis, connaitre votre ressenti sur les spectacles que vous êtes venus voir. De plus, le regard que vous portez sur les propositions artistiques est essentiel. L’équipe du PÔLE vous invite à partager vos réflexions sur les spectacles. Vos avis et vos témoignages seront étudiés avec une grande attention. Afin d’entretenir avec vous une relation toujours plus proche en vue de partager nos idées, nous nous tenons à votre disposition après chaque spectacle en allant à la rencontre de vos élèves dans les établissements scolaires afin d’échanger vos impressions, répondre à vos interrogations et engager ensemble de nouvelles perspectives. Pour tous renseignements, veuillez contacter l’équipe des relations avec les publics : Julia Lecoubet de Boisgelin : 04.94.93.83.51 ou par mail julia@le-pole.fr
LE PÔLE, scène conventionée d’interêt national Tél. 0800 083 224 (appel gratuit) 60, boulevard de l’Egalité – 83200 Le Revest-les-Eaux www.le-pole.fr– info@le-pole.fr
Vous pouvez aussi lire