Le potentiel de l'outil CPE pour la rénovation énergétique des bâtiments à Genève
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Le potentiel de l'outil CPE pour la rénovation énergétique des bâtiments à Genève Résumé : Les entreprises de services énergétiques (ESCO) proposent des Contrats de performance énergétique (CPE) dans lesquels elles vendent des économies d'énergie à leurs clients. Le CPE a trois atouts principaux : 1. L'ESCO propose à son client un service intégré puisqu'elle effectue le diagnostic, la conception du projet d'économie d'énergie, sa réalisation et sa mise en œuvre. 2. L'ESCO garantit la performance énergétique après les travaux. 3. L'ESCO investit à la place de son client (dans le cas du modèle de CPE de partage des économies) et se rémunère sur les économies d'énergie. Les CPE sont néanmoins des contrats complexes qui ne peuvent être appliqués qu'à des projets conséquents (>500 KCHF) du fait de coûts de transaction élevés, et qui exigent des maîtres d'ouvrages compétents afin de challenger efficacement les propositions des ESCO. Les CPE doivent être clairement distingués du contracting énergétique, qui consiste à vendre de l'énergie au client sous forme de chaleur plutôt que de mazout ou de gaz, ainsi que des contrats à la performance des chauffagiste de Genève, qui consistent à inciter financièrement les chauffagistes à optimiser l'exploitation des chaudières. Le marché des CPE est développé depuis 30 ans aux USA et il est à maturité en Allemagne, en France ou en Italie. Sur Genève, les SIG ont signé plusieurs contrats avec des entreprises tertiaires ou industrielles. Le premier CPE concernant un immeuble de logement a récemment été signé par Losinger Marazzi avec l'Hospice général. Du fait d'un marché local peu développé, les parties prenantes se méfient du concept et les banquiers sont réticents à proposer des prêts. Dans le cas des rénovations de bâtiments, l'atout des CPE est la garantie de la performance énergétique après travaux, alors que celle-ci se révèle aujourd'hui souvent décevante. Cependant, seuls de grands bâtiments peuvent générer un volume financier suffisant pour justifier un CPE. De plus, seuls des contrats de longue durée permettent d'inclure des mesures de rénovation de l'enveloppe dont le temps de retour sur investissement est long. Enfin, il faut relever que, dans le cas de logement locatif, les locataires doivent être inclus très en amont du projet pour que leur comportement ne soit pas un frein au projet. Dans ce cas, la « split incentive », qui voit le locataire profiter des bénéfices du projet plutôt que l'investisseur, reste un obstacle. Le CPE peut s'avérer un levier adapté pour augmenter les rénovations auprès des collectivités publiques, et ceci pour trois raisons : premièrement, les collectivités ont une incitation forte à rénover pour des raisons de politique publique et d'exemplarité. Deuxièmement, elles sont des partenaires fiables pour les ESCO qui peuvent donc envisager des contrats de longue durée capables d'intégrer des mesures de rénovation lourde. Troisièmement, parce que fortement endettées, elles ont de la peine à financer leurs projets et peuvent donc être intéressée au tiers- investissement proposé par es ESCO. 1/12
Pour que les CPE puissent se développer dans le cadre de rénovations de bâtiments, le cadre doit être adapté : sensibilisation des parties prenantes du bâtiment sur le CPE, création d'un fonds de garantie pour débloquer les financements bancaires, préparation de modèles d'appels d'offre publics, établissement d'un organisme facilitateur de CPE, accès des ESCO aux subventions à la rénovation (y compris BPC), étude sur la faisabilité juridique d'un CPE auprès des collectivités publiques eu égard au transfert de frais d'investissement en charges d'exploitation. Au niveau des actions-pilotes, nous recommandons d'une part de lancer un projet pilote de rénovation d'un immeuble locatif et, d'autre part le lancement d'un programme pour les bâtiments publics sur le modèle du programme Berlin ESP. Dans les deux cas, l'établissement d'un facilitateur entre les ESCO et les propriétaires est une des clés essentielles du succès. Le chantier reste donc important pour permettre aux CPE de favoriser les rénovations de bâtiments. Mais les solutions existent et le jeu en vaut la chandelle, puisque dans de nombreux cas, l'outil CPE s'avère prometteur. Introduction La rénovation énergétique des bâtiments constitue le potentiel d'économie d'énergie le plus important dans des économies tertiarisées et urbaine comme celle de Genève. Le développement massif d'opérations de rénovations procure de multiples bénéfice à l'échelle du territoire : il doit permettre de réaliser la transition énergétique et améliorer le bilan carbone de Genève, mais aussi d'améliorer la santé publique et la qualité de vie des habitants. La massification des rénovations permet de créer des emplois non délocalisables et de l'activité pour nos entreprises. Elle génère de précieuses compétences qui permettront demain à nos entreprises d’exporter leur savoir faire et de se positionner comme leaders sur les nouveaux marchés de la croissance verte. Le parc immobilier genevois aujourd'hui en voie de vétusté peut ainsi être remis à niveau et participer au rayonnement de la ville. Enfin, en diminuant la facture des hydrocarbures achetés à l’étranger, les rénovations améliorent notre souveraineté énergétique. Les pouvoirs publiques ont bien compris ces enjeux et la législation a évolué ces dernières années afin de favoriser la rénovation. Malheureusement, les obstacles sont nombreux et ont à ce jour empêché la filière de rénovation de décoller : « split incentive » dans le cas de logement en location1, niveau élevé d'investissement impliquant de longs temps de retour, concurrence avec des investissements mieux orientés sur le cœur de métier des entreprises, accès au capital parfois difficile, complexité des opérations, amélioration effective de la performance énergétique souvent décevante,.... Ces difficultés pratiques incitent à trouver des modèles innovants, tant en termes techniques, que financiers ou organisationnels. Le Contrat de performance énergétique (CPE) est ainsi fréquemment cité comme la solution, bien qu'il soit rarement compris. Alors que le marché genevois du CPE en est aux balbutiements, les expériences sont plus nombreuses en Europe ou aux États-Unis. Le présent document a pour objectif de démystifier le concept du CPE et de caractériser son potentiel pour favoriser des opérations de rénovation lourde des bâtiments2. Il se veut donc contributif dans le débat actuel promu par les assises du logement. 1 Alors que c'est le propriétaire qui doit investir, c'est le locataire qui bénéficie le premier de la rénovation en termes de baisse de charges et d'amélioration du confort. 2 Comprenant de la rénovation de l'enveloppe et pas uniquement des installations techniques. 2/12
Qu'est-ce qu'un CPE ? Les CPE sont proposés par des entreprises appelées ESCO (pour energy services company, entreprise de services énergétiques). Les CPE ont été émergés aux USA dans les années 1980 et se développent en Europe3 depuis une dizaine d'année, en particulier depuis l'adoption de la directive européenne sur l'efficacité énergétique. Le marché suisse en est à ses balbutiements. Le modèle d'affaires du CPE est la vente d'économies d'énergie : L'ESCO développe puis réalise un projet d'économie d'énergie chez son client. Un projet est constitué d'une série d'actions de performance énergétiques. La rentabilité du projet est assurée par les économies de dépenses en énergie et entretien qu'il génère. L'ESCO assume une part du risque du projet et, dans certains cas, une partie ou la totalité de l'investissement. L'ESCO joue un rôle d'intégrateur du projet d'efficacité énergétique. Elle réalise le diagnostic, la conception du projet, sa réalisation et son exploitation. Dans les projets traditionnels, les responsabilités sont fragmentées entre différents acteurs (ingénieur, architecte, financiers, équipementiers, entreprises de construction, installateurs,...) qui interviennent à différents stades du projet et qui, souvent, sont insuffisamment coordonnés. Il en résulte des ruptures de la chaîne des responsabilités en particulier entre les stades du diagnostic et de la conception, puis entre la réalisation et l'exploitation, qui nuisent à la performance énergétique effective du projet4. Le modèle d'affaire de l'ESCO l'amène en priorité à s'assurer de l'alignement des différents intervenants. Le client, lui, a l'avantage de ne traiter qu'avec l'ESCO. L'ESCO met en place une démarche intégrée et gère toutes les étapes du projet Il existe différentes formes de CPE mais deux modèles de CPE émergent actuellement : 1. Le modèle du partage des économies (« shared savings ») : L'ESCO conçoit le projet et le porte chez le client en réalisant les investissements. L'ESCO se rémunère sur les économies d'énergie réalisées qui sont partagées avec le client. 2. Le modèle de la garantie de la performance (« guaranteed performance ») : L'ESCO monte le projet et le vend au client avec une garantie de résultat. Il laisse donc au client la charge d'investir. Les expériences réalisées à l'étranger semblent montrer que, lorsque le marché est en développement et que le concept de CPE est mal connu, le modèle 1 du partage des économies à tendance à dominer. En effet, les acteurs ont encore une faible confiance dans l'outil CPE, ce qui n'incite ni les maîtres d'ouvrage à investir eux-mêmes, ni les banques à prêter facilement pour ce type d'opération. L'ESCO joue ainsi un rôle dans l'investissement. Par contre, dans les marchés matures, c'est le modèle 2 qui a tendance à prédominer : les maîtres d'ouvrage investissent eux- mêmes et l'ESCO amène surtout la plus-value de la garantie des économies d'énergie qui seront générées par le projet. 3 On compte environ 500 ESCO en Allemagne, 350 en France, une centaine en Italie, une cinquantaine en Grande- Bretagne, IEA, Energy efficiency market report 2014 4 L'étude de Jad Khoury sur 10 rénovations concernant 50 immeubles à Genève réalisées entre 2006 et 2009 montre un dépassement des dépenses énergétiques de 43% à 142%, voir 310*% dans un cas. Jad Khoury, Rénovation énergétique des bâtiments résidentiels collectifs: Etat des lieux, retours d'expérience et potentiels du parc genevois, Soutenance de thèse de doctorat, 2014 3/12
Dans le cas de CPE appliqués à la rénovation des bâtiments dans le contexte genevois, nous nous focaliserons sur le modèle 1 de partage des économies dans lequel l'ESCO joue un rôle de tiers- investissement. D'une part, ce modèle correspond à l'état de développement du marché genevois. D'autre part, la notion de tiers-investissement paraît appropriée pour lever certains obstacles typiques du contexte genevois. Trois caractéristiques sont au cœur de la définition du CPE5 et le différencie des pratiques actuelles : 1. L'objet du contrat est l'économie d'énergie : L'approche CPE constitue un profond changement de logique contractuelle : la fourniture de travaux, de matériels ou de services ne constitue plus l'objet du contrat mais son moyen, le but du CPE étant la réalisation d'économies d'énergie6. 2. Le contrat inclut une garantie de performance : Le CPE introduit une obligation de résultat et non de moyens comme c'est le cas traditionnellement dans le fourniture de service ou de matériel. L'obligation essentielle de l'ESCO est ainsi de garantir l'objectif contractuel d'amélioration de la performance énergétique. En cas de non-atteinte de l'objectif, l'ESCO paie des pénalités, ou peut être amenée à réaliser des travaux complémentaires. Le suivi de la performance énergétique revêt donc une importance cruciale dans le déploiement des CPE, ce qui implique de solides plans de mesurage et vérification. Il s'agit d'installer des compteurs et de modéliser la consommation d'énergie afin de bien caractériser l'effet des actions entreprises, sans parasitage d'éléments extérieurs tels que les effets climatiques par exemple ou l'augmentation de la production d'une usine (utilisation du protocole IPMVP). 3. Le contrat implique un investissement souvent sous la forme d'un tiers-investissement7: Tout CPE implique des investissements visant à modifier les caractéristiques énergétiques du bâtiment et à rendre possible une amélioration de la performance énergétique. Ces investissements peuvent être réalisés par l'ESCO (cas du modèle 1 de CPE de partage des économies, on parle alors de « tiers-investissement ») ou par le propriétaire lui-même (cas du modèle 2 de CPE de garantie de la performance). Dans ce dernier cas, le CPE est novateur par le fait qu'il garantit des économies d'énergies liées aux travaux. 5 Voir la définition du CPE de la directive de 2006 de l'UE sur l’efficacité énergétique : « un accord contractuel entre le bénéficiaire et le fournisseur (normalement une société de services énergétiques) d'une mesure visant à améliorer l'efficacité énergétique, selon lequel des investissements dans cette mesure sont consentis afin de parvenir à un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique qui est contractuellement défini ». 6 Ortega, Les nouveaux contrats de performance énergétique, La gazette des communes, 2011 7 N.B. : Cette troisième caractéristique ne concerne que le modèle 1 de CPE que nous considérons dans le présent document. 4/12
Qu'est-ce que le CPE n'est pas ? Le « contracting énergétique » ne constitue pas une forme spécifique de CPE : Le contracting énergétique consiste pour le propriétaire à sous-traiter au contracteur la planification, le financement, l'installation et l'exploitation d'installations de production d'énergie, en particulier de chauffage8. L'innovation de ce modèle réside dans le fait que l'installation de chauffage appartient au contracteur et non au propriétaire du bâtiment, ce qui n'est pas le cas dans le cadre d'un CPE. Ainsi, le contracting énergétique est un contrat de fourniture d'énergie et non d'économie d'énergie comme le CPE. Certes, le contracteur veille à un fonctionnement efficient de l’installation dans son propre intérêt et est donc amené à réaliser des économies d'énergie par rapport à la situation initiale, mais il vend de l'énergie à son client9 et non des économies d'énergie. D'autre part, le contracting n'implique pas de garantie de performance énergétique (même s'il engendre une incitation à la performance), élément central du CPE. Le contracting est donc un modèle fondamentalement différent du CPE et n'en constitue pas une forme spécifique comme il est parfois entendu. Assimiler le CPE au contracting énergétique risque de semer la confusion entre ces deux modèles qui, bien que différents, sont tous deux innovants, intéressants du point de vue énergétique et complexes à mettre en œuvre. Les « contrats à la performance » pour les chauffagistes doivent être différenciés des CPE : Le contrat à la performance a pour but d’assurer l’optimisation de l'exploitation des installations de chauffage par les chauffagistes afin de minimiser autant que possible les besoins en énergie. Les prestations d'optimisation sont rémunérées par un forfait annuel sujet à malus ou bonus (intéressement) en fonction de la performance énergétique réalisée chaque année10. L'optimisation de l'exploitation des chaufferies est une action qui se réalise sans investissement. Elle permet, selon les retours d'expérience, d'économiser 10% des dépenses d'énergie sans perte de confort pour les habitants, alors que les CPE permettent d'aller bien au- delà. Les contrats à la performance ont été développés en particulier sur Genève. Les contrats à la performance sont donc d'une nature fondamentalement différente des CPE, malgré la proximité de leur dénomination : l'objet du contrat reste la fourniture du service d’exploitation de la chaufferie, il n'implique aucun investissement, n'introduit pas de garantie de performance, mais une incitation financière à l'efficacité énergétique. Synthèse de ce qui différencie le CPE des autres types de contrats énergétiques innovants : L’entreprise vend des L’entreprise garantit L’entreprise investit économies d'énergie la performance dans les installations au client énergétique du projet chez le client Contrat à la performance (chauffagistes) Contracting énergétique CPE 11 8 Voir le site de Swiss contracting qui promeut le contracting énergétique en Suisse : http://www.swisscontracting.ch 9 Il vend néanmoins de l'énergie utile sous forme de Kwh de chaleur et non de l'énergie finale sous forme de litres de mazout ou de m3 de gaz, ce qui est un progrès. 10 Voir le site web de l'Etat de Genève sur le sujet : http://ge.ch/energie/formulaires/contrats-la-performance 5/12
Quel est le marché du CPE aujourd'hui ? Le marché du CPE n'en est qu'à ses débuts sur Genève, avec un nombre faible de contrats signés, de l'ordre d'une dizaine. Qui sont les ESCO ? A ce jour, le principal acteur a avoir développé le CPE sur Genève est SIG. Les entreprises suivantes développent ou cherchent à développer des CPE : • Des équipementiers : Siemens, Scheider Electric, Johnson control • Des fournisseurs d'énergie: SIG, Alpiq (via sa filiale de services énergétiques Alpiq intech) • Des entreprises de services énergétiques: Cofély, SMI Enerpro • Des entreprises de construction : Losinger Marazzi (filiale de Bouygues Construction) Plusieurs de ces entreprises ont récemment créé l'association SwissESCO qui cherche à développer le marché des ESCO en Suisse. Notons que, à travers les CPE, ces entreprises sont en général intéressées de vendre leurs services ou matériels de base. Qui sont les clients ? Le premier CPE signé sur Genève est celui de SIG avec l'Hôtel Starling. Depuis lors, SIG a signé quelques autres CPE dans l'industrie (Laiteries réunies, Audemars Piguet) ou le tertiaire (Maison de retraite du Grand Saconnex). Le canadien SMi Enerpro, spécialisé dans les installations CVC12, a conclu un contrat avec l'Hôtel Four seasons (Hôtel des Bergues)13. Habituellement, SMi Enerpro propose des CPE du modèle 1 de partage des économies avec des durées de l'ordre de 5 ans. A ce jour, aucune collectivité publique n'a signé de CPE sur Genève, alors que, par exemple, les collectivités publiques françaises recourent de plus en plus à cet outil. En ce qui concerne les immeubles de logement, de nombreux CPE ont été réalisés en Europe. Toutefois, les CPE qui comprennent une rénovation de l'enveloppe restent encore peu nombreux (ils concernent plus souvent les installations techniques). Cela s'explique par la nécessité, dans le cas de rénovation de l'enveloppe, d'avoir des durées de contrat très longues pour permettre une certaine rentabilité de l'investissement. Des contrats de durée de 20-25 ans commencent toutefois à voir le jour avec des collectivités publiques aux USA ou en France14. A Genève, il est remarquable que le premier le CPE concernant un immeuble de logement a été conclu en 2014 entre l'entreprise générale de construction Losinger Marazi15 et l'Hospice général à l'avenue Dumas. Le contrat d'une durée de 9 ans porte sur la rénovation énergétique du bâtiment comprenant des mesures d'isolation de l'enveloppe. Losinger Marazzi s'engage sur une baisse des consommations de 50% mais à notre connaissance ne participe paà l'investissement (modèle 2 de CPE de garantie de la performance). Les retours d'expérience de cette opération vont être particulièrement intéressants, tant au niveau technique, financier, juridique que organisationnel, afin de calibrer au mieux l'outil CPE aux enjeux de la rénovation à Genève. 11 Uniquement dans le modèle 1 de CPE de partage des économies 12 Chauffage, ventilation, climatisation 13 Voir http://affaires.lapresse.ca/economie/grande-entrevue/201406/13/01-4775692-des-economies-denergie-qui-se- transforment-en-or.php 14 Par exemple l’hôpital de Poitiers a signé un contrat de 20 ans en 2011 avec Cofély qui inclut des actions de rénovation de l'enveloppe. Le Conseil général d'Alsace a aussi signé un CPE de 20 ans en 2009 avec Cofély pour la rénovation de 14 lycées. Voir : FEDENE, 30 exemples de CPE dans le tertiaire 15 Filiale suisse de Bouygues construction qui se positionne sur la construction durable 6/12
Exemples de CPE Exemple 1 : SIG & Starling Hotel16 • Le client : Le Starling hôtel est le plus grand hôtel d'affaires de Suisse, situé à côté de Palexpo. • L'ESCO : les SIG • Nature des actions : 12 actions permettant d'optimiser la gestion de la ventilation, du chauffage, de la climatisation et de l'éclairage en fonction des besoins réels. Pas de rénovation de l'enveloppe. • Durée du contrat : 4 ans • Type de CPE: Modèle 1 de CPE de partage des économies. SIG supporte le 100% des investissements et capte 100% des économies durant la durée du contrat. Si les économies financières générées remboursent le projet avant le terme du contrat, les économies subséquentes sont partagées entre les parties jusqu’à la fin du CPE. Si au terme des 4 ans les économies financières générées n’ont pas permis de rembourser le projet, le CPE prend fin et SIG assume la différence. • Montant des investissements : 400 KCHF • Économies prévues : 125 KCHF/an, pour 0,3 Gwh électrique/an et 0,6 Gwh thermique/an • Économies réalisées : supérieures aux prévisions. Exemple 2 : Le Berlin energy saving partnership (ESP)17 • Description du programme : L'exemple du Berlin ESP est emblématique et souvent cité, car il est novateur. L'ESP a été développé en 1996 par la ville de Berlin en partenariat avec la Berlin Energy Agentur (BEA, partenariat public-privé). Il s'agit d'un programme pour faciliter le développement de CPE pour les bâtiments. L'ESP organise les rénovations dans les bâtiments : il accrédite des ESCO et lance des appels d'offres auprès des ESCO pour le compte des propriétaires de bâtiments afin de conclure des CPE (étude, conception, financement, réalisation, suivi des mesures d'efficacité énergétique). La BEA joue le rôle de facilitateur de CPE, voire d'AMO (Assistant à maître d'ouvrage) pour les propriétaires. Le BEA a répliqué ce programme dans une vingtaine de projets en Europe et dans le monde, notamment avec 130 bâtiments de la municipalité suédoise de Nyköping ou 14 bâtiments de la région Alsace. • Types de clients et de bâtiments : o Collectivités publiques dans 75% des cas. Les bâtiments concernés sont les écoles, les centre culturels, les bâtiments administratifs, les piscines, les prisons,... o Hôpitaux dans 20% des cas, o Propriétaires privés de bâtiments commerciaux ou de logement dans 5% des cas. 16 Présentation de Jean-Marc Zgraggen, Rencontres de l'OCEn, 26.04.2013 17 Voir notamment : www.c40.org ou www.berlin-klimaschutz.de 7/12
• Les ESCO et les sous-traitants : 15 ESCO comme par exemple Siemens ou Johsnon control, ainsi qu'une centaine de sous-traitants de la région pour la réalisation et la maintenance des installations. • Rôle de facilitateur du BEA : Le rôle de facilitateur/AMO du BEA a été une des clés du succès du programme Berlin ESP. Les obstacles fréquents liés à l'établissement de CPE ont ainsi pu être levé grâce aux tâches de formation, de préparation de modèles de contrats, conseil aux propriétaires, de gestion des appels d'offres et de facilitateur de de négociation entre les propriétaires et les ESCO. • « Pooling » : Entre 1996 et 2011, ce sont 25 CPE qui ont été signés au total, regroupant 1400 bâtiments avec une consommation totale de 840 Gwh/an. Le nombre de bâtiment par contrat varie de un à plusieurs dizaines pour des coûts annuels de l'énergie de 600 K€ à 5 M€. En effet, afin d'atteindre un volume critique suffisant, les propriétaires sont amenés regrouper leurs bâtiments en « pool ». Un des avantages de cette technique est de pouvoir inclure des bâtiments pour lesquels les mesures dont la faible rentabilité est compensée par des bâtiments à rentabilité élevée. • Nature typique des actions : Gestion technique centralisée (GTC), optimisation des installations de chauffage, éclairage, installations de systèmes CVC, conseils pour le comportement des utilisateurs. Le programme n'inclut en général pas de la rénovation de l'enveloppe. • Durée typique des contrat : 8 à 14 ans (12 ans en moyenne) • Type de CPE: Modèle 1 de CPE de partage des économies : les propriétaires d'immeubles ne réalisent pas l'investissement, ce sont les ESCO qui fournissent le tiers-investissement. • Montant des investissements : 44,4 M€ d'investissements réalisés sur 1500 immuebles entre 1996 et 2011, soit environ 30 K€ par immeuble en moyenne. Le montant des investissements par immeuble est faible au vu de la nature « superficielle » des actions (pas de rénovation lourde). • Économies réalisées : 26% d'économie de coûts énergétiques annuels réalisés (11,6 M€/an) • Exemples de CPE : o Le CPE du District Steglitz-Zehlendorf avec 69 écoles, crèches et salles de gym : Contrat de 14 ans comprenant le renouvellement d'installation de chauffage, l’installation de GTC, la modernisation de l'éclairage. 2,8 M€ d'investissement pour 29% d'économies financières garanties (coûts énergétiques avant le projet de 1,8 M€).Le CPE du Berliner Immobilienmanagement avec 18 bâtiments administratifs : Contrat de 10 ans incluant le remplacement d'installations de chauffage, la mise en place de couplages chaleur-force, l'optimisation de la ventilations. 2,4 M€ d'investissement pour 21% d'économies financières garanties (coûts énergétiques avant le projet de 2,1 M€). Exemple 3 : Les lycées d'Alsace18 • Le client : Le Conseil régional d'Alsace • L'ESCO : Cofely Services • Nature des actions : Isolation de l'enveloppe, installations de chaufferies à biomasse et pompes à chaleur, raccordement à un réseau CAD, optimisation d’installations de chauffage, remplacement d'éclairage. 18 Voir FEDENE, Exemples de CPE en tertiaire, 2013 8/12
• Durée du contrat : 20 ans. • Montant des investissements : 30 M€, dont 10 M€ pour l'isolation du bâti • Économies garanties: -35% de la consommation énergétique Exemple 4 : Logement social à Saint-Priest 19 • Le client : Porte des Alpes Habitat, portant sur près de 300 logement sociaux • L'ESCO : Dalkia • Nature des actions : Installation de chaudière à condensation, pompes à vitesse variable, équilibrage hydraulique. • Durée du contrat : 8 ans. • Montant des investissements : 700 K€ • Économies garanties: -23% de la consommation énergétique Avantages et inconvénients du CPE Forces du CPE Contraintes du CPE • Les économies d'énergie et • Complexité du contrat et des méthodes de financières sont garanties pour le suivi client • Coûts de transaction élevés, donc adapté à • Le client n'a pas besoin de capitaux, des grands projets (>500 KCHF) le financement est assure par l'ESCO • Durée parfois longue (>1 an) entre l'étude et (modèle 1 de CPE) la conclusion du CPE • Un interlocuteur unique face au • Coordination nécessaire entre les contrats client existant d'entretien des installations • Pas de rupture de la chaîne des techniques et le CPE responsabilités dans le processus • Nécessite des compétences élevées chez le • Complément idéal à l'introduction maître d'ouvrage (ou ses conseils) pour la d'un système de management de maîtrise du projet face à l'ESCO l'énergie (ISO 50001) • Des durées de contrats longues (permettant d'inclure des mesures à longs temps de retour sur investissement comme l'isolation de l'enveloppe) nécessitent de solides garanties quant au risque de contrepartie du client. • Complexité accrue en cas de logement en location pour tenir compte du comportement des utilisateurs 19 Voir FEDENE, Exemples de CPE en résidentiel, 2013 9/12
Opportunités liées au contexte Freins liés au contexte ( solutions associées) • Volonté partagée des acteurs du • Manque de connaissance du modèle d'affaire bâtiment à Genève pour tester des par les maîtres d'ouvrage → Sensibiliser les CPE parties prenantes au CPE • Les grands ensembles d'immeubles • Réticence des banques à délivrer des (Meyrin, Onex,...) ayant un volume financements pour des projets qui produisent suffisant pour un CPE doivent être des économies d'énergie qui ne sont pas rénovés ces prochaines années considérés comme des actifs → Créer un fonds de garantie • Les collectivités publiques propriétaires de grands parcs • Pas de procédure standardisée pour des immobiliers veulent rénover, mais appels d'offre publics (frein juridique) → manquent de financement. Elles sont Développer des appels d'offres standardisés des partenaires sûrs avec un risque • La « split incentive » n'est pas levée en cas de contrepartie très faible, ce qui est de CPE : les bénéfices d'une rénovation favorable à la conclusion de CPE. profitent avant tout au locataire et non à • Obligations légales des grands l'ESCO → Permettre aux ESCO d'utiliser consommateurs (Loi sur l'énergie, loi la BPC sur le CO2) • Question ouverte : étanchéité juridique entre coûts d'exploitation et charges d'exploitation pour les collectivités publiques et les logements en location ? → Mener une étude • Question ouverte : possibilité pour l'ESCO d'obtenir les subventions ? → Mener une étude A quels types de rénovation le CPE est-il adapté ? Le CPE est un outil qui a fait ses preuves pour des projets d’efficacité énergétique dans l'industrie ou le tertiaire. Il a des atouts indéniables qui pourraient probablement être utilisés à profit dans le cas de rénovation de bâtiments à Genève. Toutefois, comme nous l'avons vu, les contraintes liées à l'utilisation de cet outil sont nombreuses. L'outil CPE n'est donc en aucun cas une solution miracle, mais il peut s'avérer un levier pour des situations données. Le CPE est-il adapté pour la rénovation de l'enveloppe du bâtiment ? La garantie de la performance est un atout indéniable dans le cas de rénovations lourdes, pour lesquelles, à ce jour, le risque est élevé de ne pas délivrer la performance énergétique promise. Néanmoins, dans les marchés de CPE peu développés comme la Suisse, on voit en général émerger d'abord des CPE avec des durées de contrats relativement courtes (typiquement de l'ordre de 5 ans) qui peuvent difficilement inclure des investissements avec des temps de retour aussi longs que des rénovations d'enveloppe. Cela dit, certains facteurs peuvent faciliter la conclusion de contrats à longue durée (15-20 ans, voire plus) : des CPE avec des collectivités publiques permettent de réduire le risque de contre-partie pour l'ESCO et peuvent favoriser des durées plus longues, des fonds de garanties peuvent avoir un effet similaire, le « pooling » de plusieurs bâtiments dont certains font l'objet de mesure à temps de retour courts qui compensent ceux qui ont des temps de retour plus longs (avec rénovation d'enveloppe). 10/12
Le CPE est-il adapté à du logement locatif ? Dans le cas du logement locatif, le CPE implique non seulement le propriétaire et l'ESCO mais également les utilisateurs-locataires. Les difficultés liées à la prise en compte de la responsabilité des locataires dans le performance énergétique (p.ex. Le fait d'ouvrir les fenêtres en hiver) peuvent être surmontées par une implication des locataires très en amont du projet. L'ESCO peut plus facilement jouer un rôle d'accompagnement des locataires que le propriétaire. Néanmoins, il faut relever que le CPE ne lève pas l'important obstacle de la «split incentive» (le propriétaire ou l'ESCO effectue l'investissement, mais c'est le locataire qui en est le principal bénéficiaire). Quel type de propriétaire est indiqué pour la conclusion de CPE ? Les collectivités publiques constituent une cible prioritaire pour la conclusion d'un CPE dans le bâtiment. Tout d'abord parce que c'est un acteur qui rassure l'ESCO puisqu'il ne devrait pas faire défaut, même sur la longue durée. Ensuite parce que c'est un acteur qui n'a pas de forte contrainte de rentabilité des opérations : la rénovation des bâtiments est une politique publique motivée avant tout par des critères environnementaux ou de santé publique et les collectivités ont un devoir d'exemplarité en la matière. Enfin, parce que le principal frein actuel à la rénovation pour des collectivités publiques fortement endettées est le manque de financement qui, dans le cas d'un CPE (modèle de partage des économies) peut être réalisée par l'ESCO. Il convient d'ailleurs de relever que le marché des ESCO aux USA, en Allemagne ou en France implique en majorité des collectivités publiques. Au sein du parc immobilier des collectivités, les bâtiments administratifs pourraient être privilégiés dans un premier temps par rapport aux bâtiments locatifs pour éviter les obstacles liés à la « split incentive ». Les propriétaires pour lesquels la contrainte de rentabilité est élevée mais dont les difficultés de financement sont faibles (p.ex. caisses de pension, fonds de placement immobiliers, assurances) peuvent être séduit par la garantie de performance du CPE qui rendra les plans financiers plus robustes. Les petits propriétaires de villas pourront difficilement accéder à des CPE, car le faible volume financier de leur projet de rénovation ne permettra pas de couvrir les coûts de transactions élevés de ce type de contrat. Même dans les cas de lotissements de villas similaires, il risque d'être difficile de gérer la pluralité des propriétaires dans un seul contrat. On peut cependant imaginer l’établissement d’une forme de contrat-type facilement généralisable. Les immeubles en PPE peuvent être une cible intéressante. Les rénovations énergétiques lourdes y sont en général très difficile à réaliser du fait des règles de gouvernance exigeant l'unanimité des co-propriétaires pour les investissements. Le fait que l'ESCO réalise l'investissement et que la performance soit garantie pourrait convaincre l'assemblée des co- propriétaires de rénover. Les coopératives d’habitation pourraient être une cible intéressante. La motivation des coopératives pour rénover est souvent plus élevée. La « split incentive » est absente puisque les habitants sont aussi coopérateurs. Les loyers relativement avantageux peuvent permettre une participation des habitants20. Les coopératives sont souvent gérés par des non- professionnels et le concours d’une entreprise qui prend en charge le projet en entier pourrait être le bienvenu. 20 Comme par exemple dans le cas de la coopérative La Cigale, le plus grand projet de rénovation Minergie P de Suisse. 11/12
Conclusion : quelles peuvent être les propositions des Assises du logement ? Le CPE peut se révélé un outil efficace pour stimuler des projets de rénovation énergétique des bâtiments. En effet : Le CPE permet de garantir la performance énergétique après rénovation alors que celle-ci n'est souvent pas au rendez-vous et n'incite pas les maîtres d'ouvrage à passer à l'action ; L'ESCO joue un rôle intégrateur, de la conception du projet à sa mise en oeuvre, ce qui réduit les ruptures de la chaîne des responsabilités au cours du projet et en améliore sa qualité ; Le CPE mobilise du tiers-investissement à la place du propriétaire, ce qui peut lever les barrières liées aux difficultés de financement, notamment pour les collectivités publiques. Néanmoins, le cadre doit être adapté pour pouvoir favoriser le développement des CPE. Les Assises du logement pourraient ainsi souligner les éléments de ce cadre qui doivent être adaptés ou qui doivent encore faire l'objet d'études complémentaires : Le modèle du CPE doit être popularisé auprès de parties prenantes du bâtiment afin qu'il suscite la confiance sans créer des attentes irréalistes. Un fonds de garantie étatique doit être mis sur pied pour rassurer les banques en cas de défaut des ESCO et les inciter à financer les CPE. Des modèles d'appels d'offre standardisés doivent être développés pour que les collectivités publiques puissent mettre en œuvre des CPE. Un organisme jouant le rôle de facilitateur de CPE et d'AMO pour les clients doit voir le jour afin de conseiller efficacement les maîtres d'ouvrages face aux ESCO : rôle pour les SIG ? Les ESCO doivent pouvoir bénéficier des subventions à la rénovation et de la Baisse prévisionnelle des charges (BPC) lorsqu'elles investissent pour leur client. Une étude doit être menée pour clarifier si la législation constitue un frein pour la conclusion de CPE avec les collectivités publiques du fait d'un transfert de frais d'investissement en charges d'exploitation. Au niveau des actions, nous proposons deux actions pilotes : Action 1 : un projet pilote de CPE pour un immeuble locatif comprenant une rénovation de l'enveloppe. Ce projet devrait bénéficier d'un accompagnement par un organisme facilitateur de CPE pour aider le maître d'ouvrage, par exemple les SIG, et faire l'objet d'un suivi spécifique permettant de tirer des leçons pour des actions futures, par exemple avec l'université. L'implication des locataires devra faire l'objet d'une attention particulière. Action 2 : un programme pilote pour la rénovation des bâtiments publics sur le modèle du programme Berlin ESP. Le CPE est en effet un levier pertinent pour augmenter les rénovations auprès des collectivités publiques, comme le succès du programme Berlin ESP l'a montré. Nous proposons qu'un programme-pilote soit lancé pour la rénovation des bâtiments publics sur ce modèle. Ce programme désignerait un organisme chargé de faciliter la conclusion de CPE entre les collectivités publiques et les ESCO, en organisant les appels d'offre, standardisant les procédures, conseillant les collectivités et facilitant les négociations entre ESCO et les collectivités. SIG pourrait être chargé de ce rôle. Noé21/février 2015 12/12
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