"LE RÉGIME EUROPÉEN DE TRANSPARENCE DES SOCIÉTÉS COTÉES : ANALYSE DES OBJECTIFS ET PROPOSITIONS DE RÉFORME" - Semantic Scholar

La page est créée Gérard Gillet
 
CONTINUER À LIRE
"LE RÉGIME EUROPÉEN DE TRANSPARENCE
                            DES SOCIÉTÉS COTÉES : ANALYSE DES
                          OBJECTIFS ET PROPOSITIONS DE RÉFORME"

                                                  Schaeken Willemaers, Gaëtane

                                       Document type : Article de périodique (Journal article)

                                                                        Référence bibliographique
           Schaeken Willemaers, Gaëtane. LE RÉGIME EUROPÉEN DE TRANSPARENCE DES
           SOCIÉTÉS COTÉES : ANALYSE DES OBJECTIFS ET PROPOSITIONS DE RÉFORME. In:
           revue pratique des sociétés, Vol. 4, no. 6997, p. 257-299 (2010)

Available at:
http://hdl.handle.net/2078.1/105889
[Downloaded 2019/01/08 at 09:30:52 ]
— 257 —

                                   N° 6997
             LE RÉGIME EUROPÉEN
    DE TRANSPARENCE DES SOCIÉTÉS COTÉES :
            ANALYSE DES OBJECTIFS
         ET PROPOSITIONS DE RÉFORME

                                  SOMMAIRE

CHAPITRE I. — Introduction

CHAPITRE II. — Analyse des objectifs du régime européen de transpa-
   rence des sociétés cotées
  Section 1. — L’objectif de protection de l’investisseur particulier moins sophis-
      tiqué
  Section 2. — L’objectif d’efficience des marchés
  Section 3. — L’objectif de corporate governance

CHAPITRE III. — Implications législatives et de politique régulatoire
  Section 1. — Les destinataires de l’information — Conséquences
  Section 2. — La transparence des grandes sociétés cotées dans des circonstances
      d’efficience des marchés

CHAPITRE IV. — Conclusions

                    CHAPITRE I. — Introduction

   1. — Le présent article s’inspire de la thèse en droit des socié-
tés et droit financier européens défendue publiquement par
l’auteur le 31 mai 2010 à la Faculté de droit de l’Université
catholique de Louvain (1).
   La thèse défendue vise les obligations d’information à l’égard
des investisseurs auxquelles sont soumises les sociétés qui émet-
tent ou ont émis des actions sur un marché réglementé européen
en vertu des directives européennes qui ont été adoptées en la
matière. De manière plus concise, et comme indiqué dans le titre

   (1) Le titre original de notre thèse est «The EU Issuer-Disclosure Regime :
Analysis of its Objectives and Proposals for Reform — Comparative and Interdis-
ciplinary Approach». Le livre issu de la thèse sera prochainement publié aux édi-
tions Kluwer Law International, sous le titre «The EU Issuer-Disclosure Regime :
Objectives and Proposals for Reform».
— 258 —

de la présente contribution, la thèse porte sur le régime européen
de transparence des sociétés cotées sur un marché réglementé
européen. Elle présente une analyse des objectifs de ce régime de
transparence et suggère des propositions de réforme législatives
découlant de l’examen théorique opéré.
   2. — En ce qui concerne la réglementation financière euro-
péenne, les obligations de transparence sont énoncées dans diffé-
rentes réglementations.
   Tout d’abord, la réglementation relative aux prospectus
d’émission, lorsque les émetteurs se proposent d’émettre des
titres sur un marché réglementé européen (2).
   Ensuite, les directives relatives aux obligations d’informations
périodiques, qui sont applicables aux émetteurs dont les titres sont
admis à la négociation sur un marché réglementé européen (3).
   Enfin, dans la directive relative aux opérations d’initiés et aux
manipulations de cours, dans la mesure concernée par la divul-
gation ad hoc d’information privilégiée par un émetteur dont les
titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé
européen (4).

    (2) Voy. directive 2003/71/CE du parlement européen et du conseil du
4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de
valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négocia-
tion, et modifiant la directive 2001/34/CE (Texte présentant de l’intérêt pour
l’E.E.E.), J.O.U.E., 31 décembre 2003, L 345/64 (ci-après, la «Directive
Prospectus»); règlement (CE) 809/2004 de la commission du 29 avril 2004 met-
tant en œuvre la directive 2003/71/CE du parlement européen et du conseil en
ce qui concerne les informations contenues dans les prospectus, la structure des
prospectus, l’inclusion d’informations par référence, la publication des prospectus
et la diffusion des communications à caractère promotionnel, J.O.U.E., 30 avril
2004, L 149/1 (ci-après, le «Règlement Prospectus»).
    (3) Voy. directive 2004/109/CE du parlement européen et du conseil du
15 décembre 2004 sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant
l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négo-
ciation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE, J.O.U.E.,
31 décembre 2004, L 390/38 (ci-après la «Directive Transparence»); directive
2007/14/CE de la commission du 8 mars 2007 portant modalités d’exécution de
certaines dispositions de la directive 2004/109/CE sur l’harmonisation des obliga-
tions de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs
mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé, J.O.U.E.,
9 mars 2007, L 69/27.
    (4) Voy. directive 2003/6/CE du 28 janvier 2003 du parlement européen et du
conseil en ce qui concerne les opérations d’initiés et les manipulations de marché,
J.O.U.E., 12 avril 2003, L 96/16 (ci-après, la «Directive Abus de Marché»).
— 259 —

  Quant au droit européen des sociétés, les obligations sont
énoncées, notamment, dans les Quatrième et Septième directives
européennes de droit des sociétés (5).
   3. — Les marchés réglementés d’actions européens sont un
sujet d’analyse intéressant pour plusieurs raisons.
   Tout d’abord, ils sont en pleine croissance (6) et jouissent
d’une position de plus en plus compétitive dans les activités
financières mondiales (7).
   Ensuite, ils contribuent à l’essor économique européen (8),
confirmant ainsi la thèse du lien entre la finance et la croissance
économique (9).
   Par ailleurs, leur intégration est un sujet central pour les ins-
tances européennes qui ont à cœur de les promouvoir, parce
qu’ils offrent notamment une alternative à la subvention des
pensions par les Etats membres.
   4. — Les obligations d’information sont également un sujet
important puisqu’elles constituent un élément essentiel du droit
financier, analysé principalement dans notre thèse.

    (5) Voy. Quatrième directive 78/660/CEE du conseil du 25 juillet 1978, fondée
sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels
de certaines formes de sociétés (78/660/EEC), J.O., 14 août 1978, L 222/11,
modifiée et Septième directive 83/349/CEE du conseil du 13 juin 1983 fondée sur
l’article 54 paragraphe 3 point g) du traité, concernant les comptes consolidés,
J.O., 18 juillet 1983, L 193/1, modifiée.
    (6) Voy., inter alia, commission européenne, European Financial Integration
Report, SEC(2007) 1696, 10 décembre 2007, p. 6; commission européenne, Com-
mission Staff Working Document — European Financial Integration Report
2008, SEC(2009) 19 final, 9 janvier 2009, p. 76.
    (7) Voy. les statistiques de la Banque pour les Règlements Internationaux
(2008); du Fonds Monétaire International (2008) et de Swiss Re (2007). Voy. éga-
lement, commission européenne, Commission Staff Working Document — Euro-
pean Financial Integration Report 2008 SEC(2009) 19 final, 9 janvier 2009.
    (8) Voy. pour les statistiques des marchés européens en tant que ressources
financières, N. Moloney, EC Securities Regulation, Oxford University Press,
2e éd., 2008, pp. 63 et s.; R.A. Brealey, S.C. Myers et Fr. Allen, Principles of
Corporate Finance, McGraw Hill Higher Education, 8e éd., 2005.
    (9) Voy. sur le lien entre finance et croissance économique, inter alia,
J.A. Schumpeter, The Theory of Economic Development : An Inquiry into Prof-
its, Capital, Credit, Interest, and the Business Cycle, Harvard, ed. 1911; J.B. Ang,
«A Survey Of Recent Developments In The Literature Of Finance And Growth»,
Journal of Economic Surveys, vol. 22, 2008/3, p. 536.
— 260 —

   Par ailleurs, elles sont liées aux crises financières importantes
du dernier siècle, à savoir la crise de 1929, la crise à la suite de
la bulle high-tech et du scandale d’Enron en 2000-2002 et la crise
à la suite du scandale des subprimes en 2007-2008 (ci-après, la
«crise financière 2007-2008»), qui est suivie par la crise de la
dette souveraine. Or, ces périodes de turbulences financières ont
donné lieu à une crise de confiance dans le système boursier, au
détriment de l’essor économique.
   En outre, la transparence des sociétés cotées est essentielle à
la réalisation d’un marché financier unique européen.
   5. — Une analyse des objectifs des directives européennes
concernées vient à point nommé puisqu’elles font l’objet de révi-
sions par les instances européennes (10). Dans ce cadre, il s’agit
de garder à l’esprit le fait qu’un régime de transparence consti-
tue un coût supplémentaire pour les sociétés cotées, non com-
pensé par des bénéfices, s’il essaye d’atteindre des objectifs qui
ne devraient pas en être. Et ce coût supplémentaire est néfaste
à la compétitivité des entreprises qui pourraient même envisager
leur delisting des marchés qui leur imposeraient de telles obliga-
tions (11).
  6. — Enfin, le thème abordé apparaît particulièrement oppor-
tun dans la mesure où le législateur a une tendance naturelle à
réglementer au risque de mener à une sur-réglementation et à un
excès d’informations. Ceci se vérifie de manière particulièrement
aigue dans le cadre des crises financières, ainsi que l’atteste une
nouvelle fois la crise financière 2007-2008 (12).

   (10) Au moment de la défense de thèse (et de la rédaction du présent article),
l’éventuelle nouvelle directive prospectus n’avait pas encore été adoptée. Seuls
étaient disponibles un projet de directive et un rapport du parlement européen.
Aussi, le présent article ne prend pas en considération les modifications qui pour-
raient être apportées par l’éventuelle nouvelle directive prospectus.
   (11) Voy. CRA International, Evaluation of the Economic Impacts of the
Financial Services Action Plan, Final Report, Londres, Mars 2009, 242 pp. Voy.
également, les coûts engendrés par le Sarbanes-Oxley Act américain (Public Com-
pany Accounting Reform and Investor Protection Act of 2002 [Public Law 107-
204, 116 Stat. 745-810)) et le débat sur la perte de compétitivité prétendue des
bourses américaines, qui serait notamment due à l’existence d’obligations d’infor-
mation trop onéreuses.
   (12) Voy., inter alia, le plan d’action de l’Union européenne en droit des socié-
tés, de mai 2003, à la suite des scandales de corporate governance au sein des
sociétés européennes (Communication de la commission au conseil et au parle-
— 261 —

   7. — Dans notre thèse, nous adoptons une approche de droit
comparé.
   La comparaison a lieu avec le droit financier outre-Atlantique.
En effet, le droit financier fédéral américain (13) a fortement ins-
piré, et inspire encore, le droit européen en la matière. Par
ailleurs, l’autorité de supervision américaine, la Securities and
Exchange Commission (ci-après, la «SEC»), influence les ten-
dances du droit financier international. Enfin, force est de
constater que la plupart des études d’analyse économique du
droit et la plupart des études empiriques relatives aux obliga-
tions d’information des sociétés cotées sont le fruit de juristes et
économistes américains. Les ignorer ne serait dès lors pas judi-
cieux.
   Une comparaison est également faite entre les droits natio-
naux financiers et des sociétés de sept Etats membres sélection-
nés pour l’importance de leur capitalisation boursière par rap-
port à leur produit intérieur brut (14). Comme le droit financier
et des sociétés européen doit être transposé dans le droit natio-
nal des Etats membres et vu que certains points ne font pas
l’objet d’une harmonisation maximale au niveau européen,
voire d’une harmonisation tout court, il est nécessaire de se
référer aux dispositions de droit national en matière financière
et des sociétés.
  8. — L’approche, dans notre thèse, est également interdiscipli-
naire. Elle prend en considération les analyses économiques et
autres études empiriques dans la mesure nécessaire pour renfor-
cer les propos tenus. Une attention particulière est prêtée aux

ment européen, Modernisation du droit des sociétés et renforcement du gouverne-
ment d’entreprise dans l’Union européenne — Un plan pour avancer, 21 mai 2003,
COM (2003) 284 final. Voy. en ce qui concerne la crise financière 2007-2008, les
mesures prises par la commission européenne et relatives aux agences de nota-
tion, à la rémunération des administrateurs, ou encore aux gestionnaires de fonds
alternatifs. Voy. pour un aperçu de ces mesures, D. Gérard et G. Schaeken
Willemaers, «L’Union européenne au chevet de la crise financière : un état des
lieux», Reflets et Perspectives de la Vie Economique, vol. XLIX, 2010/2-3.
    (13) Voy. notamment le Securities Act of 1933, 48 Stat. 74, pris le 27 mai
1933, codifié sous 15 U.S.C. §§77a et s. (ci-après, le «Securities Act») et le Secu-
rities Exchange Act of 1934, 48 Stat. 881, pris le 6 juin 1934, codifié sous 15
U.S.C. §§78a et s. (ci-après, le «Securities Exchange Act»).
    (14) Il s’agit du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne, de la Belgique,
des Pays-Bas, de l’Espagne et de l’Italie.
— 262 —

avancées de la finance comportementale (15), en tant que
domaine de la psychologie comportementale et que sous-domaine
de l’économie comportementale qui étudie comment la psycholo-
gie exerce un impact sur la prise de décision en matière finan-
cière et sur l’évolution des marchés financiers.
   9. — Il convient de noter, à titre de dernière remarque, que,
dans notre thèse, nous prenons en compte les incertitudes et
leçons de la crise financière 2007-2008. Ceci dit, cette crise ne
remet pas en cause de manière fondamentale l’argumentation
principale de notre thèse. Tout au contraire, elle contribue même
à la renforcer sur certains points.
  10. — Le présent article reprend la structure de notre thèse.
  Une première partie identifie les objectifs véritables des obli-
gations d’information, sur base d’une discussion des objectifs
assignés par la commission européenne au régime européen de
transparence des sociétés cotées.
  Une seconde partie expose les implications législatives et de
politique régulatoire qui découlent du raisonnement tenu dans la
première partie.
  Une dernière partie conclut.

    (15) Voy. pour des recensions récentes de la littérature, inter alia, D.C. Lan-
gevoort, «The SEC, Retail Investors, and the Institutionalization of the Secu-
rities Markets», Virginia Law Review, vol. 95, 2009/4, p. 1025. S.J. Choi,
«Behavioral Economics and the Regulation of Public Offerings», Lewis & Clark
Law Review, vol. 10, 2006/1, p. 85; E. Avgouleas, «Reforming Investor Protec-
tion Regulation : The Impact of Cognitive Biases», in Essays in the Law and Eco-
nomics of Regulation, in Honour of Anthony Ogus, (M. Faure et F.H. Stephen,
red.), 2008, Intersentia, xx + 360 pp.); D. de Meza, B. Irlenbusch et D. Rey-
niers, Financial Capability : A Behavioural Economics Perspective, Financial
Services Authority ltd, Consumer Research 69, Londres, 2008, 103 pp.
— 263 —

             CHAPITRE II. — Analyse des objectifs
              du régime européen de transparence
                      des sociétés cotées

             Section 1. — L’objectif de protection
        de l’investisseur particulier moins sophistiqué

  11. — L’objectif de protection des investisseurs est discuté en
premier, en raison de la place de choix qu’il occupe dans l’esprit
des régulateurs, en ce compris de la commission européenne (16).
   12. — Le régime européen de transparence des sociétés cotées
a sans conteste une dimension importante de protection des
«investisseurs particuliers moins sophistiqués», à qui on oppose
les «investisseurs professionnels». En effet, il vise à leur per-
mettre de porter un jugement fondé sur les opérations d’une
société, en prévoyant des obligations d’information à charge des
émetteurs (17). Cette croyance dans un effet positif transforma-
teur du droit reflète la pensée de l’école «droit et finance», qui
part du présupposé qu’une meilleure protection des investisseurs,
notamment par le droit, encourage le développement des mar-
chés financiers (18).

   (16) Voy., inter alia, considérants (4) et (5) de la Directive Prospectus; consi-
dérants (1), (3), (7), (41) et (23), (24), (25) et (36) de la Directive Transparence;
considérant (1) de la Directive Abus de Marché.
   (17) Voy. Communication de la commission, Mise en œuvre du cadre d’action
pour les services financiers : Plan d’action 11 mai 1999, COM(1999) 232 final,
pp. 9-26; Conseil de Lisbonne, 23-24 Mars 2000, conclusions de la présidence, §21;
Deuxième rapport sur le FSAP : rapport de la commission, Services financiers :
évolution et progrès réalisés, deuxième rapport, 30 mai 2000, COM(2000) 336 final,
p. 3; Communication de la commission au parlement Européen et au conseil,
Modernisarion de la directive concernant les services d’investissement (93/22/EEC),
15 novembre 2000, COM(2000) 729) final, pp. 5-6; Asset Management Expert
Group, Financial Services Action Plan : progress and prospects, mai 2004, p. 24;
Fr. Bolkestein (commissaire européen pour le marché intérieur et la fiscalité),
discours prononcé lors d’un séminaire du ELDR («European Liberal Democrat
and Reform Party») organisé sous le titre «Reviving European Growth», 8 jan-
vier 2004.
   (18) L’école «droit et finance» tire son nom de R. La Porta, Fl. Lopez-de-
Silanes, A. Shleifer et R.W. Vishny, «Law and Finance», Journal of Political
Economy, vol. 106, 1998/6, p. 1113. Cet article a été revu dans une autre contri-
bution en 2008, voy. S. Djankov, R. La Porta, Fl. Lopez-de-Silanes et
A. Shleifer, «The Law and Economics of Self-Dealing», Journal of Financial
Economics, vol. 88, 2008/3, pp. 430-465. Voy. pour d’autres articles récents
— 264 —

   13. — L’importance de la participation des investisseurs par-
ticuliers moins sophistiqués aux marchés d’actions européens
n’est pas à démontrer, même si ces investisseurs ne constituent
que 15 % de la communauté des investisseurs investissant direc-
tement en actions cotées européennes (19). Ils offrent notamment
du capital aux entrepreneurs qui en ont besoin, accroissent la
liquidité sur les marchés et apportent une solution au «paradoxe
de l’hypothèse d’efficience des marchés» (20).
   Des raisons politiques s’ajoutent à ces raisons économiques
puisque l’Union européenne voit dans les marchés financiers une
alternative attrayante au financement public des pensions.
   14. — Or, il convient de protéger un minimum les investisseurs
particuliers moins sophistiqués étant donné leur maîtrise limitée
du monde financier et leurs comportements parfois irrationnels sur
les marchés financiers, tels que démontrés par les études empi-
riques. En effet, s’ils ne jouissent pas d’un minimum de protec-
tion, ils pourraient faire l’objet d’abus, soit par le management de
la société dans laquelle ils ont investi, soit par l’actionnaire majo-
ritaire de cette société, ou encore par toute personne qu’ils sollici-
tent dans le cadre de leur investissement, comme un intermédiaire
ou un conseiller financiers. Et si leur confiance dans les marchés
financiers est ébranlée à la suite de tels abus, ils pourraient décider
de ne plus investir leur épargne en bourse.
  15. — Dans ce contexte, notre thèse entend démontrer que
d’autres moyens plus effectifs et plus économiques que la mise à
disposition de documents d’information sur la société émettrice
devraient être mis en œuvre pour atteindre l’objectif de protec-

d’autres auteurs partageant les mêmes idées, inter alia, T. Beck, A. Demirgüç-
Kunt et R. Levine, «Law and Finance : Why Does Legal Origin Matter?», Jour-
nal of Comparative Economics, vol. 31, 2003/4, pp. 653-675; E.L. Glaeser et
A. Shleifer, «Legal Origins», Quarterly Journal of Economics, vol. 107, 2002/4,
pp. 1193-1229; S. Djankov, E. Glaeser, R. La Porta, F. Lopez-de-Silanes et
A. Shleifer, «The New Comparative Economics», Journal of Comparative Eco-
nomics, vol. 31, 2003/4, pp. 595-619; Th. Beck et R. Levine, «Legal Institutions
and Financial Development», in Handbook of New Institutional Economics, (Cl.
Menard et M. Shirley, red.), Springer, Dordrecht, 2005, pp. 251 et s.
   (19) Voy. Fédération of European Securities Exchanges Aisbl, Share
Ownership Structure in Europe (2008); L. Guiso, M. Haliassos et T. Jappelli,
«Household Stockholding in Europe : Where Do We Stand, and Where Do We
Go?», Economic Policy, vol. 18, issue 36, avril 2003, pp. 123-170.
   (20) Voy. pour plus de détails, ci-dessous.
— 265 —

tion des investisseurs particuliers moins sophistiqués. Il s’agit
notamment d’une meilleure réglementation de la relation entre
l’investisseur particulier moins sophistiqué et les intermédiaires
financiers, conseillers ou investisseurs institutionnels. Ceci est
développé plus en détails dans la partie suivante de l’article.
   Les besoins en information des investisseurs particuliers moins
sophistiqués n’ont pas été identifiés avant de concevoir le régime
européen de transparence des sociétés cotées. Il n’y a pas eu non
plus d’étude d’impact des dispositions législatives. Ce régime
repose sur le mythe de l’«investisseur rationnel et lettré» (21).
   Une approche interdisciplinaire du sujet, qui repose sur les
avancées de la finance comportementale et de l’analyse écono-
mique du droit montre que, études empiriques à l’appui, l’infor-
mation donnée par les sociétés cotées ne contribue pas à protéger
les investisseurs particuliers moins sophistiqués. Ces derniers ne
semblent pas avoir la volonté nécessaire pour lire attentivement
l’information qui est mise à leur disposition (22). Généralement,
ils ne la comprennent pas (23). Ils ne paraissent pas davantage
avoir la compétence requise pour l’utiliser correctement (24), ni
la motivation nécessaire pour en faire usage afin d’influencer les
décisions du management de la société dans laquelle ils ont

   (21) Voy. à propos du mythe de l’investisseur informé, voy. e.a. H. Kripke
«The Myth of the Informed Layman», The Business Lawyer, vol. 28, 1972-1973/
2, pp. 631-638.
   (22) Voy. IFF Research Limited, Investment Disclosure Research, Financial
Services Authority, Consumer Research 55, Londres, Novembre 2006,
67+72 pp.; Autorité des Marchés Financiers, Pour une meilleure régulation,
Les résultats de la consultation et les engagements de l’Autorité des marchés finan-
ciers, novembre 2006; TNF Sofres Survey : Investigation of investment informa-
tion and management processes and analysis of disclosure documents for retail
investors; B.A. Mann, «Prospectuses Unreadable or Just Unread? — A Proposal
to Reexamine Policies Against Permitting Projections», George Washington Law
Review, vol. 40, 1971-1972, pp. 222-243.
   (23) Voy. pour une recension des études récentes à ce sujet : Communication
de la commission, Education financières, 18 décembre 2007, COM(2007) 808 final.
   (24) Voy., inter alia, pour des articles récents, St. M. Bainbridge, «Why a
Board? Group Decisionmaking in Corporate Governance», Vanderbilt Law
Review, vol. 55, 2002, p. 2 (spécialement p. 19); R.B. Korobkin et T.S. Ulen,
«Law and Behavioural Science : Removing the Rationality Assumption from
Law and Economics», California Law Review, vol. 88, 2000, pp. 1051-1044. Voy.
pour une liste des préjugés dont seraient victimes les investisseurs particuliers
moins sophistiqués, R.J. Gilson et R. Kraakman, «The Mechanisms of Market
Efficiency Twenty Years Later : The Hindsight Bias», Journal of Corporate Law,
vol. 28, 2002-2003, pp. 715-742.
— 266 —

investi. Cette apathie rationnelle qui caractérise les investisseurs
particuliers moins sophistiqués est liée au problème de l’informa-
tion en tant que «bien public» (en anglais, public good) (25).
   Cette efficacité limitée met en cause non seulement l’identifi-
cation de la protection des investisseurs comme objectif des obli-
gations d’information mais également les justifications pour
imposer des coûts supplémentaires non seulement aux sociétés
émettrices d’actions (26), qui sont in fine supportés par les inves-
tisseurs, mais également aux autorités de contrôle, sans mention-
ner le coût d’opportunité du législateur et les coûts collatéraux
subis par les investisseurs (27). Les coûts supportés par chaque
intervenant dépassent les bénéfices que l’investisseur particulier
moins sophistiqué pourrait en tirer. Et ceci affecte de manière
négative le développement des marchés financiers.

               Section 2. — L’objectif d’efficience
                           des marchés

   16. — L’amélioration de l’efficience des marchés est, quant à
elle, un objectif effectif du régime européen de transparence des
sociétés cotées.
  17. — La définition traditionnelle de l’efficience des marchés,
et sa théorie fondatrice, à savoir l’hypothèse d’efficience des
marchés de capitaux (en anglais, Efficient Capital Markets
Hypothesis et ci-après, l’«ECMH») (28), se base sur celle donnée
par le Professeur Eugene Fama.

   (25) Voy. R.C. Clark, Vote Buying and Corporate Law, Case Western Reserve
Law Review, vol. 29, 1979, pp. 776-807, spec. p. 779; F.H. Easterbrook et
D.R. Fischel, The Economic Structure of Corporate Law, Harvard University
Press, 1991, pp. 66-67; B.S. Black, «Shareholder Passivity Reexamined», Mich-
igan Law Review, 1990, pp. 520-608.
   (26) Voy. ci-dessous.
   (27) Par exemple, un excès de confiance (en anglais, over-confidence) des inves-
tisseurs en leurs capacités financières ou un excès d’informations (en anglais,
information over-load).
   (28) L’ECMH a ses origines dans le travail de Louis Bachelier. Voy. sur l’évo-
lution de l’ECMH, M.C. Jensen et C.W. Smith, Jr, The Modern Theory of Cor-
porate Finance, 2e édition, McGraw-Hill Education, New York, 1984, 773 pp.; St.
F. Leroy, «Efficient Capital Markets and Martingales», Journal of Economic
Literature, vol. XXVII, décembre 1989, pp. 1583-1621; R.J. Gilson et
R.H. Kraakman , «The Mechanisms of Market Efficiency», Virginia Law Review,
vol. 70, n° 4, 1984, pp. 549-644.
— 267 —

  Les prix dans un marché efficient reflètent toujours immédia-
tement et correctement toute l’information disponible pertinente
pour évaluer les actions de telle sorte que toute activité d’arbi-
trage est minimale (29). Il n’est donc pas possible de faire de gain
sur base d’informations publiques et le prix de l’action reflète sa
valeur fondamentale.
   18. — Mais, étant donné les présupposés erronés de la défini-
tion traditionnelle, une meilleure interprétation de l’ECMH est à
trouver dans la notion d’«efficience relative» des marchés (30).
   En effet, la définition traditionnelle repose sur le fait que tous
les investisseurs sont rationnels. Or, la présence sur les marchés
de noise traders, qui achètent et vendent sur base de préjugés et
considérations psychologiques, n’est pas controversée (31). Les
noise traders contribuent à éloigner le prix de l’action de sa
valeur fondamentale (32).
   Elle repose également sur la croyance que tous les investis-
seurs ont des attentes identiques, ce qui est faux (33).
   Elle prétend également qu’il n’y a pas de coût lié à l’informa-
tion. Or, comme le montre le «paradoxe de l’hypothèse d’effi-
cience des marchés» (34), qui nous force de conclure qu’il est pos-

   (29) Voy. not. E.F. Fama, «The Behavior of Stock-Market Prices», The Jour-
nal of Bussiness, vol. 38, n° 1, janvier 1965, pp. 34-105.
   (30) Voy. pour plus de détails, ci-dessous.
   (31) Voy. F. Black, Noise, The Journal of Finance, vol. 41, n° 3, 1986,
pp. 529-543. Voy. pour une recension des auteurs en la matière et une analyse des
conséquences législatives de la présence de noise traders, D.C. Langevoort,
«Theories, Assumptions, and Securities Regulation : Market Efficiency
Revisited», University of Pennsylvania Law Review, vol. 140, 1992, p. 876.
   (32) Voy. D.A. Hirshleifer et S.H. Teoh, «Herd Behavior and Cascading in
Capital Markets : A Review and Synthesis», European Financial Management,
vol. 9, n° 1, 2003, pp. 25-66; A. Kumar, «Hard-to-Value Stocks, Behavioral
Biases and Informed Trading», Journal of Financial and Quantitaive Analysis,
vol. 44, n° 6, décembre 2009, pp. 1375-1401; L. Kogan, St. A. Ross, J. Wang
et M.M. Westerfield, «The Price Impact and Survival of Irrational Traders»,
The Journal of Finance, vol. 61, n° 1, février 2006, pp. 195-229.
   (33) Voy. pour le modèle original des attentes hétérogènes (en anglais, heteroge-
neous expectations), E.M. Miller, «Risk, Uncertainty, and Divergence of Opinion»,
The Journal of Finance, vol. XXXII, n° 4, septembre 1977, pp. 1151-1168. Voy. e.a.
pour les académiques qui ont introduit ce travail en littérature juridique,
W.W. Bratton et M.L. Wachter, «The Case Against Shareholder Empowerment»,
University of Pennsylvania Law Review, vol. 158, 2010, pp. 653-728.
   (34) Voy. pour les premiers travaux sur le «paradoxe de l’hypothèse d’effi-
cience des marchés», les références dans R. Sappideen, «Securities Market Effi-
— 268 —

sible de battre le marché (35) sinon il n’y aurait pas d’incitant à
agir sur base de l’information pour que l’information soit reflétée
dans les prix, il est coûteux de rassembler, comprendre, analyser
et agir sur base de l’information.
   La définition traditionnelle de l’ECMH considère aussi que
les activités d’arbitrage ne sont pas nécessaires. Dans la mesure
où elles le seraient tout de même, elles seraient fructueuses au
point d’éliminer toute disparité entre le prix de l’action et sa
valeur fondamentale. Or, les limites aux activités d’arbitrage
sont nombreuses. Et ces limites ne peuvent pas nécessairement
éliminer la différence entre le prix de l’action et sa valeur fon-
damentale (36).
   19. — Une meilleure définition de l’ECMH suggère que le prix
de l’action est la mesure la plus fiable de la valeur de l’action à
un moment donné sur base des informations alors disponibles.
En d’autres termes, les marchés sont efficients au niveau de
l’information. Ainsi, toute l’information mise à la disposition du
public circule rapidement dans le marché et chaque élément nou-
veau d’information est reflété plus ou moins correctement et
rapidement dans le prix. Aussi, tous les intervenants sur le mar-
ché sont correctement informés et l’information nouvelle ne peut
pas profiter à quelques-uns. Ceci est valable à tout le moins en
ce qui concerne les sociétés dont les actions sont fréquemment
échangées sur les marchés et dans des conditions de marché nor-
males, c’est-à-dire, en dehors de conditions de crashes boursiers.
De manière plus négative, cela revient à dire que le prix ne
reflète qu’une partie de l’information; sinon, ce serait l’efficience
à 100 %. Ou que le prix ne peut constituer qu’un guide pour la

ciency Reconsidered», University of Tasmania Law Review, vol. 9, n° 1, 1988,
pp. 132-189, spéc. pp. 155 et s.
   (35) Voy. comme preuves de la possibilité de battre les marchés, J.D. Coval,
D.A. Hirshleifer et T. Shumway, Can Individual Investors Beat the Market ?,
Harvard Business School Finance Unit, Working Paper N° 04-025 (2005). Ou
les profits réalisés par certains investisseurs qui suivent la philosophie de Ben
Graham, leur père spirituel, et notamment le succès assez régulier du fonds
d’investissement de Warren Buffet, Berkshire Hathaway, ou celui de George
Soros.
   (36) Voy. pour des articles expliquant les limites aux activités d’arbitrage,
voy. également R.J. Gilson et R. Kraakman, «The Mechanisms of Market Effi-
ciency Twenty Years Later : The Hindsight Bias», Journal of Corporate Law,
vol. 28, 2002-2003, pp. 715-742.
— 269 —

décision d’investissement puisqu’il y aura toujours un écart entre
la valeur fondamentale de l’action et son prix.
   D’après cette définition, il est davantage correct de parler
d’efficience informationnelle (37), d’efficience relative (38) ou de
forme semi-forte de l’efficience (39). Et cette efficience n’est pas
contredite par l’existence de crashes, qu’il faut voir comme la
conséquence d’omissions d’informations ou de la présence
d’informations erronées.
   20. — Améliorer l’efficience des marchés signifie stimuler non
seulement l’efficience des prix, c’est-à-dire la mesure dans
laquelle les prix reflètent la valeur fondamentale de l’action,
mais également la liquidité sur les marchés.
   Il est important d’ encourager les démarches en ce sens en rai-
son de leur impact positif sur l’économie. En effet, des prix plus
efficients et un marché plus liquide permettent, entre autres, une
meilleure répartition de l’épargne des investisseurs entre les pro-
jets économiques les plus prometteurs (40). Ils contribuent éga-
lement à diminuer le coût du capital pour l’émetteur. En effet,
les investisseurs seront moins enclins à exiger des dividendes éle-

   (37) Voy. L.A. Stout, « Are Stock Markets Costly Casinos ? Disagreement,
Market Failure and Securities Regulation », Virginia Law Review, vol. 81,
n° 3, 1995, pp. 611-712 ; W.K.S. Wang, « Some Arguments that the Stock
Market Is Not Efficient », U.C. Davis Law Review, vol. 19, n° 2, 1985-1986,
pp. 341-402 ; N. Barberis et R.H. Thaler, « A Survey of Behavioral
Finance », in Handbook of the Economics of Finance (G.M. Constantinides,
M. Harris et R.M. Stulz, red.), vol. 1 B, Elsevier North-Holland, Amster-
dam, 2003, pp. 1051-1121.
   (38) Voy. R.J. Gilson et R. Kraakman, « The Mechanisms of Market Effi-
ciency Twenty Years Later : The Hindsight Bias », Journal of Corporate Law,
vol. 28, 2002-2003, pp. 715-742 ; R.J. Gilson et R.H. Kraakman , « The
Mechanisms of Market Efficiency », Virginia Law Review, vol. 70, n° 4, 1984,
p. 560.
   (39) Voy. E.F. Fama, «Efficient Capital Markets : A Review of Theory and
Empirical Work», The Journal of Finance, vol. 25, n° 2, 1970, pp. 383-417, spé-
cialement p. 388. Voy. également, R.J. Gilson et R. Kraakman, «The Mecha-
nisms of Market Efficiency Twenty Years Later : The Hindsight Bias», Journal
of Corporate Law, vol. 28, 2002-2003, pp. 715-742.
   (40) Voy. W.T. Allen, «Securities Markets as Social Products : The Pretty
Efficient Capital Markets Hypothesis», J. Corp. L., vol. 28, 2002-2003, pp. 551-
64, spécialement pp. 555-56; M. Kahan, «Securities Laws and the Social Costs
of ‘Inaccurate’ Stock Prices», Duke Law Journal, vol. 41, n° 5, 1992, pp. 977-
1044, spécialement pp. 1005 et s.
— 270 —

vés pour compenser le risque pris en investissant dans la société
émettrice (41).
   Or, la mesure dans laquelle l’efficience des prix et la liquidité
peuvent être augmentées dépend de la disponibilité de l’informa-
tion sur les cash flows futurs de l’émetteur concerné tout au long
de son existence (42). Il convient donc de limiter au mieux les
coûts liés à l’information, à savoir, entre autres, les coûts de pro-
duction, de transmission ou d’analyse de l’information.
   Dans ce cadre, il est important d’avoir des obligations d’infor-
mation et de ne pas laisser la distribution d’informations à la dis-
crétion des sociétés. En effet, les émetteurs pourraient être tentés

   (41) Voy. Chr. Leuz et P.D. Wysocki, Economic Consequences of Financial
Reporting and Disclosure Regulation : A Review and Suggestions for Future
Research, MIT Sloan School of Management Working Paper, Mars 2008; L. Hail
et Chr. Leuz, «International Differences in the Cost of Equity Capital : Do Legal
Institutions and Securities Regulation Matter?», Journal of Accounting Research,
vol. 44, n° 3, juin 2006, pp. 485-531; Chr.A. Botosan, «Disclosure and the Cost
of Capital : What Do We Know?», Accounting and Business Research, 2006,
pp. 31-40, spécialement pp. 33 et s. (et les références qui y sont citées); R. Lam-
bert, Chr. Leuz et R.E. Verrecchia, «Accounting Information, Disclosure and
the Cost of Capital», Journal of Accounting Research, vol. 45, n° 2, Mai 2007,
pp. 385-420. Voy. pour la relation entre la liquidité et le coût du capital, les
références dans N. Gârleanu et L.H. Pedersen, «Adverse Selection and the
Required Return», The Review of Financial Studies, vol. 17, n° 3, 2004, pp. 643-
645; M.B. Fox, «Civil Liability and Mandatory Disclosure», Columbia Law
Review, vol. 109, n° 2, 2009, pp. 237-308; L. Hail et Chr. Leuz, Cost of Capital
and Cash Flow Effects of U.S. Cross Listings, Working Papers from University
of Pennsylvania, Wharton School, Weiss Center, 2005, 51 pp. Voy. sur la relation
entre liquidité et allocation des ressources, L. Harris, Trading & Exchanges :
Marketmicrostructure for Practitioners, Oxford University Press, New York, 2003,
656 pp.
   (42) Voy. pour une recension récente des études empiriques établissant le lien
entre l’information et l’efficience des marchés, Chr. Leu, et P.D. Wysocki, Eco-
nomic Consequences of Financial Reporting and Disclosure Regulation : A Review
and Suggestions for Future Research, MIT Sloan School of Management Working
Paper, 2008, 66 pp. Voy. pour des études récentes, inter alia, M.B. Fox,
R. Morck, B. Yeung et A. Durnev, «Law, Share Price Accuracy and Economic
Performance : The New Evidence», Michigan Law Review, vol. 102, n° 3, 2003,
pp. 331-386; A. Durnev, R. Morck, M.B. Fox et B.Y. Yeung, Required Line
of Business Reporting and share price accuracy, 2008; A. Ferrell, «Mandated
Disclosure and Stock Returns : Evidence from the Over-the-Counter Market»,
Journal of Legal Studies, vol. 36, n° 2, 2007, pp. 213-251; Banque Centrale
Européenne, Financial Integration 2008, p. 34 et graphe 28; Financial Services
Authority Ltd, Disclosure of Contracts for Difference, Consultation and Draft
Handbook text, Consultation Paper 07/20, novembre 2007, 164 pp., annexe 3.
— 271 —

de ne pas transmettre certaines informations de peur d’affecter
le cours de l’action en bourse.
   Par ailleurs, si le législateur impose le contenu de l’informa-
tion, la langue qui doit être utilisée ainsi que les moyens de dis-
sémination et de conservation, cela devrait réduire les coûts liés
à l’acquisition de l’information.
   Il est également nécessaire d’éviter d’obstruer le flux d’infor-
mations vers les professionnels du marché, tels que les ana-
lystes ou les investisseurs institutionnels, car ils contribuent à
l’efficience des prix, comme le démontrent les études empi-
riques (43).
   Par ailleurs, il est primordial de souligner le rôle des banques
d’investissement, des avocats et des auditeurs dans le cadre du
contrôle de la qualité de l’information donnée au marché.
   Enfin, un régime de responsabilité civile bien pensé, qui per-
met d’assigner en justice ceux qui violent leurs obligations
d’information, peut également contribuer à augmenter la qualité
de l’information. En effet, la «menace» des cours et tribunaux
devrait inciter les personnes responsables au respect des obliga-
tions d’information (44).

                       Section 3. — L’objectif
                      de CORPORATE GOVERNANCE

  21. — La gouvernance d’entreprise (en anglais, corporate gover-
nance) n’a pas été identifiée comme objectif des obligations

   (43) Voy. R.J. Gilson et R.H. Kraakman, «The Mechanisms of Market
Efficiency», Virginia Law Review, vol. 70, n° 4, 1984, pp. 549-644; I. Walter,
«The Global Asset Management Industry : Competitive Structure and
Performance», Financial Markets, Institutions, and Instruments, vol. 8, n° 1,
février 1999, p. 46; St. Rousseau, «The Future of Capital Formation for Small
and Medium-sized Enterprises : Rethinking Initial Public Offering Regulation
after the Restructuring of Canadian Stock Exchanges», Revue Juridique Thémis,
vol. 34, 2001, pp. 661-760, spécialement p. 710. Voy. pour un article récent
démontrant que les analystes améliorent l’efficience des prix, voy. C Harvey,
S. Rattray, J. Utans et Y Mawji, «Do European Brokers Add Any Value
through Recommendations?» , 1er septembre 2009, www.glgpartners.com. Voy.
pour une étude tendant à démontrer que les analystes contribuent à la liquidité
sur les marchés, D.T. Roulstone, «Analyst Following and Market Liquidity»,
Contemporary Acctounting Research, Vol. 20, n° 3, automne 2003, pp. 551-578.
   (44) Voy. les suggestions dans cet article à cet égard, ci-dessous.
— 272 —

d’information par le législateur européen (45). Or, à côté de l’effi-
cience des marchés, la corporate governance constitue un autre
objectif qui se doit d’être poursuivi par les obligations de trans-
parence (46).
   La corporate governance vise, entre autres, à réduire les pro-
blèmes d’agence auxquels les sociétés font face (47), à diminuer
les tensions qui peuvent exister au sein d’une société, soit entre
son management et ses actionnaires, soit, comme c’est parfois le
cas dans une société à l’actionnariat concentré, entre un action-
naire majoritaire ou des actionnaires dominants et ses action-
naires minoritaires (48).

   (45) Voy. cependant les travaux préparatoires de la Directive Transparence,
et, inter alia, avis de la banque centrale européenne du 30 septembre 2003 solli-
cité par le conseil de l’Union européenne sur une proposition de directive du par-
lement européen et du conseil sur l’harmonisation des obligations de transparence
concernant l’information au sujet des émetteurs dont les valeurs mobilières sont
admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive
2001/34/CE [COM(2003) 138 final], J.O.U.E., 9 octobre 2003, C.242/6 (COM/2003/
21), (2003/C 242/06), considérant (6). Voy. également, la proposition de Directive
Transparence (COM(2003) 138 — C5-0151/2003 — 2003/0045(COD)), considérant
(1).
   (46) Voy. pour des auteurs européens proposant également la corporate
governance comme objectif des obligations d’information, K.J. Hopt, « Modern
Company and Capital Market Problems : Improving European Corporate
Governance After Enron », in After Enron — Improving Corporate Law and
Modernising Securities Regulation in Europe and the US (J. Armour et
J.A. McCahery, red., Hart Publication, Oxford, 2003, pp. 445-496 ; E Ferran,
Building an EU Securities Market, Cambridge University Press, 2004, pp. 127-
30 ; N. Moloney, EC Securities Regulation, 2e édition, Oxford University Press,
2008, p. 321.
   (47) Le terme «coûts d’agence» ou «problèmes d’agence» ne doit pas être com-
pris au sens juridique mais au sens économique.
   (48) Voy. pour la définition de corporate governance donnée par les auteurs
américains, et qui se concentre sur la relation entre key management et les
actionnaires dans une société à l’actionnariat dispersé, typique des sociétés
américaines, inter alia, J.R. Macey, Corporate Governance — Promises Kept,
Promises Broken, Princeton University Press, 2008, p. 1. Comp. avec les
auteurs européens qui sont davantage concernés par la relation entre l’action-
naire de contrôle et les actionnaires minoritaires, vu la structure d’actionnariat
concentrée de la plupart des sociétés européennes et voy., inter alia, M. Becht,
P. Bolton et A. Röell, « Corporate Law and Governance », in Handbook of
Law and Economics (A. Mitchell Polinsky et St. Shavell), Elsevier B.V.,
2007, pp. 829-943.
— 273 —

  Il est important de réduire les problèmes d’agence afin d’aug-
menter la valeur actionnariale (49) ou du moins afin de ne pas
affecter de manière négative le prix de l’action (50).
  De même, la corporate governance permet de réduire le coût du
capital pour l’émetteur (51).

   (49) Le prix de l’action est identifié, moyennant quelques nuances, comme
reflétant la valeur de la société, Voy., inter alia, S. Djankov, R. LaPorta,
Fl. Lopez-de-Silanes, et A. Shleifer, «The Law and Economics of Self-
Dealing», Journal of Financial Economics, vol. 88, 2008/3, pp. 430-465;
H.E. Jackson, et M.J. Roe, «Public and Private Enforcement of Securities
Laws : Resource-Based Evidence», Journal of Financial Economics, vol. 93, n° 2,
août 2009, pp. 207-238; M. Ammann, D. Oesch et M.M. Schmid, «Corporate
Governance and Firm Value : International Evidence», à paraître dans Journal
of Empirical Finance; Vidhi Chhaochharia, et L.A. Laeven, «Corporate Gover-
nance, Norms and Practices», Journal of Financial Intermediation, vol. 18, n° 3,
2009, pp. 405-431; R. Aggarwal, I. Erel, R. Stulz et R. Williamson,
«Differences in governance practice between U.S. and foreign firms : measure-
ment, causes, and consequences», Review of Financial Studies, vol. 23, n° 4,
pp. 3131-3169; L.D. Brown et M.L. Caylor, «Corporate Governance and Firm
Operating Performance», Review of Quantitative Finance and Accounting, vol. 32,
n° 2, février 2009, pp. 129-144; E. Fernández-Rodríguez, S. Gómez-Ansón et
A. Cuervo-García, «The Stock Market Reaction to the Introduction of Best
Practices Codes by Spanish Firms», Corporate Governance, vol. 12, n° 1, 2004,
pp. 29-46.; J.A. McCahery et E.P.M. Vermeulen, «Role of Corporate Gover-
nance Reform and Enforcement in The Netherlands», in Perspectives in Company
Law and Financial Regulation — Essays in Honour of Eddy Wymeersch
(M. Tison, H. De Wulf, Chr. Van der Elst et R. Steennot, red.), Cambridge
University Press, 2009, pp. 322-342; L.A. Bebchuk, et A. Hamdani, «The Elu-
sive Quest for Global Governance Standards», University of Pennsylvania Law
Review, vol. 157, n° 5, mai 2009, pp. 1263-1317.
   (50) En ce sens, voy. E. Wymeersch, The Corporate Governance ‘Codes of
Conduct’ between State and Private Law , Université de Gand, Financial Law Ins-
titute, WP 2007-07, pp. 20 et s. (et les études américaines qui y sont citées);
Chr. Leuz., K.V. Lins et Fr.E. Warnock, «Do Foreigners Invest Less in Poorly
Governed Firms?», Review of Financial Studies, vol. 22, n° 8, 2009, pp. 3245-
3285; J. Solomon, Corporate Governance and Accountability, 2e éd., Wiley, 2007,
402 pp.
   (51) Voy. en ce qui concerne les marchés primaires, R. La Porta, Fl. Lopez-
de-Silanes et A. Shleifer, «What Works in Securities Laws?», The Journal of
Finance, vol. 61, n° 1, 2006, pp. 17 et 23; Chr. Leuz et P.D. Wysocki, Economic
Consequences of Financial Reporting and Disclosure Regulation : A Review and
Suggestions for Future Research, MIT Sloan School of Management Working
Paper, March 2008, pp. 9-10 (et les nombreuses études qui y sont citées). Voy.
en ce qui concerne les marchés secondaires, L. Hail et Chr. Leuz, «International
Differences in the Cost of Equity Capital : Do Legal Institutions and Securities
Regulation Matter?», Journal of Accounting Research, vol. 44, n° 3, 2006, pp. 485-
531, spécialement pp. 486-87 et 524-25; B.E. Hermalin et M.S. Weisbach,
Information Disclosure and Corporate Governance, Working Paper (Haas School
— 274 —

  Par ailleurs, elle contribue à une meilleure allocation des res-
sources (52).
   22. — Dans ce chapitre de notre thèse, nous faisons une large
place au droit comparé.
   En effet, d’une part, nous abordons la littérature américaine
puisque celle-ci a largement développé l’argument que l’informa-
tion peut contribuer à diminuer les tensions au sein des sociétés
américaines, caractérisées par un actionnariat dispersé (53).
   D’autre part, nous prenons en considération le droit des socié-
tés des Etats membres sélectionnés pour les besoins de notre
thèse pour estimer la mesure dans laquelle l’information peut
contribuer à aligner les intérêts des parties prenantes (54).
  23. — Le genre de coûts d’agence présents dans les sociétés
dépend de la structure de l’actionnariat. Les tensions au sein
d’un actionnariat concentré sont susceptibles de survenir entre
un actionnaire majoritaire ou un ou plusieurs actionnaires de

of Business, Berkeley, University of California), Juin 2010, 42 pp.; Chr Leuz.,
K.V. Lins et Fr.E. Warnock, «Do Foreigners Invest Less in Poorly Governed
Firms?», Review of Financial Studies, vol. 22, n° 8, 2009, pp. 3245-3285.
   (52) Voy., inter alia, R. Levine, «Bank-Based or Market-Based Financial
Systems : Which is Better?», Journal of Financial Intermediation, vol. 11, n° 4,
2002, pp. 398-428; R. Morck, D. Wolfenzon et B. Yeung, «Corporate Gover-
nance, Economic Entrenchment, and Growth», Journal of Economic Literature,
vol. 43, n° 3, septembre 2005, pp. 655-720 (et les nombreuses études qui y sont
citées).
   (53) Voy., inter alia, J.C. Coffee Jr, «Market Failure and the Economic Case
for a Mandatory Disclosure System», Virginia Law Review, vol. 70, 1984, p. 752;
M.J. Roe, «Corporate Law’s Limits», Journal of Legal Studies, vol. 31, n° 2, 2002,
pp. 233-272; M.B. Fox, «Required Disclosure and Corporate Governance», Law
and Contemporary Problems, vol. 62, n° 3, pp. 113-127; L. Lowenstein,
«Financial Transparency and Corporate Governance : You Manage What You
Measure», Columbia Law Review, vol. 96, n° 5, juin 1996, pp. 1335-1362;
R.H. Kraakman, «Disclosure and Corporate Governance : An Overview Essay»,
in Reforming Company Law and Takeover Law in Europe (G.A. Ferrarini,
K.J. Hopt, J. Winter et E. Wymeersch (red.)), Oxford-New York, 2004,
pp. 96-99; G. Hertig, R. Kraakman et E. Rock, «Issuers and Investor
Protection», in The Anatomy of Corporate Law — A Comparative and Functional
Approach, Oxford, 2004, pp. 193-214; D.C. Langevoort, «Managing the ‘Expec-
tations Gap’ in Investor Protection : The SEC and the Post-Enron Reform
Agenda», Villanova Law Review, vol. 48, 2003, pp. 1139-1163.
   (54) Voy. les quelques références dans les notes infrapaginales ci-dessous. Voy.
pour davantage de références au droit national des Etats membres, G. Schaeken
Willemaers, The EU Issuer-Disclosure Regime — Objectives and Proposals for
Reform (Kluwer Law International, 2010 [à paraître]).
Vous pouvez aussi lire