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"LE RÉGIME EUROPÉEN DE TRANSPARENCE DES SOCIÉTÉS COTÉES : ANALYSE DES OBJECTIFS ET PROPOSITIONS DE RÉFORME" Schaeken Willemaers, Gaëtane Document type : Article de périodique (Journal article) Référence bibliographique Schaeken Willemaers, Gaëtane. LE RÉGIME EUROPÉEN DE TRANSPARENCE DES SOCIÉTÉS COTÉES : ANALYSE DES OBJECTIFS ET PROPOSITIONS DE RÉFORME. In: revue pratique des sociétés, Vol. 4, no. 6997, p. 257-299 (2010) Available at: http://hdl.handle.net/2078.1/105889 [Downloaded 2019/01/08 at 09:30:52 ]
— 257 — N° 6997 LE RÉGIME EUROPÉEN DE TRANSPARENCE DES SOCIÉTÉS COTÉES : ANALYSE DES OBJECTIFS ET PROPOSITIONS DE RÉFORME SOMMAIRE CHAPITRE I. — Introduction CHAPITRE II. — Analyse des objectifs du régime européen de transpa- rence des sociétés cotées Section 1. — L’objectif de protection de l’investisseur particulier moins sophis- tiqué Section 2. — L’objectif d’efficience des marchés Section 3. — L’objectif de corporate governance CHAPITRE III. — Implications législatives et de politique régulatoire Section 1. — Les destinataires de l’information — Conséquences Section 2. — La transparence des grandes sociétés cotées dans des circonstances d’efficience des marchés CHAPITRE IV. — Conclusions CHAPITRE I. — Introduction 1. — Le présent article s’inspire de la thèse en droit des socié- tés et droit financier européens défendue publiquement par l’auteur le 31 mai 2010 à la Faculté de droit de l’Université catholique de Louvain (1). La thèse défendue vise les obligations d’information à l’égard des investisseurs auxquelles sont soumises les sociétés qui émet- tent ou ont émis des actions sur un marché réglementé européen en vertu des directives européennes qui ont été adoptées en la matière. De manière plus concise, et comme indiqué dans le titre (1) Le titre original de notre thèse est «The EU Issuer-Disclosure Regime : Analysis of its Objectives and Proposals for Reform — Comparative and Interdis- ciplinary Approach». Le livre issu de la thèse sera prochainement publié aux édi- tions Kluwer Law International, sous le titre «The EU Issuer-Disclosure Regime : Objectives and Proposals for Reform».
— 258 — de la présente contribution, la thèse porte sur le régime européen de transparence des sociétés cotées sur un marché réglementé européen. Elle présente une analyse des objectifs de ce régime de transparence et suggère des propositions de réforme législatives découlant de l’examen théorique opéré. 2. — En ce qui concerne la réglementation financière euro- péenne, les obligations de transparence sont énoncées dans diffé- rentes réglementations. Tout d’abord, la réglementation relative aux prospectus d’émission, lorsque les émetteurs se proposent d’émettre des titres sur un marché réglementé européen (2). Ensuite, les directives relatives aux obligations d’informations périodiques, qui sont applicables aux émetteurs dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé européen (3). Enfin, dans la directive relative aux opérations d’initiés et aux manipulations de cours, dans la mesure concernée par la divul- gation ad hoc d’information privilégiée par un émetteur dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé européen (4). (2) Voy. directive 2003/71/CE du parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négocia- tion, et modifiant la directive 2001/34/CE (Texte présentant de l’intérêt pour l’E.E.E.), J.O.U.E., 31 décembre 2003, L 345/64 (ci-après, la «Directive Prospectus»); règlement (CE) 809/2004 de la commission du 29 avril 2004 met- tant en œuvre la directive 2003/71/CE du parlement européen et du conseil en ce qui concerne les informations contenues dans les prospectus, la structure des prospectus, l’inclusion d’informations par référence, la publication des prospectus et la diffusion des communications à caractère promotionnel, J.O.U.E., 30 avril 2004, L 149/1 (ci-après, le «Règlement Prospectus»). (3) Voy. directive 2004/109/CE du parlement européen et du conseil du 15 décembre 2004 sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négo- ciation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE, J.O.U.E., 31 décembre 2004, L 390/38 (ci-après la «Directive Transparence»); directive 2007/14/CE de la commission du 8 mars 2007 portant modalités d’exécution de certaines dispositions de la directive 2004/109/CE sur l’harmonisation des obliga- tions de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé, J.O.U.E., 9 mars 2007, L 69/27. (4) Voy. directive 2003/6/CE du 28 janvier 2003 du parlement européen et du conseil en ce qui concerne les opérations d’initiés et les manipulations de marché, J.O.U.E., 12 avril 2003, L 96/16 (ci-après, la «Directive Abus de Marché»).
— 259 — Quant au droit européen des sociétés, les obligations sont énoncées, notamment, dans les Quatrième et Septième directives européennes de droit des sociétés (5). 3. — Les marchés réglementés d’actions européens sont un sujet d’analyse intéressant pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ils sont en pleine croissance (6) et jouissent d’une position de plus en plus compétitive dans les activités financières mondiales (7). Ensuite, ils contribuent à l’essor économique européen (8), confirmant ainsi la thèse du lien entre la finance et la croissance économique (9). Par ailleurs, leur intégration est un sujet central pour les ins- tances européennes qui ont à cœur de les promouvoir, parce qu’ils offrent notamment une alternative à la subvention des pensions par les Etats membres. 4. — Les obligations d’information sont également un sujet important puisqu’elles constituent un élément essentiel du droit financier, analysé principalement dans notre thèse. (5) Voy. Quatrième directive 78/660/CEE du conseil du 25 juillet 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (78/660/EEC), J.O., 14 août 1978, L 222/11, modifiée et Septième directive 83/349/CEE du conseil du 13 juin 1983 fondée sur l’article 54 paragraphe 3 point g) du traité, concernant les comptes consolidés, J.O., 18 juillet 1983, L 193/1, modifiée. (6) Voy., inter alia, commission européenne, European Financial Integration Report, SEC(2007) 1696, 10 décembre 2007, p. 6; commission européenne, Com- mission Staff Working Document — European Financial Integration Report 2008, SEC(2009) 19 final, 9 janvier 2009, p. 76. (7) Voy. les statistiques de la Banque pour les Règlements Internationaux (2008); du Fonds Monétaire International (2008) et de Swiss Re (2007). Voy. éga- lement, commission européenne, Commission Staff Working Document — Euro- pean Financial Integration Report 2008 SEC(2009) 19 final, 9 janvier 2009. (8) Voy. pour les statistiques des marchés européens en tant que ressources financières, N. Moloney, EC Securities Regulation, Oxford University Press, 2e éd., 2008, pp. 63 et s.; R.A. Brealey, S.C. Myers et Fr. Allen, Principles of Corporate Finance, McGraw Hill Higher Education, 8e éd., 2005. (9) Voy. sur le lien entre finance et croissance économique, inter alia, J.A. Schumpeter, The Theory of Economic Development : An Inquiry into Prof- its, Capital, Credit, Interest, and the Business Cycle, Harvard, ed. 1911; J.B. Ang, «A Survey Of Recent Developments In The Literature Of Finance And Growth», Journal of Economic Surveys, vol. 22, 2008/3, p. 536.
— 260 — Par ailleurs, elles sont liées aux crises financières importantes du dernier siècle, à savoir la crise de 1929, la crise à la suite de la bulle high-tech et du scandale d’Enron en 2000-2002 et la crise à la suite du scandale des subprimes en 2007-2008 (ci-après, la «crise financière 2007-2008»), qui est suivie par la crise de la dette souveraine. Or, ces périodes de turbulences financières ont donné lieu à une crise de confiance dans le système boursier, au détriment de l’essor économique. En outre, la transparence des sociétés cotées est essentielle à la réalisation d’un marché financier unique européen. 5. — Une analyse des objectifs des directives européennes concernées vient à point nommé puisqu’elles font l’objet de révi- sions par les instances européennes (10). Dans ce cadre, il s’agit de garder à l’esprit le fait qu’un régime de transparence consti- tue un coût supplémentaire pour les sociétés cotées, non com- pensé par des bénéfices, s’il essaye d’atteindre des objectifs qui ne devraient pas en être. Et ce coût supplémentaire est néfaste à la compétitivité des entreprises qui pourraient même envisager leur delisting des marchés qui leur imposeraient de telles obliga- tions (11). 6. — Enfin, le thème abordé apparaît particulièrement oppor- tun dans la mesure où le législateur a une tendance naturelle à réglementer au risque de mener à une sur-réglementation et à un excès d’informations. Ceci se vérifie de manière particulièrement aigue dans le cadre des crises financières, ainsi que l’atteste une nouvelle fois la crise financière 2007-2008 (12). (10) Au moment de la défense de thèse (et de la rédaction du présent article), l’éventuelle nouvelle directive prospectus n’avait pas encore été adoptée. Seuls étaient disponibles un projet de directive et un rapport du parlement européen. Aussi, le présent article ne prend pas en considération les modifications qui pour- raient être apportées par l’éventuelle nouvelle directive prospectus. (11) Voy. CRA International, Evaluation of the Economic Impacts of the Financial Services Action Plan, Final Report, Londres, Mars 2009, 242 pp. Voy. également, les coûts engendrés par le Sarbanes-Oxley Act américain (Public Com- pany Accounting Reform and Investor Protection Act of 2002 [Public Law 107- 204, 116 Stat. 745-810)) et le débat sur la perte de compétitivité prétendue des bourses américaines, qui serait notamment due à l’existence d’obligations d’infor- mation trop onéreuses. (12) Voy., inter alia, le plan d’action de l’Union européenne en droit des socié- tés, de mai 2003, à la suite des scandales de corporate governance au sein des sociétés européennes (Communication de la commission au conseil et au parle-
— 261 — 7. — Dans notre thèse, nous adoptons une approche de droit comparé. La comparaison a lieu avec le droit financier outre-Atlantique. En effet, le droit financier fédéral américain (13) a fortement ins- piré, et inspire encore, le droit européen en la matière. Par ailleurs, l’autorité de supervision américaine, la Securities and Exchange Commission (ci-après, la «SEC»), influence les ten- dances du droit financier international. Enfin, force est de constater que la plupart des études d’analyse économique du droit et la plupart des études empiriques relatives aux obliga- tions d’information des sociétés cotées sont le fruit de juristes et économistes américains. Les ignorer ne serait dès lors pas judi- cieux. Une comparaison est également faite entre les droits natio- naux financiers et des sociétés de sept Etats membres sélection- nés pour l’importance de leur capitalisation boursière par rap- port à leur produit intérieur brut (14). Comme le droit financier et des sociétés européen doit être transposé dans le droit natio- nal des Etats membres et vu que certains points ne font pas l’objet d’une harmonisation maximale au niveau européen, voire d’une harmonisation tout court, il est nécessaire de se référer aux dispositions de droit national en matière financière et des sociétés. 8. — L’approche, dans notre thèse, est également interdiscipli- naire. Elle prend en considération les analyses économiques et autres études empiriques dans la mesure nécessaire pour renfor- cer les propos tenus. Une attention particulière est prêtée aux ment européen, Modernisation du droit des sociétés et renforcement du gouverne- ment d’entreprise dans l’Union européenne — Un plan pour avancer, 21 mai 2003, COM (2003) 284 final. Voy. en ce qui concerne la crise financière 2007-2008, les mesures prises par la commission européenne et relatives aux agences de nota- tion, à la rémunération des administrateurs, ou encore aux gestionnaires de fonds alternatifs. Voy. pour un aperçu de ces mesures, D. Gérard et G. Schaeken Willemaers, «L’Union européenne au chevet de la crise financière : un état des lieux», Reflets et Perspectives de la Vie Economique, vol. XLIX, 2010/2-3. (13) Voy. notamment le Securities Act of 1933, 48 Stat. 74, pris le 27 mai 1933, codifié sous 15 U.S.C. §§77a et s. (ci-après, le «Securities Act») et le Secu- rities Exchange Act of 1934, 48 Stat. 881, pris le 6 juin 1934, codifié sous 15 U.S.C. §§78a et s. (ci-après, le «Securities Exchange Act»). (14) Il s’agit du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne, de la Belgique, des Pays-Bas, de l’Espagne et de l’Italie.
— 262 — avancées de la finance comportementale (15), en tant que domaine de la psychologie comportementale et que sous-domaine de l’économie comportementale qui étudie comment la psycholo- gie exerce un impact sur la prise de décision en matière finan- cière et sur l’évolution des marchés financiers. 9. — Il convient de noter, à titre de dernière remarque, que, dans notre thèse, nous prenons en compte les incertitudes et leçons de la crise financière 2007-2008. Ceci dit, cette crise ne remet pas en cause de manière fondamentale l’argumentation principale de notre thèse. Tout au contraire, elle contribue même à la renforcer sur certains points. 10. — Le présent article reprend la structure de notre thèse. Une première partie identifie les objectifs véritables des obli- gations d’information, sur base d’une discussion des objectifs assignés par la commission européenne au régime européen de transparence des sociétés cotées. Une seconde partie expose les implications législatives et de politique régulatoire qui découlent du raisonnement tenu dans la première partie. Une dernière partie conclut. (15) Voy. pour des recensions récentes de la littérature, inter alia, D.C. Lan- gevoort, «The SEC, Retail Investors, and the Institutionalization of the Secu- rities Markets», Virginia Law Review, vol. 95, 2009/4, p. 1025. S.J. Choi, «Behavioral Economics and the Regulation of Public Offerings», Lewis & Clark Law Review, vol. 10, 2006/1, p. 85; E. Avgouleas, «Reforming Investor Protec- tion Regulation : The Impact of Cognitive Biases», in Essays in the Law and Eco- nomics of Regulation, in Honour of Anthony Ogus, (M. Faure et F.H. Stephen, red.), 2008, Intersentia, xx + 360 pp.); D. de Meza, B. Irlenbusch et D. Rey- niers, Financial Capability : A Behavioural Economics Perspective, Financial Services Authority ltd, Consumer Research 69, Londres, 2008, 103 pp.
— 263 — CHAPITRE II. — Analyse des objectifs du régime européen de transparence des sociétés cotées Section 1. — L’objectif de protection de l’investisseur particulier moins sophistiqué 11. — L’objectif de protection des investisseurs est discuté en premier, en raison de la place de choix qu’il occupe dans l’esprit des régulateurs, en ce compris de la commission européenne (16). 12. — Le régime européen de transparence des sociétés cotées a sans conteste une dimension importante de protection des «investisseurs particuliers moins sophistiqués», à qui on oppose les «investisseurs professionnels». En effet, il vise à leur per- mettre de porter un jugement fondé sur les opérations d’une société, en prévoyant des obligations d’information à charge des émetteurs (17). Cette croyance dans un effet positif transforma- teur du droit reflète la pensée de l’école «droit et finance», qui part du présupposé qu’une meilleure protection des investisseurs, notamment par le droit, encourage le développement des mar- chés financiers (18). (16) Voy., inter alia, considérants (4) et (5) de la Directive Prospectus; consi- dérants (1), (3), (7), (41) et (23), (24), (25) et (36) de la Directive Transparence; considérant (1) de la Directive Abus de Marché. (17) Voy. Communication de la commission, Mise en œuvre du cadre d’action pour les services financiers : Plan d’action 11 mai 1999, COM(1999) 232 final, pp. 9-26; Conseil de Lisbonne, 23-24 Mars 2000, conclusions de la présidence, §21; Deuxième rapport sur le FSAP : rapport de la commission, Services financiers : évolution et progrès réalisés, deuxième rapport, 30 mai 2000, COM(2000) 336 final, p. 3; Communication de la commission au parlement Européen et au conseil, Modernisarion de la directive concernant les services d’investissement (93/22/EEC), 15 novembre 2000, COM(2000) 729) final, pp. 5-6; Asset Management Expert Group, Financial Services Action Plan : progress and prospects, mai 2004, p. 24; Fr. Bolkestein (commissaire européen pour le marché intérieur et la fiscalité), discours prononcé lors d’un séminaire du ELDR («European Liberal Democrat and Reform Party») organisé sous le titre «Reviving European Growth», 8 jan- vier 2004. (18) L’école «droit et finance» tire son nom de R. La Porta, Fl. Lopez-de- Silanes, A. Shleifer et R.W. Vishny, «Law and Finance», Journal of Political Economy, vol. 106, 1998/6, p. 1113. Cet article a été revu dans une autre contri- bution en 2008, voy. S. Djankov, R. La Porta, Fl. Lopez-de-Silanes et A. Shleifer, «The Law and Economics of Self-Dealing», Journal of Financial Economics, vol. 88, 2008/3, pp. 430-465. Voy. pour d’autres articles récents
— 264 — 13. — L’importance de la participation des investisseurs par- ticuliers moins sophistiqués aux marchés d’actions européens n’est pas à démontrer, même si ces investisseurs ne constituent que 15 % de la communauté des investisseurs investissant direc- tement en actions cotées européennes (19). Ils offrent notamment du capital aux entrepreneurs qui en ont besoin, accroissent la liquidité sur les marchés et apportent une solution au «paradoxe de l’hypothèse d’efficience des marchés» (20). Des raisons politiques s’ajoutent à ces raisons économiques puisque l’Union européenne voit dans les marchés financiers une alternative attrayante au financement public des pensions. 14. — Or, il convient de protéger un minimum les investisseurs particuliers moins sophistiqués étant donné leur maîtrise limitée du monde financier et leurs comportements parfois irrationnels sur les marchés financiers, tels que démontrés par les études empi- riques. En effet, s’ils ne jouissent pas d’un minimum de protec- tion, ils pourraient faire l’objet d’abus, soit par le management de la société dans laquelle ils ont investi, soit par l’actionnaire majo- ritaire de cette société, ou encore par toute personne qu’ils sollici- tent dans le cadre de leur investissement, comme un intermédiaire ou un conseiller financiers. Et si leur confiance dans les marchés financiers est ébranlée à la suite de tels abus, ils pourraient décider de ne plus investir leur épargne en bourse. 15. — Dans ce contexte, notre thèse entend démontrer que d’autres moyens plus effectifs et plus économiques que la mise à disposition de documents d’information sur la société émettrice devraient être mis en œuvre pour atteindre l’objectif de protec- d’autres auteurs partageant les mêmes idées, inter alia, T. Beck, A. Demirgüç- Kunt et R. Levine, «Law and Finance : Why Does Legal Origin Matter?», Jour- nal of Comparative Economics, vol. 31, 2003/4, pp. 653-675; E.L. Glaeser et A. Shleifer, «Legal Origins», Quarterly Journal of Economics, vol. 107, 2002/4, pp. 1193-1229; S. Djankov, E. Glaeser, R. La Porta, F. Lopez-de-Silanes et A. Shleifer, «The New Comparative Economics», Journal of Comparative Eco- nomics, vol. 31, 2003/4, pp. 595-619; Th. Beck et R. Levine, «Legal Institutions and Financial Development», in Handbook of New Institutional Economics, (Cl. Menard et M. Shirley, red.), Springer, Dordrecht, 2005, pp. 251 et s. (19) Voy. Fédération of European Securities Exchanges Aisbl, Share Ownership Structure in Europe (2008); L. Guiso, M. Haliassos et T. Jappelli, «Household Stockholding in Europe : Where Do We Stand, and Where Do We Go?», Economic Policy, vol. 18, issue 36, avril 2003, pp. 123-170. (20) Voy. pour plus de détails, ci-dessous.
— 265 — tion des investisseurs particuliers moins sophistiqués. Il s’agit notamment d’une meilleure réglementation de la relation entre l’investisseur particulier moins sophistiqué et les intermédiaires financiers, conseillers ou investisseurs institutionnels. Ceci est développé plus en détails dans la partie suivante de l’article. Les besoins en information des investisseurs particuliers moins sophistiqués n’ont pas été identifiés avant de concevoir le régime européen de transparence des sociétés cotées. Il n’y a pas eu non plus d’étude d’impact des dispositions législatives. Ce régime repose sur le mythe de l’«investisseur rationnel et lettré» (21). Une approche interdisciplinaire du sujet, qui repose sur les avancées de la finance comportementale et de l’analyse écono- mique du droit montre que, études empiriques à l’appui, l’infor- mation donnée par les sociétés cotées ne contribue pas à protéger les investisseurs particuliers moins sophistiqués. Ces derniers ne semblent pas avoir la volonté nécessaire pour lire attentivement l’information qui est mise à leur disposition (22). Généralement, ils ne la comprennent pas (23). Ils ne paraissent pas davantage avoir la compétence requise pour l’utiliser correctement (24), ni la motivation nécessaire pour en faire usage afin d’influencer les décisions du management de la société dans laquelle ils ont (21) Voy. à propos du mythe de l’investisseur informé, voy. e.a. H. Kripke «The Myth of the Informed Layman», The Business Lawyer, vol. 28, 1972-1973/ 2, pp. 631-638. (22) Voy. IFF Research Limited, Investment Disclosure Research, Financial Services Authority, Consumer Research 55, Londres, Novembre 2006, 67+72 pp.; Autorité des Marchés Financiers, Pour une meilleure régulation, Les résultats de la consultation et les engagements de l’Autorité des marchés finan- ciers, novembre 2006; TNF Sofres Survey : Investigation of investment informa- tion and management processes and analysis of disclosure documents for retail investors; B.A. Mann, «Prospectuses Unreadable or Just Unread? — A Proposal to Reexamine Policies Against Permitting Projections», George Washington Law Review, vol. 40, 1971-1972, pp. 222-243. (23) Voy. pour une recension des études récentes à ce sujet : Communication de la commission, Education financières, 18 décembre 2007, COM(2007) 808 final. (24) Voy., inter alia, pour des articles récents, St. M. Bainbridge, «Why a Board? Group Decisionmaking in Corporate Governance», Vanderbilt Law Review, vol. 55, 2002, p. 2 (spécialement p. 19); R.B. Korobkin et T.S. Ulen, «Law and Behavioural Science : Removing the Rationality Assumption from Law and Economics», California Law Review, vol. 88, 2000, pp. 1051-1044. Voy. pour une liste des préjugés dont seraient victimes les investisseurs particuliers moins sophistiqués, R.J. Gilson et R. Kraakman, «The Mechanisms of Market Efficiency Twenty Years Later : The Hindsight Bias», Journal of Corporate Law, vol. 28, 2002-2003, pp. 715-742.
— 266 — investi. Cette apathie rationnelle qui caractérise les investisseurs particuliers moins sophistiqués est liée au problème de l’informa- tion en tant que «bien public» (en anglais, public good) (25). Cette efficacité limitée met en cause non seulement l’identifi- cation de la protection des investisseurs comme objectif des obli- gations d’information mais également les justifications pour imposer des coûts supplémentaires non seulement aux sociétés émettrices d’actions (26), qui sont in fine supportés par les inves- tisseurs, mais également aux autorités de contrôle, sans mention- ner le coût d’opportunité du législateur et les coûts collatéraux subis par les investisseurs (27). Les coûts supportés par chaque intervenant dépassent les bénéfices que l’investisseur particulier moins sophistiqué pourrait en tirer. Et ceci affecte de manière négative le développement des marchés financiers. Section 2. — L’objectif d’efficience des marchés 16. — L’amélioration de l’efficience des marchés est, quant à elle, un objectif effectif du régime européen de transparence des sociétés cotées. 17. — La définition traditionnelle de l’efficience des marchés, et sa théorie fondatrice, à savoir l’hypothèse d’efficience des marchés de capitaux (en anglais, Efficient Capital Markets Hypothesis et ci-après, l’«ECMH») (28), se base sur celle donnée par le Professeur Eugene Fama. (25) Voy. R.C. Clark, Vote Buying and Corporate Law, Case Western Reserve Law Review, vol. 29, 1979, pp. 776-807, spec. p. 779; F.H. Easterbrook et D.R. Fischel, The Economic Structure of Corporate Law, Harvard University Press, 1991, pp. 66-67; B.S. Black, «Shareholder Passivity Reexamined», Mich- igan Law Review, 1990, pp. 520-608. (26) Voy. ci-dessous. (27) Par exemple, un excès de confiance (en anglais, over-confidence) des inves- tisseurs en leurs capacités financières ou un excès d’informations (en anglais, information over-load). (28) L’ECMH a ses origines dans le travail de Louis Bachelier. Voy. sur l’évo- lution de l’ECMH, M.C. Jensen et C.W. Smith, Jr, The Modern Theory of Cor- porate Finance, 2e édition, McGraw-Hill Education, New York, 1984, 773 pp.; St. F. Leroy, «Efficient Capital Markets and Martingales», Journal of Economic Literature, vol. XXVII, décembre 1989, pp. 1583-1621; R.J. Gilson et R.H. Kraakman , «The Mechanisms of Market Efficiency», Virginia Law Review, vol. 70, n° 4, 1984, pp. 549-644.
— 267 — Les prix dans un marché efficient reflètent toujours immédia- tement et correctement toute l’information disponible pertinente pour évaluer les actions de telle sorte que toute activité d’arbi- trage est minimale (29). Il n’est donc pas possible de faire de gain sur base d’informations publiques et le prix de l’action reflète sa valeur fondamentale. 18. — Mais, étant donné les présupposés erronés de la défini- tion traditionnelle, une meilleure interprétation de l’ECMH est à trouver dans la notion d’«efficience relative» des marchés (30). En effet, la définition traditionnelle repose sur le fait que tous les investisseurs sont rationnels. Or, la présence sur les marchés de noise traders, qui achètent et vendent sur base de préjugés et considérations psychologiques, n’est pas controversée (31). Les noise traders contribuent à éloigner le prix de l’action de sa valeur fondamentale (32). Elle repose également sur la croyance que tous les investis- seurs ont des attentes identiques, ce qui est faux (33). Elle prétend également qu’il n’y a pas de coût lié à l’informa- tion. Or, comme le montre le «paradoxe de l’hypothèse d’effi- cience des marchés» (34), qui nous force de conclure qu’il est pos- (29) Voy. not. E.F. Fama, «The Behavior of Stock-Market Prices», The Jour- nal of Bussiness, vol. 38, n° 1, janvier 1965, pp. 34-105. (30) Voy. pour plus de détails, ci-dessous. (31) Voy. F. Black, Noise, The Journal of Finance, vol. 41, n° 3, 1986, pp. 529-543. Voy. pour une recension des auteurs en la matière et une analyse des conséquences législatives de la présence de noise traders, D.C. Langevoort, «Theories, Assumptions, and Securities Regulation : Market Efficiency Revisited», University of Pennsylvania Law Review, vol. 140, 1992, p. 876. (32) Voy. D.A. Hirshleifer et S.H. Teoh, «Herd Behavior and Cascading in Capital Markets : A Review and Synthesis», European Financial Management, vol. 9, n° 1, 2003, pp. 25-66; A. Kumar, «Hard-to-Value Stocks, Behavioral Biases and Informed Trading», Journal of Financial and Quantitaive Analysis, vol. 44, n° 6, décembre 2009, pp. 1375-1401; L. Kogan, St. A. Ross, J. Wang et M.M. Westerfield, «The Price Impact and Survival of Irrational Traders», The Journal of Finance, vol. 61, n° 1, février 2006, pp. 195-229. (33) Voy. pour le modèle original des attentes hétérogènes (en anglais, heteroge- neous expectations), E.M. Miller, «Risk, Uncertainty, and Divergence of Opinion», The Journal of Finance, vol. XXXII, n° 4, septembre 1977, pp. 1151-1168. Voy. e.a. pour les académiques qui ont introduit ce travail en littérature juridique, W.W. Bratton et M.L. Wachter, «The Case Against Shareholder Empowerment», University of Pennsylvania Law Review, vol. 158, 2010, pp. 653-728. (34) Voy. pour les premiers travaux sur le «paradoxe de l’hypothèse d’effi- cience des marchés», les références dans R. Sappideen, «Securities Market Effi-
— 268 — sible de battre le marché (35) sinon il n’y aurait pas d’incitant à agir sur base de l’information pour que l’information soit reflétée dans les prix, il est coûteux de rassembler, comprendre, analyser et agir sur base de l’information. La définition traditionnelle de l’ECMH considère aussi que les activités d’arbitrage ne sont pas nécessaires. Dans la mesure où elles le seraient tout de même, elles seraient fructueuses au point d’éliminer toute disparité entre le prix de l’action et sa valeur fondamentale. Or, les limites aux activités d’arbitrage sont nombreuses. Et ces limites ne peuvent pas nécessairement éliminer la différence entre le prix de l’action et sa valeur fon- damentale (36). 19. — Une meilleure définition de l’ECMH suggère que le prix de l’action est la mesure la plus fiable de la valeur de l’action à un moment donné sur base des informations alors disponibles. En d’autres termes, les marchés sont efficients au niveau de l’information. Ainsi, toute l’information mise à la disposition du public circule rapidement dans le marché et chaque élément nou- veau d’information est reflété plus ou moins correctement et rapidement dans le prix. Aussi, tous les intervenants sur le mar- ché sont correctement informés et l’information nouvelle ne peut pas profiter à quelques-uns. Ceci est valable à tout le moins en ce qui concerne les sociétés dont les actions sont fréquemment échangées sur les marchés et dans des conditions de marché nor- males, c’est-à-dire, en dehors de conditions de crashes boursiers. De manière plus négative, cela revient à dire que le prix ne reflète qu’une partie de l’information; sinon, ce serait l’efficience à 100 %. Ou que le prix ne peut constituer qu’un guide pour la ciency Reconsidered», University of Tasmania Law Review, vol. 9, n° 1, 1988, pp. 132-189, spéc. pp. 155 et s. (35) Voy. comme preuves de la possibilité de battre les marchés, J.D. Coval, D.A. Hirshleifer et T. Shumway, Can Individual Investors Beat the Market ?, Harvard Business School Finance Unit, Working Paper N° 04-025 (2005). Ou les profits réalisés par certains investisseurs qui suivent la philosophie de Ben Graham, leur père spirituel, et notamment le succès assez régulier du fonds d’investissement de Warren Buffet, Berkshire Hathaway, ou celui de George Soros. (36) Voy. pour des articles expliquant les limites aux activités d’arbitrage, voy. également R.J. Gilson et R. Kraakman, «The Mechanisms of Market Effi- ciency Twenty Years Later : The Hindsight Bias», Journal of Corporate Law, vol. 28, 2002-2003, pp. 715-742.
— 269 — décision d’investissement puisqu’il y aura toujours un écart entre la valeur fondamentale de l’action et son prix. D’après cette définition, il est davantage correct de parler d’efficience informationnelle (37), d’efficience relative (38) ou de forme semi-forte de l’efficience (39). Et cette efficience n’est pas contredite par l’existence de crashes, qu’il faut voir comme la conséquence d’omissions d’informations ou de la présence d’informations erronées. 20. — Améliorer l’efficience des marchés signifie stimuler non seulement l’efficience des prix, c’est-à-dire la mesure dans laquelle les prix reflètent la valeur fondamentale de l’action, mais également la liquidité sur les marchés. Il est important d’ encourager les démarches en ce sens en rai- son de leur impact positif sur l’économie. En effet, des prix plus efficients et un marché plus liquide permettent, entre autres, une meilleure répartition de l’épargne des investisseurs entre les pro- jets économiques les plus prometteurs (40). Ils contribuent éga- lement à diminuer le coût du capital pour l’émetteur. En effet, les investisseurs seront moins enclins à exiger des dividendes éle- (37) Voy. L.A. Stout, « Are Stock Markets Costly Casinos ? Disagreement, Market Failure and Securities Regulation », Virginia Law Review, vol. 81, n° 3, 1995, pp. 611-712 ; W.K.S. Wang, « Some Arguments that the Stock Market Is Not Efficient », U.C. Davis Law Review, vol. 19, n° 2, 1985-1986, pp. 341-402 ; N. Barberis et R.H. Thaler, « A Survey of Behavioral Finance », in Handbook of the Economics of Finance (G.M. Constantinides, M. Harris et R.M. Stulz, red.), vol. 1 B, Elsevier North-Holland, Amster- dam, 2003, pp. 1051-1121. (38) Voy. R.J. Gilson et R. Kraakman, « The Mechanisms of Market Effi- ciency Twenty Years Later : The Hindsight Bias », Journal of Corporate Law, vol. 28, 2002-2003, pp. 715-742 ; R.J. Gilson et R.H. Kraakman , « The Mechanisms of Market Efficiency », Virginia Law Review, vol. 70, n° 4, 1984, p. 560. (39) Voy. E.F. Fama, «Efficient Capital Markets : A Review of Theory and Empirical Work», The Journal of Finance, vol. 25, n° 2, 1970, pp. 383-417, spé- cialement p. 388. Voy. également, R.J. Gilson et R. Kraakman, «The Mecha- nisms of Market Efficiency Twenty Years Later : The Hindsight Bias», Journal of Corporate Law, vol. 28, 2002-2003, pp. 715-742. (40) Voy. W.T. Allen, «Securities Markets as Social Products : The Pretty Efficient Capital Markets Hypothesis», J. Corp. L., vol. 28, 2002-2003, pp. 551- 64, spécialement pp. 555-56; M. Kahan, «Securities Laws and the Social Costs of ‘Inaccurate’ Stock Prices», Duke Law Journal, vol. 41, n° 5, 1992, pp. 977- 1044, spécialement pp. 1005 et s.
— 270 — vés pour compenser le risque pris en investissant dans la société émettrice (41). Or, la mesure dans laquelle l’efficience des prix et la liquidité peuvent être augmentées dépend de la disponibilité de l’informa- tion sur les cash flows futurs de l’émetteur concerné tout au long de son existence (42). Il convient donc de limiter au mieux les coûts liés à l’information, à savoir, entre autres, les coûts de pro- duction, de transmission ou d’analyse de l’information. Dans ce cadre, il est important d’avoir des obligations d’infor- mation et de ne pas laisser la distribution d’informations à la dis- crétion des sociétés. En effet, les émetteurs pourraient être tentés (41) Voy. Chr. Leuz et P.D. Wysocki, Economic Consequences of Financial Reporting and Disclosure Regulation : A Review and Suggestions for Future Research, MIT Sloan School of Management Working Paper, Mars 2008; L. Hail et Chr. Leuz, «International Differences in the Cost of Equity Capital : Do Legal Institutions and Securities Regulation Matter?», Journal of Accounting Research, vol. 44, n° 3, juin 2006, pp. 485-531; Chr.A. Botosan, «Disclosure and the Cost of Capital : What Do We Know?», Accounting and Business Research, 2006, pp. 31-40, spécialement pp. 33 et s. (et les références qui y sont citées); R. Lam- bert, Chr. Leuz et R.E. Verrecchia, «Accounting Information, Disclosure and the Cost of Capital», Journal of Accounting Research, vol. 45, n° 2, Mai 2007, pp. 385-420. Voy. pour la relation entre la liquidité et le coût du capital, les références dans N. Gârleanu et L.H. Pedersen, «Adverse Selection and the Required Return», The Review of Financial Studies, vol. 17, n° 3, 2004, pp. 643- 645; M.B. Fox, «Civil Liability and Mandatory Disclosure», Columbia Law Review, vol. 109, n° 2, 2009, pp. 237-308; L. Hail et Chr. Leuz, Cost of Capital and Cash Flow Effects of U.S. Cross Listings, Working Papers from University of Pennsylvania, Wharton School, Weiss Center, 2005, 51 pp. Voy. sur la relation entre liquidité et allocation des ressources, L. Harris, Trading & Exchanges : Marketmicrostructure for Practitioners, Oxford University Press, New York, 2003, 656 pp. (42) Voy. pour une recension récente des études empiriques établissant le lien entre l’information et l’efficience des marchés, Chr. Leu, et P.D. Wysocki, Eco- nomic Consequences of Financial Reporting and Disclosure Regulation : A Review and Suggestions for Future Research, MIT Sloan School of Management Working Paper, 2008, 66 pp. Voy. pour des études récentes, inter alia, M.B. Fox, R. Morck, B. Yeung et A. Durnev, «Law, Share Price Accuracy and Economic Performance : The New Evidence», Michigan Law Review, vol. 102, n° 3, 2003, pp. 331-386; A. Durnev, R. Morck, M.B. Fox et B.Y. Yeung, Required Line of Business Reporting and share price accuracy, 2008; A. Ferrell, «Mandated Disclosure and Stock Returns : Evidence from the Over-the-Counter Market», Journal of Legal Studies, vol. 36, n° 2, 2007, pp. 213-251; Banque Centrale Européenne, Financial Integration 2008, p. 34 et graphe 28; Financial Services Authority Ltd, Disclosure of Contracts for Difference, Consultation and Draft Handbook text, Consultation Paper 07/20, novembre 2007, 164 pp., annexe 3.
— 271 — de ne pas transmettre certaines informations de peur d’affecter le cours de l’action en bourse. Par ailleurs, si le législateur impose le contenu de l’informa- tion, la langue qui doit être utilisée ainsi que les moyens de dis- sémination et de conservation, cela devrait réduire les coûts liés à l’acquisition de l’information. Il est également nécessaire d’éviter d’obstruer le flux d’infor- mations vers les professionnels du marché, tels que les ana- lystes ou les investisseurs institutionnels, car ils contribuent à l’efficience des prix, comme le démontrent les études empi- riques (43). Par ailleurs, il est primordial de souligner le rôle des banques d’investissement, des avocats et des auditeurs dans le cadre du contrôle de la qualité de l’information donnée au marché. Enfin, un régime de responsabilité civile bien pensé, qui per- met d’assigner en justice ceux qui violent leurs obligations d’information, peut également contribuer à augmenter la qualité de l’information. En effet, la «menace» des cours et tribunaux devrait inciter les personnes responsables au respect des obliga- tions d’information (44). Section 3. — L’objectif de CORPORATE GOVERNANCE 21. — La gouvernance d’entreprise (en anglais, corporate gover- nance) n’a pas été identifiée comme objectif des obligations (43) Voy. R.J. Gilson et R.H. Kraakman, «The Mechanisms of Market Efficiency», Virginia Law Review, vol. 70, n° 4, 1984, pp. 549-644; I. Walter, «The Global Asset Management Industry : Competitive Structure and Performance», Financial Markets, Institutions, and Instruments, vol. 8, n° 1, février 1999, p. 46; St. Rousseau, «The Future of Capital Formation for Small and Medium-sized Enterprises : Rethinking Initial Public Offering Regulation after the Restructuring of Canadian Stock Exchanges», Revue Juridique Thémis, vol. 34, 2001, pp. 661-760, spécialement p. 710. Voy. pour un article récent démontrant que les analystes améliorent l’efficience des prix, voy. C Harvey, S. Rattray, J. Utans et Y Mawji, «Do European Brokers Add Any Value through Recommendations?» , 1er septembre 2009, www.glgpartners.com. Voy. pour une étude tendant à démontrer que les analystes contribuent à la liquidité sur les marchés, D.T. Roulstone, «Analyst Following and Market Liquidity», Contemporary Acctounting Research, Vol. 20, n° 3, automne 2003, pp. 551-578. (44) Voy. les suggestions dans cet article à cet égard, ci-dessous.
— 272 — d’information par le législateur européen (45). Or, à côté de l’effi- cience des marchés, la corporate governance constitue un autre objectif qui se doit d’être poursuivi par les obligations de trans- parence (46). La corporate governance vise, entre autres, à réduire les pro- blèmes d’agence auxquels les sociétés font face (47), à diminuer les tensions qui peuvent exister au sein d’une société, soit entre son management et ses actionnaires, soit, comme c’est parfois le cas dans une société à l’actionnariat concentré, entre un action- naire majoritaire ou des actionnaires dominants et ses action- naires minoritaires (48). (45) Voy. cependant les travaux préparatoires de la Directive Transparence, et, inter alia, avis de la banque centrale européenne du 30 septembre 2003 solli- cité par le conseil de l’Union européenne sur une proposition de directive du par- lement européen et du conseil sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information au sujet des émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE [COM(2003) 138 final], J.O.U.E., 9 octobre 2003, C.242/6 (COM/2003/ 21), (2003/C 242/06), considérant (6). Voy. également, la proposition de Directive Transparence (COM(2003) 138 — C5-0151/2003 — 2003/0045(COD)), considérant (1). (46) Voy. pour des auteurs européens proposant également la corporate governance comme objectif des obligations d’information, K.J. Hopt, « Modern Company and Capital Market Problems : Improving European Corporate Governance After Enron », in After Enron — Improving Corporate Law and Modernising Securities Regulation in Europe and the US (J. Armour et J.A. McCahery, red., Hart Publication, Oxford, 2003, pp. 445-496 ; E Ferran, Building an EU Securities Market, Cambridge University Press, 2004, pp. 127- 30 ; N. Moloney, EC Securities Regulation, 2e édition, Oxford University Press, 2008, p. 321. (47) Le terme «coûts d’agence» ou «problèmes d’agence» ne doit pas être com- pris au sens juridique mais au sens économique. (48) Voy. pour la définition de corporate governance donnée par les auteurs américains, et qui se concentre sur la relation entre key management et les actionnaires dans une société à l’actionnariat dispersé, typique des sociétés américaines, inter alia, J.R. Macey, Corporate Governance — Promises Kept, Promises Broken, Princeton University Press, 2008, p. 1. Comp. avec les auteurs européens qui sont davantage concernés par la relation entre l’action- naire de contrôle et les actionnaires minoritaires, vu la structure d’actionnariat concentrée de la plupart des sociétés européennes et voy., inter alia, M. Becht, P. Bolton et A. Röell, « Corporate Law and Governance », in Handbook of Law and Economics (A. Mitchell Polinsky et St. Shavell), Elsevier B.V., 2007, pp. 829-943.
— 273 — Il est important de réduire les problèmes d’agence afin d’aug- menter la valeur actionnariale (49) ou du moins afin de ne pas affecter de manière négative le prix de l’action (50). De même, la corporate governance permet de réduire le coût du capital pour l’émetteur (51). (49) Le prix de l’action est identifié, moyennant quelques nuances, comme reflétant la valeur de la société, Voy., inter alia, S. Djankov, R. LaPorta, Fl. Lopez-de-Silanes, et A. Shleifer, «The Law and Economics of Self- Dealing», Journal of Financial Economics, vol. 88, 2008/3, pp. 430-465; H.E. Jackson, et M.J. Roe, «Public and Private Enforcement of Securities Laws : Resource-Based Evidence», Journal of Financial Economics, vol. 93, n° 2, août 2009, pp. 207-238; M. Ammann, D. Oesch et M.M. Schmid, «Corporate Governance and Firm Value : International Evidence», à paraître dans Journal of Empirical Finance; Vidhi Chhaochharia, et L.A. Laeven, «Corporate Gover- nance, Norms and Practices», Journal of Financial Intermediation, vol. 18, n° 3, 2009, pp. 405-431; R. Aggarwal, I. Erel, R. Stulz et R. Williamson, «Differences in governance practice between U.S. and foreign firms : measure- ment, causes, and consequences», Review of Financial Studies, vol. 23, n° 4, pp. 3131-3169; L.D. Brown et M.L. Caylor, «Corporate Governance and Firm Operating Performance», Review of Quantitative Finance and Accounting, vol. 32, n° 2, février 2009, pp. 129-144; E. Fernández-Rodríguez, S. Gómez-Ansón et A. Cuervo-García, «The Stock Market Reaction to the Introduction of Best Practices Codes by Spanish Firms», Corporate Governance, vol. 12, n° 1, 2004, pp. 29-46.; J.A. McCahery et E.P.M. Vermeulen, «Role of Corporate Gover- nance Reform and Enforcement in The Netherlands», in Perspectives in Company Law and Financial Regulation — Essays in Honour of Eddy Wymeersch (M. Tison, H. De Wulf, Chr. Van der Elst et R. Steennot, red.), Cambridge University Press, 2009, pp. 322-342; L.A. Bebchuk, et A. Hamdani, «The Elu- sive Quest for Global Governance Standards», University of Pennsylvania Law Review, vol. 157, n° 5, mai 2009, pp. 1263-1317. (50) En ce sens, voy. E. Wymeersch, The Corporate Governance ‘Codes of Conduct’ between State and Private Law , Université de Gand, Financial Law Ins- titute, WP 2007-07, pp. 20 et s. (et les études américaines qui y sont citées); Chr. Leuz., K.V. Lins et Fr.E. Warnock, «Do Foreigners Invest Less in Poorly Governed Firms?», Review of Financial Studies, vol. 22, n° 8, 2009, pp. 3245- 3285; J. Solomon, Corporate Governance and Accountability, 2e éd., Wiley, 2007, 402 pp. (51) Voy. en ce qui concerne les marchés primaires, R. La Porta, Fl. Lopez- de-Silanes et A. Shleifer, «What Works in Securities Laws?», The Journal of Finance, vol. 61, n° 1, 2006, pp. 17 et 23; Chr. Leuz et P.D. Wysocki, Economic Consequences of Financial Reporting and Disclosure Regulation : A Review and Suggestions for Future Research, MIT Sloan School of Management Working Paper, March 2008, pp. 9-10 (et les nombreuses études qui y sont citées). Voy. en ce qui concerne les marchés secondaires, L. Hail et Chr. Leuz, «International Differences in the Cost of Equity Capital : Do Legal Institutions and Securities Regulation Matter?», Journal of Accounting Research, vol. 44, n° 3, 2006, pp. 485- 531, spécialement pp. 486-87 et 524-25; B.E. Hermalin et M.S. Weisbach, Information Disclosure and Corporate Governance, Working Paper (Haas School
— 274 — Par ailleurs, elle contribue à une meilleure allocation des res- sources (52). 22. — Dans ce chapitre de notre thèse, nous faisons une large place au droit comparé. En effet, d’une part, nous abordons la littérature américaine puisque celle-ci a largement développé l’argument que l’informa- tion peut contribuer à diminuer les tensions au sein des sociétés américaines, caractérisées par un actionnariat dispersé (53). D’autre part, nous prenons en considération le droit des socié- tés des Etats membres sélectionnés pour les besoins de notre thèse pour estimer la mesure dans laquelle l’information peut contribuer à aligner les intérêts des parties prenantes (54). 23. — Le genre de coûts d’agence présents dans les sociétés dépend de la structure de l’actionnariat. Les tensions au sein d’un actionnariat concentré sont susceptibles de survenir entre un actionnaire majoritaire ou un ou plusieurs actionnaires de of Business, Berkeley, University of California), Juin 2010, 42 pp.; Chr Leuz., K.V. Lins et Fr.E. Warnock, «Do Foreigners Invest Less in Poorly Governed Firms?», Review of Financial Studies, vol. 22, n° 8, 2009, pp. 3245-3285. (52) Voy., inter alia, R. Levine, «Bank-Based or Market-Based Financial Systems : Which is Better?», Journal of Financial Intermediation, vol. 11, n° 4, 2002, pp. 398-428; R. Morck, D. Wolfenzon et B. Yeung, «Corporate Gover- nance, Economic Entrenchment, and Growth», Journal of Economic Literature, vol. 43, n° 3, septembre 2005, pp. 655-720 (et les nombreuses études qui y sont citées). (53) Voy., inter alia, J.C. Coffee Jr, «Market Failure and the Economic Case for a Mandatory Disclosure System», Virginia Law Review, vol. 70, 1984, p. 752; M.J. Roe, «Corporate Law’s Limits», Journal of Legal Studies, vol. 31, n° 2, 2002, pp. 233-272; M.B. Fox, «Required Disclosure and Corporate Governance», Law and Contemporary Problems, vol. 62, n° 3, pp. 113-127; L. Lowenstein, «Financial Transparency and Corporate Governance : You Manage What You Measure», Columbia Law Review, vol. 96, n° 5, juin 1996, pp. 1335-1362; R.H. Kraakman, «Disclosure and Corporate Governance : An Overview Essay», in Reforming Company Law and Takeover Law in Europe (G.A. Ferrarini, K.J. Hopt, J. Winter et E. Wymeersch (red.)), Oxford-New York, 2004, pp. 96-99; G. Hertig, R. Kraakman et E. Rock, «Issuers and Investor Protection», in The Anatomy of Corporate Law — A Comparative and Functional Approach, Oxford, 2004, pp. 193-214; D.C. Langevoort, «Managing the ‘Expec- tations Gap’ in Investor Protection : The SEC and the Post-Enron Reform Agenda», Villanova Law Review, vol. 48, 2003, pp. 1139-1163. (54) Voy. les quelques références dans les notes infrapaginales ci-dessous. Voy. pour davantage de références au droit national des Etats membres, G. Schaeken Willemaers, The EU Issuer-Disclosure Regime — Objectives and Proposals for Reform (Kluwer Law International, 2010 [à paraître]).
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