Le rôle des symptômes dépressifs et de la sensibilité des pères dans le développement de problèmes intériorisés et extériorisés à la petite ...
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Le rôle des symptômes dépressifs et de la sensibilité des pères dans le développement de problèmes intériorisés et extériorisés à la petite enfance Mémoire doctoral Andréanne Beaupré Doctorat en psychologie Docteure en psychologie (D. Psy.) Québec, Canada © Andréanne Beaupré, 2021
Le rôle des symptômes dépressifs et de la sensibilité des pères dans le développement de problèmes intériorisés et extériorisés à la petite enfance Mémoire doctoral Andréanne Beaupré Sous la direction de : Célia Matte-Gagné (Ph.D.), directrice de recherche, Université Laval
Résumé Un nombre restreint, mais croissant d’études suggèrent que les comportements paternels jouent un rôle dans le développement socioaffectif de l’enfant et que les problèmes de santé mentale peuvent se transmettre du père à l’enfant. Par contre, rares sont les études qui ont été réalisées durant la petite enfance et qui se sont intéressées au rôle des pratiques paternelles dans la transmission intergénérationnelle de la psychopathologie. Ce mémoire a pour objectif d’examiner le rôle de la sensibilité paternelle et des symptômes dépressifs du père dans le développement de problèmes intériorisés et extériorisés à la petite enfance. L’échantillon de l’étude réalisée comprend 91 familles (père, mère, enfant) qui ont été rencontrées à leur domicile lorsque les enfants étaient âgés de 12 mois. Les symptômes dépressifs des pères et des mères ont été mesurés à l’aide du Beck Depression Inventory. La sensibilité des deux parents a été mesurée de manière observationnelle à l’aide d’un système de codification basé sur l’analyse des interactions parent-enfant lors d’une rencontre à domicile d’une durée de 90 minutes. Les problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant ont été mesurés à l’aide du Brief Infant Toddler Social Emotional Assessment, un questionnaire complété par les deux parents séparément. Des analyses corrélationnelles et de régression ont été effectuées. Les résultats suggèrent que les symptômes dépressifs et la sensibilité du père contribuent de façon unique à la prédiction des problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant, et ce, au-delà des facteurs propres à la mère. Les résultats de ce mémoire soulignent le rôle que joue le père dans le développement socioaffectif de l’enfant et la transmission intergénérationnelle de la psychopathologie. ii
Table des matières Résumé .................................................................................................................................... ii Table des matières................................................................................................................... iii Liste des tableaux .................................................................................................................... iv Remerciements ........................................................................................................................ v Introduction ............................................................................................................................. 1 Les premières années de vie et l’environnement familial précoce ................................................. 2 Le rôle des pères .............................................................................................................................. 3 La sensibilité parentale ................................................................................................................... 4 La sensibilité parentale et les problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant ........................... 6 Transmission intergénérationnelle des problèmes de santé mentale ............................................. 8 La dépression parentale et les problèmes socioaffectifs chez l’enfant ........................................... 9 Les mécanismes de transmission intergénérationnelle de la psychopathologie ........................... 12 Récapitulatif .................................................................................................................................. 17 Chapitre 1 : Objectif ................................................................................................................ 19 Chapitre 2 : Méthode .............................................................................................................. 20 I. Participants ................................................................................................................................ 20 II. Mesures..................................................................................................................................... 20 III. Procédure ................................................................................................................................ 23 IV. Plan des analyses ..................................................................................................................... 23 Chapitre 3 : Résultats .............................................................................................................. 25 I. Analyses descriptives ................................................................................................................. 25 II. Analyses corrélationnelles préliminaires ................................................................................. 25 III. Analyses de régression ............................................................................................................ 27 Chapitre 4 : Discussion ............................................................................................................ 29 I. Contribution de la dépression paternelle .................................................................................. 29 II. Contribution de la sensibilité paternelle .................................................................................. 30 III. Contribution des variables maternelles.................................................................................. 34 IV. Limites de l’étude .................................................................................................................... 38 V. Forces de l’étude ....................................................................................................................... 41 Conclusion.............................................................................................................................. 44 Références ............................................................................................................................. 45 iii
Liste des tableaux Tableau 1 : Statistiques descriptives ................................................................................. 58 Tableau 2 : Corrélations entre les symptômes dépressifs et la sensibilité des parents et les problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant ....................................................... 59 Tableau 3 : Analyses de régression permettant de prédire les problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant à 12 mois ...................................................................................... 60 iv
Remerciements Le dépôt de ce mémoire doctoral marque la fin de mon parcours académique et mes débuts dans le monde professionnel. Ce fut un parcours rempli de rencontres, d’expériences et d’émotions. Je profite de la conclusion de cette étape pour offrir mes remerciements à ceux qui ont été présents, de près ou de loin, tout au long de cette longue et belle aventure qu’est le doctorat en psychologie. Je tiens d’abord à remercier ma directrice de recherche, madame Célia Matte-Gagné, sans qui rien de tout cela n’aurait été possible. Je te remercie de m’avoir accueilli dans ton équipe et de m’avoir accompagné tout au long de mon doctorat. Je te remercie de l’immense confiance avec laquelle tu m’as guidé, du respect dont tu as toujours fait preuve lors de nos échanges, ainsi que du temps et de la passion que tu as investis dans la supervision de mon projet. Je suis très reconnaissante de toutes les opportunités dont tu m’as fait profiter et entame ma vie professionnelle avec une passion pour le développement de l’enfant plus grande grâce à toi. Je remercie également monsieur George Tarabulsy d’avoir encadré mon projet de mémoire doctoral. Je suis reconnaissante du temps que vous avez investi à me lire et à assister à mes séminaires. Votre expertise et vos conseils ont grandement influencé mes réflexions, et par le fait même, ce document. Merci à ma famille et mes amis pour leur soutien lors des beaux moments, ainsi que des moments plus difficiles qui ont marqué mon cheminement. Un merci tout particulier à mes parents, Michel et Marie-Claude, qui m’ont inculqué la curiosité, l’ambition et la persévérance qui m’ont permis de relever ce défi qu’est le doctorat. Je tiens à remercier toutes les familles qui ont accepté de participer à cette étude et qui nous ont accueillis dans la beauté de leur quotidien. Sans eux, ce projet n’existerait pas. Je remercie finalement le Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles (CRUJeF) pour son soutien financier dans la réalisation de mon mémoire doctoral. v
Introduction Le Système Canadien de Surveillance des Maladies Chroniques (2015) définit la maladie mentale comme une altération de la pensée, de l’humeur ou du comportement de l’individu qui est associée à un état de détresse et un dysfonctionnement marqué. La maladie mentale peut avoir de sérieuses conséquences sur les apprentissages précoces, le développement des compétences sociales et affectives et sur la santé en général, et ce, tout au long de la vie (National Scientific Council on the Developing Child, 2012). Au Canada, une personne sur cinq souffrirait d’une maladie mentale au cours de sa vie (Santé Canada, 2002). La maladie mentale peut frapper à tout âge, mais les premiers symptômes se manifesteraient fréquemment dès l’enfance (Commission de la Santé Mentale du Canada, 2016; Gouvernement du Canada, 2006; Organisation mondiale de la Santé OMS, 2014). D’ailleurs, selon les résultats d’une vaste étude longitudinale québécoise (Riberdy et al., 2013), 50% des enfants québécois vont présenter un nombre élevé de symptômes intériorisés ou extériorisés à un moment ou un autre de leur enfance. Les symptômes intériorisés sont caractérisés par du retrait social, de l’anxiété, des sentiments dépressifs ou des manifestations psychosomatiques. Les symptômes extériorisés englobent les comportements agressifs et les manifestations comportementales du trouble des conduites, du trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité et du trouble oppositionnel avec provocation (Achenbach & Edelbrock, 1978). Les enfants présentant un niveau élevé de symptômes vont être considérés comme ayant des problèmes intériorisés ou extériorisés. Ces problèmes sont donc définis comme des manifestations comportementales intériorisées ou extériorisées ayant une fréquence ou un nombre plus élevé que la normale (Comeau et al., 2013). Chez les enfants québécois qui fréquentent la maternelle, les problèmes intériorisés et extériorisés seraient les problèmes les plus fréquemment rapportés par les enseignants, parmi différentes problématiques au niveau du développement global de l’enfant (p.ex., langage, cognition, santé physique; Simard et al., 2018). Étant donné la prévalence élevée des problèmes intériorisés et extériorisés, leur persistance dans le temps (Forbes et al., 2017) et leurs conséquences sur l’adaptation sociale et scolaire ultérieures de l’enfant (Bor et al., 2004), il est crucial de mieux comprendre les facteurs qui mènent à leur développement. Ce mémoire se penche sur le rôle des symptômes dépressifs du père et des comportements de sensibilité 1
paternelle dans la prédiction des problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant durant la petite enfance. Les premières années de vie et l’environnement familial précoce Selon l’OMS (2004), la petite enfance (0-2 ans) est une période durant laquelle les fondements de la santé mentale s’établissent. La santé mentale chez l’enfant réfère à la capacité de : 1) former des relations étroites et sécurisantes avec des adultes et des pairs, 2) vivre, gérer et exprimer une gamme complète d’émotions, et 3) explorer l’environnement et apprendre dans le contexte de la famille, de la collectivité et de la culture (Cohen et al., 2012). Le terme développement socioaffectif est souvent utilisé pour référer à la santé mentale des enfants et aux éléments qui la sous-tendent. Les premières années de vie sont considérées comme une période critique dans le développement socioaffectif de l’enfant, mais aussi sur le plan cérébral (Gale et al., 2004). Selon plusieurs experts, le développement précoce d’une maladie mentale peut d’ailleurs nuire aux processus développementaux typiques du cerveau et ainsi perturber de façon durable les capacités émotionnelles, relationnelles, comportementales et intellectuelles émergentes (National Research Council and Institute of Medicine, 2000; National Scientific Council on the Developing Child, 2012). La petite enfance est une période de grande plasticité cérébrale caractérisée par la formation, le maintien, le renforcement et la sélection des connexions neuronales (Nelson et al., 2006). Ce processus est sans contredit biologique, mais dépend grandement des expériences vécues dans l’environnement (Fox et al., 2010). Alors que le cerveau est en plein développement, les expériences environnementales précoces peuvent altérer de façon marquée et durable la structure cérébrale du jeune enfant (Bukatko & Daehler, 2011; Fox et al., 2010) et, par le fait même, son développement socioaffectif et sa santé mentale (Cicchetti, 2015; Essex et al., 2001). Durant la petite enfance, les expériences environnementales sont majoritairement vécues à l’intérieur du milieu familial, puisque l’enfant y passe la plus grande partie de son temps. La recherche empirique démontre d’ailleurs que la qualité de l’environnement familial est un prédicteur important de la santé mentale de l’enfant (Bøe et al., 2014; Yap & Jorm, 2015). Cet environnement dans lequel l’enfant grandit et évolue est essentiellement façonné par les parents (Bradley et al., 2001; National Research Council and 2
Institute of Medicine, 2000; Lansford, 2017). Ceux-ci, par le biais de leur influence sur les expériences environnementales de l’enfant durant une période de grande plasticité cérébrale, joueraient un rôle important dans le développement des compétences sociales et affectives qui sous-tendent la santé mentale de l’enfant (Bøe et al., 2014; Bradley et al., 2001; Clark et al., 2016; Morris et al., 2007). En tant qu’acteurs majeurs dans la vie de l’enfant, les parents influenceraient le développement de ce dernier via leurs pratiques parentales (Bornstein, 2002; Cox & Harter, 2003; Lansford et al., 2014; Malmberg et al., 2016; Potapova et al., 2014). Plusieurs études démontrent que des comportements parentaux inadéquats ou négatifs sont associés à plus de problèmes de santé mentale chez l’enfant, notamment à plus de problèmes intériorisés et extériorisés (Lansford et al., 2014; Zvara et al., 2018). Toutefois, la majorité des travaux sur les pratiques parentales et le développement de l’enfant se sont concentrés sur les comportements maternels (Cabrera et al., 2018; Wilson & Durbin, 2010). Des travaux plus récents suggèrent que les comportements paternels joueraient un rôle unique et indépendant dans la prédiction des problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant (Jeynes, 2016; Lansford et al., 2014). Étant donné le peu d’études réalisées chez les pères, le rôle que jouent leurs pratiques parentales dans la trajectoire de santé mentale de l’enfant et le développement social et affectif de ce dernier demeure toutefois méconnu. Le rôle des pères Pendant longtemps, l’étude du rôle joué par le milieu familial dans la santé mentale et le développement socioaffectif de l’enfant était axée sur l’influence maternelle, sans réelle considération pour l’influence des pères (Lamb, 2010). La mère a longtemps été considérée comme la principale figure parentale (Cabrera et al., 2000). Le XXIe siècle a été marqué par plusieurs changements sociaux qui ont toutefois amené les sociétés occidentales à considérer davantage le père comme une figure parentale importante. L’investissement de plus en plus important des femmes sur le marché du travail et la création de congés parentaux dédiés aux pères ont notamment amené les pères à s’impliquer davantage auprès de leurs enfants. Le rôle du père est alors passé de principal pourvoyeur à donneur de soins, ce qui lui a conféré 3
une place plus importante dans le développement de l’enfant (Cabrera et al., 2000; Cabrera et al., 2018; Lamb, 1995). Alors qu’ils ont longtemps été négligés dans la littérature scientifique (Cabrera et al., 2018; Tamis-LeMonda et al., 2013), les pères ont fait l’objet d’un intérêt plus marqué dans les dernières années. Bien que plus récentes et moins nombreuses que les études portant sur les mères, les études réalisées auprès des pères suggèrent que ceux-ci joueraient un rôle important dans le développement socioaffectif (Cabrera et al., 2007; Davidov & Grusec, 2006; Lindsey et al., 2010; Shannon et al., 2006; Stevenson & Crnic, 2013; Webster et al., 2013) et cognitif (Cabrera et al., 2007; Kim & Hill, 2015; Malmberg et al., 2016; Tamis-LeMonda et al., 2013) de l’enfant. Une méta-analyse récente propose même que les facteurs propres aux pères contribueraient de façon unique, au-delà de l’influence maternelle, au développement de l’enfant (Jeynes, 2016). Beaucoup de travail reste toutefois à faire pour bien comprendre le rôle que le père joue dans la santé mentale de l’enfant. Même si un nombre croissant d’études démontrent que les pères jouent un rôle dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant (Amato & Rivera, 1999; Barker et al., 2017; Lansford et al., 2014; Miner & Clarke-Stewart, 2008; Ramchandani et al., 2013; Sarkadi et al., 2008; Trautmann- Villalba et al., 2006; Wilson & Prior, 2011; Zvara et al., 2018), peu d’études se sont penchées sur le rôle des comportements paternels de sensibilité (Bakermans-Kranenburg et al., 2003; Elgar et al., 2007). La sensibilité parentale La sensibilité parentale fait partie des comportements parentaux qui joueraient un rôle particulièrement important dans le développement social et affectif de l’enfant. Selon Ainsworth et ses collègues (1978), la sensibilité fait référence à la capacité du parent à percevoir les signaux de son enfant, à les interpréter avec précision et à y répondre efficacement, et ce, de façon chaleureuse, cohérente et rapide. Selon la théorie de l’attachement et plusieurs experts en psychologie développementale, ce comportement parental serait essentiel au développement optimal de l’enfant (Ainsworth et al., 1978; Belsky & Nezworski, 1988; Braungart-Rieker et al., 2001; DeKlyen & Greenberg, 2008; Kok et al., 4
2015; Landry et al., 2001; Malmberg et al., 2016; Matestic, 2009; Towe-Goodman et al., 2014). Grâce aux interactions parent-enfant caractérisées par de la sensibilité, l’enfant apprendrait à entrer adéquatement en relation et à développer de bonnes aptitudes sociales (Landry et al., 2001). Il apprendrait aussi à faire confiance à ses figures d’attachement et à son environnement (Ainsworth et al., 1978). La sensibilité favoriserait également la régulation des émotions (Cox & Harter, 2003; Davidov & Grusec, 2006), permettant à l’enfant de faire face à d’éventuels stresseurs avec des sentiments de sécurité et de compétence plus grands (Gilissen et al., 2007; Potapova et al., 2014). Selon la théorie de l’attachement, la sensibilité parentale est essentielle au développement d’une relation d’attachement sécurisante entre l’enfant et le parent. Un parent qui interagit avec son enfant de manière prévisible, cohérente et chaleureuse, en répondant de façon appropriée à ses signaux et à ses tentatives d’interaction, crée chez l’enfant un sentiment de sécurité accrue qui l’aide à se sentir à l’aise d’explorer son environnement et entrer en relation avec les personnes qui l’entourent (Ainsworth et al., 1978; Belsky & Nezworski, 1988; Bowlby, 1969; De Wolff & van Ijzendoorn, 1997; Gilissen et al., 2007; Pederson & Moran, 1995; Sroufe, 1996). La relation entre la sensibilité maternelle et la sécurité d’attachement mère-enfant est bien documentée (Ainsworth et al., 1978; De Wolff & van Ijzendoorn, 1997; Moran et al., 2008; Pederson & Moran, 1995). Des données méta- analytiques appuient également la présence d’une association entre la sensibilité paternelle et la sécurité d’attachement père-enfant (Lucassen et al., 2011). Des recensions et des études longitudinales s’étendant sur plus de 30 ans soulignent les effets positifs d’une relation d’attachement parent-enfant sécurisante sur la santé mentale des individus, et ce, tout au long de leur vie (Bretherton, 2010; Grossmann et al., 2005; Main et al., 2005; Sroufe, 2005). En contrepartie, des données méta-analytiques soulignent le risque qu’une relation d’attachement parent-enfant insécurisante représente pour le développement de troubles de santé mentale, tels que les troubles intériorisés (Groh et al., 2012; Madigan et al., 2013) et extériorisés (Fearon et al., 2010) durant l’enfance, mais aussi à l’adolescence et à l’âge adulte (van IJzendoorn et al., 1999). Peu d’études se sont toutefois penchées sur le rôle de la sensibilité paternelle dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant. Ces études seront recensées et détaillées ci-dessous. 5
La sensibilité parentale et les problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant La sensibilité parentale est reconnue dans la littérature comme un facteur qui favorise le développement de l’enfant dans plusieurs sphères. Les études dans ce domaine se sont toutefois essentiellement concentrées sur la sensibilité de la mère, alors que le père est aujourd’hui beaucoup plus engagé auprès de ses enfants. Un nombre restreint, mais croissant d’études suggère que la sensibilité paternelle serait impliquée dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant. Une étude réalisée auprès de 710 familles biparentales a examiné les relations entre la sensibilité maternelle et paternelle et les comportements extériorisés de l’enfant mesurés de façon répétée entre la maternelle et la cinquième année (Scott et al., 2018). Les chercheurs ont mesuré de façon observationnelle la sensibilité des deux parents à quatre reprises dans le temps à l’aide de l’analyse d’interactions parent-enfant filmées à la maison. Aux mêmes temps de mesure, les deux parents ont rempli le CBCL afin de documenter les problèmes extériorisés de l’enfant. Un score combinant la perception de la mère et du père a ensuite été créé. Les résultats de cette étude démontrent une association entre la sensibilité du père et les problèmes extériorisés de l’enfant à 54 mois (r = -.09, p < .05), en troisième année (r = -.18, p < .001) et en cinquième année (r = -.20, p < .001). Cette association était petite, mais plus marquée que celle observée entre la sensibilité de la mère et les problèmes extériorisés de l’enfant, cette dernière était seulement marginalement significative à 54 mois (r = -.08, p = .06), significative, mais petite en première année (r = -.15, p < .001) et non significative par la suite. Une autre étude s’est penchée sur la relation entre la sensibilité des deux parents et la présence de problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant entre l’âge de 6 et 15 ans (N = 578) à l’aide d’un devis longitudinal à mesures répétées (Zvara et al., 2018). Les problèmes intériorisés et extériorisés ont été mesurés à l’aide du Child Behavioral Checklist (CBCL) administré à la mère en première, troisième et cinquième année, ainsi qu’à l’âge de 15 ans. La sensibilité des deux parents a été mesurée aux mêmes moments de façon observationnelle à l’aide d’un système de codification basé sur l’analyse d’interactions parent-enfant filmées à la maison. Les résultats de cette étude montrent qu’une sensibilité moindre de la part du père est associée à plus de difficultés extériorisées (r < -.19) et intériorisées (r < -.13) chez l’enfant, et ce, au-delà de la sensibilité maternelle. Cette relation était toutefois petite (r < 6
-.19), mais persistante, prospective et concomitante. Les résultats de cette étude suggèrent que la sensibilité maternelle est associée aux problèmes extériorisés (r < -.19) de l’enfant, mais moins fortement que la sensibilité paternelle. D’autre part, Hazen et ses collègues (2014) ont aussi mené une étude auprès de 125 familles afin d’examiner le rôle de la sensibilité paternelle dans les difficultés de régulation émotionnelle à 24 mois, ainsi que dans les problèmes intériorisés et attentionnels d’enfants âgés de 7 ans. Les chercheurs ont mesuré de façon observationnelle les capacités de régulation de l’enfant à l’aide de la Children’s Emotion Regulation Scales à 24 mois. La sensibilité des deux parents a également été mesurée de manière observationnelle durant des interactions parent-enfant filmées à la maison lorsque l’enfant était âgé de 8 mois. Les problèmes intériorisés et attentionnels de l’enfant ont été mesurés à l’aide du CBCL, complété par l’enseignant quand l’enfant était âgé de 7 ans. Les résultats de cette étude indiquent que les enfants de pères insensibles présentent plus de problèmes attentionnels à l’âge de 7 ans (β = .34, p < .05). Les enfants de pères moins sensibles présentent également plus de difficultés de gestion des émotions à 24 mois (β = -.22, p < .05). Aucune association n’a toutefois été détectée avec les problèmes intériorisés. Les relations entre la sensibilité maternelle et les différents construits étaient comparables à celles détectées chez les pères. Enfin, le National Institute of Child Health and Human Development (NICHD, 2004) a mené une étude auprès de 648 familles afin d’examiner l’association entre la sensibilité parentale et les problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant. Les chercheurs ont mesuré de façon observationnelle la sensibilité des deux parents durant des interactions parent-enfant filmées lorsque l’enfant était âgé de 54 mois, ainsi qu’en première année. Les problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant ont été mesurés à l’aide du CBCL, complété par l’enseignant lorsque l’enfant était âgé de 54 mois, puis en maternelle, première et deuxième année. Les résultats de cette étude démontrent qu’une sensibilité moindre de la part du père est associée à plus de difficultés extériorisées chez l’enfant, et ce, au-delà de la sensibilité maternelle. Cette relation était toutefois petite (r < -.15), mais persistante, prospective et concomitante. Les résultats de cette étude suggèrent également que la sensibilité maternelle est associée aux problèmes extériorisés de l’enfant (r
aux problèmes intériorisés tandis que la sensibilité du père est associée aux problèmes intériorisés en première année (r = -.13), mais pas aux autres temps de mesure. Ainsi, la relation entre la sensibilité parentale et les problèmes extériorisés semble plus marquée et persistante. Les études recensées ci-dessus suggèrent que la sensibilité paternelle et maternelle pourrait diminuer les risques que les enfants développent des problèmes extériorisés et intériorisés. Celles-ci ont toutefois été réalisées uniquement durant l’âge scolaire, ainsi, le rôle de la sensibilité parentale lors des premières années de vie demeure méconnu. Ce rôle pourrait être particulièrement important considérant que la petite enfance est caractérisée par une grande plasticité cérébrale et que l’enfant passe la majorité de son temps en présence de ses donneurs de soins principaux. D’autre part, rares sont les études qui se sont intéressées au rôle de la sensibilité paternelle au-delà de la sensibilité maternelle de même qu’au rôle que cette sensibilité pourrait jouer dans la transmission intergénérationnelle de la psychopathologie. Transmission intergénérationnelle des problèmes de santé mentale En plus de promouvoir la santé mentale de l’enfant, les comportements paternels de sensibilité pourraient jouer un rôle dans la transmission intergénérationnelle des problèmes de santé mentale. Plusieurs études rapportent d’ailleurs une association entre les problèmes mentaux des pères et les problèmes socioaffectifs de l’enfant (Beardslee et al., 1996, 1998; Bradley & Slade, 2011; Kvalevaag et al., 2013; Lieb, 2002; Potapova et al., 2014; Ramchandani & Psychogiou, 2009; Smith et al., 2013). Ces études démontrent essentiellement que les enfants de pères qui présentent des problèmes de santé mentale sont plus à risque d’avoir un tempérament difficile (Bradley & Slade, 2011; Potapova et al., 2014), des difficultés de régulation émotionnelle (Potapova et al., 2014) et d’attachement (Beardslee et al., 1998), des problèmes interpersonnels (Beardslee et al., 1998), des troubles affectifs ou psychiatriques (Beardslee et al., 1996; Lieb, 2002), ainsi que des troubles de comportement (Carro et al., 1993; Dave et al., 2008; Kvalevaag et al., 2013; Ramchandani & Psychogiou, 2009; Ramchandani et al., 2005, 2008; Smith et al., 2013; Sweeney & MacBeth, 2016; van 8
den Berg et al., 2009). Ainsi, les problèmes mentaux pourraient se transmettre du père à l’enfant. Bien que les parents puissent présenter différents problèmes de santé mentale, la littérature dans le domaine de la transmission intergénérationnelle des problèmes de santé mentale s’est essentiellement penchée sur la dépression parentale (Barker et al., 2017; Sweeney & MacBeth, 2016). La dépression est d’ailleurs le trouble mental le plus souvent rapporté chez les Québécois (Statistique Canada, 2012) : 12% des Québécois âgés de 15 ans et plus rapporteraient avoir vécu un épisode dépressif au cours de leur vie. Les femmes (15%) seraient plus touchées que les hommes (9%) (Statistique Canada, 2012). Toutefois, des données méta-analytiques suggèrent que la prévalence de la dépression serait plus importante chez les hommes durant la première année suivant la naissance d’un enfant. Les travaux nord- américains rapportent notamment des taux de dépression allant jusqu’à 13% durant cette période (Cameron et al., 2016). Une méta-analyse identifie également la période de trois à six mois post-partum comme étant la plus importante en termes de prévalence de la maladie (25.6%; Paulson & Bazemore, 2010). Selon une revue de la littérature, le tiers des nouveaux pères rapporteraient souffrir de symptômes dépressifs (Bradley & Slade, 2011). Étant donné l’implication plus grande des pères auprès de leurs enfants (Cabrera et al., 2000), la prévalence de la dépression chez les hommes (Statistique Canada, 2012) et la vulnérabilité plus grande des nouveaux pères à cette maladie mentale (Cameron et al., 2016), l’étude du rôle de la dépression paternelle dans le développement de l’enfant revêt une importance particulière. Une meilleure compréhension de cette transmission intergénérationnelle favoriserait notamment l’implantation de services de prévention ou d’intervention auprès des nouveaux pères. La dépression parentale et les problèmes socioaffectifs chez l’enfant L’association entre la dépression maternelle et le développement social et affectif de l’enfant est bien documentée. Des données méta-analytiques (Goodman et al., 2011) démontrent que la dépression maternelle est significativement associée à la présence de problèmes intériorisés (r = .23, p < .001) et extériorisés (r = .21, p < .001) chez l’enfant. Les auteurs de cette méta-analyse soulignent toutefois le peu d’études qui considèrent aussi la 9
dépression paternelle. Ces auteurs mettent de l’avant la nécessité de considérer les deux parents dans les études futures afin de mieux comprendre les mécanismes par lesquels cette maladie mentale peut se transmettre des parents à l’enfant. Bien que moins nombreuses que les études réalisées chez les mères, de plus en plus d’études suggèrent que la dépression paternelle jouerait un rôle négatif et comparable à celui de la dépression maternelle sur le développement social et affectif de l’enfant (Sweeney et MacBeth, 2016). Le taux de prévalence de troubles psychiatriques chez les enfants de pères déprimés se situeraient entre 41 et 77% (Beardsleeet al., 1998), ce qui est deux à sept fois plus élevé que dans la population en générale (Institut Canadien d’Information sur la Santé, 2018). Une revue de la littérature suggère notamment que les enfants de pères dépressifs sont plus à risque de souffrir de différents troubles intériorisés et extériorisés au cours de leur vie, la dépression étant le trouble le plus prévalent chez ces enfants (Spector, 2006). Dans le même ordre d'idées, des données méta-analytiques regroupant 17 études mettent de l'avant des associations modérées entre la dépression paternelle et les problèmes intériorisés (r = .24, p < .05) et extériorisés (r = .19, p < .05) chez l’enfant (Kane & Garber, 2004). Plus récemment, Sweeney et MacBeth (2016) ont recensé 21 études (N = 21 970) appuyant l’existence d’une association entre la dépression paternelle et un risque accru de problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant. Cette association, de taille faible à modérée, a été observée dans des échantillons d’enfants âgés de 2 mois à 21 ans. Dans les études recensées, les problèmes intériorisés et extériorisés des enfants étaient mesurés à l’aide de questionnaires complétés par les parents ou par les enseignants tandis que les symptômes dépressifs des pères étaient mesurés à l’aide de questionnaires ou d’entrevues complétés par les pères. Les auteurs de la recension soulignent que l’association entre la dépression paternelle et les problèmes de santé mentale de l’enfant persiste même en contrôlant pour la dépression maternelle, ce qui suggère que la dépression paternelle contribuerait de façon unique à l’explication des différences individuelles dans la santé mentale de l’enfant. Les auteurs de la recension soulignent également la présence d’une période sensible chez les enfants de pères dépressifs, période où l’enfant serait plus vulnérable aux effets de la dépression parentale. Plus l’exposition aux symptômes dépressifs du père serait précoce, plus 10
l’enfant serait à risque de présenter des difficultés sur le plan socioaffectif (Ramchandani et al., 2005). Cela est cohérent avec ce que l’on retrouve également dans les études réalisées sur la dépression maternelle (Essex et al., 2001; Goodman et al., 2011; Hay et al., 2001). Bien qu’elles permettent de mettre en lumière le rôle de la dépression des pères dans le développement de l’enfant, les études réalisées dans le domaine possèdent tout de même quelques limites. Tout d’abord, la majorité d’entre elles ont été réalisées chez des enfants d’âge scolaire (Kane & Garber, 2008; Ramchandani et al., 2005). La dépression serait toutefois plus prévalente chez les pères durant la première année de vie de l’enfant (Cameron et al., 2016). Cette période étant caractérisée par une plus grande plasticité cérébrale chez l’enfant (Nelson et al., 2006), l’effet de la dépression paternelle pourrait être plus grand et donc important à examiner. De plus, plusieurs études ont mesuré les variables auprès du même répondant, soit le père, malgré le risque de biais subjectifs susceptibles de gonfler les relations observées (Treutler & Epkins, 2003). Les pères dépressifs peuvent surestimer les difficultés de l’enfant en raison de leur propre humeur dépressive (Briggs-Gowan et al., 1996). Par ailleurs, la plupart des études recensées ont considéré la dépression paternelle de manière dichotomique, en formant deux groupes de père sur la base de l’atteinte d’un critère ou d’un seuil clinique : les pères dépressifs et les pères non dépressifs. Cette séparation ne tient toutefois pas compte de l’impact possible des symptômes dépressifs sous-cliniques et de la détresse que les pères peuvent tout de même éprouver (sur le continuum), sans pour autant satisfaire le critère ou franchir le seuil clinique (Elgar et al., 2007; Sweeney & MacBeth, 2016). Cette dichotomie peut nuire à l’obtention de résultats significatifs surtout dans des échantillons d’enfants et de parents issus de la communauté en raison de la plus faible prévalence de diagnostics cliniques (Eiden et al., 2007). Enfin, la majorité des études se sont intéressées à la relation entre la dépression paternelle et le développement des problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant sans tenter de mettre en lumière les mécanismes explicatifs sous-jacents. Il est toutefois crucial de mieux comprendre les mécanismes par lesquels la maladie mentale du parent peut se transmettre à l’enfant. Cette compréhension est nécessaire à l’élaboration d’interventions visant à prévenir les difficultés socioaffectives chez les enfants de pères ayant des problèmes mentaux. 11
Les mécanismes de transmission intergénérationnelle de la psychopathologie De plus en plus d’études suggèrent que les comportements parentaux joueraient un rôle dans la transmission intergénérationnelle de la psychopathologie (Eiden et al., 2007; Elgar et al., 2007; Giallo et al., 2014; Ramchandani et al., 2010). La maladie mentale pourrait avoir un impact délétère sur la manière dont le parent interagit avec son enfant et celle-ci pourrait altérer à son tour la manière dont l’enfant se développe et interagit avec le monde qui l’entoure (Bradley & Slade, 2011). Dans la littérature scientifique, il est généralement reconnu que la maladie mentale interfère avec la capacité des parents à prendre adéquatement soin de leurs enfants. Des données méta-analytiques démontrent notamment que la dépression chez les mères est associée à davantage de comportements négatifs (p.ex., hostilité, intrusion, négligence ou désengagement), et à moins de comportements positifs (p.ex., jouer avec l’enfant, être affectueux ; Lovejoy et al., 2000). Plus récemment, une méta-analyse réalisée sur 28 études (N = 4788) s’est penchée sur la relation entre la dépression et les comportements des pères (Wilson & Durbin, 2010). Les résultats de cette méta-analyse démontrent que la dépression paternelle est significativement associée à moins de comportements positifs (r = -.19, p < .001) et plus de comportements négatifs (r = .16, p < .001). Les comportements étudiés étaient variés, incluant l’expression d’émotions positives/négatives, la chaleur, la sensibilité, la propension à répondre aux besoins de l’enfant, l’hostilité, l’intrusion et le désengagement. La majorité des études recensées dans la méta- analyse de Wilson et Durbin (2010) et portant sur la relation entre la dépression et les comportements paternels proposaient une vision dichotomique de la dépression. Les parents qui présentent des niveaux sous-cliniques de détresse peuvent toutefois aussi éprouver des difficultés à prendre soin de leurs enfants ou manifester des comportements plus négatifs (Elgar et al., 2007; Kane & Garber, 2004; Lovejoy et al., 2000). Il est donc important d’examiner cette relation sur l’ensemble du continuum. De plus, la majorité de ces études ont utilisé des questionnaires autorapportés pour mesurer les pratiques parentales et ceux-ci sont sujets à des biais de perception et de désirabilité sociale (Cox & Harter, 2003). L’humeur dépressive du père peut entraîner une vision plus négative de ses propres comportements parentaux qui peut résulter en un gonflement artificiel de la relation entre la dépression et les comportements paternels (tous deux autorapportés). 12
Par ailleurs, une seule étude recensée s’est penchée sur la dépression du père et la sensibilité paternelle. Dans cette étude longitudinale réalisée sur un échantillon de 227 enfants, la dépression paternelle a été mesurée à deux reprises à l’aide du CES-D lorsque l’enfant était âgé de 12 et 18 mois. À deux ans, les enfants et leur père ont été filmés en interaction à la maison, afin de mesurer de façon observationnelle la chaleur, la sensibilité et les affects négatifs du père. Un score composite regroupant les trois comportements a ensuite été créé. Cette étude ne rapporte pas d’association significative entre la dépression et le score composite (Eiden et al., 2007). Ainsi, la seule étude s’étant penchée sur la sensibilité paternelle suggère une absence de relation entre elle et la dépression. La sensibilité était toutefois combinée avec d’autres comportements paternels. En s’appuyant sur les études réalisées chez les mères, une relation est attendue entre la dépression et la sensibilité parentale (Campbell et al., 1995, 2007; Mills-Koonce et al., 2008). Ainsi, il faut poursuivre les études sur la sensibilité paternelle pour mieux comprendre le lien entre elle et la dépression, mais aussi les rôles respectifs de la sensibilité et de la dépression maternelles et paternelles dans la prédiction des problèmes socioaffectifs de l’enfant. Il n’en demeure pas moins que l’existence d’une relation entre les pratiques paternelles et la dépression telle que démontré par la méta-analyse de Wilson et Durbin (2010) appui l’hypothèse d’une transmission intergénérationnelle de la maladie mentale par le biais des comportements parentaux. Très peu d’études se sont toutefois penchées sur le rôle médiateur des pratiques paternelles dans la relation entre la dépression paternelle et la santé mentale de l’enfant. Ces études sont recensées ci-dessous. Une première étude réalisée par Ramchandani et ses collègues (2010) s’est penchée sur le rôle de l’implication paternelle (N = 5064). Lorsque l’enfant était âgé de 8 mois, les pères ont rempli l’Edinburgh Postnatal Depression Scale (EPDS), un questionnaire mesurant les symptômes dépressifs. À 18 mois, l’implication paternelle a été rapportée par les mères à l’aide d’une entrevue. Enfin, les problèmes comportementaux de l’enfant ont été mesurés à 6 ans à l’aide du Strenghts and Difficulties Questionnaire (SDQ), complété par la mère. Les résultats de cette étude indiquent que les enfants de pères déprimés présentent plus de problèmes de comportement (r = .12, p < .01) de même que les enfants de pères qui 13
s’impliquent moins (r = -.13, p < .01). Les résultats suggèrent également l’existence d’une association significative entre la dépression paternelle et l’implication du père (r = -.07, p < .01). Ainsi, la relation entre la dépression paternelle et les problèmes de comportement de l’enfant pourrait, de façon plausible, passer par l’implication paternelle, mais les auteurs de cette étude n’ont pas effectué d’analyses de médiation. Le rôle médiateur de l’implication paternelle dans la relation entre la dépression paternelle et les problèmes comportementaux de l’enfant a fait l’objet d’une autre étude réalisée sur 8401 dyades père-enfant. La dépression a été mesurée à l’aide de l’EPDS huit semaines et huit mois après la naissance de l’enfant. L’implication des pères a été mesurée à l’âge de 18 mois auprès des mères à l’aide d’une entrevue. Les problèmes comportementaux de l’enfant ont été mesurés à l’aide des questionnaires Rutter revised preschool scale (3 ans 1/2) et SDQ (3 ans 1/2 et 7 ans), complétés par les mères. Les analyses de médiation effectuées révèlent que la relation entre la dépression paternelle et les problèmes de comportement de l’enfant à 3 ½ et 7 ans s’expliquent en partie par le degré d’implication du père (Gutierrez- Galve et al., 2015). Les symptômes dépressifs du père étaient associés à une plus faible implication paternelle qui était à son tour associée à plus de problèmes comportementaux chez l’enfant. Ces résultats soutiennent le rôle des comportements paternels dans la transmission intergénérationnelle de la maladie mentale. Pour leur part, Velders et ses collaborateurs (2011) se sont intéressés aux comportements d’hostilité des parents et à leur rôle dans la relation entre la dépression parentale et les problèmes internalisés et externalisés de l’enfant (N = 2698). Les symptômes dépressifs et l’hostilité des parents ont été mesurés à l’aide du Brief Symptom Inventory à 20 semaines de grossesse, puis à nouveau lorsque l’enfant était âgé de 3 ans. Le CBCL a été administré aux deux parents à 3 ans, puis une moyenne des scores obtenus a été créée. Les résultats de cette étude démontrent que la relation entre la dépression parentale et les problèmes internalisés et externalisés chez l’enfant disparaît lorsque l’hostilité des parents est prise en compte. Ce phénomène se retrouve à la fois chez les pères et les mères et souligne le rôle de l’hostilité parentale dans la transmission intergénérationnelle du risque psychopathologique. L’hostilité parentale était toutefois mesurée par le biais du même 14
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