Le spectacle musical jeune public - La Sacem
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
SACEM LE SPECTACLE MUSICAL JEUNE PUBLIC 3 La création musicale jeune public dans tous ses états PHILIPPE ANESSAUT En quelques décennies, la musique jeune public n’a cessé d’évoluer, de grandir et de conquérir le cœur des enfants comme de leur entourage. À l’origine apanage d’une poignée d’auteurs, de compositeurs et d’interprètes, NICOLAS MARC elle est devenue un formidable espace de création et d’expression pour ÉDITEUR de nombreux artistes, collectifs et compagnies, portée par une communauté professionnelle de plus en plus vaste, associant publics, artistes, professionnels de l’enfance, de l’éducation et de la culture. Elle doit aussi son essor au fort désir des familles de permettre aux enfants de grandir en musique et à une aspiration légitime à accéder à des activités d’éveil culturel et artistique dès le plus jeune âge. L’objectif de ce supplément est de proposer une synthèse permettant d’explorer et de mieux appréhender ce domaine de la vie culturelle, toutes esthétiques et formes confondues, qui conjugue enfance, art, culture et divertissement. Il veut mettre en lumière l’extrême richesse et diversité de l’offre artistique, les singularités et les problématiques liées à cet « écosystème » passionnant, les évolutions des pratiques culturelles et les débats actuels autour de ce champ artistique et culturel. Il veut aussi formuler des pistes nouvelles pour améliorer la prise en compte de la création musicale pour le jeune public dans les politiques d’action culturelle, sociale et familiale en direction de l’enfance. On y trouvera ainsi des repères multiples et utiles sur les artistes qui incarnent ce secteur, son répertoire, ses réseaux, ses lieux, ses festivals, sur l’éducation artistique et culturelle… et des informations indispensables pour bien comprendre la situation actuelle et spécifique de la musique jeune public, ses enjeux et ses prochains défis. On y verra avec enthousiasme la confirmation d’une réelle dynamique, souvent loin des projecteurs et des estrades médiatiques, et d’une mobilisation croissante de tous ceux qui s’engagent pour promouvoir la place de la création musicale pour l’enfance dans nos vies. La musique jeune public n’a pas fini de séduire. Voilà un supplément pour se projeter dans l’avenir et participer à l’invention d’un futur possible. En musique, naturellement ! AUTOMNE 2021
4 Un répertoire en plein essor Des pionniers de la création à l’adresse du jeune public aux nouveaux venus, le paysage de la création musicale s’est considérablement ouvert et diversifié au cours de la dernière décennie. D ans le paysage de la création de spec- tacle vivant, le secteur jeune public est en développement constant, en tous lieux, dans tous les types de réseaux et d’équipements, partout sur le territoire. Ancrée dans l’univers de l’enfance, la création musicale s’est inscrite dans cet élan. Il faut le reconnaître, la musique, et notamment la chanson, ont longtemps été sous-estimées dans le paysage professionnel. La faute, peut-être, à la surexposition PATRICE NORMAND médiatique de quelques artistes plus portés sur la diffusion de masse que sur la recherche d’une réelle créativité. Dès lors, la musique pour le jeune public est restée assez longtemps à l’écart, ou sous-repré- sentée, dans les grands festivals du secteur comme Tamao, par la compagnie Mon Grand l'Ombre dans les programmations spécifiques. Pourtant son histoire est riche, et sans doute plus diversifiée qu’on ne l’imagine. Elle s’inscrit dans l’imaginaire collectif Des pionniers aux héritiers au même titre que le conte, auquel elle est parfois liée. Steve Waring, Henri Dès, Gilles Diss, Les Octaves, Le Carnaval des animaux, de Camille Saint-Saëns, Jacques Haurogné ou encore Anne Sylvestre sont Pierre et le loup, de Prokofieff, Le Petit tailleur, de des artisans qui ont touché des générations d’enfants Tibor Harsanyi, en témoignent dans leurs multiples devenus grands. Aujourd’hui encore, Agnès Chaumié versions et créations. Plus près de nous, Piccolo Saxo est un conservatoire vivant du patrimoine national et compagnie est une œuvre qui, comme celles pré- de comptines et autres petites chansons enfantines. cédemment citées, tisse un lien entre les générations En 1987, elle s’associe à Hélène Bohy pour réaliser et relève, dans l’intimité de la cellule familiale, de la À tire d’aile, un album qui depuis n’en finit plus d’être transmission de parents à enfants, voire de grands- diffusé. On se souvient aussi de l'accordéoniste vaga- parents à petits-enfants. Côté chanson, les pionniers bonde du spectacle Flash Circus, de la compagnie (Anne Sylvestre, Steve Waring…) ont laissé cette Flash Marionnettes. Depuis, Tartine Reverdy a pris même empreinte au sein même des familles. Leurs ti- son envol et a constitué sa propre équipe. tres s’écoutent et se transmettent aux plus jeunes. La chanson est encore reine de l’offre musicale pour Lorsque l’on se penche sur ce paysage de la création le jeune public. Parmi les incontournables, il convient jeune public, on s’étonne de son étonnante diversité. de citer notamment Aldebert, Pascal Parisot, Alain Toutes les expressions musicales ont fait l’objet Schneider, Petrek, Vincent Malone, Sophie Forte, de projets spécifiquement destinés à l’enfance et à Hervé Suhubiette, Virginie Caprizzi, Manu Galure, la jeunesse, des formes les plus classiques (comptines, Pascal Peroteau, Jacques Tellitocci, David Delabrosse théâtre musical, opéras, concerts symphoniques…) et David Sire... Certains misent sur la poésie des textes, à une création résolument contemporaine (musique tandis que d’autres imprègnent leur univers musical et chanson française, pop-rock ou électro, spectacles d’humour et de dérision. Tous se sont essayés dans pour les bébés, musique contemporaine…). l’adresse à un jeune public. LA SCÈNE SUPPLÉMENT 102
SACEM LE SPECTACLE MUSICAL JEUNE PUBLIC 5 Des scénographies groupe Mystère trio, Virginie Capizzi ou encore l’ONJ transformées (Orchestre national de jazz) qui, avec Dracula, a signé en 2019 le premier spectacle jeune public de l’histoire Aux côtés des grandes figures du secteur, qui résistent de l’orchestre. avec talent depuis plus de vingt ans contre cette mas- Aldebert était surtout connu des jeunes parents pour sification de la culture musicale sont venus s’adjoindre être un talent émergent de la nouvelle chanson fran- d’autres artistes engagés dans une réflexion, souvent çaise. Il l’est désormais de leurs enfants depuis la sortie nouvelle pour eux, sur l’adresse à l’enfant. Parfois sou- d’Enfantillages, qui propose une synthèse de son uni- tenus en cela par différents dispositifs d’éducation vers musical. D’autres artistes l’ont accompagné dans artistique, des aides à la création et à la diffusion, et cette aventure musicale, tels Renan Luce, Amélie-Les- par quelques festivals militants (ainsi les Francos Crayons, Clarika ou encore les Ogres de Barback. Juniors, Tout Ouïe, Babel minots, le Festi’Val de Marne Quant à Florent Marchet, s’il ne l’a pas défendu sur avec le Refrain des gamins...), ils ont su innover. Pour scène, son Coquillette la mauviette né d’une nouvelle la première fois depuis longtemps, des auteurs-inter- collaboration avec l’auteur Arnaud Cathrine – et prètes jusque là plus connus des parents que des en- quelques autres comme Jeanne Cherhal, Valérie fants (Mathieu Chedid, Florent Marchet, Guillaume Leulliot ou Mathieu Boogaerts – reste l’une des plus Néry…) s’investissaient dans les productions à desti- jolies productions de la dernière décennie. Citons nation du plus jeune public. Le succès d’Aldebert aussi les croisements artistiques proposés par Ignatus et de quelques autres illustre bien cette « nouvelle et les frères Makouaya sur scène, permettant aux vague » de la création musicale jeune public, ancrée petits Européens de comprendre et d’apprécier les dans les sons d’aujourd’hui, avec une exigence d’écri- sonorités des musiques traditionnelles de l’Ouest afri- ture et, de la même manière que dans le théâtre, des cain, ou encore le travail du groupe Entre deux caisses titres qui s’adressent autant aux enfants qu’à leurs sur le répertoire d’Allain Leprest. Aujourd’hui, d’autres parents. Certains ont connu un succès mitigé en ne écritures s’inventent. Tout récemment l’auteur- cherchant qu’à adapter leur écriture à ce public. Mais interprète suisse Polar s’est associé à l’auteur Fabrice la plupart ont bien saisi la nécessité d’une adresse spé- Melquiot pour un album intégralement écrit à quatre cifique à l’enfance, aussi bien dans le choix des thèmes mains. Une voie nouvelle s’ouvre ici. Les frontières abordés que dans celui des textes, du récit qui se dé- deviennent moins hermétiques, les artistes de diffé- ploie tout au long du spectacle. Les scénographies ont rents univers se croisent sur un même projet, comme évolué, se sont nourries de ce qui s’inventait dans le dans l’opéra contemporain La Chambre à airs, dont théâtre jeune public. D’abord inscrites dans l’univers le livret a été confié à l’autrice Karin Serres, dans une du merveilleux, elles sont allées explorer d’autres mise en scène de Christian Duchange, et la compo- mondes, plus proches sans doute du quotidien des sition à Yannaël Quenel. enfants : le cadre familial, la chambre, l’école… De la pop, du rock, Les nouveaux venus de l’électro… Venus de la chanson « adulte », de plus en plus d’artistes La frontière est parfois mince entre la chanson et la s’essaient au jeune public. Pour certains, cela passe pop, et Catherine Vincent, avec ses contes de Mal- par la reprise du répertoire d’un artiste. Les Bobby mousque raconte une histoire aux accents très rock. Rangers, alias Nicolas Jules, Evelyne Gallet, Imbert Côté concerts, les Wackids sont désormais incontour- Imbert, Roland Bourbon et Jeanne Garraud ont ainsi nables tandis que Presque oui s’est lancé tout récem- repris Boby Lapointe pour leur spectacle Lapointe ment dans l’aventure jeune public. Et côté musiques repiqué. Et sur Wanted Joe, Ben Ricour, Laurent urbaines, Panique au bois béton secoue les foules, lors Madiot et Cheveu s’amusent avec les chansons de de ses concerts, tout comme le MJM (Ministère de la Joe Dassin, là où, dans une formation à peine rema- jeunesse et de la magouille) dans un registre résolu- niée, Gainsbourg for kids (Cheveu, Ben Ricour et ment rock. On trouve ici des productions léchées, François Guernier) a rencontré pareil succès. Il faut accordant beaucoup d’importance à la scénographie aussi noter dans cette veine Tom Poisson, ou encore des spectacles, à l’image du projet The Wolf Under Antoine Sahler et Eddy La Gooyatsh. Et s’il est peu the Moon porté par The Bones, aventure jeune public représenté en jeune public, le répertoire jazz compte de plusieurs membres de l’ex-groupe à succès The par exemple Les Voilà voilà jazz en format quartet, le Bewitched hands. AUTOMNE 2021
6 à l’adolescence que va s’écrire un nouveau chapitre pour la musique à l’adresse des jeunes publics. Et les bébés ? La musique est indissociable du temps d’enfance, tant D. R. par les premières actions d’éveil artistique, en crèche Bonobo, par la compagnie Fracas ou à l’école, que par la pratique musicale ou celle de spectateur. Les premiers projets jeune public, ceux L’électro n’est plus l’apanage des adultes. De plus en qui sont pensés à l’adresse des tout-petits dès 6 mois, plus d’artistes s’intéressent à ses développements dans sont souvent musicaux. Les créations des pionniers le champ du jeune public. Les aventures de Rick le en la matière (Laurent Dupont, Florence Goguel, Cube, de Sati, mêlent musiques électroniques et ani- Agnès Desfosses…) allient la musique au mouvement. mation. Ces ciné-concerts sont proposés tant sur les Le son capte l’attention, il la maintient, il éveille scènes de musiques actuelles que dans les festivals l’imaginaire tout autant, et peut-être même plus que pluridisciplinaires dédiés aux jeunes publics. Le Belge le regard. De 6 mois à 12 ou 13 ans, avant que ne André Borbé invente lui aussi des spectacles musicaux s’affirment les goûts et les choix du jeune adulte, la et visuels, composés à l’aide de tablettes numériques. musique est omniprésente dans le paysage de la créa- Autres artistes jouant avec les genres, Chapi Chapo, tion et dans l’environnement de l’enfant au spectacle. qui imaginent des ciné-concerts mêlant mélodica, Elle en constitue bien souvent le fil rouge, celui qui piano, guitare et jouets musicaux. Côté ciné-concert supporte une narration, qui est le véhicule des pre- la palette est large et ici aussi très diversifiée, allant mières émotions au théâtre. Si le regard s’attache au des créations électro pour tout-petits (à partir de récit, l’oreille est guidée par le son. Il est d’ailleurs à 2 ans) de La Féline sur Les Belles plumes, aux accents noter que cette création est aussi celle qui s’est nourrie pop de Sébastien Capazza sur Bonobo, une création le plus du frottement avec la musique contemporaine, inédite sur un scénario et des dessins d’Alfred. L’image sous l’impulsion de Laurent Dupont et de ses colla- peut être plus rock, plus sombre, et soutenir un propos borations avec l’Ircam. Dans ce paysage, le texte fait plus engagé comme dans Muances, le concert aussi son apparition, dans une adresse croisée à l’enfant augmenté pour adolescents de Camille Rocailleux et au parent, comme dans Chansons d’amour pour ton (compagnie Ever) sur des images évoquant le magma bébé, un projet destiné aux tout-petits et à leur de peurs millénaristes qui circulent sur la Toile. entourage, porté par les mots de la chanteuse Julie Le projet est singulier et il s’agit là d’une exploration Bonnie (ex-Dolly, mais aussi ancienne auxiliaire nouvelle pour la musique à l’adresse du jeune public. de puériculture). Ici aussi, la recherche artistique se Les thématiques abordées sortent de l’univers habituel poursuit et de nouvelles voies seront sans nul doute de ces créations (la maison, l’école ou le collège, la re- explorées dans les années qui viennent, à l’image du lation aux autres…) pour toucher ici à une plus grande travail d’artistes comme Isabelle Aboulker ou Coralie universalité. La frontière jadis hermétique entre Fayolle. le théâtre et la musique devient poreuse. Lorsque On le voit, le paysage mouvant de la création mu- Florence Lavaud (compagnie Chantier théâtre), pre- sicale jeune public est en pleine transformation. mier Molière jeune public de l’histoire, crée Songe !, L’adresse au tout-petit comme à l’adolescent, les écri- d’après Shakespeare en 2018, elle réunit autour d’un tures croisées, l’intérêt des musiciens classiques ou seul et unique comédien une formation rock classique contemporains pour ce répertoire, les passerelles avec guitare-basse-batterie pour une œuvre puissante où des artistes venus de la chanson « adulte »... Toutes la violence des sentiments exprimés le dispute à la ces évolutions concourent à élargir la palette de l’offre rage d’une musique qui devient elle-même actrice du faite aux familles ou à l’école. L’espace d’inventivité récit. Comme pour le théâtre jeune public voici est immense, cette aventure musicale dans l’univers quelques années, c’est dans cette adresse spécifique de l’enfance ne fait que commencer. CYRILLE PLANSON LA SCÈNE SUPPLÉMENT 102
SACEM LE SPECTACLE MUSICAL JEUNE PUBLIC 7 Leur vision du secteur Delphine Lagache, directrice artistique du label Dans la forêt Le secteur a-t-il changé ces dernières années ? Depuis le milieu des années 2000, la musique D. R. D. R. à l'adresse des enfants s'épanouit dans des champs nouveaux. Des artistes, comme Pascal Parisot notamment, ont contribué à créer un nouveau répertoire, Marc Caillard, président artistiquement plus proche de ce que les adultes écoutaient. d’Enfance et Musique Wanda Sobczak, Quel est l’impact de la crise sur le secteur ? responsable du secteur Chez nous, cela a eu un impact très fort sur les ventes. spectacles Mais elle a également eu un impact positif d’un point de vue créatif, beaucoup d’artistes ont pu développer des projets. Le secteur a-t-il changé ? On note une réelle Quelles évolutions appelez-vous de vos vœux ? professionnalisation des artistes, Une évolution primordiale serait de donner la possibilité avec cette prise de conscience et les moyens de la création aux artistes. Il ne faut pas croissante que le langage et la considérer, et c’est trop souvent le cas, que c’est un travail musique sont depuis toujours au cœur modeste parce que nous nous adressons à des petits. C’est du développement des très jeunes très exigeant. La création musicale à destination des enfants enfants. Mais également plus et de leur famille mérite d'être mieux connue et reconnue ! d’interdisciplinarité et de croisements entre des univers, et une présence de Mathilde Rubinstein, plus en plus forte de la musique dans co-directrice artistique du festival les lieux de vie des enfants. Le répertoire s’est aussi développé : jazz, Tous en Sons (Marseille et sa région) lyrique, musique contemporaine… Le secteur a-t-il changé ? Le secteur est constamment en évolution, L’impact de la crise ? Évident pour tout le monde avec AUGUST dans la mesure où il ne cesse de se structurer, de se professionnaliser et d'être de plus une fragilisation des artistes et une en plus visible. La pandémie a joué un rôle à la fois de mise en attente de leurs créations. catalyseur de cet élan, et de révélateur de la fragilité de ce Heureusement, pour le très jeune secteur. public, l’impact a été plus limité car de nombreux lieux non dédiés, Quel est l'impact de la crise sur le secteur ? comme les crèches, sont restés Il y a comme pour tous un goulot d'étranglement auprès ouverts. des salles de spectacles, qui veulent honorer les reports des saisons précédentes et ne peuvent souvent pas accueillir Quelles sont les évolutions ces nouvelles propositions. souhaitables ? Amplifier la multiplication des lieux Quelles évolutions appelez-vous de vos vœux ? de diffusion, et des lieux non dédiés. Que le CNM porte haut et loin la réflexion en matière La musique et la création artistique de production et de diffusion de spectacles musicaux pour pour le très jeune public doivent le jeune public, et qu'il en fasse l'une de ses priorités. continuer d’investir l’espace public. AUTOMNE 2021
8 « Encourager les parents à écouter de la musique avec leur bébé » Sophie Marinopoulos, psychologue et psychanalyste spécialiste de la famille, a démontré l’apport de l’éveil culturel dans le développement global de l’enfant. Elle décrit l’importance de se familiariser à la musique dès le plus jeune âge. Dans le rapport sur l'éveil culturel de gestation. Toutes ces recherches nous sont utiles et artistique des enfants que vous avez pour nourrir le bébé de culture, mais pas dans le but rendu au ministère de la Culture en 2019(1), de vouloir le rendre performant et efficace. J’en appelle vous développez la notion de « santé à une politique d’attention sans intention. culturelle ». De quoi s’agit-il ? Les enfants ont des Avez-vous découvert des expérimentations besoins pour grandir qui d'éveil musical qui mériteraient d'être vont au-delà des centimè- étendues sur le territoire ? tres et du poids attendus. Les expérimentations du chant ou de la musique La santé culturelle s’ap- dans des lieux de naissance ou dans les services plique à parler des besoins de prématurité sont particulièrement intéressantes. fondamentaux du petit Des associations s’y appliquent depuis des décennies humain centrés autour de et nous leur devons beaucoup car elles participent la notion d’éveil. L’éveil à la qualité des liens précoces parents/enfant. Encou- précède l’éducation, il rager les parents à écouter de la musique avec leur permet au tout-petit de bébé ou à lui chanter une berceuse, le rendre attentif, faire des acquisitions sur dans les premières années de sa vie, aux chants qui D. R. lesquelles s’appuyer pour l’entourent (les oiseaux, le vent dans les arbres, les entrer dans les apprentissages, et il a besoin d’être vagues, la pluie…) est un message de santé publique nommé pour exister. Mon rapport veut le mettre au que la santé culturelle porte. cœur des besoins de l’enfant, pour le voir inscrit un jour dans les grands textes des droits humains. Certaines préconisations de votre rapport ont-elles été mises en place ? Le fait d'écouter de la musique, d'assister Des initiatives territoriales se sont emparées à des concerts ou spectacles musicaux de l’idée d’intégrer l’éveil culturel et artistique dans le dès l'enfance, permet-il de mieux grandir ? carnet de santé. La formation des professionnels de La lecture, le chant, la musique, le théâtre, les la petite enfance a été enrichie d’une approche sur la marionnettes… Tout cela concourt à faire grandir les question de l’éveil culturel et artistique des tout-petits. enfants, en leur proposant une approche sensible et J’avais aussi proposé que ces professionnels aient dans esthétique de leur environnement. Mais rappelons leur formation des moments d’expériences culturelles que déjà in utero le fœtus se familiarise avec les voix, personnelles, comme aller à l’opéra, au théâtre, au mu- les sons des langues et les mélodies qui composent sée, et cela n’a pas été retenu, mais les choses bougent. son bain sonore. Cette perception auditive contribue Nous devons poursuivre la réflexion, car prendre soin à son appétence à découvrir son environnement, et des bébés et de leurs parents est le meilleur chemin dès sa naissance il s’oriente vers les personnes en sui- pour construire une société pacifiée. vant le son de leur voix. Le bébé est d’ailleurs capable PROPOS RECUEILLIS PAR MARINE DURAND de distinguer la voix de sa mère de celle d’une autre (1) Une stratégie nationale pour la Santé culturelle – femme, ainsi qu’un air de musique ou un texte enten- promouvoir et pérenniser l’éveil culturel et artistique dus régulièrement au cours des dernières semaines de l’enfant, remis le 4 juin 2019 à Franck Riester. LA SCÈNE SUPPLÉMENT 102
SACEM LE SPECTACLE MUSICAL JEUNE PUBLIC 9 Une reconnaissance en devenir ? Alors que l’on a assisté ces dernières années à une explosion des programmations jeune public, la part des spectacles musicaux y demeure encore faible. Une situation imputable à plusieurs facteurs. Un manque d’interlocuteurs institutionnels Une compagnie ou un artiste qui souhaite monter une production musicale à destination de la jeunesse ne trouvera pas auprès des DRAC (directions régionales des Affaires culturelles) ou des collectivités des inter- D. R. locuteurs spécifiques aptes à soutenir sa démarche. Petits pas voyageurs, par Ceïba et Laura Caronni. « On ignore encore où classer des projets de ce type, alors on les place dans la case théâtre », souligne Bernadette Bombardieri, responsable du Pôle jeune Des propositions de moindre qualité ? public à l’Action culturelle de la Sacem. Dans un pays empreint de culture théâtrale, les directeurs de lieux, quant à eux, s’y intéressent peu, non pas tant par mé- Osons l’écrire : à la décharge des programmateurs, pris que par méconnaissance. « Quand nous leur par- force est de reconnaître que certaines propositions lons de théâtre musical, ils comprennent ce à quoi nous musicales, plus fragiles parce qu’apparues plus récem- faisons référence, mais dès qu’il s’agit d’un spectacle ment, n’atteignent pas toujours le niveau de qualité musical pas forcément narratif, ils sont moins à leur artistique espéré. Ou, en tout cas, sont perçues ainsi… aise », observe Vincent Niqueux, le directeur général « Nous avons assisté à des spectacles encore peu de JM France (ex-Jeunesses musicales de France). Ce accomplis sur le plan de la mise en scène comme du constat demande toutefois à être nuancé, comme en jeu des musiciens-comédiens », juge Estelle Derquenne, témoigne le directeur de l’Orchestre national de jazz, coordinatrice générale de Scènes d’enfance-Assitej Frédéric Maurin, qui en créant son premier spectacle France. Si les choses ont toutefois bien évolué, en ma- jeune public, Dracula, affirme avoir plutôt perçu « une tière d’écriture et de dramaturgie, de travail scénique forme d’engouement ». Rarement programmée dans et de scénographie, après une prise de conscience des festivals de jazz, cette production a en revanche salutataire, le chemin est bien enclenché. L’organisation tourné dans des théâtres de villes, des scènes conven- de master-classes et de sessions de formation, une tionnées et même des scènes nationales telles que La collaboration plus étroite entre artistes de la musique Ferme du Buisson (qui organise le festival Tout’Ouïe) et artistes de théâtre pourraient faire progresser encore ou la scène nationale d’Orléans. plus le secteur. AUTOMNE 2021
10 La production Des promesses et la diffusion pour l’avenir Si l’on souhaite voir émerger des créations bien Tout en continuant de diffuser le spectacle Dracula, conçues, il apparaît nécessaire que les artistes puissent l’Orchestre national de jazz travaille d’ores et déjà disposer de temps d’écriture et de recherche, d’accueils à un second, fruit d’une collaboration avec une com- en résidence, de moyens financiers et d’une mise en pagnie de marionnettes, qui devrait voir le jour en visibilité de leurs projets. C’est l’objet du Pôle jeune 2023. « Les échos sont très positifs de la part des pro- public créé en 2014 par la Sacem, qui dans le cadre grammateurs, beaucoup souhaitant s’impliquer en co- de son programme d’aides à la production accom- production », se félicite Frédéric Maurin, qui souhaite pagne une quarantaine de projets par an. De leur côté, en outre inscrire dans le cahier des charges de l’Or- les JM France s’efforcent de faire levier en organisant chestre l’adresse aux enfants et aux jeunes. Grâce à la des journées de repérage sur le territoire national, en réflexion engagée par différents réseaux, et notamment mettant à disposition des diffuseurs une sélection de RamDam qui offre la possibilité aux acteurs d’échanger spectacles musicaux, mais aussi en en produisant ou sur leurs pratiques, de se former et d’accéder à nombre coproduisant chaque année la moitié. Afin d’inciter de ressources, on est en droit d’espérer, à l’instar de à la production, la Sacem a initié le dispositif Salles Bernadette Bombardieri, que « les artistes puissent Mômes qui vise d’une part à encourager les salles à évoluer en même temps que les attentes de ce secteur. s’unir autour de coproductions, et d’autre part à per- D’ailleurs, nous pouvons constater que, dans la dyna- mettre aux spectacles de tourner sur un territoire mique impulsée ces dernières années grâce notamment autre que leur territoire d’origine. Par ailleurs, elle a à un accompagnement plus effectif du secteur, une récemment lancé un appel à candidatures pour des réelle transition qualitative des spectacles musicaux résidences de création de spectacles musicaux dans s’est opérée». MARIE-AGNÈS JOUBERT des théâtres d’Avignon, hors période de festival. « La qualité des productions musicales jeune public s’accroît » « Au sein du secteur jeune public, les acteurs de la musique n’étaient absolument pas représentés, ce qui posait un premier problème. Il leur manquait un espace où échanger et partager leurs interrogations. Par ailleurs, les rencontres professionnelles qui abordaient la thématique de la musique dédiée à la jeunesse se situaient toujours à l’endroit de la transmission, de l’action culturelle, mais jamais à celui de la création. En conséquence, la diffusion de spectacles musicaux demeurait marginale et, pour une majorité de lieux pluridisciplinaires, leur programmation relevait davantage de l’animation que de la création artistique. Dans le même temps, nous percevions une attente de la part des institutions, des compagnies, des salles et des diffuseurs. C’est afin d’y répondre qu’a été créé le réseau RamDam. La dynamique que nous avons impulsée a suscité de profondes remises en question sur des points essentiels : le travail en amont d’une création, les temps d’écriture et de résidence, la pertinence ou non d’une narration, la place de la mise en scène et de la scénographie, le positionnement du musicien… Cette réflexion a changé la façon d’envisager le spectacle musical jeune public. Aujourd’hui, la création musicale jeune public est plurielle et la qualité artistique des productions s’accroît, grâce à D. R. l’existence de dispositifs d’accompagnement et de moyens financiers Émilie Houdebine plus importants. De nouvelles dynamiques économiques et de et Camille Soler, co-fondatrices mutualisation se font jour, dont la plus intéressante est cette mixité du réseau RamDam des lieux qui s’engagent sur un projet : théâtres, SMAC, centres culturels, festivals… L’existence du réseau contribue également à modifier le regard des programmateurs qui peuvent désormais mieux repérer les créations. » LA SCÈNE SUPPLÉMENT 102
SACEM LE SPECTACLE MUSICAL JEUNE PUBLIC 11 « Permettre aux projets de s’inscrire durablement dans l’écosystème » 3 questions à François Besson, directeur de l’Action culturelle de la Sacem. D. R. Pourquoi avoir consacré, au sein de l’Action public et des médias. Cela a été, par exemple, le sens culturelle, un Pôle au jeune public ? de la création d’un Grand Prix Sacem dédié au Jeune Nous possédions une expertise avérée dans ce public, et l’on pourrait s’interroger sur l’absence totale domaine au sein du Fonds d’action Sacem, mais pas de valorisation de ce répertoire dans des rendez-vous de service dédié porteur d’une véritable stratégie comme les Victoires de la musique. de développement. Or, les enjeux étaient considérables au regard de l’approche parfois réductrice du réper- La crise actuelle va-t-elle changer la donne toire musical jeune public au sein de la filière et face en matière de soutien au secteur ? à un marché conditionné par la demande et pas Nous sommes confrontés à deux problématiques : nécessairement informé de toute la richesse de l’offre faire en sorte que les publics reviennent dans les salles de ce répertoire. Le spectacle musical ne bénéficie et aider les compagnies à trouver une place dans des pas, en effet, de la même reconnaissance que le théâtre programmations saturées, les directeurs de lieux se jeune public qui, lui, a su se structurer au fil des projetant aujourd’hui vers les saisons 2022-2023, voire années. En créant ce Pôle à mon arrivée à la Sacem, au-delà. S’ajoutent à cela les nouvelles initiatives, les mon objectif, partagé avec Jean-Noël Tronc et nouvelles écritures et les nouveaux modes de diffusion l’ensemble du conseil d’administration de la Sacem, que la crise a favorisés, que nous devons également a été de définir des priorités claires s’inscrivant dans soutenir et accompagner. Nous y travaillons avec la durée, apporter des moyens, mettre en place des l’ensemble des équipes. Mais à cette crise dramatique soutiens ciblés et ainsi aider des projets porteurs d’une s'ajoute une autre crise, elle beaucoup plus ancienne, réelle ambition artistique à s’inscrire durablement à savoir l’enseignement de la musique à l’école avec dans leur écosystème, directement ou en travaillant un problème de fond très français à savoir la hiérarchie avec les acteurs référents du secteur. La Sacem a entre les matières « régaliennes » et les matières ainsi été le premier organisme de gestion collective artistiques qui seraient accessoires. J’adhère pleinement à apporter une telle visibilité à ce répertoire, via des à la vision de Ken Robinson qui estime que la musique programmes d’aide spécifiques et la mise en place doit être considérée au même titre que le français, les d’une commission dédiée au jeune public. mathématiques ou l’histoire, afin de favoriser la créa- tivité des enfants. Sous l’impulsion de Jean-Noël Quelle est le rôle de cette commission Tronc, la Sacem a lancé il y a cinq ans les Fabriques jeune public ? à musique qui rencontrent un succès croissant auprès La commission se réunit deux à trois fois par an des enseignants et des créateurs et qui montrent et étudie les dossiers éligibles à nos programmes combien les enfants sont réceptifs et demandeurs de d'aides. L’objectif est de distinguer la richesse de l’écri- ces temps de création, dans tous les répertoires, qu’il ture, de la narration, la qualité de la scénographie et s’agisse de chanson, de jazz, de musique contempo- de soutenir la prise de risque artistique et financière. raine ou de musique à l’image. Or, le jeune public est Mais au-delà de ce soutien financier, notre action vise le public de demain. Conduire une politique ambi- à créer un cercle vertueux en faisant en sorte que les tieuse dans le domaine du jeune public recèle donc projets soutenus soient promus auprès des program- un enjeu vital pour maintenir une diversité culturelle mateurs et des diffuseurs – notamment via des aides qui fait toute la richesse de la création musicale. à la diffusion ou des appels à projets tels que le PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-AGNÈS JOUBERT dispositif « Salles Mômes » –, comme auprès du grand AUTOMNE 2021
12 Artistes d’aujourd’hui... et de demain Ils jouent la carte de la jeunesse et se mobilisent pour créer et défendre la musique jeune public. La sélection, forcément subjective et incomplète de La Scène. D epuis quelques années le spectacle musical jeune public est en plein bouillonnement, explosant les frontières de la création puisque la D. R. musique y croise volontiers le théâtre, les marionnettes, le cinéma ou la danse. Il est bien Serena Fisseau loin le temps où Pierre et le loup, Henri Dès ou Issue d’une famille de mélomanes « avec un Anne Sylvestre en étaient les uniques références. papa ayant été privé de sa voix » dont elle Aujourd’hui, toutes sortes de musiques et d’ambi- s’est inspirée pour son spectacle Nouchka, tieuses aventures sont dévoilées sur scène. Le spectacle Serena Fisseau, en une quinzaine d’années, musical crée du lien. Et le public, jeune et moins jeune, a fait entendre la sienne dans des projets familial ou scolaire, en redemande. variés. Ayant un goût affirmé pour les Au risque d’un « cocorico », cette richesse est très musiques du monde, c’est avec D’une île française. Notamment en chanson. Car aux côtés du à l’autre (600 représentations) que le public très populaire Aldebert existent d’autres artistes peu la découvre. Depuis, la chanteuse au timbre exposés – que font les médias ? – mais aussi singuliers : cristallin reconnaît qu’elle « creuse le sillon Alain Schneider, Tartine Reverdy, Anak Anak, Serena du jeune public » avec une exigeante légèreté Fisseau, Hervé Suhubiette... Ou Jeanne Plante, Söta et une épanouissante liberté. Ainsi, elle écrit, Sälta, Cyril Maguy, Eddy la Gooyatsh, Virginie Capizzi compose, conte et chante en plusieurs ou Yoanna chantant parallèlement pour le « vieux » langues comme dans le récent Warna, public. Un secteur « où les artistes ont la même les couleurs du monde, ciné-concert où elle exigence que pour les spectacles adultes, si ce n’est met à l’honneur ses origines indonésiennes. plus ! », s’exclame Pascal Parisot. Pascal Parisot À l’écoute des chansons de Pascal Parisot on est happé par sa gouaille et sa sincérité. « Ce qui m’intéresse c’est plus le ton que le sujet lui- même. Et faire passer des petits messages » dit-il. Tout a commencé en 2007 quand Céline Potard, créatrice de la collection Tintamarre (Milan) cherchait des artistes pour adultes ayant envie d’écrire pour enfants. « Je n’y aurais jamais pensé tout seul ! Et comme mon livre-CD Les pieds dans le plat a fait le buzz, on m’a proposé de faire de la scène. » Cinq spectacles plus tard, l’auteur-compositeur-interprète qui se définit KIKA TISBA comme « un fantaisiste » imagine une suite aux pieds dans le plat. Cerise sur le gâteau. LA SCÈNE SUPPLÉMENT 102
SACEM LE SPECTACLE MUSICAL JEUNE PUBLIC 13 Mais le spectacle jeune public ne se limite pas à la Un espace unique chanson. On trouve aussi nombre de compagnies de « Aller vers le jeune public me semble une nécessité théâtre musical dont le collectif Ubique, la compagnie pour lutter contre le vieillissement du public, et le Super-Chahut (créée par Tom Poisson), la Waide com- désintéressement des médias mainstream », explique pagnie, la compagnie du Porte-Voix, les spectacles de Frédéric Maurin, le directeur artistique de l’Orchestre Firmin et Hector ou d’Elise Reslinger. Ou des concerts national de jazz. « Afin que les enfants écoutent autre en images signés Jerem ou la compagnie Mon Grand chose que ce à quoi ils sont quotidiennement exposés. L’Ombre. Et puissent réfléchir à d’autres thématiques ». Dans un Du côté du jazz, des ensembles comme l’Orchestre format qui lui est propre. Ainsi, ce qui inspire les créa- national de jazz ou The Amazing Keystone Big Band, teurs musicaux semble être avant tout cet espace font de très intéressantes propositions, tout comme unique qui parle à l’intime de chacun. Mais aussi la batteuse Lydie Dupuis, la chanteuse Marion Rampal ou la pianiste Perrine Mansuy. Et les musiques actuelles ne sont pas en reste avec Mosaï et Vincent ou Tony Frédéric Maurin Melvil et Usmar. Quant au collectif L’autre moitié ou et l’Orchestre national de jazz Christine Audat, ils embarquent le public vers les mu- Dracula, premier jeune public de l’ONJ, « est une siques du monde. œuvre collective », lance son directeur artistique, Il existe aussi une vraie mobilisation du monde clas- Frédéric Maurin qui en a co-écrit la musique avec sique avec une belle transversalité des arts pour que Grégoire Letouvet, accompagné de Romain Maron cette musique dite « savante » arrive aux oreilles et et des deux comédiennes aux yeux des enfants. Ainsi de plus en plus d’ensembles Estelle Meyer et Milena baroques comme « La Rêveuse », « les Lunaisiens » se Csergo pour le texte, et montrent innovants en ce domaine. Sans oublier les de la metteuse en scène propositions de l’orchestre national de France ou de Julie Bertin. « C’est l’Ensemble Obsidienne. Et des actions comme Opéra une vraie motivation Junior à l’Opéra de Montpellier. La musique contem- de montrer aux enfants poraine, enfin, n’est pas en reste avec, entre autres, les un orchestre avec onze travaux de l’Ensemble Intercontemporain et ceux de personnes au plateau. compositeurs comme Marc Olivier Dupin, Coralie L’orchestre est un Fayolle, Julien Joubert, Thierry Lalo, Isabelle Aboulker, outil extraordinaire de démocratisation D. R. Nicolas Bacri écrivant aussi pour des ensembles vocaux d’enfants comme la Maîtrise de Radio France de toutes les musiques, ou le CREA d’Aulnay-sous-Bois. il s’y passe toujours quelque chose. » Pour cela, il fait en sorte que « les gens qui y travaillent soient heureux sur le projet, dans une forme de co-construction. Afin que tout le monde soit fier du résultat. » Ezequiel Spucches Ensemble Almaviva Musicien d’origine argentine et compositeur, Ezequiel Spucches fonde l’Ensemble Almaviva en 2003. Pianiste classique formé au conservatoire de Moscou, il croise la route d’Alfredo Arias pour son spectacle Concha Bonita. Là, il rencontre Jacques Haurogné qu’il accompagnera sur plusieurs spectacles de chansons pour le D. R. jeune public. Avant de se consacrer en tant que directeur artistique à son Ensemble « éclectique à géométrie variable et définitivement tourné vers la création contemporaine en lien avec l’Amérique Latine ». Actuellement en tournée avec un original Carnaval des animaux sud-américains, il enchaînera avec la création de Mon bel oranger, d’après le roman de Vasconcelos. Et en composera la musique. Entre autres projets. AUTOMNE 2021
14 sa liberté de ton, de forme, d’écriture et d’humour. restant très fragile, les spectacles sont encore souvent « Pour aborder des sujets de société qu’on pourrait en duos ou trios. Parallèlement aux demandes de croire plutôt s’adresser aux adultes, comme l’homopa- subvention (SACEM, CNM, collectivités…), ce sont rentalité », témoigne Aldebert. souvent les artistes eux-mêmes – avec ou sans pro- Les étapes de création suivent toujours sensible- ducteur – qui cherchent des endroits de résidence, ment le même schéma. « Même s’il n’y a pas de re- des coproductions. De plus en plus de théâtres ouvrent cette », comme le confie Séréna Fisseau. « Au départ, leurs portes à la création musicale. ce peut être une sensation, une phrase, un mot, une chanson, un thème. Ce que cela m’évoque. Et je fais Structuration progressive des recherches. Pour D’une île à l’autre, tout est parti Le secteur s’organise grâce à des producteurs- de Nina Bobo, berceuse que me chantait ma grand- tourneurs historiques comme les JMFrance. Ou mère. » Pour d’autres, ce sera un livre ou une théma- comme Traffix Music, Gommette Production, tique. L’économie de la musique pour le jeune public Victorie Spectacles (associé à 3C) ou l’Armada Marc Olivier Dupin Marc Olivier Dupin est « un compositeur heureux ». Très demandé et inspiré, il œuvre beaucoup pour le jeune public. « Je n’écris de la musique que pour des projets pluridisciplinaires, pour le théâtre, l’Opéra de Paris ou le cinéma muet, car j’aime mettre la musique en lien avec une autre expression artistique. » Ainsi ses nombreuses créations pour enfants, souvent d’abord en forme de livres-CD, sont données sur scène et vont de l’opéra comme Robert le cochon (livret d’Ivan Grinberg) à une nouvelle version du Petit Prince ou au Chat du rabbin avec Joann Sfar, avec orchestre et images projetées. Et il y tient aussi la baguette. D. R. Jeanne Plante Quand les poules auront des dents est le second Amélie-les-Crayons spectacle jeune public de Jeanne Plante. Amélie-les-Crayons n’avait jamais écrit et chanté « Au début, cela a pour les enfants avant ce grand livre-CD La été un vrai besoin Bergère aux mains bleues (Éd. Margot/Neômme) d’interprète de réalisé avec Pierre-Luc Grandjeon pour l’histoire chanter pour et Samuel Ribeyron aux illustrations. Coup d’essai, les enfants, parce coup de maître : il vient de recevoir le grand prix que j’avais envie de l’Académie Charles Cros. « L’histoire était dans de théâtraliser un tiroir et en la relisant, j’ai demandé à Pierre-Luc mon propos… de l’adapter pour les enfants. Nous avions très Et ce n’est pas envie de faire si courant dans un livre-disque le milieu de la comme ceux de chanson pour D. R. notre jeunesse. » adultes. Et moi je Pourtant pas sûr que m’amuse beaucoup quand je mets une énergie plus cette aventure audio forte. J’aime transmettre avec légèreté et joie pour arrive un jour sur mieux questionner en profondeur des sujets sérieux. » scène. « Je l’imagine Ainsi cette nouvelle proposition donne la parole plutôt sous forme de à deux amis (un petit garçon et son chien) qui ne THIBAUT DERIEN film musical comme sont pas d’accord sur le fait de manger ou non Chantons sous la de la viande. « Et moi j’adore ne pas être d’accord ! » pluie. » Dommage ! lance–t-elle dans un éclat de rire. LA SCÈNE SUPPLÉMENT 102
SACEM LE SPECTACLE MUSICAL JEUNE PUBLIC 15 Productions qui offrent des vitrines conséquentes aux artistes jeune public. D’autres artistes ont leur propre structure. Dans le même temps, d’inventives mani- festations se multiplient. Comme le festival Tous en Sons à Marseille. Ou la série « Etonnez vos oreilles », imaginée par Christophe Laluque (directeur du théâtre Dunois à Paris) et Ezequiel Spucches (Ensemble Almaviva), artiste associé, « pour partager avec des publics familiaux des démarches étonnantes autour YANN ORHAN de la découverte sonore ». Comme celle du composi- teur Bastien David et son métallophone circulaire. Car ainsi que le rappelle très justement Frédéric Mau- rin (ONJ), « Les enfants sont prêts à tout écouter ! » GILLES AVISSE Aldebert S’il y plus de dix ans, Aldebert chantait pour les adultes, c’est naturellement qu’il s’est tourné vers le jeune public : « ayant déjà beaucoup de chansons sur l’enfance, je me suis vite senti très à l’aise dans cette forme qui parle à trois générations. » Comme ses grands ainés aimés Anne Sylvestre et Steve Waring. Après plus de 600 000 albums vendus, débordant d’idées et d’énergie, le E. JACOBSON-ROQUES bouillonnant bisontin a mis à profit ses mois de confinement pour écrire deux disques : l’un Enfantillages 4 et l’autre en collaboration avec l’auteur de Mortelle Adèle, Mr Tan. Mais aussi faire des chroniques à la radio Leïla Mendez et préparer sa méga-tournée qui démarre et Sophie Laloy cet automne. Un phénomène. Cie Mon Grand l’Ombre « La compagnie Mon Grand L’Ombre est née alors que je mettais en Collectif Ubique musique des haïkus de Paul Claudel », Le collectif Ubique est avant tout une histoire de rencontre se souvient l’autrice-compositrice- entre Simon Waddell, théorbiste, luthiste, guitariste, Audrey chanteuse Leïla Mendez. Elle en parle Daoudal, comédienne, violoniste et Vivien Simon, chanteur, alors à son amie musicienne Sophie comédien, instrumentiste. « Le parti pris principal au départ était Laloy qui avait très envie de créer de prendre des contes très connus, Hansel et Gretel, La belle des images. « Ensemble on a inventé au bois dormant – et prochainement La petite sirène – de les une écriture dramaturgique très réadapter à notre façon, organique, pile au milieu de la de nous asseoir sur nos trois musique et du cinéma. » Artisanale chaises et de dire au public et joyeuse. « Et vite on s’est adressé “maintenant qu’on est assis au jeune public pour parler à tous on ne se lèvera plus ! Et les âges. » Aimant « les rêveries pourtant le spectacle va vous philosophiques », elles abordent embarquer ! » Avec musique des thèmes universels comme l’eau (le plus souvent) originale, (Tamao) ou humanité et animalité narration et dialogues d’une dans le prochain O Waouh. Et seront précision d’horloger. « Ce qui à la rentrée au Théâtre Dunois (Paris) nous guide, c’est le rythme. D. R. avec Muerto o Vivo. Et ce qui nous fait rire. » AUTOMNE 2021
Vous pouvez aussi lire