Le système bancaire italien : territoires, métiers et défis - HORIZONS BANCAIRES

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Le système bancaire italien : territoires, métiers et défis - HORIZONS BANCAIRES
HORIZONS BANCAIRES                              NUMÉRO 340 - NOVEMBRE 2010

Le système bancaire italien :
territoires, métiers et défis

http://etudes-economiques.credit-agricole.com
Le système bancaire italien : territoires, métiers et défis - HORIZONS BANCAIRES
HORIZONS BANCAIRES
N U M É R O   3 4 0   –   N O V E M B R E   2 0 1 0

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                                               Le système bancaire italien :
                                                territoires, métiers et défis

ÉDITO ...................................................................................................................................................................................................................... 3
JEAN-PAUL CHIFFLET, directeur général, Crédit Agricole S.A.

Les grandes tendances
Les caractéristiques du système bancaire italien :
évolution de l’activité et des performances ............................................................................................................................. 5
MARCELLO MESSORI, professeur, Université de Rome « Tor Vergata »

La concentration du marché bancaire italien : évolutions et perspectives                                                                                                                                ................................   11
ILARIA ROMAGNOLI, managing director, Head of FIG Italy, Rothschild

Banques et antitrust : les spécificités italiennes                                                                         .............................................................................................................   20
SERGIO EREDE, associé fondateur, Bonelli Erede Pappalardo
ET MASSIMO MEROLA, responsable du bureau de Bruxelles, Bonelli Erede Pappalardo ; professeur, Collège d’Europe

Le marché bancaire italien et l’évolution réglementaire de Bâle 3 ......................................................... 26
ANDREA FERRETTI, executive director, Ernst & Young
ET GIUSEPPE QUAGLIA, partner, Ernst & Young

Banques et territoires
Les relations entre banques et territoires après la Grande Crise de 2007-2009 ................ 38
GIOVANNI FERRI, professeur, Université de Bari

Le rôle des Banques de Territoire dans le système bancaire italien .................................................... 46
GIAMPIERO MAIOLI, administrateur délégué et directeur général du Groupe Cariparma Friuladria

Le rôle des fondations en tant qu’investisseurs institutionnels des banques ........................ 51
CARLO GABBI, président de la Fondation Cariparma

Les problèmes de financement des PME et leur accès aux marchés étrangers ............... 55
GIAMMARCO BOCCIA, responsable corporate, Division nouveaux marchés, SACE

Les métiers de la banque
Le marché immobilier italien ....................................................................................................................................................................... 58
DANIELA PERCOCO, responsable du département immobilier, Nomisma
ET LUCA DONDI, économiste, Nomisma
ET GUALTIERO TAMBURINI, président, Assoimmobiliare

La distribution bancaire en Italie : tendances actuelles,
scénarios d’évolution et stratégies concurrentielles ................................................................................................. 65
VITTORIO RATTO, partner, Bain & Company, Milan
ET ALESSANDRO GERALDI, manager, Bain & Company, Milan

Le crédit à la consommation en Italie ............................................................................................................................................ 71
Trois questions à UMBERTO FILOTTO, secrétaire général, Assofin ; professeur, Université de Rome « Tor Vergata »

La gestion d’actifs en Italie ........................................................................................................................................................................... 73
GINO GANDOLFI, professeur, Université de Parme
ET GIACOMO NERI, partner, PricewaterhouseCoopers

Le groupe Crédit Agricole en Italie ..................................................................................................................................................... 84
ARIBERTO FASSATI, directeur et membre du Comité exécutif du groupe Crédit Agricole S.A., président de Cariparma

Service aux lecteurs ............................................................................................................................................................................................... 87
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                                                  É   D   I    T   O   R   I   A   L

                                                      JEAN-PAUL CHIFFLET
                                        D IRECTEUR G ÉNÉRAL , C RÉDIT A GRICOLE S.A.

             Le Crédit Agricole a fait, depuis longtemps, le choix de l’Italie comme son second
             marché domestique. Cette évolution a été consolidée depuis 2007 par l’acquisition
             de Cariparma et de Friuladria, par la création de partenariats puissants en crédit à
             la consommation avec des acteurs majeurs du monde économique italien, puis par
             l’intégration croissante du dispositif comprenant les métiers spécialisés du groupe
             déjà présents sur place.
             Plusieurs raisons expliquent ce choix stratégique. La proximité géographique,
             mais aussi culturelle et commerciale avec la France, est évidemment une condition
             première de réussite. L’Italie présente aussi une configuration unique, en zone
             Euro, de marché mature à fort potentiel bancaire, que ce soit en termes de déve-
             loppement et de sophistication des produits bancaires et d’assurance, ou de
             consolidation à venir. Un ancrage régional marqué, la proximité des banques avec
             leurs clientèles et le développement de relations durables, ainsi que le rôle spéci-
             fique des fondations rappellent enfin les valeurs mutualistes du Crédit Agricole.
             Aujourd’hui, le Crédit Agricole est le septième groupe bancaire italien et le premier
             groupe financier étranger dans la Péninsule. Des positions de leader ont été
             acquises dans des régions ciblées et dans les métiers de la banque de détail, des
             services financiers spécialisés, de la gestion d’actifs et des assurances, et de la ban-
             que de financement et d’investissement.
             Notre volonté est de continuer à nous développer au service de l’ensemble de nos
             clients. Nous voulons leur apporter, grâce à notre souci permanent de proximité et
             grâce aussi aux avantages d’un groupe de dimension mondiale, une qualité de
             service exemplaire et des solutions innovantes et adaptées à leurs besoins.
             L’extension de notre dispositif de banque de détail avec l’acquisition de Cassa di
             Risparmio della Spezia et de quatre-vingt-seize nouvelles agences va dans ce sens.
             Les hommes et les femmes du Crédit Agricole en Italie peuvent donc être fiers du
             développement et des résultats de leur Groupe dans le pays et revendiquer les enga-
             gements et les valeurs du Crédit Agricole.                ◗

Ce numéro d’Horizons Bancaires est consacré à l’Italie. Une première partie rappelle les principales tendances du système bancaire
de la péninsule. Les évolutions liées à la crise sont mises en évidence et une large place est attribuée à la prospective. La seconde
partie aborde la thématique de l’ancrage territorial en identifiant ses fondements et en illustrant ses pratiques. Une troisième
et dernière partie développe l’analyse de quelques questions d’actualité : solidité de l’immobilier résidentiel, spécificités de la
distribution, de la gestion de l’épargne et du crédit à la consommation.

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Les grandes tendances

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Les caractéristiques du système
bancaire italien : évolution de l’activité
et des performances
                                                                   Même s’il a été relativement peu touché
                                                                   par la crise financière de 2007-2009,
                                                                   le système bancaire italien reste soumis
                                                                   à une forte pression en termes de
                                                                   rentabilité. Cet article en analyse
                                                                   les causes et propose des solutions
                                                                   structurelles pour y remédier.

                                                                   MARCELLO MESSORI
                                                                   Professeur, Université de Rome « Tor Vergata »

Préambule                                                          ter de manière significative. Qui plus est, les prévi-
Le secteur bancaire italien est, avec celui du Canada,             sions les plus optimistes soulignent qu’au cours des
celui qui a été le moins touché par la crise financière de         prochaines années, l’amélioration de la rentabilité ban-
2007-2009 par comparaison avec les autres pays                     caire (appréciée par le ROE) sera graduelle en Italie et
économiquement avancés. En Italie, aucun intermé-                  inférieure à celle des secteurs bancaires plus touchés
diaire financier n’a dû recourir à des aides publiques             par la crise.
pour assurer son sauvetage, et seuls quatre groupes                Apparemment contradictoires, ces faits trouvent une
bancaires ont jugé opportun de renforcer leur propre               interprétation cohérente à la lumière des nombreuses
capitalisation au moyen d’émissions limitées d’instru-             particularités qui continuent de caractériser le secteur
ments hybrides souscrits par le ministère de l’Écono-              bancaire italien, et qui sont l’un des legs des proces-
mie (les « Tremonti bonds »). Enfin, un seul parmi les             sus, par ailleurs positifs, de concentration et de réal-
plus grands groupes bancaires a procédé à une reca-                location des droits de propriété qui se sont déroulés
pitalisation sur le marché. Et pourtant, au cours des              entre le début des années 1990 et 2007.
deux dernières années, le secteur bancaire italien a               Nous rappellerons ci-après certaines de ces particu-
enregistré une réduction drastique de sa rentabilité et            larités : (i) la plus grande solidité manifestée face à la
les groupes cotés ont vu les cours de leurs actions chu-           crise financière s’explique par divers facteurs (par 왘

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왘 exemple, une plus grande vigilance), mais surtout par                  mis de construire des rapports de longue durée
  la spécialisation des groupes bancaires italiens et des                (accompagnés toutefois par des pratiques répandues
  banques italiennes dans l’activité retail et corporate tra-            de multibancarité) avec les petites et moyennes entre-
  ditionnelle, ainsi que dans l’activité de corporate and                prises, et de privilégier les produits administrés dans
  investment banking ; (ii) cette spécialisation implique que            la gestion du patrimoine financier des ménages. Trois
  ces groupes et ces banques tirent une partie signifi-                  indicateurs le révèlent clairement : l’Italie est l’un des
  cative de leurs profits des financements aux entrepri-                 rares pays européens à avoir augmenté le nombre des
  ses, et surtout de la gestion du patrimoine financier des              agences bancaires jusqu’à ces dernières années
  ménages, qui sont particulièrement vulnérables aux cri-                (cf. Affinito et al. 2006) ; le poids de l’épargne admi-
  ses de l’économie réelle ; (iii) la crise récente a été si pro-        nistrée par rapport à l’épargne gérée est très impor-
  fonde qu’elle a entraîné de fortes augmentations de l’a-               tant en Italie (cf. Lusignani 2010) ; enfin, au seuil de la
  version au risque de la part des détenteurs de richesse.               crise financière, tandis que les actifs du bilan des aut-
  Ce dernier point a imposé, par voie de conséquence,                    res grandes banques européennes et de diverses
  une révision des mécanismes d’allocation des patri-                    banques régionales non italiennes étaient dominés
  moines financiers des ménages.                                         par des services financiers souvent exposés à un ris-
                                                                         que très élevé, les actifs des grands groupes bancai-
  Quelques particularités                                                res italiens (y compris ceux d’envergure européenne)
  des banques italiennes                                                 se composaient pour une part prépondérante de ser-
  Le processus de concentration et de réallocation des                   vices traditionnels (cf. Pierobon 2009).
  droits de propriété qui a caractérisé le secteur bancaire              En raison de cette spécialisation, le secteur bancaire ita-
  italien entre les années 1990 et 2007, a été le plus rapi-             lien satisfaisait en 2007 aux exigences de fonds pro-
  de et le plus étendu de ceux qui ont été mis en œuvre                  pres réglementaires, mais présentait un coefficient de
  dans les grands pays européens pendant la même                         capitalisation inférieur à la moyenne européenne. Ici
  période. Il suffit, à ce propos, de considérer deux                    encore, cette situation est la résultante – au moins en
  indicateurs :                                                          partie – du processus de concentration : en effet, spé-
  • alors qu’au début des années 1990, le poids de la                    cialement entre le second semestre 1997 et l’année
  propriété publique dans le secteur bancaire frôlait les                2007, les concentrations se sont largement fondées sur
  75 % en Italie, et dépassait donc de plus de 20 % celui                des échanges d’actions qui n’ont pas renforcé les
  observé en Allemagne et de près de 40 % celui enre-                    fonds propres des nouveaux groupes. En outre, une
  gistré en France, la présence de l’État dans les banques               partie significative des ressources supplémentaires,
  italiennes s’est trouvée pratiquement réduite à zéro au                pourtant relativement limitées, qui ont été injectées
  début des années 2000 ;                                                dans le secteur au cours des années 90 a servi à
  • alors qu’en 1990, le degré de concentration du                       financer des mesures de sauvetage. De fait, déjà pen-
  marché bancaire italien atteignait tout juste la moitié de             dant la première phase de la crise financière (début
  celui de l’Union européenne, cet écart a été comblé à                  2008), l’ensemble du secteur bancaire italien enregis-
  partir de 2005 (cf. par exemple : Messori 2002 et                      trait un ratio Tier 1 inférieur d’environ un demi pour cent
  2007). De surcroît, ce processus de regroupement a                     à la valeur moyenne européenne. Cet écart s’est ensui-
  abouti à la construction de deux des plus grands                       te accentué, jusqu’à atteindre deux pour cent entre l’au-
  groupes bancaires européens (Unicredit et Intesa-                      tomne 2008 et le printemps 2009, au moment où les
  San Paolo), et d’un sous-ensemble de groupes de                        autres grands pays de l’Union européenne lançaient
  dimension nationale implantés dans les régions les plus                des plans de recapitalisation publique en faveur de leurs
  « fortes » du pays. Ces transformations profondes                      intermédiaires financiers, y compris ceux qui étaient sol-
  n’ont cependant pas modifié l’atout majeur qui carac-                  vables (cf. Banque d’Italie 2009 et 2010). Ce n’est
  térise l’activité bancaire en Italie par comparaison                   qu’au cours des derniers trimestres que les banques
  avec d’autres pays : l’enracinement territorial qui a per-             et groupes bancaires italiens ont augmenté leurs coef-

                                                                     6
Les caractéristiques du système bancaire italien : évolution de l’activité et des performances
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ficients de fonds propres pour les rapprocher de                      outre, il faut rappeler que, pendant la seconde moitié
la moyenne européenne. Néanmoins, en termes de                        des années 1990, le ratio prêts/dépôts bancaires est
levier financier, la vocation traditionnelle du secteur               resté largement supérieur à 1 en Italie, et plus élevé que
bancaire italien a plus que compensé sa moindre capi-                 le ratio moyen observé dans la zone euro et – à plus
talisation : jusqu’en 2008, le taux moyen de leverage                 forte raison – aux États-Unis (cf. Messori 2009, pp. 81-
du secteur bancaire italien a été inférieur à celui qui               82). À partir du début des années 2000, l’évolution de
caractérisait les autres principaux pays de l’Union                   ce ratio en Italie a eu pour conséquence que les fonds
européenne (cf. Draghi 2010 ; Sironi 2010).                           propres n’étaient plus suffisants pour compenser les
                                                                      écarts entre les postes traditionnels de l’actif et du pas-
La rentabilité des banques italiennes                                 sif des bilans bancaires. Par conséquent, toutes les
Les considérations qui précèdent expliquent peut-être                 banques italiennes sont devenues débitrices nettes
la solidité relative du secteur bancaire italien face à l’im-         des marchés interbancaires internationaux. Enfin, l’on
pact de la crise financière de 2007-2009. Cependant,                  doit rappeler que, renforçant leur précédente fonction
elles ne suffisent pas à alimenter la réflexion sur l’évo-            de réallocation de la richesse financière des ménages
lution possible de ce secteur dans l’après-crise. À cet               pour passer des titres de dette publique à des porte-
effet, il est nécessaire de rappeler deux autres parti-               feuilles plus diversifiés, les banques italiennes ont placé
cularités : d’une part, la dynamique de la rentabilité du             un volume massif d’obligations (plain vanilla et struc-
secteur entre la fin des années 1990 et le début des                  turées) sur les marchés financiers nationaux. De plus,
années 2000 ; d’autre part, le rôle connexe joué par l’in-            en raison du faible poids des investisseurs institution-
termédiation bancaire pour l’allocation de la richesse                nels italiens (fonds de pension et produits d’assuran-
financière des ménages italiens.                                      ce de la « branche vie »), à la différence d’autres pays
Après avoir surmonté la longue crise du milieu des                    européens, ces obligations ont été largement ven-
années 1990, le secteur bancaire italien a enregistré                 dues sur le marché retail, c’est-à-dire intégrées dans
entre 1998 et 2000 une forte croissance du ROE net                    les portefeuilles des ménages (cf. Banque d’Italie, pour
(de 7,4 % à 11,6 %) et s’est donc rapproché de la pro-                ces différentes années).
fitabilité moyenne européenne. En dépit d’un contex-                  Si l’on ajoute que l’Italie affiche le ratio le plus élevé de
te macroéconomique moins favorable, il a maintenu                     tous les plus grands pays d’Europe continentale entre
entre 2001 et 2003 des valeurs de ROE comprises                       la richesse financière nette des ménages et le PIB (cf.
entre 6,2 % et 8,8 %, et il a réalisé, entre 2004 et                  Banque d’Italie 2010, p. 167), les observations qui
2007, des ROE oscillant autour de 10 %, pour en arri-                 précèdent indiquent que la rentabilité du secteur ban-
ver au seuil de 11,8 % en 2006 (cf. Banque d’Italie, pour             caire italien s’est surtout maintenue par rapport à la
ces différentes années). Ces données indiquent que,                   moyenne européenne grâce à la gestion et à l’admi-
bien qu’il n’ait jamais atteint les niveaux maxima de la              nistration de la richesse financière des ménages. C’est-
rentabilité bancaire internationale, le secteur bancaire              à-dire d’abord grâce à l’« épargne gérée », puis à
italien s’est tout d’abord approché de la rentabilité                 l’« épargne administrée ». Tandis que les grands grou-
moyenne des banques européennes, puis il s’est ali-                   pes européens et certaines banques régionales, spé-
gné sur celle-ci. Dès lors se pose la question suivan-                cialement allemandes, ont réagi à la baisse du rende-
te : comment les banques italiennes ont-elles été en                  ment de leurs activités traditionnelles et ont ainsi
état de combler cet écart de rentabilité tout en main-                augmenté leur ROE grâce à l’expansion d’activités de
tenant une spécialisation traditionnelle ?                            banque d’investissement lucratives mais risquées, le
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de rap-             secteur bancaire italien a profité de son propre enra-
peler que le processus de concentration qui s’est                     cinement territorial et de la faiblesse des investisseurs
déroulé entre 1990 et 2007 a intensifié la concurren-                 institutionnels pour s’assurer le quasi-monopole de la
ce bancaire dans le secteur des services aux entre-                   gestion et de l’administration de la richesse financière
prises et a donc comprimé les marges d’intérêt. En                    des ménages, pour en tirer les revenus correspondants. 왘

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HORIZONS BANCAIRES
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왘 Cette situation a cependant entraîné une allocation                condamneront à une phase de stagnation. Une situa-
  inefficiente de cette richesse. En voici la preuve : dans          tion de ce type prolongerait la politique de taux d’in-
  les années 2000, avant l’éclatement de la crise finan-             térêt bas, mais menacerait également la solvabilité
  cière en mai 2007, le rendement moyen d’un vaste                   des petites et moyennes entreprises et aggraverait le
  éventail d’obligations bancaires structurées ne dépas-             chômage. Dans un tel contexte, les détenteurs de
  sait pas celui des titres de la dette publique italienne           richesse trouveraient d’excellentes raisons de renfor-
  assortis d’une échéance analogue. Ceci signifie que ces            cer leur aversion au risque, qui s’est déjà accrue pen-
  obligations ne généraient aucune prime au titre de                 dant la crise financière, et d’interrompre ainsi les pro-
  leur caractère plus risqué et de leur faible liquidité.            cessus modérés de réallocation de leurs portefeuilles
  Pendant cette même période, le taux de croissance de               vers des échéances plus longues.
  la richesse financière des ménages italiens a été infé-            En ce qui concerne le secteur bancaire européen,
  rieur à celui de pays ayant une propension plus faible             cette situation impliquerait une réduction des revenus
  à l’épargne.                                                       déjà peu élevés générés par les services traditionnels
                                                                     offerts aux entreprises, une multiplication des créances
  Les perspectives                                                   en retard ou en défaut de paiement, et une chute des
  des banques italiennes                                             produits générés par la gestion du patrimoine financier
  Examinées ci-dessus, les particularités des                        des ménages, en raison de leur fuite vers la liquidité ou
  intermédiaires financiers italiens sauront-elles offrir,           vers des investissements à court terme. De surcroît, les
  dans un avenir proche, des niveaux de performance                  banques européennes ayant moins de difficultés à
  satisfaisants, même s’ils demeurent inférieurs à ceux              trouver de la liquidité privée, la BCE pourrait décider de
  d’avant crise ? Les données et les prévisions indi-                poursuivre le processus graduel de stérilisation des
  quent que le secteur bancaire italien a subi avec retard           politiques généreuses de « guichet ouvert » lancées
  l’impact de la crise, par rapport à d’autres systèmes              pendant la crise financière, afin de se concentrer sur le
  bancaires, mais qu’il risque de retrouver des niveaux              soutien à la demande de titres de dette souveraine. Cela
  satisfaisants de rentabilité avec un délai plus important.         assécherait une source de gains faciles pour le secteur
  En effet, en dépit d’une chute significative, le ROE               bancaire européen. Ce dernier aurait ainsi une incitation,
  moyen des banques italiennes s’est maintenu à une                  renforcée par le manque de réformes des règles et de
  valeur de 4,5% en 2008 avant de baisser à 3,6 % en                 la supervision européennes des marchés financiers, à
  2009. Et on s’attend à ce que la rentabilité ne retrou-            se concentrer de nouveau sur l’expansion des activités
  ve des valeurs proches de 5 % qu’en 2012 (cf. AFO                  d’investissement risquées qui ont soutenu la rentabilité
  2010).                                                             jusqu’au milieu de l’année 2007, mais qui ont
  Ces prévisions ne sont guère surprenantes et semblent              également été un facteur déterminant de la crise de
  même trop optimistes. Spécialement en Europe, le                   2007-2009.
  contexte macroéconomique pour les prochaines                       En raison de sa spécialisation traditionnelle, le secteur
  années n’est pas encourageant. Il est plus que pro-                bancaire italien serait particulièrement touché par une
  bable qu’en raison des freins à la croissance créés par            évolution aussi négative du contexte macroécono-
  l’augmentation des dettes souveraines et du man-                   mique et de l’activité bancaire européenne. Qui plus
  que de relance de la consommation intérieure, les                  est, par rapport à la période antérieure à la crise, il
  pays de la zone euro comptent sur une croissance tirée             pourrait rencontrer des difficultés accrues pour sau-
  par les exportations. Si la même stratégie est égale-              vegarder des niveaux satisfaisants de performance à
  ment suivie par les États-Unis et par les pays émer-               l’aide des revenus provenant de la gestion du patri-
  gents, la somme des parties ne pourra pas cor-                     moine financier des ménages. Depuis quelque temps,
  respondre au tout. Et les régions soumises à des                   la forte aversion au risque, qui a caractérisé les choix
  freins plus importants, comme la zone euro, ne pour-               financiers des ménages italiens, a probablement faci-
  ront pas réaliser leurs objectifs de croissance et se              lité le placement d’obligations bancaires (y compris

                                                                 8
Les caractéristiques du système bancaire italien : évolution de l’activité et des performances
                                                  M A R C E L L O   M E S S O R I

structurées) qui offrent des rendements minimum                      entreprises nationales (cf. Panetta 2004). Aujourd’hui,
garantis à l’échéance. Pour preuve, et comme nous l’a-               il paraît nécessaire de poursuivre les processus de
vons déjà indiqué, les banques italiennes n’ont pas ren-             réorganisation et d’amélioration des services retail
contré de difficultés à placer ces produits à des condi-             offerts aux ménages, sans reculer par rapport aux
tions alignées sur celles des titres de dette publique               progrès accomplis dans les services offerts aux entre-
moins risqués. Combiné aux enseignements les plus                    prises. Le problème est qu’à la différence des années
évidents de la crise financière, un renforcement                     1990, le secteur bancaire italien ne peut plus compter
supplémentaire de l’aversion au risque pourrait donc                 au début de la deuxième décennie des années 2000
pousser les ménages italiens à mieux apprécier les ris-              sur un puissant moteur de transformation. Il existe
ques de liquidité et de contrepartie des obligations ban-            peut-être encore un espace limité pour des regroupe-
caires qui, dans de nombreux cas, sont des actifs                    ments et réallocations des droits de propriété au sein
financiers complexes et non négociables sur des mar-                 des principaux groupes de banques populaires qui, bien
chés « de masse ». À ce propos, il est intéressant de                qu’ils conservent la forme coopérative, sont cotés sur
noter qu’après la crise, le placement des obligations                des marchés réglementés. Toutefois, la spécialisation
bancaires italiennes a eu lieu à des conditions relati-              poussée du secteur bancaire italien impose qu’à côté
vement plus favorables pour les souscripteurs.                       du petit nombre de grands groupes de dimension
                                                                     européenne ou nationale, un ensemble de banques
Quelques conclusions                                                 locales puissent trouver leur place, en raison des liens
Au cours des prochaines années, le secteur bancaire                  de long terme entretenus avec les petites entreprises
italien devra donc affronter un nouveau et délicat défi.             de la région. En outre, au moins à court terme,
En raison du durcissement des réglementations inter-                 l’amélioration des services retail offerts aux ménages
nationales, il se verra contraint de poursuivre le ren-              réduira vraisemblablement les marges bancaires. Et la
forcement de ses fonds propres. Il lui faudra donc                   continuité des services offerts aux entreprises, qui a
réaliser un rendement approprié pour accroître ses                   évité la propagation du credit crunch en Italie y com-
ressources internes et pour assurer une rémunération                 pris pendant les phases les plus aiguës de la crise, a
attrayante aux investisseurs. Par ailleurs, dans l’après-            augmenté le volume des prêts douteux et a poussé en
crise, les grands groupes bancaires et les autres ban-               conséquence les banques à augmenter le volume de
ques italiennes devront à la fois financer des emprun-               provisions, ce qui a eu des effets négatifs sur leurs
teurs plus risqués et placer leurs propres titres de                 bilans.
dette auprès de détenteurs de richesse plus prudents
et éprouvant une plus grande aversion au risque. Cette               En principe, deux solutions structurelles pourraient
situation réduira une source de revenus faciles tirés de             remédier à cette pression sur la rentabilité du secteur
l’administration de la richesse financière des ménages,              bancaire italien, que la crise financière de 2007-2009
qui ont contribué aux bonnes performances bancaires                  a aggravé mais n’a pas causé. La première repose sur
entre 1998 et 2007.                                                  un redimensionnement de l’activité bancaire sur le
La solution, préconisée à diverses occasions par le gou-             marché financier italien. Plutôt que de continuer à
verneur de la Banque d’Italie (cf. par exemple : Draghi              détenir le quasi-monopole de l’offre de services aux
2009), se fonde sur une amélioration de la qualité des               entreprises et aux ménages, les banques italiennes
services offerts et sur une augmentation de la pro-                  pourraient laisser de la place à des acteurs indépen-
ductivité. Apparemment, il s’agit d’un parcours similaire            dants spécialisés dans la gestion de l’épargne et dans
à celui accompli avec succès pendant les années 90.                  les services financiers sophistiqués. La faiblesse des
En effet, plusieurs indicateurs montrent que les concen-             investisseurs institutionnels italiens et leur inertie rendent
trations et la réallocation des droits de propriété de cette         cependant la réalisation de cette première solution
période ont renforcé le degré d’efficience et amélioré               hérissée d’obstacles. La seconde solution repose en
les services retail et corporate traditionnels offerts aux           revanche sur la réduction des déséquilibres précités 왘

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HORIZONS BANCAIRES
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왘 entre les prêts et les dépôts bancaires, de manière à                   des prêts consentis, ce qui est possible au moyen de
  assouplir la nécessité pour les banques italiennes de                   la titrisation. Un aspect important de l’évolution du
  placer un montant élevé de leurs propres dettes sur le                  secteur bancaire italien dépend donc de la réponse à
  marché retail. Cependant, cette alternative risque de                   la question suivante : est-il possible de réaliser des opé-
  pénaliser, par des conditions trop rigoureuses, l’offre de              rations de titrisation qui n’aboutissent pas à la pyramide
  prêts bancaires aux entreprises. Pour éviter de tomber                  de produits structurés, à l’opacité et à l’instabilité pro-
  de Charybde en Scylla, il serait donc nécessaire d’al-                  pres au modèle « originate to distribute » qui a été à la
  léger l’actif du bilan bancaire sans réduire le montant                 base de la crise financière récente ? ◗

                                                      BIBLIOGRAPHIE
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                                                                     10
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La concentration du marché
bancaire italien :
évolutions et perspectives
                                                                                    Le système bancaire italien a connu
                                                                                    plusieurs phases de privatisation et de
                                                                                    concentration qui l’ont profondément et
                                                                                    rapidement transformé au cours des
                                                                                    vingt dernières années. Une nouvelle
                                                                                    phase de concentration pourrait se
                                                                                    produire, mais à des rythmes plus lents
                                                                                    et dans des proportions plus limitées
                                                                                    que cela n’a été le cas dans un passé
                                                                                    récent.

                                                                                    ILARIA ROMAGNOLI
                                                                                    Managing Director, Head of FIG Italy, Rothschild

La concentration du marché bancaire                                                 Évolution de la réglementation
italien au cours des dernières années                                               La loi bancaire de 1936 représente la première réfor-
La physionomie actuelle du système bancaire italien est                             me organique de l’activité de crédit en Italie, en répon-
le résultat d’un long processus de modernisation qui l’a                            se aux crises qui avaient miné l’activité des banques
conduit à s’intégrer pleinement dans le marché européen                             depuis la fin du XIXe siècle. Cette réforme prévoyait
et mondial. Les principes cardinaux de ce parcours, ini-                            une spécialisation temporelle du crédit1 et une spé-
tié dans les années 1990, ont été respectivement :                                  cialisation territoriale ou sectorielle. Jusqu’au début
• la réforme de la réglementation du secteur et les pri-                            des années 1990, les établissements de crédit ita-
vatisations qui l’ont suivie ;                                                      liens se divisaient en :
• une phase intense de concentration entre 1993 et                                  • Établissements de crédit de droit public (Banco di
2002 ;                                                                              Napoli, Banca Nazionale del Lavoro, Istituto Bancario
• l’ouverture progressive du système aux investisseurs                              San Paolo di Torino, Banco di Sicilia, Monte dei Paschi
étrangers et une nouvelle phase de concentration                                    di Siena et Banco di Sardegna) ;
entre 2005 et 2007.                                                                 • Banques d’intérêt national (Banca Commerciale 왘

1. Les établissements se subdivisent entre ceux qui géraient le crédit à court terme (moins de 18 mois) et ceux qui étaient focalisés sur le moyen et long terme.

                                                                              11
HORIZONS BANCAIRES
                                        N U M É R O   3 4 0   –   N O V E M B R E   2 0 1 0

왘 italiana, Credito Italiano, Banco di Roma) détenues                  Privatisations et première phase
  par l’IRI (Institut de Reconstruction Industrielle) ;                de concentration (1993 – 2002)
  • Caisses d’épargne.                                                 Outre les modifications réglementaires intervenues
  • Établissements de prêt sur gage.                                   pendant les années 1990, un autre facteur a joué un
  • Banques populaires.                                                rôle fondamental dans l’évolution du système bancai-
  • Caisses agricoles et artisanales.                                  re italien, à savoir le processus de privatisation des
  • Banques privées, les seules qui ne soient pas, de fait,            « banques d’intérêt national » détenues par l’IRI.
  d’origine publique.                                                  En 1993, l’IRI a mis en vente 67 % du capital du
                                                                       Credito Italiano, 40 % au moyen d’une offre publique
  Environ 80 % des fonds canalisés par le système ban-                 de vente (« OPV », c’est-à-dire une vente de titres au
  caire étaient concentrés entre les mains des banques                 public), et le solde au moyen d’un placement privé. Les
  sous contrôle public, comme l’illustre le tableau 1.                 grands actionnaires du Credito Italiano issus de la pri-

                               TABLEAU 1. Données sur le système bancaire italien - 1990
                     Catégories de banques                         Nombre de banques Nombre d’agences % de l’actif total
   Établissements de crédit de droit public                                  6            2 449            20,1
   Banques d’intérêt national                                                3            1 459            12,9
   Caisses d’épargne et établissements de prêt sur gage                    84             4 695            24,2
   Banques « publiques »                                                   93             8 603            57,2
   Banques de crédit ordinaire                                            106             3 981            20,5
   Établissements centraux catégoriels                                       5                 5             2,4
   Banques populaires                                                     108             3 290            14,2
   Caisses agricoles et artisanales                                       715             1 792              4,3
   Succursales de banques étrangères                                       37                50              1,6
   Total                                                                1 064            17 721           100

  La loi nº 218 du 30 juillet 1990, également dite « loi               vatisation ont été respectivement la Famille Pesenti,
  Amato », a représenté une étape fondamentale du                      Allianz – Ras, Commercial Union, Société Générale,
  processus de restructuration du système bancaire                     Natwest, le groupe Caltagirone, les Benetton, les fonds
  italien. La « loi Amato » a permis la transformation des             Fininvest, Toro Assicurazioni et SAI.
  établissements de crédit de droit public en sociétés par             En 1994, ce fut au tour de la Banca Commerciale
  actions et la naissance de fondations bancaires,                     Italiana (« Comit ») d’être privatisée au moyen d’une
  actionnaires des banques, auxquelles ont été trans-                  OPV. Les actionnaires de contrôle de la banque post
  férées toutes les activités sortant des activités ban-               privatisation étaient notamment Assicurazioni Generali,
  caires traditionnelles.                                              Commerzbank, Paribas et, pour de moindres parts,
  L’évolution de la réglementation du système bancaire                 Lucchini, Pirelli, Della Valle et Stefanel.
  a ensuite été complétée par l’adoption du « Testo                    En revanche, la privatisation de la Banco di Roma a
  Unico delle leggi in materia bancaria e creditizia (TUB) »           suivi un parcours différent : en 1992, l’IRI et l’Ente
  (code des lois en matière de banque et de crédit) de                 Cassa di Risparmio di Roma ont apporté leurs par-
  1993 et du « Testo Unico della Finanza (TUF) » (code                 ticipations de contrôle respectivement détenues
  de la finance) de 1998. Les segmentations de l’activi-               dans Banco di Roma et Banca di Santo Spirito (qui
  té des intermédiaires ont été remaniées et les banques               avait reçu en apport, quelques années auparavant,
  ont pu adopter les formes juridiques de sociétés par                 l’activité bancaire de Cassa di Risparmio di Roma) à
  actions et de sociétés coopératives (banques populaires              une holding dénommée Società Italiana di
  et banques de crédit coopératif).                                    Partecipazioni Bancarie (« SIPBA »), qui s’est trouvée

                                                                  12
La concentration du marché bancaire italien : évolutions et perspectives
                                                  I L A R I A   R O M A G N O L I

de ce fait détenue à 65 % par l’Ente Cassa di                         crédit spécialisés et les caisses d’épargne. Les ban-
Risparmio di Roma et à 35 % par l’IRI.                                ques populaires ont été moins touchées par ce pro-
Postérieurement à la fusion entre Banco di Roma et                    cessus, fondamentalement en raison de leur forme
Banca di Santo Spirito (la nouvelle entité issue de la                juridique de « coopérative ». Seules ont fait exception
fusion a été dénommée Banca di Roma S.p.A.), la pri-                  la Banca Antonveneta et la Banca Popolare di Brescia
vatisation effective a eu lieu en 1997 au moyen (i) de                qui se sont transformées en sociétés par actions,
la dissolution de SIPBA et du transfert des actions de                ainsi que la Banca Agricola Mantovana qui a été
Banca di Roma directement aux actionnaires et                         acquise par Monte dei Paschi di Siena après l’abo-
(ii) d’une opération de placement d’actions et                        lition du vote par tête.
d’obligations qui a réduit la participation détenue                   Quoique moins intense, le processus de consolidation
par l’Ente Cassa di Risparmio di Roma à moins de                      des banques populaires a conduit notamment aux
30 % du capital de Banca di Roma et a fait sortir l’IRI               regroupements entre Banca Popolare di Verona et
de l’actionnariat de la banque.                                       Banca Popolare di Novara (dont est issue Banca
Le processus de désengagement de l’État s’est achevé                  Popolare di Verona e Novara – BPVN), et entre Banca
entre 1997 et 2001, par la cession des parts détenues                 Popolare Commercio e Industria et Banca Popolare di
par le ministère du Trésor dans la Banco di Napoli et la              Bergamo – Credito Varesino qui a donné naissance au
Banca Nazionale del Lavoro (« BNL »).                                 Gruppo Banche Popolari Unite (« BPU »).
Simultanément aux privatisations, un processus intense                Entre 1990 et octobre 2002, cinq cent soixante-six
de concentration des banques s’est déroulé entre                      opérations de regroupement ont été enregistrées au
1993 et 2002, visant à créer des groupes bancaires                    total, avec un pic en 2002, année pendant laquelle ont
plus compétitifs, ce qui a entraîné la naissance, entre               eu lieu soixante-dix-sept opérations de M&A. En
autres, de :                                                          revanche, la période 2003-2004 a enregistré un ralen-
• Unicredito : né du regroupement progressif entre                    tissement du processus de concentration, principale-
Credito Italiano, Cassa di Risparmio di Torino, Cassa di              ment dû à l’attitude de la Banque d’Italie qui a jugé
Risparmio di Verona, Cassa Marca Trevigina, Credito                   nécessaire d’observer une phase d’accalmie après
Romagnolo, Cassa di Risparmio di Trieste, Carimonte                   cette période d’intense consolidation.
et Cassa di Risparmio di Trento e Rovereto.
• Banca Intesa : née du regroupement progressif                       La seconde phase de concentration du
entre Cassa di Risparmio delle Province Lombarde                      système bancaire : de 2005 à nos jours
(« Cariplo »), Banco Ambrosiano Veneto et Comit.                      À la suite de ce processus de privatisation et d’ou-
• Sanpaolo IMI : né de la fusion entre l’Istituto Bancario            verture croissante du capital des banques au mar-
Sanpaolo di Torino et l’IMI (première banque d’affaires               ché, la plupart des grandes banques italiennes ont
et d’investissement), entité de droit public fondée en                accueilli des banques étrangères parmi leurs action-
1931 pour soutenir la reconstruction du système indus-                naires de référence à partir de début 2005. Mais
triel national.                                                       dans un premier temps, les banques étrangères
• Capitalia : née du regroupement entre (i) la Banca di               n’ont pas pris le contrôle des principaux établisse-
Roma post privatisation et acquisition de Banco di                    ments de crédit italiens. Les participations des ban-
Sicilia et Mediocredito Centrale et (ii) la Bipop – Carire,           ques étrangères se sont généralement fédérées
entité issue de la fusion antérieure entre Bipop – Banca              sous la forme de pactes d’actionnaires regroupant
Popolare di Brescia (société par actions) et la Cassa di              des fondations bancaires ou des actionnaires autres
Risparmio di Reggio Emilia.                                           que d’origine italienne.
Les opérations de regroupement précitées ont
concerné pour la plupart les anciennes banques                        Le tableau 2 présente l’actionnariat des dix premières
nationales de droit public, les établissements de                     banques italiennes à la fin de l’année 2004.           왘

                                                                13
HORIZONS BANCAIRES
                                      N U M É R O   3 4 0   –   N O V E M B R E   2 0 1 0

                             TABLEAU 2. Données sur le système bancaire italien - 2004
      Banques          Nombre d’agences                                Principaux actionnaires
   SanPaolo IMI            3 205        Compagnia San Paolo (14,27 %) ; Fondazione CR di Padova e Rovigo (10,65 %) ;
                                        Banco Santander Central Hispano (8,49 %) ; Fondazione CR di Bologna (7,58 %).
   Unicredito              3 137        Fondazione CR di Torino (8,74 %) ; Fondazione CR di Verona, Vicenza, Belluno e
                                        Ancona (7,59%) ; Carimonte Holding (7,14 %) ; Allianz (4,94 %).
   Banca Intesa            3 080        Crédit Agricole SA (15,00 %) ; Fondazione Cariplo (9,92 %) ; Assicurazioni
                                        Generali (6,35 %) ; Commerzbank (4,29 %).
   Capitalia               1 950        ABN Amro (7,91 %) ; Fondazione CR di Roma (5,19 %) ; Fondazione
                                        Manodori (4,00 %) ; Lehman Brothers International Europe (3,66 %).
   MPS                     1 824        Fondazione Monte dei Paschi di Siena (58,58%); Caltagirone Francesco
                                        Gaetano (3,81 %) ; Hopa Spa (2,44 %) ; Premafin Finanziaria (2,10 %).
   BP U                    1 204        Banca popolare : actionnariat diffus.
   BP VN                   1 172        Banca popolare : actionnariat diffus.
   BP ER                   1 105        Banca popolare : actionnariat diffus.
   Antonveneta             1 000        BPI (29,5 %) ; ABN Amro (18,12 %) ; Magiste International (4,99 %) ;
                                        Fingruppo Holding (4,92 %).
   BPI                       970        Banca popolare : actionnariat diffus.

왘 L’intérêt des banques étrangères pour les établisse-               banque hollandaise en est ainsi venue à détenir 55,8 %
  ments italiens a augmenté pendant l’année 2005. Une                de Banca Antonveneta et a ensuite lancé l’OPA
  bonne partie des actionnaires étrangers des banques                obligatoire.
  italiennes ont manifesté de manière plus ou moins                  Les dirigeants d’Unipol ont à leur tour été impliqués
  voilée leur intention d’accroître leur propre influence,           dans l’enquête sur BPI et le 10 janvier 2006, la Banque
  sinon de prendre purement et simplement le contrôle                d’Italie a bloqué l’offre d’Unipol sur BNL. En février
  des banques dans lesquelles ils détenaient des parti-              2006, BNP Paribas a acquis 48 % de BNL auprès
  cipations importantes.                                             d’Unipol et de ses alliés et a ensuite lancé l’OPA obli-
  C’est ainsi que, fin mars 2005, ABN Amro et BBVA ont               gatoire sur l’intégralité du capital de BNL, à laquelle a
  lancé une offre publique d’achat respectivement sur                également adhéré BBVA.
  Banca Antonveneta et BNL. Les deux offres ont                      Toujours en 2005, parallèlement aux efforts déployés
  échoué, y compris en raison de la constitution de                  par des banques étrangères pour se développer en
  deux contre-offensives italiennes dirigées par Banca               Italie, certaines banques italiennes ont engagé un pro-
  Popolare Italiana (« BPI ») (alors dénommée Banca                  cessus de développement international. Tel est le cas
  Popolare di Lodi) dans le cas de Banca Antonveneta                 d’Unicredito, qui a annoncé en juin 2005 sa fusion
  et Unipol dans le cas de BNL, qui ont acheté des                   avec la banque allemande HypoVereinsbank.
  actions sur le marché et ont lancé à leur tour des off-            Les événements de l’été 2005 ont poussé de nom-
  res publiques d’achat sur les deux banques.                        breuses banques italiennes à s’interroger sur l’oppor-
  En mai 2005, toutefois, le parquet de Milan a ouvert une           tunité de se lancer à leur tour dans des opérations de
  enquête contre X, du fait de la contre-offensive lancée            M&A à la lumière de (i) l’intérêt croissant des banques
  sur Banca Antonveneta, pour délit présumé d’agiotage               étrangères pour le marché italien, (ii) la nécessité d’a-
  visant à faire échouer l’offre d’ABN Amro.                         voir une masse critique suffisante pour être compéti-
  Le 25 juillet 2005, le parquet de Milan a ordonné la sai-          tives sur le marché national, compte tenu des mutations
  sie des actions que BPI et ses alliés détenaient dans              en cours, et (iii) la volonté des principales banques
  Banca Antonveneta : cette mesure a marqué le point                 italiennes de jouer un rôle important, y compris sur le
  de départ d’une série d’enquêtes concernant les diri-              plan européen.
  geants de BPI et qui ont conduit à la cession par BPI              C’est dans ce contexte qu’a été annoncée, à l’été
  à ABN Amro de 25,9 % de Banca Antonveneta. La                      2006, la fusion entre Banca Intesa et Sanpaolo IMI, qui

                                                                14
La concentration du marché bancaire italien : évolutions et perspectives
                                                     I L A R I A   R O M A G N O L I

                                  TABLEAU 3. Italie : principales fusions en 2006-2007
                                                                   Synergies                           Gouvernance
        Fusion                      Projet industriel
                                                                  annoncées
Banca Intesa-Sanpaolo Création d’un groupe bancaire leader €1,3 mld de                     Introduction du modèle dualiste (directoire
IMI (2006)            en Italie avec le réseau de distribution synergies brutes            et conseil de surveillance).
                      le plus dense (part de marché            d’ici 2009.
                      d’environ 20 %).                         – dont synergies            Nomination du président du Conseil
                                                               de coûts : €1,0mld ;        de surveillance par Banca Intesa et du
                      Renforcement de la position
                                                                                           président du directoire par Sanpaolo IMI.
                      internationale avec une focalisation     – dont synergies
                      sur la CEE                               de revenus :                Conseil de surveillance composé de
                                                               €0,3mld.                    19 membres.
Banche Popolari Unite - Création d’un top player au niveau            €365mln de           Introduction du modèle dualiste.
Banca Lombarda (2007) national, avec une forte                        synergies brutes    Nomination du conseil de surveillance :
                        complémentarité territoriale.                 d’ici 2010.         23 membres dont 11 représentants BPU,
                          Leadership élevé dans le nord de            – dont synergies de 11 représentants Banca Lombarda et
                          l’Italie, avec une part de marché           coûts : €225mln ;   1 représentant des actionnaires
                          supérieure à 15 % en Lombardie.                                 minoritaires.
                                                                      – dont synergies
                          Fusion entre la banque populaire et         de revenus :        Le premier président du conseil de
                          la société anonyme (SpA) avec               €140mln.            surveillance représentera Banca
                          maintien du statut juridique de                                 Lombarda tandis que le vice-président
                          banque populaire.                                               représentera BPU.
                                                                                          Nomination du directoire : pour les
                                                                                          3 premières années, 10 membres dont
                                                                                          5 nommés par BPU et 5 par Banca
                                                                                          Lombarda. Le président du directoire est
                                                                                          nommé par BPU.
Banca Popolare di         Création du troisième groupe                €0,5mld de           Introduction du modèle dualiste
Verona e Novara -         bancaire en Italie en termes de             synergies brutes     Nomination du conseil de surveillance
Banca Popolare Italiana   nombre d’agences et                         d’ici 2010.
(2007)                    de capitalisation de marché.
                                                                      – dont synergies    – Année 1 : 10 membres dont
                                                                      de coûts : €0,2mld. 4 représentants BPI et 6 représentants
                          Première banque populaire du pays                               BPVN.
                                                                      – dont synergies
                                                                                          – Année 2 : 15 membres dont
                                                                      de revenus :
                                                                                          6 représentants BPI et 9 représentants
                                                                      €0,3mld.
                                                                                          BPVN.
                                                                                           – Année 3 : 20 membres dont
                                                                                           8 représentants BPI et 12 représentants
                                                                                           BPVN.
                                                                                           Le président du Conseil de surveillance
                                                                                           est nommé par BPVN et le président
                                                                                           du Directoire est nommé par BPI.
Unicredit-Capitalia       Création d’un groupe de dimension           €1,2mld de           4 représentants de Capitalia cooptés par
(2007)                    européenne.                                 synergies brutes     le conseil d’administration de Unicredit,
                                                                      d’ici 2010.          sur un total de 23 membres.
                          Leader sur 4 marchés nationaux              – dont synergies de Le président de Capitalia sera
                          (Italie, Allemagne, Autriche, Europe        coûts : €0,8mld.    vice-président suppléant de Unicredit et
                          centrale et orientale).                                         responsable de la gestion des
                          #1 Zone euro, #3 en Europe,                 – dont synergies    participations détenues dans
                          #7 mondial par la capitalisation            de revenus :        Mediobanca, Generali, RCS et Pirelli,
                                                                      €0,4 mld.           ainsi que président du comité exécutif
                                                                                          de Unicredit.

                                                                                                                                         왘

                                                                   15
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