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Analyse n°10/2021
Le travail commun au-delà de la coopération
Vers une économie des communs sociaux et
solidaires
« La propriété, c’est le vol » : initiatives sociales se pensent (Laval et Sauvêtre, 2019)
la formule de Proudhon aujourd’hui comme des com- Quels rapports les communs
est célèbre. Pour sortir de muns. On en trouve dans le doivent-ils entretenir avec
la logique destructrice du domaine de l’agriculture (fon- les institutions politiques ?
droit de la propriété et de cières) et de l’alimentation (Dardot et Laval, 2014).
l’accumulation du capital (cantines solidaires), du loge-
qu’il favorise et légitime, ment (habitat coopératif), de On voudrait ici esquisser une
les initiatives se multiplient la santé (dispensaires auto- réponse à ces questions à
en faveur de la création de gérés), de l’éducation (savoirs partir de la catégorie de « tra-
communs de toute espèce. communs et établissement vail ». Marie-Anne Dujarier a
Et si le travail des communs autogérés), de l’énergie, des récemment montré que les
débouchait, à terme, sur transports (covoiturage libre), usages sociaux de cette ca-
l’élaboration d’un réseau so- de la connaissance, de la tégorie étaient troublés par
lidaire et interdépendant qui culture (communs culturels) ou le caractère polysémique du
en vienne à saper les fonde- du numérique. Beaucoup de travail qui peut désigner aussi
ments mêmes de l’économie questions se posent encore bien l’activité, l’utilité sociale
capitaliste ? Une théorie des aux chercheurs comme aux
communs fondée sur une acteurs : les communs sont-
approche du travail permet ils anti et post-capitalistes
d’imaginer comment l’uto- (Federici et Caffentzis, 2014) ?
pie pourrait trouver sa place Ou bien sont-ils une forme
dans notre société pour la parmi d’autres à l’intérieur du
modifier radicalement. système économique qui doit
se développer en s’associant
Les communs, au sens d’ac- à l’économie marchande et
tivités sociales qui sont auto- l’économie publique (Ostrom,
gouvernées et sur le produit 1990) ? Jusqu’à quel point les
desquelles ses participants communs remettent-ils en
ont un droit d’usage, se cause la propriété ? (Borrits,
sont installés comme ob- 2018). Comment envisager les
jets de recherche et lexique liens entre l’économie sociale
politique. De nombreuses et solidaire et les communs ?
Le travail commun au-delà de la coopération - Vers une économie des communs sociaux et solidaires
—1
Publié sous licence Creative Commons - APMC Smart. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxellesque l’emploi (Dujarier, 2021). besoins sociaux par l’associa- communs associés dans la
Les communs permettent-ils tion démocratique des com- société.
d’interroger à nouveaux frais muns. Le travail commun est
la catégorie de travail, en un concept holiste, un com- Le travail commun s’oppose
liant d’une manière nouvelle posé d’une multiplicité de tra- au travail capitaliste : parce
l’activité, l’utilité sociale et la vaux dans des communs dif- que l’activité y est autogou-
rétribution d’une fonction ? férenciés et complémentaires vernée et non exploitée ;
Qu’est-ce que les communs les uns des autres. Pour re- parce qu’il relève de l’autono-
font au travail et à la manière prendre les trois significations mie démocratique et non de
dont nous l’envisageons et du travail de Dujarier, dans le la manipulation des besoins
l’instituons ? En partant d’une travail commun : l’activité est par le marché ; et parce qu’il
caractéristique essentielle, commune (fondée sur l’auto- ne repose ni sur la concur-
mais souvent impensée, de gouvernement et la co-par- rence ni même sur l’échange
la définition des communs ticipation), l’utilité sociale est contractuel entre les travaux,
– l’interdépendance des « socio-démocratique », au mais sur la complémentarité
communs entre eux – nous sens où le commun doit four- sociale.
proposons de voir dans le nir un bien ou un service cor-
« travail commun » un nou- respondant à un besoin défini
veau concept de travail défini démocratiquement par la so-
à partir des communs. Nous ciété dans laquelle il s’inscrit,
nous inspirons pour cela du et la rétribution correspond à
mouvement des coopéra- un droit d’usage social général,
tives intégrales (Daniel, 2016 ; le travail dans un commun ou-
Dafermos, 2017) qui visent la vrant une multiplicité de droits
satisfaction de l’ensemble des d’usage dans tous les autres
L’interdépendance des communs
On peut réfléchir à la façon Car les communs se trouvent leur impose les formes de
dont les communs ques- confrontés aujourd’hui à la l’échange économique et de
tionnent la définition du tra- même difficulté que celle du la concurrence. Les coopé-
vail en se demandant s’il y a mouvement coopératif aux ratives qui ont opté pour une
une différence entre le travail XIXe et XXe siècles de de- stratégie de développement
dans les communs et le tra- voir développer leur activité autarcique ont fini par se muer
vail coopératif tel qu’il s’est à l’intérieur d’une économie en entreprises capitalistes ba-
mis en place au XIXe siècle. capitaliste et étatique qui nales. Elles n’ont pas périclité,
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Publié sous licence Creative Commons - APMC Smart. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxellesmais elles se sont dévelop- entrepreneuriale croissante « coopérative », et si l’on parle
pées au profit de leurs seuls de l’économie sociale et soli- toujours des communs au
membres (Dortier, 2017). daire (Juan, Laville et Subirats, pluriel et jamais au singulier,
2020). Le problème écono- ce n’est pas seulement parce
A cet égard, penser l’horizon mique des communs peut être qu’il existe une diversité de
d’une économie alternative en posé, au lieu de cela, dans les communs (naturels, produc-
termes de pluralité dans l’éco- termes de l’autonomie écono- tifs, urbains, immatériels, etc.),
nomie, comme l’a fait l’éco- mique des communs vis-à-vis mais parce que les communs
nomie sociale et solidaire, est du capitalisme et de l’État. sont destinés à fonctionner
une manière abstraite d’en- suivant des rapports d’in-
visager l’expérimentation de Or cette autonomie écono- terdépendance les uns avec
formes coopératives d’écono- mique n’est possible que si les autres dans un territoire,
mie qui fait fi de l’interdépen- chaque commun interdé- au sein d’un « écosystème »
dance avec le marché et l’État pend non plus du marché de communs. Ils pourront de
au sein de laquelle ces formes et de l’État, mais d’autres cette façon éviter cette ten-
sont amenées à se trouver, communs. Si la notion de dance à la déformation des
et qui tend à transformer la « communs » apporte quelque communs en entreprises col-
pluralité en homogénéité, chose d’autre que celles laboratives qu’ont suivie les
comme le montre la mutation d’« autogestion » ou de coopératives.
Au-delà des communautés d’appropriateurs
Parler d’« un commun » au sur les mêmes difficultés que de Suède en sciences éco-
singulier, indépendamment celles rencontrées par les nomiques Elinor Ostrom,
des autres communs, de coopératives. Que signifie- tient dans la définition des
même que définir un com- rait en effet un « commun » communs par la délimitation
mun par la relation directe qui ne bénéficierait qu’à ses a priori d’une « communau-
entre la propriété collective propriétaires ? Un problème té » d’« appropriateurs » et
et l’appropriation, fût-elle récurrent de la théorie des de leurs « intérêts »1. Certes,
égalitaire, des bénéfices de communs, qu’on trouve no- la définition d’un commun
l’activité d’une communauté, tamment chez l’économiste et comme une ressource gérée
risque de nous faire retomber lauréate du prix de la Banque sous la forme de la propriété
1 Pour Ostrom, un commun suppose une communauté bien délimitée qui repose sur les intérêts collectifs mais exclu-
sifs des appropriateurs. Elle écrit en effet que « pour que les appropriateurs aient un intérêt minimal à coordonner les
modes d’appropriation et de fourniture, un certain nombre d’entre eux doivent être en mesure d’exclure les autres des
droits d’accès et d’appropriation » (Ostrom, 1990, p. 91). Pour une critique, voir Sauvêtre (2018).
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Publié sous licence Creative Commons - APMC Smart. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxellescollective permet bien à (Borrits, 2018), elle implique une coopérative comme avec
Ostrom de mettre en évidence que les rapports entre tel n’importe quelle autre en-
les rapports démocratiques commun et les autres unités treprise privée. Cette théorie
et les formes de répartition économiques privées ou pu- ne change donc rien au pro-
plus égalitaires qui peuvent bliques seront exactement de blème fondamental de l’ins-
exister entre les commoners même nature que les rapports titution, égalitaire ou inégali-
qui gèrent la ressource. En entre des propriétaires privés taire, de l’interdépendance du
revanche, toute propriété, sur un marché – de même travail dans la société.
même collective, étant ex- qu’une entreprise privée in-
clusive des non-propriétaires teragit sur le marché avec
Une économie de la complémentarité
Si l’on veut se sortir de cette l’interdépendance entre les troisième élément à la défi-
difficulté, la définition d’un individus dans un commun, nition d’un commun : la com-
commun – qui n’est donc ja- qui co-participent néces- plémentarité sociale. Chaque
mais qu’un commun parmi un sairement à un commun de commun se définit par l’ac-
ensemble de communs, sans façon diversifiée (dans la di- complissement d’une fonction
quoi il y laisse sa qualité de versité des fonctions), vaut sociale complémentaire des
commun – doit donc contenir aussi entre les communs, qui autres communs.
en elle-même l’idée de l’in- forment par leurs interrela-
terdépendance en pratique tions un commun des communs A la manière dont le mouve-
avec d’autres communs. À complémentaires. Être-en- ment italien des beni comuni
cet égard, si l’idée d’un droit commun, c’est toujours inter- l’a mise en évidence, la fonc-
d’usage de l’inappropriable dépendre d’une multiplicité tion sociale signifie que le
(Dardot et Laval, 2014) per- diverse. Cela revient à dire produit de l’activité d’un com-
met d’éviter la définition des que l’horizon d’une économie mun doit pouvoir faire l’objet
communs par la propriété, commune, c’est une écono- d’un droit d’usage direct par
elle ne suffit pas encore à mie de la complémentarité. l’ensemble des membres de
caractériser cette interdé- la société d’inscription du
pendance pratique entre les A l’autogouvernement et au commun2. Cela suppose la
communs. Car ce qui vaut de droit d’usage, il faut ajouter un délimitation d’une société,
2 Le mouvement italien des beni communi de 2011, qui a développé une stratégie juridique d’institution des communs,
s’est appuyé sur l’article 42 de la Constitution italienne, qui définit une « fonction sociale » de la propriété afin de
garantir les communs en les associant à des droits sociaux (Lucarelli, 2018). Sur les limites de cette stratégie, qui met
de côté la question politique sous-jacente à la définition des droits sociaux, voir Dardot (2016).
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Publié sous licence Creative Commons - APMC Smart. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxellesen elle-même variable : cela qui bénéficient d’un droit ouvert aux sociétaires (les
peut être un quartier, une d’usage social sur le produit membres de la société)
zad, une municipalité ou une de celle-ci. mais garantit dans le même
nation. Parler des « communs temps aux commoners un
sociaux » (Laval et Sauvêtre, Les différents communs so- ensemble de droits d’usage
2019) permet alors d’éviter ciaux (de l’alimentation, du sociaux dans les autres com-
toute ambiguïté vis-à-vis logement, de l’énergie, de muns, ou, autrement dit, un
d’autres définitions des com- la santé, de l’éducation et droit d’usage social général.
muns, en soulignant le fait de la culture) définissent Autogouvernement démocra-
qu’un commun ne peut sim- par conséquent un faisceau tique, complémentarité so-
plement se définir par une de droits d’usages sociaux ciale des communs et faisceau
communauté définie, mais complémentaires qui permet de droits d’usages sociaux
par la relation entre le groupe aux membres de la société sont les caractéristiques qui
des commoners qui co-par- d’accéder à l’ensemble des définissent une économie des
ticipent à l’activité et celui droits sociaux définis dé- communs sociaux et solidaires
des « sociétaires » au sens mocratiquement. Chaque comme horizon du possible.
des membres de la socié- commun garantit par consé-
té d’inscription du commun quent un droit d’usage social
L’économie des communs sociaux et solidaires à l’œuvre
S’il nous semble nécessaire sont directement actives, en le troc, en monnaies sociales
d’actualiser la réflexion sur les articulant coopératives de pro- ou en euros. Les assemblées
communs, c’est parce qu’un duction et de consommation, autonomes sont complétées
ensemble d’expérimenta- monnaies sociales, achats col- par des assemblées générales
tions sociales est désormais lectifs de terrain, financement de la Coopérative intégrale
analysable suivant les termes coopératif, services juridiques et des commissions théma-
que nous venons d’utiliser, en et assemblées démocratiques tiques réfléchissent à la mise
particulier les coopératives afin de couvrir l’ensemble des en application des décisions
intégrales qui ont pris modèle besoins sociaux. Les initia- (Daniel, 2016). L’économie du
sur la Coopérative intégrale tives présentes concernent commun peut donc s’organi-
catalane. Depuis 2009, cette les transports, l’alimentation, ser aussi bien sous une forme
dernière organise un réseau la santé, l’énergie, l’éducation non monétaire que sous une
d’initiatives solidaires locales et le logement. Les transac- forme monétaire, mais elle
dans lequel 3000 personnes tions économiques se font par implique quoi qu’il en soit des
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Publié sous licence Creative Commons - APMC Smart. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxellesassemblées démocratiques de incluant des commerces d’ali- de dotation et baux emphy-
communs. mentation, des crèches ou des téotiques – qui neutralisent
structures d’accompagnement la propriété en la dissociant
On pourrait citer également le social et d’empowerment po- de l’usage laissé en toute au-
mouvement des coopératives litique (PM, 2016 ; Poullain, tonomie aux co-participants
de logement à Zürich, où les 2018). D’autres mouvements (Vanuxem, 2018, Foncière
habitants coopérateurs ont cherchent à acquérir par le Antidote, 2021). Ces biens
mutualisé les revenus éco- co-financement des terres agricoles ou immobiliers deve-
nomisés sur le prix des loyers et des lieux pour en faire des nus des communs pourraient
pour développer un projet communs inaliénables par des ensuite se fédérer en liant les
de vie coopératif plus vaste mécanismes juridiques – fonds contributions et les usages.
Les communs comme différenciation du travail commun
Ces expérimentations in- un processus historique de d’approfondir de façon plus
diquent qu’il est possible différenciation du travail empirique dans le cadre de
d’éviter d’appréhender les commun dans les communs, ce texte, l’enjeu que les com-
communs individuellement au sens, où, par exemple, muns permettent de soulever
comme des tentatives dis- la possibilité des communs est celui d’une « division du
persées suivant la métaphore culturels est impensable sans travail social », pour utiliser la
de l’« archipel », mais plutôt le développement des com- formule de Durkheim (2007),
comme des maillons intégrés muns comme le logement ou qui ne soit pas simplement
d’un ensemble qu’on peut dé- l’alimentation. On peut donc le résultat des surplus éco-
signer par le concept holiste faire l’hypothèse d’un proces- nomiques mais d’abord de la
de « travail commun », au sens sus historique qui conduirait complémentarité sociale.
de l’ensemble des relations d’un travail commun rudi-
unissant les travaux dans les mentaire composé de peu En ce sens, le travail qui se
communs. de communs basiques à un joue dans ces expérimenta-
travail commun plus diversi- tions de communs aujourd’hui
Mais, en plus de son carac- fié composé d’un plus grand n’est pas seulement un tra-
tère holiste, ce concept a nombre de communs où les vail coopératif avec ceux qui
aussi une valeur processuelle, communs basiques auraient partagent une même activité,
au sens où le travail com- permis la formation de com- mais l’activité différenciée au
mun n’est pas simplement muns plus complexes, sous sein d’une multiplicité d’acti-
la réunion des différents l’effet de la complémentarité. vités complémentaires qui se
communs dans un tout, mais Bien qu’il ne soit pas possible conjoignent dans le processus
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Publié sous licence Creative Commons - APMC Smart. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxellesdu travail commun de la socié- issues du processus historique ou, comme chez Proudhon,
té. Le travail individuel dans de différenciation sociale du des « libres contrats entre les
un commun, autrement dit, travail commun. Reconnaître communes » (Proudhon, 1999)
interdépend autant du travail dans les communs ce proces- le moyen du dépassement
de chacun des membres de sus de différenciation du tra- du capitalisme. Faute d’avoir
ce commun auto-organisé vail commun, c’est reconnaître envisagé la complémentarité
que du travail complémentaire chaque travail comme un mo- comme le lien qui doit unir
de tous les commoners des ment de diversification d’un les communs entre eux, ces
autres communs, et il n’y a processus unifié du travail visions – celle de la liberté ou
pas de raison d’envisager la commun, où toute forme dif- du contrat comme forme de
relation sociale entre les com- férenciée de travail entretient l’association des producteurs
muns d’une autre façon que la une relation avec les autres indépendants entre eux –
relation entre les commoners formes différenciées de travail n’ont pas pu éviter que ce lien
d’un même commun, c’est- comme à autant de conditions se reconstitue sous la forme
à-dire comme une co-parti- de possibilité au sein d’une de l’échange économique,
cipation à un commun. Ce qui unité des communs com- entraînant avec lui le retour du
signifie qu’un travail – celui plémentaires, et où chaque rapport comptable capitaliste,
d’un individu ou d’une organi- nouveau commun différencié fût-ce entre deux coopéra-
sation – n’est jamais un travail est le produit d’un niveau de tives. Ou, dit autrement, si
cohabitant avec une multitude différenciation antérieure du quelque chose du socialisme
d’autres travaux, qu’il n’est travail commun des communs. mérite d’être dépassé, c’est
jamais un travail à part entière, sa difficulté à envisager le
mais une part du travail com- Chaque commun participant à travail social autrement que
mun, mieux une participation la formation des autres com- par la socialisation des uni-
au travail commun. Si le travail muns, cela implique de penser tés économiques de travail,
n’est donc jamais ce qui fonde une auto-institution démocra- que ce soit par la démocratie
et justifie la propriété comme tique de la « division du tra- directe des travailleurs ou la
le pensait Locke (1994), il y a vail social », où les différents coordination étatique, c’est-
en revanche un droit impres- communs n’ont pas besoin à-dire encore à proposer un
criptible du travailleur défini de l’État pour se coordonner, concept véritablement holiste
comme le droit de participa- comme dans la doctrine soli- du travail.
tion au travail commun. dariste. C’est aussi se démar-
quer des courants socialistes
Les divers communs peuvent qui, comme chez Marx, font
être alors compris comme de « l’association des pro-
les formes complémentaires ducteurs libres » (Marx, 2012)
Le travail commun au-delà de la coopération - Vers une économie des communs sociaux et solidaires
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Publié sous licence Creative Commons - APMC Smart. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-BruxellesLe communalisme comme mouvement
pour des communes de communs
Il convient pour terminer de nom de communalisme, où contradictoire avec l’interdé-
préciser le lien des communs s’entendent à la fois le nom pendance, mais qu’on peut
avec l’institution politique. de « communs » et celui de redéfinir précisément comme
Comme nous venons de le « communes ». Les com- l’auto-institution égalitaire de
suggérer, l’organisation de munards déjà voyaient dans l’interdépendance par la com-
la complémentarité entre les ce terme le doublet de la plémentarité sociale.
communs implique une au- « commune sociale » et de
to-institution démocratique la « commune politique » Le communalisme peut être
non pas seulement de chaque (Sauvêtre, 2021). Il ne saurait par conséquent défini comme
commun, mais de l’ensemble donc, à l’âge des communs, une association étroite entre
des communs complémen- désigner seulement le mou- la formation et l’organisation
taires, autrement dit une vement pour remplacer les des communs d’une part, et
démocratie des communs so- municipalités par des assem- la mise sur pied d’assem-
ciaux et solidaires. C’est tout blées populaires démocra- blées populaires communales
le sens des « assemblées des tiques en voyant dans celle-ci d’autre part, celles-ci de-
communs » qui se multiplient le moyen de municipaliser vant s’appuyer sur ceux-là.
aujourd’hui dans les territoires l’économie, à la manière de Communs et communes sont
de pouvoir lui donner une Murray Bookchin (2015). Car complémentaires, et le com-
forme concrète. Seul le lien si la réappropriation citoyenne munalisme est un mouvement
démocratique assorti du prin- du pouvoir politique par les pour former des communes de
cipe de complémentarité per- habitants est indispensable, communs.
met de dépasser le principe les mouvements d’assemblée
de l’échange économique, risquent de tourner à vide s’ils Pierre Sauvêtre
fût-il défini comme équitable. ne constituent pas en même Novembre 2021
temps dans les communs une
A cette démocratie des autonomie économique. Une
communs sociaux et soli- autonomie économique dont
daires, on peut donner le on n’a vu qu’elle n’était pas
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Publié sous licence Creative Commons - APMC Smart. Avec le soutien de la Fédération Wallonie-BruxellesSources et ressources
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