León Ferrari Nosotros no sabíamos
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León Ferrari Nosotros no sabíamos Logotype de la ville de Buenos Aires et Le Sabbat des sorcières de Goya (série « Nunca más »).
« Nosotros no sabíamos » Page ci-contre : L’association Travesías Poursuivant cette recherche, Le Déluge de Gustave développe depuis quelques Travesías présente l’exposition Doré, 1872 + Casquette d’officier de l’armée années des projets au confluent « Nosotros no sabíamos » avec (série « Nunca más »). des arts plastiques et le partenariat de l’École de l’écriture. Elle organise des beaux-arts, du centre d’art des déplacements d’artistes, contemporain La Criée de poètes et de théoriciens, et du Musée de la danse de dans l’idée de générer la Ville de Rennes. du lien entre des régions en Entre les années 1976 et 1983, dehors des grands axes. l’Argentine a vécu sous une Elle contribue ainsi à mener une des dictatures militaires réflexion sur les manières de les plus terribles d’Amérique faire et de penser l’art latine. « Nosotros no sabíamos » aujourd’hui. Le réseau, réunit des séries d’illustrations, la relation humaine dans de collages et d’héliogravures des allers-retours, le passage de León Ferrari réalisées du local au global sont dès 1976. Dans les années qui les concepts clés du projet ont suivi la dictature, la phrase de Travesías dans cette Nosotros no sabíamos ère du tout virtuel. était couramment entendue Les premiers échanges ont parmi la population : été initiés à partir de l’Argentine « nous ne savions pas ». Cette du fait de la relation expression évoque l’attitude très particulière de ce pays négligente et complice avec l’Europe. Ainsi, en 2007, d’une grande part de la société la présentation à Rennes, par rapport aux événements de au Bon Accueil, des archives de ces sept années d’horreurs. Tucumán Arde, mouvement Ferrari a choisi ce titre pour d’avant-garde des années l’ensemble des coupures soixante en Argentine, avait de journaux qu’il a rassemblées donné un éclairage sur pendant la première phase l’engagement des artistes de la dictature. Il était en exil de cette époque. Dans les au Brésil suite à la disparition débats des artistes apparaissait de son fils Ariel qui fait partie le souci de faire en sorte des 30 000 personnes disparues que leur engagement social et assassinées pendant et politique rejoigne le côté cette période. Les informations expérimental de leur langage passées à travers le tamis artistique. León Ferrari de la censure ou bien a participé à ce mouvement. volontairement infiltrées
Page précédente : dans les journaux permettaient Illustration d’entretenir le climat de terreur. probable de Yapari, aborigène guaraní, En mettant en évidence in De la différence une réalité que tout le monde entre le temporel pouvait percevoir, l’artiste et l’éternel du père Nieremberg, affirme que nous ne savions pas XVIIe siècle. était impossible. « Dans le compromis De retour à Buenos Aires, Ferrari de la nouvelle évangélisation, effectue des collages pour défendre la dignité illustrer le livre Nunca más édité de l’homme par le journal Página/12 et par qui souffre » (série « L’Osservatore le département éditorial romano »). de l’Université de Buenos Aires en 1995. Chaque semaine, Ci-contre : Nosotros no le journal a offert à ses lecteurs sabíamos, collage. un fascicule avec les différentes sections du texte Ci-dessous : Videla, Massera et les illustrations de l’artiste. et Agosti avec Nunca más est le rapport monseigneur Tortolo, de la commission nationale vicaire des FFAA (Forces armées qui s’est occupée de argentines) la recherche sur la répression (photo A. Kacero) + de l’État et sur la disparition Le Jugement dernier de Giotto, 1306, des personnes pendant Chapelle degli la dictature (CONADEP). Scrovegni, Padoue, Il a été publié pour la première Italie (série « Nunca más »). fois en 1984. L’expression nunca más, « jamais plus », traduit la volonté des Argentins de ne plus revivre les événements de ce passé douloureux. Dans les séries « L’Osservatore romano » et « Nunca más », Ferrari montre les relations entre les représentations iconographiques de l’enfer au fil des siècles et les pratiques contemporaines de la torture. Dès 1965, avec La Civilisation occidentale et chrétienne, le collage d’un Christ sur un bombardier américain
Ci-contre, en haut : dénonçant la guerre du Vietnam, un imaginaire des relations Gravure de il questionne les rapports humaines. Nœuds d’autoroute Jan Luyken de la série « Persécutions que le pouvoir politique impossibles, ronds-points religieuses », XVIIe entretient avec le pouvoir du qui concentrent des masses de siècle + Photographie clergé. L’ensemble de son œuvre, gens, structures dans lesquelles du médecin de la police Jorge Bergés + contenant des éléments l’usage de l’automobile Nunca más, p. 139. subversifs, a suscité des et les piétons sont inversés, « Il y avait un médecin protestations des mouvements organisations spatiales qui indiquait quand ils devaient s’arrêter » catholiques conservateurs contradictoires, constructions (série « Nunca más »). qui ont fait pression invraisemblables qui nous pour la fermeture des salles précipitent dans un univers Ci-contre, à gauche : Vision de l’enfer lors de différentes expositions d’étrange fascination. de Thomas Darling : à Buenos Aires. Ces héliogravures, présentées trois diables Tout au long de sa carrière, au Musée de la danse, torturant des sorcières, 1597, Lambeth Palace Ferrari expérimente de multiples seront interprétées par Julien Library. « Seigneur, que techniques et dispositifs Jeanne dans une série de ta volonté soit faite » – de la photocopie à la sculpture performances chorégraphiques. (série « L’Osservatore romano »). sonore, de l’écriture abstraite La théoricienne argentine à la manière de Michaux Andrea Giunta, invitée Ci-contre, à droite : aux collages réalistes. Pendant par le centre d’art contemporain L’Extermination des premiers nés en Égypte son exil au Brésil, il réalise La Criée, approfondira (Exode, 12, 29) des héliogravures dans l’éclairage sur le travail de Gustave Doré, 1860, lesquelles il utilise des images de cet artiste emblématique illustration de la Bible. « Défendre la standard, des Letraset, dans sa conférence « L’Affaire famille et la vie » habituellement associées Ferrari ». Giunta est une (série « L’Osservatore aux plans d’architecte, spécialiste de l’art des romano »). en composant des espaces années soixante ; elle étudie inhabitables où les règles les rapports entre l’avant-garde de l’urbanisme sont disloquées politique et artistique et le et où toute convivialité développement de la modernité devient impossible. en Amérique latine. Cela symbolise à la fois le chaos Par le biais de cette exposition, et l’ordre. « À propos des Travesías souhaite offrir héliogravures de León Ferrari » au public de la région une (Buenos Aires, janvier plus large connaissance de l’art 2008), le commissaire Andrès argentin en focalisant sur Duprat décrit ainsi l’œuvre d’un de ses artistes ce travail : À travers le dessin les plus reconnus et les plus de plans d’architecture et influents pour les nouvelles l’utilisation d’estampes, Ferrari générations. construit des œuvres qui Chantal Bideau et Bérénice Gustavino. exacerbent jusqu’aux limites Rennes, juillet 2009
Il est possible que 21 septembre - 26 octobre 2009 quelqu’un me démontre Vernissage que ce n’est pas lundi 21 septembre à 18 h de l’art ; il n’y aurait — aucun problème, Commissariat : Chantal Bideau je ne changerais pas — Conférence de chemin, Andréa Giunta, théoricienne, je me limiterais à l’invitation de La Criée centre à le changer de nom : d’art contemporain, Rennes j’effacerais art Auditorium ERBA 22 septembre à 17 h et j’appellerais politique, — critique corrosive, Héliogravures n’importe quoi. Performances de Julien Jeanne autour de l’œuvre héliographiée León Ferrari à un critique de León Ferrari de la revue Propósitos, 1965. Musée de la danse 38, rue Saint-Melaine, Rennes www.museedeladanse.org Performances les vendredis à 19 h le 25 septembre, les 2, 9 et 16 octobre — Galeries du Cloître L’association Travesías École des Beaux-Arts de Rennes remercie chaleureusement : 34, rue Hoche F-35000 Rennes Catherine Berranger, relecture ; — Sophie Chenevière, du lundi au vendredi de 15 h à 19 h conception graphique ; et le samedi de 14 h à 18 h Bérénice Gustavino, traduction ; — Francis Voisin, les Compagnons tél : + 33 (0)2 23 62 22 60 du Sagittaire. fax : + 33 (0)2 23 62 22 69 erba@ville-rennes.fr http://travesiasfr.blogspot.com www.erba-rennes.fr ISBN 978-2-9531522-4-1
Biographie abrégée de León Ferrari León Ferrari est né en 1920 à Buenos sont ainsi mises en lien avec Aires. Dans les années cinquante, des photos et des articles de presse. il travaille la sculpture avec divers Il s’interroge en particulier sur l’idée matériaux : céramique, plâtre, ciment, du châtiment et de l’enfer dans l’église bois ; il réalise ses premières chrétienne, qu’il met en relation expositions en Argentine et avec les pratiques contemporaines en Europe. Dès le début des années de la torture. À cette période, soixante, il crée des sculptures il fabrique aussi des objets en fil de fer. Il commence aussi qui combinent des petites figures, ses « écritures » : des dessins des icônes de l’Église comme abstraits qui imitent l’écriture sans des saints ou des vierges, avec des être vraiment lisible. excréments d’animaux. Dans En 1964, Ferrari participe au groupe Le Jugement dernier, il installe une d’artistes de l’institut Torcuato Di Tella, volière avec des colombes siège de l’avant-garde artistique et place au fond de la cage une à Buenos Aires. À cette époque, reproduction du plafond de il conçoit des assemblages la chapelle Sixtine de Michel-Ange. de bouteilles, de cages et de poupées L’œuvre s’autoproduisait avec et s’intéresse à la religion et les excréments des oiseaux. à la politique. En 1965, il présente Il combine ainsi le process art et La Civilisation occidentale et chrétienne la provocation politique en violant au prix de l’institut Torcuato une œuvre iconographique Di Tella. Il s’agissait d’une réplique à la manière de Mona Lisa à d’un bombardier américain la moustache de Marcel Duchamp. sur lequel était fixée une figure León Ferrari a participé à de du Christ crucifié. L’institut a décidé nombreuses expositions en Europe de ne pas retenir ce collage car et sur le continent américain la critique de la politique impérialiste comme la dernière biennale de São des États-Unis au Vietnam et Paulo et celle du Mercosur la référence au pouvoir de l’Église à Porto Alegre. En 2007, étaient trop explicites. Cette pièce il a obtenu le Lion d’or à la biennale est devenue un paradigme dans de Venise et a participé la tradition de l’avant-garde esthétique à la Documenta 12. Le MoMA et politique de l’art du XXe siècle. de New York a récemment montré Après une étape plus abstraite, Ferrari son travail dans l’exposition reprend l’iconographie religieuse « Tangled Alphabets » avec l’artiste pour faire des collages et des brésilienne Mira Schendel. photomontages. Des images de l’enfer dans des tableaux des maîtres — du Moyen Âge ou de la Renaissance Pour en savoir plus : www.leonferrari.com.ar
Tablero, 1982.
Humo de palabras Fumée de mots Con restos y cenizas Avec les restes des cendres de libros des livres quemados por San Capistrano, brûlés par saint Capistrano, Santo Domingo de Guzmán, saint Dominique de Guzmán, Torquemada y Goebbels, Torquemada et Goebbels, de códices mayas que encendió du codex des Mayas qu’incendia Prior Diego de Landa en Yucatán le prieur Diego de Landa de Yucatán y de libros que ardieron et des livres qui brûlèrent en el Regimiento de Infantería dans le Régiment de l’Infanterie Aerotransportada Aéroportée del Tercer Cuerpo de Ejército du Troisième Corps de l’Armée en Córdoba, de Córdoba haré papel reciclado je ferai du papier recyclé donde imprimir la página bíblica où j’imprimerai le verset de la Bible que cuenta de libros de magia qui raconte les livres de magie quemados por San Pablo. brûlés par saint Paul. En medio de la lámina copiaré Au milieu de la page je collerai el grabado de Doré la gravure de Doré que muestra al santo frente qui montre le saint en face a la hoguera du bûcher y con la tinta de sus epístolas et avec l’encre de ses épîtres dibujaré el humo de las palabras. je dessinerai la fumée des mots. León Ferrari La Bondadosa crueldad (La Bonté cruelle), 2000, Argonauta.
Andrea Giunta et « L’Affaire Ferrari » Spécialiste de l’art argentin dans les manifestations des années soixante, artistiques et les limites Andrea Giunta a suivi l’ample de l’art contemporain. trajectoire artistique Andrea Giunta est professeur de Ferrari dès sa participation et chercheur en histoire de l’art ; polémique au prix de l’institut elle enseigne l’art latino- Torcuato Di Tella en 1965 américain à l’Université jusqu’à son exposition du Texas, Austin, aux États-Unis, anthologique au Mexique en où elle dirige le CLAVIS 2008. Son livre El Caso Ferrari. (Center for Latin American Visual Arte, Censura y Libertad Studies) ; elle est également de expresión en la retrospectiva chercheur au CONICET, en el centro cultural Argentine. Dans son ouvrage Recoleta, 2004-2005, publié Vanguardia, internacionalismo en 2008, réunit des textes pour y política. Arte argentino aborder la complexité de los años sesenta (publié des relations entre art, censure chez Paidós à Buenos Aires et société. Suite à la grande en 2001, réédité en 2008 rétrospective de Ferrari par l’éditeur Siglo XXI, puis au centre culturel Recoleta traduit en anglais et publié de Buenos Aires, en 2004, dont par l’Université Duke, elle assura le commissariat, Durham, Caroline du Nord, en l’auteur examine des notions 2007), elle étudie les tendances comme « liberté d’expression », avant-gardistes de cette « responsabilité » et « ordre période et le processus public », termes du discours d’internationalisation de l’art juridique produit autour argentin. Elle a récemment de l’« affaire Ferrari ». présenté Poscrisis. Arte Elle analyse aussi le rôle argentino después de 2001 des institutions publiques (Siglo XXI, 2009).
Sans titre, 1982.
Héliogravures Le chorégraphe Julien Jeanne, fondateur de l’association Index, a imaginé un projet inspiré de la série d’héliogravures de León Ferrari. Avec la complicité d’un groupe d’amateurs et de l’artiste plasticien sonore Damien Marchal, il souhaite construire un espace mouvant à la frontière entre exposition et performance où se réaliseront des séries d’actions, tant visuelles que chorégraphiques et sonores émanant directement de ses impressions en relation avec les héliogravures de Ferrari. — Musée de la danse 38, rue Saint-Melaine, Rennes www.museedeladanse.org Performances les vendredis à 19 h le 25 septembre, les 2, 9 et 16 octobre
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