Lèpre / Épidémiologie - InfoNTD

La page est créée Clément Fernandes
 
CONTINUER À LIRE
Lèpre / Épidémiologie - InfoNTD
Lèpre / Épidémiologie

■ Le point sur l’épidémiologie de la lèpre dans le monde
en 2015
                                                           Données de l’Organisation Mondiale de la Santé*

Note de la rédaction du BALLF : le rapport 2016 (sur les données 2015) tel qu’établi par l’OMS fait état de modifications
techniques sensibles par rapport aux années précédentes, notamment par le choix de nouveaux indicateurs qui ne sont pas
toujours facilement comparables à ceux utilisés lors des années précédentes. Nous encourageons les lecteurs intéressés à
lire directement le Relevé via le serveur Web de l’OMS (à l’aide de votre logiciel de navigation www, connectez-vous à la
page d’accueil du BEH à l’adresse suivante : http://www.who.int/wer/)

Situation de la lèpre dans le               cibles clés ont été approuvées par tous      dées dans 2 domaines : la législation
monde, 2015 : l’heure est à l’ac-           les programmes nationaux : 1) zéro cas       et les politiques existantes permettant
tion, à la responsabilisation et à          d’ID2 chez les enfants atteints de lèpre,    la discrimination contre les personnes
l’inclusion                                 2) réduction du nombre de nouveaux           touchées par la lèpre d’une part, et les
                                            cas de lèpre avec ID2 à moins d’un cas       nouveaux cas de lèpre nés à l’étranger
L’introduction de la polychimiothé-         pour un million d’habitants, et 3) zéro      d’autre part.
rapie (PCT) dans les programmes de          pays dont la législation permet une dis-     Ainsi, 136 pays ont envoyé des statis-
lutte contre la lèpre au milieu des an-     crimination basée sur la lèpre.              tiques annuelles sur la lèpre, soit en uti-
nées 1980 s’est traduite par une nette      Le dépistage précoce et un traitement        lisant le modèle fourni par l’OMS soit
réduction de la prévalence de la mala-      complet par PCT demeurent les prin-          en utilisant d’autres supports : 26 pays
die : le nombre de cas de lèpre est pas-    cipes fondamentaux de la lutte contre        de la Région africaine (AFR), 23 pays
sé de 5,4 millions à l’époque à quelques    la lèpre. Les processus clés de la mise      de la Région des Amériques (AMR), 20
centaines de milliers aujourd’hui. Cette    en œuvre de la stratégie mondiale com-       pays de la Région de la Méditerranée
diminution substantielle a amené l’As-      prennent la couverture des poches de         orientale (EMR), 28 pays de la Région
semblée mondiale de la Santé à préco-       forte endémie de lèpre en employant          européenne (EUR), 11 pays de la
niser en 1991 l’élimination mondiale de     des méthodes innovantes de dépistage         Région de l’Asie du Sud-Est (SEAR) et
la lèpre en tant que problème de santé      actif des cas, l’intégration de la straté-   26 pays de la Région du Pacifique oc-
publique d’ici l’an 2000. Les stratégies    gie dans d’autres programmes de lutte        cidental (WPR). Quatre-vingt-douze
mondiales de lutte antilépreuse ont été     contre les maladies, l’amélioration du       pays ou territoires n’ont pas envoyé leur
élaborées autour de cette cible jusqu’à     suivi des indicateurs des programmes         rapport. Les statistiques annuelles de la
l’élimination de la lèpre en tant que       de lutte contre la lèpre, en particulier     lèpre pour 2015 collectées par les pro-
problème de santé publique en 2000          au niveau infranational, l’inclusion des     grammes nationaux comprenaient des
au niveau mondial, puis en 2005 au ni-      personnes touchées par la lèpre, et des      données sur les nouveaux cas (nombre
veau national pour la plupart des pays.     mesures pour éliminer la discrimina-         total de cas, nombre de cas de lèpre
Depuis, les stratégies mondiales quin-      tion contre les personnes atteintes de       multibacillaire [MB], nombre de cas
quennales de lutte contre la lèpre visent   lèpre et les membres de leur famille. Le     féminins, nombre de cas pédiatriques
une réduction de la charge de morbidi-      modèle de collecte des données fourni        et nombre de cas d’ID2) notifiés au
té mesurée en termes de nouveaux cas        par l’OMS aux programmes nationaux           cours de l’année 2015. Le taux de pré-
atteints de difformités visibles ou d’in-   de lutte contre la lèpre a été révisé en     valence était calculé à partir du nombre
capacité de degré 2 (ID2). La Stratégie     conséquence.                                 de patients enregistrés pour recevoir
mondiale de lutte contre la lèpre 2016-                                                  une PCT au dernier jour de l’année de
2020 « Parvenir plus rapidement à un        Charge de morbidité de la lèpre              rapport pour 10 000 habitants (préva-
monde exempt de lèpre » a été dévoilée      en 2015                                      lence ponctuelle). Les chiffres de la po-
en avril 2016. Cette stratégie est fon-                                                  pulation dans les pays ont été tirés des
dée sur les principes suivants : prendre    Chaque année, l’OMS recueille des in-        estimations en milieu d’année publiées
des mesures, garantir la responsabili-      formations issues des programmes na-         par le Département des affaires écono-
sation et promouvoir l’inclusion. Elle      tionaux de lutte contre la lèpre rela-       miques et sociales des Nations Unies,
s’articule autour de 3 piliers : renfor-    tives à la prévalence de la lèpre (définie   Division de la population, et utilisés
cer l’appropriation par les gouverne-       comme le nombre de patients sous trai-       pour déterminer le taux de prévalence,
ments, la coordination et le partenariat,   tement à un moment donné, en géné-           le taux de dépistage de nouveaux cas
mettre un terme à la lèpre et à ses com-    ral le 31 décembre), aux nouveaux cas        et le taux de cas d’ID2. La prévalence
plications, mettre fin à la discrimina-     dépistés et à l’achèvement du traite-        ponctuelle et le taux de prévalence sont
tion et promouvoir l’inclusion. Lors de     ment. Pour l’année 2015, des informa-        utilisés à des fins de comparaison avec
l’adoption de la stratégie mondiale, 3      tions supplémentaires ont été deman-         les années précédentes et de compa-

                                                                                                                                   1
                                                                                             Bull. de l’ALLF n° 32, juin 2017
Lèpre / Épidémiologie - InfoNTD
Lèpre / Épidémiologie

raison des régions ou des pays entre       Tableau 1. Nombre de nouveaux cas dépistés en 2015 (par région de l’OMS)
eux. Pour la plupart des pays, l’année
de rapport correspondait à l’année ca-
lendaire 2015, pour d’autres, la période
de rapport de 12 mois se terminait le
31 mars 2016.
Le Tableau 1 montre la prévalence de
la lèpre dans chaque Région de l’OMS.
À la fin de l’année de rapport, 174 608
patients atteints de lèpre dans le monde
recevaient une PCT, ce qui correspond
à un taux de prévalence de 0,29 pour
10 000 habitants, un chiffre en baisse
par rapport à celui de 0,32 pour 10 000
                                           1
                                               Taux de dépistage = nombre de cas/100 000 habitants.
en 2014. Le taux de dépistage des nou-
veaux cas correspond au nombre de                  Tableau 2. Nombre de nouveaux cas dépistés : tendances observées
cas dépistés au cours de l’année pour                            par Région de l’OMS de 2007 à 2015
100 000 habitants. Pendant l’année de
rapport, 210 758 nouveaux cas de lèpre
ont été dépistés dans le monde. Le taux
de dépistage des nouveaux cas s’éle-
vait à 3,2 pour 100 000 habitants, une
baisse marginale (3 141 cas) par rap-
port à l’année précédente.
Les nombres absolus de nouveaux cas
dépistés au cours des 9 années pré-
cédentes (2007-2015) ont été venti-
lés par Région de l’OMS et sont pré-       Foundation au titre du mécanisme du           proportion de cas MB parmi les nou-
sentés dans le Tableau 2. L’évolution      Bangkok Declaration Special Fund. Ce          veaux cas variait de 94,8 % au Sénégal
montre une diminution progressive glo-     fonds a été créé à la suite du Sommet         à 47,5 % aux Comores dans la Région
bale de 265 661 cas en 2006 à 210 758      international de la lèpre qui s’est tenu      AFR, de 91,0 % en Argentine à 55,1 %
cas en 2015. Des augmentations margi-      à Bangkok (Thaïlande) en juillet 2013         aux États-Unis d’Amérique dans la
nales du nombre de nouveaux cas ont        pour promouvoir les interventions inno-       Région AMR, de 91,1 % en Égypte
été observées entre 2014 et 2015 dans      vantes visant à accroître le dépistage des    à 74,4 % au Pakistan dans la Région
les Régions AFR et SEAR où le nombre       cas dans les pays où la charge de mor-        EMR, de 84,6 % en Indonésie à 43,0 %
de cas est passé de 18 597 (en 2014) à     bidité est importante. Le dépistage des       au Bangladesh dans la Région SEAR,
20 004 (en 2015) et de 154 834 (en 2014)   nouveaux cas est en diminution dans les       et de 92,2 % aux Philippines à 27,8 % à
à 156 118 (en 2015), respectivement.       Régions AMR, EMR et WPR.                      Kiribati dans la Région WPR.
La Région SEAR concentre 74 % des          En 2015, 14 pays ont notifié plus de          La proportion de cas féminins a été ana-
nouveaux cas de lèpre dans le monde,       1 000 nouveaux cas. Le Tableau 3 in-          lysée pour en savoir davantage sur l’ac-
contre 14 % pour la Région AMR et 9 %      dique le nombre de nouveaux cas dé-           cès des femmes aux services de lutte
pour la Région AFR. Les Régions WPR        pistés dans ces pays au cours des 8 der-      contre la lèpre et sur les effets possibles
et EMR représentent 2 % et 1 % des         nières années. Ces 14 pays concentrent        de la discrimination à l’encontre des
nouveaux cas de lèpre dans le monde,       95 % de la charge mondiale de morbidi-        femmes atteintes de cette maladie. En
respectivement. Globalement, le dépis-     té due à la lèpre, les 5 % restants étant     2015, 38,8 % des nouveaux cas étaient
tage des nouveaux cas décroît lentement    répartis sur 92 autres pays. Certains de      de sexe féminin. La proportion des cas
dans toutes les Régions de l’OMS. La       ces pays affichent des taux de dépistage      féminins variait de 49,2 % au Burkina
légère augmentation du dépistage des       de cas très élevés.                           Faso à 25 % au Sénégal dans la Région
nouveaux cas observée dans les Régions                                                   AFR, de 48,8 % à Cuba à 32,6 % en
AFR et SEAR peut s’expliquer, en par-      La proportion de cas MB indique la pré-       République bolivarienne du Venezuela
tie, par les campagnes de sensibilisa-     sence de cas avancés de lèpre et reflète      dans la Région AMR, de 48,2 % au
tion à la lèpre et de dépistage des cas    indirectement l’ampleur de l’infection        Pakistan à 33,4 % au Soudan dans la
menées dans le cadre des programmes        dans la communauté. À l’échelle mon-          Région EMR, de 49,9 % au Sri Lanka
nationaux et financées par la Nippon       diale, cette proportion est de 60,2 %. La     à 22,5 % au Timor-Leste dans la Région

2
                                                                                                      Bull. de l’ALLF n° 32, juin 2017
Lèpre / Épidémiologie - InfoNTD
Lèpre / Épidémiologie

           Tableau 3. Tendances observées dans le dépistage de la lèpre dans les pays signalant un nombre
            ≥1 000 nouveaux cas en 2015 et nombre de nouveaux cas dépistés antérieurement depuis 2008

SEAR et de 54,4 % à Kiribati à 27,4 %      dans le monde. Le nombre de nouveaux          Dans le domaine de la lèpre, les re-
dans les États fédérés de Micronésie       cas d’ID2 (tableau 4) tend à augmenter,       chutes peuvent indiquer un échec thé-
dans la Région WPR.                        passant de 12 392 en 2006 à 14 059 en         rapeutique. Dans la majorité des pro-
Le dépistage de cas de lèpre parmi les     2015, tandis que le dépistage global des      grammes de lutte contre la lèpre, les
enfants indique une transmission persis-   cas a diminué sur cette même période.         rechutes sont diagnostiquées par un
tante de l’infection au sein de la com-    Cela peut résulter en partie d’une            examen clinique : dans certains cas, des
munauté. La proportion de nouveaux         meilleure notification du statut ID2,         analyses histopathologiques sont utili-
cas pédiatriques dans le monde s’élevait   mais ces chiffres suggèrent qu’il faut        sées pour confirmer la rechute. Un sys-
à 8,9 % : de 0,8 % au Niger à 38,1 % aux   mettre l’accent sur le dépistage précoce      tème de surveillance bien établi existe
Comores dans la Région AFR, de 1,8 %       des cas. Au niveau régional, on observe       dans de nombreux programmes natio-
en Argentine à 12,3 % en République        une diminution progressive du nombre          naux pour enregistrer et notifier les cas
Dominicaine dans la Région AMR, de         de nouveaux cas d’ID2 dans toutes les         de rechute. En 2015, sur les 103 pays qui
3,3 % au Soudan à 8,4 % en Somalie         Régions de l’OMS, à l’exception de la         ont communiqué des informations sur
dans la Région EMR, de 3,9 % au            Région SEAR dans laquelle le nombre           les cas de rechute de la lèpre, 57 ont no-
Myanmar à 11,2 % au Sri Lanka dans la      de nouveaux cas d’ID2 est passé de 5 791      tifié zéro cas de rechute et 46 ont notifié
Région SEAR, et de 2,8 % au Vietnam à      en 2005 à 8 572 en 2015. La Stratégie         3 039 cas de rechute. Les programmes
30,4 % en Papouasie-Nouvelle-Guinée        mondiale de lutte contre la lèpre 2016-       de lutte contre la lèpre devraient exa-
dans la Région WPR.                        2020 a pour objectif de réduire le            miner chaque cas de rechute en termes
La proportion de nouveaux cas d’ID2,       taux de nouveaux cas d’ID2 à moins            d’adéquation du traitement prescrit,
qui s’élève à 6,7 % dans le monde,         d’un cas pour un million d’habitants          de régularité de la prise du traitement
indique un dépistage tardif des cas de     d’ici 2020. La Stratégie mondiale de          et d’autres facteurs sanitaires en gé-
lèpre. Cette proportion variait de 3,2 %   lutte contre la lèpre 2016-2020 appelle       néral susceptibles d’avoir fait échouer
au Mali à 31,2 % au Burkina Faso dans      également à parvenir à « zéro cas d’ID2       le traitement. L’évolution du nombre
la Région AFR, de 2,9 % en République      chez l’enfant ». Quarante-cinq pays ont       de cas de rechute sur plusieurs années
bolivarienne du Venezuela à 16,9 %         fourni des données sur les nouveaux cas       pourrait aussi fournir des informations
en Colombie dans la Région AMR, de         d’ID2 parmi les enfants : 39 d’entre eux      précieuses.
7,7 % en Égypte à 42,1 % en Somalie        ont notifié zéro nouveau cas d’ID2 chez       La Stratégie mondiale de lutte contre la
dans la Région EMR, de 4,3 % au Népal      l’enfant. Les données communiquées            lèpre 2016-2020 demande également de
à 13,6 % au Myanmar dans la Région         par 9 pays révèlent 271 cas d’ID2 parmi       parvenir à « zéro législation, règle ou
SEAR, et de 1,8 % dans les États fédérés   les enfants. Parmi les pays qui ont notifié   politique permettant la discrimination
de Micronésie à 18,6 % en Chine dans       les nouveaux cas de lèpre chez l’enfant,      contre les personnes touchées par la
la Région WPR. En 2015, 14 059             42 ont notifié zéro cas, c’est-à-dire zéro    lèpre » à l’échelle mondiale d’ici 2020.
nouveaux cas d’ID2 ont été notifiés        nouveau cas d’enfant atteint d’ID2.           L’OMS a demandé des informations au-

                                                                                                                                  3
                                                                                             Bull. de l’ALLF n° 32, juin 2017
Lèpre / Épidémiologie - InfoNTD
Lèpre / Épidémiologie

               Tableau 4. Nombre de cas (pour 100 000 habitants) présentant des incapacités de niveau 2
                         parmi les nouveaux cas dépistés par Région de l’OMS de 2007 à 2014

près des programmes nationaux sur les         tion afin de dépister tous les cas pédia-    d’améliorer l’observance de la PCT afin
lois et la législation en vigueur permet-     triques avant qu’ils ne développent une      d’éviter les rechutes et la résistance aux
tant la discrimination dans leurs pays        incapacité. L’intégration avec d’autres      antimicrobiens.
respectifs. D’après les informations qui      initiatives pour la santé de l’enfant se-    En termes de progrès accomplis vers les
ont été communiquées, 33 pays ont in-         rait bénéfique pour améliorer la portée      cibles de la Stratégie mondiale de lutte
diqué qu’il n’existait pas de loi ou de lé-   des campagnes de dépistage des cas et        contre la lèpre 2016-2020, il est encou-
gislation permettant la discrimination, 4     réduire les coûts. L’apparition de nou-      rageant de constater qu’une bonne base
pays ont signalé l’existence d’une légis-     veaux cas pédiatriques avec ID2 jus-         est en place : 39 pays ont enregistré zéro
lation susceptible de restreindre l’accès     tifie d’effectuer des vérifications pour     cas d’ID2 parmi les enfants, 50 pays ont
à des droits sociaux pour les personnes       comprendre la situation et supprimer les     un taux d’ID2 parmi les nouveaux cas
touchées par la lèpre et un pays a indi-      barrières au dépistage précoce des cas.      < 1 cas pour un million d’habitants, et
qué l’existence d’une telle loi qui n’est     En 2015, 14 059 nouveaux cas d’ID2 ont       67 pays n’ont pas de législation en place
cependant plus appliquée. Les gouver-         été dépistés, soit 2,1 cas pour un mil-      permettant la discrimination à l’en-
nements et les législateurs de plusieurs      lion d’habitants. Ce taux élevé de nou-      contre des personnes touchées par la
pays ont pris des mesures pour mettre         veaux cas d’ID2 peut refléter les progrès    lèpre et de leurs familles.
fin à la discrimination à l’encontre des      accomplis en matière d’évaluation et de      Constituer une liste de pays prioritaires
personnes atteintes de lèpre.                 notification, mais il peut aussi suggérer    est essentiel pour orienter les mesures
                                              un dépistage tardif. Il est essentiel de     vers la réalisation des cibles. L’OMS
Note de la rédaction du Bulletin              comprendre les obstacles à une détec-        utilise actuellement un indice com-
Épidémiologique         Hebdomadaire          tion précoce des cas. Dans certains pays     posite pour la lèpre, basé sur la pré-
(WER)                                         et Régions, le taux de dépistage des nou-    valence, le dépistage des nouveaux
La prévalence de la lèpre diminue pro-        veaux cas d’ID2 est resté quasiment in-      cas, les taux de dépistage des cas, les
gressivement dans de nombreux pays :          changé depuis 3 ou 4 ans. Un dépistage       taux d’ID2 (pourcentage et taux pour
néanmoins, les taux de dépistage des          actif des cas couvrant les personnes à       un million d’habitants) et le pourcen-
nouveaux cas restent quasiment inchan-        risque à travers des contacts au sein des    tage des cas pédiatriques. Cet indice
gés à l’échelle mondiale et dans diffé-       foyers par exemple, et les groupes de        révèle que 22 pays sont aujourd’hui
rentes Régions. Au total, 210 758 nou-        population à risque à travers des initia-    considérés comme ayant une « charge
veaux cas ont été notifiés par 106 pays.      tives communautaires, pourrait contri-       élevée de morbidité due à la lèpre »
Au total, 18 796 nouveaux cas pédia-          buer à réduire le nombre de nouveaux         (y compris une transmission élevée) :
triques (8,9 % du nombre total de nou-        cas d’ID2 dans la communauté. La par-        Angola, Bangladesh, Brésil, Comores,
veaux cas) ont été dépistés en 2015.          ticipation de personnes touchées par la      Côte d’Ivoire, Égypte, États fédérés de
L’existence de nouveaux cas pédia-            lèpre et de membres de la communauté         Micronésie, Éthiopie, Inde, Indonésie,
triques indique une transmission persis-      pourrait être envisagée. L’observance de     Kiribati, Madagascar, Mozambique,
tante de la lèpre au sein de la commu-        la polychimiothérapie est source de pré-     Myanmar, Népal, Nigéria, Philippines,
nauté. Parmi ces enfants touchés, 271         occupations. Les taux de guérison les        République démocratique du Congo,
présentent une ID2. Les plans nationaux       plus faibles enregistrés étaient de 14,9 %   République Unie de Tanzanie, Soudan,
de mise en œuvre de la stratégie anti-        pour les patients PB et de 6 % pour les      Soudan du Sud et Sri Lanka.
lépreuse doivent prévoir des campagnes        patients MB. De nombreux pays ont in-
ciblées sur le dépistage des cas com-         diqué des taux de guérison subopti-              * Source : Weekly Epidemiological
binées à des initiatives de sensibilisa-      maux (< 85 %), soulignant la nécessité                     Record 2016 ; 91:405-20

4
                                                                                                       Bull. de l’ALLF n° 32, juin 2017
Lèpre / Épidémiologie - InfoNTD
Lèpre / Épidémiologie

■ LèPRE DANS LES DOM TOM
Détection de la lèpre (nouveaux cas et rechutes) et prévalence dans les DOM TOM
en 2016
                                                                                                          G.-Y. de Carsalade

                           Tableau récapitulatif des cas de lèpre dans les DOM TOM en 2016

     a. pour 100 000 habitants
     b. pour 10 000 habitants
     NC non connu

Commentaires                                tion dans les DOM TOM nous ont été       Dr Nguyen Ngoc Lam (ngoc-lam.
                                            communiquées par les différents res-     nguyen@sante.gov.pf)      pour      la
Deux foyers restent particulièrement        ponsables des programmes lèpre. Nous     Polynésie française, Dr Camuset (guil-
actifs : Mayotte, qui après plusieurs an-   vous communiquons (avec leur ac-         laume.canuset@chu-reunion.fr) pour
nées aux alentours de 40 nouveaux cas       cord) leurs adresses mail afin de pou-   la Réunion sud, Dr Gerber (anne.ger-
par an présente 51 cas, alors que l’an-     voir échanger des informations sur des   ber@chu-reunion.fr) pour la Réunion
née dernière il y avait 58 nouveaux         patients.                                Nord.
cas ; et la Guyane, qui reste entre 10      Dr Fabre (isabelle.fabre@chu-gua-
et 15 après un pic à 21 en 2015. La         deloupe.fr) pour la Guadeloupe,
Martinique depuis 2013 n’a pas dia-         Pr Couppié (pierre.couppie@ch-ca-
gnostiqué de nouveaux cas mais une          yenne.fr) pour la Guyane, Dr Leoture
veille sanitaire et un dépistage volon-     pour la Martinique (a.leoture@wana-
taire restent nécessaires.                  doo.fr), Dr Oussaid (d.mohand-ous-
Les informations concernant la situa-       said@chmayotte.fr) pour Mayotte,

                                                                                                                           5
                                                                                        Bull. de l’ALLF n° 32, juin 2017
Lèpre / Épidémiologie - InfoNTD
Lèpre / Épidémiologie

■ Détection de la résistance aux antibiotiques dans les cas de
lèpre diagnostiqués en France : tendances évolutives
                                                                                                                        E. Cambau*

Données de l’année 2015                        Analyse rétrospective des résul-            rifampicine). Aucun cas de multirésis-
En 2015, nous avons reçu 70 biopsies           tats 2001-2015 concernant les cas           tance n’a été détecté.
pour 49 patients français ou résidant en       de lèpres diagnostiqués en France           Le taux de résistance était donc en
France, ce qui confirme l’augmentation         Un total de 419 biopsies ont été reçues     France de 7,4 % parmi les 122 nou-
du recrutement observée depuis 2010            durant les 15 années de 2001 à 2015         veaux cas (R 1aire), et de 26,7 % par-
suite aux relations établies avec des collè-   pour 299 patients suspects de lèpre,        mi les 30 rechutes (R 2aire). Comme
gues des DOM-TOM et des centres hos-           dont 191 biopsies positives par exa-        dans la tuberculose, cette différence
pitaliers de métropole.                        men microscopique ou amplification          est très significative (p = 0,006).
L’examen microscopique et la PCR               génique (46 %), ce qui a permis le          La distribution des cas de résistances
étaient positifs pour 26 des 49 patients,      diagnostic de lèpre pour 158 patients       par lieu de naissance ou de contage
soit 59 % (30 biopsies positives sur 70,       (53 %) dont 50 en France métropoli-         présumé (personne née en France mais
soit 43 %) : 22 nouveaux cas et 4 rechutes.    taine et 108 dans les DOM-TOM.              ayant séjourné longuement en pays en-
Ces patients vivaient dans les DOM-            Les patients étaient originaires des        démique, DOM-TOM ou étranger) est
TOM (n = 16 dont 11 à Mayotte dont 5           DOM-TOM (n = 96, 60 %), d’Afrique           présentée dans le tableau ci-dessous.
originaires des Comores ; 2 à Tahiti ; 3 en    (n = 44, 28 %), d’Asie (n = 9,6 %),         Les cas résistants observés chez les
Nouvelle Calédonie), ou étaient des im-        d’Amérique (n = 3,2 %) ou de France         patients résidant dans les DOM-TOM
migrants résidant en France métropoli-         métropolitaine mais ayant voyagé dans       étaient autant primaires (n = 7) que se-
taine (total = 10 dont 1 du Sri Lanka, 1       des régions d’endémie (n = 6,4 %).          condaires (n = 8). Au contraire, les 2
de RDCongo, 1 du Mali, 1 du Sénégal, 1         Parmi les 158 cas, 125 étaient des nou-     seuls cas résistants observés chez les
de Madagascar, 5 des Comores).                 veaux cas (79 %) et 33 des rechutes         patients nés ou résidant à l’étranger
Toutes les souches de M. leprae étaient        (21 %)                                      étaient primaires, en cohérence avec ce
multisensibles aux antilépreux.                Un antibiogramme moléculaire a été          qui est observé dans le programme de
En 2015, nous avons en outre pratiqué,         obtenu pour 152 (122 nouveaux cas et        surveillance de l’OMS.
pour un patient né au Sri Lanka et dia-        30 rechutes) des 158 cas :                  La grande majorité des mutations de
gnostiqué à Paris (Hôpital Saint Louis)        – 135 cas étaient multisensibles,           résistance primaire concernent la dap-
un antibiogramme phénotypique par              – et 17 cas résistants (11 %) dont 9 pri-   sone (7 sur 9), ce qui n’est pas éton-
subculture chez la souris Swiss après          maires (7 à DDS et 2 aux fluoroquino-       nant en raison de l’emploi très ancien,
primoculture chez la souris Nude.              lones) et 8 secondaires (5 à DDS et 3 à     autrefois en monothérapie, de cet an-

           Surveillance de la résistance aux antilépreux chez les patients diagnostiqués en France (2001-2015)

 ABG, antibiogramme ; Dds, dapsone ; Rif, rifampicine ; Fq, fluoroquinolone
 * dont 6 patients nés en France métropolitaine mais ayant séjourné longuement en pays endémique, soit en DOM-TOM (n=1),
 soit à l’étranger (n=5 : 3 en Afrique, 2 en Asie) ;
 ** Nouvelle Calédonie ; *** immigrant du Brésil résidant en France ; **** 2 Martinique, 1 Tahiti

6
                                                                                                       Bull. de l’ALLF n° 32, juin 2017
Lèpre / Épidémiologie - InfoNTD
Lèpre / Épidémiologie

tilépreux, ce qui a occasionné des re-    Les différences observées entre les         pas de résistance 2aire. Par contraste,
chutes à bacilles résistants et des cas   taux de résistance parmi les cas dia-       dans les DOM-TOM où les patients
de transmission à partir de ces re-       gnostiqués en France et ceux obser-         sont pris en charge par des structures
chutes. Cependant il faut noter 2 cas     vés dans les pays d’endémie lépreuse        variées et mal coordonnées, les taux
de résistance 1aire aux fluoroquino-      (cf. nos travaux effectués pour une di-     de résistance 1aire, et surtout de ré-
lones (Nouvelle Calédonie ; immigrant     zaine de pays d’endémie, dans le cadre      sistance 2aire, sont très élevés, suggé-
du Brésil résidant en France) qui sont    du réseau OMS de surveillance de la         rant des défauts importants d’orga-
très probablement la rançon de l’emploi   résistance aux antilépreux), primaire       nisation dans la prise en charge des
large de ces antibiotiques dans de nom-   (7,4 % vs 4 %, P = 0,1) et surtout se-      patients – en tout cas dans le passé.
breux types d’infections (urinaires,      condaire (26,7 % vs 0 %, p = 0,007),
respiratoires…).                          sont frappantes.                                   * Laboratoire de bactériologie,
La majorité des mutations de résis-       Dans les régions qui suivent la stratégie          Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris
tance 2aire concernent la dapsone         OMS, le traitement de la lèpre est stan-
mais il faut noter 3 cas de résistance    dardisé depuis une trentaine d’années
2aire à la rifampicine dans les DOM-      et les antilépreux sont fournis gratuite-
TOM (Martinique, Tahiti) ce qui sug-      ment sous une forme qui favorise la su-
gère des défauts d’organisation des       pervision et la compliance. Les taux de
traitements dans ces régions.             résistance 1aire y sont bas et il n’y a

                                     Lèpre tuberculoïde (© GYC).

                                                                                                                             7
                                                                                          Bull. de l’ALLF n° 32, juin 2017
Lèpre / Épidémiologie - InfoNTD
Lèpre / Épidémiologie

■ ITINéRAIRE THÉRAPEUTIQUE DES MALADES DE LA LÈPRE DANS LA VILLE
DE CONAKRY
                                                          Kéita M*, Kouroumah B*, Soumah MM*, Diané BF, Tounkara TM*,
                                                                         Bangoura EF**, Kaba MS***, Baldé H*, Cissé M*

L’itinéraire thérapeutique est une dé-       derne4. Malgré les campagnes de sensi-        l’âge, le sexe et l’origine géographique,
marche qui consiste à obtenir des soins      bilisation pour favoriser le recours aux      et qui ont accepté de répondre à notre
à différents niveaux : dans la cellule       structures de soins de la médecine mo-        questionnaire. Les variables collectées
familiale, dans la communauté et au-         derne, l’attachement des populations          étaient démographiques (âge, sexe, ori-
près des structures modernes de san-         à la médecine traditionnelle africaine        gine géographique, catégorie sociopro-
té1. Plusieurs éléments retardent le dé-     demeure4. La multiplication de ces re-        fessionnelle, revenu mensuel, centre de
pistage de la lèpre, qui apparaissent        cours à l’occasion d’une maladie don-         prise en charge), cliniques, ainsi que
liés à des stigmates sociaux ; alors in-     née détermine un circuit complexe qui         relatives au parcours thérapeutique.
terviennent des tentatives d’autotraite-     constitue l’itinéraire thérapeutique.         Nous avons utilisé le coefficient de cor-
ment, puis une recherche thérapeutique       Toutefois, le déroulement de ce pro-          rélation de Bravais-Pearson pour me-
durant laquelle le malade aura recours       cessus n’obéit pas toujours à la logique      surer l’importance de la liaison entre
à toutes les alternatives qui se propo-      des filières de soins, mais parfois à         d’une part, le premier recours et le ni-
seront à lui2. Ainsi, les itinéraires thé-   une logique subjective sous-tendue par        veau d’instruction, d’autre part entre
rapeutiques sont très variables et la        plusieurs facteurs6, 7. Les objectifs de      le premier recours et le sexe, et enfin
plupart des malades changent de sec-         cette étude étaient de déterminer la fré-     entre le premier recours et la connais-
teur de soins d’un recours à l’autre.        quence de la lèpre, de décrire le profil      sance supposée de la maladie.
Les malades adaptent leur itinéraire         démographique des malades, et d’iden-
thérapeutique en priorité également à        tifier les étapes de l’itinéraire thérapeu-   Résultats
leurs moyens financiers, à leur accès        tique des malades de la lèpre dans la
géographique aux formations sani-            ville de Conakry.                             Nous avons colligé 71 cas de lèpre. Il
taires, et à leur perception sociocul-                                                     s’agissait de 42 hommes et 29 femmes.
turelle de la maladie3. Dans les pays        Matériel et Méthodes                          L’âge moyen était de 42,5 ans avec des
en voie de développement, l’utilisa-                                                       extrêmes de 8 et 76 ans. Les fractions
tion des services de santé revêt plu-        Il s’agissait d’une étude prospective         des patients âgés de 18 à 27 (28,2 %)
sieurs spécificités dont les principales     transversale de type descriptif me-           et celle des enfants (âge < 17 ans)
résident dans la diversité des recours       née du 1er avril au 30 septembre 2014         (15,5 %) étaient les plus touchées.
thérapeutiques des personnes malades,        dans 17 centres de prise en charge            Selon les catégories socioprofession-
la sous-utilisation des services de san-     de lèpre dans la ville de Conakry             nelles, les ouvriers (29,6 %) étaient
té publique en regard des normes exis-       (Concasseur, Coleah, Daressalam,              les plus touchés ; 56,3 % des enquêtés
tantes, et la complexité des itinéraires     Dixinn, Enta, Gbessia Port, Hafia,            étaient sans revenu mensuel ; 35,2 %
thérapeutiques4. Dans un système de          Kaporo,       Koulewondy,       Simbaya,      des malades ont effectué 5 recours
soins payants, il y a un risque de mar-      Tombolia, Lambanyi, Madina, Matam,            différents.
ginaliser les plus pauvres ; l’initiative    Matoto, Mission Alpha, Saint Gabriel          Dans le type de premier recours, la
de Bamako suggère que des disposi-           et Sans-fil). Elle a concerné les ma-         consultation médicale (52,1 %) ve-
tions soient prises pour éviter les exclu-   lades et les sujets guéris de la lèpre en-    nait en première intention suivie des
sions, de façon à ce que les itinéraires     registrés dans les centres de prise en        pratiques traditionnelles (28,2 %).
thérapeutiques ne dépendent plus de          charge. Les définitions de cas (nou-          Le diagnostic de l’envoûtement a été
la capacité économique5. Les analyses        veaux et anciens cas) ont été adap-           évoqué chez 11 malades parmi les
anthropologiques ont largement contri-       tées du guide de l’OMS pour l’élimi-          20 malades ayant demandé à des pa-
bué à la question des choix thérapeu-        nation de la lèpre10. La collecte des         rents ; 93 % des enquêtés n’avaient
tiques qui permettent d’envisager le pa-     données a été faite à partir d’une fiche      aucune connaissance sur la lèpre ;
tient comme un individu placé « dans         d’enquête préalablement établie à l’is-       l’habitude a été le mobile principal
un contexte de pluralisme médical »,         sue d’une interview, et d’un dialogue         (67,6 %) de choix du premier recours.
et de tenter d’appréhender la logique        direct ou quelquefois avec un inter-          L’étude montre qu’il n’existe pas de
de ses discussions face aux alternatives     médiaire si l’on ne comprenait pas la         corrélation significative entre le sexe
qui se présentent à lui. Cette approche      langue parlée par l’enquêté. Ont été in-      et le type de premier recours, mais
des itinéraires thérapeutiques a sou-        clus dans l’étude, les cas (nouveaux cas      qu’il existe une corrélation significa-
vent été fondée sur l’analyse de choix       et anciens) de lèpre enregistrés dans         tive entre le niveau d’instruction et le
entre la médecine traditionnelle et mo-      les différents centres quels que soient       type de premier recours.

8
                                                                                                       Bull. de l’ALLF n° 32, juin 2017
Lèpre / Épidémiologie - InfoNTD
Lèpre / Épidémiologie

Discussion                                  vreté de 46,8 % ; par contre, 28,2 %         d’instruction, le sexe, et la connais-
                                            des patients avaient un revenu mensuel       sance supposée de la maladie. D’après
Dans le but de décrire le parcours thé-     proche ou plus élevé que le revenu men-      les résultats du type de premier re-
rapeutique des malades de la lèpre dans     suel du Guinéen par tête d’habitant.         cours en fonction du niveau d’instruc-
la ville de Conakry, nous avons mené        La lèpre est généralement observée           tion, en ce qui concerne les patients
une étude prospective de type descrip-      plus fréquemment chez l’homme que            ayant effectué une consultation médi-
tif portant sur malades et sujets guéris    chez la femme12. Notre étude a confir-       cale, la majorité (22) avait un niveau
de la lèpre dans les centres de prise en    mé cette tendance générale avec un           d’instruction plus élevé, ce qui signifie
charge de la ville de Conakry. Le ca-       sex ratio (homme/femme) de 1,44 ; au         classiquement que l’instruction est un
ractère prospectif de l’étude constituait   Togo, en 2008, Saka B. et coll.14 dans       facteur associé à la fréquentation des
un élément notable de notre méthodolo-      une étude similaire ont trouvé un taux       structures sanitaires.
gie. Les résultats obtenus ne pouvaient     de 1,36. Cette prédominance mascu-           Selon la relation entre le sexe et le
être exhaustifs, car l’étude n’a pris en    line pourrait être expliquée en partie       premier recours dans notre étude, il
compte que les malades enregistrés          par un meilleur accès des hommes aux         n’existe pas de relation significative
dans les grands sites de prise en charge.   services de santé14. Les personnes ma-       entre le sexe masculin (18) et le sexe
Ils ne pouvaient par conséquent repré-      riées ont constitué la catégorie la plus     féminin (19) parmi les patients qui ont
senter l’ensemble des malades de lèpre      touchée, soit 62 %, cependant nous           effectué une consultation médicale
en Guinée, mais donnaient cependant         n’avons pas noté de relation entre la si-    en première intention. Il n’existe pas
une idée du parcours thérapeutique des      tuation matrimoniale et la lèpre. Dans       d’étude spécifique sur les déterminants
malades de lèpre. Avec 71 cas de lèpre      notre série, 52 % des patients étaient       du sexe et les itinéraires thérapeutiques
recensés en six mois dans la ville de       non scolarisés, cela pourrait s’expli-       des malades de lèpre13.
Conakry, il semble important de main-       quer par le fait que la majorité des en-     Selon la connaissance supposée de
tenir, voire rehausser le niveau de vi-     quêtés étaient des ouvriers, considérés      la maladie dans le premier recours,
gilance et de surveillance épidémiolo-      comme volontiers analphabètes. Cette         66 (93 %) patients n’avaient aucune
gique, quoique la Guinée ait atteint le     tendance est inférieure à celle trou-        connaissance sur la lèpre, ce qui signi-
seuil officiel d’élimination défini par     vée dans une étude similaire faite par       fierait qu’il n’existe pas de relation si-
l’OMS (avec moins d’un cas pour dix         Tiendrebeogo A. et al.15 à Madagascar        gnificative entre la connaissance sup-
mille habitants à l’échelle nationale).     en 2008, qui a trouvé 58,8 % d’illet-        posée de la maladie et le premier
L’âge moyen (42 ans) de nos enquêtés        trisme. Différentes études ont montré        recours. Par ailleurs, 48 (67,6 %) des
était supérieur à celui trouvé par Kéita    une relation entre un faible niveau so-      malades ont motivé leur choix par une
S. et al.12 au Mali (33,8 ± 16,7 ans).      cio-économique et un risque plus élevé       habitude ; cette approche est confir-
L’atteinte prédominant de la tranche        de développer la lèpre12.                    mée par l’étude similaire non spéci-
d’âge des 18-27 ans confirmait que          Cinquante-deux pour cent des patients        fique menée par Commeyras C. et al.3
la lèpre touche la population jeune.        (52,1 %) ont effectué une consulta-          qui a trouvé un taux analogue de 60 %.
Cette tendance se retrouve dans une         tion médicale comme premier recours          Parmi les 20 patients qui ont consul-
étude similaire menée par Seydi M et        lors de leur itinéraire thérapeutique.       té un tradipraticien, un envoûtement a
al.11 au Sénégal qui ont montré que la      Ce résultat pourrait être motivé par la      été incriminé par 11 d’entre eux, soit
lèpre touchait des populations jeunes,      connaissance supposée de la maladie          55 %. En ce qui concerne la prise en
tandis que Tiendrebeogo A. et al.15 à       et/ou la gravité de la maladie, par les      charge financière des soins des 71 ma-
Madagascar dans une étude similaire         moyens financiers du patient, ou en-         lades, 42 (59,2 %) étaient assurés par
en 2008 rapportaient un taux d’atteinte     core par l’efficacité pressentie du trai-    leurs parents. Ce taux est analogue à
des enfants de 13,7 %.                      tement. Notre taux est supérieur à ce-       celui d’une étude similaire menée par
La majorité (56,3 %) des malades de         lui trouvé dans l’étude similaire faite      Ouédraogo A. et al.13 au Sénégal, qui
lèpre était sans revenu mensuel, ce qui     par Commeyras C. et al.3 au Cameroun         a retrouvé un taux de 57 % des patients
traduirait un niveau de vie très bas au     qui ont trouvé la consultation dans une      pris en charge par leurs parents. Une
sein de la population et le risque de ne    formation sanitaire très faible en pre-      étude a montré que l’identité de la per-
pouvoir se faire soigner dans une for-      mière intention (24 %). Dans le cadre        sonne finançant le ou les recours ex-
mation sanitaire. Par conséquent, cela      de notre étude, si par définition la tota-   ternes est fortement associée à l’iden-
pourrait favoriser plusieurs recours        lité de nos patients a effectué au moins     tité des personnes impliquées dans les
thérapeutiques. Notre taux était supé-      un premier recours, 25 (35,2 %) ont ef-      phases de conception et de mise en
rieur à l’étude faite par Ouendo E. M.      fectué 5 recours thérapeutiques.             œuvre du recours13.
et al.5 au Bénin sur les itinéraires thé-   Dans l’analyse des déterminants du           Des 71 recensés, 55 (77 %) ont eu satis-
rapeutiques des malades indigents au        premier recours, nous avons regroupé         faction thérapeutique, ce qui traduirait
Bénin, qui ont trouvé un taux de pau-       trois catégories explicatives : le niveau    l’efficacité du traitement antilépreux

                                                                                                                                 9
                                                                                             Bull. de l’ALLF n° 32, juin 2017
Lèpre / Épidémiologie - InfoNTD
Lèpre / Épidémiologie

par le fait que la majorité a consul-       Références                                     9. Yapi B. F. Itinéraire thérapeutique des
té dans une structure sanitaire en pre-     1. Uzan M., Pharisien I. et Seince N. La       malades reçus aux urgences médicales de
mière intention. Ce résultat est com-       grossesse et l’accouchement des adoles-        l’hôpital national Donka. Thèse de docto-
parable à celui trouvé dans une étude       centes. Hôpital Jean Verdier BONDY ; JTA       rat en médecine. Conakry ; 2010.
similaire menée par Saka B. et coll.14.     2004 : 11.                                     10. WHO. Guide de la lutte anti lépreuse
                                            2. Bargès A. Entre conformisme et chan-        de l’OMS, 1998.
Conclusion                                  gement : le monde de la lèpre au Mali.         11. Seydi M., Mané I., Soumaré M., Faye O.,
                                            Soigner au Pluriel. Paris, Ed. Karthala ;      Badiane C., Coly S. L. et al. Évaluation de
Il ressort de l’étude que les caractéris-   1996 ; 19 :280-313.                            l’endémie lépreuse au Sénégal en 2002.
tiques sociodémographiques de notre         3. Commeyras C., Ndo J.R., Merab O.,           Med. Mal. Inf. 2005 ; 35: 225-27.
population d’étude étaient dominées         Koné H., Rakotondrabe F.P. Comportement        12. Kéita S., Tiendrebeogo A., Konaré H.,
par une population jeune, un niveau         de recours aux soins et aux médicaments        Cissé B. S., Faye O. Nouveaux cas de lèpre
d’instruction bas, une prédominance         au Cameroun. Cahier de santé ; 2006 ; 16:      à l’Institut Marchoux. Étude compara-
masculine, un statut matrimonial do-        5-12.                                          tive 1988-1997. Ann. Dermatol. Venereol.
miné par le mariage et une proportion       4. Djerise B. et Camara A. Itinéraire thé-     2001 ; 128: 217-9.
élevée de sans revenus. Le recours aux      rapeutique de personnes vivantes avec le       13. Ouédraogo A., Thera M. A., D’Alessandro
soins est un comportement social ré-        VIH/SIDA au Centre de santé associa-           U., Thiero M., Packou J., Souleymane O.
pondant à la fois à des logiques médi-      tif Fraternité médicale Guinée de Hafia.       A. 2000 Child malaria treatment practices
cales, à l’instruction, à la connaissance   Thèse de doctorat en médecine. Université      among mothers in the district of Yanfolila,
de la maladie et aux moyens financiers.     Gamal Abdel Nasser de Conakry ; 2012 ;         Sikasso Region, Mali. Tropical Medicine and
L’enquête montre que la population          263 : 3-4.                                     International Health 2000 ; 5:876-81.
adapte son comportement thérapeu-           5. Ouendo E. M., Makoutodé M.,                 14. Saka B., Kombaté K., Mouhari-Touré
tique en priorité par une habitude, puis    Paraiso M. N., Dramaix M. W. et Dujardin       A., Amegan-Aho K. H., Tchangai-Walla
sur un conseil de l’entourage, ainsi qu’à   B. Itinéraire thérapeutique des malades in-    K., Pitche P. Lèpre à Lomé(Togo) : Étude
l’efficacité pressentie du traitement.      digents au Benin (pauvreté et soins de san-    rétrospective de 383 cas. Med. Trop.
Le recours aux formations sanitaires        té). Tropical Medicine and International       2008 ; 68:496-98.
en première intention reste le choix le     Health 2005 ; 10 ; 2: 179-186.                 15. Tiendrebéogo A., Andrianarisoa S. H.,
plus fréquent. Au vu de nos résultats,      6. Desjeux D. Approche anthropologique         Andriamitantsoa J., Vololoarinosinjatovo
ces données suggèrent la tenue de cam-      des soins, la méthode des itinéraires théra-   M. M., Ranjalahy G., Ratrimoarivony C.
pagnes d’information sur la lèpre.          peutiques. Actualité sur la diarrhée aiguë     et coll. Enquête sur la qualité du diagnos-
                                            de l’enfant. Rev. Int. Pediatr. 1997 ; 28 :    tic de lèpre à Madagascar. Ann. Derm.
      * Service de Dermatologie-MST,        20-1.                                          Venereol. 2008 ; 135 : 645-50.
  CHU de Conakry, Université Gamal          7. Rosny de E., Gemma P., et Réjeanne
              Abdel Nasser de Conakry       T. L’Afrique des guérisons. Paris, Ed.
  ** Service des Maladies Infectieuses      Karthala ; 1992 ; 28 : 12.
       et tropicales, CHU de Conakry,       8. Vanié B. Itinéraire thérapeutique des
    Université Gamal Abdel Nasser de        malades reçus aux urgences de médecine
                              Conakry       du CHU de Bouaké et délais de consulta-
     *** Dispensaire de Madina, Pro-        tion des structures médicales convention-
   gramme national de lutte contre la       nelles. Thèse de doctorat en médecine.
                         lepre, Guinée      Abidjan : UFR des sciences médicales de
                                            l’Université de cocody ; 1997 ; 80 : 50-67.

10
                                                                                                        Bull. de l’ALLF n° 32, juin 2017
Lèpre / Épidémiologie

■ Évolution de la lèpre au Burkina Faso au cours des quinze
dernières années (2000-2015)
                               Nomtondo Amina Ouédraogo*, **, Nessine Nina Korsaga /Somé***, **, Fagnima Traoré****, *****
                                   Muriel Sidnoma Ouédraogo***, **, Patrice Gilbert Tapsoba***, **, Séraphine Zeba Lompo*,
             François Drabo******
                                 , Clarisse Bougma******, Christophe Kafando*, ****** Pascal Niamba***, **, Adama Traoré***, **

Introduction                                tant que problème de santé publique         Résultats
                                            (avec une prévalence de moins d’un
La stratégie de lutte contre la lèpre re-   cas pour 10 000 habitants en 1994) 2.       Les stratégies adoptées par le Burkina
commandée par l’OMS a évolué de-            Depuis 2012, ce programme national          Faso pour lutter contre la lèpre étaient :
puis le début des années 1980. Du sys-      de lutte contre la lèpre a été rebapti-     – le renforcement des compétences des
tème « vertical » de lutte contre les       sé « unité d’élimination de la lèpre »,     acteurs de la santé,
grandes endémies (avec un dépistage         logée au sein du programme national         – l’approvisionnement en médicaments,
« actif », un traitement et une surveil-    de lutte contre les Maladies Tropicales     – le dépistage des cas et la prise en
lance dans des centres de traitement        Négligées (PN MTN) 2. Les actions de        charge des cas,
spécialisés [léproseries]), on est pas-     lutte antilépreuse visent actuellement      – la prévention des invalidités,
sé à une lutte intégrée à l’ensemble du     à consolider l’élimination de la lèpre      – l’Information éducation Communication
système de santé avec la polychimio-        dans le pays. Cette analyse a pour but      (IEC),
thérapie (PCT) : traitement assuré par      de faire le point sur l’évolution de la     – la surveillance épidémiologique à
les structures sanitaires des états, sup-   lutte antilépreuse au cours des quinze      travers une collecte trimestrielle et une
pression de l’isolement et de l’hospi-      dernières années au Burkina Faso,           validation annuelle des données.
talisation, suppression du dépistage        ainsi que les défis et perspectives ac-     Ces stratégies ont été financées par
« actif », remplacement par une large       tuels de cette lutte.                       l’État burkinabé, en collaboration avec
information des populations sur les                                                     l’OMS et la fondation Raoul Follereau.
signes de la lèpre les incitant à consul-   Méthodologie                                De 2000 à 2015, les nouveaux cas de
ter (dépistage « passif »), et formation                                                lèpre rapportés sont passés de 908 à 187
minimale en léprologie des agents de        Nous avons réalisé une analyse à            (figure 1) dont une proportion de lèpre
santé1. Depuis l’introduction de la po-     partir des données de collecte de rou-      multibacillaires (MB) (selon la classifi-
lychimiothérapie (PCT) en 1981 par          tine de l’unité d’élimination de la lèpre   cation OMS) passée de 58 % en 2001 à
l’OMS1, des acquis certains ont été en-     et du PN MTN (les fiches de rapport         93 % en 2015. Le taux de guérison de
registrés dans le monde, notamment          trimestriel et annuel de la lèpre, la       89,19 % en 2011 a atteint 92,31 % en
l’élimination de la maladie en tant que     base de données de la lèpre, le guide       2015 parmi les formes paucibacillaires
problème de santé publique dans plu-        de supervision, la base de données          (PB), et pour les formes MB, il est passé
sieurs pays dont le Burkina Faso. Pays      intégrée des MTN), ainsi que des en-        de 85,56 % en 2010 à 92,31 % en 2015.
enclavé, le Burkina Faso est situé au       tretiens avec des personnes ressources      La prévalence de la lèpre est passée de
cœur de l’Afrique de l’Ouest, avec une      en charge de la question.                   0,79 pour 10 000 en 2000 à 0,10 pour
population estimée à 19 034 397 habi-
tants en 20162. Il est limité au Nord
et à l’Ouest par le Mali, à l’Est par le
Niger et au Sud par le Bénin, le Togo,
le Ghana et la Côte d’Ivoire. Au plan
administratif, le pays est subdivisé en
13 régions, 45 provinces, 350 dépar-
tements, 351 communes et 8 228 vil-
lages2. Le pays était historiquement
très endémique pour la lèpre, c’est
ainsi qu’en 1965, le nombre de cas at-
teignait 140 000 et certains villages
présentaient des prévalences de plus
de 5 %3. Faisant sienne cette lutte, le
pays a mis en place en 1989 un pro-
gramme national de lutte contre la
lèpre qui a permis d’obtenir 5 ans plus
tard l’élimination de cette maladie en      Figure 1 : Évolution des nouveaux cas de lèpre de 2000 à 2015 au Burkina Faso.

                                                                                                                                11
                                                                                            Bull. de l’ALLF n° 32, juin 2017
Vous pouvez aussi lire