Les caisses de pension suisses 2014 - Le Temps

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Les caisses de pension suisses 2014 - Le Temps
Les caisses de pension
                                        suisses 2014
                                        Résultats de l’enquête
                                        Données, analyses et articles concernant:
                                        – Plaidoyer en faveur d’une prévoyance
                                          professionnelle décentralisée assumant
                                          ses responsabilités
                                        – A la veille d’une normalisation
                                          de la politique monétaire
                                        – Une solution pour 2020 ou pour
                                          l’avenir ?
                                        – Les caisses LPP dans le carcan
                                           des paramètres légaux

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Swisscanto – leader de la gestion d’actifs

     Swisscanto figure parmi les plus grands promoteurs de
     fonds de placement, gérants de fortune et prestataires
     de solutions pour la prévoyance professionnelle et privée
     en Suisse. Cette entreprise collective des Banques
     Cantonales Suisses gère pour les clients une fortune de
     CHF 52,6 milliards et emploie 400 collaborateurs à
     Zurich, Berne, Bâle, Pully, Londres, Francfort-sur-le-Main
     et Luxembourg (situation au 30 juin 2014).

     En tant que spécialiste confirmé, Swisscanto développe
     des solutions de placement et de prévoyance de pre­mière
     qualité pour des investisseurs privés, des entreprises et
     des institutions. En tant que promoteur de fonds, Swisscanto
     est régulièrement primé au niveau national et international.
     Swisscanto est en outre connu pour son rôle de pionnier dans
     le domaine des placements durables et pour son étude
     « Les caisses de pension suisses » publiée chaque année.

     www.swisscanto.ch

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Sommaire

                                                      Présentation de l’étude                                                 4

                                                      Dr Gérard Fischer
                                                      Réflexions sur la politisation du 2e pilier
                                                      Faire du sur-place, c’est déjà reculer                                  5

                                                      Christoph Ryter
                                                      Plaidoyer en faveur d’une prévoyance professionnelle décentralisée
                                                      assumant ses responsabilités
                                                      Un modèle d’avenir menacé                                             11

                                                      Dr Thomas Liebi
                                                      A la veille d’une normalisation de la politique monétaire
                                                      Un tournant pour les marchés financiers ?                             14

                                                      Christoph Furrer
                                                      Des tables périodiques aux tables par générations
                                                      Des prévisions transparentes au lieu de règles arbitraires            17

                                                      Josef Bachmann
                                                      Une solution pour 2020 ou pour l’avenir ?                             21

                                                      Stephan Wyss, Heinrich Flückiger
                                                      Les caisses LPP dans le carcan des paramètres légaux                  23

                                                      Thomas Hohl
                                                      Une surveillance non plus répressive, mais basée sur les risques      27

                                                      Résultats de l’enquête

                                                      L’enquête Swisscanto
                                                      Résultats de l’enquête 2014                                           31

                                                      Les participants de l’enquête
                                                      Liste des institutions participantes                                  60

               Swisscanto     Les caisses de pension suisses 2014                                                              3

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Présentation de l’étude

     L’enquête « Les caisses de pensions suisses » de Swisscanto      En complément aux résultats de l’enquête, les personnes
     en est à sa quatorzième édition. Elle recense des données        suivantes ont apporté de précieuses contributions techniques :
     importantes relatives à la structure, aux prestations et aux     • Dr Gérard Fischer, CEO Groupe Swisscanto
     placements de capitaux ainsi qu’au taux de couverture            • Josef Bachmann, Directeur de la caisse de pension
     et à la performance.                                               de PricewaterhouseCoopers
                                                                      • Christoph Furrer, Deprez Experten SA
     Le but est d’offrir aux institutions participantes des instru­   • Thomas Hohl, membre de la CHS-PP
     ments de comparaison, de direction et de décision afin que       • Dr Thomas Liebi, économiste en chef, Swisscanto
     les milieux intéressés de la prévoyance, de la politique         • Christoph Ryter, Président de l’ASIP
     et de la science disposent de bases permettant d’aborder         • Peter Wirth, Directeur Forum de prévoyance
     de manière fondée les questions de prévoyance profes­            • Stephan Wyss, lic. oec. HSG, analyste financier dipl.
     sionnelle.                                                         féd. expert autorisé pour la prévoyance professionnelle ;
                                                                        Swisscanto Prévoyance SA Zurich ;
     Ces mêmes objectifs sont également poursuivis par l’As­          • Heinrich Flückiger, lic. oec. HSG, expert autorisé pour
     sociation suisse des institutions de prévoyance (ASIP),            la prévoyance professionnelle ; Swisscanto Prévoyance SA
     à laquelle sont mises à disposition les données des insti­         Zurich
     tutions de prévoyance qui y ont donné leur accord.
                                                                      En publiant ces données, Swisscanto se propose de fournir
     De vifs remerciements s’adressent à toutes les caisses par­      un service non seulement aux milieux spécialisés de la pré­
     ticipantes, à leurs directeurs et à leurs Conseils de fon­-      voyance professionnelle, mais aussi aux responsables po­
     dation pour leur disponibilité à fournir les données et à ré­    litiques, aux médias et au grand public intéressé. Nous
     pondre aux questions d’actualité relatives aux thèmes de         nous sentons encouragés par les nombreuses réactions po­
     la prévoyance.                                                   sitives à l’étude qui nous incitent également à nous amé­
                                                                      liorer sans cesse.
     Il convient également de remercier l’ASIP pour son soutien
     et les membres du comité consultatif qui se sont impliqués       Swisscanto vous souhaite une intéressante lecture. Nous
     dans l’établissement du questionnaire et en ont influencé la     vous remercions par avance de tous vos commentaires,
     conception par de nombreuses propositions et des critiques       suggestions et critiques.
     utiles. Il s’agit de :
     •	Thomas Breitenmoser,                                          Swisscanto Asset Management SA
        Swisscanto Asset Management SA (Direction)                    Septembre 2014
     •	Heinrich Leuthard, Banque cantonale de Nidwald
     •	Susanne Jäger, Caisse de pension d’Argovie
     • Hanspeter Konrad, Association suisse des institutions
        de pension (ASIP)
     • Christoph Ryter, Caisse de pensions Migros / Association
        suisse des institutions de pension (ASIP)
     • Dr Peter Schnider, Editions EPAS, Prévoyance
        professionnelle et assurances sociales SA
     • Dieter Stohler, Caisse fédérale de pensions Publica
     • Andreas Zingg, Secteur Entreprises chez Swiss Life

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Réflexions sur la politisation du 2e pilier

               Faire du sur-place, c’est déjà reculer

                                                                               Les fondations de placement, qui fonctionnaient assez bien
                                                                               jusque-là sans aucune base légale particulière, sont dé­
                                                                               sormais soumises à une ordonnance spécifique qui compte
                                                                               quelque 45 articles. Du coup, les juristes de la surveillance
                                                                               et des fondations consacrent le plus clair de leur temps à
                                                                               des questions de détail qui, dans le passé, n’avaient jamais
                                            Dr Gérard Fischer                  posé le moindre problème.
                                            CEO du groupe Swisscanto
                                                                               Manifestement, il n’est plus possible de faire ressortir l’utilité
               La prévoyance professionnelle est un sujet dont la              marginale des prescriptions supplémentaires, alors que les
               réglementation aime à s’occuper. Manifestement,                 coûts marginaux, eux, ne cessent d’augmenter. Cela pourrait
               les responsables politiques ne cessent d’identifier             s’expliquer par une « politisation » de la prévoyance profes­
               des points faibles qu’il s’agit d’éliminer par de               sionnelle.
               nouvelles prescriptions. A en juger par l’intensité
               de l’activité législative, il y a longtemps que tous            Nul ne conteste la nécessité de normes contraignantes pour
               les problèmes de la prévoyance professionnelle                  l’exécution. Ainsi, il convient par exemple de déterminer
               devraient être résolus. Or, parallèlement à la                  qui est soumis à l’obligation, quelles sont les contributions mi­
               pro­position de Prévoyance vieillesse 2020 du Con­              nimales, de quelle manière les capitaux d’épargne doivent
               seil fédéral, toute une série d’interventions rela-             être convertis en rente, quelles sont les prestations de risque
               tives à la prévoyance professionnelle sont encore               à assurer, à quelles exigences doit répondre le placement
               en suspens et attendent d’être traitées. On serait              des capitaux et comment la gestion doit être assurée par les
               tenté de croire que ces nombreuses règles nouvelles             partenaires sociaux. De même, des fonctions de contrôle
               visent moins à résoudre des problèmes réels qu’à                pour la surveillance, les obligations des organes et des man­
               huiler les rouages de la politique par l’entretien du           dataires et des règles en vue d’une transparence suffisante
               clientélisme ou de la notoriété afin d’accroître les            sont indispensables pour créer un système autoréglementé
               chances de se faire réélire.                                    doté de contrepoids. Il ne viendrait à l’idée de personne
                                                                               de qualifier ce genre de dispositions de « politisation».
               Avec l’entrée en vigueur de la LPP en 1985, la densité ré­
               glementaire dans la prévoyance professionnelle s’est            En revanche, la loi, dès son entrée en vigueur, est allée bien
               notablement accrue. Alors que la réglementation de la pré­      au-delà de ces éléments fondamentaux. Elle n’a jamais
               voyance professionnelle volontaire se bornait à trois dis­      réellement pu servir de « loi-cadre » proprement dite, comme
               positions du Code des obligations, la LPP englobe actuelle­     la LPP avait été conçue en son temps. C’est pourquoi, dès
               ment non seulement la loi proprement dite, avec ses 98 ar­-     la première révision de la LPP, un des objectifs poursuivis
               ticles, mais aussi la LFLP ainsi que 11 ordonnances, des        a été la simplification administrative. Celle-ci ne s’est pas ma­
               règlements et des directives. La Commission de haute sur­       térialisée. Aujourd’hui, personne n’en parle plus.
               veillance est désormais la dernière en date à émettre
               des directives, puisqu’en trois ans d’existence à peine, elle   Pour évaluer la situation, il est nécessaire de distinguer
               en a déjà produit neuf.                                         entre l’effet purement quantitatif de cette activité législative
                                                                               débordante et la politisation.
               Le système légal obligatoire a nécessité la création de bases
               légales élargies. Mais déjà dans le système volontaire,         Pour cela, il ne suffit pas de prétendre que tous les éléments
               c’est-à-dire avant 1985, près de 85 pour cent des travail­      qui ne sont pas absolument nécessaires dans la réglemen­
               leuses et des travailleurs étaient assurés par le 2e pilier.    tation légale sont motivés par des considérations politiques.
               L’intégration des 15 pour cent restants a été obtenue au        D’ailleurs, on n’arriverait sans doute pas à s’entendre sur
               moyen d’un effort réglementaire énorme et qui ne cesse          ce qui est réellement nécessaire et sur ce qui va au-delà.
               de s’accroître.

               Swisscanto     Les caisses de pension suisses 2014                                                                                 5

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D’un autre côté, on voit bien qu’il existe des réglementations    Par ce biais, une des variables essentielles de la prévo­yance
     et des processus réglementaires qui méritent indubitable­         professionnelle n’a plus été représentée comme dépendant
     ment le qualificatif de politiques ou qui, tout au moins, con­    d’évolutions futures, mais comme pouvant être librement
     tiennent des éléments nettement politiques. Nous étudierons       choisie, et pouvant être fixée à volonté à un niveau plus ou
     ci-après les influences politiques exercées sur quel­ques-uns     moins élevé.
     des éléments de la prévoyance professionnelle très suivis
     dans les médias pour en tirer ensuite nos propres conclu­         Par analogie, on pourrait organiser une votation sur le nombre
     sions.                                                            de journées ensoleillées de l’été prochain : cela n’empêche­
                                                                       rait pas la météo d’évoluer indépendamment du résultat de
     En fait, les paramètres fondamentaux de la prévoyance             cette votation.
     sont assez clairs. Même un non-initié n’a aucun mal à com­
     prendre que le montant de la rente, le capital épargné,           Est-il nécessaire de déterminer un taux de conversion min­i­
     la durée du versement de la rente et le rendement du capi­        mum fixe, contraignant pour toutes les caisses de pension ?
     tal réalisé pendant ce temps sont interconnectés et ne            On peut aussi s’en passer, comme le montre l’exemple du
     peuvent pas être déterminés indépendamment les uns des            Liechtenstein. Toutefois, en l’inscrivant dans la loi, ce taux
     autres. On comprend également que les rendements des              est devenu le jouet des partis politiques qui ne veulent plus
     capitaux sont déterminés par des influences externes, que         le lâcher.
     le capital d’épargne d’un individu augmente et que la
     durée du versement de sa rente diminue s’il travaille plus        Le taux de conversion fixé à un niveau trop élevé provoque
     longtemps, et que le montant de la rente détermine dans           une redistribution annuelle des actifs vers les pensionnés
     une large mesure la durée pendant laquelle le capital épar­       pour un montant d’au moins 3 milliards de francs – tel est le
     gné sera suffisant.                                               résultat de l’enquête Swisscanto. D’autres estimations ab­ou­
                                                                       tissent à 8 milliards. Comme il n’y a pas lieu de supposer
     Taux de conversion                                                que chaque assuré est d’abord défavorisé, puis avantagé
     L’exemple le plus marquant est sans le moindre doute la           de la même manière, cette situation aboutit à un véritable
     fixation du taux de conversion. Le taux de conversion déter­      « vol des rentes », cette fois-ci bien réel, qui se déroule sub­
     mine le montant de la rente à l’aide du capital d’épargne         repticement et n’est donc pas perçu par l’individu.
     existant et repose pour l’essentiel sur deux facteurs : le ren­
     dement attendu de la fortune et l’espérance de vie cal­-          Taux d’intérêt minimum
     cu­lée statistiquement. Ces deux facteurs doivent être estimés    Qu’en est-il du deuxième paramètre technique, fixé par les
     pour l’avenir et sont liés à des incertitudes, ce qui vaut        pouvoirs publics et qui fait toujours couler beaucoup d’encre :
     tout particulièrement pour l’évolution future des marchés des     le taux d’intérêt minimum ? Au moins, on nous a épargné
     capitaux. Le taux de conversion est déduit de ces deux            jusqu’ici une votation sur le niveau qu’il devrait avoir. Mais
     facteurs par une méthode purement mathématique. Il est            cela tient moins à l’attitude raisonnable des acteurs poli­
     parfaitement légitime de discuter des hypothèses qui              tiques qu’au fait que ce paramètre reste de la compétence
     sous-tendent les valeurs prévisionnelles et des conséquences      du Conseil fédéral, que les associations professionnelles
     pour la prévoyance vieillesse qui découlent de l’incertitude      et les partenaires sociaux ne peuvent formuler que des pro­
     quant à l’évolution réelle.                                       positions à son égard et qu’il échappe largement à l’in­
                                                                       fluence des partis politiques.
     Mais nous savons comment a tourné la votation de 2010.
     En fait, il aurait fallu mener un débat sur la plausibilité       Le taux d’intérêt minimum ne doit pas être interprété à tort
     de ces hypothèses de base. Or, on a discuté de ce qu’il           comme une prévision de la performance de l’année sui­
     était raisonnable d’imposer aux assurés et de ce qui              vante (une analyse de données montre même que le rende­
     serait souhaitable, et on a parlé de la « dignité des per­        ment et le taux d’intérêt minimum présentent une corréla­-
     sonnes âgées ».                                                   tion négative), mais en réalité, sa fixation n’a pas si mal
                                                                       fonctionné que cela, malgré les prétendus maux qu’il inflige
                                                                       chaque année à tous les participants (assurances et syndi­

     6                                                                                      Swisscanto   Les caisses de pension suisses 2014

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cats se querellent toujours particulièrement violemment           culée selon ses droits actuariels. Celle qui travaille plus
               à ce propos).                                                     longtemps touche une somme d’autant plus élevée. Qu’il
                                                                                 s’agisse d’un homme ou d’une femme. On se demande
               Pourrait-on renoncer au taux d’intérêt LPP minimum ? La           pourquoi la Suisse ne serait pas en mesure de mettre en
               règle est la même que pour le taux de conversion. Du point        œuvre une solution similaire.
               de vue de la prévoyance, la réponse est oui, comme le
               montre ici aussi l’exemple du Liechtenstein. La suppression       Encouragement à la propriété du logement
               du taux minimum n’aboutirait pas à d’autres rendements            Un thème de la prévoyance a particulièrement occupé le
               de capitaux, mais permettrait à une institution de prévo­yance    public cet été : l’encouragement à la propriété du logement
               de mieux réagir à sa propre situation et rendrait superflus       avec des ressources du 2e pilier. Dans le cadre de la ré­
               certains assainissements. En outre, cela nous pri­verait du       forme imminente des PC, le Conseil fédéral propose d’inter­
               spectacle dont nous gratifient chaque année les divers            dire les prélèvements de capital au sein de la partie obli­
               acteurs politiques, par lequel ceux-ci veulent prou­ver qu’ils    gatoire. Cela toucherait aussi les versements anticipés destinés
               défendent leurs convictions et leurs groupes d’inté­rêts.         à l’acquisition ou à l’amortissement de logements en pro­
               Du point de vue de la prévoyance, ce serait assurément une        priété. Il est intéressant de relever qu’initialement, le 2e pilier
               amélioration.                                                     ne connaissait pas la « mesure de l’encouragement à la
                                                                                 propriété du logement ». L’ordonnance sur l’encouragement
               Age de la retraite                                                à la propriété du logement au moyen de la prévo­yance
               Prenons un troisième paramètre : l’âge de la retraite. A          professionnelle n’est entrée en vigueur qu’en 1995. Pen­
               l’époque où l’âge de la retraite et l’espérance de vie diver­     dant vingt ans, cela n’a gêné personne, et tout à coup,
               geaient encore peu, la fixation d’un âge prescrit pour            on y a vu un problème alors même qu’il n’existe aucune in­
               prendre sa retraite allait de soi. Aujourd’hui, puisque quelque   dication fiable sur les conséquences de cette option. Dans
               20 ans séparent désormais ces deux dates si l’on en croit         quelle mesure la propriété du logement fonctionne-t-elle
               les plus récentes bases techniques, on peut parfaitement          également en tant que prévoyance ? (Voilà une question à
               se demander si cela est encore raisonnable. Le début de           laquelle on aurait dû répondre en réalité avant d’introduire
               la flexibilisation de l’âge de la retraite semble indiquer que    cette mesure.) Et quelle est l’ampleur atteinte par les éven­
               même sur ce sujet difficile sur le plan de la politique so­       tuels effets secondaires négatifs ? Un projet de recherche de
               ciale, on observe une certaine détente.                           l’OFAS tente actuellement de répondre à ces questions. Ce
                                                                                 sont surtout les prix de l’immobilier qui étaient et qui restent
               Mais cela ne vaut qu’aussi longtemps que l’on n’aborde pas        les éléments déclencheurs du débat. Face à la baisse des
               la problématique hommes-femmes et que l’on ne parle pas           prix, on voulait inciter à l’époque davantage de personnes
               de l’âge de la retraite des femmes. Car dans ce cas, on voit
               tout à coup la politique faire à nouveau irruption dans le
               débat. Nous sommes alors confrontés à des arguments tels                 Prix des maisons individuelles (1970=100)
               que la justice, la dignité des personnes âgées (à nouveau),        500

               la discrimination générale subie par les femmes dans la vie        450
               au travail, etc. Tous ces paramètres n’ont aucun rapport
                                                                                  400
               avec la biométrie dont il faudrait parler en réalité. On pour­
               rait cependant aussi signaler que jusqu’à l’éventuel abaisse­      350

               ment du taux d’ici six ans au plus tôt, l’espérance de vie de­     300
               vrait sans doute s’être à nouveau allongée d’au moins un an.
                                                                                  250

               L’exemple de la Suède présente une issue au problème. Ce           200
                                                                                      Q1   Q1   Q1   Q1   Q1   Q1   Q1   Q1   Q1   Q1   Q1   Q1   Q1
               pays modèle de la politique sociale a trouvé une solution             1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014

               relativement simple. Il définit un âge minimum de départ à            Lorsque l’encouragement de la propriété du logement par des ressources de la prévoyance
                                                                                     professionnelle est entré en vigueur en 1995, le prix des maisons individuelles était au
               la retraite, qui est un paramètre politique. Il est de 61 ans.        plus bas, ou presque. Entre-temps, il a atteint des niveaux record. Le Conseil fédéral semble
                                                                                     juger que le moment est venu de freiner l’encouragement.
               La personne qui part alors à la retraite reçoit une rente cal­

               Swisscanto     Les caisses de pension suisses 2014                                                                                                                    7

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à acheter, et face à la hausse des prix, on veut désormais         de placement afin que les caisses de pension puissent inves­
     à nouveau réduire la demande. Manifestement, il s’agit             tir dans des placements d’avenir à long terme. Indépen­
     ici plus d’une tentative (un peu désespérée) de piloter le mar­    damment du fait que les Conseils de fondation ont déjà le
     ché de la propriété du logement par la prévoyance pro­             droit de contracter ce genre de placements, ce sont juste­
     fessionnelle que d’une discussion motivée par la politique         ment ces catégories de placement complexes que les dispo­
     de la prévoyance. Dans ce sens, l’encouragement de la              sitions les plus récentes rendent peu attrayantes pour un
     propriété du logement reste un sujet politique qui doit être       Conseil de fondation.
     traité en tant que tel.
                                                                        La motion ne souffle pas mot du fait qu’il n’existerait pas as­
     Placements des capitaux                                            sez de capital risque ou qu’un tel « fonds étatique pour
     Il y a longtemps que la politisation a également touché            l’avenir » permettrait aux assurés d’obtenir une rente plus
     le domaine des placements des capitaux. Les membres des            élevée, et cela n’a d’ailleurs manifestement d’importance
     Conseils de fondation et en particulier ceux des commis­           ni pour l’auteur de la motion ni pour les parlementaires qui
     sions de placement s’efforcent de contourner les décisions         l’ont signée.
     efficaces tout au plus dans les médias et d’adapter dans
     une large mesure et sans bruit leurs stratégies à ce qui se        Assurances
     pratique généralement. Cela stimule l’activité des consul­         On pourrait écrire non pas un simple article mais un livre
     tants et la mise en œuvre de stratégies avec des placements        entier sur les questions d’assurances et de prévoyance
     indexés sans que les hypothèses implicites ne soient tou­          professionnelle. La critique de la part des syndicats et des
     jours tout à fait comprises. Le risque existe que cette attitude   partis de gauche a quitté depuis longtemps le terrain du
     soit motivée par l’intention de se protéger, de ne pas déto­-      débat objectif pour se transformer en guerre de tranchées
     ner et d’assumer aussi peu de responsabilités que possible.        idéologique. Jusqu’ici, cela a peu profité aux destinataires
     Le débat sur ce qui constitue le placement le plus judicieux       de l’assurance collective. En revanche, les gains en relations
     pour les assurés et pour l’institution de prévoyance passe au      publiques dans le secteur politique sont sans doute bien
     second plan. A la place d’une « prudent man rule », on             plus importants.
     prescrit des restrictions complexes dont personne ne peut
     déterminer l’utilité et encore moins les coûts.                    Initiative sur les rémunérations abusives
                                                                        On observe une prépondérance excessive des tendances
     Dans ce contexte, il convient d’évoquer la polémique enga­         politiques dans la mise en œuvre de l’initiative du Conseiller
     gée par l’ancien Conseiller national et surveillant des prix       aux Etats Thomas Minder sur les rémunérations abusives.
     Rudolf Strahm, qui rejette régulièrement dans un grand quo­        Cette initiative avait pour volonté politique de renforcer les
     tidien toutes les formes de placements alternatifs, critique       droits des actionnaires et ainsi d’éviter à l’avenir les rému­
     avec passion les hedge funds et réclame que le Conseil fé­         nérations excessives. Avec l’idée du « capital social » dans
     déral interdise par principe tous les placements de ce             la prévoyance professionnelle, les caisses de pension ont
     genre. Dans la pratique, les membres des Conseils de fon­          elles aussi été mises dans l’obligation de soutenir cette orien­
     dation qui ne sont pas prêts à suivre la ligne politique           tation politique. Pour ainsi dire à titre de dommage colla­
     du moment sont contraints de s’expliquer. Il est possible qu’ils   téral, les institutions de prévoyance doivent désormais en
     ne se sentent pas à la hauteur et suivent donc la voie de          outre étudier l’ordre du jour des Assemblées générales des
     la moindre résistance en préférant renoncer purement et            entreprises suisses dans lesquelles elles ont investi. Dès la
     simplement à ce genre de placements et donc à d’impor­             campagne en vue de la votation, on a clairement pu consta­
     tantes sources de rendements potentielles.                         ter que le mandat constitutionnel était peu clair et n’allait
                                                                        guère s’avérer utile pour les caisses de pension. Le Conseil
     La motion sur les « placements à long terme des caisses de         fédéral, par le biais de l’Office fédéral de la justice, a en­
     pension dans les technologies d’avenir et la création d’un         trepris l’effort courageux d’en atténuer quelque peu les
     fonds à cet effet » montre bien à quel point la politique s’est    conséquences pratiques dans le projet d’ordonnance et d’évi­
     éloignée des intérêts véritables des assurés. Dans sa pre­         ter une obligation de voter (d’ailleurs non prévue par la
     mière partie, elle réclame des modifications aux directives        Constitution).

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Face aux critiques massives déclenchées par le comité d’ini­     la prévoyance professionnelle. Certains semblent en dé­
               tiative et les partis de gauche, le Conseil fédéral a réagi      duire que cette dernière a besoin d’une observation et d’un
               avec embarras et a quand même réintégré dans la version          contrôle permanents et de plus en plus intense. Or, il
               définitive l’obligation de voter réclamée. Celle-ci aboutit      semble que personne ne se soit sérieusement demandé pour­
               à des charges supplémentaires considérables pour les caisses     quoi donc les anciennes prescriptions nombreuses n’avaient
               de pension sans obtenir le moindre résultat pour la lutte        pas été suffisantes et si une action plus claire et plus décidée
               contre les rémunérations abusives. Conséquence : les caisses     de la part des autorités de surveillance ou des tribunaux
               évitent de plus en plus les placements directs et optent         n’aurait peut-être pas été plus efficace (et éventuellement
               pour des placements indirects tels que fondations de place­      aussi plus efficiente). La réforme structurelle a introduit,
               ment, fonds ou dérivés pour éviter l’obligation de voter.        non pas une amélioration, mais surtout une surveillance plus
               Ou elles choisissent, et cela à large échelle, de déléguer les   compliquée à plusieurs niveaux.
               décisions de vote à un « proxy adviser » – ce qui entraîne
               des coûts non négligeables. Ce n’est qu’une question de temps    Prévoyance vieillesse 2020
               avant que quelqu’un n’engage le combat contre le « pou­-         Le projet « Prévoyance vieillesse 2020 » promet-il des amé­
               voir des proxy advisers » et ne souhaite le soumettre à son      liorations ? Les principales mesures qu’il prévoit pour amé­
               tour à une réglementation détaillée. Les fournisseurs de         liorer la prévoyance concernent le 1er pilier. Par le biais d’un
               placements collectifs ou de prestations de droit de vote peu­    relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée, il vise à ga­
               vent s’en féliciter à court terme, mais la motivation n’est      rantir le financement futur du système par répartition. Les
               pas la bonne et finira par porter un préjudice supplémen­        principaux éléments concernant le 2e pilier et selon les
               taire au 2e pilier.                                              « décisions d’orientation » annoncées par le Conseil fédé­ral
                                                                                en juin de cette année sont : l’abaissement du taux de
               Politique et médias                                              conversion à 6 pour cent, l’harmonisation de l’âge de ré­fé­
               Aux côtés de la « politisation » que l’on peut directement       rence pour les deux sexes à 65 ans, la suppression de
               observer sur certains thèmes, on constate une tendance           la déduction de coordination et l’octroi centralisé de paie­
               fondamentale qui suscite pour ainsi dire un changement cli­      ments compensatoires à la génération transitoire.
               matique qui traverse l’atmosphère générale, tous thèmes
               confondus. La prévoyance professionnelle est soumise à une       On ne saurait appeler cela une « orientation », d’autant que
               observation constante des médias et de la politique. De­-­       les interdépendances que nous avons exposées continuent
               puis l’entrée en vigueur de la LPP en 1985, pas moins de         ainsi à être niées. L’abaissement du taux de conversion et
               512 interventions ont été déposées à propos de cette loi.        l’harmonisation de l’âge de la retraite, c’est-à-dire l’augmen­
               Cette vague a atteint son sommet en 2002 après l’annonce         tation de l’âge de la retraite d’une année pour les femmes,
               de l’abaissement du taux d’intérêt minimal de 4 à 3,25 pour      sont d’ores et déjà les points les plus contestés.
               cent, ce qui a déclenché pas moins de 58 interventions. De
               même, l’écho dans les journaux est considérable. Dans le         Indépendamment du fait que l’abaissement à 6 pour cent
               seul premier semestre de 2014, 383 articles de journaux          recherché du taux de conversion au début des années 2020
               ont été publiés en rapport avec la LPP. Ces quatre dernières     arrive dix ans trop tard par rapport aux nécessités actua­
               années, il y en a eu au total 2963.                              rielles, les premières réactions ne permettent guère de con­s­
                                                                                tater une « dépolitisation ». L’argument le plus souvent
               La politisation fait partie de la médiatisation, ou inverse­     avancé par l’Union syndicale suisse et le PSS est le suivant :
               ment. Ces deux domaines agissent en symbiose. Ce qui n’a         puisque le peuple a rejeté l’abaissement en 2010, il est hors
               pas d’effet dans les médias suscite peu d’intérêt dans la        de question de donner notre accord à une baisse encore
               politique.                                                       plus forte. Argument politique classique, sans aucun rapport
                                                                                avec les données actuarielles. En outre, les résultats de
               La prévoyance professionnelle est devenue un sujet public,       l’enquête Swisscanto montrent qu’aujourd’hui déjà, les caisses
               ce qui confronte les Conseils de fondation à une situation       de pension envisagent, voire ont déjà réalisé un abaisse­
               totalement nouvelle. Un nombre étonnamment faible de cas         ment du taux de conversion à moins de 6 pour cent en
               de fraude pertinents a suffi pour jeter le discrédit sur toute   moyenne.

               Swisscanto     Les caisses de pension suisses 2014                                                                              9

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Les arguments sont similaires pour l’âge de la retraite pour        Que faire ?
     les femmes. Mais ils omettent de dire qu’un âge de re­-             Que faire ? La revendication simple devrait être : revenir à
     traite plus faible pour les femmes signifie simplement des          des débats non idéologiques, objectifs, basés sur des faits
     rentes moins élevées, tout au moins dans les caisses en             et des formules. Bonne idée, mais qui s’échouera sans
     primauté des cotisations. Ceux qui réclament pour commen­           doute sur l’écueil de la réalité et des mécanismes politiques.
     cer l’égalité salariale totale ne tiennent pas compte du            Rappelons que le 2e pilier qui est le nôtre repose dans
     fait que les entreprises qui répondent déjà à ce postulat           une large mesure sur le caractère volontaire et qu’il consti­
     sont punies.                                                        tue une solution émanant du partenariat social. C’est
                                                                         d’ailleurs la raison pour laquelle de nombreuses entreprises
     Une fois que des éléments politiques se sont glissés dans           restent toujours prêtes à faire pour leurs caisses de pension
     les paramètres actuariels, il n’est pas facile de s’en débar­       bien plus que ce que la loi ne les oblige à faire. Voilà
     rasser. Leur élimination même devient un thème politique.           ce qu’il s’agit de préserver en remettant à nouveau les prin­
     Les modestes approches du Conseil fédéral en direction              cipales décisions entre les mains des partenaires sociaux
     d’une révision (qui ne représente rien d’autre qu’une adapta­       directement impliqués.
     tion trop longtemps attendue à la réalité) sont enterrées
     par un déluge d’arguments sans rapport avec l’objet                 Une première étape, modeste, mais dont l’importance ne
     con­sidéré, c’est-à-dire de nature politique.                       doit pas être sous-estimée, consisterait à remettre le taux
                                                                         de conversion et sa fixation dans une ordonnance. Une
     Le processus de politisation                                        deuxième étape consisterait à supprimer cette disposition
     Nos considérations ont tenté de montrer à quel point des            et la définition de règles et de plages pouvant être contrô­
     éléments politiques jouent un rôle de plus en plus grand            lées par la surveillance. L’initiative parlementaire conte­-
     dans la réglementation des éléments techniques du 2e pilier.        nant la première idée a déjà été gelée, parce que même
     Elles montrent aussi que la politisation ne s’exprime pas           les partis bourgeois ne la soutenaient pas.
     par le nombre de lois ni à travers tel ou tel sujet, mais qu’elle
     parcourt tout le processus de prise de décisions législatives       Avec la Prévoyance vieillesse 2020, le Conseil fédéral au­
     et l’argumentation qui l’accompagne. En outre, il est d’au­         rait eu la possibilité de se donner de la marge par un projet
     tant plus facile d’y recourir que les faits sont complexes,         allégé, concentré sur les questions fondamentales de la
     parce que les intentions véritables ou les effets réels n’appa­     prévoyance professionnelle. La coordination avec l’AVS
     raissent plus à première vue.                                       dans les quelques questions où elle joue un rôle pourrait être
                                                                         établie aussi par ce biais. Mais le tandem LPP et AVS est
     Les arguments contre lesquels il faut se battre n’ont aucun         lui-même le fruit de stratégies à motivations politiques et, qui
     rapport objectif avec le sujet du débat, mais trouvent              plus est, assorti de risques élevés. Il y a longtemps que
     leurs sources dans d’autres domaines de la vie telles que           les Confédérés et leur gouvernement n’osent plus faire un
     l’éthique, la politique du genre, la critique du capitalisme,       pas radical tel que celui que la Suède a franchi il y
     la politique environnementale, etc. Ainsi, la discussion            a quelques années.
     se déplace vers des domaines étrangers, les passions sont
     attisées et cela aboutit à ce que l’on peut à juste titre           Tout ce qui reste est qualifié d’« évolutionnaire », c’est-à-dire
     appeler la politisation.                                            consiste à franchir de grandes distances par toutes petites
                                                                         étapes. Lorsque les étapes deviennent trop petites ou tournent
     Il en découle des décisions prises sans base factuelle suffi­       en rond (voir la propriété du logement), il existe un risque
     sante, un débat qui refuse de regarder les faits en face            que le sur-place ne se transforme en reculade ou ne mette
     et se déplace vers des revendications de politique sociale.         en danger la prévoyance professionnelle, parce que la
     Cela met en danger le système du 2e pilier, qui ne peut             p­olitique n’a tout simplement pas prise sur les évolutions dé­
     pas exister sans une base actuarielle solide.                       mographiques ni sur les rendements des marchés des capi­
                                                                         taux.

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Plaidoyer en faveur d’une prévoyance professionnelle décentralisée assumant ses responsabilités

               Un modèle d’avenir menacé

                                                                                 de la LPP porte le numéro 98. Mais entre l’article premier et
                                                                                 l’article 98, on a inséré 67 nouveaux articles, munis de
                                                                                 lettres, ces quelque 30 dernières années. En revanche, seu­
                                                                                 lement 17 ont été supprimés. Et cela ne tient même pas
                                                                                 compte des diverses ordonnances nouvelles adoptées de­
                                                                                 puis lors ni des autres articles de loi ou règles de présen­
                                            Christoph Ryter,                     tation des comptes qu’il convient de respecter.
                                            Président de l’ASIP
                                                                                 Bien entendu, certaines modifications étaient tout à fait né­
               L’auteur, Président de l’Association des institutions             cessaires et bienvenues. C’est par exemple ce que montre
               de prévoyance ASIP et directeur de la caisse                      la discussion au sein de l’UE sur les exigences minimales de
               de pension Migros, présente à l’aide de quelques                  la réglementation transnationale en matière de librepas­
               exemples la manière dont la responsabilité propre                 sage (ce que l’on appelle la « Directive sur la portabilité »).
               des institutions de prévoyance est sapée par des                  Chez nous, cela fait bientôt 20 ans que la loi sur le libre
               ingérences croissantes de la part du législateur                  passage a apporté la clarté requise dans ce domaine. De
               ainsi que de la surveillance, ce qui remet en cause               même, de grands progrès ont été utilement enregistrés
               la base sur laquelle repose notre prévoyance pro-                 dans le domaine des frais de gestion de fortune, même s’ils
               fessionnelle.                                                     n’ont été dus qu’à une consultation réalisée de son plein
                                                                                 gré par la Commission de haute surveillance LPP (CHS-PP)
               L’Association suisse des institutions de prévoyance ASIP est      et grâce aux améliorations déterminantes et adaptées à
               le représentant des intérêts des institutions de prévoyance.      la pratique qui en ont découlé.
               Elle se positionne en tant que spécialiste de l’exécution de
               la prévoyance professionnelle. En représentant l’associa­-        Néanmoins, la dynamique du déluge de réglementations
               tion vis-à-vis des instances externes telles que partenaires      m’inquiète. En voici trois exemples concrets.
               sociaux, milieux politiques, administration fédérale, auto­
               rités de surveillance, experts en assurances de pension et        Surveillance axée sur les risques
               organes de révision, nous pouvons faire valoir notre ex­          A chaque printemps depuis 2013, la CHS publie un rapport
               périence, nos points de vue et nos recommandations pour           visant à donner des renseignements sur la sécurité systé­
               la mise en œuvre de textes législatifs. Nos statuts stipulent     mique de la prévoyance professionnelle. Pour cela, les ins­
               comme but que l’association a pour but le maintien et le dé­      titutions de prévoyance doivent remplir avant la fin février
               veloppement de la prévoyance professionnelle sur des              un questionnaire qui constitue la base de données correspon­
               bases libres et décentralisées. Cela signifie que les respon­     dante. En raison de la date précoce – les comptes annuels
               sables de la prévoyance professionnelle doivent jouir             révisés ne doivent être soumis à l’autorité de surveillance que
               d’une marge de manœuvre aussi large que possible. Ce              pour le milieu de l’année – les données transmises sont des
               n’est qu’ainsi qu’ils pourront proposer au profit des destina­    indications approximatives et non vérifiées. Cela suffit pour
               taires des institutions de prévoyance des solutions de pré­       avoir une vue d’ensemble générale du système global et
               voyance optimales adaptées à leurs besoins spécifiques.           n’aboutit sans doute pas à de graves erreurs d’appréciation.
                                                                                 Fondamentalement, il y a lieu de se féliciter d’une estima­
               Déluge de réglementations                                         tion relativement rapide de la situation financière des institu­
               De temps à autre, il vaut la peine de s’abstraire de l’agita­     tions de prévoyance par les milieux officiels. Dans le passé,
               tion du quotidien pour effectuer une analyse de la situation      les analyses publiées avec plus d’un an de retard sur la
               et faire un bilan en comparant la situation actuelle avec         base de la statistique des caisses de pension n’intéressaient
               les objectifs initiaux. Il n’aura échappé à personne que la       plus que les historiens, et encore.
               densité réglementaire dans le domaine de la prévoyance
               professionnelle n’a cessé de croître depuis l’entrée en vigueur   Mais d’après moi, les choses deviennent problématiques
               de la LPP en 1985. La loi initiale comptait 98 articles. Au­      lorsque ces indications ne sont pas uniquement utilisées
               jourd’hui encore, dans le recueil officiel, le dernier article    pour une observation consolidée du système d’ensemble,

               Swisscanto     Les caisses de pension suisses 2014                                                                             11

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mais pour donner individuellement des notes à chaque caisse.     rité de surveillance. L’évaluation de la fonctionnalité du sys­
     Si donc la CHS attribue de « bonnes » ou de « mauvaises »        tème dans son ensemble doit se faire sans ingérences
     notes dans un domaine (situation en matière de taux de cou­      dans les responsabilités et marges de manœuvre des insti­
     verture) ou un autre (promesses de rentes) et en fin de compte   tutions de prévoyance prévues par la loi.
     attribue encore une note globale tirée de son chapeau, l’exer­
     cice cesse d’être transparent. Qu’est-ce qui vaut mieux :        Transparence dans les frais de gestion de fortune
     un taux de couverture élevé avec un financement insuffisant      La réforme structurelle et la directive de la CHS relative aux
     (promesses de prestations trop élevées et donc probable­         frais de gestion de fortune qui s’y appuie ont assurément
     ment baisse constante du taux de couverture) ou un taux de       entraîné des améliorations que l’ASIP soutient sans réserve.
     couverture faible avec un plan de prévoyance qui promet          Dans l’optique du débat qui durera encore ces prochaines
     à long terme des prestations modérées ? Un tel système d’éva­    années autour de l’abaissement du taux de conversion mini­
     luation permet mal de rendre justice à l’éventail extrême­       mum dans la LPP, il a fallu répondre au reproche selon le­
     ment large d’institutions de prévoyance de natures diverses.     quel un abaissement des frais de gestion de fortune pourrait
     D’ailleurs, cette tâche – et nota bene la responsabilité cor­    résoudre tous les problèmes du taux de conversion. Une
     respondante – incombe, de par la loi, clairement au Conseil      première enquête de l’ASIP parmi ses membres en avril 2014
     de fondation. C’est lui qui, dans le cas d’espèce et compte      a fait apparaître un tableau réjouissant : la quote-part de
     tenu des recommandations de l’expert, doit procéder à une        transparence est très élevée, au moins chez les participants
     évaluation de la situation. En revanche, rien à redire à ce      à l’enquête (98,6 pour cent), les frais de gestion de fortune
     qu’une institution de prévoyance soit comparée aux autres        indiqués sont en moyenne modestes (0,426 pour cent, soit
     dans un des quatre secteurs définis par la CHS (degré de         près de 43 centimes pour 100 francs de fortune).
     couverture, promesse de prestations, capacité d’assainisse­
     ment et risque de placement).                                    Mais manifestement, des idées circulent désormais dans l’ad­
                                                                      ministration fédérale en vue d’une nouvelle réglementation
     Les choses seraient encore plus problématiques (et hélas,        dans le domaine des frais de gestion de fortune. En particu­
     les signes allant dans ce sens s’accumulent), si la CHS ou       lier les coûts élevés pour les placements alternatifs tels quelle,
     telle ou telle autorité de surveillance réclamait tous les       par exemple hedge funds ou private equity sont de toute évi­
     ans des coefficients « uniformes » supplémentaires aux insti­    dence devenus la bête noire. Mais c’est méconnaître le fait
     tutions de prévoyance qui lui sont assujetties, sans base        que le but d’une institution de prévoyance ne saurait être de
     légale correspondante. Dans ce cas, il y aurait lieu de re­      réduire unilatéralement les frais de gestion de fortune. Au
     douter un déplacement brutal et indésirable des respon­          contraire, il s’agit d’optimiser le rapport rendement-risque.
     sabilités. La Chambre des experts en assurances de pension,      Même des catégories relativement coûteuses telles que les
     dans une directive professionnelle adoptée et révisée ce         placements en private equity, les hedge funds (et d’ailleurs
     printemps (FRP 5), a publié une sélection de divers coeffi­      aussi les placements immobiliers en Suisse détenus directe­
     cients possibles sous forme d’une « boîte à outils ». Déli­      ment, qui occasionnent eux aussi des coûts de gestion com­
     bérément, elle a renoncé à prescrire tous ces coefficients       parativement élevés) apportent une contribution utile au
     comme étant obligatoires, parce qu’ils ne sont pas utiles        résultat d’ensemble d’une stratégie de placement. Le fruit
     dans tous les cas. L’organe de direction d’une caisse doit et    d’une stratégie réussie et d’une gestion efficace des place­
     peut déterminer lui-même et sous sa propre responsabilité        ments de capitaux apparaît dans le résultat de la per­for­
     quelles sont les bases dont il a besoin pour apprécier les       mance nette totale. C’est le résultat présenté en fin de
     risques. Si une autorité de surveillance a des questions         compte qui est déterminant. Tout comme dans le premier
     supplémentaires en raison des indications révisées dans les      exemple : sur la base de la transparence supplémentaire
     comptes annuels ou si elle souhaite, dans un cas d’espèce,       créée, il incombe à l’organe de direction de s’exprimer pour
     exprimer des réserves à propos de la situation en matière        ou contre un investissement donné – toute autre contrainte
     de risque, elle est bien entendu libre de le faire, et cela      imposée par la politique priverait l’organe de direction de
     se pratique déjà aujourd’hui. Il n’est pas nécessaire pour       ses compétences.
     cela de prévoir d’autres prescriptions qui éloignent les
     responsabilités de l’organe de direction au profit de l’auto­

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