Les déterminants de la demande sociale d'éducation islamique en Côte d'Ivoire

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Les déterminants de la demande sociale d'éducation islamique en Côte d'Ivoire
Les déterminants de la demande sociale
d’éducation islamique en Côte d’Ivoire
Résultats de l'étude SCORE menée dans les localités d'Abobo,
Bondoukou, Man, Minignan et Soubré

Une étude réalisée grâce à l’appui du Ministère de l'Education Nationale, de
l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle, de l’UNICEF et de
l’Union européenne
Les déterminants de la demande sociale d'éducation islamique en Côte d'Ivoire
ii   Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire
Les déterminants de la demande sociale d'éducation islamique en Côte d'Ivoire
Les déterminants de la demande sociale
d’éducation islamique en Côte d’Ivoire
Résultats de l'étude SCORE menée dans les localités d'Abobo,
Bondoukou, Man, Minignan et Soubré

Une étude réalisée grâce à l’appui du Ministère de l'Education Nationale, de
l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle, de l’UNICEF et de
l’Union européenne
Ce document est le rapport d’une étude quantitative menée en 2020 en Côte
d’Ivoire dans les localités d’Abobo, Bondoukou, Man, Minignan et Soubré, par Indigo
Côte d’Ivoire, Interpeace et SeeD. Les consultations ont été conduites auprès de
1000 citoyens sur les les déterminants et autres logiques sociales qui orientent
et favorisent les choix d’éducation des parents, ainsi que le niveau d’acceptation
sociale du processus d’intégration des structures islamiques d’éducation (SIE)
actuellement conduit par l’Etat ivoirien.

Cette étude a été réalisée grâce à l’appui du Ministère de l’Education nationale,
de l’enseignement technique et de la Formation professionnelle (MENET-FP) de la
République de Côte d’Ivoire, avec le soutien financier du Fonds des Nations Unies
pour l’enfance (UNICEF) en Côte d’Ivoire et de l’Union européenne (UE). Le contenu
de ce rapport ne reflète pas l’opinion officielle du MENET-FP, d’UNICEF ou encore
de l’UE. La responsabilité des informations et points de vue exprimés dans ce
dernier incombe entièrement aux personnes consultées et aux auteurs.

Crédit des photos dans ce rapport : Copyright Indigo Côte d’Ivoire
					Tous droits réservés.

Copyright : Indigo Côte d’Ivoire et Interpeace 2021. Tous droits réservés.

Publié en mai 2021.

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  exprimés dans ce dernier incombe entièrement aux personnes consultées et aux auteurs.
Les déterminants de la demande sociale
d’éducation islamique en Côte d’Ivoire
Résultats de l'étude SCORE menée dans les localités d'Abobo,
Bondoukou, Man, Minignan et Soubré
Ce rapport a été préparé par les organisations suivantes (dans l’ordre alphabétique) :

                         Indigo Côte d’Ivoire

                         Cocody 2 Plateaux les Perles
                         Cité les Versants 2, rue du Lac
                         Villa N°283
                         22 BP 288 Abidjan 22

                         27 22 42 96 72
                         indigoci@gmail.com
                         http://indigoci.org

                         Interpeace (Bureau d’Abidjan)

                         Cité Les Lauriers 5 - Villa n.43
                         Carrefour Duncan, Route du Zoo
                         Deux Plateaux, Cocody
                         06 BP 2100
                         Abidjan 06, Côte d’Ivoire

                         (+225) 27 22 42 33 41
                         www.interpeace.org

                         The Centre for Sustainable Peace and
                         Democratic Development (SeeD)

                         14 rue Michalakopoulou
                         1075 Nicosie
                         Chypre

                         +357 97 86 86 73
                         info@seedsofpeace.eu
                         https://www.seedsofpeace.eu/

Les efforts d’Interpeace pour la
construction de la paix dans le
monde sont rendus possibles par nos
partenariats stratégiques du Pays-Bas,
de la Suède et de la Suisse.
Equipe de recherche et publication

Indigo Côte d’Ivoire
Coordinateur                                 Dr. KOUAME Yao Séverin

Chercheur principal                          Dr. BINATÉ Yssouf

Chercheurs                                   KOUASSI KOUAMÉ Georges
(chefs d’équipe)                             SANOGO Aïcha
                                             Dr. KONAN Michel
                                             Dr. KOFFI Alexis

Chercheurs associés                          ZIRIHI Yéréhonon Jean
                                             KOUASSI Aya Angeline
                                             DONEGUE Malloh Wilfried
                                             KONATÉ Fona
                                             BAMBA Madjata
                                             TAMELA Yaya
                                             TUO Sibéhon
                                             MARA Laye Louis Silas
                                             Dr. KONAN KOUAMÉ Jacques
                                             KONAN Kouassi
                                             KONDO N’Da N’Goran Didier
                                             KONATÉ Alexandra

Interpeace
Directrice régionale Afrique de l’Ouest      POLIDORO Alessia

Responsable du programme Côte d’Ivoire       BODDAERT Mathilde
                                             PIMOND Margaux

Chargée d’appui au Programme Côte d’Ivoire   BERGER Marie

Graphiste                                    CHOC Estuardo

The Centre for Sustainable Peace and Democratic Development
(SeeD)
Chercheurs                                   BALDET Bertrand
                                             KOKO Abdon Dominique

Analyste                                     GUEST Alexander
                                             MACHLOUZARIDES Marian
Table des matières
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5         Equipe de recherche et publication

9         Sigles et acronymes

10        Lexique

11        Résumé exécutif

17        Introduction

17        1. Contexte et objectifs de l’étude

19        2. Méthodologie de l’étude

19        2.1 L’étape qualitative

20        2.2 L’étape quantitative

22        2.3 La méthode SCORE

23        3. Les questions de recherche, leurs résultats et l’organisation du rapport

27        I. Caractéristiques socio-démographiques des ménages enquêtés

27        I.1. Des ménages au faible niveau d’instruction

29        I.2. Des parents d’élèves exerçant davantage dans le secteur informel

30        I.3. Des ménages en situation de vulnérabilité socioéconomique relative

31        I.4. Des familles composites avec de nombreux enfants

32        I.5. Un niveau de religiosité et d’“entre-soi” ethnoculturel important

33        I.6. Un accès différencié, mais globalement limité, aux services de l’Etat

37        II. La structure de la demande d’éducation islamique : les
          déterminants des choix de scolarisation, des préférences et des
          attitudes vis-à-vis de l’intégration des SIE

38        II.1 Le niveau de revenu comme déterminant du choix éducatif

                                    Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire   7
39       Famille à faibles revenus : contraints de choisir leurs enfants à scolariser dans
         le formel

40       II.2 Les attentes en termes d’avenir socioprofessionnel souhaité
         pour l’enfant

40       II.2.1 Ambitions duales

42       II.2.2 Ambitions citoyennes et sociales du cursus informel

43       II.3 La trajectoire éducative personnelle des parents

44       II.5 La disponibilité de l’offre éducative

45       II.6 Les attentes sociales d’autorité dans la relation pédagogique

49       III. Les sources de résistance à la démarche d’intégration et à la
         scolarité formelle

49       III.1 Pourquoi ne pas opter pour une école confessionnelle ? La question de la
         religion à l’école

51       III.1.1 Demande sociale et nature attendue d’un curriculum de type religieux

52       III.1.2 Attentes sociales de « religiosité » à l’école

53       III.1.3 Aspiration à des débouchés « religieux » pour les enfants

54       III.1.4 Engagement des acteurs communautaires dans le leadership de l’école

55       III.2 Pourquoi ne pas adhérer à la démarche d’intégration ? La mixité
         sociale et l’environnement communautaire

57       III.2.1 Résistance à la mixité confessionnelle et à la contraction/dilution
         supposée du temps et du contenu de l’enseignement religieux

59       III.2.2. Le « communautarisme » religieux comme contrainte à l’adhésion au
         processus

65       Conclusion et pistes d’action

66       Recommandations

71       Bibliographie

72       Annexes

8    Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire
Sigles et acronymes

           Commission nationale d’accompagnement des structures
CNAESI
           islamiques d’éducation dans le système éducatif formel

CNI        Conseil national islamique

           Comité de gestion des établissements scolaires
COGES

           Conseil des imams sunnites
CODIS

           Conseil supérieur des imams
COSIM

           Maladie à coronavirus
COVID-19

           Ecole confessionnelle
EC

           Ecole confessionnelle Islamique
ECI

           Ecole privée confessionnelle
EPC

           Ecole primaire publique
EPP

           Franco-arabe
FA
           Ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement
MENET-FP   technique et de la formation professionnelle

PSO        Politique de scolarisation obligatoire

           Fonds des Nations Unies pour l’enfance
UNICEF
           Centre pour la paix et le développement démocratique
SEED       durables

SIE        Structure islamique d’éducation

           Stratégie nationale d’intégration des enfants des
SNIESIE    structures islamiques d’éducation dans le système
           éducatif formel

                          Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire   9
Lexique

                         Littéralement « apprentissage par terre » (en langue malinké)
Dougouma kalan
                         et désignant l’école coranique traditionnelle

                         L’apprentissage des blancs ou l’école occidentale (en langue
Toubabou/                malinké)
Nanzaran kalan

Faso                     La terre des ancêtres (en langue malinké)

Karamoko                 Désigne un maître coranique, une personne qui a la
                         connaissance et l’enseigne.

                         Le clan (en langue malinké)
Kabla

Kafri                    Expression dérivée de Kafr en arabe (signifiant littéralement
                         « non croyant » en langue malinké)

10 Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire
Résumé exécutif

L   a question de l’intégration des enfants fréquentant les structures islamiques d’éducation
    (SIE) dans le système formel d’éducation-formation demeure aujourd’hui un défi
important pour les pouvoirs publics ivoiriens. Dans le cadre de la Politique de scolarisa-
tion obligatoire (PSO) de l’Etat de Côte d’Ivoire, qui vise à scolariser tous les enfants de
6 à 16 ans d'ici 2025, le Ministère de l’Education nationale, de l’enseignement technique et
de la formation professionnelle (MENET-FP) a élaboré en 2019 une Stratégie nationale
d’intégration des enfants des SIE dans le système éducatif formel (SNIESIE). La SNIE-
SIE a pour objectif de faire bénéficier les enfants des SIE du socle commun de connais-
sances, de compétences et de culture tout en préservant l’apprentissage de la religion.

Pour mieux comprendre et consolider le niveau d’adhésion communautaire à cette ré-
forme, la présente étude sur la demande sociale d’éducation islamique cherche à docu-
menter les déterminants et autres logiques sociales qui orientent et favorisent les choix
d’éducation des parents vers les structures d’éducation formelles et non-formelles, ainsi
que le niveau d’acceptation sociale du processus d’intégration en cours.

L’étude, conduite en 2020 par Indigo Côte d’Ivoire, Interpeace et SeeD dans les localités
d’Abobo, Bondoukou, Man, Minignan et Soubré en suivant la méthodologie statistique
participative de l’Indice SCORE, établit que :

1. Les attentes éducatives orientant les parents musulmans vers les structures isla-
    miques d’éducation formelles ou non-formelles sont en général plurielles. Les pa-
    rents souhaitent que leurs enfants puissent avoir parallèlement accès à une éducation
    religieuse et formelle de manière à faciliter leur intégration communautaire et profes-
    sionnelle. Néanmoins, moins leurs attentes ont de fondement religieux (en termes de
    socialisation à l’Islam, débouchés religieux post-formation, etc.), plus ils ont tendance
    à opter pour une scolarité formelle et à adhérer à la démarche d’intégration.

2. Le modèle éducatif basé sur l’autorité des précepteurs est un moteur important de
    la demande sociale d’éducation islamique, qui tend à décourager les parents à sous-
    crire à une scolarisation formelle où ils perçoivent que leurs enfants seront moins
    encadrés et respectueux des valeurs attendues par la communauté. En effet, plus les
    parents sont attachés à une éducation centrée sur la discipline et le respect des valeurs
    qui font « un bon musulman », (i) moins ils ont d’enfants scolarisés dans le système for-
    mel, (ii) moins ils se sentent convaincus par un changement de scolarité vers une école
    privée confessionnelle (EPC) et (iii) moins ils soutiennent le processus d’intégration.

3. L’accessibilité (géographique et économique) des écoles est une donnée importante
    dans leurs rapports à l’offre de scolarisation formelle. Il a été constaté que plus les
    parents ont des facilités d’accès aux écoles publiques par la proximité géographique
    et la capacité à assurer les coûts de scolarité, moins ils font le choix de la scolarisation
    non formelle. De fait, le niveau de revenu est un facteur fondamental structurant la
    demande sociale d’éducation islamique non formelle. Qu’il soit question du niveau

            Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire    11
de scolarité formelle au sein du ménage, de la propension à changer de trajectoire de
   scolarisation (vers les EPC) ou encore de soutien à la réforme, invariablement des re-
   venus élevés encouragent les parents à se montrer plus enthousiastes envers la dyna-
   mique d’intégration.

4. Une tendance à la reproduction des parcours scolaires. Les parents ayant suivi une
   formation formelle ont davantage tendance à reproduire ce modèle pour leurs enfants.

5. Lorsque les parents font confiance au personnel de l’école publique, ils ont da-
   vantage tendance à scolariser leurs enfants dans le système formel. A l’inverse, la
   confiance envers le personnel des structures islamiques d’éducation réduit la tendance
   des parents à orienter leurs enfants vers le système formel.

6. En somme, la propension à préférer l’offre islamique informelle d’éducation pour
   la scolarisation de tout ou partie des enfants dans ces ménages est renforcée : (1)
   lorsque ces parents semblent avoir de ces structures une assez bonne connaissance
   pour les avoir eux-mêmes fréquentées (ils reproduisent ainsi à travers leurs enfants
   leur propre trajectoire éducative), (2) lorsque l’offre formelle d’éducation n’existe pas
   dans leur environnement ou, (3) lorsqu’elle y existe, ces parents ne semblent pas y re-
   trouver le modèle d’autorité qu’il souhaitent dans la relation pédagogique entre pré-
   cepteurs et élèves. Par ailleurs, (4) plus le capital confiance qu’ils ont dans le per-
   sonnel d’encadrement ayant en charge l’éducation des enfants dans ces structures
   islamiques d’éducation est important, plus ils ont tendance à s’y orienter.

7. Si globalement le processus d’intégration n’est pas rejeté, des formes de résistance
   susceptibles d’affecter l’adhésion au processus sont néanmoins observées et nourries
   par une demande forte de « religion à l’école et dans l’école », un communautarisme
   prononcé et un refus de la mixité socioreligieuse dans les structures islamiques
   d’éducation. Certains parents craignent une dilution du poids et de la place du religieux
   à l’école pour leurs enfants, notamment au niveau du curriculum, des débouchés
   religieux à l’issue de leur formation, ou du niveau d’implication du leadership religieux
   dans la gouvernance scolaire.

En lien avec ce qui précède, l’étude recommande en appui à la stratégie et campagne de
communication en cours autour de la SNISIE :

1. Mettre en place une politique volontariste de discrimination positive à destination
   des parents d’élèves vulnérables économiquement (par la participation aux frais de
   scolarité, don de kits scolaires, etc.) afin de les aider à s’orienter vers les SIE intégrées
   pour la scolarisation de leurs enfants.

2. Saisir l’opportunité de la politique d’intégration pour générer une offre éducative for-
   melle dans les « déserts éducatifs », zones de prédilection d’ouverture des SIE non
   formelles qui représentent souvent les seules options de scolarisation pour de nom-
   breux enfants. Il est donc important d’opérer une cartographie fine des déserts éduca-
   tifs dans lesquels prospèrent les SIE non formelles et accompagner ces dernières dans
   le processus d’intégration.

12 Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire
3. Appuyer les structures éducatives formelles pour rendre leur offre éducative plus
  adaptée aux attentes sociales et projets éducatifs des parents ciblés par la politique
  d’intégration, en instaurant un dialogue avec ces derniers et en renforçant leur partici-
  pation à la gouvernance de la vie scolaire.

4. Favoriser la transition des maîtres et enfants des écoles coraniques vers le pro-
  gramme officiel, à travers des mesures d’accompagnement répondant aux préoccu-
  pations et aux besoins spécifiques (formations techniques, AGR, programmes passe-
  relles, etc.) exprimés dans le cadre d’un dialogue inclusif.

5. Axer la communication et le dialogue communautaire autour de la SNIESIE sur la
  déconstruction des risques perçus, en s’appuyant sur des messages et des relais pou-
  vant rassurer les parents, les promoteurs et les maitres coraniques attachés à l’éduca-
  tion islamique sur le fait que l’éducation formelle ne vise pas à faire disparaître leurs
  valeurs, mais à créer plus d’opportunités dans la vie de leurs enfants.

         Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire   13
Introduction

  Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire   15
Introduction

1. Contexte et objectifs de l’étude

L   a Côte d’Ivoire a renoué avec la stabilité sociale et rouvert ses activités économiques
    sur l’extérieur depuis la fin de sa décennie de conflit politique et militaire. Son écono-
mie s’en est trouvée positivement influencée avec une croissance annuelle oscillant entre
7 et 8% entre 2012 et 2018.

Le secteur de l’éducation et de la formation, qui avait souffert de la destruction et la réduc-
tion des capacités d’accueil des infrastructures socio-éducatives pendant la crise, occupe
aujourd’hui une place de choix dans la politique de reconstruction du pays. Institution pu-
blique au 2e budget le plus important1, le Ministère de l’Éducation nationale a entrepris
d’importants chantiers et réformes, allant de la réhabilitation à la reconstruction d’éta-
blissements scolaires au lancement d’une Politique de Scolarisation Obligatoire (PSO) des
enfants de 6 à 16 ans en 2015.2

Dotée pour sa mise en œuvre d’un budget de 700 milliards de FCFA, cette politique rend
l’école publique gratuite et obligatoire pour tous les enfants de 6 à 16 ans, en vue de « don-
ner à toutes les filles et à tous les fils » de Côte d’Ivoire « le droit à l’éducation et à une for-
mation de qualité ».3 Elle cible ainsi tous les enfants et adolescents encore absents de l’es-
pace scolaire, qui étaient encore 2.067.020 d’après une étude statistique de 2016 – 2017.4

Parmi eux, et selon un rapport du MENET-FP de 2018, 237.004 enfants étaient ins-
crits dans des Structures Islamiques d’Éducation (SIE) évoluant en marge du contrôle de
l’État.5 Relevant de l’autorité d’un groupement associatif, d’une famille ou d’un individu,
ces structures - qui vont des écoles coraniques traditionnelles (ou dougouma kalan, litté-
ralement « apprentissage par terre » en langue malinké) aux établissements confession-
nels islamiques - forment une composante importante de la cartographie scolaire du pays
(cf. encadré 1)

De par sa caractéristique d’institution d’éducation aux valeurs islamiques et à la vie en
communauté, l’ordre d’enseignement islamique a acquis de la notoriété au fil du temps
au point d’en faire un vecteur de pérennisation de normes sociales.6 Longtemps resté en
marge du système éducatif officiel, l’enseignement coranique a fait sa mue à l’avènement
des médersas – à la fin des années 1940 – avant d’être en partie et progressivement intégré
dans le système éducatif national par l’entremise des écoles confessionnelles islamiques.

1   Le budget de ce ministère pour 2020 était de 955.931.905.381 FCFA, soit 12% du budget
    gouvernemental total. URL : http://budget.gouv.ci/doc/loi/LOI%20DE%20FINANCES%20
    INITIALE%202020.pdf (consulté le 07 janvier 2021).
2   Sur la période 2011 – 2018, on note la construction 30 621 salles de classes et le recrutement 54 318
    enseignants.
3   Loi N° 2015-635 du 17 septembre 2015 portant modification de la loi n°95-696 du 7 septembre 1995.
4   Annuaire statistique du MENET-FP de 2016 à 2017.
5   MENET-FP, 2018, p.16.
6   Hamadou 1990 ; Meunier 1995 ; Cissé 1998 ; Brenner 2000 ; Hoechner 2012 ; Binaté 2016, Hugon 2016.

            Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire             17
Encadré 1. Les quatre types de structures islamiques d’éducation (SIE)
                                       en Côte d’Ivoire
    Quatre types de structures islamiques d’éducation sont distinguées en Côte d’Ivoire, selon une gradation
    allant des non-formelles aux SIE intégrées dans le système éducatif formel.

    1. Les écoles coraniques, ou écoles coraniques traditionnelles, également connues aujourd’hui sous le
       nom de dougouma kalan. L’enseignement y est dispensé sous la férule d’un maître coranique, le ka-
       ramogofa, dans un espace domestique, généralement son domicile, sous un arbre ou un hangar. La
       transmission du savoir est essentiellement fondée sur une relation personnelle presque exclusive entre
       le maître unique et son/ses disciple(s), les talibés, et consiste en la mémorisation, l’étude du Coran et
       l’apprentissage des pratiques religieuses par des groupes d’enfants, des adultes ou groupes d’adultes
       de sexes, d’âges et de niveaux différents.

    2. Les madrassa, également appelées medersa ou sanfèkalan, est une forme évoluée de l’école cora-
       nique. Il a fait son apparition dans l’espace public ivoirien dans un contexte de réformes religieuses
       initiées par la tendance sunnite, conduite par des diplômés des instituts de formation du monde
       arable, de retour au pays dans les années 1940 (Binaté, 2016). La medersa présente un visage différent
       de l’école coranique en termes de gestion du temps d’apprentissage, de construction et d’équipement
       des salles de classe – équipée en bancs, tableaux et bureaux. En outre, le contenu enseigné est à la fois
       varié et dense, ce qui facilite une meilleure lecture des sourates par les apprenants. En revanche, ces
       élèves connaissent moins le contenu ésotérique du Coran que les talibés.

    3. Les écoles dites franco-arabes, qui combinent les principes de l’enseignement de l’Islam et de la
       langue arabe d’une part, et ceux de l’école laïque de type occidental (caractérisé par l’enseignement
       du français et des matières qui y sont rattachées) d’autre part. Dans ce type d’école, l’apprentissage se
       fait dans une relation « multi-acteurs », en ce sens que chaque matière est souvent prise en charge par
       un enseignant différent. De ce point de vue, les écoles franco-arabes diffèrent de l’école coranique et
       de la medersa dans lesquelles existe entre le maître et l’élève un rapport de type binaire.

    4. Les établissements confessionnels islamiques, qui ont vu le jour à l’initiative de deux structures mu-
       sulmanes – le Conseil National Islamique (CNI) et le Conseil Supérieur des Imams (COSIM) – et la mise
       en place de l’Organisation des Etablissements d’Enseignement Confessionnel Islamique (OEECI). A
       l’instar des écoles catholiques et protestantes, les établissements confessionnels islamiques sont des
       écoles privées qui font partie intégrante du système éducatif national formel, et dispensent donc un
       programme d’enseignement commun.

Cette initiative, intervenue à l’issue de la signature            tion des écoles islamiques, la création de la CNAE-
d’une convention en 1993 entre le Ministère de l’Édu-             SI (Commission Nationale d’Accompagnement des
cation nationale et le Conseil National Islamique                 Structures Islamiques d’Éducation), un cadre insti-
(CNI), alors organisation fédérative des associations             tutionnel dédié à ce programme en 2011, et l’adop-
musulmanes, a initié le suivi et l’intégration pro-               tion de mesures d’accompagnement telles l’accord
gressive des SIE par l’État ivoirien. Avec des résul-             de subvention annuelle aux écoles islamiques inté-
tats mitigés au départ – moins de 15 établissements               grées. Cette nouvelle donne a eu un effet sur la dé-
intégrés au programme éducatif formel en 2005.                    cision de nombreux promoteurs7 de SIE et en 2014,
Cette implication de l’État s’accentue à partir de                on comptait plus de 330 d’entre elles ayant adhéré au
2008, avec le lancement d’un projet pilote d’intégra-             programme éducatif national.8.

7    Ici, on entend par promoteurs les acteurs du système éducatif ayant créé leur(s) SIE.
8    Binaté, 2016, p. 139.

18 Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire
Bien que ce chiffre témoigne d’une mutation des stra-        de scolarisation et préférences éducatives des pa-
tégies éducatives de plusieurs promoteurs d’écoles           rents musulmans ayant inscrit leurs enfants dans
et parents d’élèves musulmans, de nombreux en-               les écoles formelles et informelles, et les conditions
fants et établissements demeurent néanmoins au-              auxquelles ils seraient susceptibles de soutenir et
jourd’hui en dehors de cette marche vers l’intégra-          d’adhérer à la demande d’intégration portée par la
tion au système éducatif formel. Dans une étude du           SNIESIE (Stratégie Nationale d’Intégration des En-
Ministère menée en 2018, cinq localités se sont il-          fants des Structures Islamiques d’Éducation dans le
lustrées comme des espaces de forte présence de ces          Système Éducatif formel). Ce rapport présente ain-
institutions éducatives informelles : Abobo, Bon-            si les perceptions des parents d’élèves sur les écoles
doukou, Man, Minignan et Soubré. Hormis Abobo,               islamiques et publiques, leurs attentes socio-éduca-
une commune d’Abidjan, ces villes ont la particula-          tives, religieuses et laïques, et des recommandations
rité d’être des chefs-lieux administratifs de régions        pour faciliter leur adhésion au processus d’intégra-
du pays et totalisent 812 des 2 402 écoles islamiques        tion des écoles islamiques au système éducatif for-
répertoriées (dont 278 à Soubré, 241 à Bondoukou,            mel. En faisant ressortir les contraintes et opportu-
63 à Man, 195 Abobo et 35 à Minignan) (MENET-FP,             nités posées par les choix des parents au processus
2018, p.16).                                                 d’intégration, ces résultats permettent d’informer
                                                             et d’adapter la stratégie nationale pour favoriser un
Face au maintien de ces institutions éducatives in-          accès élargi et harmonieux de tous les enfants à un
formelles, la présente étude a cherché à identifier,         socle éducatif commun et de qualité.
dans ces cinq zones, les déterminants des choix

2. Méthodologie de l’étude
Les données recueillies de ce travail ont fait l’ob-         Dans le cadre de cette étude, l’élaboration et le dé-
jet d’analyses conformément à la méthodologie                ploiement de cette approche a reposé sur des en-
SCORE. L’indice SCORE est un instrument d'éva-               quêtes de terrain menées en deux phases – l’une qua-
luation et d’aide à la décision développé par SeeD.9         litative et l’autre quantitative – par quatre équipes de
Cet outil statistique participatif vise à quantifier des     chercheurs.es d’Indigo Côte d’Ivoire appuyés par In-
phénomènes psychologiques et sociaux, en vue de              terpeace et SeeD.
contribuer à l’amélioration de la cohésion sociale,
de la réconciliation et de la consolidation de la paix.

2.1 L’étape qualitative

Dans la méthodologie SCORE, la conception des                parents d’élèves et des acteurs du système éducatif
questionnaires d’enquête est précédée par une phase          (professeurs, directeurs, …) sur leurs choix éduca-
de recherche documentaire et d’entretiens qualitatifs        tifs, leurs modèles de réussite sociale et les facteurs
permettant de contextualiser les questions et d’assu-        qui pourraient motiver leur adhésion au processus
rer que les options proposées résonnent avec la réa-         d’intégration.10 Les données collectées ont été or-
lité des personnes enquêtées. Conduite du 21 au 30           ganisées entre « idées fortes » – découlant des per-
janvier 2020, cette première phase s’est effectuée           ceptions sociales des écoles islamiques – et « condi-
dans quatre localités (excluant la ville de Man, qui         tions d’adhésion à l’offre formelle d’éducation »,
a été ajoutée ultérieurement) et a mobilisé 297 per-         construites à partir des comptes rendus des propos
sonnes. A travers des groupes de discussion et des           bruts des participants consultés.
entretiens individuels, les équipes de recherche ont
interrogé des promoteurs des écoles islamiques, des

9 SCORE Index (scoreforpeace.org)
10 Composition et guide d’entretien des groupes de discussion en annexe 4.

                                Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire     19
Tableau 1 : Synthèse du nombre des enquêtés par catégories sociales et par localité

                                                                                                  Acteurs
                                                                                                  éducatifs
                                                                                                  (directeurs,
                                                                                  Fondateurs/     professeur,
                                                                                  directeurs/     …) et parents
                                                         Pères         Mères      professeurs     d’élèves
                                 Pères        Pères      d’élèves      d’élèves   (avis en tant   scolarisés
                Type             d’élèves     d’élèves   des FA        des SIE/   que parents     dans autres
 Localités      d’entretien      SIE/EPP      des EC     et méd.       EPP        d’élèves)       types d’écoles   Total

                Groupe de
                                     12          10          12              15        11               0           60
 Abobo          discussion

                Ent. Indiv.           1           1          1               1          1                1          6
                Groupe de
                                     15          13          16              15        17               0           77
 Bondoukou      discussion

                Ent. Indiv.           1           1          1               1          1                1          6
                Groupe de
                                     10          12          14              14        9                10          69
 Minignan       discussion

                Ent. Indiv.           1           1          1               1          1                1          6
                Groupe de
                                     13          10          15              15        14               0           67
 Soubré         discussion

                Ent. Indiv.           1           1          1               1          1                1          6
                                    54          49           61          63           55                14         297
 Total                                                                                                             297
                              Source : Étude demande sociale d’éducation islamique en CI, 2020.

De ce travail de restitution en atelier, des hypothèses           l’offre éducative formelle (QR3). Pour une meilleure
organisées autour des trois variables sont à retenir :            appréciation des corrélations entre ces variables et
les déterminants des choix des parents pour les types             ces hypothèses, un recours a été fait au Mental Mo-
d’écoles (QR1), les perceptions et déterminants de la             deler, un outil d’analyse de données d’études quanti-
perception des parents (ayant fait uniquement le choix            tatives, qui a été d’un apport considérable dans l’éla-
des SIE non intégrées) envers les EPC/écoles formelles            boration du questionnaire de la seconde phase du
(QR2) et les conditions d’adhésion à l’intégration à              terrain.

2.2 L’étape quantitative

Les données qualitatives collectées ont ensuite servi             lecte de données (ou Kobo Collect), reliée à un ser-
de base à l’élaboration du questionnaire quantitatif.             veur central tenu par SeeD.
Le questionnaire conçu comptait 60 questions fer-
mées (Q60), déclinées dans certains cas en plusieurs              L’échantillon des enquêtés a été fixé à 200 parents
sous-questions. Les grands axes du questionnaire                  d’élèves par localité, soit 1000 personnes au total.
sont les suivants : (i) Données démographiques, (ii)              Ce quota a été choisi pour disposer d’un échantillon
Parcours éducatif, (iii) Capacité de lire et écrire, (iv)         total significatif permettant de s’assurer de la fia-
Connaissance des types d'écoles, (v) Confiance et                 bilité statistique de l’analyse. L’étude ne couvrant
proximité des autorités, (vi) Ambition pour l'enfant,             que quelques localités et n’ayant pas une ambition
(vii) Ouverture à la reforme et (viii) Modelés sco-               de représentativité sur l’ensemble du pays, l’équipe
laires. Une tablette numérique a servi d’outil de col-            a privilégié un équilibre entre chacune des 5 régions

20 Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire
étudiées de manière à pouvoir comparer leurs ré-                 nistère de l'Education Nationale. Sur cette base, le
sultats. La stratégie d’échantillonnage a été calibrée           choix des écoles a été opéré de manière aléatoire,
sous forme « d’entonnoir », à travers une méthode                par type d'école, dans chaque localité. Ensuite, dans
aléatoire et plusieurs étapes de sélection pour iden-            chaque école sélectionnée, les choix des classes, du
tifier les personnes responsables des choix éduca-               genre et de l'enfant ont été faits suivant la même dé-
tifs des enfants scolarisés dans les localités d’inter-          marche aléatoire. Il en résulte que les individus in-
vention. La première étape a consisté à identifier la            terrogés ont eu les mêmes chances d’être choisis que
distribution des types d’écoles (coranique, meder-               ceux n’ayant pas été sélectionnés.11 Cette mission
sa, franco-arabe, EPC, publique) par localité, à par-            d’administration de questionnaire s’est déroulée du
tir de l'opération d'identification réalisée par le mi-          8 au 30 juin 2020.

              Tableau 2 : Échantillon des enquêtés par types d’écoles et par localité

                                          Abobo       Bondoukou         Minignan        Soubré        Man        Total

     EPC                                     45             45                0            45          45         180
     Franco-arabe & Médersa                 90              55               55             55         55         310
     Ecole coranique                        30              65               65            65          65         290

     Ecole publique                          35             35               80             35         35         220
     Total                                 200             200              200           200         200        1000

L’enquête ciblait les individus responsables des                 toutes les décisions concernant l’enfant. Dans ces
choix éducatifs des enfants scolarisés dans les lo-              quelques cas, les maîtres ont été interrogés en quali-
calités d’intervention. Cela a eu une incidence sur              té de « tuteurs », dans la mesure où l’intégration des
la part de femmes interrogées dans l’échantillon,                enfants dont ils ont la charge dans le système for-
les pères étant à grande majorité désignés lors des              mel dépend d’eux et non des parents « biologiques ».
enquêtes comme chargés des choix sur la scolarité                Cela peut constituer un biais méthodologique sur les
des enfants au sein du ménage. Dans de rares cas,                résultats, néanmoins limité par le nombre marginal
pour certains enfants scolarisés dans des écoles co-             de cas concernés.
raniques, cela a également signifié interroger le tu-
teur/maître coranique à qui l’enfant a été confié plu-           La population visée par cette étude étant musul-
tôt que le parent de cet enfant. En effet, l’inscription         mane, connue pour être plus dioulaphone que fran-
d’un élève dans une école coranique est assimilable              cophone, il s’est également posé la difficulté de la
à une sorte de don de ce dernier à l’enseignant pour             langue comme moyen de communication. Pour pa-
faire de lui un homme ou une femme instruit.e des                rer au défi de la communication, l’équipe des cher-
valeurs religieuses et utile à sa communauté. Il s’agit          cheurs.es a su trouver des mécanismes de contour-
d’un système où l’on confie entièrement les choix                nement par la traduction des questions en dioula et
éducatifs concernant les enfants aux maîtres, qui de-            l’appui de points focaux recrutés sur le terrain. Dans
viennent pour eux à la fois le parent de substitution            certaines zones, une contrainte a également découlé
et le vecteur de transmission de savoirs. A l’issue de           du manque de disponibilité des parents pour partici-
l’opération de la procédure aléatoire, certains élèves           per aux entretiens. Dans ces cas, l’équipe a dû procé-
se sont ainsi retrouvés confiés aux mêmes per-                   der au remplacement des personnes absentes ou in-
sonnes. Pour ces élèves, les enquêteurs ont contac-
         12
                                                                 disponibles en utilisant une liste attente constituée
té les parents mais ces derniers les ont souvent ren-            dans chaque classe pour pallier aux cas d'indisponi-
voyés vers le maître coranique, qu’ils ont chargé de             bilité ou de refus d'être interviewé des parents, se-

11 La sélection aléatoire des parents a néanmoins tenu compte du genre de l’enfant. En ce sens, la sélection a veillé à
   assurer un équilibre entre parents de garçons et parents de filles.
12 Ces répondants ont alors été interrogés en qualité de “tuteurs”.

                                 Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire            21
lon l'approche aléatoire. Enfin, la taille du question-   sonne enquêtée oscillait entre 45mn et 1 heure, ce
naire est restée un souci relevé par la majorité des      que de nombreux enquêtés ont décrit comme trop
enquêtés. La durée de son administration par per-         long.

2.3 La méthode SCORE

Les données recueillies de ce travail ont fait l’ob-      disent positivement ou négativement les autres indi-
jet d’analyses conformément à la méthodologie             cateurs auxquels ils sont liés. Ici par exemple l’indi-
SCORE. L’indice SCORE est un instrument d'éva-            cateur “degré d’éducation religieuse des parents” est
luation développé par SeeD. L’idée du SCORE est           mesuré à travers une série de questions :
de quantifier des phénomènes psychologiques et so-
ciaux. Cette approche repose sur des méthodologies        →   Durée de la scolarité dans une SIE
fondées sur des preuves statistiques dont l’objectif
est de contribuer à l’amélioration de la cohésion so-     →   Niveau de connaissance du Coran
ciale, de la réconciliation et de la consolidation de
la paix.                                                  →   Accès à une éducation religieuse hors école (e.g.
                                                              enseignement du Coran par les parents, par la fa-
L’indice SCORE quantifie des niveaux de mani-                 mille, par la communauté…)
festation d’un phénomène social et renseigne ain-
si avec précision des attitudes et comportements
(ex : « engagement religieux »), des perceptions (ex :    Heatmap 1 : Degré d’éducation religieuse
« confiance dans le personnel des écoles publiques »)                   des parents
ou encore des opinions (ex : « rapport à l’autorité »).
Les indicateurs reposent sur une agrégation de plu-
sieurs questions (entre 3 et 10 en général).
                                                                  Minignan
La combinaison de celles-ci permet de mesurer les
différentes perspectives d’un même phénomène.                      2.0
Evaluer « l’engagement religieux » d’un individu re-
                                                                                                   Bondoukou
vient par exemple à mesurer la fréquence des prières
quotidiennes, le respect des phases de jeûne, la to-
lérance des mariages inter-religieux, le rapport au
                                                                   Man
                                                                                                      2.6
hijab…                                                            3.0
L’indice SCORE suggère ainsi une mesure standar-                         Soubre
disée des phénomènes sociaux (scores de 0 à 10) : un                                           Abobo
score de 0 correspond à l’absence totale d’un phé-                           3.4
nomène au niveau individuel, régional ou sur l’en-
semble de l’échantillon tandis qu’un score de 10 si-
                                                                                                3.5
gnifie une présence totale du phénomène mesuré.

Les “heatmaps”, ou cartes de chaleur, illustrent le
niveau de manifestation des phénomènes dans les           La carte doit donc être interprétée comme suit : de
différentes zones géographiques étudiées. L’ana-          manière générale le degré d’éducation religieuse des
lyse causale (à l’aide de modèles d’équations struc-      parents est assez faible. Pour que le score approche
turelles) permet de représenter les relations exis-       10 il faudrait que tous les parents de la localité cu-
tantes entre les différents indicateurs. Les modèles      mulent une longue scolarité dans une SIE (1), dé-
révèlent les corrélations existantes entre les phéno-     clarent un niveau de connaissance du Coran avancé
mènes et montrent les influences réciproques. Les         (2) et aient eu accès à une éducation religieuse hors
indicateurs peuvent être des « moteurs » car ils pré-     école auprès de tous les acteurs non-scolaires men-

22 Les déterminants de la demande sociale d’éducation islamique en Côte d’Ivoire
tionnés (parents, famille, communauté, etc.) (3). A             tion religieuse moyenne plutôt faible des parents in-
l’inverse un score de 0 signifierait une absence to-            terrogés. En termes de distribution géographique du
tale de connaissance religieuse (due à l’absence de             phénomène, les parents résidant dans la commune
scolarisation dans une SIE, un niveau de connais-               d’Abobo ont en général un niveau d’éducation reli-
sance du Coran déclaré nul et l’absence de toute édu-           gieuse plus élevé que dans les autres régions. C’est
cation religieuse hors école). Par conséquent, ici, des         par contre à Minignan que les parents ont reçu le ni-
scores oscillants entre 2 et 3.5 signifient une éduca-          veau d'éducation religieuse le plus faible.

3. Les questions de recherche, leurs résultats et
l’organisation du rapport
Comme indiqué plus haut, trois modélisations ont                La lecture des résultats de ces modèles permet d’ob-
été opérées (une par question de recherche). La pre-            server des similarités entre les déterminants impor-
mière modélisation (QR1) vise à identifier les dé-              tants. Le niveau de scolarité formelle des enfants
terminants qui influencent le niveau de scolarité               du ménage, la tendance à accepter un changement
formelle dans les ménages de notre échantillon.            13
                                                                de scolarité vers une EPC ou encore le soutien à la
Autrement dit, il s’agit d’évaluer le niveau de scola-          démarche d’intégration sont renforcés ou affaiblis
rité formelle dans ces ménages et de se demander                par sensiblement les mêmes indicateurs14.
pourquoi certains scolarisent leurs enfants dans le
système formel et d’autres dans le système infor-               L’organisation du rapport se présente comme suit :
mel. Ici en observant la diversité de situations des
ménages (i.e. certains ont tous leurs enfants dans le           →   La première partie vise à dresser un profil géné-
système formel, d’autres n’en ont scolarisé que cer-                ral de la population visée par l’enquête : descrip-
tains, d’autres encore ont tous leurs enfants scola-                tion des caractéristiques sociodémographiques
risés dans le système informel…), il a été possible                 de l’échantillon.
d’identifier statistiquement les facteurs accen-                →   La deuxième partie dresse la liste des indicateurs
tuant ou inhibant l'accroissement de la scolarité                   importants qui structurent la demande sociale
formelle dans les ménages. Ensuite, il était ques-                  d’éducation islamique15. Ces déterminants sont
tion de se demander sous quelles conditions certains                identifiés en fonction du rôle qu’ils jouent dans la
parents pourraient se laisser convaincre par une sco-               relation des parents à la scolarité formelle et au
larisation dans le système formel (QR2). A ce niveau,               processus d’intégration.
en raison de l’importance particulière accordée à la            →   La troisième partie revient sur les dynamiques
religion, notre modèle s'est concentré sur les EPC,                 générales qui tendent à constituer des sources de
en excluant l'école publique qui apparaitrait comme                 résistance à la politique d’intégration. Il s’agira
un changement trop drastique pour eux. Nous nous                    ici de décrire ce qui constitue un frein à la scolari-
sommes donc focalisés sur le potentiel de transfor-                 sation dans une EPC et à l’adhésion au processus
mation de l'informel vers formel. Enfin, la troisième               institutionnel. Finalement, il s’agit de revenir sur
modélisation (QR3) cherche à comprendre quels sont                  des tendances globales qui restreignent les choix
les déterminants qui tendent à renforcer le niveau                  d’éducation de scolarisation formelle et nuisent à
d’adhésion au processus institutionnel. Ici, il s’agit              la réussite de la politique d’intégration16.
de cibler les facteurs qui rendent certains parents             →   Enfin la dernière partie reviendra sur les recom-
plus ouverts à la démarche d’intégration.                           mandations et messages clés.

13 Le niveau de scolarisation formelle au sein du ménage est calculé à partir du nombre d’enfants du ménage scolarisés
   dans le système formel ainsi que la durée de ce type de scolarisation.
14 Ceux-ci seront principalement décrits individuellement dans la deuxième partie.
15 Ces indicateurs influencent alors le niveau de scolarité formelle (RQ1), la tendance à changer vers une scolarité dans une
   EPC (2) et le niveau d’adhésion à la réforme (RQ3).
16 Nous reviendrons ici sur les déterminants négatifs évoqués dans la deuxième partie mais dans une perspective
   davantage macro. Autrement dit, ces indicateurs ne seront plus discutés individuellement mais mis en relation avec
   d’autres indicateurs et intégrés à des dynamiques descriptives générales.

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