Les femmes et la pauvreté - Feuillet d'information de l'ICREF - Canadian Research Institute for ...
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Feuillet d’information de l’ICREF INSTITUT CANADIEN DE RECHERCHES SUR LES FEMMES 3e édition - 2005 Les femmes et la pauvreté On ne peut parler des femmes sans parler de pauvreté QUI EST SUSCEPTIBLE D’ÊTRE PAUVRE? pour de nombreuses raisons. Divers facteurs structurels Du simple fait d’être de sexe féminin, un nouveau-né est font qu’elles sont plus susceptibles de tomber dans la plus susceptible de grandir et de passer sa vie adulte pauvreté ou d’y rester. Durant la dernière décennie, le dans la pauvreté. Au Canada, les femmes sont Canada a peu à peu adopté un modèle économique majoritaires parmi les pauvres. Aujourd’hui, il y a 2,4 différent qui est axé sur une réduction radicale des millions2 de femmes pauvres; c’est donc dire qu’une services sociaux. Même si le gouvernement fédéral Canadienne sur sept3 vit dans la pauvreté. engrange des excédents budgétaires depuis sept ans, il • Les femmes chefs de famille monoparentale : Parmi n’a pas encore réinvesti dans ces services. On assiste les familles monoparentales dirigées par une femme, donc à une aggravation du degré de pauvreté (c’est-à- 51,6 % sont pauvres.4 Beaucoup ne reçoivent aucune dire l’écart entre le revenu moyen des pauvres et le pension alimentaire du parent qui n’a pas la garde des montant nécessaire pour le ramener jusqu’au seuil de enfants (en général, le père) ou la reçoivent en retard.5 faible revenu).1 Le Canada a signé des ententes • Les femmes âgées : internationales comme la Convention sur l’élimination de Près de la moitié toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (41,5 %) des femmes (CEDAW). Il n’offre toutefois pas encore de garanties célibataires, veuves ou suffisantes pour protéger les droits des femmes au divorcées (dites pays. « seules ») ayant plus de Ce feuillet d’information est produit par l’Institut canadien 65 ans sont pauvres. Le 6 de recherches sur les femmes La pauvreté frappe les femmes de différentes façons taux de pauvreté pour (ICREF). Vous pouvez vous selon leur âge, leur race, leur origine ethnique, leur l’ensemble des personnes procurer une copie sur le site groupe linguistique, leur capacité, leur orientation Web : www.criaw-icref.ca ou âgées s’est amélioré. Il sexuelle, leur citoyenneté, etc. Les statistiques révèlent, communiquer avec l’ICREF au reste toutefois un large 151, rue Slater, bureau 408, dans une mesure importante, le degré de pauvreté des écart entre les sexes : le Ottawa, Ontario K1P 5H3 femmes au Canada. Les expériences vécues sont Canada. Tél.: (613) 563-0681 taux de pauvreté est de toutefois bien plus complexes que les chiffres à eux Téléc.: (613) 563-0682 19,3 % pour les femmes Courriel: info@criaw-icref.ca. seuls ne le laissent entrevoir. âgées, mais de 9,5 % Tous nos feuillets se trouvent pour les hommes âgés. 7 sur notre site Web. Also available in English. Les femmes et la pauvreté 1
• Les femmes seules : Parmi les femmes seules de moyens de s’en sortir si elles dépendent financièrement moins de 65 ans, 35 % vivent dans la pauvreté.8 des hommes de leur famille qui les ont parrainées pour • Les femmes handicapées : Au Canada, plus de venir au Canada. femmes que d’hommes ont des handicaps. Le taux • Les lesbiennes : Il existe peu d’informations sur la d’incapacité parmi les Autochtones est le double du taux situation économique des lesbiennes, sauf des national.9 Les femmes handicapées de 35 à 54 ans qui renseignements épars. Une étude menée à Winnipeg a vivent chez elles et non dans un établissement ont le toutefois révélé que 14 % des hommes gais de plus de 65 revenu le plus élevé, quand elles en ont un. Elles touchent ans avaient un revenu sous le seuil de la pauvreté; c’était en moyenne 17 000 $, soit 55 % du revenu des hommes le cas pour 42 % des lesbiennes du même groupe handicapés du même groupe d’âge. Les femmes d’âge.18 handicapées de moins de 35 ans gagnent 13 000 $ en • Les femmes migrantes : Les femmes migrantes, qui moyenne et celles de plus de 55 ans en gagnent moins de sont souvent réfugiées ou employées de maison 14 000 $. Plus une femme a un handicap grave, plus son étrangères, sont particulièrement susceptibles d’être revenu est faible.10 pauvres et de subir l’exploitation. Elles sont souvent • Les femmes autochtones : Le revenu annuel moyen forcées d’accepter du travail non réglementé ou des femmes autochtones atteint 13 300 $ clandestin. Les femmes représentent la majorité des comparativement à 18 200 $ pour les hommes travailleurs migrants venus d’Asie et bon nombre d’entre autochtones et à 19 350 $ pour l’ensemble des autres elles travaillent ici pour subvenir aux besoins de leur Canadiennes.11 Une proportion de 44 % des Autochtones famille restée au pays. Elles touchent des salaires vivant à l’extérieur des réserves est pauvre. Les condi- minimes. Malgré leur contribution importante à tions sont cependant pires pour ceux vivant dans les l’économie canadienne, elles n’ont pas droit aux réserves : près de la moitié (47 %) des Autochtones y nombreux avantages comme l’assurance-emploi.19 touchent un revenu inférieur à 10 000 $.12 Les femmes • Les personnes à faible salaire : Au Canada, il ne autochtones sont plus souvent confinées dans des suffit pas d’avoir un emploi pour se sortir de la emplois peu payants que les hommes autochtones.13 À pauvreté.20 La plupart des pauvres travaillent à temps cause des effets persistants de la Loi sur les Indiens, plein ou à temps partiel.21 Des salaires inférieurs au elles se retrouvent dans l’insécurité en fait de logement seuil de la pauvreté posent un problème particulier pour et d’accès aux services. Elles font aussi face à la vio- les femmes. En effet, les femmes et les jeunes lence à l’intérieur comme à l’extérieur des réserves.14 représentent 83 % des personnes qui gagnent le salaire • Les femmes de couleur : Parmi les femmes de minimum.22 Parmi les mères monoparentales qui ont un couleur, 37 % ont un faible revenu alors que le taux est emploi rémunéré, 37 % doivent élever leur famille avec de 19 % pour toutes les femmes. Au Canada, le revenu moins de 10 $ l’heure.23 annuel moyen des femmes de couleur est de 16 621 $, Le salaire féminin représente environ 71 %24 du salaire soit presque 3 000 $ de moins que les autres masculin pour un emploi à temps plein toute l’année. Canadiennes (19 495 $) et presque 7 000 $ de moins que L’éducation ne réduit pas de beaucoup l’écart salarial : les hommes de couleur (23 635 $).15 Les femmes de les femmes qui ont un diplôme universitaire et couleur sont aussi surreprésentées dans les emplois travaillent à temps plein toute l’année gagnent 74 % du précaires (temporaires et à temps partiel) et elles salaire des hommes dans la même situation.25 L’écart doivent souvent vivre dans des immeubles insalubres et salarial entre les titulaires d’un diplôme universitaire ségrégés. Elles sont plus susceptibles d’être victimes de s’est même creusé de 1995 à 2000.26 En 1997, un homme violence et d’avoir des problèmes de santé.16 qui avait un emploi à temps plein toute l’année et moins • Les immigrantes : L’éducation ne réduit pas l’écart d’une 9e année gagnait en moyenne 30 731 $. Une femme salarial entre les femmes immigrantes et les qui avait le même type d’emploi, mais un certificat ou un Canadiennes d’origine. Les femmes de 25 à 44 ans diplôme d’études postsecondaires gagnait seulement récemment arrivées au pays, qui sont titulaires d’un 29 539 $.27 Les femmes ont un salaire moindre que les diplôme universitaire et travaillent toute l’année à temps hommes même lorsqu’elles travaillent dans les mêmes plein, gagnent 14 000 $ de moins que les Canadiennes secteurs ou occupent les mêmes fonctions. Il n’y a aucun d’origine.17 Cette situation est attribuable à un racisme emploi où les femmes touchent un revenu moyen flagrant, mais aussi à un racisme structurel qui empêche supérieur à celui des hommes, y compris dans des de reconnaître les diplômes et l’expérience des domaines à prédominance féminine comme le travail de personnes immigrantes. Les femmes immigrantes bureau ou l’enseignement.28 Parmi les 29 pays les plus récentes qui subissent de la violence ont parfois peu de industrialisés, le Canada enregistre le cinquième plus 02 Les femmes et la pauvreté
important écart salarial entre hommes et femmes travaillant à temps plein. On ne trouve un écart supérieur qu’en Espagne, au Portugal, au Japon et en Corée.29 • Les femmes prestataires de l’aide sociale et leurs enfants : En 2001, 60 % des femmes chefs d’une famille monoparentale ont dû compter sur l’aide sociale à un certain moment.30 Parmi les prestataires, 52 % sont des familles avec enfants.31 Le quart (24 %) des familles qui reçoivent de l’aide sociale sont dirigées par une personne souffrant d’une certaine forme de handicap.32 Partout au Canada, les prestations sont nettement inférieures au seuil de pauvreté : elles varient de 20 % à 76 % de ce seuil.33 QU’EST-CE QUE LA PAUVRETÉ? Selon Statistique Canada, le seuil de faible revenu (SFR) représente le niveau où les gens consacrent une si forte proportion de leur revenu aux biens essentiels comme la nourriture et le logement qu’ils vivent dans des conditions très difficiles. Le SFR varie selon la taille de la famille et la taille de la communauté. Cette définition de la pauvreté soulève toutefois des débats. Selon certains, le Canada est l’un des pays les plus prospères au monde, mais il devrait mesurer la pauvreté selon les mêmes critères que les pays en développement où la majorité de la population lutte pour sa survie. Ils soutiennent que la définition du seuil de L’ANALYSE FÉMINISTE INTÉGRÉE : Pour mener son faible revenu de Statistique Canada gonfle le taux de travail, l’ICREF s’efforce d’adopter l’analyse féministe pauvreté. Elle en sous-estime plutôt la gravité et intégrée (AFI). Dans nos recherches et nos études, l’ampleur. En effet, Statistique Canada exclut de ses nous essayons de tenir compte des réalités que vivent calculs les prisons, les réserves autochtones, les maisons différents groupes de femmes définis selon les pour personnes âgées, le Yukon, les Territoires du Nord- catégories suivantes : les femmes autochtones, les Ouest et le Nunavut. Quiconque a passé du temps dans le femmes de couleur, les femmes handicapées, les quartier de Saint-Henri à Montréal ou le quartier nord de femmes immigrantes, les lesbiennes, les femmes Winnipeg, le secteur est du centre-ville de Vancouver, le bisexuelles et les femmes transgenre. Dans nos études, corridor de Jane-Finch à Toronto, les communautés nous tentons aussi de comprendre comment les rurales du Nouveau-Brunswick ou certaines communautés institutions sociales entrent en interaction avec ces autochtones privées d’égout ou d’eau courante potable ne catégories de femmes et avec divers facteurs comme peut nier qu’il existe une pauvreté abjecte et chronique l’ethnicité, la citoyenneté, l’âge et la classe pour dans ce pays riche et prospère. produire les oppressions et les privilèges. Nous essayons de comprendre comment ces catégories elles- POURQUOI LES REVENUS DES FEMMES SONT-ILS mêmes ont été créées et dans quelle mesure elles MOINS ÉLEVÉS? reflètent vraiment les réalités individuelles des femmes. Des raisons structurelles simples expliquent les revenus plus faibles des femmes. • Selon Statistique Canada, l’écart salarial tient surtout à la présence d’enfants et non à l’âge, au mariage ou à l’éducation.34 On s’attend encore à ce que les femmes accomplissent la majorité des tâches domestiques et s’occupent des enfants. Dans 52 % des familles où les deux conjoints avaient un emploi rémunéré à temps plein, la femme assumait toutes les tâches domestiques quotidiennes; dans 28 % des cas, elle en était la principale responsable; dans 10 %, ces tâches étaient partagées également et dans 10 %, l’homme en était le principal responsable.35 Quand les enfants, les parents ou beaux-parents âgés ou les membres handicapés de la parenté ont besoin de soins, les femmes sont censées diminuer leur temps de travail rémunéré, quitter leur emploi, prendre un congé d’urgence ou refuser une promotion. On n’attend pas la même chose des hommes. Pour les femmes, cette situation se répercute à long terme sur leur salaire, leurs crédits de pension accumulés et leur expérience professionnelle.36 Le manque de partage équilibré et équitable des responsabilités familiales entre hommes et femmes fait en sorte que la vaste majorité des travailleurs à temps partiel (70 %) sont des femmes.37 On assiste toutefois à un certain changement : peu à peu, les hommes s’occupent davantage des enfants, mais les femmes restent les principales responsables des soins. • Les femmes sont peu payées pour faire un travail « féminin ». Le travail dit « féminin » comprend les tâches qu’on attend gratuitement des femmes, par exemple : prendre soin des enfants et les éduquer, soigner les malades, préparer la nourriture, nettoyer, servir les autres, gérer un ménage. Toutes ces tâches ne sont pas considérées Les femmes et la pauvreté 03
comme un travail précieux qui exige des compétences. Sur l’ensemble des femmes ayant un emploi, 70 % restent concentrées dans quelques secteurs à prédominance féminine comme la santé, l’enseignement, le travail de bureau, la vente et les services.38 • La plupart des provinces ont réduit l’aide sociale. Elles l’ont fait parce que le gouvernement fédéral a retranché des milliards de dollars de ses paiements de transfert. Il a aussi aboli la plupart des normes qui garantissaient de l’aide aux personnes dans le besoin. • Les pensions sont inadéquates. En 2002, moins de la moitié de la population canadienne ayant un emploi rémunéré (39,6 %) bénéficie d’un régime de pension de l’employeur.39 Une minorité seulement était des femmes.40 Les prestations du Régime de pensions du Canada (RPC) ou du Régime des rentes du Québec (RRQ) sont calculées en fonction du revenu. Puisque les revenus féminins sont plus faibles, ils donnent droit à des prestations moindres, voire à aucunes. Les hommes de 65 à 69 ans reçoivent ainsi 533 $ par mois en moyenne, mais les femmes du même groupe d’âge en touchent seulement 299 $ (la pension féminine représente donc 56 % de la pension masculine).41 En général, les femmes gagnent un salaire moins élevé que les hommes durant toute leur vie. Elles ont donc plus de difficulté à économiser pour cotiser à un régime enregistré d’épargne- retraite (REER). Le gouvernement fédéral parle de partager les crédits accumulés dans le RPC lors d’un divorce afin d’atténuer la pauvreté des femmes âgées. Cette mesure n’est toutefois pas obligatoire et très peu de femmes sont au courant de cette possibilité. QUE SIGNIFIE ÊTRE PAUVRE? En Ontario, une mère seule avec un enfant reçoit 957 $ par mois d’aide sociale avant déductions. Elle paie 675 $ pour le loyer et 200 $ pour l’épicerie. Il lui reste 82 $ pour payer les factures (électricité, téléphone et chauffage), la lessive, le transport, les besoins scolaires de son enfant, les urgences, des aspirines, les coupes de cheveux, les vêtements, les serviettes sanitaires, le savon, les cadeaux d’anniversaire ou de Noël, les visites à grand-maman, la réparation ou le remplacement des appareils ménagers, les frais médicaux qui ne sont plus couverts par l’assurance-maladie et tout le reste.42 Elle doit expliquer à son enfant pourquoi il ne peut pas aller à la sortie éducative avec ses camarades de classe; pourquoi ses camarades le taquinent parce qu’il porte des vêtements d’occasion usés; pourquoi il ne peut pas aller à la fête d’un ami parce qu’il n’y a pas d’argent pour acheter un petit cadeau; pourquoi il ne peut pas participer à la journée des hot dogs à l’école parce qu’il faut de l’argent; pourquoi le lait a un goût différent parce qu’elle a dû le diluer avec de l’eau; pourquoi, à la fin du mois, ils doivent se rendre à la banque alimentaire parce qu’il n’y a plus rien à manger. Elle doit côtoyer des personnes à revenu plus élevé qui, remplies de bonnes intentions, lui suggèrent de faire ses achats en grosse quantité alors qu’elle n’a pas de voiture, ni les moyens financiers pour le faire. Soudain, la manière dont elle dépense son argent et les personnes avec qui elle sort deviennent des affaires publiques; on la critique si elle s’accorde une gâterie pour atténuer sa dépression ou pour faire plaisir à son enfant. Être pauvre c’est avoir des possibilités limitées et non mal gérer son budget. Se débrouiller avec très peu d’argent c’est comme travailler sept jours sur sept, sans vacances ni répit. La pauvreté use le corps et l’âme. • Le logement est un problème majeur. Dans les zones rurales où certaines familles possèdent une maison, elles sont parfois incapables de bien l’entretenir. Elles vivent ainsi avec une fournaise en mauvais état, des tuyaux défectueux, des planches pourries, des fondations fissurées. Ces familles n’ont pas l’argent nécessaire pour réparer portes et fenêtres afin d’économiser de l’énergie ni pour refaire la peinture écaillée, ce qui affecte leur fierté. Les citadins pauvres sont en grande majorité locataires. Ils doivent trouver les meilleurs logements possibles pour leur faible revenu. Cela signifie souvent des appartements délabrés, gérés par des propriétaires malhonnêtes ou méprisants, dans des quartiers au taux de criminalité élevé, dans des rues bruyantes ou près de zones dangereuses au point de vue environnemental. Les femmes de couleur et/ou handicapées doivent souvent faire face à des propriétaires qui ont des préjugés ou qui leur refusent un logement. Des logements surpeuplés favorisent des maladies comme la tuberculose, qui est d’ailleurs réapparue 04 Les femmes et la pauvreté
dans les quartiers pauvres au Canada. Ils n’offrent ni la tranquillité ni l’espace nécessaires pour permettre aux enfants de faire leurs devoirs. Les citadins pauvres ont tendance à déménager souvent pour trouver un meilleur logement à bas prix et un propriétaire compréhensif. Par conséquent, beaucoup de pauvres voient leur vie perturbée à cause des déménagements fréquents. Près de 30 % des enfants pauvres ont changé d’école trois fois avant l’âge de 11 ans par rapport à 10 % pour les enfants des milieux plus aisés.43 Les femmes sont plus susceptibles de vivre des conflits ou de la violence en raison d’autres facteurs comme l’itinérance cachée, c’est-à-dire le fait de vivre temporairement avec des amis, de la famille ou un homme.44 • Les attitudes envers les pauvres : La pauvreté mine l’esprit comme la malnutrition mine le corps. Elle atteint l’estime personnelle, si bien qu’il devient encore plus difficile de sortir de la pauvreté. En blâmant les individus pour leur pauvreté, on néglige de regarder la situation de l’économie et du chômage; on oublie le manque actuel de services d’aide qui permettraient de SI LES FEMMES SONT PLUS PAUVRES QUE LES venir à bout du cycle de la pauvreté et de la violence. HOMMES, POURQUOI LA MAJORITÉ DES Souvent, les pauvres intériorisent le blâme. Ils en SANS-ABRI DANS LES RUES SONT-ILS DES viennent parfois à des comportements ’autodestruction HOMMES? C’est seulement une minorité des sans- et à des mécanismes d’adaptation nuisibles comme le abri qui mendie dans les rues. Le phénomène de tabagisme ou l’abus d’alcool et de drogues. Toutes ces l’itinérance n’est pas toujours visible. À Toronto, en questions touchent aussi bien les hommes que les 1996, 26 000 personnes pauvres ont eu recours aux femmes. Cependant, la plupart des femmes à faible centres d’hébergement d’urgence. De ce nombre, la revenu assument en plus la responsabilité des enfants. moitié faisait partie d’une famille et 5 000 étaient Elles souffrent de ne pas pouvoir leur offrir un foyer des enfants.70 Les jeunes femmes sans-abri sont sécuritaire, tranquille et stable, des aliments nutritifs beaucoup plus susceptibles de devenir des et au moins une fraction de tout ce que leurs travailleuses du sexe pour boucler leurs fins de mois. camarades de classe tiennent pour acquis. Elles peuvent Vous ne les verrez peut-être pas dans la rue en plein en venir à penser qu’elles sont de mauvaises mères jour, mais vous en verrez certaines la nuit. La plupart alors qu’elles n’y sont pour rien. On accuse parfois les des sans-abri sont tout à fait invisibles. L’itinérance femmes à faible revenu d’être « égoïstes » parce est un problème complexe qui résulte de divers qu’elles veulent avoir des enfants. Pourtant, on ne facteurs : la pauvreté et le manque de logements qualifie pas d’égoïstes les PDG d’entreprises abordables, une situation que viennent aggraver la canadiennes qui gagnent en moyenne 703 000 $ (sans maladie mentale et la toxicomanie. Les femmes 45 compter les options d’achat d’actions et les avantages itinérantes courent des dangers particuliers. Il ne sociaux) quand ils paient un salaire insuffisant pour suffit pas de donner un toit aux femmes, il faut vivre à certains de leurs employés pour pouvoir, eux, qu’elles se sentent en sécurité dans leur foyer.71 s’acheter un second bateau. Tout est une question de point de vue et de réalité vécue. • La perte du droit à la vie privée : Les femmes pauvres qui reçoivent de l’aide sociale et s’épuisent à tenter de joindre les deux bouts, pour elles et leurs enfants, subissent souvent des intrusions dans leur vie privée. Pour obtenir des prestations, une femme doit signer des formulaires généraux qui autorisent la divulgation d’informations à son sujet. Quiconque a accès aux dossiers des services sociaux peut alors consulter toutes les informations au sujet de sa situation financière. Les femmes se sentent donc surveillées et épiées à chaque pas. Elles peuvent aussi se sentir à la merci du pouvoir discrétionnaire des agents de l’aide sociale.46 • La garde des enfants et le droit de visite : Bien des mères de famille monoparentale sont prises pendant des années dans le système judiciaire pour démêler qui aura la responsabilité juridique et financière de leurs enfants. Cette épreuve épuisante sur les plans financier, physique et émotif peut même s’avérer dangereuse si l’ancien conjoint était violent. La mère et l’enfant courent alors des risques. Souvent, les professionnels du système judiciaire encouragent les femmes à accorder des droits de visite plus étendus à l’ex-conjoint, malgré le danger potentiel. Les femmes et la pauvreté 05
QUEL EST L’IMPACT DE LA PAUVRETÉ SUR LA l’éducation des enfants, elles restent SOCIÉTÉ ET SUR LES FEMMES? économiquement défavorisées à cause des soins prodigués et elles ont moins d’argent pour briguer les • La pauvreté des enfants : Si les enfants sont suffrages. Nous perdons donc les points de vue des pauvres c’est que leurs parents (surtout leur mère) femmes, qui seraient si importants pour déterminer sont pauvres. Plus d’un million d’enfants vivent dans la l’orientation et les priorités du pays entier. pauvreté au Canada.47 La pauvreté est fortement associée à une mauvaise santé et à un mauvais • La santé : Parmi les effets courants de la rendement scolaire.48 Or, le rendement scolaire est pauvreté sur les femmes, mentionnons les maladies le facteur le plus important et le plus constant qui aiguës et chroniques, la vulnérabilité aux maladies permet de prévoir la participation à des activités infectieuses et autres, le risque accru de maladies du criminelles à l’âge adulte.49 En maintenant les femmes coeur, d’arthrite, d’ulcères d’estomac, de migraines, dans la pauvreté, nous maintenons aussi les enfants de dépression clinique, de stress, de maladies men- dans la pauvreté, nous les rendons malades, nous tales et de comportements d’adaptation sabotons leur avenir, nous contribuons à la autodestructeurs.53 Les femmes pauvres courent criminalité et nous perpétuons le cycle de la davantage le risque de subir de la violence et des pauvreté. mauvais traitements, car elles sont prises au piège de la pauvreté qui limite leurs choix.54 • Des coûts élevés pour la santé et la sécurité du revenu : Il existe un lien clair entre un faible revenu QUE POUVONS-NOUS FAIRE? et une mauvaise santé.50 La pauvreté mène à recourir davantage aux services de santé, donc elle augmente • Assurer un revenu adéquat : Fixer un salaire les coûts du système de santé. À titre d’exemple, minimum qui correspond au coût réel de la vie. beaucoup de femmes âgées ont passé une bonne Garantir l’accès à la formation professionnelle sans partie de leur vie à prendre soin gratuitement des imposer un prix exorbitant, des tracasseries enfants et des membres de la famille. Par administratives et des règlements mal inspirés. Le conséquent, elles n’ont pas eu un revenu élevé et Canada est plus prospère que tous les pays européens leurs pensions sont plus faibles. Elles sont donc plus en fait de produit national brut (PNB) par habitant. pauvres et doivent dépenser davantage pour leurs Pourtant, il affecte une proportion moindre de son soins de santé. Cette situation n’est pas viable pour PNB à la sécurité sociale et aux autres mesures de le système. soutien au revenu (y compris l’assurance-emploi et l’aide sociale).55 • Une hausse de la criminalité : Seule une minorité de pauvres bascule dans la criminalité pour pouvoir • Adopter d’autres mesures de l’économie : Dans joindre les deux bouts. Selon une étude à long terme, la société, on mesure le progrès et la prospérité en les récidivistes proviennent plus souvent des familles fonction de la croissance économique.56 D’autres les plus pauvres et les plus mal logées. De faibles aspects comme les ressources naturelles et sociales revenus familiaux, qui ont été évalués lorsque les ou le travail non rémunéré et bénévole ne font pas enfants avaient de 8 à 10 ans, permettaient de partie de l’évaluation officielle du progrès. Nous prévoir l’échec social général à l’âge de 32 ans.51 mesurons ce qui a une valeur à nos yeux. Tant que le Selon des études, la plupart des femmes qui travail des femmes n’aura pas de valeur et tant que commettent des infractions ont peu de scolarité, peu les attitudes à ce sujet ne changeront pas, ce travail de compétences professionnelles et aucune sera exclu des éléments considérés comme faisant ressource financière; elles vivent seules dans des partie d’une société saine et compatissante. Nous conditions de pauvreté abjectes et sont incapables devons favoriser l’utilisation d’autres formes de de subvenir à leurs besoins.52 mesures comme l’indice de progrès réel, qui comprend 22 facteurs sociaux, économiques et • L’érosion de la démocratie : Les femmes ne environnementaux.57 peuvent participer aux structures de décisions sur un pied d’égalité avec les hommes pour diverses • Reconnaître le travail non rémunéré : Les milieux raisons : elles sont les principales responsables de de travail doivent adopter des pratiques pour aider 06 Les femmes et la pauvreté
les femmes et les hommes à assumer leurs • Fournir des services de garde d’enfants : Parce responsabilités familiales. Les gouvernements doivent qu’elles n’ont pas des services de garde de qualité à établir des politiques, des lois et des programmes à prix abordable, beaucoup de femmes ne peuvent cet égard. trouver un emploi bien rémunéré à temps plein. Uniquement dans le Grand Toronto, 16 000 familles • Rétablir des normes fondamentales : En 1996, le sont inscrites sur une liste d’attente. Le tiers de ces gouvernement fédéral a remplacé le Régime parents (plus de 5 000) pourraient accepter un d’assistance publique du Canada (RAPC) par le emploi dès demain s’ils avaient des services de Transfert canadien en matière de santé et de pro- garde.62 grammes sociaux (TCSPS). En 2004, il l’a divisé en deux volets, soit le Transfert canadien en matière de • La privatisation menace les services de garde. santé (TCS) et le Transfert canadien en matière de Si cela se produit, ils deviendront trop dispendieux programmes sociaux (TCPS). Le TCS faisait partie pour la plupart des parents et ils ne seront pas des recommandations de la Commission Romanow, nécessairement soumis aux normes et aux mais il a été instauré par défaut avec l’argent règlements. À cause de l’Accord de libre-échange inutilisé des transferts pour la santé. Il comprend nord-américain (ALENA), si les services de garde les fonds versés aux provinces pour l’éducation d’enfants cessent d’être sans but lucratif, de postsecondaire et les programmes sociaux. Il y a grandes chaînes commerciales qui veulent venir au toutefois eu peu de discussions publiques quant à la Canada et se préoccupent plus des profits que de la manière exacte dont elles vont dépenser ces qualité des services pourraient poursuivre le pays. transferts sociaux.58 Durant 10 ans, le gouvernement C’est du moins ce qui s’est produit en Australie.63 Le fédéral a retiré des millions de dollars de la santé, gouvernement fédéral doit respecter sa promesse de de l’éducation et des services sociaux. Il a aussi aboli mettre en place un programme national de garde les normes du RAPC qui garantissaient un soutien aux d’enfants. Il doit veiller à ce que les services soient personnes défavorisées. Le RAPC finançait les sans but lucratif, financés et réglementés par l’État, maisons d’hébergement pour femmes violentées, les accessibles, abordables et de grande qualité.64 foyers de groupes pour les personnes handicapées et divers services pour les personnes défavorisées, ainsi • Les services de garde d’enfants sont nécessaires que le revenu d’aide sociale. Tout cela a été réduit de pour les parents qui veulent offrir un revenu décent manière radicale. Le gouvernement fédéral a renié en à leur famille. Ils le sont aussi parce que les enfants grande partie sa responsabilité à l’égard du problème qui bénéficient de services réglementés de qualité national de la pauvreté.59 Le financement global qu’il sont plus susceptibles d’avoir de meilleurs résultats à verse maintenant aux provinces ne prévoit pas de l’école.65 fonds réservés à l’aide sociale ou à la réduction de la pauvreté. • Garantir des services sociaux : Assurer l’accès aux services sociaux, y compris les soins de santé • Offrir des logements convenables à prix physique et mentale, la garde des enfants et le abordable : Fournir des subventions afin d’adapter le traitement pour la toxicomanie. montant du loyer en fonction du revenu pour rendre abordables les logements existants et maintenir le • Offrir des allègements fiscaux aux pauvres et loyer au niveau du marché ou moins. Créer d’autres non aux riches : Les contribuables doivent payer des logements à prix abordable par la réfection de vieux impôts même avec des revenus bien inférieurs au immeubles et la construction de nouveaux immeubles. seuil de pauvreté. Avec de 8 500 $ à 12 000 $ par Les listes d’attente pour un logement subventionné année, comment fait-on pour payer la nourriture, un comptent 96 000 personnes dans les grands centres logement convenable, les factures, le transport, les urbains du Canada.60 Plus de 68 % des familles vêtements, les réparations, les besoins personnels, pauvres avec enfants vivent dans des logements les soins dentaires et d’autres frais médicaux non inabordables.61 Le secteur privé ne résoudra pas ce couverts par l’assurance-maladie, les divertissements problème, car des logements convenables à prix occasionnels, les obligations financières comme les abordable ne donnent pas de profits. prêts pour les études ou le soutien d’autres membres de la famille et les impôts? Comment en outre Les femmes et la pauvreté 07
épargner pour l’éducation, la retraite et l’achat d’appareils ménagers? Pourtant, des milliers de femmes à faible revenu se retrouvent dans cette situation difficile. Par contre, les personnes à revenu élevé profitent d’allègements fiscaux qui leur permettent un autre voyage de vacances outre-mer. Par ailleurs, le Canada a abaissé le taux général d’imposition des entreprises de 28 % en 2000 à 21 % en 2004.66 • Favoriser la syndicalisation : Les femmes syndiquées gagnent 92 % du revenu des hommes syndiqués. Celles qui ne le sont pas reçoivent jusqu’à 80 % du revenu de leurs homologues masculins.67 Les avantages de la syndicalisation et du respect des normes du travail sont évidents. • Assurer l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi qu’entre les femmes : Pour éliminer la pauvreté qui frappe les femmes, il est essentiel de réaliser l’égalité. Ceci permettra de tenir compte du point de vue des femmes, de leur travail, rémunéré ou non, de leurs valeurs et de leurs priorités. Il est toutefois impossible d’y arriver par une mesure unique ou par une des solutions mentionnées prise de manière isolée. La pauvreté des femmes est le résultat d’une inégalité systémique et structurelle. Il faut donc une action systémique pour s’attaquer à la racine de la pauvreté et des inégalités entre les sexes, y compris les inégalités entre les divers groupes de femmes.68 La reconnaissance juridique des personnes de même sexe en tant que conjoints de fait les soumettra aux mêmes règles en ce qui concerne les pensions alimentaires pour enfants, l’adoption et les prestations de retraite. La reconnaissance juridique du mariage pour les personnes de même sexe partout au Canada leur assurerait une plus grande égalité. Elles obtiendraient divers droits dont celui d’être considérées comme plus proche parent, le droit à l’héritage et à la succession, etc. Les couples de lesbiennes bénéficieraient alors des mêmes droits fondamentaux que les couples hétérosexuels. L’ASSURANCE-EMPLOI : En 1997, le gouvernement fédéral a réduit LA PRÉCARITÉ D’EMPLOI : Au Canada, radicalement le programme d’assurance-chômage. Il l’a renommé « assurance- 34 % de la main-d’oeuvre de plus de 15 ans emploi », a resserré de beaucoup les critères d’admissibilité et diminué le a un travail atypique, à temps partiel, montant des prestations. Résultat : le nombre de personnes qui ont eu droit à temporaire ou autonome, ou cumule des prestations est tombé de presque 80 % vers la fin des années 1980 à plusieurs emplois.77 Plus de femmes que environ 30 % vers la fin des années 1990.72 d’hommes ont un emploi précaire. En 2003, plus de 28 % de la main-d’œuvre féminine Auparavant, il fallait travailler 12 à 20 semaines (de 15 heures) pour être (2 millions de femmes) consacrait moins admissible aux prestations d’assurance-chômage ou d’assurance-emploi (et de de 30 heures par semaine à son emploi maternité). Après l’adoption des nouvelles règles, il fallait maintenant principal. Par comparaison, 11 % des accumuler 700 heures (soit 20 semaines de 35 heures ou 46,6 semaines de 15 hommes se retrouvaient dans cette heures, selon le taux régional de chômage).73 Les prestations n’étaient plus situation.78 Selon les statistiques de 2001, établies en fonction du nombre de semaines de travail, mais en fonction du le pourcentage de femmes ayant un travail nombre d’heures. À la suite de certaines pressions publiques, le gouvernement rémunéré était de 59,7 % par rapport à fédéral a été forcé, en 2001, de réduire à 600 le nombre d’heures requis. Au 72,5% pour les hommes.79 même moment, il a abrogé la Loi nationale sur la formation et il a aboli Les personnes qui ont un emploi précaire 39 programmes d’emplois dont ceux destinés aux femmes.74 ne bénéficient pas toujours de la protec- tion des codes du travail ou des conven- Le programme d’assurance-emploi offre maintenant un congé parental d’une tions collectives. Au Canada, de plus en durée de 50 semaines, mais il touche seulement un petit nombre de femmes. plus de gens sont forcés d’accepter du En fait, 10 000 femmes de moins qu’avant ont pu profiter du congé de travail à contrat et/ou à temps partiel. maternité.75 Même quand elles sont admissibles, le taux des prestations Selon une récente étude, le salaire du correspond à 55 % des revenus assurables. Or, leurs revenus ne sont pas personnel nouvellement embauché a toujours entièrement assurables, c’est notamment le cas du travail à contrat. fortement chuté par rapport à celui du Les prestations de maternité et d’assurance-emploi peuvent parfois fournir un reste du personnel. Dans le secteur privé, maximum de 413 $ par semaine. Dans bien des cas, ce montant ne suffit même le pourcentage de personnes récemment pas à payer le loyer. Il y a aussi une période d’attente obligatoire de deux embauchées à un poste temporaire a semaines avant de toucher quoi que ce soit. Pourtant, c’est le moment où une grimpé de 11 % à 21 % de 1989 à 2004. femme enceinte ou une nouvelle mère a le plus besoin d’un revenu. Par (voir : 42 semaines avec plein salaire et 52 semaines avec 80 % du salaire. 76 08 Les femmes et la pauvreté
LES PRESTATIONS POUR ENFANTS : LA MONDIALISATION ET LA PAUVRETÉ DES FEMMES : Par En 1989, la Chambre des communes a adopté à l’unanimité une résolution visant à mettre Resources: mondialisation, on entend un ensemble de processus qui facilitent en partie une meilleure circulation des matériaux, des produits, des fin à la pauvreté des enfants d’ici l’an 2000. services, des symboles et des pratiques culturelles, tout comme la Fait ironique, le taux de pauvreté infantile a communication entre les groupes, les communautés et les nations. Même grimpé de 15 % à 18 % durant la décennie si les processus en question servent à rapprocher les gens, leur rapidité qui a suivi.80 Parmi les pays industrialisés, le et leur intensité créent également des problèmes. On insiste sur le Canada conserve l’un des plus haut taux de commerce comme moyen d’améliorer la vie des populations partout dans pauvreté infantile.81 Même si ce taux a le monde.88 Parallèlement, on dégrade le filet de sécurité sociale diminué un peu en 2000-2001, il atteignait qu’offrent les gouvernements. Ainsi, la richesse continue de se 15,7 %.82 Pour s’attaquer à ce problème, il concentrer entre les mains des gens déjà puissants et privilégiés. faut adopter une approche globale qui Pendant ce temps, les groupes traditionnellement désavantagés, comme comprend diverses mesures dont le les femmes (surtout celles qui sont marginalisées), sombrent encore renforcement de différentes politiques plus dans la pauvreté ou courent encore plus le risque de devenir sociales relatives aux prestations pauvres. d’assurance-emploi, de maternité et d’aide sociale ainsi qu’au logement. Les marchés économiques mondiaux sont intégrés à l’aide d’accords de Le gouvernement fédéral a pris libre-échange. Les gouvernements sont alors forcés de réduire le taux l’engagement d’augmenter la Prestation d’imposition des entreprises pour rendre leur pays et leurs villes plus fiscale canadienne pour enfants jusqu’à un « compétitifs » (plus invitants pour les investissements étrangers) tout maximum de 3 243 $ pour un enfant d’ici en enlevant aux programmes sociaux les fonds nécessaires. Quand ils 2007.83 Les organismes nationaux ont ont dépensé cet argent pour les entreprises, les gouvernements ne toutefois réclamé un montant annuel de peuvent plus se permettre de payer des services essentiels comme les 4 900 $.84 La Prestation est un montant de soins de santé et les services de garde d’enfants. Ils invitent alors les base versé chaque mois aux familles avec compagnies privées à les offrir; elles le font, mais, en général, à des des enfants de moins de 18 ans. Le prix trop élevés pour les familles à revenu faible ou moyen. Voilà les Supplément de la prestation nationale pour effets qu’ont les ententes internationales de commerce comme l’Accord enfants est un montant supplémentaire de libre-échange nord-américain (ALENA) et l’Accord de libre-échange accordé aux familles à faible revenu avec entre le Canada et les États-Unis (ALÉ). Qualifiés de simples instru- enfants.85 ments pour favoriser le passage des biens aux frontières, ces accords bouleversent, en réalité, bien des aspects de nos vies, par exemple les La majorité des provinces ont récupéré politiques en matière d’éducation, de santé et d’emploi. Même si les chaque dollar d’augmentation du Supplément gouvernements sont censés agir de manière transparente, ils décident que recevaient les familles touchant de en secret les détails des accords de libre-échange.89 l’aide sociale; elles ont déduit de leurs prestations d’aide sociale le montant total Parfois, des ONG et des organismes confessionnels tentent de combler du Supplément. Beaucoup de provinces le vide laissé par le gouvernement qui a supprimé ou réduit des services. considèrent en effet le Supplément comme La plupart du temps, le gouvernement réduit les fonds qu’il accorde à un revenu.86 Cette politique repose sur le ces groupes et il ouvre la porte aux multinationales. Ces dernières ne stéréotype suivant : les pauvres ne veulent sont toutefois pas soumises aux normes qui régissent le coût des pas travailler, il faut donc « inciter » les services, les salaires et les conditions de travail. Les pressions en gens, surtout les femmes, à trouver un faveur d’une « réduction de la taille du gouvernement » mènent aussi à emploi en les forçant à voir leurs enfants une perte du pouvoir de réglementer les entreprises et d’exiger des souffrir de la faim. Le gouvernement appelle impôts. Sans des mesures de reddition des comptes, les plus pauvres cet argent qu’il enlève aux familles des sont souvent les plus exploités : ils n’ont plus le moyen de se payer des « économies » qu’il est supposé réinvestir services essentiels ou ils sont forcés de travailler pour les dans les programmes pour aider les familles multinationales au salaire minimum (ou moins) avec des avantages à faible revenu avec enfants. Le soutien aux sociaux insuffisants, voire inexistants. Encore une fois, les femmes enfants vivant de l’aide sociale a diminué (surtout celles qui sont marginalisées) sont beaucoup plus touchées que malgré la Prestation nationale pour enfants. les hommes par les actions des gouvernements. Ceci tient notamment au Selon les estimations, la récupération a fait fait qu’elles sont forcées d’assumer en grande partie les soins aux en sorte que seulement 66 % des familles enfants et qu’elles ont des emplois plus précaires. Comme les femmes pauvres avec enfants ont pu profiter de la risquent davantage de tomber dans la pauvreté, elles doivent plus Prestation en 1998 et en 1999. Environ la souvent compter sur le filet de sécurité sociale que les hommes. À moitié (57 %) des familles monoparentales mesure que les gouvernements rapetissent sous la pression de la pauvres ont pu conserver le Supplément.87 mondialisation, l’accès des femmes aux services sociaux, à l’emploi et aux avantages diminue également. Les femmes et la pauvreté 09
L’ÉQUITÉ SALARIALE : Inscrite dans des conventions et des traités internationaux divers, l’équité salariale fait partie des droits fondamentaux. Elle repose sur le principe voulant qu’il n’y ait aucune discrimination fondée sur le sexe dans les salaires versés. Elle s’inspire de la Loi canadienne sur les droits de la personne et des dispositions relatives à l’égalité contenues dans la Charte canadienne des droits et libertés. Pourtant, les femmes gagnent encore en moyenne seulement 71 % du revenu des hommes.90 Dans certaines provinces comme Terre-Neuve-et-Labrador, le revenu féminin correspond à peine à 62,4 % du revenu masculin.91 La lutte pour l’équité salariale comporte trois aspects importants, mais différents. Le premier est l’idée d’un salaire égal pour un travail égal. Cela signifie comparer les emplois masculins et féminins, lorsque ces emplois sont semblables ou relativement semblables, pour vérifier s’il existe des différences de salaires. Le deuxième est l’idée d’un salaire égal pour un travail d’égale valeur. Cela consiste à comparer différents emplois considérés « masculins » ou «féminins » afin de réduire l’écart salarial. Le troisième concerne la législation relative à l’équité salariale, c’est-à-dire les lois et les programmes destinés à réaliser l’équité salariale de manière proactive parce qu’il ne devrait pas être nécessaire de déposer une plainte pour atteindre cet objectif.92 Même si les lois et le système judiciaire du Canada protègent l’équité salariale, les femmes restent concentrées dans des emplois féminins traditionnels qui sont généralement moins bien payés et plus précaires. Récemment, la lutte pour l’équité salariale a subi un grave revers. La Cour suprême avait statué que le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador était coupable de discrimination envers les membres de la Newfoundland Association of Public Employees (dans le système de santé) parce qu’il avait retenu, en 1991, des paiements rétroactifs d’équité salariale. Elle a toutefois aussi déclaré que cette action était justifiée en raison de la situation financière de la province.93 Le message était donc clair : l’égalité des femmes n’est pas aussi importante que l’économie. En 2001, le gouvernement fédéral a constitué le Groupe de travail sur l’équité salariale. Il a par la suite adopté certaines des recommandations de ce dernier. Pour qu’il les applique toutes, l’ICREF mène une campagne avec de nombreux groupes de femmes, des coalitions provinciales pour l’équité salariale et le Congrès du travail du Canada. Pour en savoir plus sur le Réseau de l’équité salariale, consultez le site Internet . L’équité en matière d’emploi est aussi importante. Par exemple, les femmes autochtones travaillant dans des milieux soumis aux lois fédérales d’équité en matière d’emploi gagnaient 33 310 $, soit 87 % du salaire de leurs collègues de sexe féminin.94 La plupart des autres femmes autochtones touchaient des revenus annuels moyens sous le seuil de pauvreté et l’écart était encore plus large par rapport au salaire des autres Canadiennes. CE QUE VOUS POUVEZ FAIRE • Parlez à vos élus et demandez-leur quelles mesures concrètes ils choisiront parmi la liste ci-dessus pour réduire ou éliminer la pauvreté des femmes. Demandez-leur de fixer des cibles et des calendriers réalistes puis d’en faire une priorité. Faites le suivi pour voir s’ils ont tenu parole. • Appuyez les organisations qui soutiennent les pauvres et leur fournissent des services : les organisations de défense des droits; les refuges; les banques alimentaires; les groupes de femmes; et les organisations de développement international qui tiennent compte des rôles masculins et féminins dans leurs programmes de développement économique.69 Appuyez les campagnes en faveur d’un salaire minimum décent. • Quand vous entendez quelqu’un dire « tous les assistés sociaux… », protestez contre le préjugé! On ne doit jamais stigmatiser tout un groupe à cause des actions de quelques individus. Quand les médias s’acharnent contre les pauvres, écrivez aux responsables. • Cherchez des vêtements et d’autres produits du commerce équitable. Assurez-vous que votre argent ne contribue pas à l’exploitation des femmes dans les industries du vêtement ou en agriculture. Pour en savoir plus, visitez le site Internet du réseau Ten Thousand Villages à l’adresse . • Appuyez ou créez une coopérative de buanderie, un groupe d’achats en vrac, une coopérative de logement, un programme parascolaire gratuit, un fonds pour permettre aux filles de participer à des sports organisés et à d’autres activités, un magasin de vêtements et de biens équitables. • Informez-vous des salaires et des conditions de travail des femmes dans les entreprises locales. Appuyez celles qui les paient bien et les traitent bien. • Si vous avez un emploi non syndiqué, envisagez la possibilité de former un syndicat dans votre milieu de travail ou de promouvoir de meilleures normes de travail. Formez un groupe de pression avec vos collègues afin d’obtenir des conditions plus souples pour les personnes ayant des responsabilités familiales. Connaissez vos droits. • Si vous êtes un homme, assumez votre juste part des travaux ménagers et des soins aux enfants. Parlez à d’autres hommes de l’importance de ce travail. Traitez avec le même respect toutes les femmes et tous les hommes que vous connaissez. Passez de la parole aux actes en participant à des activités comme celles de la Campagne du ruban blanc. Pour en savoir plus, visitez le site Internet . • Persuadez tout groupe auquel vous appartenez : milieu de travail, lieu de culte, syndicat, club de lecture, groupe d’entraide, équipe de bowling, etc. de s’attaquer au problème de la pauvreté en général et de la pauvreté chez les femmes et les enfants en particulier. Luttez contre la pauvreté dans votre communauté et dans le monde. • Si vous vivez dans la pauvreté, ne vous découragez pas. Vous êtes une personne incroyablement forte et compétente puisque vous survivez dans des conditions injustes et dégradantes. Vous n’êtes pas seules. 10 Les femmes et la pauvreté
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