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L’impact du suicide d’un patient chez des professionnels en
santé mentale
Différences entre les femmes et les hommes
Melissa Henry, Monique Séguin and Marc-Simon Drouin

Prévenir le suicide                                                               Article abstract
Volume 21, Number 1, automne 2008                                                 This article presents the results of a study of 141 mental health professionals
                                                                                  who have experienced a patient’s suicide. Results indicate that mental health
URI: https://id.erudit.org/iderudit/037874ar                                      professionals reacted to such suicides in different ways according to gender.
DOI: https://doi.org/10.7202/037874ar                                             Women generally responded with elevated stress levels in the first month,
                                                                                  while men experienced stress levels that were subclinical on average. The high
                                                                                  stress response found in women was also initially accompanied by more
See table of contents
                                                                                  profound impacts on their professional practice : increased hospitalizations of
                                                                                  suicidal patients or greater precautions in their treatment, increased
                                                                                  evaluation of patients as being at risk for suicide, increased helplessness while
Publisher(s)                                                                      assessing or treating suicidal patients, more frequent consultation of
                                                                                  colleagues and supervisors and more attention to legal issues. Gender
Université du Québec à Montréal
                                                                                  differences found in this study are discussed in the light of socialization and
                                                                                  professional development theories.
ISSN
1180-3479 (print)
1916-0976 (digital)

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Cite this article
Henry, M., Séguin, M. & Drouin, M.-S. (2008). L’impact du suicide d’un patient
chez des professionnels en santé mentale : différences entre les femmes et les
hommes. Frontières, 21(1), 53–63. https://doi.org/10.7202/037874ar

Tous droits réservés © Université du Québec à Montréal, 2009                     This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit
                                                                                 (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be
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                                                                                 https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/

                                                                                 This article is disseminated and preserved by Érudit.
                                                                                 Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal,
                                                                                 Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to
                                                                                 promote and disseminate research.
                                                                                 https://www.erudit.org/en/
R     E        C        H        E       R       C           H   E

                                                           L’impact du suicide
Résumé
Cet article rapporte les résultats d’une
recherche réalisée auprès de 141 pro-
fessionnels en santé mentale pratiquant
au Québec et ayant vécu le suicide d’un
patient. Les professionnels ont réagi à
cet événement différemment en fonction
de leur sexe. Les femmes y ont répondu
par un niveau de stress élevé au cours
                                                            d’un patient chez
du premier mois, alors que les hommes
ont dévoilé un niveau de stress faible.
Le niveau élevé de stress relevé chez
les femmes était accompagné de réper-
                                                           des professionnels
                                                            en santé mentale
cussions initialement plus intenses sur
leur pratique professionnelle : tendance
accrue à hospitaliser des patients suici-
daires ou précautions accrues dans leur
traitement, évaluation d’un plus grand
nombre de patients comme présentant
un risque de suicide, sentiment accru
d’impuissance lors de l’évaluation ou du
                                                   Différences entre les femmes
traitement de patients suicidaires, consul-
tation plus fréquente de collègues et de
superviseurs, attention accrue aux aspects
                                                          et les hommes
légaux dans la pratique. L’article tente de
mieux comprendre les différences entre
les réactions des professionnels observées
selon leur sexe, à la lumière des théories
de la socialisation et du développement
professionnel.
Mots clés : suicide d’un patient –
impact – sexe – professionnels en santé
mentale.
                                                                   Melissa Henry, Ph. D.1,                      le nombre d’infirmiers(ères) en psychiatrie
Abstract                                             chercheure, CRISE, professeure associée, Département       affectés (Collins, 2003).
                                                       de psychologie, Université du Québec à Montréal.             Les données de la littérature laissent
This article presents the results of a study
of 141 mental health professionals who                                                                          entendre que le suicide d’un patient tou-
                                                                  Monique Séguin, Ph. D.,                       che les thérapeutes tant au plan personnel
have experienced a patient’s suicide.
                                                      professeure titulaire, Département de psychologie,
Results indicate that mental health pro-                     Université du Québec en Outaouais,
                                                                                                                que professionnel, et que leurs réactions
fessionals reacted to such suicides in dif-            Groupe McGill d’études sur le suicide, Montréal.         sont semblables à celles retrouvées chez
ferent ways according to gender. Women                                                                          les endeuillés par suicide (Foster et M. A.
generally responded with elevated stress                        Marc-Simon Drouin, Ph. D.,                      ams, 1999 ; Farberow, 2005 ; Grad et al.,
levels in the first month, while men expe-               professeur agrégé, Département de psychologie,         1997 ; Kleespies et al., 1990 ; 1993 ; Meade,
rienced stress levels that were subclini-                       Université du Québec à Montréal,                1999 ; Pieters et al., 2003 ; Ruben, 1990 ;
cal on average. The high stress response                 Groupe McGill d’études sur le suicide, Montréal.
found in women was also initially accom-
                                                                                                                Sudak, 2007 ; Tillman, 2006 ; Weiner,
panied by more profound impacts on                     On estime qu’un suicide affecte pro-                     2005). Les réactions fluctuent en fonction
their professional practice : increased            fondément au moins six personnes dans                        de plusieurs facteurs, dont l’expérience cli-
hospitalizations of suicidal patients or           l’entourage immédiat de la personne décé-                    nique du thérapeute, sa personnalité et ses
greater precautions in their treatment,            dée (Shneidman, 1969). Parmi les proches                     zones de conflits internes, la nature du lien
increased evaluation of patients as being          affectés se trouvent les professionnels de                   thérapeutique établi avec le patient et le
at risk for suicide, increased helpless-           la santé qui la traitaient avant qu’elle ne                  degré d’ambivalence dans cette relation,
ness while assessing or treating suicidal          meure. La recherche indique que le suicide                   les éléments contextuels au décès incluant
patients, more frequent consultation of                                                                         les réactions négatives de l’institution, les
                                                   d’un patient est un événement fréquent
colleagues and supervisors and more
                                                   dans la pratique clinique des profession-                    poursuites légales, les réactions hostiles
attention to legal issues. Gender differ-
ences found in this study are discussed in         nels en santé mentale : 22 % à 39 % des psy-                 de la famille du patient décédé, les événe-
the light of socialization and professional        chologues (Chemtob et al., 1989 ; Trimble                    ments de vie stressants vécus par le pro-
development theories.                              et al., 2000) et 51 % à 82 % des psychiatres                 fessionnel au moment du suicide, ainsi
                                                   (Chemtob et al., 1989 ; Cryan et al., 1995)                  que le soutien social obtenu (Alexander
Keywords : patient suicide – impact –                                                                           et al., 2000 ; Chemtob et al., 1988a ; Cotton
                                                   ont rapporté avoir vécu cet événement dans
gender – mental health professionals.
                                                   l’exercice de leur profession. Aucune don-                   et al., 1983 ; Cryan et al., 1995 ; Dewar
                                                   née empirique n’existe en ce qui concerne                    et al., 2000 ; Goodman, 1995 ; Hendin

                                                                               53                                                     FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2008
et al., 2004 ; Henry et al., 2003 ; 2004 ;      eux. Cette tendance pourrait résulter en un        INSTRUMENTS DE MESURE
Horn, 1995 ; Howard, 2000 ; Kleespies           plafonnement des réponses, ce qui risque-
                                                                                                   Impact of Event Scale (IES)
et al., 1990 ; 1993 ; Lapp, 1986 ; M. A.ams     rait de minimiser les différences retrouvées
                                                                                                    Le IES (Horowitz, Wilner et Alvarez,
et Foster, 2000 ; Tillman, 2006 ; Trimble       dans la réaction des professionnels selon
                                                                                                1979) est un questionnaire auto-admi-
et al., 2000).                                  leur sexe. Au contraire, nous postulons que
                                                                                                nistré de 15 items mesurant la détresse
    Outre les variables mentionnées, la         les différences retrouvées en fonction du
                                                                                                vécue à la suite d’un événement stressant
littérature indique que l’adaptation à un       sexe des professionnels dans les études des-
                                                                                                en fonction de deux sous-échelles : l’intru-
événement traumatique, tel que la perte         criptives (Grad et Michel, 2005 ; Hendin
                                                                                                sion et l’évitement rattaché à l’événement
par suicide, peut être influencée par le sexe   et al., 2004 ; Lapp, 1986) pourraient aussi
                                                                                                traumatique. Les participants répondent
de la personne y faisant face. Les femmes       se retrouver en utilisant des instruments
                                                                                                à chaque item selon une échelle de Likert
réagissent habituellement à la perte par des    de mesure standardisés, si la consigne était
                                                                                                allant de 1 (jamais) à 4 (souvent). Parmi
réactions émotives intenses et la recherche     de répondre au questionnaire en fonction
                                                                                                les items mesurant l’intrusion, nous retrou-
de soutien social. Les hommes auraient          du dernier suicide vécu.
                                                                                                vons : « J’ai pensé à cet événement même
plutôt tendance à intellectualiser et à uti-       Cette recherche de nature exploratoire
                                                                                                lorsque je ne le souhaitais pas », « J’ai eu
liser des stratégies d’adaptation orientées     vise à identifier comment les professionnels
                                                                                                de la difficulté à m’endormir ou à rester
vers les solutions (Doka, 2003 ; Martin et      peuvent réagir différemment en fonction
                                                                                                endormi parce que des images ou des pen-
Doka, 2000 ; Stroebe, 2001 ; Stroebe et         de leur sexe au suicide d’un patient. Nous
                                                                                                sées de l’événement me venaient à l’esprit »,
Schut, 2001). Au-delà des différences entre     souhaitons également cerner les répercus-
                                                                                                « J’ai eu des sentiments intenses liés à cet
les sexes, une oscillation entre la confron-    sions de cet événement sur les pratiques
                                                                                                événement qui me venaient par vague ».
tation émotive, la solution de problèmes        professionnelles en fonction du sexe, étant
                                                                                                Parmi les items mesurant l’évitement, nous
et l’évitement de la perte semblent facili-     donné le manque d’information à cet égard
                                                                                                retrouvons : « J’ai essayé d’effacer cet évé-
ter l’adaptation au décès en permettant à       dans la littérature. Cet article est basé sur
                                                                                                nement de ma mémoire », « J’ai évité d’être
l’individu de s’ajuster en fonction de ce qui   des analyses secondaires reliées à une
                                                                                                en contact avec ce qui pouvait me rappeler
est requis dans l’immédiat (Bonanno et al.,     étude antérieure (Henry et al., 2004).
                                                                                                l’événement », « J’ai essayé de ne pas par-
2004 ; Bonanno et Kaltman, 1999).
                                                                                                ler de l’événement ». Les professionnels
    Des études descriptives soulignent             MÉTHODOLOGIE                                 ont situé leurs réactions dans l’échelle en
aussi que les professionnelles réagissent
                                                                                                rapportant leur niveau de détresse durant
plus fortement au suicide d’un patient que         RECRUTEMENT                                  le premier mois suivant le décès de leur
leurs collègues de sexe masculin (Grad et           Trois types de professionnels ont été       patient. Un score global au-dessus de 19 à
Michel, 2005 ; Hendin et al., 2004 ; Lapp,      recrutés pour participer à cette recherche,     l’IES indique la présence d’un état de stress
1986), les femmes manifestant davantage         soit : les psychiatres, les psychologues et     aigu ou cliniquement significatif, tandis
de culpabilité et de honte que les hommes       les infirmiers(ères) en psychiatrie. Les        qu’un score de moins de 8,5 indiquerait
(87 % et 31 % contre 50 % et 0 % respecti-      participants ont été recrutés entre janvier     plutôt une intensité de réaction faible
vement). De plus, les femmes remettent en       et juin 2003 par l’entremise d’un question-     ou non significative (M. A.ams et Foster,
doute plus facilement leurs compétences         naire accompagné d’une lettre signée par        2000). La version française présente une
et ont besoin davantage de consolation          les présidents de chaque ordre ou associa-      validité interne (alpha de Cronbach) de
et de réconfort, alors que plus d’hommes        tion professionnel ciblé. Tous les profes-      0,87 pour l’échelle totale, de 0,87 pour
réagissent en vaquant à leurs activités pro-    sionnels ont été sollicités pour répondre       l’échelle d’intrusion et de 0,79 pour celle
fessionnelles habituelles (50 % des femmes      à la première partie du questionnaire           d’évitement (Cyr et al., 1996 ; 2001).
comparativement à 75 % des hommes)              concernant leurs caractéristiques démo-
(Grad et al., 1997).                            graphiques (âge, sexe, années de pratique,         Grief Experience Questionnaire (GEQ)
    Les recherches descriptives mention-        orientation thérapeutique, niveau de sco-           Le GEQ (Barrett et Scott, 1989) est un
nées ci-dessus utilisent des questionnaires     larité, cadre de travail) et l’occurrence du    questionnaire auto-administré de 55 items
construits par les auteurs afin de mesu-        suicide d’un patient dans leur carrière.        mesurant les réactions de deuil. Les par-
rer l’intensité des réactions de profes-        Les professionnels ayant vécu le suicide        ticipants répondent à chaque item selon
sionnels en santé mentale à la suite du         d’un patient étaient encouragés à remplir       une échelle de Likert allant de 1 (jamais)
suicide d’un patient, alors que M. A.ams        tout le questionnaire en y répondant en         à 5 (presque toujours). Parmi les items du
et Foster (2000), en utilisant une mesure       fonction du dernier patient suicidé, sans       questionnaire, nous retrouvons : « à quelle
standardisée, le Impact of Event Scale          critère d’exclusion quant au temps écoulé       fréquence avez-vous… senti que les autres
(IES), ne retrouvent aucune différence          depuis le décès.                                ont pu vous blâmer pour le décès ? », « senti
quant à l’intensité des réactions à la suite        Les professionnels ont été relancés deux    de la colère ou du ressentiment envers
de l’événement en fonction du sexe des          fois pour participer à l’étude. Les membres     votre patient suite au décès ? », « senti que
professionnels. Ces derniers auteurs n’in-      de l’Ordre des psychologues du Québec           vous avez manqué un signe précoce qui
cluent cependant aucune consigne spéci-         ou OPQ (4018 membres possédant une              aurait pu vous indiquer que votre patient
fique quant au suicide ciblé dans la réponse    adresse électronique) et de l’Association des   ne demeurerait pas en vie encore long-
au questionnaire. Or, les professionnels        médecins psychiatres du Québec ou AMPQ          temps ? ». Ce questionnaire a été soumis à
sont souvent confrontés à plus d’un suicide     (350 membres possédant une adresse élec-        une retraduction basée sur les recomman-
au cours de leur carrière (Courtenay et         tronique) ont été joints par courriel ; ceux    dations de Vallerand (1989) et légèrement
Stephens, 2001 ; Cryan et al., 1995 ; Henry     de l’Association québécoise des infirmiers      adapté pour correspondre au contexte des
et al., 2004 ; Horn, 1995 ; Pieters et al.,     et infirmières en psychiatrie et en santé       professionnels en santé mentale. Une étude
2003). Il se peut donc que l’absence de         mentale ou AQIISM (248 membres), par            psychométrique de la validité interne du
différence rapportée reflète davantage une      la poste. Selon leur préférence, les parti-     GEQ-version française fut réalisée après
prédisposition des professionnels, à défaut     cipants avaient le choix de répondre au         la collecte des données et n’a démontrée
de consigne claire, à répondre en fonction      questionnaire par courriel ou sur papier au     aucune sous-échelle au questionnaire
du suicide ayant eu le plus d’impact sur        moment de la demande de participation.          (alpha de Cronbach : 0,96).

FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2008                                            54
TABLEAU 1                                                                         tence d’évaluer et/ou de traiter des patients
                                                                                                                  suicidaires, une tendance accrue à hos-
VARIABLES ASSOCIÉES AUX PROFESSIONNELS, AU TRAITEMENT, AUX ÉVÉNEMENTS
                                                                                                                  pitaliser des patients suicidaires ou des
SURVENUS À LA SUITE DU SUICIDE DU PATIENT ET À LA FORMATION SUR LE SUICIDE
                                                                                                                  précautions accrues dans leur traitement.
                                                          n (%) / × (ÉT)                                          Une étude psychométrique de la vali-
                                                        H = 52     F = 89     dl  F / D2 p                        dité interne de cet instrument s’est avé-
Temps écoulé depuis                                     6,8 (6,3) 5,3 (5,9) 1;127 1,80 0,18                       rée satisfaisante et n’a démontré aucune
le suicide du patient (années)                                                                                    sous-échelle au questionnaire (alpha de
Variables des professionnels :                                                                                    Cronbach :0,96 [impact après le premier
âge                                                    40,1 (1,4) 40,6 (1,0) 1;128              0,11     0,74     mois],0,93 [impact actuel]).
années de pratique                                     13,0 (1,3) 12,3 (1,0) 1;130              0,18     0,67
                                                                                                                     Questionnaire sur
% de contact clinique direct                           75,3 (3,7) 72,6 (2,9) 1;132              0,34     0,56
auprès des patients                                                                                                  les variables associées
                                                                                                                      Un questionnaire a été construit afin
secteur de pratique                                                                  1;139      0,14     0,71
                                                                                                                  de mesurer les caractéristiques démogra-
    public                                             43 (82,7)       74 (85,1)                                  phiques du patient suicidé (date du décès,
    privé                                               9 (17,3)       13 (14,9)                                  âge, sexe, diagnostic principal), les moda-
Variables reliées au traitement :                                                                                 lités du traitement de ce patient (durée de
durée de la relation                                                            3;127           3,0      0,39     la relation, degré de proximité affective
    1-5 contacts (évaluation)                           12 (25)       23 (29,1)                                   au patient), le type de traitement (indivi-
                                                                                                                  duel, couple, famille, groupe), le rôle du
    5-12 contacts (court terme)                        14 (29,2)      17 (21,5)
                                                                                                                  professionnel dans le traitement, la date
    12-52 contacts (moyen terme)                       16 (33,3)      21 (26,6)                                   du dernier contact avec le patient, la for-
    52 + contacts (long terme)                          6 (12,5)      18 (22,8)                                   mation théorique et l’expérience clinique
contacts sur une base individuelle                     39 (79,6)      66 (82,5) 1;129           0,17     0,68     avec la problématique du suicide, ainsi que
contrat de non-suicide                                 20 (40,8)      26 (33,8) 1;126           0,64     0,42     le stress occupationnel associé au décès
au courant des idéations suicidaires                   34 (69,4)      58 (69,9) 1;132           0,00     0,95     (poursuites légales, médiatisation de l’évé-
du patient                                                                                                        nement, découverte du corps du patient
proximité affective au patient1                         3,4 (1,5)       3,3 (1,6) 1;130         0,05     0,83     décédé, réactions négatives de l’entourage
                                                                                                                  personnel et professionnel).
Événements survenus suite
au suicide du patient :
                                                                                                                     Soutien reçu par certaines interactions
médiatisation du suicide                                 7 (14,6)      17 (21,3) 1;128          0,88     0,35
                                                                                                                     et activités
découverte du corps                                       1 (2,1)        5 (6,3) 1;128          1,2      0,28
                                                                                                                     Un questionnaire auto-construit de
poursuites légales                                          0 (0)        2 (2,5) 1;128          1,2      0,27     23 items a mesuré le degré de soutien reçu
réactions négatives de l’entourage                                                                                par certaines interactions et activités. Les
    famille du patient                                   9 (18,8)      11 (13,8)     1;128      0,57     0,45     participants ont répondu à chaque item
    collègues                                             1 (2,1)        6 (7,6)     1;127      1,8      0,19     selon une échelle de Likert allant de 1 (non
    réseau personnel                                        0 (0)        3 (3,8)     1;128      1,8      0,18     aidant) à 7 (très aidant). Parmi les sources
                                                                                                                  de soutien incluses dans le questionnaire,
note de suicide                                           3 (6,3)        4 (5,1)     1;127      0,08     0,78
                                                                                                                  nous retrouvons : la discussion avec un ou
    avec contenu agressif                                 1 (2,1)        1 (1,3)     1;128      0,14     0,71     des collègues ayant vécu le suicide d’un
    envers le professionnel
                                                                                                                  patient, la participation à une revue for-
Formation sur le suicide :                                                                                        melle des circonstances entourant le sui-
formation théorique                                    41 (85,4)      66 (83,5) 1;127           0,08     0,78     cide du patient, la présence aux funérailles
formation clinique                                     33 (68,8)      43 (56,6) 1;124           1,8      0,18     du patient. Une étude psychométrique de la
information sur la possibilité                         42 (87,5)        64 (81) 1;127           0,91     0,34     validité interne de cet instrument s’est avé-
de perdre un patient par suicide                                                                                  rée satisfaisante et n’a démontré aucune
information sur l’impact                               10 (20,8)       13 (16,7) 1;126          0,35     0,56     sous-échelle au questionnaire (alpha de
du suicide d’un patient                                                                                           Cronbach :0,85).
1. Les professionnels ont noté leur degré d’accord avec l’énoncé suivant : « J’étais très proche du patient » ;
   sur une échelle de Likert allant de 1 = fortement en désaccord à 6 = fortement en accord.                         ANALYSES STATISTIQUES
                                                                                                                     Des ANOVAs et khi 2 ont d’abord été
                                                                                                                  effectuées pour décrire l’échantillon et
  Questionnaire sur                                      Goodman, 1995 ; Horn, 1995 ; Howard,                     déterminer l’influence du type de profes-
  les réactions professionnelles                         2000 ; Kleespies et al., 1990 ; 1993 ; Lapp,             sion et du temps écoulé depuis le décès du
                                                         1986 ; Schnur et Levin, 1985). Les par-                  patient sur l’intensité des réactions chez
   Un questionnaire auto-administré                      ticipants répondent à chaque item selon                  les professionnels. Ensuite, des ANOVAs
a mesuré l’impact du décès sur les pra-                  une échelle de Likert allant de 1 (aucun                 ont été menées afin de déterminer les dif-
tiques professionnelles, un mois après le                impact) à 7 (impact élevé). Parmi les réac-              férences de réactions entre les hommes
décès et actuellement. Ce questionnaire                  tions professionnelles mentionnées dans                  et les femmes à la suite du suicide d’un
comprend 23 items inspirés des réac-                     le questionnaire, nous retrouvons : une                  patient. Enfin, une régression logistique
tions professionnelles répertoriées dans                 anxiété accrue lors de l’évaluation et/ou                avec méthode ascendante pas à pas a été
l’ensemble des recherches empiriques sur                 du traitement de patients suicidaires, une               effectuée afin de déterminer les variables
le sujet (Chemtob et al., 1988a ; 1988b ;                inquiétude accrue concernant la compé-                   prédisant l’intensité des réactions sur

                                                                                    55                                                  FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2008
TABLEAU 2                                                                   à la possibilité de perdre un patient par
                                                                                                           suicide, mais peu avaient été informés de
 ANALYSE DE VARIANCE DES RÉACTIONS DES PROFESSIONNELS EN SANTÉ MENTALE
                                                                                                           l’impact que pouvait avoir sur eux un tel
                   À LA SUITE DU SUICIDE D’UN PATIENT
                                                                                                           événement (19 %).
                                                  n (%) / × (ÉT)
                                                  H             F                dl      F / D2      p        RÉSULTATS PRÉLIMINAIRES :
                                                                                                              INFLUENCE DU TYPE DE PROFESSION
Impact of Event Scale (IES)                  13,4 (11,2) 21,2 (14,7)          1 ;125      8,9**    0,004
                                                                                                              ET DU TEMPS ÉCOULÉ DEPUIS LE DÉCÈS
  intrusion                                    8,6 (7,2)   13,0 (9,4)         1 ;125      6,7*     0,011      Le type de profession et le temps
  évitement                                    4,8 (4,6)     8,2 (6,7)        1 ;125      8,8**    0,004   écoulé depuis le suicide du patient n’ont
  stress aigu (score > 19)                    15 (32,6)     42 (50,6)         1 ;129      3,87*    0,049   eu aucune influence significative sur l’in-
Grief Experience Questionnaire               87,1 (24,6) 97,3 (31,9)          1 ;123      2,9      0,09    tensité des réactions chez les hommes et
(GEQ)                                                                                                      les femmes, et ce, sur aucune des échelles
Répercussions professionnelles                                                                             de cette étude.
  à 1 mois                                   67,2 (30,5)      80,6 (35,2)     1 ;121      4,0* 0,048          LE TYPE DE RÉACTIONS :
  actuelles                                  42,4 (17,9)      55,2 (23,0)     1 ;122     10,1** 0,002         RÉSULTATS AUX ÉCHELLES EN FONCTION
 * p < 0,05     ** p < 0,01                                                                                   DU SEXE DES PROFESSIONNELS
                                                                                                               Les professionnels en santé men-
                                                                                                           tale réagissent différemment au suicide
                                                                                                           d’un patient en fonction de leur sexe
                                 TABLEAU 3                                                                 (voir tableau 2). Les femmes obtiennent
 VARIABLES ASSOCIÉES À L’INTENSITÉ DES RÉACTIONS DE STRESS CHEZ LES FEMMES                                 un score plus élevé à l’Impact of Event
                       SUITE AU SUICIDE D’UN PATIENT                                                       Scale (IES), c’est-à-dire ressentent une
                                                                                                           détresse significativement plus élevée
                                                                      B           SE B            ß        que les hommes, F(1, 125) = 8,9, p < 0,01,
Ne savaient pas que leur patient était suicidaire                    1,21         0,53          3,36*      autant sur la sous-échelle d’intrusion,
Degré de proximité au patient1                                       0,35         0,15          1,42*      F(1, 125) = 6,7, p < 0,05, que sur celle
 * p < 0,05                                                                                                d’évitement F(1, 125) = 8,8, p < 0,01. Nous
 Les variables avec un p < 0,10 ont été maintenues dans le modèle.                                         observons également des répercussions
 1. Les participants ont noté leur degré d’accord avec l’énoncé « J’étais très proche du patient »,        plus importantes sur leur pratique profes-
 sur une échelle de Likert en 6 points allant de 1 = Fortement en désaccord à 6 = Fortement en accord.
                                                                                                           sionnelle pendant le premier mois suivant
                                                                                                           le décès, F(1, 121) = 4,0, p < 0,05, ainsi que
                                                                                                           sur leur pratique professionnelle actuelle,
l’Impact of Event Scale (IES) chez les                 participants ne différaient généralement            F(1, 122) = 10,1, p < 0,01. Les hommes
femmes. Les variables étudiées compre-                 pas de façon significative entre les hommes         et les femmes présentent des scores sem-
naient : la relation au décédé (durée et               et les femmes (voir tableau 1). Les profes-         blables au Grief Experience Questionnaire
fréquence des rencontres, proximité au                 sionnels ont perdu leur patient en moyenne          (GEQ), F(1, 123) = 2,9, p = 0,09, indiquant
patient, connaissance des idéations sui-               cinq ans avant de participer à l’étude : 22 %       des scores de deuil faibles tant pour les
cidaires du patient), la formation (théo-              (n = 29) ont perdu leur patient au cours de         femmes que pour les hommes.
rique et clinique) et l’expérience quant à             la dernière année et 78 % (n = 100) entre               Les scores sur l’IES indiquent que les
la problématique du suicide (expérience                un et 23 ans. La moyenne d’âge des pro-             femmes réagissent en moyenne au suicide
auprès de personnes suicidaires, informa-              fessionnels au moment du décès était de             d’un patient par des réactions de stress
tions reçues sur la possibilité de perdre un           40 ans (ÉT = 9,4). Ils avaient pratiqué leur        élevées (x = 21,2, ÉT = 14,7), alors que
patient par suicide), le stress occupationnel          profession en moyenne pendant 13 ans                leurs homologues masculins présentent
(poursuites légales, médiatisation de l’évé-           (ÉT = 9,1) et accordaient 74 % (ÉT = 26,5)          une réaction de stress faible (x = 13,4,
nement, découverte du corps du patient                 de leur temps au service clinique direct            ÉT = 11,2), d’intensité cliniquement non
et réactions négatives de l’entourage du               auprès des patients. Cent dix-neuf profes-          significative. Pour 50,6 % (n = 42) des
professionnel) et le soutien social.                   sionnels (84 %) travaillaient dans le sec-          femmes, comparativement à 32,6 % (n = 15)
                                                       teur public et 22 (16 %), dans le secteur           des hommes, le niveau de stress atteint
   RÉSULTATS                                           privé. La majeure partie des professionnels         une intensité cliniquement significative,
                                                       (81 %) avaient rencontré leur patient sur           F(1, 129) = 3,87, p < 0,05. Chez les deux
   PARTICIPANTS                                        une base individuelle. Soixante-dix pour            sexes, le stress se manifeste davantage par
    Quatre cents des 4616 professionnels               cent (n = 92) étaient au courant des idéa-          l’intrusion d’idées, d’images, de souvenirs
sollicités pour participer à la recherche              tions suicidaires du patient et 37 % (n = 46)       ou de sentiments liés au suicide (femmes,
ont répondu à la première partie du                    avaient établi un contrat de non-suicide            x = 13,0, ÉT = 9,4 ; hommes, x = 8,6,
questionnaire portant sur les variables                avec leur patient avant le décès. Quant aux         ÉT = 7,2) que par leur évitement (x = 8,2,
démographiques du professionnel, ce qui                événements survenus après le décès, moins           ÉT = 6,7 ; x = 4,8, ÉT = 4,6), t(80) = 5,82,
représente un taux de réponse de 9 %. Sur              de 20 % des professionnels ont décrit avoir         p < 0,001 et t(45) = 5,58, p < 0,001. Les
ces 400 professionnels, 141 (35 %) ont vécu            vécu des événements négatifs. Quatre-               résultats d’une régression logistique avec
le suicide d’un patient. L’échantillon était           vingt-quatre pour cent des professionnels           méthode ascendante pas à pas indiquent
composé de 71 psychologues (50 %), de                  (n = 107) ont mentionné avoir reçu une              que les femmes ayant vécu une réaction
56 infirmiers(ères) en psychiatrie (40 %)              formation théorique sur le suicide, contre          de stress cliniquement significative à l’Im-
et de 14 psychiatres (10 %). Il y avait                62 % (n = 76) une formation clinique sur            pact of Event Scale (IES) (score > 19) sont
89 femmes (63 %) et 52 hommes (37 %).                  ce thème. La majeure partie des profes-             celles qui : ne savaient pas que leur patient
Les caractéristiques démographiques des                sionnels (84 %) avaient été informés quant          était suicidaire, O.R. = 3,4, p < 0,05, et rap-

FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2008                                                       56
TABLEAU 4
                              RÉPERCUSSIONS PROFESSIONNELLES EN FONCTION DU SEXE DES PROFESSIONNELS
                                                                                Fréquence des réactions1                        Intensité des réactions
                                                                           n = 45 n = 80        %        D2                     x            ÉT         F
                                                                             M       F      M      F                          M     F     M      F
Inquiétudes accrues concernant la compétence                                  39         72       86,7     90       0,3       4,6      5,1      1,7      1,8    1,9
d’évaluer / de traiter des patients suicidaires
Anxiété accrue lors de l’évaluation /                                         37         73       82,2     91,3     2,2       4,6      5,0      1,8      1,7    1,4
du traitement de patients suicidaires
Évaluation d’un plus grand nombre de patients                                 29         51       64,4     63,8     0,01      4,1      4,8      1,4      1,6    4,6*
comme présentant un risque de suicide
Sentiment accru d’impuissance lors de l’évaluation /                          31         59       68,9     73,8     0,3       3,9      4,7      1,6      1,8    4,9*
du traitement de patients suicidaires
Sentiment de culpabilité par rapport                                          32         65       71,1     81,2     0,2       4,4      4,5      1,8      1,9    0,1
au suicide du patient
Acceptation accrue de l’occurrence du suicide                                 28         58       62,2     72,5     1,4       4,0      4,3      1,3      1,5    1,3
Pensées répétées en regard du suicide du patient                             34          69       75,6     86,3     2,3       4,3      4,8      1,9      1,8    2,2
Sentiment d’efficacité personnelle diminuée                                   33         60       73,3     75       0,04      3,9      4,5      1,6      1,8    2,7
en tant que thérapeute
Sensibilité accrue aux indices du risque suicidaire                           41         78       91,1     97,5     2,6       4,7      5,2      1,7      1,7    2,0
Sentiment diminué de l’efficacité de la thérapie                              29         60       64,4     75       0,1       4,2      4,8      1,6      1,7    2,2
Tendance accrue à hospitaliser                                               28          66       62,2     82,5     6,4*      3,9      5,2      1,6      1,8   10,4**
des patients suicidaires ou
précautions accrues dans leur traitement
Sélection plus conservatrice de patients                                      20         40       44,4     50       0,4       4,9      5,2      1,8      1,9    0,4
Restriction quant au nombre                                                   14         30       31,1     37,5     0,5       4,9      4,8      1,8      1,9    0,0
de patients suicidaires traités
Refus temporaire de traiter des patients suicidaires                          12         24       26,7     30       0,2       4,3      5,2      2,0      1,9    1,5
Refus permanent de traiter des patients suicidaires                           6          19       13,3     23,8     2,0       3,5      4,8      2,1      1,8    2,3
Envisager de quitter la profession                                            8          19       17,8     23,8     0,6       4,6      4,1      1,9      1,7    0,6
suite au suicide du patient
Sentiment de responsabilité face au suicide du patient                       30          62       66,7     77,5     1,7       4,4      4,5      1,7      1,8    0,0
Inquiétude accrue concernant                                                  18         38       40       47,5     0,7       4,1      4,4      1,6      1,8    0,6
l’assurance professionnelle
Attention accrue aux aspects légaux                                           30         53       75       66,3     0,0       3,8      5,0      1,3      1,8   10,5**
dans la pratique
Consultation plus fréquente de collègues                                      30         56       75       70       0,2       3,7      4,8      1,6      1,8    7,5**
Consultation plus fréquente de superviseurs                                   18         45       40       56,3     3,0       3,3      4,6      1,5      1,8    6,4*
Intérêt accru par rapport                                                     31         60       68,9     75       0,5       4,3      4,6      1,7      1,7    0,8
à la problématique du suicide
Pratiques de tenue de dossier plus conservatrices                             30         55       66,7     68,8     0,1       4,3      4,9      1,7      1,6    2,4
 Les analyses statistiquement significatives et les tendances sont en caractère gras (*** p < 0,001 ; ** p < 0,01 ; * p < 0,05 ; tendance = p < 0,10).
 1. L’instrument de mesure comporte une échelle de Likert en 7 points allant de 1 = aucun impact à 7 = impact élevé. La première colonne du tableau indique
    la fréquence des réactions, comptabilisée comme étant la présence ou non de chaque répercussion. La deuxième colonne du tableau indique l’intensité
    des réactions, qui est la moyenne des scores sur l’échelle de Likert excluant le score 1, qui signifie une absence d’impact et n’est donc pas comptabilisé.

portaient se sentir affectivement proche du               vant le décès, F(1, 121) = 4,0, p < 0,05, ainsi            suicide, un sentiment accru d’impuissance
patient, O.R. = 1,4, p < 0,01. Ces variables              qu’actuellement, F(1, 122) = 10,1, p < 0,01.               lors de l’évaluation ou du traitement de
ensemble prédisent à 66 % la réaction de                  Les femmes rapportent un impact signifi-                   patients suicidaires, la consultation plus
stress clinique (voir tableau 3).                         cativement plus fort que les hommes sur les                fréquente de collègues et de supervi-
                                                          pratiques professionnelles suivantes dans                  seurs et une attention accrue aux aspects
   LES RÉPERCUSSIONS SUR                                  le premier mois : une tendance accrue à                    légaux dans la pratique (voir tableau 4).
   LES PRATIQUES PROFESSIONNELLES                         hospitaliser des patients suicidaires ou des               Mentionnons aussi qu’autant d’hommes
   Les femmes dévoilent des répercussions                 précautions accrues dans leur traitement,                  (27 %) que de femmes (30 %) indiquent
plus importantes sur leurs pratiques pro-                 l’évaluation d’un plus grand nombre de                     avoir refusé temporairement de traiter
fessionnelles pendant le premier mois sui-                patients comme présentant un risque de                     des patients suicidaires, D2 (1, 125) = 0,16,

                                                                                    57                                                          FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2008
TABLEAU 5
               SOUTIEN REÇU PAR CERTAINES INTERACTIONS ET ACTIVITÉS EN FONCTION DU SEXE DES PROFESSIONNELS
                                                                      Fréquence du soutien1                                   Degré d’aide apportée
                                                              n = 40 n = 72       %                          D2              x              ÉT        F
                                                                M       F     M       F                                  M       F      M       F
Discussion avec un ou des collègues                             39     70    97,5    97,2                   0,0          5,8    6,1     1,2    1,3  1,3
ayant vécu le suicide d’un patient
Discussion avec le réseau personnel                             35         60        87,5       83,3        0,4          4,9        5,4     1,7   1,7       1,9
(famille, conjoint ou amis)
Lecture d’un article                                            32         56        80         77,8        0,1          4,4        5,4     1,9   1,5       7,3**
sur le thème général du suicide
Lecture d’un article sur                                        25         49        62,5       68,1        0,4          4,7        5,5     1,8   1,6       3,5
le thème général du deuil par suicide
Lecture d’un article théorique                                  18         42        45         58,3        1,8          4,6        5,9     1,8   1,3      10,5**
ou scientifique sur le thème
du suicide d’un patient
Lecture d’un article sur l’expérience                           18         35        45         48,6        0,1          5,0        5,6     2,1   1,5       1,6
d’un professionnel à la suite
du suicide d’un patient
Discussion avec un superviseur                                  15         37        37,5       51,4        0,7          5,6        5,8     1,4   1,7       0,1
Participation à une discussion du suicide                       15         36        37,5       50          0,5          5,5        6,2     1,8   1,4       1,7
du patient par un groupe de collègues
Aide apportée à un autre professionnel                          19         29        47,5       40,3        0,6          5,1        5,2     2,0   1,9       0,03
ayant à vivre le suicide d’un patient
Présentation sur le thème du suicide                            16         25        40         34,7        0,3          4,6        5,6     2,0   1,2       3,9
lors d’un atelier ou d’une conférence
Participation à une revue formelle                              12         28        30         38,9        0,9          5,0        6,1     2,2   1,3       3,6
des circonstances entourant
le suicide du patient
Discussion avec un collègue spécialisé                            7        22        17,5       30,6        2,3          6,3        6,2     1,5   1,6       0,01
en suicidologie
Discussion avec un thérapeute personnel                           8        21        20         29,2        1,1          5,0        6,0     2,1   1,6       2,0
(c.-à.d. thérapie personnelle)
Présentation de l’histoire de cas                                 7        15        17,5       20,8        0,2          4,7        5,3     2,7   1,5       0,4
lors d’une conférence
Écriture d’un article                                           11         11        27,5       15,3        2,4          4,7        5,5     2,1   2,1       0,7
sur le thème du suicide
Présence aux funérailles du patient                               5        10        12,5       13,9        0,1          6,4        5,1     0,9   1,7       2,4
Participation à un groupe de soutien                              5         7        10          9,8        1,0          5,4        4,7     2,5   2,6       0,2
pour professionnels ayant vécu
le suicide d’un patient
Discussion avec un ou des collègues                             29         68        72,5       94,4      24,1***        5,1        4,8     1,8   1,8       0,4
n’ayant pas vécu le suicide d’un patient
Discussion avec la famille (ou amis)                            22         31        55         43,1        1,5          5,3        4,8     2,2   1,9       0,8
du patient décédé
Discussion avec un guide spirituel                                5        10           1,5     13,9        0,1          5,4        4,7     2,5   2,8       0,2
(c.-à.d. prêtre ou autre)
Consultation d’un représentant légal                              3        13           7,5     18,1        2,3          4,3        4,0     3,1   2,7       0,03
(c.-à.d. avocat, assurance professionnelle)
Écriture d’un article sur le patient                              2          8          5       11          1,2          3,0        4,1     2,8   2,5       0,3
 Les analyses statistiquement significatives et les tendances sont en caractère gras (*** p < 0,001 ; ** p < 0,01 ; tendance = p < 0,10).
 1. L’instrument de mesure comporte une échelle de Likert en 7 points allant de 1 = non aidant à 7 = très aidant. La première colonne du tableau indique
    la fréquence du soutien, comptabilisée comme étant l’utilisation ou non de chaque source de soutien. La deuxième colonne du tableau indique
    le degré d’aide apportée, qui est la moyenne des scores sur l’échelle de Likert.

p = 0,69, et qu’un pourcentage relative-                    Les répercussions professionnelles                      femmes restent modérément sensibles
ment équivalent (18 % contre 24 %) disent                diminuent significativement en fonc-                       aux indices du risque suicidaire (98 %),
avoir envisagé de quitter leur profes-                   tion du temps chez les hommes et les                       alors que toutes les autres répercussions
sion à la suite du suicide de leur patient,              femmes, t (44) = –7,56, p < 0,001 et t                     sur les pratiques diminuent en fréquence
D2 (1, 125) = 0,61, p = 0,44.                            (78) = –9,84, p < 0,001. La majorité des                   et en intensité.

FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2008                                                          58
LES SOURCES DE SOUTIEN UTILISÉES             apprend à vivre sans la présence de l’autre         Ces résultats confirment ce qui ressort
   ET LEUR VALEUR                               et qui se traduit par une internalisation des   de la littérature : les femmes sont plus vulné-
   Les sources de soutien ne diffèrent pas      liens avec la personne décédée en vue de        rables que les hommes au stress (American
en fonction du sexe chez les professionnels     créer un futur avec les vivants (Bowlby,        Psychological Association, 2007 ; Brody,
sur l’échelle globale du Questionnaire sur      1980 ; Parkes, 1986 ; Séguin et Castelli-       1997 ; Bradley et al., 2001 ; Fugita et al.,
le soutien reçu par certaines interactions      Dransart, 2006). À l’inverse, les réactions     1991 ; Lucas et Gohm, 2000 ; Matuszek
et activités, ni dans la quantité de sou-       observées chez les professionnels de la         et al., 1995 ; Seidlitz et Diener, 1998) et aux
tien, F(1, 128) = 0,8, p = 0,37, ni dans la     santé de notre étude semblent circonscrites     pertes (Doka, 2003 ; Hanus, 2003 ; Lester,
valeur aidante accordée, F(1, 128) = 2,4,       au plan du travail, les touchant dans leur      1993 ; Martin et Doka, 2000 ; Parkes,
p = 0,13. Les professionnels optent pour        rôle de soignant. Aborder les conséquences      1986 ; Rando, 1984), y compris les profes-
des sources de soutien variées (x = 8), et      du suicide d’un patient sous l’angle général    sionnelles en santé mentale ayant vécu le
ce, d’autant plus que leurs réactions de        du deuil risque de dénaturer cette perte de     suicide d’un patient (Grad et Michel, 2005 ;
stress à l’Impact of Event Scale (IES) sont     son caractère fondamentalement unique,          Grad et al., 1997 ; Lapp, 1986). Outre les
élevées (r = 0,21, p < 0,05). Ces sources de    telle qu’elle est vécue par le professionnel.   caractéristiques biologiques et innées liées
soutien sont généralement perçues comme         Toutefois, même si les professionnels ne        au sexe des participants de notre étude
étant très aidantes. Le tableau 5 présente      semblent pas endeuillés au même titre que       (Bradley et al., 2001 ; Kring et Gordon,
ces interactions et activités, en fonction de   s’ils vivaient le décès d’un proche dans leur   1998 ; Labouvie-Vief et al., 2003 ; Taylor
leur fréquence et du degré de soutien perçu     entourage personnel, il est possible que        et al., 2000), la théorie de la socialisation
par les professionnels selon leur sexe.         la perte soit vécue sous une autre forme,       et celle du développement professionnel
Malgré les similitudes sur l’échelle globale,   par exemple par un deuil d’idéal ou de la       peuvent être évoquées pour mieux com-
les femmes se sentent plus soutenues que        toute-puissance thérapeutique.                  prendre les différences retrouvées selon
les hommes par la lecture (d’un article sur         Malgré le constat général d’une absence     le sexe des professionnels.
le thème général du suicide, sur le deuil       de deuil, les professionnels de notre étude         Selon Martin et Doka (2000), il existe
par suicide et sur le suicide d’un patient),    ont tout de même réagi au suicide de            trois principaux types de réactions à la
la présentation sur le thème du suicide         leur patient, mais de manière différente        perte : intuitives, instrumentales et dis-
lors d’un atelier ou d’une conférence et la     en fonction de leur sexe. Les femmes            sonantes. La personne ayant des réac-
participation à un audit clinique. Toutes       paraissent y avoir répondu par un niveau        tions intuitives réagit à la perte sur un
les autres interactions et activités sont       de stress que l’on peut qualifier de clini-     mode essentiellement affectif, par des
appréciées de façon équivalente.                quement significatif dans le premier mois,      émotions exprimées intensément et la
   Soixante et un pour cent des femmes et       alors que leurs homologues masculins ont        recherche de soutien lui permettant de
45 % des hommes ont exprimé leur intérêt        dévoilé un niveau de stress d’intensité         ventiler ses affects. La personne ayant
pour un groupe de soutien composé de            non significative. Deux facteurs semblent       des réactions de type instrumental vit
professionnels en santé mentale ayant vécu      avoir contribué au stress élevé retrouvé        surtout le décès sur un mode cognitif et
le suicide d’un patient, D2 (1, 119) = 2,7,     chez les femmes : s’être senti affective-       favorise la recherche active de solutions.
p = 0,10. Leur intérêt reposait sur divers      ment proche du patient et ne pas avoir su       Quant à la dissonance, elle implique que
besoins : de soutien (n = 40 ; 50 %) ; de       que le patient était suicidaire. Certaines      l’on s’empêche de vivre certaines com-
trouver un sens à l’événement et d’établir      explications peuvent être évoquées pour         posantes de la perte selon notre mode
les limites de leur responsabilité (n = 14 ;    comprendre ces liens. Parmi ces explica-        privilégié de réaction, qu’il soit intuitif
18 %) ; de s’adapter (n = 13 ; 16 %) ; d’ap-    tions, il est possible de penser que cer-       ou instrumental. Malgré l’importance de
partenance (n = 8 ; 10 %) ; de briser l’iso-    taines professionnelles se seraient senties     situer ces pôles sur un continuum plutôt
lement et le tabou entourant l’événement        ébranlées dans leur croyance en l’aspect        qu’en dichotomie (Bonanno et al., 2004 ;
(n = 5 ; 6 %).                                  protecteur de la relation thérapeutique         Bonanno et Kaltman, 1999 ; Folkman,
                                                ou aient investi davantage la relation au       2001 ; Folkman et Lazarus, 1984, 1988 ;
   DISCUSSION                                   patient. D’autre part, il se peut qu’elles      Green et al., 2005 ; Nolen-Hoeksema,
   Le suicide d’un patient est un événe-        se soient blâmées davantage pour avoir          2001 ; Weiten et Lloyd, 2006), la socialisa-
ment significatif dans la carrière des pro-     méconnu les idéations suicidaires de leur       tion inciterait habituellement les femmes
fessionnels en santé mentale, tant au plan      patient ou que cette méconnaissance ait         à développer une réaction intuitive à la
personnel que professionnel. Les écrits         pu accentuer le choc relié à l’imprévisi-       perte (accompagnée de stratégies adapta-
mentionnent de vives réactions chez les         bilité du geste.                                tives orientées vers les émotions), tandis
professionnels à la suite du suicide d’un           Le niveau élevé de stress retrouvé chez     que les hommes seraient plutôt encou-
patient et les comparent à celles retrouvées    les femmes, manifeste surtout par des pen-      ragés à adopter un type instrumental
chez les endeuillés (Foster et M. A.ams,        sées intrusives liées au suicide plutôt que     de réaction (accompagné de stratégies
1999 ; Farberow, 2005 ; Grad et al., 1997 ;     par de l’évitement, semble accompagné de        orientées vers les solutions) (Doka, 2003 ;
Kleespies et al., 1990 ; 1993 ; Meade, 1999 ;   répercussions initialement plus intenses        Folkman et Lazarus, 1980 ; Jenkins, 1991 ;
Pieters et al., 2003 ; Ruben, 1990 ; Sudak,     sur leurs pratiques professionnelles : ten-     Martin et Doka, 2000 ; Nolen-Hoeksema
2007 ; Tillman, 2006 ; Weiner, 2005). Sans      dance accrue à hospitaliser des patients        et Jackson, 2001 ; Nolen-Hoeksema
vouloir minimiser l’aspect tragique du sui-     suicidaires ou précautions accrues dans         et al., 1993 ; 1999 ; Ptacek et al., 1994 ;
cide d’un patient, les résultats de la pré-     leur traitement, évaluation d’un plus grand     Stroebe, 2001 ; Stroebe et Schut, 2001 ;
sente recherche semblent indiquer que les       nombre de patients comme présentant un          Thayer et al., 1994 ; Vingerhoets et Van
professionnels ne sont pas endeuillés au        risque de suicide, sentiment accru d’im-        Heck, 1990). Ces mêmes constatations se
sens strict du terme. Ils vivent plutôt des     puissance lors de l’évaluation ou du traite-    retrouvent dans la littérature sur le stress
réactions de stress d’intensité variable. Le    ment de patients suicidaires, consultation      dans le milieu de travail (Trocki et Orioli,
travail de deuil est une période de détache-    plus fréquente de collègues et de super-        1994 ; Nelson et Burke, 2000 ; Nelson
ment d’une relation affective, une période      viseurs et attention accrue aux aspects         et al., 1997 ; Vermeulen et Mustard, 2000 ;
pendant laquelle l’individu endeuillé           légaux dans la pratique.                        Vingerhoets et Van Heck, 1990).

                                                                     59                                                FRONTIÈRES ⁄ AUTOMNE 2008
Ces styles de réponses à l’adversité         afin de composer avec le suicide de leur            Cette recherche présente des limites
pourraient partiellement expliquer l’im-         patient, surtout si leurs réactions étaient     méthodologiques et devrait idéalement être
pact différentiel du suicide d’un patient        fortes. Ils ont favorisé l’aspect relationnel   reproduite dans un cadre prospectif et lon-
retrouvé chez les professionnels de notre        (discussions avec des collègues, super-         gitudinal à l’aide d’entrevues individuelles,
étude. Il se peut que les femmes aient           vision ou thérapie) et les activités entre-     afin de mieux cerner la réalité expérien-
eu une tendance à l’expression active de         prises étaient considérées aidantes (audit      tielle des professionnels et d’élucider les
leurs émotions quant au suicide de leur          clinique, présence aux funérailles, ren-        différences dans les réponses au suicide
patient, alors que les hommes auraient eu        contre de la famille du patient décédé, lec-    d’un patient selon le sexe. La méthodologie
tendance à réfléchir à un plan d’action          ture d’articles). Cette similitude entre les    rétrospective employée soulève des biais
pour prévenir le suicide d’un autre patient,     hommes et les femmes de notre étude irait à     quant à la validité du rappel des réactions,
créant ainsi une image d’imperturbabilité        l’encontre de la littérature sur l’adaptation   ainsi que des biais dus à l’histoire et à la
alors qu’ils auraient vécu l’impact du sui-      au stress, qui présente les femmes comme        maturation des participants. De plus, les
cide de façon rationnelle. Les réactions         sollicitant davantage leur réseau social et     réactions ont été mesurées seulement à
émotives de faible intensité des hommes          les hommes comme utilisant davantage un         l’intérieur du premier mois après le suicide.
à la perte ont souvent été apparentées au        soutien instrumental axé sur les solutions      Il n’y avait pas d’indication de difficultés
déni ou à l’évitement (Burke, 2002 ; Kim         (Doka, 2003 ; Folkman et Lazarus, 1980 ;        cliniques au-delà d’un mois chez les pro-
et Jacobs, 1991 ; Staudacher, 1991 ; Zisook      Jenkins, 1991 ; Martin et Doka, 2000 ;          fessionnels des deux sexes, mais il se peut
et Shuchter, 1991), mais il semble qu’il         Nolen-Hoeksema et Jackson, 2001 ; Nolen-        que la remise en question professionnelle
s’agirait plutôt d’une différence dans l’ex-     Hoeksema et al., 1993 ; 1999 ; Ptacek et al.,   ait pu persister au-delà de cette période de
pression de la perte, qui ne serait pas reliée   1994 ; Stroebe, 2001 ; Stroebe et Schut,        temps. Aussi, alors que le Grief Experience
à une issue négative (Bonanno et al., 2002 ;     2001 ; Tamres et al., 2002 ; Thayer et al.,     Questionnaire semble approprié pour une
Bonanno et Kaltman, 1999 ; Lund, 2000 ;          1994 ; Vingerhoets et Van Heck, 1990).          population générale d’endeuillés, il semble
Doka, 2000 ; Stroebe, 2001). Les femmes          Cependant, il semble que les hommes             inadéquat pour cerner l’expérience de
ont donc pu mettre un accent particulier         bénéficient davantage du soutien social         professionnels en santé mentale à la suite
sur leurs sentiments face au suicide et leur     lorsque celui-ci est déployé dans le milieu     du suicide d’un patient. Une mesure des
relation au patient, ce qui peut expliquer       de travail, comparativement aux femmes          réactions de deuil circonscrites au niveau
leurs réactions de stress cliniquement           (Baruch et al., 1987).                          professionnel pourrait être plus appro-
significatives. Les hommes ont pu davan-             Au-delà du processus de socialisa-          priée. Des variables systémiques reliées au
tage réfléchir au sens à attribuer au geste      tion, des éléments du développement             milieu occupationnel pourraient aussi être
et à la manière d’y réagir, ce qui peut expli-   professionnel peuvent être évoqués pour         investiguées en lien avec l’intensité des
quer leurs réactions de stress faibles face      expliquer cette similitude dans l’utilisa-      réactions, telles que la charge de travail,
au suicide de leur patient.                      tion de sources de soutien (Orlinsky et         la structure et le climat organisationnels,
    La relation thérapeutique a fréquem-         Rønnestad, 2005 ; Rønnestad et Skovholt,        les dynamiques interpersonnelles au tra-
ment été comparée à la relation paren-           2001 ; Skovholt et Rønnestad, 1992). Il         vail et l’interface travail-famille (Cooper,
tale (Litman, 1994 ; Maltsberger, 1992 ;         se peut que les professionnels en santé         1996 ; Fielden et Cooper, 2002). Encore,
Maltsberger et Buie, 1974). Elle demande         mentale se distinguent de la population         malgré l’attention particulière accordée
au thérapeute d’être particulièrement            générale dans leurs attributs et que cette      à la confidentialité, les résultats ont pu
empathique et attentif à l’autre, se cen-        occupation attire davantage des personnes       être altérés par la désirabilité sociale des
trant sur le patient en laissant de côté ses     de type intuitives. Peut-être aussi que les     participants ou par un biais de sélection,
propres réactions et besoins. Cette posture      hommes subissent un processus de socia-         qui auraient pu se manifester de façon
thérapeutique peut tirer ses origines de la      lisation professionnel, comme les femmes,       différente en fonction du sexe des profes-
socialisation chez les femmes, qui renforce      qui les encouragerait à développer davan-       sionnels. Nous ne savons pas combien des
des attributs relationnels liés aux soins, à     tage leurs attributs relationnels. Encore, le   4616 professionnels sollicités pour partici-
la coopération, à l’attention et à la sensibi-   milieu de travail peut se regrouper autour      per à la recherche ont vécu le suicide d’un
lité à autrui. Les femmes peuvent donc être      du professionnel à la suite du suicide d’un     patient, étant donné le faible taux de par-
prédisposées à réagir avec une intensité         patient et lui offrir une variété d’alterna-    ticipation. Notre taux de réponse s’avère
particulièrement élevée au suicide d’un          tives de soutien. Tous ces facteurs peuvent     inférieur à celui obtenu dans d’autres
patient, étant donné leur investissement         estomper la différence naturelle de genre       études (29 %-78 %) (Alexander et al., 2000 ;
accru dans le domaine interpersonnel et          qui serait autrement retrouvée.                 Trimble et al., 2000), ce qui peut être dû à
leur attachement distinct aux patients               En résumé, il paraît naturel de consi-      l’envoi par courrier électronique, à la lon-
(Fletcher, 1998, 1999 ; Gabbard et Lester,       dérer que le suicide d’un patient affecte       gueur du questionnaire et/ou à la méthode
1995 ; Hartmann, 1991 ; Lester, 1990,            tout professionnel en santé mentale, peu        d’échantillonnage utilisée. En effet, chaque
1993). La tendance des femmes à taire leur       importe son sexe. Ces réactions peuvent         professionnel des associations ciblées a été
agressivité pourrait aussi les prédisposer à     cependant se traduire par niveaux de            sollicité pour participer à la recherche. Un
vivre une réaction traumatique face à un         stress différents : les femmes atteignent un    choix plus spécifique des professionnels les
événement violent tel que le suicide (Kring,     seuil d’intensité plus élevé que celui des      plus à risque d’être confrontés au suicide
2000 ; Labouvie-Vief et al., 2003 ; Shaffer,     hommes, qui présentent des réactions de         d’un patient aurait pu augmenter le taux
1996 ; Taylor et al., 2000 ; Triosi, 2001).      faible intensité. À la lumière de ces diffé-    de participation (par exemple, solliciter
    Malgré les différences de réactions          rences, des initiatives concrètes pourraient    seulement la participation des profession-
retrouvées selon le sexe, les femmes et les      aider les femmes à mieux vivre le suicide       nels qui travaillaient en clinique). Ainsi, il
hommes de cette étude ont rapporté uti-          d’un patient. Par exemple, des interventions    est possible que les professionnels ayant
liser le même nombre de sources de sou-          de soutien (Bultema, 1994 ; Cooper, 1995 ;      vécu les impacts les plus importants à la
tien et les considérer aidantes au même          Little, 1992) et un plan intégré de forma-      suite du suicide aient refusé de participer
niveau. Les thérapeutes des deux sexes           tion et de supervision (Foster et McAdams,      à la recherche ou, au contraire, y aient
ont utilisé des sources variées de soutien       1999) pourraient être mis sur pied.             répondu en plus grand nombre. Il se peut

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