Les négociations sur l'agriculture après Bali : le défi de mise à jour des règles internationales de commerce
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NOTE D’INFORMATION, OCTOBRE 2014 Les négociations sur l’agriculture après Bali : le défi de mise à jour des règles internationales de commerce Introduction Lors de la neuvième Conférence ministérielle de l’OMC à Bali, les ministres se sont engagés à préparer un programme de travail « clairement défini » sur les questions restantes du Programme de Doha pour le développement (PDD). Cependant, la situation des échanges agricoles internationaux a beaucoup évoluée depuis le gel des négociations en 2008 et encore plus depuis le lancement de Doha en 2001. Alors que les membres de l’OMC commencent à élaborer les contours d’un programme potentiel après Bali, il est essentiel de bien comprendre cette nouvelle réalité internationale et ce qu’elle implique pour les disciplines multilatérales agricoles à venir. Cette note d’information Tackling résume quelques unes Agriculture des conclusions du livre in the Post-Bali électronique de l’ICTSD Context Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A A collection of short essays Edited by Collection of Short Essays », édité par Ricardo Meléndez- Ricardo Meléndez-Ortiz Christophe Bellmann and Jonathan Hepburn Ortiz, Christophe Bellmann et Jonathan Hepburn 1. Ce livre s’appuie sur les analyses les plus récentes des October 2014 tendances internationales et des réformes politiques ICTSD Programme on Agriculture Trade and Sustainable Development internes pour éclairer les négociations après Bali. Il comprend une série d’articles non techniques, concis et orientés vers la recherche de solutions qui ont été écrits par des experts et des penseurs réputés. Ces articles couvrent de façon systématique tous les éléments des négociations agricoles concernant l’accès au marché, le soutien interne et la concurrence à l’exportation. 1 Pour plus d’informations sur cet ouvrage, rendez-vous sur http://www.ictsd.org.
1. Le nouveau contexte international et le Brésil), leur importance collective décroît, entre autres à cause du dynamisme des marchés Un paysage commercial qui évolue rapidement d’importation en Afrique (cf. tableau 1). Les pays émergeants ont également gagné en importance Au cours des quinze dernières années environ, le avec la croissance des importations chinoises, le commerce international de l’agriculture, hors flux renforcement du Brésil en tant qu’exportateur clé intra-européens, a presque triplé pour atteindre mille et la participation accrue de l’Inde dont la part des milliards de dollars américains. Bien que le commerce importations internationales a doublé au cours de la soit surtout concentré autour de six acteurs clés même période et dont l’excédent commercial net (l’Europe, les États-Unis, le Japon, l’Inde, la Chine était de 9 milliards de dollars américains2. Tableau 1. Les échanges agricoles internationaux : évolution au cours des dix dernières années Moyenne annuelle des échanges 2002-04 : 2011-13 : agricoles internationaux (hors 325 914 907 507 commerce intra-européen). Millions de USD. PART DES EXPORTATIONS Part des exportations Part des importations INTERNATIONALES internationales internationales 2002–04 2011–13 2002–04 2011–13 BRÉSIL 6.9% 9.0% 1.0% 1.2% CHINE 4.8% 4.3% 5.3% 11.1% EU28 16.3% 15.1% 22.3% 16.1% INDE 1.7% 2.9% 1.0% 2.0% JAPON 0.5% 0.4% 11.6% 7.1% ÉTATS-UNIS 18.8% 15.8% 16.8% 12.3% SOUS-TOTAL 49.0% 47.5% 58.0% 49.9% Source : Laborde, D. 2014. « Implications of the Draft Market Access Modalities on Bound and Applied Tariffs » dans Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. Au cours des décennies à venir, avec la croissance avec des exportations stables. La forte croissance de la population urbaine et les changements de la population en Afrique donnera lieu à une de régimes alimentaires associés, l’évolution augmentation des importations d’aliments, mais la de la demande risque d’avoir encore plus demande la plus importante viendra d’Asie où on d’impact sur l’orientation et la géographie des s’attend à voir un déficit des échanges pour toutes flux commerciaux. On estime qu’un milliard de les marchandises sauf le riz, les huiles végétales personnes supplémentaires rejoindront la « classe et le poisson en 2023. L’Inde continuera d’être un moyenne » en 2020, s’ajoutant aux 1,8 milliards des principaux exportateurs de céréales et de riz de 20103. D’après les Perspectives agricoles de et le sera probablement aussi pour la viande et le l’OCDE et de la FAO, les Amériques vont renforcer coton ; elle continuera donc d’avoir un surplus des leur position de principale région d’exportation, échanges pour les produits agricoles. à la fois au niveau de la valeur et du volume. La croissance est surtout alimentée par l’augmentation Ces tendances pourraient créer de nouvelles tensions des exportations de marchandises de haute commerciales et, dans l’ensemble, accentuer valeur comme la viande, l’éthanol, le sucre, les le besoin d’un système commercial multilatéral oléagineux et le coton, en réponse aux fluctuations fort, prévisible et équitable. Elles montrent de la demande. L’Europe de l’ouest aura, en également une tendance à l’augmentation des moyenne, un déficit des échanges commerciaux flux commerciaux, en particulier les exportations 2 Cf. Laborde, D. 2014. « Implications of the Draft Market Access Modalities on Bound and Applied Tariffs » dans l’ouvrage de l’ICTSD Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 3 Cf. Ernst & Young. 2013. « Hitting the sweet spot. The growth of the middle class in emerging markets » http://www.ey.com/ Publication/vwLUAssets/Hitting_the_sweet_spot/$FILE/Hitting_the_sweet_spot.pdf. 2 Les négociations sur l’agriculture après Bali : Octobre 2014 le défi de mise à jour des règles internationales de commerce
provenant de pays émergents, quelles que soient les a fallu éliminer sur les marchés internationaux, conditions d’accès au marché. En effet, les régions souvent avec l’aide de subventions à l’exportation qui verront une augmentation assez importante qui ont eu pour effet de contribuer à renforcer la de leur classe moyenne sont aussi celles qui baisse des prix internationaux4. augmenteront significativement leurs importations nettes pour la plupart des marchandises. Dans les pays en développement, le faible niveau et la volatilité des prix ont eu un effet dissuasif sur D’un système d’échanges agricoles limité par la l’investissement agricole, ce qui a souvent donné demande vers un système limité par l’offre ? lieu à une baisse de la production agricole interne tout en faisant évoluer les modes de consommation Par le passé, les marchés agricoles ont été vers des aliments moins chers bénéficiant de caractérisés par une tendance sur le long terme subventions à l’importation. En général, ces vers la baisse des prix réels. Les avantages de politiques ont aidé les pays importateurs nets de l’augmentation de la productivité et de la baisse denrées alimentaires ayant une capacité d’offre des frais de production étaient transmis aux clients, interne limitée, un faible niveau de devises augmentant ainsi la consommation de calories par étrangères disponibles et d’importantes populations personne et réduisant le pourcentage, voire le urbaines. Cependant, elles ont affaibli la capacité nombre absolu, de personnes souffrantes de la faim des exportateurs agricoles efficaces ainsi que des chronique. Cette abondance de l’offre exerçait une pays avec un potentiel de production alimentaire pression descendante sur les prix des aliments et, non exploité (surtout en Afrique subsaharienne) ainsi, sur les revenus des fermiers. En réaction, les à nourrir leurs propres populations et, sur le décideurs politiques, en particulier dans les pays long terme, elles ont étouffé la croissance de la de l’OCDE, ont eu recours à différentes formes de productivité interne5. soutien des prix, de programmes de stock régulateur ou de programmes de mise en gel des terres. Bien Au cours des cinq dernières années, en revanche, que ces mesures aient atteint leurs objectifs plusieurs marchandises agricoles ont vu une recherchés au niveau national, l’emploi constant flambée des prix et de la volatilité. On peut soutenir de soutien interne ayant un effet de distorsion que les marchés pour certaines marchandises associé à une protection élevée des frontières a agricoles ont toujours fait preuve d’une volatilité exercé encore plus de pressions descendantes sur importante6. Cependant, l’échelle et la fréquence les prix internationaux et les a rendus encore plus des flambées de prix qui ont eu lieu en 2007-08 et volatiles. Cela a également créé des surplus qu’il se sont reproduits en 2010-11 et 2012 étaient telles 4 Cf. Schmidhuber, J. et Meyer, S. 2014. « Has the Treadmill Changed Direction? WTO Negotiations in the Light of a Potential New Global Agricultural Market Environment » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 5 Ibid. 6 Cette tendance est encore plus prononcée pour les marchandises dont les marchés internationaux ont tendance à être « étroits » et ne représentent qu’un faible pourcentage de la production internationale. 3
qu’elles ont attiré beaucoup d’attention politique, s’il faut réexaminer le programme négocié dans jusqu’au plus haut niveau du gouvernement. Ces le cadre du PDD non seulement afin de traiter flambées semblent être la conséquence immédiate les distorsions commerciales qui exercent une des baisses de production liées à la météo dans les pression descendante sur les prix internationaux principales régions de production, dans un contexte mais également pour introduire des disciplines de prix élevés de l’énergie, d’une demande en contraignantes pour aider à réduire la hausse des croissance continue du fait de l’augmentation des prix internationaux et la volatilité excessive des revenus moyens et du niveau de croissance de prix. productivité faible dans de nombreuses régions du monde. Bien que l’on ne puisse pas nécessairement L’évolution des politiques internes considérer que des cas isolés de phénomènes météorologiques extrêmes fassent partie d’une Les politiques internes ont également évolué tendance sur le long terme, il est aussi clair que le en réponse aux changements internationaux changement climatique risque de faire augmenter au niveau du système d’alimentation mondial. l’incidence de tels événements à l’avenir, ce qui Comme le décrivent Hepburn et Bellmann, des suggère que les marchés pourraient continuer à groupes environnementaux dans l’UE ont mené être caractérisés par des prix volatiles et assez une campagne tenace pour réformer la Politique élevés. Par ailleurs, le niveau constamment élevé agricole commune (PAC) afin de fournir « de des prix de l’énergie et les politiques promouvant l’argent public pour les marchandises publiques ». l’emploi de produits agricoles pour la production La nouvelle PAC obligerait les agriculteurs à de biocombustibles ont créé un lien direct entre le respecter de nouvelles règles environnementales prix de l’énergie et le prix des denrées alimentaires, s’ils veulent recevoir des aides. Cependant, bien transformant ainsi la dynamique du commerce et que le bloc ait réussi à orienter les politiques vers de la production alimentaire7. des aides agricoles qui ont un effet de distorsion plus réduit, les circonscriptions qui ont cherché Sur le court terme, les pays à déficit alimentaire à inverser la tendance de « découplage » mise en et à faibles revenus souffrent particulièrement place par une série de réformes précédentes n’ont des conséquences de ces flambées. Par le obtenu qu’un demi-succès, notamment à cause passé, l’augmentation du coût des importations des pressions fiscales sur les membres de l’UE à la alimentaires venait surtout de l’augmentation des suite du ralentissement économique de 2008 et de quantités importées. Au contraire, au cours des la crise dans la zone euro9. En effet, Tangermann dernières années, l’augmentation des prix a eu soutient que la réforme de la PAC en 2013 avait encore plus d’effet sur les factures d’importations très peu, voire rien, à voir avec les négociations en alimentaires8. Sur le long terme, si cette tendance cours au niveau du système d’échanges multilatéral, vers un monde plus limité par l’offre se confirme, contrairement aux autres réformes depuis 1992 cela pourrait avoir des conséquences encore plus qui ont toutes contenu des éléments cherchant à profondes pour la gouvernance du commerce améliorer la participation constructive de l’UE dans agricole international. Pour l’essentiel, les les négociations du GATT et de l’OMC. L’accès au négociations du PDD se concentrent surtout sur la marché n’a vu aucune amélioration. La subvention protection des producteurs, tandis que les mesures des exportations est toujours possible, bien qu’elle de protection des consommateurs n’ont pas encore ne soit pas utilisée actuellement. En ce qui concerne reçu l’attention qu’elles méritent peut-être avec le le soutien interne, les réformes passées de la PAC passage à un nouveau contexte de marché. Compte avaient créé tellement de possibilités pour l’UE que tenu de cette situation, on peut se demander l’on ne ressent aucune pression de ce côté. 7 Cf. Schmidhuber, J. et Meyer, S. 2014. « Has the Treadmill Changed Direction? WTO Negotiations in the Light of a Potential New Global Agricultural Market Environment » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 8 Cf. Konandreas, P. 2014. « Challenges Facing Poor Food-importing Countries: Can WTO Disciplines Help » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. En ce qui concerne les PMA, bien que le volume agrégé des importations commerciales de céréales ait presque triplé entre le début des années 1990 et le début des années 2010, la facture des importations de céréales a été multipliée par six au cours de la même période. Les PDINPA ont également vu la facture des importations de céréales augmenter soudainement, puisque le volume a augmenté de près de 70 pourcent et que la facture des importations de céréales a presque quadruplé. 9 SCf. Tangermann, S. 2014. « The EU CAP Reform: Implications for Doha Negotiations » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 4 Les négociations sur l’agriculture après Bali : Octobre 2014 le défi de mise à jour des règles internationales de commerce
Les programmes d’aides agricoles chinoises, en croissance rapide, semblent avoir été en partie conçus pour corriger des problèmes causés par un sous investissement traditionnel dans le secteur agricole hérité d’une tendance à imposer l’agriculture au lieu de la subventionner qui a perduré jusqu’à récemment, comme c’est le cas pour de nombreux pays en développement. Les aides semblent aussi se concentrer sur la réduction des énormes disparités croissantes entre les revenus urbains et ruraux. Même si, en termes absolus, les aides agricoles en Chine sont environ au même niveau que les aides agricoles européennes, les aides agricoles chinoises sont particulièrement axées sur le financement des « services généraux » comme l’infrastructure. Par ailleurs, une partie des aides sont également fournies en tant que paiements découplés sur la base du niveau historique des subventions. Puisque les dispositions Aux États-Unis, la nouvelle loi sur l’agriculture précises pour la prestation de ce type d’aide de 2014 supprime les paiements directs aux varient en fonction des provinces, le niveau réel du producteurs, que beaucoup considéraient découplage semble varier, et les aides au niveau impossibles à justifier d’un point de vue politique des différentes régions administratives sont liées à la production d’une ou plusieurs cultures stables. puisque les prix élevés ont remonté les revenus des agriculteurs à des niveaux sans précédent. Les aides agricoles internes indiennes ont également Pour les remplacer, Washington a introduit des augmenté de manière importante au cours des programmes d’assurance subventionnés pour le dernières années. Elles mettent particulièrement prix et les revenus qui s’inspirent en grande partie l’accent sur les subventions aux intrants et aux du modèle des anciens paiements contracycliques investissements dans les pays en développement et du programme de revenus de l’Average Crop (dans le cadre de l’article 6.2 de l’Accord sur Revenue Programme qui avait été mis en place dans l’Agriculture qui protège les subventions pour les le cadre de la Farm Bill précédente10. Puisqu’il est engrais, l’irrigation, l’électricité et les graines). fort probable que ces nouveaux programmes soient L’achat d’aliments à des prix administrés a classés « oranges » alors que les paiements directs également une place importante dans le cadre de étaient « verts », il semble que le gouvernement la politique générale du pays, avec l’augmentation s’éloigne de la logique d’un découplage progressif des risques de dépasser les plafonds des aides des aides de la production qui avait été inscrit de minimis ayant un effet de distorsion, comme à la fin du cycle de l’Uruguay dans l’Accord sur le montre la controverse actuelle sur les stocks l’Agriculture de l’OMC. Smith soutient que, dans publics. ce nouveau contexte, les États-Unis risquent d’avoir des difficultés à garder des paiements liés Des accords commerciaux mégarégionaux posent à certaines cultures en particulier dans leur limite les bases pour un nouveau développement d’exemption de minimis de 2,5 pourcent après Doha. Par exemple, pour la plupart des cultures, Une autre caractéristique marquante des les aides aux primes d’assurance sont d’environ transformations récentes du commerce 4 pourcent de la valeur marchande totale de la international est l’émergence des négociations culture. sur le libre échange dites « mégarégionales ». Les 10 Cf. Smith, V. 2014. The 2014 US Farm Bill: Implications for the WTO Doha Round in a Post-Bali Context » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 5
accords commerciaux régionaux (ACR) ne sont droits de douane que les ACR Nord-Sud. Un autre pas un phénomène nouveau, mais les initiatives domaine où les mesures OMC-plus les plus étendues mégarégionales les plus récentes se font à une ont eu lieu est celui des mesures à l’exportation. toute autre échelle. Les trois plus grandes « méga » En temps voulu, ce domaine pourrait être propice initiatives, le Partenariat transatlantique de à la mise en place d’efforts multilatéraux. commerce et d’investissement (TTIP), l’Accord de De nombreux ACR ont pris des engagements partenariat transpacifique (TPP) et la coopération concernant les taxes à l’exportation qui vont régionale en Asie et dans le Pacifique (RCEP), plus loin que ceux de l’OMC. Ces instruments représentent plus de trois quarts du PIB mondial et s’appliquent souvent aux matières premières deux tiers du commerce international. De ce fait, et à d’autres produits agricoles (notamment elles élaborent de façon efficace la feuille de route les céréales de base, les oléagineux...). Il pour les régimes de réglementation commerciale convient de noter que l’approche régionale aux à venir, avec des résultats qui comprennent une flexibilités des disciplines a été d’imposer une intégration plus profonde ainsi que des disciplines série de conditions sur l’emploi d’exceptions afin OMC-plus ou la libéralisation. d’éviter qu’elles ne nuisent aux autres membres ou modifient les prix internationaux lorsque des D’après Ash et Lejarraga, le régionalisme pourrait mesures à l’exportation sont mises en place. Un naturellement évoluer vers un système multilatéral grand nombre d’ACR contiennent également des complet. Il pourrait également être souhaitable dispositions interdisant l’utilisation de subventions de mener une étude plus explicite des options qui à l’exportation des produits agricoles au niveau du pourraient permettre de faire évoluer certaines commerce régional12. pratiques émergentes vers un cadre réglementaire plus international. En effet, la promotion de Enfin, en ce qui concerne les normes, en l’uniformité et de la cohérence au niveau des particulier les mesures SPS et OTC, la plupart des négociations mégarégionales et une étude sur la exigences de l’OMC concernent l’amélioration de façon d’optimiser les synergies avec le régime la transparence. Les ACR ont permis d’introduire multilatéral pourraient permettre de réduire de nouvelles obligations qui renforcent les les coûts de transaction pour les entreprises, exigences de transparence ex ante et ex post simplifiant ainsi le labyrinthe des régimes pour les pour la conception et l’application de normes décideurs politiques et maximisant la prospérité et la mise en place de meilleurs systèmes mondiale. L’examen des leçons et des meilleures d’information électroniques et de processus de pratiques émergeantes au niveau régional pourrait consultation qui prennent en compte les parties ainsi éclairer des options pour des progrès étrangères intéressées. Puisque la transparence multilatéraux11. Cela ne veut pas dire que cet montre les caractéristiques des marchandises engagement serait simplement reproduit dans le publiques (la non-exclusion et la non-rivalité), système d’échanges multilatéral. Un tel processus il semble probable que, au moins d’un point de devrait absolument prendre en compte les intérêts vue purement technique, le fait d’étendre ces et les préoccupations d’autres membres de l’OMC, engagements au niveau multilatéral n’implique en commençant par les pays à faibles revenus qui pas de frais économiques supplémentaires pour ne participent pas à ces négociations. les pays qui les ont déjà mis en œuvre au niveau unilatéral ou régional13. L’élimination des droits de douane a été au cœur des efforts de l’OMC-plus en matière d’agriculture, 2. Le chemin à suivre : des ce qui a permis d’obtenir des progrès importants au éléments possibles d’un niveau de l’élimination des droits sur les produits programme après Bali agricoles au-delà des concessions multilatérales existantes. Il est intéressant de noter que les ACR En gardant en tête ces changements radicaux, Sud-Sud ont fait plus de progrès, et des progrès on peut envisager plusieurs options pour plus rapides, au niveau de la suppression des l’élaboration d’un programme pertinent après 11 Ibid. 12 Ibid. 13 Ibid. 6 Les négociations sur l’agriculture après Bali : Octobre 2014 le défi de mise à jour des règles internationales de commerce
Figure 1. Conséquences des modalités du PDD sur les tarifs douaniers agricoles de l’OMC Conséquences possibles des taux appliqués pondérés par les échanges sur les importations (y compris les régimes préférentiels) Source : Laborde, D. 2014. « Implications of the Draft Market Access Modalities on Bound and Applied Tariffs » dans Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. Bali. Afin d’obtenir des résultats plus pertinents pourcent en moyenne en 2001 à 18,7 pourcent au niveau des négociations agricoles, il ne faut pas en 2010, et les droits de douane appliqués (y oublier qu’il faudra traiter un ensemble important compris les droits préférentiels) sont passés de de questions, y compris dans d’autres domaines 15,8 pourcent à 13,8 pourcent. Cette baisse des de négociation, en commençant par les MAAN. droits NPF appliqués était particulièrement forte Ensuite, compte tenu des divergences d’opinions pour les pays en développement, passant de 31,1 parmi les membres de l’OMC, le partage d’idées pourcent en moyenne à 23,2 pourcent, alors que et l’étude de nouvelles options seront nécessaires les droits préférentiels appliqués sont descendus à pour dépasser l’impasse actuelle. Enfin, toute 19,8 pourcent en 201015. réflexion sur le chemin à venir doit prendre en compte le fait qu’un texte du président actuel est Malgré cela, Laborde pense que 50 pourcent à l’examen et qu’un certain nombre de membres des acquis internationaux en matière d’accès veulent le prendre comme cadre de référence alors au marché et de réformes du PDD sur le soutien que d’autres veulent l’aborder avec flexibilité. interne viendront du secteur agricole. Grâce au Une méthode possible est d’essayer d’identifier processus de réforme de l’agriculture, 89 pourcent les éléments clés à traiter pour apporter un des acquis viendront de l’échange de concessions engagement et une dynamique renouvelés aux concernant l’accès au marché à travers une baisse négociations14. des droits de douane. L’accès au marché La Déclaration de Doha adoptée en 2001 présente clairement un programme ambitieux pour répondre Depuis le début du Cycle de Doha, les conditions aux principales distorsions du commerce mondial, d’accès au marché ont été caractérisées par en particulier pour les marchés agricoles16. Si la baisse des droits de douane appliqués, le les formules étaient appliquées sans exception, résultat de la libéralisation unilatérale ainsi que les taux appliqués baisseraient de plus de 50 des accords commerciaux régionaux. À l’échelle pourcent, passant de 15,5 pourcent à 7,5 pourcent mondiale, les droits NPF sont passés de 24,6 pour les pays développés et de 13,3 pourcent à 14 Cf. Singh, H. V. 2014. « WTO Agriculture Negotiations: The Way Ahead » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 15 Cf. Bureau, J-C et J. Sébastien. 2013. « Do Yesterday’s Disciplines Fit Today’s Farm Trade? Challenges and Possible Adjustments for the Multilateral Trading System ». Article écrit pour l’Initiative E15 de l’ICTSD. 16 Cf. Laborde, D. 2014. « Implications of the Draft Market Access Modalities on Bound and Applied Tariffs » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 7
11,3 pourcent pour les pays en développement qui Dans l’ensemble, il n’est pas facile de trouver un ne font pas partie des « pays les moins avancés » juste milieu entre les contraintes politiques et (PMA)17. En revanche, cette même ambition a l’ambition originale du Cycle. Laborde considère rendu les négociations plus compliquées que prévu. que l’on pourrait beaucoup réduire le coût Poussés par le besoin de trouver un accord qui soit politique d’un accord pour augmenter l’accès au accepté par les parties intéressées nationales, marché en utilisant une approche proportionnelle les négociateurs ont atténué les disciplines en au lieu des formules de réduction progressive introduisant des flexibilités qui ont éliminé la des droits de douane. Comme le souligne Singh, motivation pour conclure rapidement le Cycle. la note 2 du bas de page du texte du président Ces flexibilités (c’est-à-dire les produits sensibles d’août 2007 contenait déjà une approche similaire et les produits spéciaux) divisent plus de deux fois en suggérant une réduction générale de 36 les réductions internationales des droits de douane pourcent avec une baisse minimum de 15 pourcent et touchent particulièrement les pays industriels pour chaque ligne, selon le modèle du Cycle de où les réductions passent de 8,0 à 4,4 points de l’Uruguay19. Sinon, Singh soutient qu’accomplir pourcentage. Au contraire, pour les pays à revenus plus de progrès au niveau des mégas ALE pourrait faibles et moyens qui ne font pas partie des PMA, faciliter un engagement plus poussé, en particulier les réductions baissent de 2,0 à 0,1 points de si on prend en compte les tendances attendues au pourcentage. En revanche, la moyenne des droits niveau des importations à la suite de la croissance agricoles appliqués de l’UE, les États-Unis et le de la classe moyenne dans les pays émergeants. Japon baisse quand même de 26 pourcent, un chiffre Si les membres de l’OMC prenaient en compte impressionnant si on considère qu’une grande partie cette réalité et s’en servaient pour développer ce des importations se font dans le cadre d’accords qui semble avoir été un consensus précédent sur préférentiels. Bien que le Brésil et l’Inde n’aient pas des questions comme les concessions d’accès au à mettre en place des réductions effectives, la Chine marché de l’Inde, ils pourraient peut-être mettre (qui n’a presque pas d’excédent de consolidation) en place une base de départ leur permettant devra quand même baisser les taux appliqués, même d’aller plus en avant, par exemple en étudiant la après avoir utilisé toutes les flexibilités18. possibilité d’introduire des contingents tarifaires Figure 2. Les aides qui ne relèvent pas de la catégorie verte sont en baisse pour les grands pays 17 C’est en partie à cause des caractéristiques principales de la formule elle-même (c’est à dire des réductions moins importantes et des limites de niveau plus élevées) et de l’excédent de consolidation de nombreux pays en développement (l’écart entre le taux maximal des droits « consolidés » et le taux réel appliqué). 18 Cf. Laborde, D. 2014. Implications of the Draft Market Access Modalities on Bound and Applied Tariffs » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 19 La note de bas de page disait : « En attendant l’accord final sur cet aspect des modalités, les Membres souhaiteront peut-être continuer d’examiner l’approche à laquelle il est fait allusion dans le document du Président sur les défis, selon laquelle une approche fondamentale analogue au Cycle d’Uruguay pourrait être un abaissement global pour les pays en développement Membres de 36 pour cent avec un abaissement minimal de 15 pour cent pour chaque ligne... » 8 Les négociations sur l’agriculture après Bali : Octobre 2014 le défi de mise à jour des règles internationales de commerce
Figure 3. En revanche, les aides qui ne relèvent pas de la catégorie verte ont augmenté au Brésil, en Chine, en Inde et en Indonésie Source : Brink, L. 2014. « Evolution of Trade-distorting Domestic Support » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. pour certains produits en Chine dans le cadre d’un ce qui renforce les demandes pour le maintien accord plus large. d’un instrument simple, robuste et efficace dans le cadre d’un éventuel accord de Doha. Par Une autre question essentielle concerne le ailleurs, les prix pourraient baisser à l’avenir ; mécanisme de sauvegarde spéciale (MSS). Ici, il serait donc important pour de nombreux pays Morrison et Mermigkas montrent que la fréquence en développement de garder un tel « mécanisme des « pics d’importation » a beaucoup changé d’assurance ». Cette analyse suggère que les profils depuis le début des années 2000, reflétant le d’importation, et par là l’efficacité des différents passage d’un contexte de prix bas et assez stables seuils, peuvent beaucoup varier en fonction à un nouveau contexte de marché avec des prix des groupements de pays. Compte tenu de leur plus élevés et peut-être plus volatiles. Bien que, dépendance assez importante sur l’importation de comme on pouvait s’y attendre, les baisses de prix produits alimentaires en tant que proportion de la soient revenues à zéro pour la plupart des groupes consommation totale, des pics au niveau des PMA de marchandises étudiés entre 2004 et 2011, on ou des « petites économies vulnérables » (PEV) remarque que la fréquence des pics de volume risquent moins de créer une déviation importante a également beaucoup baissée. Cependant, la par rapport à la moyenne mobile. Pour ces pays, baisse de la fréquence des pics de volume reflète un seuil de volume plus sensible (plus bas) pourrait une augmentation importante des importations à être mieux adapté21. un taux plus constant et ne vient pas des niveaux d’importation ou des taux de croissance des Soutien interne importations plus faibles20. Néanmoins, cette réalité ne doit pas suggérer que l’on n’a pas Après leur diminution, les versements de soutien besoin de MSS. Comme nous l’avons dit plus tôt, interne qui ne relèvent pas de la catégorie verte les prix d’aujourd’hui ont tendance à être plus en Europe, aux États-Unis et au Japon se trouvent volatiles et on s’attend à ce que cela perdure, à présent entre 5 et 8 pourcent de la valeur de la 20 Cf. Morrison, J. et Mermigkas, G. 2014 « Import Surges and the Special Safeguard Mechanism in a Changing Global Market Context » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 21 Ibid. 9
production, un niveau bien plus bas que celui de avaient augmenté les aides qui ne relèvent pas de la période de base 1986-88 du Cycle de l’Uruguay la catégorie verte pour atteindre 2 à 4 pourcent (cf. figure 2). D’après Brink, les baisses au niveau de la valeur de la production agricole, et l’Inde des aides qui ne relèvent pas de la catégorie verte était passée à 16 pourcent (cf. figure 3). Le niveau s’expliquent par des changements politiques, du Brésil a atteint les 5 pourcent en 2010 avant de certains au niveau des prix administrés, ce qui a baisser. En raison de cette évolution, Brink pense réduit le soutien mesuré (ex. le Japon) ou l’a fait que le niveau des aides qui ne relèvent pas de passer dans la catégorie verte (ex. l’UE), tandis que la catégorie verte exprimés en pourcentage de la certains versements ont baissé avec la hausse des valeur de la production se recoupe maintenant prix du marché (ex. les États-Unis). Au contraire, beaucoup pour les grands pays développés et les le Brésil, la Chine, l’Inde et l’Indonésie ont un grands pays en développement22. schéma récurrent d’augmentations sur le long terme. Cependant, au cours des deux dernières Comme nous l’avons souligné ci-dessus, à cause du années communiquées, le Brésil, l’Inde et marché et de la situation politique actuelle, les l’Indonésie ont enregistré des chutes importantes. États-Unis pourraient fournir un niveau de soutien Toutes les aides indonésiennes qui ne relèvent plus élevé que celui débattu précédemment lors pas de la catégorie verte, presque toutes celles des négociations23. Cependant, certains pays de l’Inde et un tiers de celles du Brésil sont des exportateurs agricoles sont réticents à l’idée subventions dans le cadre de l’article 6.2. Il s’agit d’alléger les projets de disciplines proposés pour de subventions aux intrants (Indonésie), surtout les États-Unis ; ils aimeraient également voir de subventions aux intrants (Inde) ou surtout de des exigences plus sévères mises en place pour subventions aux investissements (Brésil). La Chine le soutien interne en Chine et en Inde. En même ne peut pas bénéficier de l’exemption de l’article temps, ces pays et d’autres pays en développement 6.2. En 2008, le Brésil, la Chine et l’Indonésie s’opposent à d’autres changements qui réduiraient 22 Cf. Brink, L. 2014 « Evolution of Trade-distorting Domestic Support » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 23 Cf. Smith, V. 2014. « The 2014 US Farm Bill: Implications for the WTO Doha Round in a Post-Bali Context » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 10 Les négociations sur l’agriculture après Bali : Octobre 2014 le défi de mise à jour des règles internationales de commerce
les options de politique interne dont ils peuvent S’appuyant sur une série de simulations qui profiter dans le cadre du projet de texte actuel24. couvrent un groupe de pays utilisant actuellement de telles méthodes, son analyse semble indiquer Pour concilier ces points de vue, il faudrait que les pays pourraient fixer une limite à la portée des approches innovantes. En ce sens, Singh de leur programme de soutien des prix, comme propose certaines pistes, dont la possibilité de le suggère la décision du tribunal d’appel dans changements au niveau de la période de référence le cas du bœuf coréen25. Cela pourrait être une pour le soutien interne ayant un effet de distorsion approche pratique à adopter si les pays veulent (SIED). Ces changements pourraient être associés maintenir leurs programmes de soutien des prix à une quantité de SIED qui augmenterait si le mais n’ont pas l’intention d’absorber une grande pays qui fournit le soutien doit faire face à partie de leur production interne. Ce faisant, une augmentation des importations (comme les pays pourraient ne prendre en compte que la un mécanisme de sauvegarde). D’autres pistes quantité réellement achetée de manière légitime pourraient s’inspirer des idées (pas des disciplines et ainsi maintenir leur mesure globale de soutien en particulier) qui soutiennent les flexibilités (MGS) en deçà du plafond de minimis de 10 contenues dans l’annexe VII et l’article 27.4 pourcent. Cette option n’obligerait pas à modifier de l’accord sur les subventions et les mesures les règles existantes et permettrait même aux compensatoires. Par exemple, les négociateurs pays d’augmenter leur volume d’achats26. pourraient réfléchir à la possibilité d’un consensus autour d’un modèle qui garderait les niveaux de Si cette option ne répond pas aux préoccupations minimis proposés dans le dernier projet de texte de certains pays, une des alternatives les moins pour les plus grands pays en développement tant controversées serait de permettre l’emploi de qu’un certain seuil, défini en termes absolus, dollars américains pour communiquer les prix et n’est pas franchi. Cela pourrait être associé à une les valeurs monétaires pour le calcul de la MGS et longue période de mise en œuvre et la suppression de ne faire correspondre la production « éligible progressive du soutien ayant un effet de distorsion » qu’à la partie de la production locale qui est pour atteindre un niveau convenu plus bas. Ces vraiment mise sur le marché. Une troisième option flexibilités pour les pays émergeants pourraient serait d’exempter certains pays en développement être associées à une augmentation du SIED pour des plafonds de minimis si leurs achats réels les pays développés. Par exemple, si le projet de ne dépassent pas un certain pourcentage de la texte augmente le SIED des pays développés de 10 production locale. Cela pourrait permettre de pourcent, les conditions actuelles du soutien de répondre aux préoccupations des pays avec de minimis ne changeraient pas pour les grands pays petits programmes d’achat qui ne contribuent pas en développement. Cependant, si le SIED des pays beaucoup aux distorsions du marché. Enfin, on développés n’augmente pas, on pourrait envisager pourrait aussi étudier d’autres possibilités, comme une baisse de 10 pourcent du niveau de minimis redéfinir le prix de référence extérieur (ex. en du soutien des pays en développement si ces utilisant une moyenne mobile sur trois ou cinq membres franchissent un seuil défini en termes ans pour les prix internationaux) ou prendre en absolus. compte l’inflation à travers l’emploi d’indices de prix à la production. Cependant, ce chemin risque En ce qui concerne l’emploi de prix administrés d’être difficile à suivre puisqu’il est contraire à pour l’achat de produits alimentaires pour les la nature « fixe » des prix de référence. Enfin, stocks publics, Montemayor étudie les options les pays en développement ont la possibilité de possibles pour une solution permanente qui convertir leurs programmes d’achats en mesures pourrait répondre aux préoccupations des pays relevant de la catégorie verte en supprimant les qui risquent de dépasser leurs plafonds de minimis prix administrés et en se contenant d’acheter les ainsi que celles de leurs partenaires commerciaux. produits alimentaires au prix du marché27. Les 24 Cf. Singh, H. V. 2014. « WTO Agriculture Negotiations: The Way Ahead » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 25 DS161. Corée — Mesures affectant les importations de viande de bœuf fraîche, réfrigérée et congelée. 26 Cf. Montemayor, R. 2014. « Market Price Support in Large Developing Countries » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 27 Ibid. 11
de côté les mesures ayant un effet de distorsion, les études ont montré que même les politiques qui semblent le plus « découplées » ont tout de même un effet sur le commerce. Par ailleurs, avec l’augmentation rapide des dépenses relevant de la catégorie verte dans certaines parties du monde, même un faible impact commercial par dollar risque de ne plus être faible s’il est multiplié par une importante quantité de dollars. Le projet de texte « sur les modalités » de 2008 contient un certain nombre de propositions visant à renforcer ou à redéfinir les critères existants en fonction de l’expérience accumulée jusqu’ici. Il faudrait les poursuivre et les mettre en œuvre dans un ensemble de Doha possible. Cependant, la question de savoir si une mesure en particulier a un effet plus que minime sur le commerce et la membres de l’OMC pourraient aussi décider que, si production est une question empirique que l’on le prix administré se trouve au même niveau ou en ne peut pas évaluer ex ante. Sur le long terme, il dessous du prix du marché, il ne sera pas considéré serait peut-être utile d’envisager des approches comme étant un soutien de prix et pourra ainsi différentes. Comme l’ont souligné Hepburn et être considéré comme étant compatible avec la Bellmann, une approche possible serait de faire la catégorie verte. différence entre des « versements pour des biens publics » et un « soutien au revenu ». Les mesures qui Mesures relevant de la « catégorie verte » cherchent à corriger des défaillances persistantes du marché ou à assurer la provision de biens Comme nous l’avons souligne ci-dessus, depuis publics, comme la conservation de la biodiversité, la fin du Cycle de l’Uruguay, les fournisseurs l’atténuation du changement climatique, le traditionnels de soutien agricole ont réduit développement de l’infrastructure ou la recherche le soutien ayant un effet de distorsion, une et le développement, pourraient demander une décision qui est souvent accompagnée par une intervention du gouvernement sur le long terme. augmentation proportionnelle des subventions Même si ces politiques n’avaient qu’un effet limité relevant de la catégorie verte. En même temps, le sur la production et le commerce, il n’y aurait soutien relevant de la catégorie verte augmente de aucune logique évidente pour les contraindre tant manière constante pour un certain nombre de pays que ces défaillances du marché persistent. D’un « émergeants » comme la Chine ou l’Inde. Ainsi, autre côté, les mesures qui cherchent surtout à les versements relevant de la catégorie verte sont apporter un soutien au revenu aux agriculteurs aujourd’hui de loin la partie la plus importante pourraient avoir besoin d’une forme de limite ou des aides agricoles, bien que la composition des de plafond. Bien qu’elles puissent jouer un rôle versements varie fortement entre les membres de clé pour faciliter les réformes en compensant les l’OMC28. Puisque de plus en plus de subventions effets négatifs sur le revenu causés par la baisse sont classées comme relevant de la catégorie des mesures ayant le plus d’effet de distorsion, verte, le fait que la catégorie n’ait pas d’effet de elles ne devraient probablement pas être fournies distorsion est devenu plus important. Alors que les de manière permanente mais plutôt être limitées architectes de l’Accord sur l’Agriculture voulaient dans le temps. Limiter ces versements permettrait visiblement encourager les gouvernements à laisser d’atténuer les préoccupations concernant le 28 Par exemple, une grande partie du soutien de l’UE se fait sous forme de versement direct, surtout à travers l’aide découplée au revenu, tandis que les États-Unis privilégient l’aide alimentaire intérieure, notamment à travers leur programme de bons alimentaires. La Chine, en revanche, met beaucoup plus l’accent sur les services d’infrastructure, les services d’extension, la recherche et la lutte contre les animaux nuisibles et les maladies, tandis que l’Inde donne la priorité aux stocks publics pour la sécurité alimentaire. 12 Les négociations sur l’agriculture après Bali : Octobre 2014 le défi de mise à jour des règles internationales de commerce
transfert d’une catégorie à l’autre tout en en particulier comme le blé, le maïs ou le soja. apportant plus de parité entre les gouvernements D’autres modifications pourraient être nécessaires qui ont des recettes budgétaires importantes et pour les ECE des pays en développement31. Il ceux qui n’en ont pas29. faudrait peut-être également mettre en place des réformes pour augmenter la transparence et La concurrence à l’exportation : un compromis améliorer les notifications à l’OMC pour les ECE possible qui ne sont pas exploitées selon des modalités commerciales mais qui revendiquent quand D’après Diaz Bonilla et Harris, en général, les même le « secret commercial ». Enfin, il faudrait subventions à l’exportation sont en baisse, même également étudier plus en profondeur le besoin de si près de 500 millions de dollars américains de couvrir les ECE importatrices32. subventions à l’exportation étaient encore en place en 2001-12, surtout dans l’UE, au Canada et en En ce qui concerne l’aide alimentaire, Clay parle Suisse. En même temps, 20 membres de l’OMC ont de l’émergence d’un nouvel environnement signalé l’existence de 77 entreprises commerciales politique pour l’aide et l’assistance alimentaire d’État (ECE)30. Alors que certaines des grandes internationale puisque les pays développés et les ECE d’exportation agricole qui étaient exploitées pays en développement continuent à reformuler le par les pays développés ont été réformées ou sont programme de la sécurité alimentaire après la crise en train d’être réformées (comme la Commission mondiale. Cependant, l’aide alimentaire semble canadienne du blé), il semble y avoir plus d’ECE être de moins en moins capable de répondre aux dans les pays en développement. risques graves d’insécurité alimentaire ou de les gérer, notamment à cause de son déclin. Dans ce La baisse de l’utilisation de subventions à contexte, Clay suggère qu’une « catégorie sûre » l’exportation offre visiblement la possibilité simplifiée pourrait permettre d’éviter une aide d’harmoniser enfin le traitement des subventions humanitaire urgente imminente. Deuxièmement, à l’exportation, en éliminant le traitement il faut trouver un juste milieu entre faciliter la spécial de l’Accord sur l’Agriculture. Le projet sécurité alimentaire nationale, surtout pour les de texte de 2008 « sur les modalités » offre un PMA, et éviter les restrictions à l’exportation modèle pour ce faire. Il faudrait supprimer les pour l’aide humanitaire. L’OMC, à l’instar subventions à l’exportation pour l’agriculture et d’autres forums pertinents comme le G-20, doit harmoniser le système dans le cadre de l’Accord poursuivre ses efforts pour obtenir un accord sur sur les subventions et les mesures compensatoires les principes volontaires avec des évaluations (ASMC). Le texte de 2008 fournit également un régulières réalisées par des pairs afin d’éviter modèle pertinent pour les crédits à l’exportation, les restrictions sur l’aide humanitaire. Enfin, le les garanties à l’exportation et l’assurance. projet de disciplines du PDD (annexe L) est encore Cependant, d’après Diaz Bonilla et Harris, il pertinent, car il peut servir de pièce maîtresse faudrait peut-être réfléchir encore plus au pour la gouvernance future de l’aide alimentaire traitement des ECE dans le projet de texte de 2008. internationale, dans la mesure où on reconnaît Tout d’abord, les ECE des pays développés sont qu’il est nécessaire de réduire le plus possible le exonérées de l’obligation d’arrêter le monopole risque que l’aide alimentaire devienne un véhicule si le produit exporté représente moins de 0,25 du pour la gestion des excédents temporaires. commerce mondial total des produits agricoles pour la période de base 2003-05. Le pourcentage En général, comme l’observe Singh, le projet de semble faible, mais cela peut représenter entre 8 modalités existant dans ce domaine n’est pas et 12 pourcent du commerce mondial de produits vraiment remis en question, même s’il faudrait 29 Cf. Hepburn, J. et Bellmann C. 2014. « The Future of Green Box Measures » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 30 Les pays avec le plus d’ECE étaient la Chine (25), l’Inde (14) et la Colombie (14). 31 Le projet de texte de 2008 sur les modalités permettrait aux pays en développement de garder des ECE ayant un monopole « pour préserver la stabilité des prix à la consommation intérieurs et assurer la sécurité alimentaire ». Si ce ne sont pas les objectifs, elles pourraient quand même garder leur statut de monopole si leur part des exportations mondiales du/des produit(s) agricole(s) concerné(s) est de moins de 5 pourcent sur trois années consécutives. Cependant, ce pourcentage semble être assez important. 32 Cf. Diaz-Bonilla, E. et Harris, J. 2014. « Export Subsidies and Export Credits » dans Tackling Agriculture in the Post-Bali Context: A Collection of Short Essays. 13
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