Roulons plus sûr ! Les Cahiers du Challenge Bibendum Les nouveaux défis de la sécurité routière
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Les Cahiers du Challenge Bibendum Roulons plus sûr ! Les nouveaux défis de la sécurité routière Paris 2011 1
Les Cahiers du Challenge Bibendum Les Cahiers du Challenge Bibendum ont été conçus pour stimuler la réflexion et le dialogue entre experts, industriels, décideurs politiques, journalistes et toute autre personne souhaitant prendre part au débat sur l'avenir de la mobilité. Ces documents n'apprendront rien aux spécialistes, mais ils permettront aux lecteurs intéressés par le sujet d'acquérir en quelques pages l'essentiel de l'information permettant de saisir les enjeux principaux et de contribuer à une réflexion éclairée. Nous sollicitons d’ailleurs les contributions individuelles : retrouvez les Cahiers du Challenge Bibendum sur notre site challengebibendum.com et apportez vos commentaires. Nous en tiendrons compte lors de la mise à jour de ces cahiers évolutifs. Patrick Oliva Directeur de la Prospective et du Développement durable Michelin Remerciements Nous souhaitons remercier vivement toutes les personnes qui, par leurs précieux conseils, remarques et précisions, ont contribué à la rédaction de ce cahier, en particulier : Ariel Cabanes, Hervé Deguine, Audrey Douspis, Michael Fanning, Alexandre Gasc, André Haas, Patrick Lepercq, Tatiana Mazanova, Elizabeth Sevo et Laurence Ullmann. 2
Sommaire Introduction 04 Chapitre 1 : L’insécurité routière est un obstacle à une mobilité durable 05 1. 3000 morts et 100 000 blessés chaque jour dans le monde 05 2. La sécurité routière à l’horizon 2030 06 3. Un enjeu pour chacun 08 Chapitre 2 : Bilan économique et social 12 1. Estimation du coût global des accidents de la route 12 2. Le coût pour la collectivité 13 3. Les répercussions sur les individus 14 4. Le coût pour les entreprises 15 Chapitre 3 : Les conditions d’une mobilité plus sûre 16 1. Définition d’une stratégie de lutte 16 2. Les actions prioritaires 18 3. Une approche globale des accidents et de la sécurité routière 20 Documents de référence 26 5 idées clefs à retenir 27 3
Introduction En 2010, dans le monde, chaque jour, 3000 personnes sont mortes sur les routes ; 100 000 ont été blessées. Certes, des progrès considérables ont été réalisés dans certains domaines au cours de ces dernières années. Jamais les constructeurs automobiles n’ont autant investi dans la sécurité des véhicules, avec des résultats probants. Des gouvernements améliorent les infrastructures et multiplient les campagnes de prévention. Certains comportements évoluent. Les résultats sont significatifs dans plusieurs pays riches : même si les routes demeurent un lieu de danger, progressivement, le nombre et la gravité des accidents diminuent. Cependant, il n’en va pas de même partout dans le monde, loin s’en faut ! Dans les pays à moindre revenu, le transport routier se répand très rapidement sous l’effet de la croissance économique. Le besoin de transport est immense. La réponse est contrastée : si le nombre des véhicules en circulation croît à un rythme soutenu, soulageant des besoins légitimes de mobilité, le nombre de tués sur la route croît tout aussi vite et soulève de nouveaux défis. Face à ces changements rapides et violents, on ne peut que s’étonner de la passivité de la société civile et des pouvoirs publics dans de nombreux pays. Tout se passe comme si l’insécurité routière était une fatalité, le prix à payer sur l’autel du progrès. Il n’en est rien ! Des solutions existent. Elles ont été expérimentées avec succès dans de nombreux pays. Appliquées avec méthode, elles permettent d’épargner des vies humaines par milliers et soulagent les économies du coût considérable de l’insécurité routière. Initiée par l’Organisation mondiale de la santé en 2010, la Décennie d’action en faveur de la sécurité routière (2011-2020) constitue une opportunité exceptionnelle de fédérer les efforts de tous les acteurs. Puisse ce cahier stimuler la réflexion et le débat sur les enjeux essentiels de la sécurité routière. 4
Chapitre 1 L’insécurité routière est un obstacle à une mobilité durable 1. 3000 morts et 100 000 blessés chaque jour dans le monde L’insécurité routière est un véritable fléau mondial. Elle frappe tous les pays et toutes les catégories de population. En 2010, 1,3 millions de personnes sont mortes sur les routes. Si rien n’est fait, la croissance naturelle du trafic routier causera « mécaniquement » la mort de 2,4 millions de personnes à l’horizon 2030 et en blessera plus de 50 millions. Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les pays dotés du plus important parc automobile qui sont les plus frappés, mais au contraire les pays émergents ou les pays en développement. Dans les pays à revenu élevé, les accidents de la route demeurent une source non négligeable de mortalité, de traumatismes et de handicaps, bien que des progrès sensibles aient été réalisés aux cours de ces cinquante dernières années. Ainsi, dans la plupart des pays membres de l’OCDE, la mortalité liée aux accidents de la route a chuté de moitié entre 1970 et 2005 – preuve qu’il n’y a pas de fatalité. Cependant, même dans ces pays, on observe de fortes disparités. Ainsi, dans la région de la Méditerranée orientale, le taux de mortalité est supérieur à la moyenne des pays de niveau de vie comparable. Si, dans l’ordre, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et l’Allemagne affichent les meilleures performances de l’OCDE sur le plan de la sécurité routière, la situation peut être encore notablement améliorée. Par exemple, en Suède, où le taux de mortalité est comparativement faible par rapport à d’autres zones du globe, on observe que 20% des jeunes qui meurent entre l’âge de 5 ans et l’âge de19 ans sont victimes d’accidents de la route. Par conséquent, même dans les pays où la situation semble satisfaisante au regard de la situation mondiale, des progrès notables restent à accomplir pour rendre le transport routier véritablement sûr. Dans les pays à revenu intermédiaire ou à faible revenu, la situation ne cesse de se dégrader. Alors qu’ils ne comptent que 48% des véhicules immatriculés, ils représentent 90 % des accidents de la route. Plusieurs raisons expliquent ce paradoxe : les conducteurs, de plus en plus nombreux, sont peu formés à la conduite et mal informés des risques liés à la circulation automobile ; ils circulent à bord de véhicules souvent mal maîtrisés, mal équipés et peu entretenus ; ils empruntent des chaussées surchargées, inadaptées ou dégradées ; ils circulent au milieu d’une population nombreuse, dense, jeune et rarement ou insuffisamment sensibilisée à la sécurité routière. Le contrôle du respect des règlementations n’est pas assuré. Quant à la chaîne des secours en cas d’accident, malgré le dévouement de ceux qui en ont la charge, elle est souvent insuffisante ou même inexistante. Le Pacifique occidental et l’Asie du Sud et du Sud-est comptent plus de la moitié des décès consécutifs à des accidents de la circulation. C’est dans les pays d’Afrique subsaharienne que les taux de mortalité sont les plus élevés comparativement à leur population et à leur parc automobile. A eux seuls, dix pays (l’Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, l’Egypte, les Etats-Unis, l’Inde, l’Indonésie, l’Iran, le Mexique, la Russie) concentrent plus de la moitié des décès consécutifs à des accidents de la route. 5
Tous les pays ne sont pas égaux devant le risque d’accident de la circulation, mais tous les usagers non plus. Les piétons, les cyclistes et les deux-roues sont de loin les premières victimes des accidents. Parmi les piétons, des catégories d’usagers sont particulièrement vulnérables : les enfants, les adolescents, les jeunes, les personnes âgées ou les personnes handicapées. Les piétons, les cyclistes et les utilisateurs de deux-roues constituent près de la moitié des victimes des accidents de la route, et cette proportion est encore plus élevée dans les pays à faible ou moyen revenu. Dans les pays à revenu élevé, les occupants de voitures sont proportionnellement plus touchés, en raison du nombre plus important de véhicules en circulation. Les enfants et les jeunes sont les premières victimes de la route. Chaque année, les accidents causent plus de décès annuellement que le Sida parmi les jeunes de 17 à 25 ans. Enfin, le taux de mortalité des hommes est trois fois supérieur à celui des femmes. Cette disproportion s’explique sans doute par les risques liés à l’exposition au trafic et à des comportements à risques. Figure 1 : Les pays à faible revenu comptent 9 % des véhicules pour 37% de la population, mais 42% des décès. 2. La sécurité routière à l’horizon 2030 Si rien de vraiment nouveau n’est fait immédiatement pour améliorer la situation, en moins de deux décennies l’insécurité routière deviendra la cinquième cause de mortalité mondiale, toutes catégories de population confondues, avant les décès dus aux maladies telles que le sida ou la tuberculose. Alors que la situation devrait sensiblement s’améliorer dans les pays à haut revenu, où la mortalité devrait baisser de 30% entre 2000 et 2020, elle risque fort de continuer à se dégrader sévèrement dans les pays à plus faible revenu. Les experts anticipent un accroissement de la mortalité de plus de 80% dans ces pays. Dans les années à venir, l’expansion démographique, le développement économique et l’urbanisation galopante accroîtront les besoins de mobilité et donc le nombre d’usagers sur les routes. En 2025, la population urbaine représentera plus de 60% de la population 6
mondiale. Dans les pays en croissance, 4 milliards de personnes rejoindront des villes devenues mégalopoles. Les usagers seront encore plus nombreux à emprunter des voies de circulation toujours plus encombrées. Demain, des infrastructures souvent vétustes et peu adaptées devront absorber des flux de circulation encore plus denses. Selon les estimations, en 2030, 1,5 milliard de véhicules rouleront dans le monde, soit près du double du parc automobile actuellement en circulation. Cette croissance se produira essentiellement dans les pays encore faiblement motorisés aujourd’hui. Figure 2 : Selon l’Organisation mondiale de la santé, en 2030, les accidents de la route deviendront la 5e cause de mortalité dans le monde. Cependant, les pays à haut revenu devront également faire face à de nouveaux défis. Le vieillissement de la population les contraindra à adapter les modes de transport et les infrastructures à des personnes aux capacités de conduite et aux réflexes amoindris par l’âge. Les accidents de la circulation ne représentent pas une cause majeure de décès chez les 7
personnes âgées. Cependant, au regard de leur poids dans la population, elles sont surreprésentées parmi les victimes de la route, notamment parmi les usagers vulnérables. Lors d’un impact, les personnes âgées courent plus de risques que les personnes plus jeunes du fait de leur fragilité physique. Contrairement à une idée répandue, les conducteurs âgés ne causent pas davantage d’accidents que la moyenne des automobilistes, au contraire. En revanche, leurs chances de survie en cas d’accident sont nettement plus faibles. Ainsi, le taux de mortalité est cinq fois plus important pour les conducteurs de plus de 75 ans que pour la moyenne des conducteurs. Figure 3 : Selon les prévisions, sans changement radical, l’Afrique, la Chine et l’Inde totaliseront plus d’un million de mort par an sur les routes dès 2030. 3. La sécurité routière, un enjeu pour tous L’opinion publique et les décideurs politiques s’alarment de l’étendue du défi de la sécurité routière. Longtemps, les accidents de la route ont été considérés comme des problèmes domestiques, relevant des politiques publiques nationales. A partir du début des années 2000, la prise de conscience a évolué et la communauté internationale a franchi une étape nouvelle, considérant qu’il s’agissait d’un fléau international appelant une réponse globale. Ce tournant a abouti à la tenue en novembre 2009 à Moscou de la première conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière, dite « Conférence de Moscou ». 8
Sous l’égide des Nations unies, cette conférence a réuni pour la première fois au niveau mondial des représentants des gouvernements, des agences spécialisées, des organisations internationales et des représentants du secteur privé. Prenant acte de la gravité de la situation, les représentants de plus de 110 gouvernements ont publié une déclaration commune sous la forme d’un appel à l’action. A la suite de cette conférence, l’assemblée générale des Nations unies a proclamé en mars 2010 la « Décennie d’action pour la sécurité routière 2011-2020 ». L’assemblée a entériné les conclusions de la Conférence de Moscou et a rappelé la nécessité d’agir très rapidement pour protéger tous les usagers de la route. L’objectif fixé par les gouvernements est de stabiliser, puis de réduire le nombre des décès dus aux accidents de la route. Le but est de stabiliser d’ici 2020, puis de réduire le nombre des victimes. Il s’agit d’un objectif ambitieux eu égard à la situation actuelle et aux investissements humains et matériels requis pour l’atteindre. Figure 4 : La Décennie d’action en faveur de la sécurité routière (2011-2020) s’appuie sur cinq piliers d’action. Le Groupe des Nations unies en faveur de la collaboration en matière de sécurité routière (UNRSC) a élaboré un plan d’action pour la décennie. L’UNRSC favorise une approche multisectorielle et globale, fondée sur le renforcement de la coopération internationale. Il propose de travailler sur cinq piliers majeurs : la gestion de la sécurité routière ; le développement d’infrastructures conçues pour la sécurité des usagers ; la promotion de véhicules plus sûrs ; les changements de comportement des usagers de la route ; 9
enfin, le développement des soins et de la prise en charge des victimes d’accident de la route. Ce plan a pour but de créer une architecture mondiale et régionale permettant une lutte efficace contre l’insécurité routière, et de favoriser la mobilisation de fonds et de ressources humaines. L’UNRSC encourage la création de plans de prévention nationaux et locaux, ainsi que le partage des bonnes pratiques. L’amélioration du recueil des données et le suivi des progrès accomplis dans le management local et global de la sécurité routière sont également des points clés du plan d’action. S’il est conduit avec succès, ce plan pourrait permettre – sur la décennie - de sauver 5 millions de vies, éviterait 500 millions de blessés, et la perte de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Figure 5 : Le but de la Décennie d’action en faveur de la sécurité routière (2011-2020) est de définir une stratégie destinée à éviter un doublement de la mortalité routière à l’avenir et de réduire le taux de mortalité actuel. Source : FIA Fondation. Le secteur privé se mobilise également en faveur de la sécurité routière. Publié en juillet 2011 à l’initiative de la Road Safety Task Force, le « White Paper for Safe Roads in 2050 » constitue une contribution privée importante au plan d’action pour la Décennie d’action en faveur de la sécurité routière (Plan for the Decade of Action for Road Safety). La Road Safety Task Force rassemble des représentants d’entreprises privées, des universitaires, des responsables gouvernementaux et des délégués d’organisations internationales ayant participé à la Global Road Safety Round Table qui s’est tenue à l’occasion du 10e Challenge Bibendum à Rio-de-Janeiro en juin 2010. Ce groupe d’experts a tenté de trouver des solutions pratiques devant permettre de viser zéro accidents de la circulation liés aux déplacements professionnels d’ici 2050. Le point le plus innovant de cette feuille de route tient à la place primordiale accordée aux entreprises en matière de sécurité routière et plus particulièrement au rôle de levier qu’elles peuvent jouer dans les actions de prévention. Par imprégnation 10
culturelle et par imitation, la lutte pour la réduction du nombre et de la gravité des accidents survenus au cours de trajets professionnels aura un impact déterminant sur la réduction de l’ensemble des accidents de circulation. Près d’un tiers des décès liés aux accidents de la route se produisent dans un contexte professionnel. Le secteur privé a donc un rôle de premier plan à jouer dans l’amélioration de la sécurité routière. Les entreprises ont, à cet égard, une double responsabilité. D’une part, elles ont un rôle à jouer vis-à-vis de la société dans son ensemble, en tant qu’acteurs socialement responsables. D’autre part, elles ont également un rôle à jouer envers leurs employés et sous-traitants, en qualité d’employeurs responsables. Toutes les entreprises peuvent se mobiliser en adoptant et assurant au quotidien la promotion auprès de leurs employés des bonnes pratiques en matière de sécurité routière. Les entreprises détentrices de flottes de véhicules sont bien sûr les premières concernées, mais pas les seules. Dans la lignée de la Décennie d’action en faveur de la sécurité routière, un comité ISO a été crée afin d’élaborer une nouvelle norme, la norme ISO 39001, relative aux systèmes de management de la sécurité routière. Cette norme sera un outil au service de tout organisme, public ou privé, désireux d’agir en faveur de la sécurité routière. Elle se donne pour principe de viser zéro morts sur la route, seule attitude humainement responsable, au moyen d’un processus d’évaluation et d’amélioration continu. Certaines organisations ont choisi de se mobiliser plus fortement encore en lançant des initiatives privées en faveur de la sécurité routière. Parmi celles-ci, on peut notamment citer le Global Road Safety Partnership (GRSP). L’organisation a été lancée en 1999 par des organisations internationales dont l’Organisation mondiale de la santé et la Fédération Internationale des sociétés de la Croix Rouge et du Croissant Rouge (IFRC), et en partenariat avec des entreprises privées. Le GRSP regroupe un réseau d’acteurs (gouvernements, ONG, sociétés privées) qui mènent des actions pilotes dans des pays à faible et moyen revenu. Par exemple, en Russie, sur la presqu’île de Sakhaline, le GRSP a encouragé le port de la ceinture de sécurité en collaboration avec la police, avec pour effet de diminuer de 20% le nombre des morts et des blessés. En 2005, sept sociétés - Ford, General Motors, Honda, Michelin, Renault, Shell et Total - ont lancé le GRSI « Global Road Safety Initiative», un programme soutenant des initiatives locales grâce à une dotation de 10 millions de dollars. La réussite de la Décennie d’action en faveur de la sécurité routière repose aussi sur la mobilisation du secteur privé. Cet apport sera considérable, que ce soit en offrant un soutien au management de la sécurité routière, une expertise dans ce domaine, ou encore en contribuant aux investissements dans la recherche et le développement de technologies plus sures ou en finançant des initiatives en faveur de la sécurité routière. 11
Chapitre 2 : Le bilan économique et social L’insécurité routière représente un coût humain et économique considérable. Les dégâts matériels occasionnés par les accidents ne constituent d’ailleurs qu’une partie de ce coût. Sans parler des conséquences humaines et des traumatismes psychologiques causés par les accidents, l’impact économique sur les transports (incertitudes liées à l’insécurité, perturbation du trafic) et sur le fonctionnement des entreprises (pertes de ressources humaines, désorganisation logistique) fait l’objet d’une réflexion approfondie destinée à orienter les politiques publiques. 1. Estimation du coût global des accidents de la route En raison du faible nombre d’études macroéconomiques menées à ce jour, il est difficile de dresser un bilan précis du coût économique total causé par les accidents de la route. Toutefois, il est possible d’identifier les principaux impacts et les conséquences induites par ces accidents. D’une part, l’analyse des coûts permet de mesurer la valeur de la perte et de faire prendre conscience aux pays de la destruction de valeur sociale et économique que représentent les accidents de la route. D’autre part, cette démarche permet d’évaluer les bénéfices que l’on peut attendre des mesures de prévention. Figure 6 : Rapport mondial sur la prévention des traumatismes dûs aux accidents de la route. 12
S’il est relativement facile d’estimer le montant des dégâts matériels directs, les pertes en vies humaines ou les handicaps définitifs des blessés constituent des préjudices difficilement mesurables. L’évaluation de la souffrance et des traumatismes subis par les individus est particulièrement ardue. Afin de répondre à ces difficultés de chiffrage, deux méthodes sont généralement employées. La première, dite « du capital humain », est la méthode la plus répandue. Elle consiste à évaluer l’impact économique des dommages humains. Elle repose sur une identification des manques à gagner et des coûts de rétablissement de la situation antérieure. Elle permet de déterminer une valeur. La deuxième méthode est dite « du consentement à payer ». Elle prend en compte la difficulté d’évaluer les coûts subis par les individus et calcule ce que les individus seraient prêts à payer (autrement dit, leur « volonté de payer ») pour réduire les risques de traumatisme mortel. A ce jour, suivant la première méthode, on estime que les accidents de la route engendrent une perte économique équivalent à près de 2% du PNB mondial. En 1997, l’Organisation mondiale de la santé a chiffré le coût direct des accidents de la circulation à 518 milliards de dollars par an, un montant qui a depuis lors fortement évolué à la hausse. Ce coût varie fortement suivant les pays et peut représenter de 1 à 3% de leur PNB. Les accidents représentent une charge d’autant plus lourde pour un pays que celui-ci dispose de ressources limitées. Dans les pays à faible ou moyen revenu, suivant des estimations datant de 2004, le coût total des accidents représente un montant cumulé annuel de 65 milliards de dollars, soit un montant supérieur à la valeur de l’aide publique au développement reçue par ces mêmes pays. Selon l’Organisation mondiale de la santé, dans les pays de l’Union européenne, les accidents de la route auraient coûté en 2004 180 milliards d’euros, c’est-à-dire deux fois plus que le budget annuel de l’Union européenne. 2. Le coût pour la collectivité Destructions matérielles des systèmes de transport collectifs, dommages subis par les infrastructures, coût des services de secours et de prise en charge des victimes… Les préjudices causés à la collectivité par les accidents de la route sont multiples et leur montant est très élevé. Ils constituent un véritable problème de santé publique et de développement. Cette charge pèse tout particulièrement sur les systèmes de secours et de soins. Les ressources consacrées aux secours d’urgence et aux soins des blessés grèvent lourdement les budgets dévolus à la santé publique et pénalisent l’amélioration de l’état sanitaire de la population. On estime que, chaque année, plus de 25 millions de blessés graves victimes d’accidents de la route nécessitent une prise en charge immédiate. La prise en charge et le traitement des blessés se traduit par de lourdes dépenses qui sont tantôt à la charge du blessé ou des compagnies d’assurance, tantôt à la charge des pouvoirs publics. Les infrastructures nécessaires à l’organisation des secours et au traitement des blessés constituent une charge de plus en plus lourde. Elles requièrent d’ailleurs une organisation adaptée particulièrement coûteuse, puisque fonctionnant dans l’urgence et en permanence. Outre le surcoût de l’urgence, les autorités sanitaires doivent organiser le traitement des blessures dans la durée, et parfois à vie dans le cas des blessés les plus atteints. Selon un rapport publié par l’Organisation mondiale de la santé en 2009, les accidents de la circulation représentent 20 à 50% des admissions aux urgences dans les hôpitaux en Inde, et 10 à 30% des hospitalisations. L’insécurité routière est une source majeure de traumatisme et de handicap. On estime qu’en Inde, environ deux millions de personnes souffriraient d’un handicap physique consécutif à un accident de la route. Comment réintégrer ces personnes ? 13
Comment leur permettre de reprendre le cours de leur vie et leur apporter un moyen de subsistance ? Ce sont autant de question auxquelles sont confrontées les autorités publiques. Par ailleurs, la durée de prise en charge des grands blessés est d’autant plus longue que les populations les plus touchées par les accidents de la route sont les populations les plus jeunes. Ce phénomène est particulièrement vrai dans les pays à faible ou à moyen revenu. Il est par conséquent certain que la perte et la mutilation d’une partie de la jeunesse de ces pays a des effets négatifs durables sur le développement futur de ces pays. Le groupe d’âge le plus productif, celui des 15-44 ans, est fortement surreprésenté parmi les victimes de la route. La réduction du nombre de blessés et de morts sur les routes préserverait des ressources productives qui pourraient être allouées à la croissance économique. Il y a un lien incontestable entre sécurité routière et croissance économique. En améliorant la sécurité sur les routes, les pays épargnent des ressources qui peuvent être investies dans les secteurs de l’éduction, de la santé, de la recherche ou encore des infrastructures, soutenant ainsi la croissance économique. A son tour, la croissance économique augmente les besoins de mobilité mais permet aussi de les satisfaire dans de meilleures conditions, par exemple en développant des infrastructures plus sures et mieux adaptées aux besoins des usagers. L’investissement de la collectivité dans la sécurité routière crée un cercle vertueux ; le désinvestissement de la collectivité a un effet exactement inverse. 4. Les répercussions sur les individus Un accident de la circulation est un drame émotionnel personnel en premier lieu pour les individus qui en sont victimes ainsi que pour leurs proches. Mais ce phénomène a aussi des répercussions sociales plus étendues. Pauvreté, exclusion, dépression, maladie, suicide sont des maux qui touchent fréquemment les victimes. On estime ainsi que chaque année près de 100 millions de familles doivent affronter le décès ou l’invalidité d’une personne proche suite à un accident de la route. Les victimes, quant à elles, se trouvent parfois exposées à la stigmatisation et peuvent être victime de discriminations, avec pour corollaire des conséquences dommageables sur le plan social, éducatif et professionnel. L’impact est autant émotionnel que pécuniaire. Les conséquences d’un accident de la circulation pour l’équilibre économique d’un foyer sont peu prises en considération en dépit des répercutions considérables sur la vie des personnes concernées et sur celle de leur entourage proche. Les familles doivent en effet assumer diverses charges financières : coût des funérailles en cas de décès, prise en charge des soins en cas de blessure, effet du handicap ou de la perte de capacité de travail, sans compter le coût financier de l’accident lui-même. Quel que soit le pays ou le contexte économique, les familles sont presque immanquablement affectées par une perte de revenu, temporaire ou définitive. Dans trois accidents sur quatre, la victime est un homme dans la force de l’âge, souvent le principal soutien de famille. Les accidents de la route affectent plus particulièrement les catégories de population les plus défavorisées. D’une part, les populations les plus pauvres sont plus exposées au risque d’accident. Cela est particulièrement vrai dans les pays en développement où les groupes de population les plus vulnérables, piétons ou utilisateurs de deux-roues, appartiennent aux groupes socio-économiques défavorisés. En effet, d’une part, ces populations bénéficient peu des politiques conçues pour des déplacements motorisés mais supportent la plus grande partie des risques. D’autre part, elles ont souvent recours à des services de transport collectifs à faible coût mais peu sûrs. Enfin, en cas de blessure ou de décès, les populations les plus pauvres rencontrent les plus grandes difficultés pour faire reconnaître leurs droits ou faire face aux frais engendrés immédiatement par l’accident. Dans bien des pays à faible ou à moyen 14
revenu, ces populations ont aussi un accès limité aux systèmes de soins. Dès lors, les dépenses dues à l’accident combinées à la perte de revenu du fait de l’incapacité de la victime ou de son décès peuvent faire basculer des familles entières dans la pauvreté. 4. Les coûts supportés par les entreprises Chaque semaine, environ 7500 personnes meurent à l’occasion d’accidents de la route survenus dans un contexte professionnel, c’est-à-dire lors d’un déplacement entre le domicile et le lieu de travail ou durant un déplacement professionnel. Les coûts induits par ces accidents sont loin d’être négligeables. Le coût direct de ces accidents est considérable : dépenses d’assurance, réparation des dommages matériels, indemnisation des employés en arrêt maladie ou compensation pour la famille et les proches. Mais de nombreux coûts indirects viennent s’ajouter à ces frais : journées de travail perdues, retards voire interruption de la production, désorganisation de l’entreprise, perte de clients, coûts de gestion comptable et commerciale, impact négatif sur le climat social dans l’entreprise et sur son image… L’analyste Will Murray a élaboré une méthode de calcul spécifique pour estimer l’impact économique des accidents de la circulation survenus dans le cadre professionnel. Cette méthode prend en compte le coût humain et le coût du matériel endommagé, les dégâts humains et matériels causés aux parties tierces, et suggère de multiplier la somme par deux afin de tenir compte des coûts induits par ces accidents. Il rapporte ensuite la somme totale au nombre de produits ou de service additionnels que l’entreprise doit vendre pour absorber le coût de l’accident. Cette méthode a pour avantage d’établir un lien direct entre la production d’une entreprise, sa marge opérationnelle, et le coût d’un accident. Pour une entreprise de taille moyenne, un accident grave de la circulation survenu dans l’année peut absorber à lui seul la totalité du bénéfice réalisé dans cette même année ! Selon une étude menée au Royaume Uni en 2000 par le Health and Safety Executive, le coût total annuel des accidents de la circulation survenus dans le cadre du travail s’élèverait à plus de 3 milliards d’euros. Cette étude révèle également que, pour chaque euro remboursé par les compagnies d’assurance, les entreprise doivent en moyenne absorber entre 10 et 40 euros de frais cachés. Or, selon le HSE, des mesures simples et peu coûteuses peuvent contribuer à réduire sensiblement le risque d’accident professionnel de la circulation. Ainsi, les stages de conduite permettent de réduire les risques attribuables à des erreurs humaines de 30 à 70%. Cette étude cite le cas d’une entreprise qui est parvenue à réduire le taux de fréquence des accidents de 60 à 14 accidents par million de kilomètres parcourus après quatre années de stages de conduite. Une étude de cas menée par Stewart et Towsend abonde dans le même sens. Selon ces auteurs, la diminution des accidents de circulation professionnels se traduit par un accroissement de productivité des entreprises de l’ordre de 11%. 15
Chapitre 3 : Les conditions d’une mobilité plus sûre L’insécurité routière n’est pas une fatalité. Une amélioration rapide de la situation est à portée de main, à condition de concevoir et de proposer des solutions adaptées au contexte local. Dans les pays développés, fortement motorisés, la mortalité a été réduite de moitié en vingt ans sous l’effet d’une politique volontariste. Il est possible d’aboutir à des résultats comparables dans les pays en développement. Cela suppose la mise en place d’une stratégie à long terme élaborée en concertation avec toutes les parties prenantes, au niveau local, national et international. 1. Définition d’une stratégie de lutte L’élaboration d’une stratégie globale à long terme suppose au préalable une analyse très détaillée de la situation locale. Chaque pays, chaque région, chaque groupe social est confronté à une problématique propre. Pour définir une politique publique adaptée, tant au plan national que local, les autorités ont besoin de données fiables et très détaillées. Seule une analyse fine des différents paramètres permet d’évaluer l’ordre de priorité des actions à mener et de définir les moyens associés. Le rapport de l’OMS de juin 2009 a été une première tentative mondiale de présenter ce type d’analyse par pays. Cet état des lieux détaillé doit rendre possible la mise en place d’indicateurs de suivi permettant de mesurer les progrès réalisés. La mesure de l’évolution des risques est essentielle au pilotage des politiques publiques. Elle permet de faire valoir les résultats obtenus au regard des contraintes légales et sociales imposées au public. Elle permet également de réagir très rapidement lorsque, pour différentes raisons, la situation se dégrade de nouveau. La mise en place de mesures d’impact permet quant à elle d’évaluer les effets des efforts entrepris et de s’assurer que les mesures correctrices atteignent leur but. La lutte contre l’insécurité routière relève du pilotage permanent et n’est efficace que si elle peut s’appuyer sur une base de données statistique fine et fiable. A cet égard, la situation actuelle est loin de correspondre aux besoins. Dans de nombreux pays, les statistiques dont disposent les pouvoirs publics sont faibles, incertaines, voire inexistantes dans certains pays pauvres, où pourtant les risques d’accidents sont très élevés. En outre, les méthodes statistiques et la définition des paramètres d’évaluation ne sont pas standardisées au niveau mondial, ce qui rend les comparaisons internationales délicates. Par exemple, la définition d’un décès consécutif à un accident de la route varie fortement d’un pays à l’autre et ne recouvre pas les mêmes réalités. Cette situation est d’autant plus dommageable que les transferts de savoir-faire et d’expérience d’un pays à un autre sont un atout important pour le succès des politiques publiques. Pour réaliser des progrès durables en matière de sécurité routière, il est important que les autorités publiques adoptent une approche globale, avec le soutien et la mobilisation de l’ensemble des acteurs. Cela est d’autant plus nécessaire que de multiples entités publiques et privées sont impliquées dans la gestion de la sécurité routière. En amont, la culture familiale de la sécurité, l’investissement du système éducatif, la mise au point de véhicules et de chaussées adaptées par les ingénieurs et les entrepreneurs, la formation des conducteurs et des 16
piétons jouent un rôle crucial. Sur le terrain, l’organisation des flux de trafic, la surveillance des automobilistes, l’entretien des matériels roulant et des infrastructures constituent des piliers clés de la sécurité routière. En cas d’accident également de nombreux acteurs sont impliqués dans la gestion de crise : services de secours d’urgence, infrastructure hospitalière, police, sociétés de dépannage, sociétés d’entretien… En aval enfin, d’autres acteurs interviennent afin de réduire ou de compenser l’impact des accidents sur les victimes et leurs proches. Toutes ces parties prenantes doivent être associées à la définition des politiques publiques dans la mesure où elles seront conduites à les appliquer. La lutte contre l’insécurité routière doit faire l’objet d’une planification au niveau national déclinée ensuite localement par des programmes spécifiques, accompagnés de mesures particulières adaptées au contexte. Cette approche est plus efficace lorsqu’elle s’appuie sur un organisme spécifique chargé exclusivement de la gestion des questions de sécurité routière. La plupart des pays développés se sont dotés de tels organismes, mais beaucoup de pays n’en disposent pas encore. Figure 7 : Lors du Challenge Bibendum Rio 2010, des experts représentant des entreprises privées, des organismes internationaux et des gouvernements ont identifié les activités prioritaires que devraient mener le secteur privé pour contribuer à la Décennie d’action. Par ailleurs, la mobilisation de l’opinion publique par des campagnes de prévention et de sensibilisation constitue également un élément incontournable. Les médias ont un rôle clé à jouer en la matière : ils éduquent la population à la culture de la sécurité routière ; ils 17
mobilisent l’attention durant les périodes où le trafic est particulièrement dense et dangereux ; ils dénoncent les cas de violence routière extrême. En outre, le financement des actions en faveur de sécurité routière doit être garanti non seulement dans les pays à revenu élevé, mais encore dans les pays plus faible revenu. Dans ce cas, la solidarité internationale et l’aide privée peuvent aider ces pays à réaliser les investissements nécessaires. Il convient également de favoriser les transferts de connaissances entre les pays afin de diffuser les meilleures pratiques de prévention des accidents, de gestion de crise, et d’accompagnement des victimes. Par ailleurs, ce serait une erreur de considérer que la sécurité routière relève exclusivement du ressort des autorités publiques. Bien au contraire, tous les acteurs privés doivent être associés à la réflexion. Les acteurs de la mobilité peuvent notamment constituer une force de proposition importante, notamment sur le terrain de la prévention routière. Chaque année, la recherche privée permet d’identifier de nouvelles technologies susceptibles d’accroître le niveau de sécurité, soit à bord des véhicules (équipements de sécurité), soit dans le domaine des infrastructures (notamment à l’aide des technologies dérivées des systèmes de transports intelligents, STI). Les constructeurs de véhicules les plus en pointe peuvent ainsi contribuer fortement à la réduction des accidents en montant leurs systèmes les plus performants sur leurs modèles autant pour les pays industrialisés que pour les pays en développement ou émergents. De multiples initiatives privées émergent spontanément, émanant d’organismes internationaux ou d’associations plus modestes. Le groupe de travail d’une quinzaine d’experts issus d’organismes internationaux et de gouvernements lors du Challenge Bibendum Rio 2010 a permis d’enrichir le débat sur la sécurité routière en milieu professionnel et d’identifier les principaux leviers d’action dans le cadre de la Décennie d’action des Nations unies. Ces travaux ont donné lieu à la publication d’une feuille de route. L’objectif de cette feuille de route est de stabiliser le nombre de décès en lien avec le travail d’ici à 2020, de le réduire de moitié d’ici à 2030, afin de tendre vers « zéro mort » d’ici à 2050. 2. Les actions prioritaires La sécurité routière est un phénomène complexe. Trois facteurs principaux contribuent à la sécurité routière : le véhicule, l’infrastructure routière, le comportement de l’usager. C’est ce dernier facteur qui est de loin le plus déterminant. C’est aussi le plus délicat à maîtriser. Dans les pays riches, où le parc automobile est récent, performant et bien entretenu, les véhicules ne sont responsables que de 7 à 8% des collisions. Les infrastructures sont généralement d’un bon niveau et correctement entretenues ; elles ne figurent pas parmi les premières causes des accidents. Dans les pays à revenus plus faibles, l’accroissement de la motorisation, l’absence de séparation physique entre les usagers vulnérables et le reste du trafic, la faible application des règles de sécurité et de sensibilisation des usagers sont les principales causes d’accident. L’Organisation mondiale de la santé considère que l’adoption par tous les pays d’une législation claire sur la sécurité routière est indispensable. Elle doit être accompagnée de campagnes de sensibilisation et assortie de sanctions proportionnées aux dangers. Cette législation doit également porter une attention particulière aux usagers vulnérables. Or, actuellement, seulement 15% des pays disposent d’une telle législation. Enfin un quatrième facteur est déterminant pour limiter la gravité de l’impact des accidents, c’est l’efficacité d’intervention sur les lieux pour prendre en charge les personnes accidentées et les acheminer vers les lieux de soins appropriés. 18
L’OMS préconise l’adoption d’au moins cinq mesures simples qui contribuent sensiblement à l’amélioration de la sécurité routière : a. Mesure n° 1 : limiter la vitesse, en ville notamment. Il existe un lien direct incontestable entre l’augmentation de la vitesse moyenne et l’accroissement de la gravité des accidents et du risque de mortalité. Ainsi, on estime que si un piéton est heurté par un véhicule roulant à 30km/h, il a 90% de chance de survie. En revanche, à 45 km/h, ces chances sont inférieures à 50%. b. Mesure n° 2 : lutter contre la conduite en état d’ébriété. La conduite sous l’influence de l’alcool augmente à la fois le risque d’accident et celui de décès ou de traumatisme grave. L’OMS recommande donc de limiter à 0,05 g/l. le taux d’alcoolémie maximal autorisé. c. Mesure n°3 : rendre le port du casque obligatoire pour les deux roues. En cas d’accident, le port d’un casque - s’il est conforme aux normes de sécurité - réduit le risque de décès de 40% et diminue le risque de traumatisme grave de 70%. d. Mesure n° 4 : rendre obligatoire et effectif le port de la ceinture de sécurité pour tous les occupants d’un véhicule. Il est établi que le port de la ceinture de sécurité diminue significativement le risque de décès, à l’avant comme à l’arrière du véhicule. Si la plupart des pays disposent d’une législation imposant le port de la ceinture de sécurité à l’avant du véhicule, seule une moitié l’impose aussi à l’arrière. En outre, dans de nombreux pays, cette obligation est peu respectée. e. Mesure n°5 : généraliser des dispositifs de retenue pour les enfants. Si les dispositifs sont correctement installés et utilisés, ils réduisent d’environ 70% le nombre de décès chez les nourrissons et de plus de 50% celui des jeunes enfants. Les six recommandations fondamentales de l’OMS Un rapport mondial sur la prévention des traumatismes dus aux accidents de la circulation publié en 2004 par l’OMS et la Banque mondiale a formulé six recommandations fondamentales pour améliorer la sécurité routière. Ce rapport préconise que chaque pays : 1. se dote d’une instance publique chargée de guider la politique de sécurité routière ; 2. dresse un état de lieux précis de l’insécurité routière et des moyens de prévention ; 3. prépare un plan d’action national ; 4. alloue les ressources humaines et financières nécessaires à la mise en œuvre de ce plan ; 5. mette en place des mesures d’urgence, dont la limitation de la vitesse, la lutte contre la conduite en état d’ivresse, le port du casque, le port de la ceinture de sécurité, l’usage de dispositifs de sécurité pour les enfants ; 6.Participe à la coopération internationale. 19
3. Une approche globale des accidents et de la sécurité routière L’analyse d’un accident est une opération complexe, mais essentielle pour identifier des parades adaptées. A la fin des années 1960, aux Etats-Unis, William Haddon a tenté de modéliser les accidents de la circulation. De ses réflexions est née une méthode d’analyse intégrée appelée « matrice de Haddon ». Cette approche demeure jusqu’à aujourd’hui le principal cadre de réflexion théorique sur la sécurité routière. La matrice de Haddon découpe l’accident selon trois phases chronologiques successives (avant, pendant, après) et associe à ces trois phases trois facteurs déterminants (le véhicule, l’infrastructure routière, le comportement humain). Neuf domaines d’investigation sont ainsi identifiés, ainsi que les interactions entre ces neuf domaines. L’objectif de la matrice de Haddon est de mettre en lumière, pour un accident donné, les facteurs clés qui, à chacune des trois étapes successives, permettront de lutter contre les accidents routiers et leurs conséquences associées. Toute politique de lutte contre l’insécurité routière doit être multisectorielle pour agir simultanément sur chacun des leviers identifiés. A partir de ce cadre d’analyse théorique, plusieurs autres concepts sont apparus, comme les notions de sécurité primaire et secondaire. La sécurité primaire a pour finalité la prévention des accidents, tandis que la sécurité secondaire concerne la réduction de la gravité de ces derniers. Ces notions s’appliquent non seulement aux véhicules, mais encore aux infrastructures et aux dispositifs de secours. Si le comportement humain est le premier facteur à considérer, les véhicules jouent également un rôle clé, à la fois en termes de prévention et de protection des usagers. Ainsi, si toutes les voitures étaient équipées pour offrir la meilleure protection à leurs occupants, l’Organisation mondiale de la santé estime que la moitié des décès et des blessures invalidantes seraient évitées. La sûreté des véhicules a été considérablement améliorée tant pour ce qui concerne la sécurité primaire que dans le domaine de la sécurité secondaire. La notion de sécurité primaire, ou active, regroupe les technologies qui permettent de prévenir l’accident. Elle repose avant tout sur le contrôle, la maîtrise et la direction du véhicule, en particulier lors des manœuvres d’évitement ou de freinage en courbe, situations où des erreurs de conduite peuvent rapidement avoir des conséquences dramatiques. L’aptitude des véhicules à demeurer stable dans les situations d’urgence est un autre point crucial. La tenue de route, l’adhérence au sol, l’amortissement des obstacles, la capacité de freinage, l’éclairage du véhicule et la visibilité extérieure sont autant d’éléments qui concourent à assurer la sécurité des conducteurs et de leurs passagers. La sécurité active repose aussi sur l’entretien et le contrôle régulier des véhicules. Tandis que dans les pays à haut revenu la loi fixe généralement un niveau d’exigence élevé en matière d’entretien, dans les pays à faible et moyen revenu, cela n’est généralement pas le cas. Une partie non négligeable des véhicules qui circulent dans ces pays ne satisfont pas aux exigences minimales en la matière. Les nouvelles technologies de sécurité primaire sont extrêmement variées. Elle portent sur la vitesse (contrôleurs de vitesse en cas de dépassement des limites), la trajectoire (système de maintien du véhicule sur sa trajectoire en cas d’endormissement), la position relative par rapport aux autres véhicules (système de maintien des distances de sécurité), la vue (vitrage, éclairage, alerte en cas de brouillard), le freinage (informations sur l’état de la chaussée, système de freinage optimisé ABS et dérivés)… Lorsque l’accident se produit malgré tout, les dispositifs de sécurité passive entrent en action. Leur rôle est de protéger au mieux les occupants du véhicules. Certaines sécurités passives sont très simples et ne requièrent pas le recours à la haute technologie. Le port du casque ou de la ceinture de sécurité, l’usage des appuis-tête ou d’un équipement de maintien 20
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