Roulons plus sûr ! Les Cahiers du Challenge Bibendum Les nouveaux défis de la sécurité routière

La page est créée Mathieu Carpentier
 
CONTINUER À LIRE
Roulons plus sûr ! Les Cahiers du Challenge Bibendum Les nouveaux défis de la sécurité routière
Les Cahiers du Challenge Bibendum

      Roulons plus sûr !
Les nouveaux défis de la sécurité routière

                  Paris

                  2011

                    1
Roulons plus sûr ! Les Cahiers du Challenge Bibendum Les nouveaux défis de la sécurité routière
Les Cahiers du Challenge Bibendum

         Les Cahiers du Challenge Bibendum ont été conçus pour stimuler la réflexion et le
dialogue entre experts, industriels, décideurs politiques, journalistes et toute autre personne
souhaitant prendre part au débat sur l'avenir de la mobilité.
         Ces documents n'apprendront rien aux spécialistes, mais ils permettront aux lecteurs
intéressés par le sujet d'acquérir en quelques pages l'essentiel de l'information permettant de
saisir les enjeux principaux et de contribuer à une réflexion éclairée.
         Nous sollicitons d’ailleurs les contributions individuelles : retrouvez les Cahiers du
Challenge Bibendum sur notre site challengebibendum.com et apportez vos commentaires.
Nous en tiendrons compte lors de la mise à jour de ces cahiers évolutifs.

Patrick Oliva
Directeur de la Prospective et du Développement durable
Michelin

Remerciements

       Nous souhaitons remercier vivement toutes les personnes qui, par leurs précieux
conseils, remarques et précisions, ont contribué à la rédaction de ce cahier, en particulier :
Ariel Cabanes, Hervé Deguine, Audrey Douspis, Michael Fanning, Alexandre Gasc, André
Haas, Patrick Lepercq, Tatiana Mazanova, Elizabeth Sevo et Laurence Ullmann.

                                              2
Roulons plus sûr ! Les Cahiers du Challenge Bibendum Les nouveaux défis de la sécurité routière
Sommaire

Introduction                                                                04

Chapitre 1 : L’insécurité routière est un obstacle à une mobilité durable   05

    1. 3000 morts et 100 000 blessés chaque jour dans le monde              05
    2. La sécurité routière à l’horizon 2030                                06
    3. Un enjeu pour chacun                                                 08

Chapitre 2 : Bilan économique et social                                     12

    1.   Estimation du coût global des accidents de la route                12
    2.   Le coût pour la collectivité                                       13
    3.   Les répercussions sur les individus                                14
    4.   Le coût pour les entreprises                                       15

Chapitre 3 : Les conditions d’une mobilité plus sûre                        16

    1. Définition d’une stratégie de lutte                                  16
    2. Les actions prioritaires                                             18
    3. Une approche globale des accidents et de la sécurité routière        20

Documents de référence                                                      26

5 idées clefs à retenir                                                     27

                                                3
Roulons plus sûr ! Les Cahiers du Challenge Bibendum Les nouveaux défis de la sécurité routière
Introduction

      En 2010, dans le monde, chaque jour, 3000 personnes sont mortes sur les routes ;
100 000 ont été blessées.

        Certes, des progrès considérables ont été réalisés dans certains domaines au cours de
ces dernières années. Jamais les constructeurs automobiles n’ont autant investi dans la
sécurité des véhicules, avec des résultats probants. Des gouvernements améliorent les
infrastructures et multiplient les campagnes de prévention. Certains comportements évoluent.
Les résultats sont significatifs dans plusieurs pays riches : même si les routes demeurent un
lieu de danger, progressivement, le nombre et la gravité des accidents diminuent.

       Cependant, il n’en va pas de même partout dans le monde, loin s’en faut ! Dans les
pays à moindre revenu, le transport routier se répand très rapidement sous l’effet de la
croissance économique. Le besoin de transport est immense. La réponse est contrastée : si le
nombre des véhicules en circulation croît à un rythme soutenu, soulageant des besoins
légitimes de mobilité, le nombre de tués sur la route croît tout aussi vite et soulève de
nouveaux défis.

        Face à ces changements rapides et violents, on ne peut que s’étonner de la passivité de
la société civile et des pouvoirs publics dans de nombreux pays. Tout se passe comme si
l’insécurité routière était une fatalité, le prix à payer sur l’autel du progrès. Il n’en est rien !
Des solutions existent. Elles ont été expérimentées avec succès dans de nombreux pays.
Appliquées avec méthode, elles permettent d’épargner des vies humaines par milliers et
soulagent les économies du coût considérable de l’insécurité routière. Initiée par
l’Organisation mondiale de la santé en 2010, la Décennie d’action en faveur de la sécurité
routière (2011-2020) constitue une opportunité exceptionnelle de fédérer les efforts de tous
les acteurs. Puisse ce cahier stimuler la réflexion et le débat sur les enjeux essentiels de la
sécurité routière.

                                                 4
Roulons plus sûr ! Les Cahiers du Challenge Bibendum Les nouveaux défis de la sécurité routière
Chapitre 1

     L’insécurité routière est un obstacle à une mobilité durable

1. 3000 morts et 100 000 blessés chaque jour dans le monde

        L’insécurité routière est un véritable fléau mondial. Elle frappe tous les pays et toutes
les catégories de population. En 2010, 1,3 millions de personnes sont mortes sur les routes. Si
rien n’est fait, la croissance naturelle du trafic routier causera « mécaniquement » la mort de
2,4 millions de personnes à l’horizon 2030 et en blessera plus de 50 millions. Contrairement à
une idée reçue, ce ne sont pas les pays dotés du plus important parc automobile qui sont les
plus frappés, mais au contraire les pays émergents ou les pays en développement.
        Dans les pays à revenu élevé, les accidents de la route demeurent une source non
négligeable de mortalité, de traumatismes et de handicaps, bien que des progrès sensibles
aient été réalisés aux cours de ces cinquante dernières années. Ainsi, dans la plupart des pays
membres de l’OCDE, la mortalité liée aux accidents de la route a chuté de moitié entre 1970
et 2005 – preuve qu’il n’y a pas de fatalité. Cependant, même dans ces pays, on observe de
fortes disparités. Ainsi, dans la région de la Méditerranée orientale, le taux de mortalité est
supérieur à la moyenne des pays de niveau de vie comparable. Si, dans l’ordre, les Pays-Bas,
le Royaume-Uni, la Suède et l’Allemagne affichent les meilleures performances de l’OCDE
sur le plan de la sécurité routière, la situation peut être encore notablement améliorée. Par
exemple, en Suède, où le taux de mortalité est comparativement faible par rapport à d’autres
zones du globe, on observe que 20% des jeunes qui meurent entre l’âge de 5 ans et l’âge de19
ans sont victimes d’accidents de la route. Par conséquent, même dans les pays où la situation
semble satisfaisante au regard de la situation mondiale, des progrès notables restent à
accomplir pour rendre le transport routier véritablement sûr.
        Dans les pays à revenu intermédiaire ou à faible revenu, la situation ne cesse de se
dégrader. Alors qu’ils ne comptent que 48% des véhicules immatriculés, ils représentent 90 %
des accidents de la route. Plusieurs raisons expliquent ce paradoxe : les conducteurs, de plus
en plus nombreux, sont peu formés à la conduite et mal informés des risques liés à la
circulation automobile ; ils circulent à bord de véhicules souvent mal maîtrisés, mal équipés et
peu entretenus ; ils empruntent des chaussées surchargées, inadaptées ou dégradées ; ils
circulent au milieu d’une population nombreuse, dense, jeune et rarement ou insuffisamment
sensibilisée à la sécurité routière. Le contrôle du respect des règlementations n’est pas assuré.
Quant à la chaîne des secours en cas d’accident, malgré le dévouement de ceux qui en ont la
charge, elle est souvent insuffisante ou même inexistante.
        Le Pacifique occidental et l’Asie du Sud et du Sud-est comptent plus de la moitié des
décès consécutifs à des accidents de la circulation. C’est dans les pays d’Afrique
subsaharienne que les taux de mortalité sont les plus élevés comparativement à leur
population et à leur parc automobile. A eux seuls, dix pays (l’Afrique du Sud, le Brésil, la
Chine, l’Egypte, les Etats-Unis, l’Inde, l’Indonésie, l’Iran, le Mexique, la Russie) concentrent
plus de la moitié des décès consécutifs à des accidents de la route.

                                               5
Roulons plus sûr ! Les Cahiers du Challenge Bibendum Les nouveaux défis de la sécurité routière
Tous les pays ne sont pas égaux devant le risque d’accident de la circulation, mais tous
les usagers non plus. Les piétons, les cyclistes et les deux-roues sont de loin les premières
victimes des accidents. Parmi les piétons, des catégories d’usagers sont particulièrement
vulnérables : les enfants, les adolescents, les jeunes, les personnes âgées ou les personnes
handicapées. Les piétons, les cyclistes et les utilisateurs de deux-roues constituent près de la
moitié des victimes des accidents de la route, et cette proportion est encore plus élevée dans
les pays à faible ou moyen revenu. Dans les pays à revenu élevé, les occupants de voitures
sont proportionnellement plus touchés, en raison du nombre plus important de véhicules en
circulation. Les enfants et les jeunes sont les premières victimes de la route. Chaque année,
les accidents causent plus de décès annuellement que le Sida parmi les jeunes de 17 à 25 ans.
Enfin, le taux de mortalité des hommes est trois fois supérieur à celui des femmes. Cette
disproportion s’explique sans doute par les risques liés à l’exposition au trafic et à des
comportements à risques.

     Figure 1 : Les pays à faible revenu comptent 9 % des véhicules pour 37% de la
                             population, mais 42% des décès.

2. La sécurité routière à l’horizon 2030

        Si rien de vraiment nouveau n’est fait immédiatement pour améliorer la situation, en
moins de deux décennies l’insécurité routière deviendra la cinquième cause de mortalité
mondiale, toutes catégories de population confondues, avant les décès dus aux maladies telles
que le sida ou la tuberculose. Alors que la situation devrait sensiblement s’améliorer dans les
pays à haut revenu, où la mortalité devrait baisser de 30% entre 2000 et 2020, elle risque fort
de continuer à se dégrader sévèrement dans les pays à plus faible revenu. Les experts
anticipent un accroissement de la mortalité de plus de 80% dans ces pays.
        Dans les années à venir, l’expansion démographique, le développement économique et
l’urbanisation galopante accroîtront les besoins de mobilité et donc le nombre d’usagers sur
les routes. En 2025, la population urbaine représentera plus de 60% de la population

                                               6
Roulons plus sûr ! Les Cahiers du Challenge Bibendum Les nouveaux défis de la sécurité routière
mondiale. Dans les pays en croissance, 4 milliards de personnes rejoindront des villes
devenues mégalopoles. Les usagers seront encore plus nombreux à emprunter des voies de
circulation toujours plus encombrées. Demain, des infrastructures souvent vétustes et peu
adaptées devront absorber des flux de circulation encore plus denses. Selon les estimations, en
2030, 1,5 milliard de véhicules rouleront dans le monde, soit près du double du parc
automobile actuellement en circulation. Cette croissance se produira essentiellement dans les
pays encore faiblement motorisés aujourd’hui.

 Figure 2 : Selon l’Organisation mondiale de la santé, en 2030, les accidents de la route
                   deviendront la 5e cause de mortalité dans le monde.

        Cependant, les pays à haut revenu devront également faire face à de nouveaux défis.
Le vieillissement de la population les contraindra à adapter les modes de transport et les
infrastructures à des personnes aux capacités de conduite et aux réflexes amoindris par l’âge.
Les accidents de la circulation ne représentent pas une cause majeure de décès chez les

                                              7
Roulons plus sûr ! Les Cahiers du Challenge Bibendum Les nouveaux défis de la sécurité routière
personnes âgées. Cependant, au regard de leur poids dans la population, elles sont
surreprésentées parmi les victimes de la route, notamment parmi les usagers vulnérables. Lors
d’un impact, les personnes âgées courent plus de risques que les personnes plus jeunes du fait
de leur fragilité physique. Contrairement à une idée répandue, les conducteurs âgés ne causent
pas davantage d’accidents que la moyenne des automobilistes, au contraire. En revanche,
leurs chances de survie en cas d’accident sont nettement plus faibles. Ainsi, le taux de
mortalité est cinq fois plus important pour les conducteurs de plus de 75 ans que pour la
moyenne des conducteurs.

  Figure 3 : Selon les prévisions, sans changement radical, l’Afrique, la Chine et l’Inde
          totaliseront plus d’un million de mort par an sur les routes dès 2030.

3. La sécurité routière, un enjeu pour tous

        L’opinion publique et les décideurs politiques s’alarment de l’étendue du défi de la
sécurité routière. Longtemps, les accidents de la route ont été considérés comme des
problèmes domestiques, relevant des politiques publiques nationales. A partir du début des
années 2000, la prise de conscience a évolué et la communauté internationale a franchi une
étape nouvelle, considérant qu’il s’agissait d’un fléau international appelant une réponse
globale. Ce tournant a abouti à la tenue en novembre 2009 à Moscou de la première
conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière, dite « Conférence de Moscou ».

                                              8
Roulons plus sûr ! Les Cahiers du Challenge Bibendum Les nouveaux défis de la sécurité routière
Sous l’égide des Nations unies, cette conférence a réuni pour la première fois au
niveau mondial des représentants des gouvernements, des agences spécialisées, des
organisations internationales et des représentants du secteur privé. Prenant acte de la gravité
de la situation, les représentants de plus de 110 gouvernements ont publié une déclaration
commune sous la forme d’un appel à l’action.
        A la suite de cette conférence, l’assemblée générale des Nations unies a proclamé en
mars 2010 la « Décennie d’action pour la sécurité routière 2011-2020 ». L’assemblée a
entériné les conclusions de la Conférence de Moscou et a rappelé la nécessité d’agir très
rapidement pour protéger tous les usagers de la route. L’objectif fixé par les gouvernements
est de stabiliser, puis de réduire le nombre des décès dus aux accidents de la route. Le but est
de stabiliser d’ici 2020, puis de réduire le nombre des victimes. Il s’agit d’un objectif
ambitieux eu égard à la situation actuelle et aux investissements humains et matériels requis
pour l’atteindre.

      Figure 4 : La Décennie d’action en faveur de la sécurité routière (2011-2020)
                           s’appuie sur cinq piliers d’action.

        Le Groupe des Nations unies en faveur de la collaboration en matière de sécurité
routière (UNRSC) a élaboré un plan d’action pour la décennie. L’UNRSC favorise une
approche multisectorielle et globale, fondée sur le renforcement de la coopération
internationale. Il propose de travailler sur cinq piliers majeurs : la gestion de la sécurité
routière ; le développement d’infrastructures conçues pour la sécurité des usagers ; la
promotion de véhicules plus sûrs ; les changements de comportement des usagers de la route ;

                                               9
Roulons plus sûr ! Les Cahiers du Challenge Bibendum Les nouveaux défis de la sécurité routière
enfin, le développement des soins et de la prise en charge des victimes d’accident de la route.
Ce plan a pour but de créer une architecture mondiale et régionale permettant une lutte
efficace contre l’insécurité routière, et de favoriser la mobilisation de fonds et de ressources
humaines. L’UNRSC encourage la création de plans de prévention nationaux et locaux, ainsi
que le partage des bonnes pratiques. L’amélioration du recueil des données et le suivi des
progrès accomplis dans le management local et global de la sécurité routière sont également
des points clés du plan d’action. S’il est conduit avec succès, ce plan pourrait permettre – sur
la décennie - de sauver 5 millions de vies, éviterait 500 millions de blessés, et la perte de
plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Figure 5 : Le but de la Décennie d’action en faveur de la sécurité routière (2011-2020)
est de définir une stratégie destinée à éviter un doublement de la mortalité routière à
l’avenir et de réduire le taux de mortalité actuel. Source : FIA Fondation.

         Le secteur privé se mobilise également en faveur de la sécurité routière. Publié en
juillet 2011 à l’initiative de la Road Safety Task Force, le « White Paper for Safe Roads in
2050 » constitue une contribution privée importante au plan d’action pour la Décennie
d’action en faveur de la sécurité routière (Plan for the Decade of Action for Road Safety). La
Road Safety Task Force rassemble des représentants d’entreprises privées, des universitaires,
des responsables gouvernementaux et des délégués d’organisations internationales ayant
participé à la Global Road Safety Round Table qui s’est tenue à l’occasion du 10e Challenge
Bibendum à Rio-de-Janeiro en juin 2010. Ce groupe d’experts a tenté de trouver des solutions
pratiques devant permettre de viser zéro accidents de la circulation liés aux déplacements
professionnels d’ici 2050. Le point le plus innovant de cette feuille de route tient à la place
primordiale accordée aux entreprises en matière de sécurité routière et plus particulièrement
au rôle de levier qu’elles peuvent jouer dans les actions de prévention. Par imprégnation

                                              10
culturelle et par imitation, la lutte pour la réduction du nombre et de la gravité des accidents
survenus au cours de trajets professionnels aura un impact déterminant sur la réduction de
l’ensemble des accidents de circulation.
         Près d’un tiers des décès liés aux accidents de la route se produisent dans un contexte
professionnel. Le secteur privé a donc un rôle de premier plan à jouer dans l’amélioration de
la sécurité routière. Les entreprises ont, à cet égard, une double responsabilité. D’une part,
elles ont un rôle à jouer vis-à-vis de la société dans son ensemble, en tant qu’acteurs
socialement responsables. D’autre part, elles ont également un rôle à jouer envers leurs
employés et sous-traitants, en qualité d’employeurs responsables.
         Toutes les entreprises peuvent se mobiliser en adoptant et assurant au quotidien la
promotion auprès de leurs employés des bonnes pratiques en matière de sécurité routière. Les
entreprises détentrices de flottes de véhicules sont bien sûr les premières concernées, mais pas
les seules. Dans la lignée de la Décennie d’action en faveur de la sécurité routière, un comité
ISO a été crée afin d’élaborer une nouvelle norme, la norme ISO 39001, relative aux systèmes
de management de la sécurité routière. Cette norme sera un outil au service de tout organisme,
public ou privé, désireux d’agir en faveur de la sécurité routière. Elle se donne pour principe
de viser zéro morts sur la route, seule attitude humainement responsable, au moyen d’un
processus d’évaluation et d’amélioration continu.
         Certaines organisations ont choisi de se mobiliser plus fortement encore en lançant des
initiatives privées en faveur de la sécurité routière. Parmi celles-ci, on peut notamment citer le
Global Road Safety Partnership (GRSP). L’organisation a été lancée en 1999 par des
organisations internationales dont l’Organisation mondiale de la santé et la Fédération
Internationale des sociétés de la Croix Rouge et du Croissant Rouge (IFRC), et en partenariat
avec des entreprises privées. Le GRSP regroupe un réseau d’acteurs (gouvernements, ONG,
sociétés privées) qui mènent des actions pilotes dans des pays à faible et moyen revenu. Par
exemple, en Russie, sur la presqu’île de Sakhaline, le GRSP a encouragé le port de la ceinture
de sécurité en collaboration avec la police, avec pour effet de diminuer de 20% le nombre des
morts et des blessés. En 2005, sept sociétés - Ford, General Motors, Honda, Michelin,
Renault, Shell et Total - ont lancé le GRSI « Global Road Safety Initiative», un programme
soutenant des initiatives locales grâce à une dotation de 10 millions de dollars.
         La réussite de la Décennie d’action en faveur de la sécurité routière repose aussi sur la
mobilisation du secteur privé. Cet apport sera considérable, que ce soit en offrant un soutien
au management de la sécurité routière, une expertise dans ce domaine, ou encore en
contribuant aux investissements dans la recherche et le développement de technologies plus
sures ou en finançant des initiatives en faveur de la sécurité routière.

                                               11
Chapitre 2 : Le bilan économique et social

        L’insécurité routière représente un coût humain et économique considérable. Les
dégâts matériels occasionnés par les accidents ne constituent d’ailleurs qu’une partie de ce
coût. Sans parler des conséquences humaines et des traumatismes psychologiques causés par
les accidents, l’impact économique sur les transports (incertitudes liées à l’insécurité,
perturbation du trafic) et sur le fonctionnement des entreprises (pertes de ressources
humaines, désorganisation logistique) fait l’objet d’une réflexion approfondie destinée à
orienter les politiques publiques.

1. Estimation du coût global des accidents de la route

    En raison du faible nombre d’études macroéconomiques menées à ce jour, il est difficile
de dresser un bilan précis du coût économique total causé par les accidents de la route.
Toutefois, il est possible d’identifier les principaux impacts et les conséquences induites par
ces accidents. D’une part, l’analyse des coûts permet de mesurer la valeur de la perte et de
faire prendre conscience aux pays de la destruction de valeur sociale et économique que
représentent les accidents de la route. D’autre part, cette démarche permet d’évaluer les
bénéfices que l’on peut attendre des mesures de prévention.

             Figure 6 : Rapport mondial sur la prévention des traumatismes
                             dûs aux accidents de la route.

                                              12
S’il est relativement facile d’estimer le montant des dégâts matériels directs, les pertes en
vies humaines ou les handicaps définitifs des blessés constituent des préjudices difficilement
mesurables. L’évaluation de la souffrance et des traumatismes subis par les individus est
particulièrement ardue. Afin de répondre à ces difficultés de chiffrage, deux méthodes sont
généralement employées. La première, dite « du capital humain », est la méthode la plus
répandue. Elle consiste à évaluer l’impact économique des dommages humains. Elle repose
sur une identification des manques à gagner et des coûts de rétablissement de la situation
antérieure. Elle permet de déterminer une valeur. La deuxième méthode est dite
« du consentement à payer ». Elle prend en compte la difficulté d’évaluer les coûts subis par
les individus et calcule ce que les individus seraient prêts à payer (autrement dit, leur
« volonté de payer ») pour réduire les risques de traumatisme mortel.
    A ce jour, suivant la première méthode, on estime que les accidents de la route engendrent
une perte économique équivalent à près de 2% du PNB mondial. En 1997, l’Organisation
mondiale de la santé a chiffré le coût direct des accidents de la circulation à 518 milliards de
dollars par an, un montant qui a depuis lors fortement évolué à la hausse. Ce coût varie
fortement suivant les pays et peut représenter de 1 à 3% de leur PNB. Les accidents
représentent une charge d’autant plus lourde pour un pays que celui-ci dispose de ressources
limitées. Dans les pays à faible ou moyen revenu, suivant des estimations datant de 2004, le
coût total des accidents représente un montant cumulé annuel de 65 milliards de dollars, soit
un montant supérieur à la valeur de l’aide publique au développement reçue par ces mêmes
pays. Selon l’Organisation mondiale de la santé, dans les pays de l’Union européenne, les
accidents de la route auraient coûté en 2004 180 milliards d’euros, c’est-à-dire deux fois plus
que le budget annuel de l’Union européenne.

2. Le coût pour la collectivité

        Destructions matérielles des systèmes de transport collectifs, dommages subis par les
infrastructures, coût des services de secours et de prise en charge des victimes… Les
préjudices causés à la collectivité par les accidents de la route sont multiples et leur montant
est très élevé. Ils constituent un véritable problème de santé publique et de développement.
Cette charge pèse tout particulièrement sur les systèmes de secours et de soins. Les ressources
consacrées aux secours d’urgence et aux soins des blessés grèvent lourdement les budgets
dévolus à la santé publique et pénalisent l’amélioration de l’état sanitaire de la population. On
estime que, chaque année, plus de 25 millions de blessés graves victimes d’accidents de la
route nécessitent une prise en charge immédiate. La prise en charge et le traitement des
blessés se traduit par de lourdes dépenses qui sont tantôt à la charge du blessé ou des
compagnies d’assurance, tantôt à la charge des pouvoirs publics.
    Les infrastructures nécessaires à l’organisation des secours et au traitement des blessés
constituent une charge de plus en plus lourde. Elles requièrent d’ailleurs une organisation
adaptée particulièrement coûteuse, puisque fonctionnant dans l’urgence et en permanence.
Outre le surcoût de l’urgence, les autorités sanitaires doivent organiser le traitement des
blessures dans la durée, et parfois à vie dans le cas des blessés les plus atteints. Selon un
rapport publié par l’Organisation mondiale de la santé en 2009, les accidents de la circulation
représentent 20 à 50% des admissions aux urgences dans les hôpitaux en Inde, et 10 à 30%
des hospitalisations. L’insécurité routière est une source majeure de traumatisme et de
handicap. On estime qu’en Inde, environ deux millions de personnes souffriraient d’un
handicap physique consécutif à un accident de la route. Comment réintégrer ces personnes ?

                                               13
Comment leur permettre de reprendre le cours de leur vie et leur apporter un moyen de
subsistance ? Ce sont autant de question auxquelles sont confrontées les autorités publiques.
    Par ailleurs, la durée de prise en charge des grands blessés est d’autant plus longue que les
populations les plus touchées par les accidents de la route sont les populations les plus jeunes.
Ce phénomène est particulièrement vrai dans les pays à faible ou à moyen revenu. Il est par
conséquent certain que la perte et la mutilation d’une partie de la jeunesse de ces pays a des
effets négatifs durables sur le développement futur de ces pays. Le groupe d’âge le plus
productif, celui des 15-44 ans, est fortement surreprésenté parmi les victimes de la route. La
réduction du nombre de blessés et de morts sur les routes préserverait des ressources
productives qui pourraient être allouées à la croissance économique. Il y a un lien
incontestable entre sécurité routière et croissance économique. En améliorant la sécurité sur
les routes, les pays épargnent des ressources qui peuvent être investies dans les secteurs de
l’éduction, de la santé, de la recherche ou encore des infrastructures, soutenant ainsi la
croissance économique. A son tour, la croissance économique augmente les besoins de
mobilité mais permet aussi de les satisfaire dans de meilleures conditions, par exemple en
développant des infrastructures plus sures et mieux adaptées aux besoins des usagers.
L’investissement de la collectivité dans la sécurité routière crée un cercle vertueux ; le
désinvestissement de la collectivité a un effet exactement inverse.

   4. Les répercussions sur les individus

    Un accident de la circulation est un drame émotionnel personnel en premier lieu pour les
individus qui en sont victimes ainsi que pour leurs proches. Mais ce phénomène a aussi des
répercussions sociales plus étendues. Pauvreté, exclusion, dépression, maladie, suicide sont
des maux qui touchent fréquemment les victimes. On estime ainsi que chaque année près de
100 millions de familles doivent affronter le décès ou l’invalidité d’une personne proche suite
à un accident de la route. Les victimes, quant à elles, se trouvent parfois exposées à la
stigmatisation et peuvent être victime de discriminations, avec pour corollaire des
conséquences dommageables sur le plan social, éducatif et professionnel. L’impact est autant
émotionnel que pécuniaire. Les conséquences d’un accident de la circulation pour l’équilibre
économique d’un foyer sont peu prises en considération en dépit des répercutions
considérables sur la vie des personnes concernées et sur celle de leur entourage proche. Les
familles doivent en effet assumer diverses charges financières : coût des funérailles en cas de
décès, prise en charge des soins en cas de blessure, effet du handicap ou de la perte de
capacité de travail, sans compter le coût financier de l’accident lui-même. Quel que soit le
pays ou le contexte économique, les familles sont presque immanquablement affectées par
une perte de revenu, temporaire ou définitive. Dans trois accidents sur quatre, la victime est
un homme dans la force de l’âge, souvent le principal soutien de famille.
    Les accidents de la route affectent plus particulièrement les catégories de population les
plus défavorisées. D’une part, les populations les plus pauvres sont plus exposées au risque
d’accident. Cela est particulièrement vrai dans les pays en développement où les groupes de
population les plus vulnérables, piétons ou utilisateurs de deux-roues, appartiennent aux
groupes socio-économiques défavorisés. En effet, d’une part, ces populations bénéficient peu
des politiques conçues pour des déplacements motorisés mais supportent la plus grande partie
des risques. D’autre part, elles ont souvent recours à des services de transport collectifs à
faible coût mais peu sûrs. Enfin, en cas de blessure ou de décès, les populations les plus
pauvres rencontrent les plus grandes difficultés pour faire reconnaître leurs droits ou faire face
aux frais engendrés immédiatement par l’accident. Dans bien des pays à faible ou à moyen

                                               14
revenu, ces populations ont aussi un accès limité aux systèmes de soins. Dès lors, les dépenses
dues à l’accident combinées à la perte de revenu du fait de l’incapacité de la victime ou de son
décès peuvent faire basculer des familles entières dans la pauvreté.

4. Les coûts supportés par les entreprises

        Chaque semaine, environ 7500 personnes meurent à l’occasion d’accidents de la route
survenus dans un contexte professionnel, c’est-à-dire lors d’un déplacement entre le domicile
et le lieu de travail ou durant un déplacement professionnel. Les coûts induits par ces
accidents sont loin d’être négligeables. Le coût direct de ces accidents est considérable :
dépenses d’assurance, réparation des dommages matériels, indemnisation des employés en
arrêt maladie ou compensation pour la famille et les proches. Mais de nombreux coûts
indirects viennent s’ajouter à ces frais : journées de travail perdues, retards voire interruption
de la production, désorganisation de l’entreprise, perte de clients, coûts de gestion comptable
et commerciale, impact négatif sur le climat social dans l’entreprise et sur son image…
        L’analyste Will Murray a élaboré une méthode de calcul spécifique pour estimer
l’impact économique des accidents de la circulation survenus dans le cadre professionnel.
Cette méthode prend en compte le coût humain et le coût du matériel endommagé, les dégâts
humains et matériels causés aux parties tierces, et suggère de multiplier la somme par deux
afin de tenir compte des coûts induits par ces accidents. Il rapporte ensuite la somme totale au
nombre de produits ou de service additionnels que l’entreprise doit vendre pour absorber le
coût de l’accident. Cette méthode a pour avantage d’établir un lien direct entre la production
d’une entreprise, sa marge opérationnelle, et le coût d’un accident. Pour une entreprise de
taille moyenne, un accident grave de la circulation survenu dans l’année peut absorber à lui
seul la totalité du bénéfice réalisé dans cette même année !
Selon une étude menée au Royaume Uni en 2000 par le Health and Safety Executive, le coût
total annuel des accidents de la circulation survenus dans le cadre du travail s’élèverait à plus
de 3 milliards d’euros. Cette étude révèle également que, pour chaque euro remboursé par les
compagnies d’assurance, les entreprise doivent en moyenne absorber entre 10 et 40 euros de
frais cachés. Or, selon le HSE, des mesures simples et peu coûteuses peuvent contribuer à
réduire sensiblement le risque d’accident professionnel de la circulation. Ainsi, les stages de
conduite permettent de réduire les risques attribuables à des erreurs humaines de 30 à 70%.
Cette étude cite le cas d’une entreprise qui est parvenue à réduire le taux de fréquence des
accidents de 60 à 14 accidents par million de kilomètres parcourus après quatre années de
stages de conduite. Une étude de cas menée par Stewart et Towsend abonde dans le même
sens. Selon ces auteurs, la diminution des accidents de circulation professionnels se traduit par
un accroissement de productivité des entreprises de l’ordre de 11%.

                                               15
Chapitre 3 : Les conditions d’une mobilité plus sûre

     L’insécurité routière n’est pas une fatalité. Une amélioration rapide de la situation est à
portée de main, à condition de concevoir et de proposer des solutions adaptées au contexte
local. Dans les pays développés, fortement motorisés, la mortalité a été réduite de moitié en
vingt ans sous l’effet d’une politique volontariste. Il est possible d’aboutir à des résultats
comparables dans les pays en développement. Cela suppose la mise en place d’une stratégie à
long terme élaborée en concertation avec toutes les parties prenantes, au niveau local, national
et international.

   1. Définition d’une stratégie de lutte

    L’élaboration d’une stratégie globale à long terme suppose au préalable une analyse très
détaillée de la situation locale. Chaque pays, chaque région, chaque groupe social est
confronté à une problématique propre. Pour définir une politique publique adaptée, tant au
plan national que local, les autorités ont besoin de données fiables et très détaillées. Seule une
analyse fine des différents paramètres permet d’évaluer l’ordre de priorité des actions à mener
et de définir les moyens associés. Le rapport de l’OMS de juin 2009 a été une première
tentative mondiale de présenter ce type d’analyse par pays.
    Cet état des lieux détaillé doit rendre possible la mise en place d’indicateurs de suivi
permettant de mesurer les progrès réalisés. La mesure de l’évolution des risques est essentielle
au pilotage des politiques publiques. Elle permet de faire valoir les résultats obtenus au regard
des contraintes légales et sociales imposées au public. Elle permet également de réagir très
rapidement lorsque, pour différentes raisons, la situation se dégrade de nouveau. La mise en
place de mesures d’impact permet quant à elle d’évaluer les effets des efforts entrepris et de
s’assurer que les mesures correctrices atteignent leur but. La lutte contre l’insécurité routière
relève du pilotage permanent et n’est efficace que si elle peut s’appuyer sur une base de
données statistique fine et fiable.
    A cet égard, la situation actuelle est loin de correspondre aux besoins. Dans de nombreux
pays, les statistiques dont disposent les pouvoirs publics sont faibles, incertaines, voire
inexistantes dans certains pays pauvres, où pourtant les risques d’accidents sont très élevés.
En outre, les méthodes statistiques et la définition des paramètres d’évaluation ne sont pas
standardisées au niveau mondial, ce qui rend les comparaisons internationales délicates. Par
exemple, la définition d’un décès consécutif à un accident de la route varie fortement d’un
pays à l’autre et ne recouvre pas les mêmes réalités. Cette situation est d’autant plus
dommageable que les transferts de savoir-faire et d’expérience d’un pays à un autre sont un
atout important pour le succès des politiques publiques.
    Pour réaliser des progrès durables en matière de sécurité routière, il est important que les
autorités publiques adoptent une approche globale, avec le soutien et la mobilisation de
l’ensemble des acteurs. Cela est d’autant plus nécessaire que de multiples entités publiques et
privées sont impliquées dans la gestion de la sécurité routière. En amont, la culture familiale
de la sécurité, l’investissement du système éducatif, la mise au point de véhicules et de
chaussées adaptées par les ingénieurs et les entrepreneurs, la formation des conducteurs et des

                                               16
piétons jouent un rôle crucial. Sur le terrain, l’organisation des flux de trafic, la surveillance
des automobilistes, l’entretien des matériels roulant et des infrastructures constituent des
piliers clés de la sécurité routière. En cas d’accident également de nombreux acteurs sont
impliqués dans la gestion de crise : services de secours d’urgence, infrastructure hospitalière,
police, sociétés de dépannage, sociétés d’entretien… En aval enfin, d’autres acteurs
interviennent afin de réduire ou de compenser l’impact des accidents sur les victimes et leurs
proches. Toutes ces parties prenantes doivent être associées à la définition des politiques
publiques dans la mesure où elles seront conduites à les appliquer.
    La lutte contre l’insécurité routière doit faire l’objet d’une planification au niveau national
déclinée ensuite localement par des programmes spécifiques, accompagnés de mesures
particulières adaptées au contexte. Cette approche est plus efficace lorsqu’elle s’appuie sur un
organisme spécifique chargé exclusivement de la gestion des questions de sécurité routière.
La plupart des pays développés se sont dotés de tels organismes, mais beaucoup de pays n’en
disposent pas encore.

Figure 7 : Lors du Challenge Bibendum Rio 2010, des experts représentant des
entreprises privées, des organismes internationaux et des gouvernements ont identifié les
activités prioritaires que devraient mener le secteur privé pour contribuer à la Décennie
d’action.

    Par ailleurs, la mobilisation de l’opinion publique par des campagnes de prévention et de
sensibilisation constitue également un élément incontournable. Les médias ont un rôle clé à
jouer en la matière : ils éduquent la population à la culture de la sécurité routière ; ils

                                                17
mobilisent l’attention durant les périodes où le trafic est particulièrement dense et dangereux ;
ils dénoncent les cas de violence routière extrême.
     En outre, le financement des actions en faveur de sécurité routière doit être garanti non
seulement dans les pays à revenu élevé, mais encore dans les pays plus faible revenu. Dans ce
cas, la solidarité internationale et l’aide privée peuvent aider ces pays à réaliser les
investissements nécessaires. Il convient également de favoriser les transferts de connaissances
entre les pays afin de diffuser les meilleures pratiques de prévention des accidents, de gestion
de crise, et d’accompagnement des victimes.
     Par ailleurs, ce serait une erreur de considérer que la sécurité routière relève
exclusivement du ressort des autorités publiques. Bien au contraire, tous les acteurs privés
doivent être associés à la réflexion. Les acteurs de la mobilité peuvent notamment constituer
une force de proposition importante, notamment sur le terrain de la prévention routière.
Chaque année, la recherche privée permet d’identifier de nouvelles technologies susceptibles
d’accroître le niveau de sécurité, soit à bord des véhicules (équipements de sécurité), soit dans
le domaine des infrastructures (notamment à l’aide des technologies dérivées des systèmes de
transports intelligents, STI). Les constructeurs de véhicules les plus en pointe peuvent ainsi
contribuer fortement à la réduction des accidents en montant leurs systèmes les plus
performants sur leurs modèles autant pour les pays industrialisés que pour les pays en
développement ou émergents.
     De multiples initiatives privées émergent spontanément, émanant d’organismes
internationaux ou d’associations plus modestes. Le groupe de travail d’une quinzaine
d’experts issus d’organismes internationaux et de gouvernements lors du Challenge
Bibendum Rio 2010 a permis d’enrichir le débat sur la sécurité routière en milieu
professionnel et d’identifier les principaux leviers d’action dans le cadre de la Décennie
d’action des Nations unies. Ces travaux ont donné lieu à la publication d’une feuille de route.
L’objectif de cette feuille de route est de stabiliser le nombre de décès en lien avec le travail
d’ici à 2020, de le réduire de moitié d’ici à 2030, afin de tendre vers « zéro mort » d’ici à
2050.

2. Les actions prioritaires

    La sécurité routière est un phénomène complexe. Trois facteurs principaux contribuent à
la sécurité routière : le véhicule, l’infrastructure routière, le comportement de l’usager. C’est
ce dernier facteur qui est de loin le plus déterminant. C’est aussi le plus délicat à maîtriser.
Dans les pays riches, où le parc automobile est récent, performant et bien entretenu, les
véhicules ne sont responsables que de 7 à 8% des collisions. Les infrastructures sont
généralement d’un bon niveau et correctement entretenues ; elles ne figurent pas parmi les
premières causes des accidents. Dans les pays à revenus plus faibles, l’accroissement de la
motorisation, l’absence de séparation physique entre les usagers vulnérables et le reste du
trafic, la faible application des règles de sécurité et de sensibilisation des usagers sont les
principales causes d’accident. L’Organisation mondiale de la santé considère que l’adoption
par tous les pays d’une législation claire sur la sécurité routière est indispensable. Elle doit
être accompagnée de campagnes de sensibilisation et assortie de sanctions proportionnées aux
dangers. Cette législation doit également porter une attention particulière aux usagers
vulnérables. Or, actuellement, seulement 15% des pays disposent d’une telle législation. Enfin
un quatrième facteur est déterminant pour limiter la gravité de l’impact des accidents, c’est
l’efficacité d’intervention sur les lieux pour prendre en charge les personnes accidentées et les
acheminer vers les lieux de soins appropriés.

                                               18
L’OMS préconise l’adoption d’au moins cinq mesures simples qui contribuent
sensiblement à l’amélioration de la sécurité routière :

           a. Mesure n° 1 : limiter la vitesse, en ville notamment. Il existe un lien direct
              incontestable entre l’augmentation de la vitesse moyenne et l’accroissement de
              la gravité des accidents et du risque de mortalité. Ainsi, on estime que si un
              piéton est heurté par un véhicule roulant à 30km/h, il a 90% de chance de
              survie. En revanche, à 45 km/h, ces chances sont inférieures à 50%.
           b. Mesure n° 2 : lutter contre la conduite en état d’ébriété. La conduite sous
              l’influence de l’alcool augmente à la fois le risque d’accident et celui de décès
              ou de traumatisme grave. L’OMS recommande donc de limiter à 0,05 g/l. le
              taux d’alcoolémie maximal autorisé.
           c. Mesure n°3 : rendre le port du casque obligatoire pour les deux roues. En
              cas d’accident, le port d’un casque - s’il est conforme aux normes de sécurité -
              réduit le risque de décès de 40% et diminue le risque de traumatisme grave de
              70%.
           d. Mesure n° 4 : rendre obligatoire et effectif le port de la ceinture de
              sécurité pour tous les occupants d’un véhicule. Il est établi que le port de la
              ceinture de sécurité diminue significativement le risque de décès, à l’avant
              comme à l’arrière du véhicule. Si la plupart des pays disposent d’une
              législation imposant le port de la ceinture de sécurité à l’avant du véhicule,
              seule une moitié l’impose aussi à l’arrière. En outre, dans de nombreux pays,
              cette obligation est peu respectée.
           e. Mesure n°5 : généraliser des dispositifs de retenue pour les enfants. Si les
              dispositifs sont correctement installés et utilisés, ils réduisent d’environ 70% le
              nombre de décès chez les nourrissons et de plus de 50% celui des jeunes
              enfants.

                    Les six recommandations fondamentales de l’OMS

    Un rapport mondial sur la prévention des traumatismes dus aux accidents de la circulation
publié en 2004 par l’OMS et la Banque mondiale a formulé six recommandations
fondamentales pour améliorer la sécurité routière. Ce rapport préconise que chaque pays :
    1. se dote d’une instance publique chargée de guider la politique de sécurité routière ;
    2. dresse un état de lieux précis de l’insécurité routière et des moyens de prévention ;
    3. prépare un plan d’action national ;
    4. alloue les ressources humaines et financières nécessaires à la mise en œuvre de ce plan ;
    5. mette en place des mesures d’urgence, dont la limitation de la vitesse, la lutte contre la
conduite en état d’ivresse, le port du casque, le port de la ceinture de sécurité, l’usage de
dispositifs de sécurité pour les enfants ;
    6.Participe à la coopération internationale.

                                               19
3. Une approche globale des accidents et de la sécurité routière

    L’analyse d’un accident est une opération complexe, mais essentielle pour identifier des
parades adaptées. A la fin des années 1960, aux Etats-Unis, William Haddon a tenté de
modéliser les accidents de la circulation. De ses réflexions est née une méthode d’analyse
intégrée appelée « matrice de Haddon ». Cette approche demeure jusqu’à aujourd’hui le
principal cadre de réflexion théorique sur la sécurité routière. La matrice de Haddon découpe
l’accident selon trois phases chronologiques successives (avant, pendant, après) et associe à
ces trois phases trois facteurs déterminants (le véhicule, l’infrastructure routière, le
comportement humain). Neuf domaines d’investigation sont ainsi identifiés, ainsi que les
interactions entre ces neuf domaines. L’objectif de la matrice de Haddon est de mettre en
lumière, pour un accident donné, les facteurs clés qui, à chacune des trois étapes successives,
permettront de lutter contre les accidents routiers et leurs conséquences associées. Toute
politique de lutte contre l’insécurité routière doit être multisectorielle pour agir simultanément
sur chacun des leviers identifiés.
    A partir de ce cadre d’analyse théorique, plusieurs autres concepts sont apparus, comme
les notions de sécurité primaire et secondaire. La sécurité primaire a pour finalité la
prévention des accidents, tandis que la sécurité secondaire concerne la réduction de la gravité
de ces derniers. Ces notions s’appliquent non seulement aux véhicules, mais encore aux
infrastructures et aux dispositifs de secours.
    Si le comportement humain est le premier facteur à considérer, les véhicules jouent
également un rôle clé, à la fois en termes de prévention et de protection des usagers. Ainsi, si
toutes les voitures étaient équipées pour offrir la meilleure protection à leurs occupants,
l’Organisation mondiale de la santé estime que la moitié des décès et des blessures
invalidantes seraient évitées.
    La sûreté des véhicules a été considérablement améliorée tant pour ce qui concerne la
sécurité primaire que dans le domaine de la sécurité secondaire. La notion de sécurité
primaire, ou active, regroupe les technologies qui permettent de prévenir l’accident. Elle
repose avant tout sur le contrôle, la maîtrise et la direction du véhicule, en particulier lors des
manœuvres d’évitement ou de freinage en courbe, situations où des erreurs de conduite
peuvent rapidement avoir des conséquences dramatiques. L’aptitude des véhicules à demeurer
stable dans les situations d’urgence est un autre point crucial. La tenue de route, l’adhérence
au sol, l’amortissement des obstacles, la capacité de freinage, l’éclairage du véhicule et la
visibilité extérieure sont autant d’éléments qui concourent à assurer la sécurité des
conducteurs et de leurs passagers. La sécurité active repose aussi sur l’entretien et le contrôle
régulier des véhicules. Tandis que dans les pays à haut revenu la loi fixe généralement un
niveau d’exigence élevé en matière d’entretien, dans les pays à faible et moyen revenu, cela
n’est généralement pas le cas. Une partie non négligeable des véhicules qui circulent dans ces
pays ne satisfont pas aux exigences minimales en la matière.
    Les nouvelles technologies de sécurité primaire sont extrêmement variées. Elle portent sur
la vitesse (contrôleurs de vitesse en cas de dépassement des limites), la trajectoire (système de
maintien du véhicule sur sa trajectoire en cas d’endormissement), la position relative par
rapport aux autres véhicules (système de maintien des distances de sécurité), la vue (vitrage,
éclairage, alerte en cas de brouillard), le freinage (informations sur l’état de la chaussée,
système de freinage optimisé ABS et dérivés)…
    Lorsque l’accident se produit malgré tout, les dispositifs de sécurité passive entrent en
action. Leur rôle est de protéger au mieux les occupants du véhicules. Certaines sécurités
passives sont très simples et ne requièrent pas le recours à la haute technologie. Le port du
casque ou de la ceinture de sécurité, l’usage des appuis-tête ou d’un équipement de maintien

                                                20
Vous pouvez aussi lire