Lésions blanches : une présence sournoise - Ordre des dentistes du ...
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ENVOIS DE PUBLICATIONS CANADIENNES - NUMÉRO DE CONVENTION 40064801 - 800, BOUL. RENÉ-LÉVESQUE OUEST, BUREAU 1640, MONTRÉAL (QUÉBEC) H3B 1X9 DE L’ O RDRE DES DENTISTES DU QUÉBEC une Lésions présence sournoise blanches : Février/Mars 2015 Volume 52 no 1
SOMMAIRE D E L’ORDRE DE S DE NT ISTES DU QUÉBEC PUBLICATION OFFICIELLE 4 24 DE L’ORDRE DES DENTISTES DU QUÉBEC MOT DU PRÉSIDENT AU TABLEAU Les opinions exprimées dans le Journal sont 7 26 uniquement celles des auteurs. Le fait, pour ARTICLE SCIENTIFIQUE Exercice de la profession un annonceur, de présenter ses produits ou ses services dans le Journal de l’Ordre des Diagnostic différentiel et prise en charge de dentiste en société dentistes du Québec ne signifie pas qu’ils sont clinique des lésions blanches à potentiel Avis aux répondants endossés par l’Ordre des dentistes du Québec. prolifératif de la cavité buccale ÉDITEUR Partie 1 : revue de la littérature 30 Ordre des dentistes du Québec LES JDIQ 2015 RÉDACTRICE EN CHEF 16 Carole Erdelyon L’ORDRE 34 RÉDACTEUR ADJOINT VOUS INFORME FONDATION Dr Paul Morin Élection des membres Des nouvelles du projet Bouche B RÉDACTRICE du comité exécutif Nataly Rainville Assemblée générale annuelle TRADUCTEUR Comités de l’ordre Terry Knowles Nouveaux membres COORDONNATRICE Tournée de l’Ordre DE LA PRODUCTION ET PUBLICITÉ Programme de formation Valérie Mazile dentaire continue CONCEPTION GRAPHIQUE 17 Lorraine Cusson Nominations IMPRESSION Syndic adjoint Deschamps Impression Directrice adjointe des Journées dentaires PRODUCTION Direction des affaires publiques 18 et des communications Annuaire des TIRAGE membres ANNUAIRE 36 5 600 exemplaires Publié 6 fois l’an DES MEMBRES au 31 décembre 2014 n 2015 MEMBER DIRECTORY as of December 31, 2014 FORMATION DENTAIRE ABONNEMENT Cotisation CONTINUE Taxes incluses Québec / Canada 75,00 $ et inscription Programme 2015 À l’étranger 85,00 $ annuelle 2015-2016 40 Envois de publications canadiennes An nu air ec ed Protéger la éb es Numéro de convention 40064801 Qu m em NOUVELLES EN BREF du br s es t (O is e rd nt www.odq.qc.ca de clinique dentaire re de s sd e de en dr tis t Or es du 0 15 Université de Montréal ©2 Tout changement d’adresse doit être signalé Qué bec. 9 CD-ROM) 2-289 ISSN 171 contre la maladie à l’adresse suivante : à virus Ebola Journée scientifique 2015 ORDRE DES DENTISTES DU QUÉBEC Comment reconnaître les signes 800, boul. René-Lévesque Ouest, bureau 1640 19 de l’AVC afin de réagir « VITE » Montréal (Québec) H3B 1X9 Problèmes de santé chez les dentistes TÉLÉPHONE : 514 875-8511 Création du Programme de suivi individualisé 41 TÉLÉCOPIEUR : 514 875-9049 Le sucre liquide COURRIEL : journal@odq.qc.ca 20 dans la mire PORT DE RETOUR GARANTI Conseil d’administration de la Coalition Ordre des dentistes du Québec québécoise sur DÉPÔT LÉGAL la problématique Bibliothèque nationale ISSN : 1718-1569 (Imprimé) du poids ISSN : 2291-1782 (En ligne) © COPYRIGHT 1981 44 PETITES ANNONCES MEMBRE 45 INDEX DES ANNONCEURS 22 Soirée du président 46 Invitation aux membres À L’AGENDA J OURNAL DE L’ORDR E DES DENTISTES DU Q U É BE C 3 VO LU M E 5 2 N O 1 , FÉ VRIE R/ M A RS 2 0 1 5
MOT DU PRÉSIDENT Chères collègues, chers collègues, Dans le domaine des services aux patients, les dentistes, avec leurs collègues médecins et pharmaciens, font partie des fournisseurs de première ligne. Ainsi, il apparaît essentiel que le gouvernement maintienne des standards très élevés dans l’attribution des permis d’exercice, ceci en vue d’assurer P la plus haute qualité dans les soins fournis au public. AR AILLEURS, comme profession, nous reconnaissons que la détention d’un diplôme universitaire implique l’amélioration continuelle des connaissances. Les exigences en matière de formation constituent un défi, même pour les cliniciens les plus allumés. Le maintien des compétences dans un monde de techniques et de technologies en constante mutation nous pousse hors de notre zone de confort. Chaque innovation tend à rendre désuète la précédente. Au moment où vous réalisez qu’Invisalign® est d’avant-garde, les orthodontistes en sont rendus à l’impression 3D de leurs appareils correctifs. La nanotechnologie permet de copier la surface des implants de titane de façon à reproduire les sites récepteurs des cellules osseuses. Employée lors du diagnostic et de la planification des traitements, la radiologie numérique permet quant à elle des interventions chirurgicales plus précises et plus conservatrices, notamment depuis l’introduction de la technologie à faisceau conique. Des analyses de salive et d’ADN permettront aux dentistes du futur de lutter encore plus efficacement contre les maladies buccodentaires. Une chose est certaine : si on ne peut prédire l’avenir, on sait que les choses changent rapidement. Nos facultés fournissent une formation de base importante, mais il faudra sans doute considérer en bonifier l’aspect clinique de sorte que les diplômés, au moment de leur entrée en pratique, aient pu développer des habiletés cliniques plus poussées. À cet égard, l’Ordre a eu des discussions, notamment avec les autorités des facultés dentaires, en vue d’introduire le concept d’une année de résidence avant la délivrance d’un permis. La formation continue aura aussi avantage à être repensée de façon à ce que l’enseignement univer- sitaire et la formation clinique soient valorisés au plus haut point. À certains égards, la comptabilisation des heures de formation continue a donné naissance à une industrie axée davantage sur les profits que sur la qualité académique. Au cours des prochains mois, un groupe de travail de l’Ordre se penchera sur les orientations à donner aux programmes de formation en impliquant dans cette démarche nos partenaires naturels, soit les sociétés dentaires régionales. Et bien sûr, la formation continue a ses propres défis à relever : par exemple, créer des formules pour faciliter l’accès à la formation partout en province. Déjà, certaines plateformes, telles que GoToMyPC et Skype, permettent les consultations à distance. Et que penser des nouvelles applications mobiles qui deviennent la norme aujourd’hui? La vague verte risque même d’emporter le courriel, aujourd’hui consi- déré par certains comme inefficace sur le plan de l’instantanéité si on le compare à Instagram, Twitter ou iMessage. Les possibilités sont sans limites et vont dans les deux sens. De notre côté, nous entendons entre autres recueillir des informations de nos membres relativement à leurs expériences cliniques, stimuler les échanges concernant les traitements utilisés et ainsi favoriser l’intégration des connaissances nouvelles dans les politiques et réglementations de l’Ordre. Qui sait si un jour prochain, un texte comme celui-ci ne vous sera pas transmis uniquement sur votre appareil mobile. Un simple petit point rouge vous avisera que vous avez reçu un message de votre ordre. LE PRÉSIDENT, BARRY DOLMAN, DMD J OURNAL DE L’O RDR E DES DENTISTES DU Q U É BE C 4 VO LU M E 5 2 N O 1 , FÉ VRIE R/ M A RS 2 0 1 5
PRESIDENT’S MESSAGE Dear colleagues, Dentists are integrated front-line providers with our colleagues in medicine and pharmacy and with patients. We recognize that the public will be best served only if government maintains the highest standards of licensure, which have proven their worth, and does not E dilute the provision of services to the lowest common denominator. VERY PROFESSIONAL is aware that lifelong learning is required for anyone holding a doctoral degree. The need for continuing education to both maintain competency and build newer skills, associated with ever-changing techniques and ad- vances in technology, challenges even the most up-to-date clinician. Even as we become more comfortable with the latest procedures, research and new innovation raise the bar even further. PRESIDENT@ODQ.QC.CA Just when you thought Invisalign® was innovative, orthodontists are discovering 3D printing of appliances. Nanotechnology mirrors the surface of titanium implants to replicate receptor sites of bone cells, while revolutionary advances in digital radiology for diagnosis and treatment planning with cone beam CT promise even more accurate and conservative surgical interventions. It is difficult to predict the future of dental medicine. Saliva diagnosis and DNA analysis are two of the advanced tools that future practitioners will have at their disposal in the battle to prevent and eradicate oral diseases. Still, one thing is very clear: there is no end to the fast pace of change. Basic education within our own dental faculties provides an academic foundation, but there cer- tainly is a need to incorporate more and more clinical skills within the curriculum. The Order has been in discussion with the deans of Quebec schools and other jurisdictions to examine ways to introduce a mandatory residency program for all graduates before a permit is issued. Continuing education is another important area that requires a major overhaul so that university and hands-on instruction are accorded the priority status they deserve. In some ways, counting CE hours has spawned an industry, driven by commercial profits rather than by academic credentials. In the coming months an ODQ working group will be examining how best to accredit, validate and categorize programs and integrate our strategic partners like the local societies into a strategic conti- nuing education exercise. Of course CE has its own technological challenges, as we strive to create efficient and interactive platforms that will be easily accessible across Quebec. You can already view files and films and consult using software like GoToMyPC and Skype. Have you noticed that information and news today are most easily transmitted through mobile devices and often via mobile applications? Not only is paperless the green wave of the future, but even e-mail is considered by some to be inefficient, as instant mobile applications like Instagram, Twitter and iMessage and app notifications deliver real-time information. The possibilities are endless. At the same time, we are seeking feedback from clinical experience to formulate our policy and gather data on adverse reactions to various therapies. It is time for the Order to merge these advances and our Code of Ethics and regulations so as to best serve the public and those who provide the services. In fact, it’s rather ironic that this message is still in print form and online, rather than a red dot on your mobile device informing you that have a message from the ODQ... BARRY DOLMAN, DMD PRESIDENT J OURNAL DE L’O RDR E DES DENTISTES DU Q U É BE C 5 VO LU M E 5 2 N O 1 , FÉ VRIE R/ M A RS 2 0 1 5
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ARTICLE SCIENTIFIQUE DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL ET PRISE EN CHARGE CLINIQUE DES LÉSIONS BLANCHES À POTENTIEL PROLIFÉRATIF DE LA CAVITÉ BUCCALE PARTIE 1* : REVUE DE LA LITTÉRATURE Sylvie Louise Avon, DMD, M. Sc., Ph. D., FRCD(C) Professeur titulaire, Faculté de médecine dentaire, Université Laval Adel Kauzman, DMD, M. Sc., FRCD(C) Professeur agrégé, Faculté de médecine dentaire, Université de Montréal Résumé Abstract Les différentes lésions blanches de la muqueuse buccale The different white lesions of the buccal mucosa présentent leur aspect caractéristique secondairement à une present characteristic appearances because of modification du patron de diffusion de la lumière à travers une the way they change the pattern of light diffused surface altérée. La classification des lésions blanches tient through an altered surface. White lesions are compte de deux groupes principaux. On distingue les lésions classified into two main groups: keratinizing blanches kératinisantes (kératinisées) et les lésions blanches (keratinized) and non-keratinizing. Clinically, non kératinisantes. Sur le plan clinique, la résistance au resistance to rubbing off is the first element in grattage constitue le premier élément d’évaluation des lésions assessing white lesions. Keratinizing lesions are blanches. Les lésions kératinisantes sont souvent des lésions often chronic and may develop over a period of chroniques qui peuvent évoluer sur une période de plusieurs several months or years. Non-keratinizing lesions, mois ou de plusieurs années. Les lésions non kératinisantes on the other hand, are temporary and do not sont quant à elles des lésions généralement transitoires, last long. de courte durée. Some white lesions of the oral cavity have the Certaines lésions blanches de la cavité buccale ont un potential to spread. It is these sometimes complex potentiel prolifératif. Ce sont des lésions cliniques parfois clinical lesions that can pose problems for dentists complexes qui peuvent être une source de problème pour in terms of both diagnosis and treatment. It may les dentistes tant sur le plan du diagnostic que de la prise take some time between the first manifestations en charge. Il arrive aussi qu’un certain temps s’écoule entre and the final diagnosis, leading to delays in the les premières manifestations buccales et le diagnostic final, initiation of treatment. The authors present an entraînant des retards dans l’instauration du traitement. Les algorithm that will allow generalist dentists to make auteurs de cet article présentent un algorithme qui permettra a differential diagnosis relating to white oral lesions au praticien généraliste de poser that have the potential un diagnostic différentiel to proliferate, relativement à des lésions and to help buccales blanches ayant Mots clés them make Keywords la capacité de proliférer LÉSIONS BLANCHES informed WHITE LESIONS et d’aider ce dernier à CARCINOME ÉPIDERMOÏDE clinical and SQUAMOUS CELL CANCER faire des choix cliniques LICHEN PLAN therapeutic LICHEN PLANUS et thérapeutiques avisés. choices. CANDIDOSE CANDIDIASIS LEUCOPLASIE LEUKOPLAKIA * La seconde partie de cet article paraîtra dans le numéro d’avril-mai 2015 du Journal et traitera d’un cas de carcinome épidermoïde. J OURNAL DE L’O RDR E DES DENTISTES DU Q U É BE C 7 VO LU M E 5 2 N O 1 , FÉ VRIE R/ M A RS 2 0 1 5
ARTICLE SCIENTIFIQUE INTRODUCTION L ES LÉSIONS BLANCHES de la cavité buccale chacune de ces lésions, on retrouve des apparences simi- sont des lésions cliniques communes. Une étude laires pouvant compliquer le tableau clinique. Les patients qui américaine effectuée auprès de 17 235 personnes présentent une ou plusieurs lésions blanches dans la cavité âgées de 17 ans et plus a démontré que 27,9 % buccale consultent souvent un dentiste généraliste, qui est des sujets présentaient une lésion blanche dans la cavité le professionnel de la santé buccale de première ligne. Ce buccale1. Ces lésions peuvent représenter une multitude de dernier doit donc être familier avec le diagnostic différentiel processus pathologiques pouvant aller d’une simple kératose des lésions blanches et doit avoir, au moment opportun, un traumatique (ou frictionnelle) à une lésion ayant un potentiel index de suspicion élevé afin de pouvoir procéder à des in- de transformation maligne, voire un carcinome épidermoïde2. vestigations supplémentaires et adéquates. Un algorithme La prévalence de ces lésions diffère de façon significative décisionnel permettant la gestion des lésions blanches est dépendamment de plusieurs facteurs tels que l’âge, le sexe, présenté TABLEAU 1 . Cet algorithme utilise essentiellement l’origine ethnique, le port de prothèses amovibles, l’usage des la résistance au grattage, l’aspect clinique des lésions et le différents produits du tabac1 ou la consommation d’alcool3. résultat des tests diagnostiques, tels que la biopsie et la cyto- Même si des caractéristiques classiques sont associées à logie exfoliatrice, pour arriver à une décision thérapeutique. Tableau 1 1 n ALGORITHME DU CHEMINEMENT DIAGNOSTIQUE ASSOCIÉ AUX LÉSIONS BLANCHES TABLEAU Diagnostic des lésions blanches Lésion blanche Lésion se détache Lésion ne se détache pas Cause traumatique Examen sur frottis Pas de cause traumatique (dent coupante, prothèse instable…) Suivi Élimination de la source Caractéristiques de surface Débris ou kératine Candidose du trauma et localisation Dense, fissurée, mixte, Antifongiques Blanche, lisse et homogène granulaire ou ulcérée Asymptomatique, localisée, Symptomatique, étendue, site moins à risque et aucun facteur de risque site à risque ou facteurs de risque Surveiller Lésion disparaît Lésion persiste Biopsie ou référer à un spécialiste Biopsie ou référer à un spécialiste Lésion muco-cutanée Dysplasie (grade élevé) ou désordre systémique ou malignité Kératose, Dysplasie (grade élevé) Dysplasie (bas grade) sans dysplasie ou malignité Suivi ou Gérer ou Suivi Référer à un spécialiste Référer à un spécialiste référer à un spécialiste Référer à un spécialiste J OURNAL DE L’O RDR E DES DENTISTES DU Q U É BE C 8 VO LU M E 5 2 N O 1 , FÉ VRIE R/ M A RS 2 0 1 5
ARTICLE SCIENTIFIQUE DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL Sans une cause locale évidente pouvant expliquer la présence d’une lésion blanche, une investigation plus appro- La cavité buccale est le siège de plusieurs pathologies d’ori- fondie est souvent nécessaire pour l’élaboration d’un diagnostic gines diverses (héréditaire, développementale, réactionnelle, final. La biopsie pourrait jouer un rôle essentiel à ce chapitre. infectieuse, traumatique, inflammatoire, dysplasique, néo Si une cause locale est soupçonnée, l’accent devrait être mis plasique, etc.). Certaines lésions peuvent aussi être secon- sur l’abolition de cette cause avant de penser à effectuer une daires à des conditions systémiques sous-jacentes. Il est donc biopsie. Une kératose frictionnelle de la muqueuse provoquée clair que, sur le plan diagnostique, l’histoire médicale du patient, par le port d’une prothèse instable ou encore secondaire à l’histoire de la lésion elle-même ainsi que son apparence une restauration défectueuse pourrait diminuer et même clinique sont des éléments importants à considérer. Certaines disparaître à la suite du retrait du stimulus. Il est important habitudes de vie prédisposent aussi à des changements dans que le clinicien puisse faire un lien de cause à effet entre la l’apparence de la muqueuse buccale (consommation de tabac, lésion blanche et le stimulus, sans quoi la théorie d’une kéra- d’alcool, de drogue) et doivent être connues par le dentiste qui tose frictionnelle doit être écartée. Ceci permettra d’éviter de doit poser un diagnostic. laisser passer des lésions blanches potentiellement malignes Bien que souvent bénignes, certaines lésions blanches comme étant de cause locale. Le jugement clinique prend de la muqueuse buccale peuvent devenir un endroit propice toute son ampleur à cet égard. au développement du carcinome épidermoïde. Il est donc impératif qu’en présence de toute lésion blanche persistante, il y ait un processus d’investigation ou de suivi établi par le LÉSIONS BLANCHES dentiste selon son impression clinique. Plusieurs éléments À POTENTIEL PROLIFÉRATIF peuvent aider ce dernier à établir un diagnostic différentiel ou à poser un diagnostic clinique. Par exemple, la localisation, Les lésions blanches de la muqueuse buccale ayant un les caractéristiques de la blancheur de la lésion, l’étendue, la potentiel de prolifération sont des lésions kératinisantes ou texture de la surface ainsi que le pourtour d’une lésion sont non kératinisantes qui peuvent se présenter n’importe où dans d’importants facteurs qui peuvent aider dans cette démarche. la bouche. Elles apparaissent généralement à un site solitaire Pour ce qui est de la localisation, les lésions blanches situées pour s’étendre à d’autres sites et devenir multifocales. Le dans une région à risque pour le développement du carcinome diagnostic différentiel demeurant assez limité, il devient épidermoïde de la cavité buccale, comme la surface ventrale essentiel de bien connaître tous les éléments pertinents dans de la langue et le plancher de la bouche, ont une plus grande l’histoire de l’atteinte (durée, évolution, symptômes, traitements chance d’être associées à des changements dans la morpho ultérieurs, soulagement). Cet article se veut une revue des logie cellulaire4, qui seront interprétés histologiquement comme lésions blanches à potentiel prolifératif les plus communes étant des signes de dysplasie épithéliale. retrouvées dans la cavité buccale. Un second article discutera L’échelle de variabilité des altérations de la muqueuse buc- des lésions blanches à potentiel prolifératif moins communes cale impliquant une lésion blanche demeure vaste. L’aspect et plus complexes. de « lait caillé » sur un fond enflammé qui peut être facilement détachable suggère une candidose tandis qu’une lésion non détachable « tachetée ou mouchetée », c’est-à-dire blanche LICHEN PLAN sur un fond érythémateux, est, jusqu’à preuve du contraire, Il s’agit d’une mucodermatose chronique qui peut atteindre la une lésion prémaligne ou un carcinome épidermoïde. Une peau ainsi que la muqueuse buccale et génitale, mais aussi lésion blanche et homogène aura moins de risque de démontrer les ongles et le cuir chevelu6, 7. Le lichen plan est dû à un des changements dysplasiques à l’histologie. Elle démontrera processus auto-immunitaire à médiation cellulaire mettant souvent une hyperkératinisation de surface, expliquant la en cause les cellules de Langerhans et les lymphocytes T6, 8. couleur blanche, avec une maturation cellulaire qui demeu- La plupart des patients sont des adultes d’âge moyen avec rera dans les limites de la normale. D’un autre côté, une lésion une prédominance pour les femmes dans un ratio de 3:27. hétérogène, exophytique et irrégulière avec la propension de Environ 1 % de la population manifeste un lichen plan cutané s’étendre localement pourrait avoir un potentiel de malignité tandis que la prévalence du lichen plan buccal se situe entre plus élevé2, 5. 0,1 % et 2,2 %6, 7, 9. Les lésions secondaires au lichen plan peuvent être divisées en deux catégories, soit kératosiques ou inflammatoires. Les formes kératosiques comprennent le lichen plan réticulaire, papulaire, annulaire, linéaire, floral et en plaques. Elles sont généralement asymptomatiques. 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ARTICLE SCIENTIFIQUE Les lésions typiques du lichen plan se présentent sous forme de striations blanches kératosiques en apparence de treillis ou CANDIDOSE de toile d’araignée que l’on surnomme stries de Wickham6, 7, 9 De loin la plus commune des infections fongiques chez FIGURE 1 . De l’autre côté, il y a les formes inflammatoires avec l’humain, la candidose buccale présente une variété de mani- le lichen plan atrophique, érosif et bulleux, qui sont souvent festations cliniques, rendant parfois le diagnostic difficile. douloureuses et qui peuvent être difficiles et frustrantes à Les lésions sont associées aux différentes souches de Candida, soigner6, 7. Le lichen plan érosif se caractérise par la présence particulièrement C. albicans, qui peut d’ailleurs être une d’ulcérations chroniques souvent entourées de fines lésions composante normale de la flore buccale. Les études montrent blanches périphériques. Si la composante érosive est sévère, que de 30 % à 50 % de la population est porteuse de l’orga- l’épithélium pourrait se séparer du tissu conjonctif sous- nisme, sans manifestation clinique d’infection16. jacent et former des vésicules et des bulles, une présenta- La candidose buccale peut se présenter sous différents tion relativement rare du lichen plan bulleux. Dans la majo- patrons cliniques. On distingue trois formes de candidose : rité des cas, plusieurs de ces formes sont présentes chez le pseudomembraneuse, érythémateuse et hyperplasique16, 17. même patient. Un lichen plan érosif pourrait donc démontrer L’état immunitaire du patient, son environnement buccal et des ulcérations entourées de stries de Wickham. L’atteinte la souche de C. albicans sont des facteurs contribuant à la de la cavité buccale concerne principalement les muqueuses sévérité de l’infection16, 17. jugales, la langue et la gencive avec, en général, une présen- La forme la plus reconnue est la candidose pseudomembra- tation bilatérale et symétrique7. neuse FIGURE 2 . Elle se distingue cliniquement par la présence Le lichen plan doit être distingué de certaines conditions de lésions blanches qui ont l’apparence de « lait fermenté ou apparentées, telles que les réactions lichénoïdes d’origine caillé » sur un fond enflammé et qui peuvent être enlevées par médicamenteuse, les réactions lichénoïdes de contact à frottage. Par contraste avec la forme pseudomembraneuse, la certaines restaurations (amalgame), les réactions d’hyper- candidose érythémateuse est la forme la plus commune, mais sensibilité, la dysplasie lichénoïde, la maladie du greffon des elle passe souvent inaperçue. Cette forme possède plusieurs patients transplantés6, 7, 9 et le lupus érythémateux9. Dans présentations qui sont caractérisées principalement par diffé- la majorité des cas, la biopsie ne permet pas de distinguer rents degrés d’érythème avec des localisations parfois spéci- entre un lichen plan et les réactions lichénoïdes. Par contre, fiques, dépendamment de la présentation. Sous une prothèse elle permet d’identifier des conditions comme le lupus érythé maxillaire, une infection fongique peut rendre la muqueuse mateux et de déterminer si les lésions lichénoïdes démontrent palatine érythémateuse et lisse, voire papillaire : c’est la sto- des changements dysplasiques9. matite prothétique. Lorsque la langue est impliquée, elle peut Le potentiel de transformation maligne du lichen plan ne fait apparaître érythémateuse et fissurée avec perte focale des pas l’unanimité10-12. Selon certains auteurs, une minorité des papilles filiformes sur sa surface dorsale. La glossite médiane cas de lichen plan, variant entre 0,2 % et 0,8 %, peuvent se rhomboïde, une autre forme de candidose érythémateuse transformer en carcinome épidermoïde9-11, 13. Certains auteurs chronique, se présente sous la forme d’une lésion nodulaire pensent que le potentiel de transformation maligne, si présent, sur la surface dorsale médiane de la langue. Elle est parfois serait plus élevé chez les patients souffrant d’un lichen plan accompagnée d’une lésion érythémateuse sur la muqueuse inflammatoire chronique réfractaire au traitement14, 15. palatine, qui représente l’image miroir de la lésion linguale. Les commissures labiales peuvent également être le siège FIGURE 1 FIGURE 2 Lésions blanches sur un fond érythé- mateux au niveau de la muqueuse jugale postérieure gauche. Les lésions blanches ont l’apparence de « lait fermenté ou caillé ». Elles peuvent être enlevées par frottage. Des lésions similaires étaient présentes au niveau Lichen plan réticulaire présentant des striations de la muqueuse jugale blanches kératosiques en apparence de treillis droite. ou de toile d’araignée nommées stries de Wickham. J OURNAL DE L’O RDR E DES DENTISTES DU Q U É BE C 10 VO LU M E 5 2 N O 1 , FÉ VRIE R/ M A RS 2 0 1 5
ARTICLE SCIENTIFIQUE de Candida dans certains cas de chéilite angulaire. Ces lésions accompagnent occasionnellement la stomatite prothétique. LEUCOPLASIE Les patients qui souffrent de candidose érythémateuse et La leucoplasie a été originalement définie par l’Organisation pseudomembraneuse peuvent se plaindre d’un goût métal- mondiale de la santé (OMS) comme étant une lésion blanche lique ou d’une sensation de brûlure buccale16. de la muqueuse qui ne peut être enlevée par frottage et qui La candidose chronique hyperplasique, quant à elle, se ne peut être diagnostiquée comme étant une entité clinique manifeste par des lésions blanches non détachables. Le distincte19, 20. Cette définition impliquait la notion d’un diagnostic terme leucoplasie candidosique est employé par certains d’exclusion. Une nouvelle définition de la leucoplasie a été cliniciens5, 16, 17, mais il devrait être évité puisque cette forme suggérée et elle stipule que ce terme doit être utilisé pour de candidose ne représente pas une lésion potentiellement décrire une lésion blanche à risque de transformation maligne, maligne. Elle présente des plaques blanches non détachables et ce, après l’élimination de toutes les lésions ou affections et asymptomatiques, localisées particulièrement au niveau qui ne présentent pas un risque accru pour le cancer10, 11. C’est des régions rétro-commissurales16, 17 FIGURE 3 . Elle démontre un diagnostic positif, strictement clinique, qui n’implique parfois des changements dysplasiques à l’histologie qui aucun changement histopathologique spécifique2, 5, 10, 11, 19-21. diminueront de sévérité jusqu’à disparaître complètement, Les lésions qui ne démontrent aucun risque de transforma- une fois l’infection fongique éradiquée. tion maligne ne doivent pas être incluses dans ce diagnostic. Le diagnostic final de candidose est basé sur l’histoire De plus, afin de souligner le risque de transformation maligne complète et les données obtenues lors de l’examen clinique. de ces lésions, un groupe d’experts de l’OMS recommande Il est parfois confirmé par frottis ou par biopsie. Ces tests d’utiliser le terme « affections potentiellement malignes »10, 11 diagnostiques révéleront la présence d’hyphes ou de spores à plutôt que lésions ou conditions précancéreuses pour classi- Candida dans les couches superficielles de l’épithélium fier les leucoplasies, les érythroplasies (lésions rouges) et les buccal. Une culture microbiologique peut aussi être utilisée érythroleucoplasies (lésions rouges et blanches). pour confirmer le diagnostic. Elle démontrera une surcrois- La leucoplasie est de loin la plus fréquente des affections sance de Candida sur un milieu Sabouraud, milieu classique le potentiellement malignes de la cavité buccale, suivie par mieux adapté à la culture de levure. L’interprétation de ces l’érythroleucoplasie et l’érythroplasie2, 5, 10, 11, 19-21. La dysplasie résultats peut parfois être difficile puisque, comme précisé épithéliale est le seul facteur objectif présentement disponible plus haut, la présence de C. albicans peut être normale chez qui permet au clinicien d’estimer le risque de transformation certains patients16. Il faudra dans ce cas se baser sur la maligne d’une lésion. Il faut toutefois réaliser que ce ne sont pas présence d’une quantité importante de colonies en croissance. toutes les lésions dysplasiques qui deviendront éventuelle- Le rôle de Candida dans la carcinogenèse buccale est incer- ment malignes. D’un autre côté, certaines lésions non dyspla- tain. Il est discutable que l’augmentation de la colonisation siques à prime à bord pourraient se transformer en cancer21. et l’infestation fongique en association avec les phénomènes La leucoplasie se retrouve plus souvent chez les personnes dysplasiques épithéliales soient purement circonstancielles, de plus de 40 ans2, 4, 22. La prévalence augmente rapidement avec reflétant un changement des conditions environnementales l’âge, spécialement chez les hommes qui sembleraient être tou- de la muqueuse5, 17, 18. chés deux fois plus souvent que les femmes4, 23. Le tabac, l’alcool et la combinaison des deux représentent les facteurs de risque FIGURE 3 les plus importants dans le développement des lésions poten- tiellement malignes. Les leucoplasies sont beaucoup plus fré- quentes chez les fumeurs que chez les non-fumeurs2, 4, 5, 19, 20, 22, 23. Le rôle de l’alcool est bien établi aussi. Il semble augmenter la perméabilité de la muqueuse buccale aux effets cancéri- gènes présents dans la fumée de la cigarette. C’est pour cette raison que la combinaison de ces deux habitudes augmente le risque de développer la leucoplasie et le carcinome épidermoïde, comparativement à chacune de ces habitudes prises isolément19. Les leucoplasies les plus à risque de transformation maligne sont celles qui se retrouvent sur les surfaces latérales et ven- trales de la langue, le plancher de la bouche ainsi que sur le La candidose chronique hyperplasique se présente comme vermillon de la lèvre inférieure comme site extrabuccal5, 22, 23. une plaque blanche non détachable localisée particulièrement au niveau des régions rétro-commissurales. Cette présentation Ce sont les sites de prédilection du carcinome épidermoïde de est plus fréquente chez les fumeurs. la cavité buccale. J OURNAL DE L’O RDR E DES DENTISTES DU Q U É BE C 11 VO LU M E 5 2 N O 1 , FÉ VRIE R/ M A RS 2 0 1 5
ARTICLE SCIENTIFIQUE Cliniquement, les leucoplasies sont divisées en deux caté- Elles doivent donc être considérées d’emblée comme sus- gories, soit les leucoplasies homogènes et les leucoplasies pectes par le clinicien et être soumises à une biopsie qui aura non homogènes10, 11, 24. La distinction entre les deux catégo- comme objectif d’évaluer la présence ou non de dysplasie ries est purement clinique. Elle est basée sur la couleur et épithéliale, de déterminer son degré et d’exclure une dégéné- l’épaisseur en donnant une orientation évolutive, ou sur le rescence maligne de la lésion afin de planifier une démarche pronostic10, 11. La leucoplasie homogène se présente sous thérapeutique adaptée au patient. la forme d’une plaque blanche résistante au grattage, bien D’autres leucoplasies non homogènes sont distinguées par délimitée, plane ou légèrement surélevée, lisse FIGURE 4a ou leur aspect verruqueux correspondant à une prolifération exo- légèrement granulaire et ondulée, parfois traversée par de phytique verruqueuse. Ces lésions démontrent des fissures fines crevasses ou fissures FIGURE 4b sans érythème ni éro- dans une zone muqueuse hyperkératosique blanche, nodu- sions. Sur le plan histologique, ces lésions présentent une laire, surélevée, avec parfois des excroissances rouges ou hyperkératose sans signe de dysplasie ou, rarement, une lé- blanches FIGURE 6 qui se présentent comme des grains ou des gère dysplasie épithéliale10, 11, 19. Les leucoplasies non homo- nodules10, 11. Ce type de leucoplasie est très suspect pour le gènes peuvent démontrer un aspect irrégulier, érythémateux, carcinome verruqueux, une variante de bas grade du carcinome érosif, verruqueux ou nodulaire4, 5, 10, 11, 19. Elles peuvent aussi épidermoïde offrant un meilleur pronostic que ce dernier. Fina- être mouchetées de kératose (leucoplasies tachetées ou lement, de multiples lésions blanches simultanées, homogènes mouchetées) et être désignées par le terme érythroleucopla- ou non homogènes, sont caractéristiques de la leucoplasie sies FIGURE 5 . Le pronostic des leucoplasies non homogènes verruqueuse proliférative. L’affection est multifocale et couvre est nettement moins favorable que celui des leucoplasies de larges surfaces de la muqueuse buccale. Elle correspond homogènes puisqu’elles démontrent un risque plus élevé de bien à la définition d’affection potentiellement maligne plutôt se transformer en cancer4, 10, 11. D’ailleurs, à l’histologie, ces qu’à celle de lésion ou de condition précancéreuse10, 11. lésions démontrent souvent des signes de dysplasie épithé- liale modérée à sévère ou même un carcinome épidermoïde. FIGURE 5 FIGURE 4 Une érythroleucoplasie sur la surface latéro-ventrale postérieure droite de la langue. Notez l’aspect moucheté de la lésion. La présence d’une dysplasie épithéliale modérée à sévère a été confirmée par biopsie. 4a : Lésion blanche homogène mince au niveau du plancher buccal chez une patiente avec une longue histoire de tabagisme. La lésion ne FIGURE 6 démontre pas de zone érythroplasique. Une biopsie de cette lésion a Une érythroleuco- confirmé la présence d’une dysplasie épithéliale légère. plasie extensive 4b : Plaque blanche mince par impliquant la crête endroits et épaisse à d’autres édentée supérieure au niveau de la surface latéro- gauche, la muqueuse ventrale gauche de la langue. palatine ainsi que la La lésion démontre un pourtour muqueuse vestibu- irrégulier mais bien défini et laire. La lésion a un une surface traversée par pourtour irrégulier. de fines crevasses. Elle n’est Sa surface contient pas accompagnée de zones des fissures sur une érythroplasiques. Une biopsie base hyperkérato- de cette lésion a confirmé sique blanche qui la présence d’une dysplasie se mêle avec des épithéliale légère. zones rouges. J OURNAL DE L’O RDR E DES DENTISTES DU Q U É BE C 12 VO LU M E 5 2 N O 1 , FÉ VRIE R/ M A RS 2 0 1 5
ARTICLE SCIENTIFIQUE L’apparence d’une leucoplasie pourrait changer progres- avant l’âge de 35 ans chez des patients non exposés aux sivement au fur et à mesure que celle-ci se transforme en facteurs de risque conventionnels25. Ces données suggèrent cancer. Le changement clinique est causé, entre autres, par que certains facteurs, autres que le tabac et l’alcool, pour- l’apparition d’altérations génétiques multiples qui favori raient être impliqués dans le développement du cancer buccal seront le développement du cancer. Ces altérations précèdent chez les jeunes patients25, 26. l’apparition des changements cliniques et constituent la pre- Un carcinome épidermoïde débutant peut avoir l’apparence mière manifestation biologique d’une lésion prémaligne16. d’une lésion blanche kératinisante FIGURE 7 . Un diagnostic de Elles continuent de s’accumuler jusqu’au point où la cellule leucoplasie pourrait donc être suggéré cliniquement18, et ce acquiert la capacité d’envahir la membrane basale, le pre- n’est qu’à la biopsie que sera révélée la nature maligne de la mier signe de cancérisation. D’autres mutations génétiques lésion. Avec le temps, une ulcération peut apparaître au sein suivront et permettront à la cellule d’envahir les vaisseaux de la plaque blanche qui deviendra exophytique et bourgeon- sanguins et lymphatiques, ouvrant la porte au développement nante tout en démontrant des signes de destruction locale de métastases locorégionales (ganglionnaires) en premier et d’invasion. D’autres lésions pourraient avoir un patron lieu, ensuite à distance16. Le clinicien doit donc interpréter les de croissance endophytique caractérisé par une dépression changements dans l’apparence d’une lésion précancéreuse en tissulaire, à surface ulcérée et présentant une élévation ou tenant compte de ces informations. Une lésion blanche mince bourrelet en périphérie. Certains carcinomes épidermoïdes et superficielle qui passe à une plaque plus épaisse, fissurée, peuvent avoir une surface papillaire3. granulaire, verruqueuse ou nodulaire, parfois associée à des La douleur ne doit jamais être considérée comme un phénomènes inflammatoires locaux, est probablement en voie indicateur de malignité d’une lésion suspecte, puisque les de devenir maligne16. carcinomes épidermoïdes précoces de la cavité buccale sont Dans la gestion des leucoplasies, le clinicien doit tout souvent asymptomatiques ou peuvent seulement être associés d’abord établir un diagnostic précis par biopsie afin de déter- à un faible niveau d’inconfort3. Les carcinomes avancés sont miner la présence et le degré de dysplasie, ce qui permettrait souvent douloureux et peuvent être accompagnés de signes d’identifier le meilleur traitement. L’excision chirurgicale des neurologiques tels que la paresthésie. Ceci est dû à l’invasion lésions qui démontrent des signes de dysplasie épithéliale des parois des nerfs adjacents à la lésion primaire. Certains modérée à sévère est suggérée. Pour les cas de dysplasie patients développent une limitation des mouvements de la légère, le suivi clinique peut être suffisant. L’élimination langue ou du plancher buccal, d’autres de la mobilité dentaire des facteurs de risque fait partie intégrale de la gestion des secondaire à l’invasion, par les cellules malignes, des tissus patients qui présentent des lésions potentiellement malignes. de support de la dent. Le suivi rapproché est de mise puisqu’il permettra au clini- Le pronostic du carcinome épidermoïde dépend essentiel- cien d’identifier de façon précoce tout signe de récidive ou lement du stade clinique au moment du diagnostic. Le système tout changement dans l’apparence clinique de la lésion. TNM est utilisé pour déterminer le stade clinique d’une lésion D’autres biopsies peuvent donc être pratiquées et le plan cancéreuse et ainsi établir son pronostic et les meilleures de traitement sera révisé en fonction des nouvelles données modalités thérapeutiques. Plus le stade est élevé, plus le histopathologiques5. FIGURE 7 CARCINOME ÉPIDERMOÏDE Le carcinome épidermoïde représente, à 94 %, la tumeur maligne la plus commune de la cavité buccale17, 18. Il est classé au Canada comme étant le huitième cancer le plus fréquent chez l’homme et le quinzième chez la femme. Des facteurs intrinsèques (malnutrition, déficience en fer, bagage génétique) et extrinsèques (tabagisme, alcool, VPH) ont été impliqués dans sa pathogenèse18. Les sites de prédilection du carcinome épidermoïde de la cavité buccale sont la surface postéro-latérale de la langue, le plancher de la bouche, le trigone rétromolaire et le palais mou3, 24. Le risque de dévelop- per un cancer de la cavité buccale augmente après 65 ans18. Une plaque blanche surélevée sur une zone érythémateuse impliquant la surface latérale droite de la langue. La biopsie Cependant, au cours des dernières années, entre 0,4 % et de cette plaque kératinisante a confirmé le diagnostic de 5,5 % des carcinomes épidermoïdes ont été diagnostiqués carcinome épidermoïde. J OURNAL DE L’O RDR E DES DENTISTES DU Q U É BE C 13 VO LU M E 5 2 N O 1 , FÉ VRIE R/ M A RS 2 0 1 5
ARTICLE SCIENTIFIQUE pronostic est réservé. Les patients avec un cancer avancé, de des maladies infectieuses. D’autres lésions blanches ont un stade 3 ou 4, auront un pronostic faible comparativement à ceux potentiel de transformation maligne et doivent être reconnues qui se présentent avec une lésion de stade 1 ou 227. La détection rapidement et traitées adéquatement par le clinicien. Les précoce du carcinome épidermoïde demeure donc un élément lésions blanches malignes peuvent ressembler à des lésions essentiel pour améliorer le pronostic des patients atteints par blanches bénignes puisqu’elles demeurent asymptomatiques cette maladie. Ce mandat doit être assumé par les profession- pendant un certain temps. Toute lésion ne démontrant aucune nels de la santé de première ligne, notamment les dentistes. résolution après deux à trois semaines d’observation mérite d’être évaluée attentivement. • CONCLUSION AUTEUR-RESSOURCE Le dentiste est souvent le professionnel de la santé de première ligne à pouvoir identifier la présence d’une lésion Adel Kauzman dans la cavité buccale. La gestion de ces lésions doit se faire Faculté de médecine dentaire de façon efficace et sans retard afin d’éviter des conséquences Université de Montréal majeures pour le patient. Le dentiste doit posséder les C. P. 6128, succursale Centre-ville connaissances essentielles afin de gérer la démarche dia- Montréal (Québec) H3C 3J7 gnostique et de rassurer le patient. Certaines lésions blanches Téléphone : 514 343-6081 sont de nature réactionnelle et traumatique tandis que Télécopieur : 514 343-2233 d’autres peuvent représenter des maladies mucocutanées ou Courriel : adel.kauzman@umontreal.ca RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. 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