Littérature populaire et sociabilités numériques : Revue critique de fixxion ...

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Littérature populaire et sociabilités numériques :
                       le best-seller sur YouTube

1     En 1839, Sainte-Beuve fustigeait dans la Revue des Deux Mondes “l’invasion de la
      démocratie littéraire” et l’omniprésence d’une “littérature industrielle”1. Près de deux
      siècles plus tard, la réticence des “gendelettres”2 face à la littérature de masse reste une
      posture structurante dans certains espaces médiatiques. Le best-seller, objet ambigu du
      champ littéraire, se trouve au carrefour de cette dialectique du pur et du marchand. Il
      cristallise une logique ambivalente, où “l’affichage du succès auprès du public le plus
      large […] détermine le marché de la grande consommation et s’oppose ainsi à la consé-
      cration par la critique des spécialistes reconnus du circuit restreint de la littérature”3.
      Mais cette traditionnelle dichotomie se trouve parfois nuancée par des évolutions
      contextuelles, qui contribuent à renouveler les représentations dominantes. Les poten-
      tialités offertes par le numérique ouvrent ainsi de nouveaux territoires de médiation
      culturelle, instituant leurs propres codes, normes et langages.
2     Au sein de cette prolifération des possibles se distingue un espace particulier, émergeant
      au sein de la plateforme audiovisuelle YouTube. Depuis 2009, les contributions d’inter-
      nautes publiant des vidéos pour partager leur passion pour la littérature se multiplient
      sur ce site, jusqu’à constituer un microcosme désigné sous l’appellation Booktube4. La
      journaliste Amélie Trébosc définit les Booktubeurs comme “des lecteurs [qui] publient
      des vidéos en ligne pour parler de leurs lectures, partager leurs découvertes et coups de
      cœur”. Ils se filment la plupart du temps chez eux, devant leur bibliothèque, pour
      proposer leurs propres critiques de romans “en monologue face caméra”5. D’après une
      étude récente, ces “lecteurs 2.0” sont souvent des femmes d’une vingtaine d’années, qui
      s’adressent à un public lui aussi majoritairement féminin, âgé de 15 à 25 ans6.
3     Ce nouveau format médiatique, où les Booktubeurs les plus populaires peuvent cumuler
      plusieurs millions de vues7, contribue à la mise en circulation de discours sur la littéra-
      ture au sein de l’espace public. À ce titre, l’univers Booktube participe à la construction
      d’imaginaires sociaux relatifs à l’objet livre en général, et aux best-sellers en particulier.
      Quelle est la nature de cette relation entre nouvelles médiations audiovisuelles et livres à
      succès ? Dans quelle mesure l’émergence de ces pratiques renouvelle-t-elle les percep-
      tions du best-seller ? On cherchera ici à saisir les nombreuses convergences entre la
      logique du best-seller et les cadres sociaux, techniques et sémiotiques du dispositif
      YouTube. Il s’agira ensuite de questionner l’autonomie de Booktube comme espace
      critique, à partir des analyses d’un roman de Guillaume Musso par six Booktubeurs
      différents. Cette cartographie des jugements de valeur nous permettra de souligner la
      manière dont le statut ambivalent de cette nouvelle figure du lecteur, entre profession-
      nalisme et amateurisme, contribue à brouiller les frontières entre littérature légitime et
      littérature de consommation.

Médiations du best-seller : YouTube, un espace ad hoc ?

4     Selon Pierre Bourdieu, les auteurs de littérature populaire se situent au “pôle dominé”8
      du champ littéraire, dans la mesure où ils restent subordonnés “à la demande du grand
      public et des contraintes du marché”9, et donc peu autonomes, ce qui leur vaut une
      faible reconnaissance par leurs pairs. Mais cette hétéronomie peut devenir avantageuse

Fixxion 15 (décembre 2017)                      130
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Marine Siguier                                                              Le best-seller sur Youtube

      lorsqu’elle est transférée au sein d’un univers médiatique comme celui de la télévision,
      qui valorise la validation par le plus grand nombre (“critère audimat”10). L’inscription
      dans une médiaculture11 peut ainsi mener à une inversion de la valeur associée aux
      objets sociaux. Qu’en est-il alors de l’influence de la mythologie d’Internet sur les per-
      ceptions associées au best-seller ? De fait, la “culture YouTube” qui irrigue le
      microcosme des Booktubeurs peut contribuer à produire une conceptualisation
      différente du best-seller. D’un produit marginalisé, à la frontière de la “vraie” littérature,
      il devient, dans ce nouvel environnement médiatique, l’incarnation de l’objet littéraire
      par excellence. Ce passage du statut d’exception au statut de norme est influencé par
      l’inscription dans une logique sociotechnique particulière.

      La promesse démocratique de YouTube : le double sens du populaire

5     L’émergence de la communauté Booktube s’inscrit au sein d’un espace médiatique qui
      mobilise des représentations sociales spécifiques : la plateforme YouTube. Créé en 2005
      et comptant désormais plus d’un milliard d’utilisateurs12, ce site d’hébergement fonctionne
      sur le modèle du user-generated content13 : ce sont les utilisateurs qui en produisent
      eux-mêmes le contenu, en y publiant leurs vidéos. Selon les spécialistes des médias
      Serge Proulx, José Luis Garcia et Lorna Heaton, ce type de fonctionnement participatif
      suppose “une mise en commun des gestes de collaboration, et des activités de contribu-
      tion de la part du plus grand nombre”14. Une “idéologie YouTube” s’élabore ainsi à partir
      de cette valorisation de l’esprit communautaire et de la culture de la coopération.
6     Intégrés au sein de ce dispositif, les Booktubeurs n’échappent pas à ces influences
      matricielles : Amélie Trebosc relève l’importance de cette logique du dialogue “entre les
      Booktubeurs et le public mais également entre eux”, où “l’interaction est ainsi vraiment
      au cœur de la communauté, avec un public très actif qui commente, partage sa propre
      expérience et est en demande de contenu” (AT). La dimension communautaire de ces
      sociabilités particulières, structurée par la symbolique démocratique d’Internet, contri-
      bue alors à inverser une échelle de valeurs indexée ailleurs sur l’apologie des happy few.
      Dans les constructions discursives des Booktubeurs, la popularité d’une œuvre est
      présentée a minima comme une norme, voire un gage de qualité.
7     La récurrence des vidéos thématiques intitulées “Ces livres que je n’ai toujours pas lus”
      est caractéristique de cette apologie du consensus. Le Booktubeur y énumère des titres
      populaires qu’il n’a pas (encore) eu l’occasion de lire. Ce processus induit une rhétorique
      de justification, que nous avons cherché à saisir par le biais d’une micro-analyse, à partir
      d’un corpus composé de vidéos publiées par trois Booktubeuses (Les Lectures de Nine,
      Margaud Liseuse et FairyNeverland), bénéficiant d’une visibilité importante sur la
      plateforme française. En 2015, les trois jeunes femmes ont chacune publié une vidéo
      évoquant leur méconnaissance de certains best-sellers. Ces prises de parole se construi-
      sent toutes autour d’un double axe argumentaire : la présentation de l’œuvre à succès
      comme un “incontournable”, et la mise en discours de la culpabilité d’être “passée au-
      dessus de la vague”15. Chaque livre est dès lors mis en avant pour sa capacité à fédérer
      un public (“c’est un livre dont tout le monde a parlé” - ML1, “C’est un auteur que toute
      jeune personne a lu dans les années 90-2000”16), et par le biais d’une valorisation par
      les proches (“Ma mère a adoré, j’ai des collègues qui ont adoré” - ML1, “mon frère les
      avait collectionnés” - FN). Le contenu des œuvres est présenté comme secondaire, la loi
      de la majorité faisant autorité (“Je ne sais pas trop de quoi ça parle […] mais je me dis
      que si autant de personnes sont à fond sur un livre c’est parce que ça doit être bien”17).
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Marine Siguier                                                            Le best-seller sur Youtube

8     Dès lors, on assiste à une inversion du stigmate : la honte de ne pas faire comme tout le
      monde remplace la peur d’être comme tout le monde, et l’indifférence aux modes
      littéraires n’est plus représentée comme une vertu mais un vice. Le terme de “honte” est
      par ailleurs omniprésent dans chaque prise de parole (employé quatre fois par Margaud
      Liseuse, cinq fois par FairyNeverland, six fois par Les Lectures de Nine) et semble
      constitutif d’une “normativité Booktube” où le collectif est érigé en valeur cardinale.
      L’autoflagellation des locuteurs est surjouée au travers d’interjections adressées à un
      tribunal invisible (“je mériterais d’être fouettée et damnée pour ne pas l’avoir lu” - LLN,
      “ne me pointez pas du doigt je sais que c’est la honte, je sais” - LLN, “vous pouvez vous
      moquer de moi” - FN, “ne m’envoyez pas des tomates s’il vous plaît” - FN). Ces incises
      contribuent à induire une nuance réflexive au travers d’un ton humoristique qui
      s’exprime par l’exagération (“je devrais même aller me cacher, changer de nationalité,
      changer de nom, changer de prénom” - ML1, “la plus grande honte nationale” - FN, “une
      honte intergalactique” - LLN), tout en réaffirmant la prégnance d’un système de valeurs
      profondément ancré.
9     Plus généralement, cette valorisation d’une cooptation par les pairs se retrouve dans la
      terminologie employée par les Booktubeurs. Elle s’exprime par l’utilisation récurrente
      du terme “livre populaire”, largement préféré à l’expression “best-seller”18. Cette préfé-
      rence résulte d’une traduction directe de popular books, utilisé par les Booktubeurs
      anglophones dont s’inspirent beaucoup les “chaines”19 françaises. Popular désigne donc
      ici ce qui est répandu, apprécié, sans connotations liées à la désignation d’une classe
      sociale. À travers cette requalification sémantique, l’aspect démocratique de l’objet livre
      est mis en avant, au détriment de la dimension économique du succès soulignée par
      l’appellation best-seller. Le roman est essentialisé dans sa fonction fédératrice, tout en
      éludant une facette commerciale qui reste ailleurs indissociable de sa médiation. Alors
      que toute mention d’un best-seller à la radio ou à la télévision s’accompagne de
      l’évocation des chiffres de vente, ce type de perspective est presque totalement absent de
      YouTube. On verra cependant que si cette économie du chiffre ne s’applique pas aux
      discours sur le best-seller, elle est paradoxalement omniprésente dans la promotion du
      contenu produit par les Booktubeurs eux-mêmes.
10    L’inscription des contenus dans un dispositif médiatique spécifique transforme donc la
      perception du best-seller, et la met en adéquation avec les codes d’une médiaculture. Sur
      YouTube, le livre à succès devient un objet valorisé avant tout en tant que créateur d’un
      lien social érigé en pierre angulaire des sociabilités numériques. Cette désignation du
      collectif comme autorité instituante est par ailleurs renforcée par le cadre formel de la
      plateforme. Le format technique imposé par l’architecture du site conditionne égale-
      ment les pratiques des Booktubeurs, et joue à ce titre un rôle dans l’assimilation du best-
      seller comme norme littéraire.

      Influence de l’architexte et logique de palmarès :

11    L’architexte numérique désigne selon Yves Jeanneret et Emmanuel Souchier “tous les
      outils situés en amont de la production des textes, qui les conditionnent et en balisent
      l’écriture”20. Ainsi, l’architexte propre à YouTube constitue “une autorité […] forma-
      tante”21, qui participe d’une conception particulière de la littérature. Le Youtubeur
      projette donc un propos personnel sur un certain type de site qui accueille un certain
      type de contenu en le conditionnant. Une étude des dispositifs éditoriaux dans lesquels
      s’inscrivent les Booktubeurs va nous permettre de souligner la manière dont le cadrage
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      formel de la plateforme encourage une logique de palmarès, qui entre en résonance avec
      la symbolique du best-seller.
12    Les contenus circulant sur YouTube sont soumis de fait à des logiques de classements,
      permettant de les hiérarchiser dans un réseau à flux continu. À partir d’une vidéo de la
      Booktubeuse Margaud Liseuse, nous avons identifié trois marqueurs principaux entrant
      en jeu dans cette valorisation sémiotique de la visibilité :

                    “Vraie ou fausse littérature”, Margaud Liseuse, 09/11/2015

      Les premiers signes (entourés en rouge) relèvent d’une logique sérielle, qui encourage à
      visionner les autres “épisodes” d’une production : à droite de l’écran sont recensées
      toutes les vidéos publiées par la Booktubeuse. L’incitation à regarder l’ensemble des
      contenus est soulignée par le marqueur narratif “À suivre” et la prolifération des liens
      hypertextes renvoyant à d’autres thématiques, qui déjouent toute possibilité de clôture
      sémantique. Cette intertextualité rappelle le fonctionnement en cascade des best-sellers
      en plusieurs tomes, construits sur un système de références permanentes au sein d’un
      univers cohérent.
      À cette inscription dans une continuité discursive s’ajoutent des indicateurs quantitatifs
      de popularité (entourés en bleu). Les propriétés techniques de la plateforme rendent
      incontournable la mise en évidence du nombre de vues pour chaque vidéo, ainsi que le
      nombre d’abonnés du Booktubeur. Dans les espaces médiatiques traditionnels, le best-
      seller tire sa légitimité du nombre d’exemplaires vendus (utilisé comme argument de
      vente) et de la popularité de son auteur (les œuvres de Guillaume Musso ou de Marc
      Lévy sont désormais qualifiées de “best-sellers programmés”22). De la même manière, le
      format YouTube met en avant la capacité de circulation des contenus (nombre de vues)
      et la communauté fédérée par le Booktubeur (nombre d’abonnés).
      Enfin, l’implication du public est encadrée par de nombreux artefacts (entourés en vert).
      Le bouton “S’abonner” est mis en valeur par une typographie (majuscule) et une couleur
      (rouge) différentes, qui en font le point d’ancrage de la page. Les internautes sont
      amenés à “Partager” la vidéo, contribuant à sa propagation au sein de l’espace public. À
      cette mise en visibilité du contenu s’ajoute la possibilité pour l’utilisateur de publiciser
      son opinion. Au travers des boutons like et dislike, ce sont deux formes primaires du
      jugement qui sont mobilisées, via une iconographie du pouce dérivée des représenta-

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      tions des jeux du cirque de la Rome antique. L’espace des commentaires prolonge cette
      méta-perspective qui consiste à juger le juge lui-même. Aussi, de la même manière que
      le public “fait” le best-seller, la communauté “fait” le Booktubeur.
13    Autour de ce cadrage idéologique et formel peuvent alors se sédimenter des pratiques
      spécifiques, contribuant à faire de cet environnement numérique un microcosme cultu-
      rel particulier.

      Booktube, un microcosme autonome ?

14    La “cybersphère littéraire” constitue selon Louis Wiart un espace où le fantastique, la
      dystopie, la science-fiction et la fantasy, genres populaires par excellence, restent les
      titres les plus lus23. Regroupée sous la désignation Young Adult, cette catégorie a le vent
      en poupe. Dans une étude portant sur les meilleures ventes de livres de 1984 à 2004,
      Lynette Lacôte-Gabrysiak notait déjà une “forte progression” des “littératures de l’imagi-
      naire”24. Depuis, les livres pour adolescents sont devenus “les chouchous des maisons
      d’édition”25, et les listes Edistat des 200 meilleures ventes (fiction et non-fiction
      confondues) figurent régulièrement entre dix et vingt titres Young Adult26. Ce rapport
      décomplexé à une littérature majoritairement sérielle et non réaliste contribue à ériger
      en standards des genres longtemps relégués à la marge des critères de légitimité tradi-
      tionnels. Sur Booktube, c’est d’abord l’appartenance à une communauté numérique qui
      permet d’instaurer une relation différente au processus de hiérarchisation générique.
15    On retrouve au sein de cet univers culturel pacifié une illustration de la pluralité des
      goûts littéraires identifiée ailleurs chez Jean-Claude Passeron et Claude Grignon27, Jean-
      Louis Fabiani28 ou Bernard Lahire29. Loin des théories bourdieusiennes, il semblerait que
      de nombreux internautes sur Booktube entretiennent un certain détachement envers
      l’échelle de valeurs traditionnelle, qu’ils reconnaissent sans chercher à y souscrire.
      Bernard Lahire remarque qu’il existe des contextes où “les individus entretiennent une
      indifférence relative vis-à-vis d’un ordre et d’un système de classement […] qu’ils ont
      intériorisés, mais qui ont été concurrencés par un autre ordre et un autre système de
      classement”30. Dans ce cas précis, l’ordre collégial de Booktube, qui prône une stricte
      égalité entre les internautes, aurait remplacé l’ordre hiérarchique de la “culture
      cultivée”. En témoigne la véhémente remise en question de la distinction entre “vraie” et
      “fausse” littérature par Margaud Liseuse dans une vidéo publiée le 10 novembre 2015 :
             Certains pensent qu’une certaine catégorie de littérature est de la fausse littérature. Je vous
             avoue que j’ai de la peine à trouver une vraie définition, parce que je ne comprends pas en
             quoi c’est faux. En quoi ce ne sont pas des mots imprimés sur du papier, en quoi ce n’est
             pas une histoire qui a un début et une fin, qui va faire passer un bon moment à un lecteur ?
             Et les lecteurs, ils sont tous différents, il y a autant de lecteurs qu’il y a d’êtres humains.
             Chacun va avoir sa petite sensibilité avec un genre de livre.31

16    Ce plaidoyer en faveur d’une dé-hiérarchisation des œuvres résulte d’un rapport au texte
      particulier. La plupart des Booktubeurs donnent à voir une expérience du littéraire qui
      se situe bien davantage du côté de la lecture empathique que de la lecture savante. La
      Booktubeuse, Madame Bovary des temps modernes, attache généralement beaucoup
      plus d’importance aux personnages et à l’intrigue qu’à des considérations formelles
      comme le style ou l’écriture32. Dans ce plaisir relationnel de la lecture, les personnages
      fictifs s’incarnent dans les prises de parole : en témoignent les nombreuses vidéos
      intitulées “Book boyfriend”, où les jeunes femmes énumèrent les héros de roman dont
      elles sont tombées amoureuses. Cette approche émotionnelle permet la mise en avant
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      d’une équivalence des goûts, dans la mesure où, selon la directrice de l’association
      Lecture Jeunesse Sonia de Leusse-Le Guillou, “les avis émis sont majoritairement domi-
      nés par l’affect […] ce qui sape implicitement une éventuelle hiérarchie entre les points
      de vue. La valeur du ressenti de chacun peut se comparer mais pas se discuter, ce qui
      explique le relativisme de mise”33.
17    Sous l’influence d’une culture et d’un architexte spécifiques se développent ainsi des
      médiations littéraires différentes, conditionnées par le contexte médiatique dans lequel
      elles s’inscrivent. Mais dans quelle mesure les jugements de valeur sur YouTube sont-ils
      réellement autonomes vis-à-vis des espaces traditionnels du jugement littéraire ?

La foire aux valeurs : le “cas” Guillaume Musso

18    Au sein de ce nouvel espace médiatique se développe une multitude de contenus qui,
      s’ils sont soumis au même environnement normatif, ne répondent pas tous aux mêmes
      enjeux. Pour tenter de saisir la richesse des perspectives adoptées et des influences
      engagées dans la médiation du jugement littéraire, nous mobiliserons ici un corpus de
      plusieurs vidéos consacrées à un roman de Guillaume Musso par six Booktubeurs34 aux
      identités très différentes.
19    Avec plus de 25 millions d’exemplaires vendus, traduit en 40 langues, Guillaume Musso
      incarne l’archétype de l’écrivain à succès. Adoubé par le public et raillé par la critique35,
      il cristallise un discours très polarisé. La réception de ses romans constitue dès lors un
      objet d’étude particulièrement riche, et la tonalité fantastique de son œuvre en fait un
      auteur fréquemment évoqué sur YouTube. Nous proposons donc de dresser une carto-
      graphie des jugements consacrés à L’Instant présent, paru en 2015 et resté en tête du
      top 50 Fiction durant 19 semaines consécutives36. Les différentes chroniques publiées
      sur ce roman via Booktube permettent ainsi d’identifier une corrélation entre le statut
      d’énonciation assumé par le Booktubeur (amateur/professionnel) et la valeur attribuée
      au best-seller (relativisme/légitimisme).

      L’amateur assumé : mises en scène de l’enthousiasme

20    Selon le Dictionnaire de l’Académie française, le terme “amateur” désigne à la fois
      “celui qui a beaucoup d’attachement, de goût pour quelque chose”, et “celui qui aime les
      beaux-arts sans les exercer ou sans en faire profession”37. Sur YouTube, ces deux dimen-
      sions vont bien souvent de pair : le statut de non-professionnel suppose alors la mise en
      scène d’un véritable engouement pour le livre, quel qu’il soit. La négativité est à ce titre
      proscrite des chroniques filmées. Dans une interview accordée à la revue Lecture Jeune,
      Margaud Liseuse associe ainsi clairement regard amateur et rhétorique de bienveillance :
             J’essaye de ne jamais être méchante, ni de descendre un livre que je n’ai pas aimé, et de
             toujours tenter de lui trouver un aspect positif. […] Je dis toujours que si je ne l’ai pas
             aimé, peut-être qu’il plaira à d’autres, mais je ne dis pas que je suis critique littéraire : je
             suis une lectrice qui donne son avis à d’autres lecteurs.38
21    De fait, la majorité des contenus diffusés sur Booktube répondent à “une forme d’éthique
      commune, non formulée, qui tend à ne pas malmener un livre ou son auteur” (SLG : 23).
      Dans le cas du roman de Guillaume Musso, s’il peut arriver que des Booktubeurs avouent
      ne pas avoir apprécié son œuvre, c’est immédiatement pour réfuter toute volonté de
      hiérarchisation (“Je n’aime pas. C’est mon choix, ce n’est pas pour autant que je vais dire

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       que Musso et Levy sont de la fausse littérature ou de la mauvaise littérature” - ML2), et à
       réaffirmer la valeur du collectif (“je ne suis pas là pour vous influencer ou faire une
       critique virulente. Je n’ai pas aimé L’Instant présent mais je ne veux absolument pas
       vous influencer, parce que beaucoup de personnes m’ont dit qu’il était très bien”39).
       Cette promotion du principe de subjectivité déjoue toute possibilité d’une expertise plus
       tranchée : le Booktubeur se présente comme un néophyte passionné dont l’avis n’engage
       que lui-même, et non comme un spécialiste influent.
22     Au-delà d’une simple réticence envers les critiques négatives, les Booktubeurs font
       montre d’une adoration quasi-fanatique de l’objet livre, a fortiori du best-seller qui
       encourage une logique de consommation compulsive. C’est le cas de la chaine de
       Lectrice Dyslexique, dont le surnom évoque d’emblée un accès non privilégié à l’écrit.
       Dans son analyse de L’Instant présent, la jeune femme se présente comme une admira-
       trice inconditionnelle (“C’est un livre qui est sorti le 26 mars, étant une grande fan de
       Guillaume Musso je ne pouvais pas attendre, je l’ai acheté le 27 mars. Je l’ai commencé
       le 1er avril, terminé aujourd’hui 2 avril”40), et une lectrice obsessionnelle (“Je travaillais
       cette nuit, dès que j’avais 5 minutes de pause je lisais je lisais je lisais. Je suis rentrée ce
       matin à sept heures […], d’habitude je dors, vu que je rentre du travail, là non, non, non,
       je n’ai pas dormi, j’ai voulu terminer ce livre” - LD). La promesse d’authenticité s’accom-
       plit ici dans une immédiateté qui interdit tout recul analytique, privilégiant une réaction
       “à chaud” (“Je l’ai fini il y a 5 minutes, juste le temps que je mette la caméra en route
       pour vous en parler, et je suis encore toute chamboulée par ce livre” - LD). Cette
       médiatisation de réactions épidermiques et presque “en direct” souscrit au culte de la
       transparence (qui serait selon Philippe Breton propre à Internet41), et contribue à mettre
       à distance la figure du professionnel au profit d’une représentation d’un lectorat
       “comme dans la vraie vie”.

                          “Chronique L’instant présent de Guillaume Musso”
                                La Lectrice Dyslexique, 02/04/2015
 23    Ce statut de lecteur amateur dilue dans le même temps la limite entre littérature
       d’initiés et best-seller, dans la mesure où toute lecture qui provoque une émotion est
       considérée comme digne d’intérêt. Mais si ce type de positionnement est majoritaire sur
       Booktube, d’autres tendances sont également identifiables, qui s’éloignent de cette rhé-
       torique de l’amateurisme enthousiaste pour produire des contenus replaçant la critique
       négative au centre de l’argumentation.

                                                  136
Marine Siguier                                                              Le best-seller sur Youtube

      Le professionnel caricaturé : détournement du légitimisme
24    Ces nouveaux espaces d’expression numérique ne se déploient pas de façon totalement
      autonome vis-à-vis des formes de médiation plus anciennes. Tout contenu émergeant
      sur un nouveau support reste tributaire d’une “mémoire sociale”42 : à ce titre, Étienne
      Candel rappelle que la critique littéraire sur Internet reste indissociable d’un “travail de
      mise en trivialité des références culturelles et des modèles dominants dans le champ du
      livresque”43. De fait, certains Youtubeurs se détournent de l’éthique de consensus
      évoquée plus haut, au profit d’une perspective plus agonistique héritée de la matrice
      médiatique. Là où beaucoup revendiquent leur amateurisme, ils surjouent au contraire
      l’expertise. La valeur d’un best-seller populaire comme celui de Guillaume Musso est
      alors réévaluée à l’aune des hiérarchisations littéraires. Mais cette résurgence d’un ton
      polémique pour traiter de l’illégitime en littérature est par ailleurs renouvelée par les
      codes du web, et toujours porteuse d’une dimension décalée qui détourne le propos.

                   “L’Instant présent (Guillaume Musso) Fiche de lecture Ép. 14”
                                     PiiafOfficiel, 04/05/2015
25    La chaine de Piiaf est caractéristique de cette réinterprétation qui transforme la critique
      lapidaire en “clash” parodique. Ses deux créateurs, Sacha Béhar et Augustin Shackelpo-
      poulos, y produisent des “Fiches de lecture” audiovisuelles, dans lesquelles ils adoptent
      une posture intellectuelle poussée jusqu’à l’absurde. Les deux Youtubeurs incarnent à
      l’écran d’intraitables lettrés, autoproclamés “experts en littérature”. Le descriptif de la
      chronique consacrée à L’Instant présent donne le ton : “Guillaume Musso ne fait pas
      franchement l’unanimité au sein de l’équipe de Fiche de Lecture... Avec L’Instant
      présent, il s’offre une ultime chance pour gagner le respect de Sacha Béhar et Augustin
      Shackelpopoulos. Va-t-il réussir ou se planter lamentablement ?”44. Le contenu de la
      vidéo consiste en un enchaînement de punchlines (“Tu sais ce que je pense de Guillaume
      Musso. Il est mon 11 septembre, mon gluten”, “Ce bouquin pourrait être mon livre de
      chevet, du moins si j’étais dans le coma”) et de répliques absurdes (“Ce qui saute aux
      yeux quand on ouvre ce bouquin... c’est la police de caractères : Times New Roman.
      Personnellement j’aurais préféré Lucida ou Papyrus. Dommage...”), illustrées par une
      gestuelle provocatrice (“Voici ce que j’ai pensé de L’Instant présent — il lève le pouce —.
      Et ne vous méprenez pas, si je lève mon pouce, c’est pour faire du stop et partir le plus
      loin possible de lui — il fait mine de cracher entre les pages du livre —. Tolérance
      zéro”). Les deux internautes dessinent en filigrane une satire du milieu journalistique,

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Marine Siguier                                                            Le best-seller sur Youtube

      dont ils singent la diction et les répliques cinglantes en essentialisant un propos
      volontairement vidé de son fond.
26    Ce comportement satirique est repris ailleurs par un Youtubeur au surnom évocateur de
      TeddyBoy RSA, qui se fait à l’inverse l’incarnation de la “voix du peuple”. De la même
      manière que Piiaf surjoue l’élitisme, TeddyBoy, “RMIste qui se lève tôt et qui représente
      le ghetto (sic)”45, exagère le populaire. Il propose une ligne éditoriale qui consiste à
      défendre les produits de la culture dite illégitime, dans le but de “chercher le positif
      partout où il est”46. Dans une vidéo-réponse à la Fiche de Lecture de Piiaf, il énumère les
      mérites de L’Instant présent dans un langage volontairement familier, qui reprend
      l’argumentaire de la loi de la majorité (“Les gens qui ont une prétention à la littérature
      et à l’écriture ont la haine contre Musso, mais j’ai lu dans un article du Figaro que le
      gars avait vendu 150 000 exemplaires en dix jours. Je me dis que peut-être c’est pour ça
      que les mecs ont un peu la rage” - TBR), et réaffirme l’éthique de tolérance (“Arrêtez de
      blâmer cet homme qui ne fait que faire des livres qui fonctionnent, voyons le côté positif
      des choses, essayons d’avancer un petit peu. Et si vous n’êtes pas contents, parlez de la
      littérature qui vous plaît. On n’a pas de temps à perdre à rager sur d’autres”- TBR).
      Cigarette à la main et casquette enfoncée sur le crâne, TeddyBoy se réapproprie la
      rhétorique du relativisme propre à Booktube, mais en adoptant une posture plus
      offensive, rendue possible par l’incarnation de son “personnage”.

                        “Écrire un best seller / comme Guillaume MUSSO”
                                   Teddyboy RSA, 20/06/2016
27    En effet, contrairement à la figure du Booktubeur “authentique” évoquée plus haut, Piiaf
      comme TeddyBoy jouent un rôle, ce qui leur permet de transcender leur propos en le
      dramatisant par le biais d’un avatar. Ce dialogue entre les deux Youtubeurs au sujet du
      roman de Musso montre comment se cristallisent des idéologies séculaires qui accom-
      pagnent le débat sur la littérature de masse. Les Booktubeurs s’inspirent des discours
      sociaux préexistants pour les détourner, en les incarnant de manière caricaturale. La
      figure du critique est alors convoquée de manière explicite, utilisée comme l’étalon par
      rapport auquel il est possible de s’inscrire en faux. Il existe cependant un troisième type
      de discursivité, qui permet de parler du best-seller en dépassant ces pratiques miméti-
      ques, dessinant en creux un nouveau professionnalisme.

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Marine Siguier                                                                 Le best-seller sur Youtube

      Au-dessus de la mêlée : parler du best-seller autrement

28    En se détachant d’un rapport strictement textuel au roman, certains Booktubeurs
      s’émancipent de l’héritage de la critique professionnelle. C’est le cas de la chaine La
      Brigade du Livre, qui revendique une manière “autre” de parler des romans, par le biais
      d’une mise en fiction. Ce collectif produit une web-série artisanale où une brigade, le
      G.I.P.L. (Groupe d’Intervention de la Police Littéraire) enquête sur les défauts des
      auteurs. L’aspect clivant du best-seller populaire devient prétexte à une forme de créati-
      vité qui n’a plus grand-chose à voir avec la chronique littéraire au sens classique du
      terme. Michael Roch, co-auteur de la série, explique dans une interview :
             Guillaume Musso, on ne l’a jamais lu. Je crois avoir déchiffré les dix premières pages d’un
             de ses romans (l’histoire d’un démon qui tombe amoureux d’une humaine, je crois) mais
             n’ai pas poursuivi l’affaire. Sa présence dans la série, c’est qu’il est un personnage de
             l’univers que l’on développe. C’est ce que beaucoup de personnes oublient : le G.I.P.L. ne
             transcrit pas nos idées critiques, c’est d’abord une fiction avec un background dans lequel
             s’inscrivent des auteurs réels.47

29    En désamorçant toute prétention herméneutique, la Brigade du Livre déplace les enjeux :
      il ne s’agit plus de déterminer si L’Instant présent est un bon ou un mauvais livre, mais
      d’utiliser l’imaginaire polémique qu’il charrie comme le terreau d’un nouveau type de
      production.

                        “[GIPL] #3 - GUILLAUME MUSSO - L’Instant présent”
                                  La Brigade du Livre, 26/05/2015

      Ce collectif cherche à s’extraire du débat autour des jugements de valeur, pour produire
      des objets culturels décalés. Dans l’épisode consacré à Guillaume Musso, ce dernier est
      retrouvé dans une cachette secrète, où il s’évertue à transformer d’autres écrivains en
      zombies avant d’être arrêté par la brigade. La figure du zombie, élément familier de la
      culture pop, permet d’aborder la légitimité controversée de l’auteur populaire de manière
      inédite. L’écrivain y devient un archétype du schéma narratif classique : l’antagoniste que
      les héros doivent affronter. Les enjeux de la hiérarchisation culturelle restent donc
      intégrés à l’intrigue : Guillaume Musso est assimilé à un “zombauteur”48 (référence à la
      décérébration par la littérature de masse), et le monde du livre est représenté comme
      une zone de combat où un escadron d’élite (le G.I.P.L.) veille à mettre de l’ordre dans
      “les bas-fonds de la littérature” (référence à une échelle de légitimité culturelle). Mais
      ces éléments sont évoqués avant tout pour être “recyclés” comme autant de ressorts
      scénaristiques, au travers d’une esthétique pulp. La violence ludique des situations
      cinégéniques (scènes d’interventions musclées sur fond de guitare électrique) remplace

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Marine Siguier                                                                            Le best-seller sur Youtube

        alors la violence intellectuelle des confrontations autour des textes (“bonne ou mauvaise
        littérature ?”).
30      Ainsi, les références aux antagonismes structurants du champ littéraire n’aboutissent
        jamais à un positionnement idéologique, car ce contexte de confrontation est utilisé
        avant tout pour créer un univers divertissant. La critique devient alors elle-même objet
        de fiction. La mise en image du littéraire suppose l’exploitation d’une perspective
        visuelle, qui renouvelle nécessairement les manières de parler du livre, en subvertissant
        la question de la valeur : il s’agit moins de juger un récit que d’en raconter un à son tour.
        La dimension créatrice du travail du Booktubeur lui permet de développer un langage
        audiovisuel original, et d’intégrer la thématique du best-seller au sein d’un microcosme
        qui lui est propre.

31      Dans un article publié dans Semen, Jean Peytard notait que “les formes d’expression,
        fortement déterminées par la technique […] construisent massivement (c’est-à-dire,
        pour des publics de grande ampleur) une certaine idée du livre, de l’écrivain, du lecteur,
        du texte”49. Les sociabilités littéraires qui s’inscrivent au sein d’un espace numérique
        contribuent ainsi à la mise en circulation d’une vision spécifique du best-seller. Ces
        nouveaux supports médiatiques peuvent alors être envisagés à la fois comme miroir
        d’un contexte social préexistant, et creuset50 de représentations nouvelles qui condition-
        nent les modes d’expression du jugement littéraire et méritent à ce titre d’être
        interrogés.
32      L’exemple du “cas” Guillaume Musso sur YouTube permet de mettre en lumière les
        différentes manières de se saisir d’un même objet culturel. En brouillant la distinction
        entre critique experte et critique de lecteur, les Booktubeurs déplacent constamment la
        limite entre littérature légitime et de consommation. Amateurisme revendiqué, profes-
        sionnalisme parodié, créativité assumée : ces trois postures constituent autant de
        facettes d’une discursivité propre au dispositif YouTube, qui renouvelle les perceptions
        du best-seller. Tour à tour liant social, enjeu de débat théâtralisé ou prétexte narratif, ce
        dernier se pare d’attributs protéiformes, à la fois propres aux lieux où il se produit, et
        tributaires d’une mémoire sociale indépassable.

                                                                                                   Marine Siguier
                                                                                                          CELSA

NOTES

1    Sainte-Beuve, “De la littérature industrielle”, La Revue des Deux Mondes, T. 19, 1839.
2    Honoré de Balzac, Monographies de la presse parisienne, Paris, Éditions Sillage, 2016 [1843]. Expression
     reprise par Régis Debray, dans Le pouvoir intellectuel en France, Paris, Éditions Ramsay, 1979, p. 19.
3    s.v. “Best-seller”, dans Paul Aron, Denis Saint-Jacques, Alain Viala (dir.) Le dictionnaire du littéraire, Paris,
     Presses universitaires de France, 2002.
4
     Néologisme formé par la contraction du mot anglais book et du nom de marque YouTube. Précisons d’emblée
     que nous utiliserons ici le terme “Booktubeur” au sens large, désignant de manière générale un Youtubeur qui
     parle de ses lectures sur sa chaine. Cependant les critères d’appartenance et les frontières de l’univers
     Booktube restent encore flous et sujets à définition. Ainsi, au sein de notre corpus, certains Youtubeurs (La
     Brigade du Livre, Piiaf) considèrent eux-mêmes se situer en marge de cette sphère littéraire particulière.
5    Amélie Trébosc, “Booktube, une nouvelle façon de parler livre”, Monde du livre, 9 juillet 2015 ; dorénavant AT.
6    Étude de Véronique Kraemer, “Qui sont les abonnés des Booktubers ?”, Lecture Jeune, n° 158, été 2016, p. 11.
7    Ainsi, la Booktubeuse Margaud Liseuse cumule 3 993 286 vues sur sa chaine, toutes vidéos confondues
     [consulté le 16 mai 2017]. Source : YouTube. URL : https://www.youtube.com/user/Corentyne23/about.
                                                         140
Marine Siguier                                                                               Le best-seller sur Youtube

8    Pierre Bourdieu. “Le champ littéraire”, Actes de la recherche en sciences sociales, Vol. 89, septembre 1991, p.
     85.
9    Ibid.
10   Pierre Bourdieu, Sur la télévision, Paris, Éditions Raisons d’Agir, 1996, p. 28.
11   Le terme médiaculture est défini par Éric Macé comme “l’ensemble des rapports sociaux et des expériences
     médiatisées par les représentations médiatiques et leurs usages”, dans Les imaginaires médiatiques. Pour une
     sociologie postcritique des médias, Paris, Éditions Amsterdam, 2006, p. 12.
12   Statistiques publiées par YouTube, [consulté le 10 mai 2017]. URL: https://www.youtube.com/yt/press/
     fr/statistics.html
13   En français : “contenu généré par les utilisateurs”.
14   Serge Proulx, José Luis Garcia, Lorna Heaton (dir.), “Introduction”, La contribution en ligne : pratiques
     participatives à l’ère du capitalisme informationnel, Presses de l’Université du Québec, 2014, , p. 3.
15   Margaud Liseuse, “Ces livres que je n’ai pas lus”, YouTube, 17 septembre 2015 ; dorénavant ML1. URL :
     https://youtu.be/h7Mn66DVM-g.
16   FairyNeverland, “Ces livres que je n’ai toujours pas lus”, YouTube, 21 octobre 2015 ; dorénavant FN. URL :
     https://www.youtube.com/watch?v=FhPCHqazZXA.
17   Les Lectures de Nine, “Ces livres que je n’ai toujours pas lu”, YouTube, 22 mars 2015 ; dorénavant LLN.
     URL : https://youtu.be/vUI8GU-_sp4.
18   Voir par exemple les nombreuses vidéos autour de la thématique “Mon opinion sur les livres populaires”.
19   Le terme chaine désigne l’espace qui regroupe toutes les vidéos publiées sous un même profil (c’est-à-dire sous
     une même identité virtuelle).
20   Yves Jeanneret, Emmanuel Souchier, "Pour une poétique de l’écrit d’écran", Xoana, n° 6, 1999.
21   Étienne Candel, Autoriser une pratique, légitimer une écriture, composer une culture : les conditions de
     possibilité d’une écriture littéraire participative sur Internet, Thèse de doctorat en sciences de l’information et
     de la communication, CELSA, 2007, p. 13.
22   Pierre Nora, “Le best-seller révèle les sensibilités latentes d’une société”, Bibliobs, 2 décembre 2009.
23   Louis Wiart, “Réseaux de lecteurs en ligne”, Lecture Jeune, été 2016, n° 158, p. 6.
24   Lylette Lacôte-Gabrysiak, “C’est un best-seller!”, Communication, Vol. 27/2, 2010.
25   Mathilde de Chalonge, “La littérature Young Adult, une quête qui transgresse les âges”, Actualitté, 6 janvier
     2016.
26   Edistat, Service d’information et de statistiques pour l’édition. URL : http://www.edistat.com/palmares.php.
     Ainsi pour la semaine du 20 au 26 mars 2017, 17 titres Young Adult figurent au palmarès.
27   Claude Grignon et Jean-Claude Passeron, Le savant et le populaire : misérabilisme et populisme en sociologie
     et en littérature, Paris, Éditions du Seuil, 1989, .
28   Jean-Louis Fabiani, Après la culture légitime. Objets, publics, autorités, Paris, Éditions L’Harmattan, 2007,
     .
29   Bernard Lahire, La culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi. Paris, Éditions La
     Découverte, 2004, .
30   Ibid, p. 48.
31   Margaud Liseuse, “Vraie ou fausse littérature ?”, YouTube, 9 novembre 2015 ; dorénavant ML2. URL :
     https://www.youtube.com/watch?v=saxfSU5mJHE.
32   Marieke Mille, “De l’écrit à l’image”, Lecture Jeune, n° 158, été 2016, p. 28.
33   Sonia de Leusse-Le Guillou, “#jeparledelivres”, Lecture Jeune, n°158, été 2016, p. 23 ; dorénavant SLG.
34   Margaud Liseuse, Piiaf, La Brigade du livre, Teddyboy, Les Zapos, La Lectrice Dyslexique.
35   Ainsi, Éric Naulleau n’hésitera pas à qualifier l’œuvre de Guillaume Musso d’ “indigeste salade littéraire
     assaisonnée aux lieux communs” dans un article intitulé “Musso à la vinaigrette”, Paris Match, 3 juin 2012.
36   Source : Edistat, Service d’information et de statistiques pour l’édition. URL : http://www.edistat.com/livre_
     tarifs. php?ean=9782266267724.
37   s.v. “Amateur”, Dictionnaire de l’Académie Française, huitième édition, version informatisée, 2000. URL :
     http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/generic/cherche.exe?11;s=2607024885; .
38   Interview de Margaud Liseuse et Audrey Le Souffle des mots par Sonia de Leusse-Le Guillou, “Animer une
     chaine Booktube”, Lecture Jeune, n° 158, été 2016, p. 19.

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Marine Siguier                                                                                Le best-seller sur Youtube

39   Les Zapos, “L’instant présent de Guillaume Musso, la critique express !”, YouTube, 13 septembre 2015. URL :
     https://youtu.be/zo3joGyycQw.
40   Lectrice Dyslexique, “Chronique L’instant présent de Guillaume Musso”, YouTube, 2 avril 2015 ; dorénavant
     LD. URL : https://www.youtube.com/watch?v=EZXD0PnOEkU.
41   Philippe Breton, Le culte de l’Internet. Une menace pour le lien social ? Paris, La Découverte, 2000.
42   Yves Jeanneret, Penser la trivialité. Volume 1   : La vie triviale des êtres culturels, Paris, Éd. Hermès-Lavoisier,
     2008, .
43   Étienne Candel, Autoriser une pratique, légitimer une écriture, composer une culture : les conditions de
     possibilité d’une écriture littéraire participative sur Internet, Position de thèse de doctorat en sciences de
     l’information et de la communication, CELSA, 2007, p. 5.
44   Piiaf, “L’Instant présent (Guillaume Musso) Fiche de lecture ep. 14”, YouTube, 4 mai 2015 . URL :
     https://youtu.be/LWPl1nHoHdg
45   TeddyBoy RSA, “Écrire un best seller comme Guillaume Musso”, YouTube, 20 juin 2016 ; dorénavant TBR.
     URL : https://youtu.be/_PNDxK0IWKo
46   TeddyBoy RSA, “Pitch TeddyBoy RSA”, YouTube, 12 juin 2016. URL : https://youtu.be/8BXPS9B4Ox0.
47   “Le vidéaste du mois #3 - Interview de La Brigade du Livre”, Le cri du Troll, 2015. URL :
     http://www.cridutroll.fr/le-videaste-du-mois-3-la-brigade-du-livre/
48   La Brigade du livre, “GIPL #3 - GUILLAUME MUSSO - L’instant présent”, YouTube, 26 mai 2015. URL :
     https://youtu.be/6PsN5S4fTbw
49   Jean Peytard, préface de “La médiacritique littéraire à la télévision”, Semen 5, 1993.
50   Métaphore du miroir et du creuset empruntée à Yves Chevalier, L’ “expert” à la télévision. Traditions électives
     et légitimité médiatique, Paris, CNRS Éditions, 1999, p. 6.

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