Livre jeunesse : "De la graine à l'assiette", d'où viennent nos aliments ? - Reforme.net

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Publié le 2 septembre 2021(Mise à jour le 2/09)
Par Laure Salamon

Livre jeunesse : “De la graine à
l’assiette”, d’où viennent nos
aliments ?
De la graine à l’assiette explique l’origine des aliments que nous consommons le
plus souvent.

Comment fabrique-t-on du pain, du chocolat, du fromage ? Quelle est la différence
entre le riz et les pâtes ? D’où vient la pomme de terre ? La tomate est-elle un
fruit ou un légume ? Quel est l’autre nom du bar, le poisson ? Les questions se
trouvent dans cet album pédagogique et fort instructif, illustré avec humour.

Les lecteurs à partir de 8-9 ans pourront découvrir l’origine de ce qu’ils mangent,
le cycle des aliments. La transformation de certains, comme le chocolat ou la
banane, est décrite avec précision. Quelques informations viennent souligner le
caractère écologique de certaines denrées, comme le chiffre sur un œuf indiquant
le mode d’élevage de la poule qui l’a pondu !

Sophie Blitman (textes) et Aki (dessins), De la graine à l’assiette, Actes Sud
junior, 2021, 56 p., 15,90 €.
Lire également :

  Manger bio, est-ce manger mieux ?

  Boire et manger devant Dieu : entretien avec Isabelle Olekhnovitch

Publié le 2 septembre 2021(Mise à jour le 2/09)
Par Alice Papin

Mission populaire évangélique :
offrir une spiritualité pour tous
Alors qu’elle fête son 150e anniversaire, la Mission populaire souhaite accentuer
le volet spirituel dans ses fraternités grâce à la mise en place d’animations
spécifiques.

Au milieu de l’été, alors que la météo incertaine invitait à rester à son domicile,
cap sur la forêt de Fontainebleau, en Seine-et-Marne, pour un groupe de la
Maison ouverte de Montreuil, une des douze fraternités de la Mission populaire
évangélique de France (MPEF). Le 21 juillet, en plus de profiter d’une randonnée
sous les pins, l’escapade avait pour but d’expérimenter l’itinéraire de la prochaine
marche méditative de la Maison ouverte prévue en septembre 2021. Quelques
heures pour se reconnecter à la fois à son corps et à la nature ponctuées par
différents temps : silences, partages, méditations pleine conscience, lectures de
textes théologiques, poétiques ou philosophiques, etc. Une échappée hors du
monde, loin du Covid-19, de son train-train quotidien, pour se questionner,
réfléchir à sa vie et au-delà, à ses inspirations et aspirations.

En 2021, l’institution protestante fête son 150e anniversaire et sera au cœur du
programme de l’Assemblée du Désert qui aura lieu le 5 septembre à Mialet
(Gard). Une rentrée particulière qui rime également avec spiritualité. En accord
avec les priorités définies lors de son assemblée générale de 2017, la MPEF
souhaite redévelopper et offrir une spiritualité pour tous au sein de ses douze
fraternités aux situations locales diverses. Aujourd’hui, de Marseille à
Montbéliard, dans ces lieux où l’on vient autant boire un café qu’apprendre le
français ou bénéficier d’un accompagnement administratif, des cultes et des
partages bibliques sont proposés de façon régulière et attirent en majorité des
protestants. Ces derniers ne sont pourtant pas les seuls à fréquenter les
fraternités, ouvertes à tous et toutes. Au sein de ces microcosmes interculturels et
interconfessionnels se croisent, parmi les bénévoles comme les accueillis, des
chrétiens notamment d’origine afro-antillaise mais aussi des musulmans, des
agnostiques, des juifs ou des athées.

« Spirituel », un terme galvaudé
« Lors de l’assemblée générale de 2017, les équipes de la Mission populaire ont
fait un constat important : certes les personnes franchissent la porte des
fraternités car elles sont en recherche, selon leur situation, d’écoute, de
nourriture, d’un toit ou de soutien scolaire, mais aussi parce qu’elles ont besoin, à
l’égal de tout humain, de se questionner sur le sens de leur vie, ce qui les tient
debout, les anime, les effraie, et de manière plus large sur l’existence humaine
dont la mort », raconte Stéphane Lavignotte, pasteur à la Maison ouverte à
Montreuil et responsable de l’animation spirituelle au sein de la Mission
populaire. D’où l’idée de faire naître de nouveaux espaces au sein des fraternités,
via la création d’animations, au sein desquels les langues parfois timides pourront
se libérer, s’encourager, se retrouver sur des questionnements communs.

Mais attention au terme « spirituel », souvent galvaudé. « Nous ne sommes pas
des coachs de bien-être au service d’une spiritualité personnelle, avertit Olivier
Brès, président du comité national de la Mission populaire. En apprenant à
échanger et à écouter tous les points de vue de l’autre, nous recherchons non pas
des raisons de vivre individuelles mais collectives au sein de cette société au sein
de laquelle on parle de juxtaposition des solitudes. » « Dans le travail social, c’est
toujours un nous, un je et toi, jamais un toi seul. C’est un moi qui bien sûr doit
être juste et bien avec lui-même, mais qui ne peut pas se penser séparé des
autres », complète la théologienne Isabelle Grellier, accompagnant les fraternités
dans cette démarche.

Aux yeux d’Olivier Brès, ces temps permettent par ailleurs d’échanger sur
d’autres aspirations que celles qui semblent dominantes aujourd’hui – l’argent, le
pouvoir, le plaisir ou la distraction – mais aussi de créer des lieux, à l’heure où la
laïcité est mal comprise, au sein desquels la culture religieuse est partagée, y
compris protestante, sans frein ni tabou. Et ainsi que nul individu ne s’enferme ou
ne soit enfermé dans une identité religieuse définitive.

L’arrivée des travailleurs sociaux
L’évolution de la Mission populaire et notamment du profil des équipiers fait
partie des raisons à l’origine de ce chantier. En effet, depuis près de cinq ans, à la
tête des fraternités, au poste de directeur, on ne trouve plus principalement des
pasteurs mais des profils se rapprochant davantage des travailleurs sociaux. Sur
douze fraternités subsistent trois pasteurs. Afin d’épauler ces nouveaux équipiers
qui ne se sentent pas toujours à l’aise avec la dimension spirituelle, des
formations ont eu lieu au premier semestre 2021.

Animées par Stéphane Lavignotte, le sociologue Frédéric de Coninck et la
théologienne Isabelle Grellier, via Zoom, elles avaient pour titre « Les gros mots
de la foi. Salut, Royaume, péché, grâce… » « Des mots intimidants pourtant bien
présents dans notre quotidien », précise Frédéric de Coninck, qui a aidé les
équipiers à mieux comprendre leur sens et leur portée dans la vie de tous les
jours. « Par exemple, la dimension du salut n’est pas unidimensionnelle, note le
sociologue. Il ne s’agit pas uniquement d’une manière de solder des comptes avec
Dieu. C’est aussi une manière d’accéder à une libération, à une forme de
guérison. Lorsque vous aidez une personne en difficulté, on peut parler de salut. »

Pour clore l’année, l’ensemble des équipiers ainsi que des membres des conseils
d’administration ont participé à une formation animée par la Ligue pour la lecture
de la Bible. C’est maintenant au tour des fraternités de faire naître des
propositions. Depuis quelques années, le pasteur Stéphane Lavignotte s’appuie
sur des images ou des citations. « Je dispose sur une table des photos de
paysages, d’animaux ou de situations sociales, puis je demande aux participants
d’en choisir une qui exprime au mieux, selon eux, leur état d’esprit aujourd’hui. »

Du côté de la fraternité de Saint-Nazaire, l’équipière ainsi que des membres du
conseil d’administration réfléchissent à mettre en place cet automne une
animation destinée à un groupe de femmes réfugiées. « Dans les parcours
migratoires, ce sont les femmes qui portent à bout de bras le projet d’intégration,
la scolarisation des enfants, l’insertion dans une nouvelle culture. Ces battantes
considèrent parfois la foi comme une ressource », note Claire Parichon, salariée
de la fraternité. À la Frat’aire de Montbéliard, déjà très avancée dans cette
démarche, les repas partagés, organisés un vendredi sur deux, sont l’occasion de
temps de partage, en toute simplicité, sur les croyances des uns et des autres. Les
marches méditatives sont nées, quant à elles, durant l’été 2020 dans les parcs de
Montreuil, à l’est de Paris. À l’heure du retour au travail et des impératifs de
rentrée, on aurait envie d’y participer.

Journées de rentrée

Son histoire, ses enjeux, sa pertinence pour aujourd’hui… La Mission populaire en
débattra les 9 et 10 octobre. Programme ouvert à tous. Renseignements et
inscriptions : missionpopulaire.org

Lire également :

  L’ancrage social de la Mission populaire évangélique
Henri Nick, l’apôtre-prophète du Nord

  Reportage à la Mission populaire de Trappes

  La Rochelle : la Mission populaire au service des gens du voyage

  L’avenir de la Mission populaire évangélique de France en débat

Publié le 2 septembre 2021(Mise à jour le 2/09)
Par Alice Papin

L’ancrage social de la Mission
populaire évangélique
La « Miss pop », comme on la surnomme amicalement, est née à la fin du
XIXe siècle. Au cours de son histoire, la place qu’elle accorde aux champs
spirituel, social et politique a constamment évolué.

Au lendemain de la Commune de Paris, en 1871, le pasteur méthodiste écossais
Robert McAll fonde la Mission MacAll dans le but d’évangéliser les ouvriers qui se
sont éloignés des églises. Jusqu’en 1890, à Paris et en banlieue, la Mission MacAll
se déplace d’un lieu à un autre, loue des salles dont des bistrots pour y prier et y
chanter. En 1879, l’œuvre prend le nom de Mission populaire évangélique et seize
ans plus tard, une première communauté missionnaire implantée dans un lieu
fixe, le foyer Grenelle, voit le jour dans le quartier industriel de Javel, à Paris.

À partir de 1900, le Mission populaire prend le tournant du christianisme social,
influencé par le pasteur parisien de la Chapelle du Nord, Tommy Fallot, plaidant
pour un socialisme chrétien. De là naît l’utopie des fraternités, des lieux où
croyants et non-croyants agissent ensemble, au nom de l’Évangile, pour la justice.
Deux disciples de Tommy Fallot, Henri Nick et Élie Gounelle, fondent à Lille et à
Roubaix les deux premières fraternités qui se multiplient par la suite. Dans ces
maisons de quartier, on organise des colonies de vacances, des ateliers de lutte
contre l’alcoolisme et la prostitution, des débats sur des sujets sociaux…

Un virage politique
Après la Seconde Guerre mondiale et jusqu’en 1980, la Mission populaire
évangélique, dont une partie s’engage très à gauche, se politise et laisse un peu
de côté le champ spirituel. Au début des années 1980, avec l’apparition de
nouvelles formes de pauvreté, les actions sociales de la Mission populaire
évangélique, bénéficiant d’aides publiques, se professionnalisent. C’est l’arrivée
dans les fraternités de travailleurs sociaux. Depuis les années 2000, la Mission
populaire a la volonté de ne plus délaisser aucun champ et d’agir sur les plans
spirituel, politique et social. « C’est ce trépied qui fait notre identité », estime le
pasteur Stéphane Lavignotte. Sur le plan politique, par exemple, la structure
s’est engagée en faveur du climat, depuis la Cop 21 de 2015, aux côtés d’autres
organisations chrétiennes.
Lire également :

  Mission populaire évangélique : offrir une spiritualité pour tous

  Henri Nick, l’apôtre-prophète du Nord

  Le « groupe du Nord »

  Actualité du Christianisme social

Publié le 2 septembre 2021(Mise à jour le 2/09)
Par Christophe Chalamet
Henri Nick, l’apôtre-prophète du
Nord
La commémoration du 150e anniversaire de la création de la Mission populaire
évangélique (1871-2021) est l’occasion de redécouvrir l’une des grandes figures
de cette œuvre, le pasteur Henri Nick.

Henri Nick (1868-1954) a marqué bon nombre de personnes, y compris des
protestants français, au siècle dernier. Après des études de théologie à la faculté
de Montauban, où il devint l’ami d’Élie Gounelle et de Wilfred Monod, après avoir
hésité à s’engager dans l’Armée du Salut plutôt que dans l’Église réformée, il fut
pasteur à Mialet (1890-1897), non loin de la paroisse d’Alès où œuvrait Gounelle.
Leur principale visée était le réveil, avec un souci marqué pour les conditions
sociales dans lesquelles vivent les gens. On peut lire leurs riches échanges en ces
années (Réveil et Christianisme social. Correspondance 1886-1897, Labor et
Fides, 2013).

Puis ce fut le Nord, à partir de 1897, dans le quartier de Fives à Lille. « Un poste
de combat, d’évangéliste », selon les mots de Gounelle qui exhortait son ami à le
rejoindre dans le Nord auprès des ouvriers (Gounelle était à Roubaix depuis
1896). Nick resta fidèle jusqu’au bout, pendant plus de cinquante ans, à ce poste
et au Foyer du peuple fondé en 1901. Son ministère d’évangéliste, participant à la
Mission populaire, marqua beaucoup d’habitants lillois, mais aussi des jeunes
protestants. Au point que certains étudiants en théologie, comme Jacques
Kaltenbach avant la guerre, puis dans les années 1920 Samuel Cornier, Marcel
Heuzé (pasteur mort en déportation), Henri Roser ou André Trocmé, se
promettaient de rejoindre cette œuvre ou la région du Nord dès la fin de leurs
études (lire les remarques d’André Trocmé sur Henri Nick dans ses Mémoires,
édités par Patrick Cabanel chez Labor et Fides en 2020, ainsi que les
témoignages de Magda Trocmé dans ses Souvenirs d’une vie d’engagements
parus aux Presses universitaires de Strasbourg en 2021).

Grâce au labeur de Grégoire Humbert, l’engagement d’Henri Nick en tant
qu’aumônier durant la Première Guerre mondiale nous est désormais connu dans
ses détails (voir la belle série d’ouvrages parus à partir de 2014 aux éditions
Ampelos, Correspondance de guerre. Famille, amis, soldats).
Prédicateur de la vérité
Dans la partie conclusive de sa thèse de licence en théologie sur la notion de
métanoïa (grec pour « conversion » ou changement d’intelligence) de 1890, Nick
écrivait : « Un prédicateur de la vérité doit en être avant tout le témoin. » Voilà ce
qu’il a cherché à vivre, tout au long de son existence, et ce malgré une série de
malheurs, à commencer par le décès de son épouse Hélène (née Lèques) en 1917.
Seuls deux de leurs six enfants, Hélèna et Madeleine, survécurent à leur père.

Témoigner de la vérité, pour Nick, n’allait pas sans une critique de la religion
dans tout ce qu’elle peut avoir de déshumanisant. La religion, trop souvent, est
« un éteignoir pour l’esprit et un étau pour le cœur », écrivait-il en 1908 dans un
article intitulé « Remontons à la source » paru dans le journal L’Espoir du monde.
Il arrive que la religion « sanctionne la tyrannie, la guerre, l’exploitation de
l’homme par l’homme. Elle a égard au rang, à la fortune, dédaigne “la
guenille” du corps, méprise la raison, ce don de Dieu, accroît les ténèbres ». Ce
type de religion, qui « ruine les peuples », mérite notre mépris et doit être
combattu.

À l’opposé, la religion du Christ « est une religion qui élargit et approfondit nos
sentiments, et loin de nourrir l’orgueil humain, l’abaisse. Elle unit tous les
hommes en une seule famille de frères sous le regard d’un seul Père, sans
distinction de races, ni de castes. (…) Elle poursuit la paix, lutte contre toute
injustice, respecte dans le corps le temple de l’Esprit saint, favorise le
développement de l’intelligence, et met au cœur de l’homme le plus abattu, le
plus misérable, la volonté indomptable d’améliorer sa condition matérielle,
morale et intellectuelle, et l’ambition de devenir un homme dans la plus haute
acception du terme, un digne fils de Dieu. Elle lui communique une invincible
espérance dans le triomphe final de la justice ».

C’est fort de ces convictions que Henri Nick soutint les jeunes objecteurs de
conscience protestants dans les années 1930 et qu’il sauva des Juifs une décennie
plus tard (il figure, avec son fils Pierre et sa belle-fille Odile, au nombre des Justes
parmi les nations). Bref, une figure à (re)découvrir en ce 150e anniversaire de la
Mission populaire évangélique !

Christophe Chalamet, professeur de théologie à la faculté de théologie de
l’université de Genève
Lire également :

  Série “Pasteurs revivalistes” (1) : Genèse du christianisme social

  Série “Pasteurs revivalistes” (2) : Des pasteurs orthodoxes et sociaux

  Série “Pasteurs revivalistes” (3) : Le christianisme social en pratique

  “Mémoires” d’André Trocmé : retour sur la vie d’un pacifiste intégral

  Actualité du Christianisme social

Publié le 2 septembre 2021(Mise à jour le 2/09)
Par Claire Bernole
Après le séisme, appels aux dons
et prières pour Haïti
Le pays, qui traverse depuis 2019 une grave crise politique, a subi au mois d’août
un nouveau séisme. Les protestants se mobilisent pour venir en aide à la
population.

Les appels aux dons et au soutien par la prière se sont succédé après le séisme de
magnitude 7,2 qui a frappé Haïti samedi 14 août. Outre un lourd bilan humain
– 2 207 morts, 344 personnes disparues et 12 268 blessés, selon le rapport de la
protection civile en date du 22 août –, les dégâts matériels sont « colossaux ».
Dans son communiqué du 17 août, le Défap, service protestant de mission,
recensait plus de 37 000 maisons détruites et près de 47 000 autres
endommagées, sans compter les avaries subies par de nombreux bâtiments
publics. Le journal La Croix faisait état, quant à lui, de 200 églises détruites et
quelque 150 endommagées.

« Nos prières et nos dons vont vers celles et ceux qui ont perdu un proche, leur
habitation, une partie de leur vie. Faites votre don à Solidarité protestante,
relayez cet appel », a-t-on pu lire dès l’annonce de la catastrophe dans un tweet
de la directrice de la communication de la Fédération protestante de France
(FPF), Aude Millet, accompagné d’un lien vers le site de Solidarité protestante.
Une association dont l’appel à la générosité a également été retransmis par le
Défap.

Appels à la générosité
La Fondation La Cause, à l’origine de la Plateforme Haïti qui fait le lien entre les
organisations protestantes de France et d’Haïti sous l’égide de la FPF, s’inquiète
de la situation des huit orphelinats dont elle a la responsabilité. « Les bâtiments
n’ont pas été touchés mais les personnes rencontrent des problèmes
d’approvisionnement et d’équipement, explique Alain Deheuvels, pasteur et
directeur de La Cause. Nous apportons un soutien renforcé aux établissements
qui, avec toutes ces catastrophes, reçoivent de nouveaux enfants. » La Fondation,
reconnue d’utilité publique, a lancé un appel aux dons sur son site internet et via
sa newsletter. « Des dons que nous suivons directement et de près », assure le
directeur.

Membre, comme le Défap, de la Plateforme Haïti, le Service d’entraide et de
liaison (SEL) a également décidé de lancer un fonds d’urgence pour Haïti.
« Plusieurs des partenaires locaux du SEL ont été directement touchés par la
catastrophe, a indiqué l’ONG humanitaire protestante dans son communiqué. Des
centres d’accueil de parrainage sont détruits, des familles d’enfants parrainés et
des animateurs sont victimes eux aussi. »

Le pasteur presbytérien Odair Pedroso Mateus, secrétaire général adjoint du
Conseil œcuménique des Églises (COE), s’est également exprimé au sujet de la
situation en Haïti. « Nous présentons nos condoléances et nos prières à ceux qui
ont perdu des êtres chers, ainsi qu’aux nombreuses personnes et églises qui
répondent à cette urgence sur le terrain. Alors que le peuple haïtien est dans le
besoin, nous prions pour que Dieu lui donne sa force dans les jours à venir. »

Quant à elle, la Fédération luthérienne mondiale (FLM) a lancé un appel aux dons
pour venir en aide aux populations sinistrées. « Nous sommes vraiment inquiets
pour la sécurité des plus de 20 000 familles qui ont perdu leur maison dans le
tremblement de terre, a déclaré Propery Raymond, directeur du bureau de la
FLM en Haïti. (…) S’il vous plaît, priez pour le peuple haïtien, mais faites aussi un
don pour les opérations de secours si vous le pouvez. »

Des quartiers tenus par des gangs
De son côté, l’Agence de développement et de secours adventiste (Adra), bien
implantée en Haïti et dont La Cause est partenaire, s’est rapidement mobilisée.
« L’Adra a été l’une des premières organisations de secours à atteindre la zone
touchée de Saint-Louis-du-Sud en Haïti, a rappelé dimanche 15 août Elian
Giaccarini, coordinateur de la gestion des urgences de l’Adra pour les Caraïbes.
D’après nos évaluations, la principale préoccupation est de soigner les blessés.
(…) L’un des principaux défis est l’extrême complexité des quartiers tenus par des
gangs, qui ne permettent pas un accès facile aux zones touchées. » On peut
encore mentionner l’engagement de l’ONG humanitaire évangélique Samaritan’s
Purse, qui a annoncé avoir envoyé sur l’île un avion transportant une douzaine de
spécialistes de l’intervention d’urgence ainsi que 31 tonnes de secours.

Bien sûr, les ONG catholiques sont actives. À titre d’exemple, la fondation
pontificale Aide à l’Église en détresse (AED) a débloqué une aide d’urgence de
500 000 euros pour Haïti. Dès dimanche 15 août, le pape François avait d’ailleurs
exprimé sa « solidarité aux populations durement frappées par le séisme », lors
de sa prière de l’Angélus place Saint-Pierre à Rome. « J’adresse des paroles
d’encouragement aux survivants, espérant que la communauté internationale
s’implique en leur faveur et que la solidarité de tous puisse atténuer les
conséquences de la tragédie », avait-il ajouté. Aujourd’hui, la mobilisation
continue de toute part.

Claire Bernole et Louis Fraysse

  Les événements de 2010 à 2021

  Une « montagne dans la mer ». C’est ce que signifie Haïti. Le nom peut aussi se
  traduire par « âpre terre » et de fait, les habitants de l’île sont confrontés à une
  série d’événements rendant leur horizon bien sombre depuis une décennie.
  Rappelons que le séisme qui a touché le pays en 2010, d’une magnitude de 7,3
  sur l’échelle de Richter, a fait 300 000 morts et quelques centaines de milliers
  de blessés. Puis en 2019, une longue pénurie de carburant accentue la grogne
  déjà existante contre le président Jovenel Moïse. Des manifestants dénoncent la
  corruption, exigent davantage de justice sociale et réclament la démission du
  président. Haïti s’enlise dans la violence (barrages, kidnappings, exactions…).
  Alors qu’il est largement contesté, Jovenel Moïse annonce en février 2021 la
  prolongation de son mandat en tant que président. Il sera assassiné quelques
  mois plus tard, dans la nuit du 6 au 7 juillet, à son domicile. C’est dans ce
  contexte de crise politique et sociale que la population fait face aux
  conséquences du séisme qui a touché l’île en août.

  C. B.

Lire également :

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Partout dans le monde, les chrétiens se mobilisent pour Haïti

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Publié le 1 septembre 2021(Mise à jour le 1/09)
Par Louis Fraysse
Combien de réfugiés afghans pour
la France ?
Depuis l’invasion soviétique en 1979, l’Afghanistan est l’un des premiers pays
d’origine des migrations internationales.

Quelque 3 000 personnes, 2 834 pour être précis, dont 142 Français et plus de
2 600 Afghans. Voilà les données officielles de l’évacuation par la France de
l’aéroport de Kaboul, après la prise de pouvoir des Talibans le 15 août dernier.
Moins de deux semaines plus tard, le dernier avion français quittait le sol afghan,
vingt ans après le début de l’invasion occidentale. En visite en Irak pour une
conférence régionale, Emmanuel Macron a indiqué samedi 28 août que la France
continuait à mener des « discussions » avec le mouvement Taliban et le Qatar afin
de poursuivre l’évacuation d’Afghans menacés par le changement de régime.

Le sujet de l’accueil de ces derniers s’est quasi instantanément transformé en
question de politique intérieure. Dans son allocution télévisée du 16 août, le
président de la République a ainsi affirmé qu’il était de « l’honneur de la France »
d’« aider » certains Afghans mais qu’il importait également de « nous protéger
contre des flux migratoires irréguliers importants ». À plusieurs reprises, le
Rassemblement national s’est opposé à leur arrivée en France, arguant via son
numéro deux Jordan Bardella qu’une « grande partie du peuple afghan souhaite
vivre sous le régime et sous la loi islamiques, sous le règne de la charia ». À
l’inverse, la Cimade, association de soutien aux réfugiés, a lancé une pétition
appelant l’Élysée à « respecter les engagements de (la France) en faveur des
droits humains en proposant la protection et l’accueil à toutes les personnes
afghanes qui les sollicitent » mais aussi à suspendre les expulsions vers
l’Afghanistan.

Certes, l’afflux de migrants afghans n’est pas chose nouvelle, comme le rappellent
les professeurs de droit Thibaut Fleury Graff, Alexis Marie et Julian Fernandez
dans un article pour la revue en ligne The Conversation. Avant d’être détrôné par
la Syrie en 2013, l’Afghanistan était depuis 1979 le premier pays d’origine des
migrations internationales. Fin 2020, on comptait ainsi plus de 2,6 millions de
réfugiés afghans dans le monde et plus de 550 000 déplacés internes.
61 000 d’entre eux avaient déposé une demande d’asile dans un pays de l’Union
européenne en 2019 – dont 12 000 en France.

En vertu de l’article 1A2 de la convention de Genève de 1951, précisent les
chercheurs, doit se voir reconnaître la qualité de réfugié toute personne qui
« craint avec raison d’être persécutée » dans son pays d’origine pour son ethnie,
sa religion, son appartenance à un certain groupe social ou ses opinions
politiques. La France est donc tenue juridiquement de les accueillir. Mais à moins
d’un an de l’élection présidentielle, le sort de ces Afghans risque d’être pris dans
la tourmente de la campagne.

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Publié le 1 septembre 2021(Mise à jour le 1/09)
Par Louis Fraysse

Les Talibans et l’obsession de la
loi
Tout à la fois fondamentaliste et nationaliste, le mouvement Taliban s’est
notamment imposé dans les campagnes afghanes par sa capacité à rendre la
justice.

C’est un pont aérien comme on en a rarement vus dans l’histoire. Depuis le
14 août, pas moins de 114 000 personnes ont été exfiltrées d’Afghanistan via
l’aéroport de Kaboul. Tombée aux mains des Talibans il y a deux semaines, à la
suite d’une offensive éclair, la capitale afghane est encore sous le choc du violent
attentat du 26 août. Revendiqué par le groupe État islamique au Khorasan (EI-K),
ce dernier a fait près de 200 victimes, dont treize soldats américains.

Alors que le mardi 31 août marque la fin de vingt années de présence militaire
occidentale en Afghanistan, la victoire des Talibans ravive le spectre des cinq
années de pouvoir du mouvement islamiste, entre 1996 et 2001. Le souvenir en
reste vivace : lapidations, exécutions de femmes en place publique, destruction
des bouddhas de Bamiyan… et accueil des cadres d’Al-Qaïda, qui justifiera
l’invasion des États-Unis et de leurs alliés. Repoussoir par excellence, incarnation
de l’obscurantisme le plus barbare, le mouvement Taliban s’est pourtant vu
accorder le statut d’interlocuteur acceptable dans la foulée de l’attentat du
26 août. C’est qu’un nouvel acteur est entré en jeu. Partisan d’une violence totale
contre ceux qu’il juge « mécréants », l’EI-K exècre en effet autant les Occidentaux
que les Talibans, ce qui fait de ces derniers des alliés objectifs dans la lutte contre
les djihadistes. L’ennemi de mon ennemi…

Comment vont gouverner les nouveaux maîtres de l’Afghanistan ? Le flou règne
sur leurs intentions réelles. Mais les Talibans suscitent une telle défiance en
Occident qu’il est parfois difficile de considérer le mouvement avec le recul
nécessaire. En témoignent les mentions récurrentes de leur idéologie et de leurs
pratiques « moyenâgeuses ». Un terme qui a le don d’irriter Gilles Dorronsoro,
professeur de science politique à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et
spécialiste de l’Afghanistan. « Outre le fait qu’il faudrait réhabiliter le Moyen Âge,
qualifier le mouvement Taliban de “moyenâgeux” est un non-sens historique,
soutient-il. En pays musulman, il est très rare que les oulémas (docteurs de la loi
islamique, NDLR) disposent du pouvoir politique, c’est même quelque chose
d’assez exceptionnel. Quant à l’islam que professent les Talibans, s’il s’inspire de
jurisprudences très anciennes, il s’inscrit surtout dans l’héritage du déobandisme,
création du XIXe siècle. »

Une sociabilité commune
Né en 1867 dans la ville de Deoband, en Inde britannique, le déobandisme est un
courant réformiste musulman. Structuré autour d’un réseau d’écoles coraniques,
les madrasas, il prône à la fois un retour aux fondements de l’islam et une
application des préceptes de l’école de jurisprudence hanafite – l’hanafisme est
l’une des quatre écoles du droit islamique sunnite. Le poids de cet héritage est
déterminant pour comprendre qui sont les Talibans. « Contrairement à l’image
chaotique que l’on a souvent de lui, le mouvement Taliban est centralisé, bien
structuré, indique Gilles Dorronsoro. Surtout, ses dirigeants sont soudés par une
socialisation commune ; ce sont des religieux qui ont étudié dans les mêmes
madrasas, notamment la madrasa Haqqaniyya, au Pakistan. Cette solidarité
profonde a permis que l’organisation survive à l’invasion américaine, et de limiter
les dissidences en son sein. »

Outre ce socle commun, les Talibans ont su, depuis leur défaite de 2001, faire
preuve d’un certain pragmatisme. Historiquement pachtoune – la première ethnie
d’Afghanistan, qui rassemble environ 40 % de la population –, le mouvement a
développé dans les années 2000 une stratégie d’ouverture envers les autres
ethnies, Hazaras chiites exceptés. « Les Talibans ne sont ni une organisation
tribale, ni une organisation ethnonationaliste, c’est avant tout un mouvement
religieux avec une base cléricale, résume Gilles Dorronsoro. Leur ouverture aux
Ouzbeks et aux Tadjiks explique qu’ils se soient cette fois emparés assez
facilement des provinces du Nord du pays, celles-là mêmes qui leur avaient
farouchement résisté dans les années 1990. »

Mais leur popularité, réelle, auprès d’une partie de la population s’explique aussi
par leur capacité à rendre la justice de manière impartiale, bien davantage que
les juges de l’ex-régime, notoirement corrompus. C’est justement la thèse d’Adam
Baczko, chargé de recherche CNRS à Sciences Po et auteur d’un ouvrage
consacré aux tribunaux des Talibans en Afghanistan. « En 1996, quand les
Talibans sont arrivés au pouvoir, leurs juges se sont montrés aptes à juger de
manière impartiale, mais aussi à imposer leurs verdicts par la coercition, ce qui
leur a permis de trancher des conflits, confiait-il récemment dans un entretien
pour Philosophie magazine. C’est mis à leur crédit, y compris par leurs
opposants. »

Arguties juridiques et « vrai » islam
Chassé du pouvoir en 2001, le mouvement s’est méthodiquement réimplanté dans
les campagnes afghanes, village par village. Dans le contexte volatil de la guerre
civile, en opposition à la corruption des magistrats officiels, ils ont mis en place
un système juridique « relativement prévisible » pour la population. Pour Adam
Baczko, le mouvement Taliban se caractérise d’ailleurs par une « obsession »
pour le droit. « Pour ramener l’ordre en Afghanistan, ils raisonnent comme des
juges : il faut réguler les comportements individuels, rééduquer les Afghans en
contrôlant par le droit toutes les choses quotidiennes, expliquait-il à Philosophie
magazine. Le régime taliban, c’est le gouvernement des juges, mais des juges
ruraux et très conservateurs. »

Ce tropisme juridique suscite d’ailleurs l’hostilité du groupe État islamique, qui
qualifie les Talibans d’« apostats ». Ces derniers sont accusés de privilégier les
arguties juridiques au détriment du « vrai » islam et d’avoir accepté de négocier
avec les États-Unis en 2020 à Doha, au Qatar. L’autre distinction majeure entre
les deux groupes porte sur leur projet géopolitique. « Le groupe État islamique au
Khorasan souhaite abolir la frontière afghano-pakistanaise, qu’il ne reconnaît pas,
et rêverait d’éradiquer les minorités religieuses comme les chiites, dans une
optique clairement génocidaire, révèle Gilles Dorronsoro. Les Talibans, à
l’inverse, s’inscrivent dans une logique nationaliste ; ils veulent s’emparer de
l’État, en expulser les étrangers et le gouverner selon la charia, la loi islamique. »

De quoi convenir à une partie de la population afghane, marquée par plusieurs
décennies de guerre civile.

  Talibans et talibans, question de majuscule

  En persan, le mot talib (ou taleb), dont le pluriel est taliban (taleban), signifie
  « étudiant ». Au Pakistan et en Afghanistan, le mot taliban désigne plus
  particulièrement des étudiants en religion, ceux des madrasas, les écoles
  coraniques. Les chercheurs distinguent ces derniers des Taliban (avec une
  majuscule), mouvement politique apparu en 1994 dans la province afghane de
  Kandahar. La distinction importe, affirment-ils : beaucoup de taliban
  n’appartiennent pas à l’organisation Taliban, et certains Taliban ne sont pas
  taliban. De plus, comme le pluriel persan est déjà marqué dans le mot taliban,
  les chercheurs ne lui ajoutent pas de « s » en français, à la différence de la
  plupart des titres de presse francophones.

  Enfin, les spécialistes insistent aussi sur la nécessité de différencier le
  mouvement Taliban afghan de son homonyme pakistanais. Ultraviolent, ce
  dernier – Tehrik-i-Taliban Pakistan ou TTP – se rapproche davantage du groupe
  État islamique par son mode opératoire.

Documentaire

Afghanistan, pays meurtri par la guerre est un documentaire en quatre
épisodes décryptant les 50 dernières années de ce pays. Disponible jusqu’au 11
septembre.
À lire

Gilles Dorronsoro, Le gouvernement transnational de l’Afghanistan. Une si
prévisible défaite, Karthala, 2021, 288 p., 29 €.

Adam Baczko, La guerre par le droit. Les tribunaux Taliban en
Afghanistan, CNRS éditions, 2021, 384 p. 25 €.

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  Mouvement des talibans qui sont les “étudiants en religion” ?
Publié le 1 septembre 2021(Mise à jour le 1/09)
Par Raphaël Georgy

Dérèglement       climatique      :
l’émotion pour provoquer l’action
Pour certains psychologues, théologiens et spécialistes en écopsychologie,
l’émotion suscitée par l’annonce d’un changement climatique plus rapide que
prévu peut provoquer une prise de conscience plus grande et des comportements
plus vertueux que les discours rationnels.

Au beau milieu de l’été, le 9 août dernier, le groupe 1 du Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) dévoile son dernier rapport
sur l’état du changement climatique. Et il est glaçant. Les bouleversements
actuels du climat sont sans précédent depuis des milliers d’années, et pour
certains des centaines de milliers d’années. Une partie d’entre eux, comme la
fonte des calottes glaciaires et l’élévation du niveau des mers, relèvent de
mécaniques de très long terme et ne pourront pas être inversés avant des milliers
d’années. Au niveau mondial, la stabilisation des températures pourrait prendre
20 à 30 ans. D’ici 2050, les jeux sont faits. Chaleurs extrêmes, pluies diluviennes,
tempêtes tropicales : la fréquence de ces événements continuera à augmenter de
manière plus que proportionnelle à l’élévation des températures mondiales. Le
grand public est en train de comprendre que les mesures prises aujourd’hui
auront un impact dans plusieurs décennies et que, d’ici là, il va falloir s’adapter.

Or, pour le professeur de psychologie du développement durable à l’université de
Genève Tobias Brosch, les émotions sont l’élément le plus efficace pour
déclencher des changements de comportement. « Il ressort que ce sont les
réactions affectives ressenties qui prédisent le mieux ces réponses, et non pas des
facteurs générationnels comme l’âge ou le parti politique, comme l’on aurait pu
s’y attendre », explique le chercheur dans un article paru dans la revue Current
Opinion in Behavioral Sciences.

Entendre la Terre qui crie
« Si nous peinons à entendre la Terre qui crie, c’est que nous sommes souvent
clivés intérieurement, entre la tête et le cœur », abonde Michel Maxime Egger,
sociologue et écothéologien, responsable du Laboratoire de transition intérieure
en Suisse au sein de l’ONG protestante Pain pour le prochain. Cette dernière
propose des ateliers de « travail qui relie » et de « compostage » des émotions
liées aux problèmes écologiques et climatiques. « L’information nourrit le mental
mais ne descend pas à l’intérieur pour venir toucher le cœur. Nous sommes
d’autant moins touchés que la nature est perçue comme une réalité extérieure »,
renchérit Michel Maxime Egger.

Pour Tobias Brosch, les émotions jouent aussi un rôle dans le soutien à des
technologies renouvelables et à des politiques contraignantes en matière
environnementale. En France, le mouvement des Gilets jaunes s’était cristallisé
après l’annonce de la hausse de la taxe carbone.

   « L’information nourrit le mental mais ne descend pas à l’intérieur pour venir
  toucher le cœur. Nous sommes d’autant moins touchés que la nature est perçue
                          comme une réalité extérieure »

« À trop insister sur la catastrophe climatique, les personnes pourraient ressentir
un sentiment d’impuissance qui les pousse à se dire qu’il est de toute façon déjà
trop tard, donc à quoi bon changer ses habitudes ? explique Tobias Brosch. En
revanche, jusqu’à présent, cet effet négatif de la peur n’a pas encore été
réellement observé dans le contexte du changement climatique. »
Et qu’en est-il des messages optimistes ? « Il a été constaté que les
communications très positives, porteuses d’espoir, pouvaient également aboutir à
l’immobilisme, les personnes renonçant à changer de comportement puisqu’au
final nous allons vers le mieux », explique-t-il. Et de proposer une communication
qui équilibre responsabilité et optimisme.

Évangéliser nos émotions
« Dès 1979, dans son ouvrage devenu classique intitulé Le Principe
responsabilité, le philosophe Hans Jonas prenait à bras-le-corps la question des
émotions dans les réactions à la crise écologique, en défendant la thèse d’une
“heuristique de la peur” : la peur serait nécessaire pour adopter des
comportements responsables, rappelle le philosophe des religions Frédéric
Rognon, qui dirige l’ouvrage à paraître La Nouvelle Théologie verte (Labor et
Fides, 3 novembre 2021). Cette position a été démentie par l’expérience
ultérieure : certaines catastrophes locales (notamment celle de Fukushima) n’ont
guère produit de conversions éthiques ou politiques, et le catastrophisme global a
plutôt pour effet de paralyser ou de paniquer la population. En tant que
théologien, je proposerais plutôt d’articuler psychologie et spiritualité, ou
“d’évangéliser” notre vie émotionnelle, de distinguer espoir et espérance, et de
laisser l’espérance nous guider pour traverser nos émotions : peur, angoisse,
tristesse, espoir, désir, colère… Traverser, et non refouler. Il s’agit en effet
d’exprimer sans retenue nos émotions, de les confier à nos proches et de les
remettre à Dieu, pour finalement s’engager en se sachant portés par la grâce. »

Pour Michel Maxime Egger, le refus des émotions contribue au sentiment
d’impuissance. « Nous nous protégeons – par des mécanismes de défense et des
formes de refoulement émotionnel – des sentiments désagréables qu’elles
génèrent en nous : la peur, la tristesse, la colère, l’impuissance, la culpabilité, le
découragement voire le désespoir… Ces dissociations intérieures sont source
d’inertie. »

Transformer la tristesse
« Le but n’est pas de s’enfermer dans ces émotions, poursuit-il, mais de les
“composter”. C’est-à-dire d’en transformer l’énergie pour que, selon l’étymologie
du mot émotion, elles ne conduisent pas à l’inertie mais à la mise en mouvement,
au désir de s’engager et d’agir. Si je suis triste pour ce qui arrive à la Terre et à
l’humanité, c’est que je les aime. Le compostage de la tristesse permet sa
transformation en amour qui nourrit le désir de prendre soin. »

   « Si je suis triste pour ce qui arrive à la Terre et à l’humanité, c’est que je les
    aime. Le compostage de la tristesse permet sa transformation en amour qui
                           nourrit le désir de prendre soin. »

Michel Maxime Egger insiste : « Les émotions sont thérapeutiques ; elles ne
deviennent paralysantes que si on les réprime. Comme le dit le maître bouddhiste
Thich Nhat Hanh : “Ce dont nous avons le plus besoin pour sauver la Terre, c’est
d’écouter en nous les échos de la Terre qui pleure.” Dans la même veine, le pape
François appelle à “oser transformer en souffrance personnelle” ce qui arrive à la
Terre. Entrer dans son ressenti est une condition sine qua non pour que les
dégradations écologiques nous concernent vraiment. »

Et de citer l’écopsychologue américaine Joanna Macy : « “Quand les gens sont
capables de dire la vérité sur ce qu’ils savent, voient et ressentent par rapport à
ce qui arrive à leur monde, une transformation se produit.” On observe une
détermination accrue à agir et un appétit de vivre renouvelé, ainsi qu’un “réveil
de notre passion pour la vie et notre capacité à la protéger”. »

Pour aller plus loin

L’atlas interactif du Giec

Christophe Monnot et Frédéric Rognon (dir.), La Nouvelle Théologie verte,
Labor et Fides, 280 p., 22 €. À paraître le 3 novembre 2021.

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Réchauffement climatique : le dernier rapport du Giec oscille entre
  consternation et espoir

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  Le climat méditerranéen fragilisé

Publié le 1 septembre 2021(Mise à jour le 1/09)
Par Antoine Nouis

Le réchauffement climatique, un
problème spirituel
Un éditorial d’Antoine Nouis, théologien protestant.

Le dernier rapport du Giec publié cet été dessine une courbe qui va vers le pire.
Il sonne comme un signal d’alarme : nous avançons à grands pas vers des
modifications qui risquent de rendre notre planète difficilement habitable avec les
catastrophes humanitaires qui accompagneront ces modifications.

Bibliquement, ces rapports s’assimilent aux livres prophétiques qui disent : si
vous ne changez pas, le malheur va fondre sur vous. Les prophètes n’annoncent
pas le mal pour que le mal arrive, mais pour que les humains prennent conscience
des conséquences de leur comportement. Le modèle est le livre de Jonas dans
lequel le prophète annonce la destruction de Ninive pour que les Ninivites
changent de comportement et que la ville ne soit pas détruite.

Le réchauffement climatique est une conséquence de notre mode de vie, il appelle
de notre part un changement de notre logiciel de consommation. Notre société
est droguée au taux de croissance en nous faisant croire que le bonheur est lié à
notre consommation. Nous savons que ce n’est pas vrai, mais nous ne pouvons
nous empêcher de convoiter et de penser que nous serions plus heureux si nous
avions plus. La réponse à cette contradiction ne peut être que spirituelle.
Découvrir que ce qui nous fonde n’est pas ce que nous possédons, mais ce que
nous sommes.

Impérative sagesse
Le modèle du sage de l’Antiquité est Socrate, qui était aussi un apôtre de la
frugalité. Il aimait se promener dans les marchés pour regarder les marchandises
qui y étaient exposées. À un de ses amis qui lui demandait pourquoi, il a répondu :
« J’aime admirer le nombre de choses sans lesquelles je suis parfaitement
heureux. »

À l’heure du réchauffement climatique, la sagesse n’est plus une option, elle
devient un impératif. Nous ne sommes plus dans la quête d’une vie bonne, mais
d’une terre habitable. À l’écoute de la prédication de Jonas, le roi de Ninive a
échangé son manteau royal contre un sac et a ordonné un jeûne dans toute la
ville. À quels changements sommes-nous appelés ? C’est à chacun de répondre
pour soi.

Lorsque Jésus a posé au fondement de son Évangile l’appel à aimer son prochain,
nous pouvons entendre le mot prochain dans le sens de celui qui est proche, mais
aussi dans le sens du suivant. Aimer son prochain, celui qui viendra après moi,
c’est lui laisser une terre où la vie sera tout simplement possible.
Publié le 1 septembre 2021(Mise à jour le 8/09)
Par Rédaction Réforme avec AFP

Texas,    une     loi  interdit
l’avortement    dès   que   les
battements de coeur du foetus
sont perceptibles
Une loi interdisant tout avortement après la sixième semaine de grossesse et
encourageant la population à dénoncer les contrevenants est entrée en vigueur
mercredi au Texas en l’absence d’une décision la veille de la Cour suprême des
Etats-Unis sur un recours formulé en urgence.

Si la haute juridiction, où les conservateurs sont majoritaires (six sur neuf), ne se
prononce pas contre cette loi –elle n’est pas obligée de se prononcer avant son
entrée en vigueur–, le Texas deviendrait l’un des Etats américains les plus
restrictifs en matière d’avortement.
Cette loi interdit l’avortement dès que les battements de coeur du foetus sont
perceptibles, alors que de nombreuses femmes ignorent encore qu’elles sont
enceintes.

Plusieurs organisations de défense du droit des femmes à avorter avaient saisi
lundi en urgence la Cour suprême pour lui demander de bloquer l’entrée en
vigueur du texte ou d’obliger les tribunaux fédéraux à le faire.

La loi avait été signée en mai par le gouverneur républicain du Texas, Greg
Abbott, dans le cadre d’une offensive menée par les Etats américains
conservateurs contre le droit à l’avortement.

Elle rend illégaux l’immense majorité des avortements – même en cas d’inceste ou
de viol – dans cet Etat conservateur du Sud où, selon les organisations de
planning familial, plus de 85% des femmes avortent après six semaines de
grossesse.

Avant le Texas, douze Etats ont voté des lois pour interdire les avortements dès
que les battements de coeur du foetus sont perceptibles. Ces législations ont
toutes été invalidées en justice, parce qu’elles violent la jurisprudence de la Cour
suprême qui a reconnu un droit à l’avortement tant que le foetus n’est pas viable,
soit entre 22 et 24 semaines de grossesse.

Il revient aux citoyens de porter plainte
contre les personne ou contre les
organisations ou les personnes qui
aideraient les femmes à avorter
Mais le Texas a formulé sa loi différemment: il ne revient pas aux autorités de
faire respecter la mesure, mais “exclusivement” aux citoyens, encouragés à porter
plainte au civil contre les organisations ou les personnes qui aideraient les
femmes à avorter.

Le texte prévoit que les citoyens qui engageront des poursuites perçoivent au
moins 10.000 dollars de “dédommagement” en cas de condamnation. Les
détracteurs du texte y voient une “prime” à la délation, mais ses défenseurs ont
déjà mis en place des formulaires sur internet pour déposer des “informations
anonymes”.

Pour des raisons de procédure, ce dispositif rend plus difficile l’intervention des
tribunaux fédéraux qui ont refusé jusqu’ici de se saisir des recours contre la loi.

L’entrée à la Cour suprême de trois juges nommés par l’ex-président républicain
Donald Trump a galvanisé les opposant à l’avortement qui rivalisent d’imagination
pour lui fournir des occasions de revenir sur son arrêt historique de 1973, Roe v.
Wade, ayant reconnu le droit des femmes à avorter.

La Haute cour doit examiner à l’automne une loi du Mississippi qui interdit la
plupart des avortements après la 15e semaine de grossesse. Elle pourrait en
profiter pour commencer à détricoter sa jurisprudence en revenant sur le critère
de “viabilité du foetus” posé jusqu’ici.

© Agence France-Presse
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