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septembre 2019

MÉLODIE MOUSSET
L’ÉPLUCHÉE

exposition du 27 octobre 2019 au 02 février 2020

		         VISITE PRESSE
VEN        25.10.2019    10h-12h

		         VERNISSAGE
SAM        26.10.2019        18h-21h

		         RENCONTRES
		         «WHERE BODIES MEET»
SAM        26.10.2019
SAM        01.02.2020

commissaire de l’exposition : Claire Hoffmann
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    Introduction
    Mélodie Mousset (*1981, Abu Dhabi, vit à Zurich) utilise son propre corps pour
    cartographier, indexer et narrer un « soi » qui semble en métamorphose
    permanente, lui échappant dès qu’elle cherche à en prendre possession. Elle
    s’intéresse aux processus d’individuation biologiques, techniques, culturels,
    individuels et collectifs qui forment le corps. Ces questions anthropologiques et
    philosophiques prennent forme dans des vidéos, sculptures, installations,
    performances ou de la réalité virtuelle. Elle s’approprie des technologies de
    visualisation médicales (IRM, impression 3D), les met en rapport avec des rites
    chamaniques et les combine avec un travail plastique.

    Le film Intra Aura, initié en 2012, est présenté au CCS accompagné d’éléments
    sculpturaux disposés dans l’espace d’exposition.
         Pour échapper à la schizophrénie possiblement héréditaire de sa mère,
    l’artiste décide de s’emparer de technologies qui « désincarnent », les détourner
    de leur fonction première et ainsi se déconstruire elle-même, pour mieux se
    recréer ensuite. Elle réplique ses organes vitaux en 3D et entreprend un parcours
    initiatique. Ne trouvant pas de réponses dans son milieu familial, elle part sur un
    cargo pour traverser l’Atlantique. Arrivée au Mexique elle fait répliquer ses
    organes en cire, s’inscrivant tout autant dans la tradition historique des cires
    anatomiques que dans la tradition religieuse des ex-votos. Elle atteint ensuite les
    terres indigènes Mazatèques où elle rencontre des chamanes et « curanderos »
    qui tentent de la guérir de son mal inexplicable. Les rites et substances
    psychédéliques ne lui révélant rien, elle s’engouffre dans un réseau de caves
    souterraines, refuge des Mazatèques au temps des Conquistadores, dans lequel
    elle met feu à ses organes-bougies. Elle perd le disque dur contenant la plupart
    de son matériel vidéo, mettant plus encore en péril cette quête fragmentaire et
    aveugle…
         Dans Intra Aura Mélodie Mousset dissèque le regard de l’observateur.rice :
    elle observe les pulsions scopiques humaines, le désir de vision absolue jusqu’au
    tréfonds des corps. Le montage du film lui-même - séquence d’images morcelées
    - s’apparente à une expérience schizoïde où les espaces temps se confondraient.
    C’est seulement peu à peu que les spectatrices et spectateurs peuvent tenter de
    rassembler les pièces de ce puzzle et percevoir la question universelle sous-
    jacente de cette recherche d’identité et d’origines.

    HanaHana est une expérience en réalité virtuelle qui évolue et augmente depuis
    2016. Toujours centrée autour de la construction corporelle, cette œuvre, en
    empruntant la forme du jeu interactif et collaboratif, constitue un environnement
    fantastique immersif. Chacun.e peut générer des formes et laisser des traces de
    son passage dans ce désert habité par des sculptures archaïques où fleurissent des
    mains humaines de toutes tailles et couleurs. Dans ce monde surréel les bras sont
    non seulement des extensions du corps des joueuses et joueurs qui peuvent se
    téléporter et multiplier leurs corps à l’extérieur d’eux même, mais sont aussi des
    unités de construction qui permettent de bâtir et laisser une trace matérielle de
    son passage dans ce vaste bac à sable collectif. Cette expérience corporelle, dont
    elle enrichit et approfondit constamment les propriétés avec son équipe, est
    présentée ici en version multi-bloom - « à floraison multiple » - donc collective
    et connectée. L’espace d’exposition devient ainsi un espace partagé, à la frontière
    de l’intime et du public, virtuel tout autant que réel – les joueuses et joueurs à
    Paris pouvant rencontrer celles et ceux de San Francisco, Leipzig et Bucharest,
    où l’œuvre sera présentée en parallèle. La combinaison de la musique envoûtante
    du musicien américain Joe Williams avec l’audio interactif du maltais Christian
    Heinrich, généré en temps réel par les activités et gestes des joueuses et des
    joueurs, est également une composante essentielle de cet environnement
    multi-sensoriel.
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Ce jeu est aussi inspiré par Nico Robin, héroïne du Manga Japonais « One
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    Piece » qui, en mangeant HanaHana no Mi - le fruit du diable -, a acquis le
    superpouvoir de la multiplication de son corps. Les motifs et phénomènes du
    monde onirique et absurde de HanaHana de Mélodie Mousset puisent donc tout
    autant dans une esthétique pop que dans un imaginaire archaïque, dans lequel les
    phénomènes primaires et les éléments de la nature sont absorbés et transformés
    dans des récits mythologiques.

    La pratique de Mélodie Mousset pourrait aussi s’inscrire dans un conflit situé
    dans un monde contemporain déroutant : une réalité numérique qui trace,
    enregistre et analyse tous les déplacements, consommations et désirs des
    individus créant des « citoyens transparents » – un environnement de
    surexposition auquel se heurtent les corps humains, opaques, vivants et
    difformes, remplis d’organes, porteurs d’une intériorité mentale et psychique
    avec des recoins riches d’imagination, comme le dit l’écrivain et vidéaste
    américaine Chris Kraus : « Mousset’s associative process is so rich. She fully
    believes in her own imagination and the logical or alogical digressions that shape
    an inner life. »
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    Chris Kraus
    texte publié dans Mélodie Mousset, Cahier d’Artistes 2019

    Je ne prêche pas aux adeptes d’un médium particulier. Je ne développe pas de technique
    spécifique que je maîtrise et sur laquelle je capitalise. Je poursuis plutôt ma recherche de façon
    intuitive autant que conceptuelle. J’invente des façons de faire les choses que j’imagine, et cela
    peut prendre n’importe quelle forme.
    Mélodie Mousset à Patrick Steffen, FlashArt 2013

    1. On Stoning and Unstoning (2012)

    Trois ans après la première de The Stoning of Soraya M, au plus fort du
    Printemps arabe, alors que le monde entier recevait les images d’hommes
    frustrés et en colère, lançant des pierres sur des cibles hors champ, une jeune
    femme vêtue d’un sweat-shirt rose saumon s’agenouille, seule, dans un terrain
    désertique, desséché et poussiéreux. Le décor fait penser à un chantier,
    abandonné peut-être, avec à l’arrière-plan un sinistre mur inachevé. Le visage de
    la femme est entièrement dissimulé derrière un masque de pierres lisses, chacune
    de celles-ci individuellement fixée à sa tête par un élastique, toutes formant ainsi
    un masque semblable à un engin de torture primitif et efficace. Attentive et
    impassible, la femme pourrait être martyre ou suppliante, ce qui revient au
    même, le spectateur s’en rend immédiatement compte.
         Au bout de quinze secondes, les bras tatoués d’un homme pénètrent par le
    côté droit du cadre et s’avancent vers la tête de la performeuse. Les mains sont
    recouvertes de gants blancs en coton et tiennent une petite paire de ciseaux
    acérés. Le geste est, à première vue, effrayant, mais aussitôt que la main coupe
    avec habileté un élastique, nous comprenons que le but de cette opération n’est
    pas de blesser, mais de libérer. Les yeux de la femme restent clos, elle tressaille
    légèrement lorsque le poids des pierres s’allège. Une seconde paire de mains
    apparaît aussitôt du côté gauche du cadre, moins masculine mais également
    gantée, pour couper un nouvel élastique. Chaque fois qu’une pierre est enlevée,
    la performeuse tressaille légèrement. Les deux paires de bras poursuivent leur
    opération, à tour de rôle, et s’allient à la fin pour enlever la dernière pierre. La
    tête de la femme semble vouloir retomber vers l’arrière; ses yeux restent clos.
    Mais elle se rétablit. Se présentant maintenant en artiste, ni impassible ni
    victime, elle fait un large sourire.
         Enregistrée en un plan continu de quatre minutes près de CalArts, où elle
    étudiait, la performance de Mélodie Mousset est clairement un rituel : une sorte
    de renversement, me semble-t-il, de Shoot, réalisé en 1971 par Chris Burden
    alors qu’il était étudiant à l’Université de Californie à Irvine. On Stoning and
    Unstoning est certainement l’une des oeuvres d’étudiant des beaux-arts les plus
    marquantes de l’histoire de l’art de la Californie du sud, aussi mémorable et
    riche que Residents and Researchers créée par Julie Becker en 1998 à CalArts ou
    Jason The Mason réalisée par Jason Rhoades à l’UCLA (Université de Californie
    à Los Angeles) en 1993.
         Toute l’œuvre de Mélodie Mousset se fonde sur la recherche, ce qui revient à
    dire que sa démarche est extrêmement digressive. Elle travaille sans avoir à
    l’esprit de résultat particulier, seulement poussée par la nécessité et la curiosité,
    une chose en entraînant une autre. Tous ses projets s’apparentent à un manifeste
    pour la pensée incarnée. Ils sont complexes, mais transparents car ils reflètent le
    mouvement de l’esprit dans la vraie vie. «Tout mon travail», écrit-elle dans un
    courriel cette semaine, «consiste en une guérison par le moyen d’un rituel que
    j’appelle art. . . tomber en morceaux puis rassembler ces morceaux en une
    nouvelle forme.»
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         On Stoning and Unstoning s’inspire en partie de la vidéo de Grace Jones,
    Libertango, et en partie d’un projet antérieur intitulé Balancing Authority and
    Power in Fast-Changing Natural and Societal Dynamics. Ce titre, emprunté au
    A. K. Rice Institute [AKRI], dont elle avait infiltré «la conférence sur
    l’apprentissage par l’expérience», décrit le programme thérapeutique de
    l’organisation. Les conférences ou les formations offertes par AKRI, une
    ramification de l’Institut Tavistock, ont pour objectif de sensibiliser les
    participants au rôle qu’eux-mêmes, mais aussi leurs pairs, jouent dans les
    groupes. Les «conférences» sont, en général, suivies par les employés de sociétés
    et d’administrations municipales qui font appel aux services d’AKRI pour
    former leurs employés. «Vous vous demandez peut-être», commence une lettre
    promotionnelle d’AKRI, «comment [nous pourrions] vous aider à améliorer
    votre efficacité personnelle et professionnelle. Une conférence AKRI vous offre
    l’occasion de mieux comprendre les processus inconscients à l’oeuvre dans les
    groupes. [. . .] Nous pourrions commencer par percevoir ce qu’il se passe lorsque
    quelqu’un fait des blagues aux dépens de quelqu’un d’autre ou s’assoit en tête de
    table . . .»
         À l’UCLA (Université de Californie à Los Angeles), Mélodie Mousset a
    assisté à une conférence AKRI dont elle a enregistré et retranscrit les
    délibérations. Elle a ensuite créé un script de 24 pages avec l’écrivain Travis
    Diehl et mis en scène une reconstitution. Les noms des véritables participants ont
    été remplacés par les noms de pierres: Granit rose, Granit de rivière, Pierre à
    chaux brune, Jade et au moins une douzaine d’autres. Le texte est d’une lecture
    pénible. Pleinement conscients de ce que pourraient être leurs «rôles» dans cette
    situation de groupe artificielle, ils déconstruisent tout ce qui est proféré. Ils
    discutent pendant deux heures pour décider si la suggestion d’Albâtre blanc, de
    faire un tour de table et de se présenter par son nom et sa ville d’origine, est
    bienveillante ou malveillante. Pour saisir On Stoning and Unstoning, nul besoin
    de connaître ce projet antérieur, mais si on les examine tous les deux ensemble, il
    est clair que Mélodie Mousset a vécu cette angoisse sociale de façon viscérale.
    Individu = Nom de la pierre = Pierre réelle fixée à son corps. On pourrait dire
    que dans On Stoning and Unstoning, elle porte la douleur du monde et en est
    libérée.
         J’ai rencontré la personne de Mélodie Mousset avant de connaître son œuvre.
    Je lui ai adressé une invitation informelle à me rendre visite à Baja où j’écrivais.
    À mon énorme surprise, elle est vraiment venue, accompagnée d’un ami
    mexicain, plus ou moins à l’improviste. Ils ont tant bien que mal trouvé mon
    indéfinissable maison dans un campo mexicain, à cinq heures au sud de Los
    Angeles. Le moment de leur visite m’a semblé très intense. Pendant qu’ils
    étaient sortis se promener, j’ai écrit la dernière page d’un livre sur lequel je
    travaillais depuis plus de deux ans. Et puis, nous avons passé du temps à
    bavarder et bu un verre face à la baie. Plus tard, j’ai lu Fragments of a
    Conversation, l’essai inspiré et inédit de Noura Wedell sur l’œuvre de Mélodie
    Mousset, Organic Voyage. Ce projet a commencé en 2012. Il s’est poursuivi
    pendant deux ou trois ans, et il n’est pas encore achevé.
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    2. Organic Voyage

    Disons que l’objet fait des choses, incontestablement. Les objets lancent un mouvement. Pour
    moi, ils provoquent aussi de nombreuses situations avec les gens. Ils m’emportent dans un
    voyage. Chaque personne que je rencontre dans ce voyage se transforme d’une certaine
    manière. Je ne me suis jamais vraiment attendue à ça.
    Mélodie Mousset, entretien avec Noura Wedell

    Lorsque Noura Wedell lui a demandé ce qui l’avait incitée à commencer son
    œuvre épique Organic Voyage, l’artiste a répondu : «Ma dernière performance
    me laissait avec un vide dans la tête!» Ou encore lorsqu’elle a expliqué à Patrick
    Steffen : «Après avoir ouvert mon crâne et extrait mes organes! Logique».
         Mélodie Mousset faisait référence à Impulsive Control, une performance
    réalisée dans le cadre des «Suzanne Vielmetter Los Angeles Projects», dans
    laquelle elle est assise sur un large tour de potier et, en même temps qu’elle
    toupine, un potier façonne des pots à partir d’une énorme prothèse d’argile fixée
    sur sa tête. On a l’impression que le potier fouille son cerveau : fille d’une mère
    schizophrène, c’était une sensation qu’elle connaissait ou pouvait dépeindre.
    Comme elle l’a dit : «Le schizophrène voit, cela ne se passe pas seulement dans
    son corps à lui ou à elle. Ma mère me voit dans les garçons qu’elle aperçoit dans
    la rue ou à la télévision. Elle me voit partout.» Le cerveau est un organe. Que se
    passerait-il, se demanda l’artiste, si on inversait le processus et si, en lieu et place
    de cette moisson d’organes métaphorique, elle pouvait révéler et exposer ses
    propres organes elle-même?
         Fin 2012, elle était rentrée en Suisse, et elle apprit l’existence de Virtopsy,
    une entreprise zurichoise utilisant une nouvelle technologie capable de fournir
    des preuves médico-légales virtuellement. Après s’être associée d’abord avec le
    centre d’imagerie du CHUV, puis avec Virtopsy, elle obtint bientôt une image de
    ses propres organes et en fit une reconstitution tridimensionnelle en résine.

    Quels sont les organes vitaux?
    Cerveau, cœur, poumons, foie et reins: les organes dont l’organisme humain ne peut se passer.
    Les organes sont ce qui vous détermine.
    Organ-i-sation, écrivit-elle.

    Mélodie Mousset étudia la vision du Corps sans organes élaborée par le poète
    Antonin Artaud, ce corps dysfonctionnel hors toutes normes sociales, fragmenté
    et libre. Si, comme le croyait l’illustre poète schizophrène, les organes sont
    l’empreinte de Dieu, les supprimer, c’est en finir avec le jugement de Dieu ou
    (selon la façon dont on choisit de le traduire) émettre une sentence définitive à
    Son encontre. Antonin Artaud s’était rendu dans la Sierra Madre chez les
    Tarahumaras, célèbres pour leur cérémonie du peyotl. Mélodie Mousset
    envisagea de suivre ses pas, mais décida finalement de s’arrêter plutôt dans une
    ville de la Sierra Madre, dans l’État d’Oaxaca.
         Elle voulait voyager par mer, mais le seul moyen d’atteindre le Mexique
    depuis l’Europe était un porte-conteneurs au départ du Havre. Pour quelque 2000
    euros, elle a persuadé l’un des responsables de la laisser voyager dans une petite
    cabine vide, occupée auparavant par un quatrième membre d’équipage. Au cours
    des trente jours qu’a duré le voyage, elle a découvert le système de caste qui
    séparait l’équipage philippin des officiers est-européens, et elle a poli ses
    nouveaux organes de résine jusqu’à ce qu’ils soient magnifiquement lisses.
    Débarquée à Veracruz, elle a pris un bus pour Mexico City et a découvert, à une
    heure de route, le laboratoire Caronte Lab qui fabrique des prothèses pour les
    films d’horreur. Dans ce pays catholique à la culture syncrétique, aux «cruceros»
    et «velas» (croix et bougies) omniprésents, Mélodie Mousset a décidé de
    demander au Lab de mouler ses organes sous forme de bougies munies de
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    mèches. Seulement, les organes-bougies étaient lourds et seule une série a pu
    être fabriquée.
         Vers la fin juillet, l’artiste parvint à destination, Huautla de Jimenez, où vit
    Maria Sandera, célèbre «curandera» (guérisseuse). Or arrivée là, elle a constaté
    que tout allait de travers. Des centaines de touristes psychédéliques nord-
    américains l’avaient précédée. Julietta Casimirio et les autres curanderas avec
    lesquelles elle a travaillé, l’ont encouragée à absorber des champignons sous
    leurs auspices mais elle n’avait pas confiance en elles, elle les trouvait
    corrompues. En septembre, elle est partie pour le village de Puente de Fierro, où
    elle a logé chez un très vieil homme diabétique, avec ses deux femmes et ses sept
    enfants. La famille l’a aidée à confectionner des sacs au crochet pour ses
    organes. Après les avoir lavés au retour d’une excursion dans les profondeurs
    d’une grotte, elle a suspendu ses sacs d’organes en cire aux branches des arbres
    pour les faire sécher. Durant tout le temps qu’elle a passé là-bas, elle a tout filmé
    sur vidéo.
         En route vers le village de San Antonio, elle a découvert une grotte très
    profonde : «Toute une génération de hippies nord-américains était venue vivre
    côte à côte avec la population autochtone. Un véritable choc culturel. J’étais
    moi-même perdue, mais j’ai découvert que, sous cette société schizophrène, se
    trouvait le plus grand réseau de grottes des Amériques. J’ai décidé de
    m’engouffrer dans la terre plutôt que de voyager avec chamans et champignons.
    J’ai découvert tout au fond une grotte où les indiens Mazatèques se cachaient
    pour échapper aux envahisseurs espagnols. J’ai découvert un vase intact d’où
    avait lentement émergé au fil des millénaires une colonne de calcite, semblable à
    un organe. Je m’y suis en quelque sorte identifiée et j’ai décidé d’abandonner
    mes bougiesorganes là-bas». Elle pensait que le projet était peut-être achevé.
    Mais début décembre 2013, elle a perdu le disque dur contenant la plupart de ses
    fichiers vidéo. Elle a consulté les curanderas, fait des annonces à la radio. Durant
    l’année qui a suivi, elle est retournée sur ses pas, recréant un peu de ce qui avait
    été perdu. Depuis, son œuvre a été exposée, sous diverses formes, en Europe et
    aux États-Unis.
         Ce qui me frappe le plus dans Organic Voyage, c’est la façon dont la
    recherche quasi spirituelle de l’artiste est sans cesse interrompue par les
    contingences matérielles. À bord du porte-conteneurs, elle se heurte à
    l’exploitation et à la poussière toxique; une bande de drogués nord-américains
    a colonisé la jungle d’Oaxaca et les chamans sont des escrocs. En un sens,
    Organic Voyage de Mélodie Mousset reproduit, mais à l’inverse, le périple
    désastreux d’Antonin Artaud en Irlande pour rendre la canne de St Patrick.
    Arrivé à Dublin, celui-ci est arrêté pour «indigence et vagabondage»; son voyage
    à elle s’est terminé par la perte. Antonin Artaud cherchait un corps sans organes,
    Mélodie Mousset est parvenue à externaliser ses propres organes et à les
    présenter à ceux qu’elle rencontrait en chemin comme un étrange cadeau
    psychique. Comme elle le dit à Noura Wedell : «Je me suis aperçue que chaque
    fois que je les présentais, ils devenaient comme des anti-conteneurs, leur plein
    devenait creux, les gens commençaient à les remplir de leurs propres histoires,
    de leurs fictions et projections. C’étaient des catalyseurs».
         Je ne peux situer Mélodie Mousset au sein d’une famille artistique
    particulière, à moins de la compter au nombre des artistes exceptionnellement
    originaux et singuliers qui ont le courage de poursuivre une idée jusqu’au bout.
    Peut-être : Carolee Schneeman, Werner Herzog, Bela Tarr, Paul Thek, Jan Bas
    Ader ou Jay DeFeo.
         Rentrée en Europe, elle a créé plusieurs pièces autour d’Organic Voyage,
    mais depuis, Mélodie Mousset est passée à autre chose et a repris les expériences
    et les projets virtuels qu’elle avait abordés en 2013 dans sa collaboration avec
    Virtopsy et les autres technologies d’imagerie médicale. Elle découvre le plaisir
    de la surface après avoir exploré les profondeurs aussi loin qu’elle le pouvait. Et
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    cette fois, c’est un jeu, ou plutôt une série de jeux. Je pense que la croyance en sa
    propre imagination qui anime Mélodie Mousset, son agilité mentale et sa
    capacité inspirée à se couler dans n’importe quel milieu anthropologique et
    culturel confère à son œuvre une importance particulière pour notre époque,
    importance qu’elle gardera dans les années à venir.

    Chris Kraus est une écrivaine, auteure
    de quatre romans, de trois livres d’art
    et de critique culturelle ainsi que de la
    biographie littéraire After Kathy Acker.
    Son premier roman, I Love Dick, a été
    adapté pour la télévision, et son travail
    a été largement traduit. Chris Kraus est
    coéditrice, avec Sylvere Lotringer et Hedi
    El Kholti, des éditions indépendantes
    Semiotext(e).
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    Biographie
    Mélodie Mousset (*1981, Abu Dabi, vit à Zurich) a étudié à l’École des Beaux-
    Arts de Rennes, à l’ECAL (Lausanne), au Royal College of Arts (Londres) et a
    complété sa formation avec un « Master of Fine Arts » au CalArts (Institut des
    Arts de Californie) en 2011.

    Ses projets sont exposés depuis 2010 à travers le monde dans des galeries et des
    institutions dont le MOCA (Museum Of Contemporary Arts, Los Angeles), le
    Kunstmuseum Stuttgart, le MAC (Musée d’Art Contemporain, Lyon), The
    Metropolitan Art Society (Beirut) et le SALTS (Bâle).

    En 2015, elle est lauréate du Swiss Art Awards. Sa dernière création HanaHana,
    présentée à la Zabludowicz Collection (Londres) en 2018, a reçu sept
    récompenses, dont le prix de la meilleure expérience artistique de réalité
    virtuelle du Festival de RV (Beijing), le prix de la meilleure réalisation artistique
    du Festival VR Days en 2017 et dernièrement le prix Visions du VR Arles
    Festival en 2019.

    Parmi ses expositions personnelles récentes, l’artiste a été présentée en 2018 à
    Last Tango (Zurich). On a pu voir HanaHana à la galerie V Glavnom (Tomsk,
    Russie) en 2018 puis à la galerie Roehrs & Boetsch (Zurich) en 2019. Elle
    exposera prochainement au Swissnex (San Francisco), et présentera HanaHana
    au festival DOK à Leipzig (2019) et à The Wrong Biennale à Bucharest (2019-
    2020).

    Bibliographie
    Chris Kraus, Mélodie Mousset. Cahiers d’Artistes 2019, Edizioni Periferia, 2019
    Collectif d’auteur.e.s (catalogue d’exposition), Mixed Realities. Virtuelle und
    reale Welten in der Kunst, Kunstmuseum Stuttgard, 2018
    Collectif d’auteur.e.s (catalogue d’exposition), MASKE / MASK. In der Kunst
    der Gegenwart / In Present-Day Art, Scheidegger & Spiess, 2019
    Collectif d’auteur.e.s (catalogue d’exposition), Illusion réelle / Illusion virtuelle,
    Recto-VRso, 2019
    Collectif d’auteur.e.s, Virtual Reality, Digital Culture 6, Migros-Kulturprozent,
    Christoph Merian Verlag, 2019
    Collectif d’auteur.e.s, Die ungerahmte Welt / The Unframed World, HeK (Haus
    der elektronischen Künste Basel), 2019

    Sélection d’articles
    Chris Kraus, «Mélodie Mousset», Art Review January/February, 2019
    https://artreview.com/features/jan_feb_2019_future_greats_melodie_mousset/

    Katherine Keener, «One exhibition looking at how masks are present today», Art
    Critique, 06.08.2019
    https://www.art-critique.com/en/2019/08/mask-in-present-day-art/

    Lila Meghraoua, «À Arles j’ai pris de l’ayahuaska en VR», Usbek & Rica,
    20.07.2019
    https://usbeketrica.com/article/a-arles-j-ai-pris-de-l-ayahuasca-en-vr
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     Nicholas Montegriffo, VR is opening up new ways to experience Art, Android
     Pit, 27.05.2019
     https://www.androidpit.com/vr-new-ways-to-experience-art

     Unknown, «Mélodie Mousset at Ex-MOI Arcades», Art Viewer, 16.12.2018
     https://artviewer.org/?s=m%C3%A9lodie+mousset

     Giulia Floris, «Mélodie Mousset. HanaHana Full Bloom Un progetto di Treti
     Galaxie», Arte critica, 12.2018
     https://www.tretigalaxie.com/wp-content/uploads/2018/12/aec_city36.pdf

     Unknown, “HanaHana: Full Bloom - a VR Experience” by Melodie Mousset at
     EX-MOI Arcades, Tzvetnik, 11.2018
     http://tzvetnik.online/portfolio_page/melodie-mousset-at-ex-moi-arcades/

     Sélection d’ouvrages autour de l’exposition
     Sara Ahmed et Jackie Stacey, Thinking Through the Skin, Routledge, 2001
     Jorella Andrews et Simon O’Sullivan, Visual Cultures As Objects and Affects,
     Sternberg Press, 2013
     Bernard Andrieu, Le corps dispersé : Histoire du corps au XXe siècle, Editions
     L’Harmattan, 2000
     Bernard Andrieu, Les avatars du corps : Une hybridation somatechnique,
     Éditions Liber, 2011
     Didier Anzieu, Le moi-peau, Dunod, 1995
     Didier Anzieu, L’épiderme nomade et la peau psychique, Éditions Apsygée,
     1990
     Antonin Artaud, Les Tarahumaras, Gallimard, 1987
     Sally Banes, Democracy’s Body: Judson Dance Theater 1962-64, UMI Research
     Press, 1988
     Jonathan Crary, Techniques of the Observer, MIT Press, 1992
     Philippe Descola, Les lances du crépuscule, Éditions Plon, 1994
     Georges Devereux, Essais d’ethnopsychiatrie générale, Gallimard, coll. Tel,
     1983
     Georges Didi-Huberman, Ex-voto : Images, organe, temps, Bayard Jeunesse,
     2006
     Norman Doidge, The Brain That Changes Itself, Penguin Books, 2007
     Brooke Holmes, The Symptom and the Subject: The Emergence of the Physical
     Body in Ancient Greece, Princeton Press University, 2010
     Alexandro Jodorosky, Psychomagie, Albin Michel, 2019
     Bruno Latour, Sur le culte moderne des dieux faitiches, La Découverte, 2009
     J. M. G. Le Clezio, Le rêve mexicain ou La pensée interrompue, Gallimard, coll.
     Folio essais, 1992
     Marcel Mauss, Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés
     archaïques, PUF, 2007
     Marcel Mauss et Henri Hubert, Esquisse d’une théorie générale de la magie,
     PUF, 2019
     Michael Taussig, Mimesis and alterity, Routledge, 1993
     Eugene Thacker, Biomedia, University of Minnesota Press, 2004
     Aby Warburg, Benedetta Cestelli Guidi, Fritz Saxl, Joseph Leo Koerner, Le
     Rituel du Serpent, Éditions Macula, 2015
11
     Publication
     Mélodie Mousset, Cahier d’Artistes, 2019

     Texte : Chris Kraus
     Rédaction: Edizioni Periferia, Luzern/Poschiavo
     Responsable de la publication : Patrick Gosatti, Pro Helvetia, Zürich
     Graphisme : Bonbon, Zürich
     Traduction : Marielle Larré
     Tirage : 1000 exemplaires
     Langues : Français, anglais
     Couverture rigide, 15,5 x 22 cm
     56 pages
     ISBN 978-3-906016-50-4
     © 2019 Pro Helvetia, Mélodie Mousset, Chris Kraus

     Lancés en 1984 par Pro Helvetia Fondation suisse pour la culture, les Cahiers
     d’Artistes sont publiés depuis 2006 auprès de Edizioni Periferia, Lucerne/
     Poschiavo. La Collection Cahiers d’Artistes permet de soutenir des artistes
     suisses du domaine des arts visuels en leur offrant une première publication. Sur
     recommandation d’un jury, la Fondation suisse pour la culture désigne tous les
     deux ans huit artistes ayant répondu à un appel à candidatures. Les artistes sont
     largement impliqués dans la conception de leurs publications et les textes qui
     l’accompagnent sont confiés à des personnalités renommées de la scène artis-
     tique internationale.

     Pour l’édition 2019 (Série XIV), Pro Helvetia a sélectionné, sur les recomman-
     dations d’un jury, les huit artistes suivants: Ralph Bürgin, Chloé Delarue, Tarik
     Hayward, Markus Kummer, Mélodie Mousset, Martina-Sofie Wildberger, Yoan
     Mudry, Pedro Wirz.

     www.cahiers.ch

     Responsable de projet :
     Patrick Gosatti, Arts visuels
     T +41 44 267 71 18, pgosatti@prohelvetia.ch

     Renseignements pour les médias:
     Sabina Schwarzenbach, Cheffe Communication
     T +41 44 267 71 39, sschwarzenbach@prohelvetia.ch
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     Where Bodies Meet
     Les rencontres et l’atelier Where Bodies Meet, ouvrent et closent l’exposition de
     Mélodie Mousset, abordent les liens entre les pratiques artistiques et le gaming.
     Ils interrogent les frontières et la perméabilité entre les espaces virtuels et réels
     dans leurs pratiques sociales, la place qu’occupent les corps et la manière dont
     tout ceci peut s’inscrire dans un espace d’exposition. Artistes et chercheurs
     discutent de leurs pratiques et de leurs expériences de ces espaces publics.

     samedi 26 octobre 13h30
     Public and virtual spaces
     Rencontres, présentations et tables rondes avec notamment :

     Katharina Brandl, Université de Bâle / Kunstraum Niederoesterreich, Vienne
     Axel Stockburger, artiste et théoricien, professeur associé au département Art &
     Digital Média à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne
     Asaf Bachrach, chercheur en neurosciences cognitives au CNRS
     Angelo Careri, rédacteur en chef de la revue Immersion
     Mélodie Mousset

     samedi 1er février 13h-17h
     Machinima
     Where Bodies Meet autour de l’exposition de Mélodie Mousset se conclut avec
     un atelier animé par Isabelle Arvers. Inspiré des machinimas, films
     expérimentaux réalisés à partir de séquences de jeux vidéos, cet atelier propose
     d’inventer de nouvelles narrations filmiques.
     Isabelle Arvers est autrice, curatrice et artiste. Elle explore l’immatériel à travers
     des relations entre l’art, le gaming, internet et d’autres formes de réseaux. Son
     projet Art + Games World Tour cherche à relier espaces, géographies, corps et
     rencontres virtuels et réels.

     Programme conçu par Katharina Brandl (Université de Bâle / Kunstraum
     Niederoesterreich, Vienne) et Claire Hoffmann (CCS, Paris)
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     Visuels disponibles pour la presse

     Img 1 : Mélodie Mousset, HanaHana, 2017-2019
     Expérience interactive / Réalité Virtuelle, Courtesy de l’artiste

     Img 2 : Mélodie Mousset, HanaHana, 2017-2019
     Expérience interactive / Réalité Virtuelle, Courtesy de l’artiste

     Img 3 : Mélodie Mousset, HanaHana, 2017-2019
     Expérience interactive / Réalité Virtuelle, Courtesy de l’artiste
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     Visuels disponibles pour la presse

     Img 4 : Mélodie Mousset, Intra Aura, 2012- 2019
     Photo du film, Courtesy de l’artiste

     Img 5 : Mélodie Mousset, Intra Aura, 2012- 2019
     Photo du film, Courtesy de l’artiste

     Img 6 : Mélodie Mousset, Intra Aura, 2012- 2019
     Photo du film, Courtesy de l’artiste
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     Visuels disponibles pour la presse

     Img 7 : Mélodie Mousset, Intra Aura, 2012- 2019
     Photo du film, Courtesy de l’artiste

     Img 8 : Mélodie Mousset, Intra Aura, 2012- 2019
     Photo du film, Courtesy de l’artiste

     Img 9 : Mélodie Mousset, Intra Aura, 2012- 2019
     Photo du film, Courtesy de l’artiste
septembre 2019

Le Centre culturel suisse
Le Centre culturel suisse (CCS) a pour vocation de faire connaître en France une
création contemporaine helvétique ouverte sur le monde, d’y favoriser le
rayonnement des artistes suisses, et de promouvoir les échanges entre les scènes
artistiques suisses et françaises. Le Centre culturel suisse est une antenne de Pro
Helvetia, Fondation suisse pour la culture.

Informations pratiques
Mélodie Mousset, L’ épluchée
exposition du 27 octobre 2019 au 2 février 2020
vernissage le samedi 26 octobre

En parallèle :
Ralph Bürgin, La place
exposition du 27 octobre au 8 décembre 2019
vernissage le samedi 26 octobre

Senam Okudzeto, We Wanted The Object to be the Subject Before We Wanted the
Reverse
exposition du 15 décembre 2019 au 16 février 2020
vernissage le samedi 14 décembre

Médiation :
Curator tour par Claire Hoffmann, commissaire
Mercredi 6 novembre - 19h
Mercredi 4 décembre - 19h
Mardi 21 janvier - 19h

Visites «flèches» par les médiatrices du CCS Anna Terp, Zoé Lepeule, Yael
Miller, Léa Riveres et Léonor Danesi
chaque samedi et dimanche à 16h

Rencontres et ateliers Where Bodies Meet (cf page 11)

Centre culturel suisse. Paris
38 rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris
E ccs@ccsparis.com
T +33 (0)1 42 71 44 50
expositions du mardi au dimanche 13h–19h

Librairie
32 rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris
du mardi au vendredi 10h-18h
samedi-dimanche 13h-19h

Exposition : entrée libre
Spectacle / concert : 7 € (tarif réduit) / 12 €
Projections : 3 €
Conférence / table ronde : Entrée libre

Tout le programme des événements :
ccsparis.com
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