MÉLODIE MOUSSET L'ÉPLUCHÉE - VISITE PRESSE 25.10.2019 VEN - imgix
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septembre 2019 MÉLODIE MOUSSET L’ÉPLUCHÉE exposition du 27 octobre 2019 au 02 février 2020 VISITE PRESSE VEN 25.10.2019 10h-12h VERNISSAGE SAM 26.10.2019 18h-21h RENCONTRES «WHERE BODIES MEET» SAM 26.10.2019 SAM 01.02.2020 commissaire de l’exposition : Claire Hoffmann
2 Introduction Mélodie Mousset (*1981, Abu Dhabi, vit à Zurich) utilise son propre corps pour cartographier, indexer et narrer un « soi » qui semble en métamorphose permanente, lui échappant dès qu’elle cherche à en prendre possession. Elle s’intéresse aux processus d’individuation biologiques, techniques, culturels, individuels et collectifs qui forment le corps. Ces questions anthropologiques et philosophiques prennent forme dans des vidéos, sculptures, installations, performances ou de la réalité virtuelle. Elle s’approprie des technologies de visualisation médicales (IRM, impression 3D), les met en rapport avec des rites chamaniques et les combine avec un travail plastique. Le film Intra Aura, initié en 2012, est présenté au CCS accompagné d’éléments sculpturaux disposés dans l’espace d’exposition. Pour échapper à la schizophrénie possiblement héréditaire de sa mère, l’artiste décide de s’emparer de technologies qui « désincarnent », les détourner de leur fonction première et ainsi se déconstruire elle-même, pour mieux se recréer ensuite. Elle réplique ses organes vitaux en 3D et entreprend un parcours initiatique. Ne trouvant pas de réponses dans son milieu familial, elle part sur un cargo pour traverser l’Atlantique. Arrivée au Mexique elle fait répliquer ses organes en cire, s’inscrivant tout autant dans la tradition historique des cires anatomiques que dans la tradition religieuse des ex-votos. Elle atteint ensuite les terres indigènes Mazatèques où elle rencontre des chamanes et « curanderos » qui tentent de la guérir de son mal inexplicable. Les rites et substances psychédéliques ne lui révélant rien, elle s’engouffre dans un réseau de caves souterraines, refuge des Mazatèques au temps des Conquistadores, dans lequel elle met feu à ses organes-bougies. Elle perd le disque dur contenant la plupart de son matériel vidéo, mettant plus encore en péril cette quête fragmentaire et aveugle… Dans Intra Aura Mélodie Mousset dissèque le regard de l’observateur.rice : elle observe les pulsions scopiques humaines, le désir de vision absolue jusqu’au tréfonds des corps. Le montage du film lui-même - séquence d’images morcelées - s’apparente à une expérience schizoïde où les espaces temps se confondraient. C’est seulement peu à peu que les spectatrices et spectateurs peuvent tenter de rassembler les pièces de ce puzzle et percevoir la question universelle sous- jacente de cette recherche d’identité et d’origines. HanaHana est une expérience en réalité virtuelle qui évolue et augmente depuis 2016. Toujours centrée autour de la construction corporelle, cette œuvre, en empruntant la forme du jeu interactif et collaboratif, constitue un environnement fantastique immersif. Chacun.e peut générer des formes et laisser des traces de son passage dans ce désert habité par des sculptures archaïques où fleurissent des mains humaines de toutes tailles et couleurs. Dans ce monde surréel les bras sont non seulement des extensions du corps des joueuses et joueurs qui peuvent se téléporter et multiplier leurs corps à l’extérieur d’eux même, mais sont aussi des unités de construction qui permettent de bâtir et laisser une trace matérielle de son passage dans ce vaste bac à sable collectif. Cette expérience corporelle, dont elle enrichit et approfondit constamment les propriétés avec son équipe, est présentée ici en version multi-bloom - « à floraison multiple » - donc collective et connectée. L’espace d’exposition devient ainsi un espace partagé, à la frontière de l’intime et du public, virtuel tout autant que réel – les joueuses et joueurs à Paris pouvant rencontrer celles et ceux de San Francisco, Leipzig et Bucharest, où l’œuvre sera présentée en parallèle. La combinaison de la musique envoûtante du musicien américain Joe Williams avec l’audio interactif du maltais Christian Heinrich, généré en temps réel par les activités et gestes des joueuses et des joueurs, est également une composante essentielle de cet environnement multi-sensoriel.
Ce jeu est aussi inspiré par Nico Robin, héroïne du Manga Japonais « One 3 Piece » qui, en mangeant HanaHana no Mi - le fruit du diable -, a acquis le superpouvoir de la multiplication de son corps. Les motifs et phénomènes du monde onirique et absurde de HanaHana de Mélodie Mousset puisent donc tout autant dans une esthétique pop que dans un imaginaire archaïque, dans lequel les phénomènes primaires et les éléments de la nature sont absorbés et transformés dans des récits mythologiques. La pratique de Mélodie Mousset pourrait aussi s’inscrire dans un conflit situé dans un monde contemporain déroutant : une réalité numérique qui trace, enregistre et analyse tous les déplacements, consommations et désirs des individus créant des « citoyens transparents » – un environnement de surexposition auquel se heurtent les corps humains, opaques, vivants et difformes, remplis d’organes, porteurs d’une intériorité mentale et psychique avec des recoins riches d’imagination, comme le dit l’écrivain et vidéaste américaine Chris Kraus : « Mousset’s associative process is so rich. She fully believes in her own imagination and the logical or alogical digressions that shape an inner life. »
4 Chris Kraus texte publié dans Mélodie Mousset, Cahier d’Artistes 2019 Je ne prêche pas aux adeptes d’un médium particulier. Je ne développe pas de technique spécifique que je maîtrise et sur laquelle je capitalise. Je poursuis plutôt ma recherche de façon intuitive autant que conceptuelle. J’invente des façons de faire les choses que j’imagine, et cela peut prendre n’importe quelle forme. Mélodie Mousset à Patrick Steffen, FlashArt 2013 1. On Stoning and Unstoning (2012) Trois ans après la première de The Stoning of Soraya M, au plus fort du Printemps arabe, alors que le monde entier recevait les images d’hommes frustrés et en colère, lançant des pierres sur des cibles hors champ, une jeune femme vêtue d’un sweat-shirt rose saumon s’agenouille, seule, dans un terrain désertique, desséché et poussiéreux. Le décor fait penser à un chantier, abandonné peut-être, avec à l’arrière-plan un sinistre mur inachevé. Le visage de la femme est entièrement dissimulé derrière un masque de pierres lisses, chacune de celles-ci individuellement fixée à sa tête par un élastique, toutes formant ainsi un masque semblable à un engin de torture primitif et efficace. Attentive et impassible, la femme pourrait être martyre ou suppliante, ce qui revient au même, le spectateur s’en rend immédiatement compte. Au bout de quinze secondes, les bras tatoués d’un homme pénètrent par le côté droit du cadre et s’avancent vers la tête de la performeuse. Les mains sont recouvertes de gants blancs en coton et tiennent une petite paire de ciseaux acérés. Le geste est, à première vue, effrayant, mais aussitôt que la main coupe avec habileté un élastique, nous comprenons que le but de cette opération n’est pas de blesser, mais de libérer. Les yeux de la femme restent clos, elle tressaille légèrement lorsque le poids des pierres s’allège. Une seconde paire de mains apparaît aussitôt du côté gauche du cadre, moins masculine mais également gantée, pour couper un nouvel élastique. Chaque fois qu’une pierre est enlevée, la performeuse tressaille légèrement. Les deux paires de bras poursuivent leur opération, à tour de rôle, et s’allient à la fin pour enlever la dernière pierre. La tête de la femme semble vouloir retomber vers l’arrière; ses yeux restent clos. Mais elle se rétablit. Se présentant maintenant en artiste, ni impassible ni victime, elle fait un large sourire. Enregistrée en un plan continu de quatre minutes près de CalArts, où elle étudiait, la performance de Mélodie Mousset est clairement un rituel : une sorte de renversement, me semble-t-il, de Shoot, réalisé en 1971 par Chris Burden alors qu’il était étudiant à l’Université de Californie à Irvine. On Stoning and Unstoning est certainement l’une des oeuvres d’étudiant des beaux-arts les plus marquantes de l’histoire de l’art de la Californie du sud, aussi mémorable et riche que Residents and Researchers créée par Julie Becker en 1998 à CalArts ou Jason The Mason réalisée par Jason Rhoades à l’UCLA (Université de Californie à Los Angeles) en 1993. Toute l’œuvre de Mélodie Mousset se fonde sur la recherche, ce qui revient à dire que sa démarche est extrêmement digressive. Elle travaille sans avoir à l’esprit de résultat particulier, seulement poussée par la nécessité et la curiosité, une chose en entraînant une autre. Tous ses projets s’apparentent à un manifeste pour la pensée incarnée. Ils sont complexes, mais transparents car ils reflètent le mouvement de l’esprit dans la vraie vie. «Tout mon travail», écrit-elle dans un courriel cette semaine, «consiste en une guérison par le moyen d’un rituel que j’appelle art. . . tomber en morceaux puis rassembler ces morceaux en une nouvelle forme.»
5 On Stoning and Unstoning s’inspire en partie de la vidéo de Grace Jones, Libertango, et en partie d’un projet antérieur intitulé Balancing Authority and Power in Fast-Changing Natural and Societal Dynamics. Ce titre, emprunté au A. K. Rice Institute [AKRI], dont elle avait infiltré «la conférence sur l’apprentissage par l’expérience», décrit le programme thérapeutique de l’organisation. Les conférences ou les formations offertes par AKRI, une ramification de l’Institut Tavistock, ont pour objectif de sensibiliser les participants au rôle qu’eux-mêmes, mais aussi leurs pairs, jouent dans les groupes. Les «conférences» sont, en général, suivies par les employés de sociétés et d’administrations municipales qui font appel aux services d’AKRI pour former leurs employés. «Vous vous demandez peut-être», commence une lettre promotionnelle d’AKRI, «comment [nous pourrions] vous aider à améliorer votre efficacité personnelle et professionnelle. Une conférence AKRI vous offre l’occasion de mieux comprendre les processus inconscients à l’oeuvre dans les groupes. [. . .] Nous pourrions commencer par percevoir ce qu’il se passe lorsque quelqu’un fait des blagues aux dépens de quelqu’un d’autre ou s’assoit en tête de table . . .» À l’UCLA (Université de Californie à Los Angeles), Mélodie Mousset a assisté à une conférence AKRI dont elle a enregistré et retranscrit les délibérations. Elle a ensuite créé un script de 24 pages avec l’écrivain Travis Diehl et mis en scène une reconstitution. Les noms des véritables participants ont été remplacés par les noms de pierres: Granit rose, Granit de rivière, Pierre à chaux brune, Jade et au moins une douzaine d’autres. Le texte est d’une lecture pénible. Pleinement conscients de ce que pourraient être leurs «rôles» dans cette situation de groupe artificielle, ils déconstruisent tout ce qui est proféré. Ils discutent pendant deux heures pour décider si la suggestion d’Albâtre blanc, de faire un tour de table et de se présenter par son nom et sa ville d’origine, est bienveillante ou malveillante. Pour saisir On Stoning and Unstoning, nul besoin de connaître ce projet antérieur, mais si on les examine tous les deux ensemble, il est clair que Mélodie Mousset a vécu cette angoisse sociale de façon viscérale. Individu = Nom de la pierre = Pierre réelle fixée à son corps. On pourrait dire que dans On Stoning and Unstoning, elle porte la douleur du monde et en est libérée. J’ai rencontré la personne de Mélodie Mousset avant de connaître son œuvre. Je lui ai adressé une invitation informelle à me rendre visite à Baja où j’écrivais. À mon énorme surprise, elle est vraiment venue, accompagnée d’un ami mexicain, plus ou moins à l’improviste. Ils ont tant bien que mal trouvé mon indéfinissable maison dans un campo mexicain, à cinq heures au sud de Los Angeles. Le moment de leur visite m’a semblé très intense. Pendant qu’ils étaient sortis se promener, j’ai écrit la dernière page d’un livre sur lequel je travaillais depuis plus de deux ans. Et puis, nous avons passé du temps à bavarder et bu un verre face à la baie. Plus tard, j’ai lu Fragments of a Conversation, l’essai inspiré et inédit de Noura Wedell sur l’œuvre de Mélodie Mousset, Organic Voyage. Ce projet a commencé en 2012. Il s’est poursuivi pendant deux ou trois ans, et il n’est pas encore achevé.
6 2. Organic Voyage Disons que l’objet fait des choses, incontestablement. Les objets lancent un mouvement. Pour moi, ils provoquent aussi de nombreuses situations avec les gens. Ils m’emportent dans un voyage. Chaque personne que je rencontre dans ce voyage se transforme d’une certaine manière. Je ne me suis jamais vraiment attendue à ça. Mélodie Mousset, entretien avec Noura Wedell Lorsque Noura Wedell lui a demandé ce qui l’avait incitée à commencer son œuvre épique Organic Voyage, l’artiste a répondu : «Ma dernière performance me laissait avec un vide dans la tête!» Ou encore lorsqu’elle a expliqué à Patrick Steffen : «Après avoir ouvert mon crâne et extrait mes organes! Logique». Mélodie Mousset faisait référence à Impulsive Control, une performance réalisée dans le cadre des «Suzanne Vielmetter Los Angeles Projects», dans laquelle elle est assise sur un large tour de potier et, en même temps qu’elle toupine, un potier façonne des pots à partir d’une énorme prothèse d’argile fixée sur sa tête. On a l’impression que le potier fouille son cerveau : fille d’une mère schizophrène, c’était une sensation qu’elle connaissait ou pouvait dépeindre. Comme elle l’a dit : «Le schizophrène voit, cela ne se passe pas seulement dans son corps à lui ou à elle. Ma mère me voit dans les garçons qu’elle aperçoit dans la rue ou à la télévision. Elle me voit partout.» Le cerveau est un organe. Que se passerait-il, se demanda l’artiste, si on inversait le processus et si, en lieu et place de cette moisson d’organes métaphorique, elle pouvait révéler et exposer ses propres organes elle-même? Fin 2012, elle était rentrée en Suisse, et elle apprit l’existence de Virtopsy, une entreprise zurichoise utilisant une nouvelle technologie capable de fournir des preuves médico-légales virtuellement. Après s’être associée d’abord avec le centre d’imagerie du CHUV, puis avec Virtopsy, elle obtint bientôt une image de ses propres organes et en fit une reconstitution tridimensionnelle en résine. Quels sont les organes vitaux? Cerveau, cœur, poumons, foie et reins: les organes dont l’organisme humain ne peut se passer. Les organes sont ce qui vous détermine. Organ-i-sation, écrivit-elle. Mélodie Mousset étudia la vision du Corps sans organes élaborée par le poète Antonin Artaud, ce corps dysfonctionnel hors toutes normes sociales, fragmenté et libre. Si, comme le croyait l’illustre poète schizophrène, les organes sont l’empreinte de Dieu, les supprimer, c’est en finir avec le jugement de Dieu ou (selon la façon dont on choisit de le traduire) émettre une sentence définitive à Son encontre. Antonin Artaud s’était rendu dans la Sierra Madre chez les Tarahumaras, célèbres pour leur cérémonie du peyotl. Mélodie Mousset envisagea de suivre ses pas, mais décida finalement de s’arrêter plutôt dans une ville de la Sierra Madre, dans l’État d’Oaxaca. Elle voulait voyager par mer, mais le seul moyen d’atteindre le Mexique depuis l’Europe était un porte-conteneurs au départ du Havre. Pour quelque 2000 euros, elle a persuadé l’un des responsables de la laisser voyager dans une petite cabine vide, occupée auparavant par un quatrième membre d’équipage. Au cours des trente jours qu’a duré le voyage, elle a découvert le système de caste qui séparait l’équipage philippin des officiers est-européens, et elle a poli ses nouveaux organes de résine jusqu’à ce qu’ils soient magnifiquement lisses. Débarquée à Veracruz, elle a pris un bus pour Mexico City et a découvert, à une heure de route, le laboratoire Caronte Lab qui fabrique des prothèses pour les films d’horreur. Dans ce pays catholique à la culture syncrétique, aux «cruceros» et «velas» (croix et bougies) omniprésents, Mélodie Mousset a décidé de demander au Lab de mouler ses organes sous forme de bougies munies de
7 mèches. Seulement, les organes-bougies étaient lourds et seule une série a pu être fabriquée. Vers la fin juillet, l’artiste parvint à destination, Huautla de Jimenez, où vit Maria Sandera, célèbre «curandera» (guérisseuse). Or arrivée là, elle a constaté que tout allait de travers. Des centaines de touristes psychédéliques nord- américains l’avaient précédée. Julietta Casimirio et les autres curanderas avec lesquelles elle a travaillé, l’ont encouragée à absorber des champignons sous leurs auspices mais elle n’avait pas confiance en elles, elle les trouvait corrompues. En septembre, elle est partie pour le village de Puente de Fierro, où elle a logé chez un très vieil homme diabétique, avec ses deux femmes et ses sept enfants. La famille l’a aidée à confectionner des sacs au crochet pour ses organes. Après les avoir lavés au retour d’une excursion dans les profondeurs d’une grotte, elle a suspendu ses sacs d’organes en cire aux branches des arbres pour les faire sécher. Durant tout le temps qu’elle a passé là-bas, elle a tout filmé sur vidéo. En route vers le village de San Antonio, elle a découvert une grotte très profonde : «Toute une génération de hippies nord-américains était venue vivre côte à côte avec la population autochtone. Un véritable choc culturel. J’étais moi-même perdue, mais j’ai découvert que, sous cette société schizophrène, se trouvait le plus grand réseau de grottes des Amériques. J’ai décidé de m’engouffrer dans la terre plutôt que de voyager avec chamans et champignons. J’ai découvert tout au fond une grotte où les indiens Mazatèques se cachaient pour échapper aux envahisseurs espagnols. J’ai découvert un vase intact d’où avait lentement émergé au fil des millénaires une colonne de calcite, semblable à un organe. Je m’y suis en quelque sorte identifiée et j’ai décidé d’abandonner mes bougiesorganes là-bas». Elle pensait que le projet était peut-être achevé. Mais début décembre 2013, elle a perdu le disque dur contenant la plupart de ses fichiers vidéo. Elle a consulté les curanderas, fait des annonces à la radio. Durant l’année qui a suivi, elle est retournée sur ses pas, recréant un peu de ce qui avait été perdu. Depuis, son œuvre a été exposée, sous diverses formes, en Europe et aux États-Unis. Ce qui me frappe le plus dans Organic Voyage, c’est la façon dont la recherche quasi spirituelle de l’artiste est sans cesse interrompue par les contingences matérielles. À bord du porte-conteneurs, elle se heurte à l’exploitation et à la poussière toxique; une bande de drogués nord-américains a colonisé la jungle d’Oaxaca et les chamans sont des escrocs. En un sens, Organic Voyage de Mélodie Mousset reproduit, mais à l’inverse, le périple désastreux d’Antonin Artaud en Irlande pour rendre la canne de St Patrick. Arrivé à Dublin, celui-ci est arrêté pour «indigence et vagabondage»; son voyage à elle s’est terminé par la perte. Antonin Artaud cherchait un corps sans organes, Mélodie Mousset est parvenue à externaliser ses propres organes et à les présenter à ceux qu’elle rencontrait en chemin comme un étrange cadeau psychique. Comme elle le dit à Noura Wedell : «Je me suis aperçue que chaque fois que je les présentais, ils devenaient comme des anti-conteneurs, leur plein devenait creux, les gens commençaient à les remplir de leurs propres histoires, de leurs fictions et projections. C’étaient des catalyseurs». Je ne peux situer Mélodie Mousset au sein d’une famille artistique particulière, à moins de la compter au nombre des artistes exceptionnellement originaux et singuliers qui ont le courage de poursuivre une idée jusqu’au bout. Peut-être : Carolee Schneeman, Werner Herzog, Bela Tarr, Paul Thek, Jan Bas Ader ou Jay DeFeo. Rentrée en Europe, elle a créé plusieurs pièces autour d’Organic Voyage, mais depuis, Mélodie Mousset est passée à autre chose et a repris les expériences et les projets virtuels qu’elle avait abordés en 2013 dans sa collaboration avec Virtopsy et les autres technologies d’imagerie médicale. Elle découvre le plaisir de la surface après avoir exploré les profondeurs aussi loin qu’elle le pouvait. Et
8 cette fois, c’est un jeu, ou plutôt une série de jeux. Je pense que la croyance en sa propre imagination qui anime Mélodie Mousset, son agilité mentale et sa capacité inspirée à se couler dans n’importe quel milieu anthropologique et culturel confère à son œuvre une importance particulière pour notre époque, importance qu’elle gardera dans les années à venir. Chris Kraus est une écrivaine, auteure de quatre romans, de trois livres d’art et de critique culturelle ainsi que de la biographie littéraire After Kathy Acker. Son premier roman, I Love Dick, a été adapté pour la télévision, et son travail a été largement traduit. Chris Kraus est coéditrice, avec Sylvere Lotringer et Hedi El Kholti, des éditions indépendantes Semiotext(e).
9 Biographie Mélodie Mousset (*1981, Abu Dabi, vit à Zurich) a étudié à l’École des Beaux- Arts de Rennes, à l’ECAL (Lausanne), au Royal College of Arts (Londres) et a complété sa formation avec un « Master of Fine Arts » au CalArts (Institut des Arts de Californie) en 2011. Ses projets sont exposés depuis 2010 à travers le monde dans des galeries et des institutions dont le MOCA (Museum Of Contemporary Arts, Los Angeles), le Kunstmuseum Stuttgart, le MAC (Musée d’Art Contemporain, Lyon), The Metropolitan Art Society (Beirut) et le SALTS (Bâle). En 2015, elle est lauréate du Swiss Art Awards. Sa dernière création HanaHana, présentée à la Zabludowicz Collection (Londres) en 2018, a reçu sept récompenses, dont le prix de la meilleure expérience artistique de réalité virtuelle du Festival de RV (Beijing), le prix de la meilleure réalisation artistique du Festival VR Days en 2017 et dernièrement le prix Visions du VR Arles Festival en 2019. Parmi ses expositions personnelles récentes, l’artiste a été présentée en 2018 à Last Tango (Zurich). On a pu voir HanaHana à la galerie V Glavnom (Tomsk, Russie) en 2018 puis à la galerie Roehrs & Boetsch (Zurich) en 2019. Elle exposera prochainement au Swissnex (San Francisco), et présentera HanaHana au festival DOK à Leipzig (2019) et à The Wrong Biennale à Bucharest (2019- 2020). Bibliographie Chris Kraus, Mélodie Mousset. Cahiers d’Artistes 2019, Edizioni Periferia, 2019 Collectif d’auteur.e.s (catalogue d’exposition), Mixed Realities. Virtuelle und reale Welten in der Kunst, Kunstmuseum Stuttgard, 2018 Collectif d’auteur.e.s (catalogue d’exposition), MASKE / MASK. In der Kunst der Gegenwart / In Present-Day Art, Scheidegger & Spiess, 2019 Collectif d’auteur.e.s (catalogue d’exposition), Illusion réelle / Illusion virtuelle, Recto-VRso, 2019 Collectif d’auteur.e.s, Virtual Reality, Digital Culture 6, Migros-Kulturprozent, Christoph Merian Verlag, 2019 Collectif d’auteur.e.s, Die ungerahmte Welt / The Unframed World, HeK (Haus der elektronischen Künste Basel), 2019 Sélection d’articles Chris Kraus, «Mélodie Mousset», Art Review January/February, 2019 https://artreview.com/features/jan_feb_2019_future_greats_melodie_mousset/ Katherine Keener, «One exhibition looking at how masks are present today», Art Critique, 06.08.2019 https://www.art-critique.com/en/2019/08/mask-in-present-day-art/ Lila Meghraoua, «À Arles j’ai pris de l’ayahuaska en VR», Usbek & Rica, 20.07.2019 https://usbeketrica.com/article/a-arles-j-ai-pris-de-l-ayahuasca-en-vr
10 Nicholas Montegriffo, VR is opening up new ways to experience Art, Android Pit, 27.05.2019 https://www.androidpit.com/vr-new-ways-to-experience-art Unknown, «Mélodie Mousset at Ex-MOI Arcades», Art Viewer, 16.12.2018 https://artviewer.org/?s=m%C3%A9lodie+mousset Giulia Floris, «Mélodie Mousset. HanaHana Full Bloom Un progetto di Treti Galaxie», Arte critica, 12.2018 https://www.tretigalaxie.com/wp-content/uploads/2018/12/aec_city36.pdf Unknown, “HanaHana: Full Bloom - a VR Experience” by Melodie Mousset at EX-MOI Arcades, Tzvetnik, 11.2018 http://tzvetnik.online/portfolio_page/melodie-mousset-at-ex-moi-arcades/ Sélection d’ouvrages autour de l’exposition Sara Ahmed et Jackie Stacey, Thinking Through the Skin, Routledge, 2001 Jorella Andrews et Simon O’Sullivan, Visual Cultures As Objects and Affects, Sternberg Press, 2013 Bernard Andrieu, Le corps dispersé : Histoire du corps au XXe siècle, Editions L’Harmattan, 2000 Bernard Andrieu, Les avatars du corps : Une hybridation somatechnique, Éditions Liber, 2011 Didier Anzieu, Le moi-peau, Dunod, 1995 Didier Anzieu, L’épiderme nomade et la peau psychique, Éditions Apsygée, 1990 Antonin Artaud, Les Tarahumaras, Gallimard, 1987 Sally Banes, Democracy’s Body: Judson Dance Theater 1962-64, UMI Research Press, 1988 Jonathan Crary, Techniques of the Observer, MIT Press, 1992 Philippe Descola, Les lances du crépuscule, Éditions Plon, 1994 Georges Devereux, Essais d’ethnopsychiatrie générale, Gallimard, coll. Tel, 1983 Georges Didi-Huberman, Ex-voto : Images, organe, temps, Bayard Jeunesse, 2006 Norman Doidge, The Brain That Changes Itself, Penguin Books, 2007 Brooke Holmes, The Symptom and the Subject: The Emergence of the Physical Body in Ancient Greece, Princeton Press University, 2010 Alexandro Jodorosky, Psychomagie, Albin Michel, 2019 Bruno Latour, Sur le culte moderne des dieux faitiches, La Découverte, 2009 J. M. G. Le Clezio, Le rêve mexicain ou La pensée interrompue, Gallimard, coll. Folio essais, 1992 Marcel Mauss, Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques, PUF, 2007 Marcel Mauss et Henri Hubert, Esquisse d’une théorie générale de la magie, PUF, 2019 Michael Taussig, Mimesis and alterity, Routledge, 1993 Eugene Thacker, Biomedia, University of Minnesota Press, 2004 Aby Warburg, Benedetta Cestelli Guidi, Fritz Saxl, Joseph Leo Koerner, Le Rituel du Serpent, Éditions Macula, 2015
11 Publication Mélodie Mousset, Cahier d’Artistes, 2019 Texte : Chris Kraus Rédaction: Edizioni Periferia, Luzern/Poschiavo Responsable de la publication : Patrick Gosatti, Pro Helvetia, Zürich Graphisme : Bonbon, Zürich Traduction : Marielle Larré Tirage : 1000 exemplaires Langues : Français, anglais Couverture rigide, 15,5 x 22 cm 56 pages ISBN 978-3-906016-50-4 © 2019 Pro Helvetia, Mélodie Mousset, Chris Kraus Lancés en 1984 par Pro Helvetia Fondation suisse pour la culture, les Cahiers d’Artistes sont publiés depuis 2006 auprès de Edizioni Periferia, Lucerne/ Poschiavo. La Collection Cahiers d’Artistes permet de soutenir des artistes suisses du domaine des arts visuels en leur offrant une première publication. Sur recommandation d’un jury, la Fondation suisse pour la culture désigne tous les deux ans huit artistes ayant répondu à un appel à candidatures. Les artistes sont largement impliqués dans la conception de leurs publications et les textes qui l’accompagnent sont confiés à des personnalités renommées de la scène artis- tique internationale. Pour l’édition 2019 (Série XIV), Pro Helvetia a sélectionné, sur les recomman- dations d’un jury, les huit artistes suivants: Ralph Bürgin, Chloé Delarue, Tarik Hayward, Markus Kummer, Mélodie Mousset, Martina-Sofie Wildberger, Yoan Mudry, Pedro Wirz. www.cahiers.ch Responsable de projet : Patrick Gosatti, Arts visuels T +41 44 267 71 18, pgosatti@prohelvetia.ch Renseignements pour les médias: Sabina Schwarzenbach, Cheffe Communication T +41 44 267 71 39, sschwarzenbach@prohelvetia.ch
12 Where Bodies Meet Les rencontres et l’atelier Where Bodies Meet, ouvrent et closent l’exposition de Mélodie Mousset, abordent les liens entre les pratiques artistiques et le gaming. Ils interrogent les frontières et la perméabilité entre les espaces virtuels et réels dans leurs pratiques sociales, la place qu’occupent les corps et la manière dont tout ceci peut s’inscrire dans un espace d’exposition. Artistes et chercheurs discutent de leurs pratiques et de leurs expériences de ces espaces publics. samedi 26 octobre 13h30 Public and virtual spaces Rencontres, présentations et tables rondes avec notamment : Katharina Brandl, Université de Bâle / Kunstraum Niederoesterreich, Vienne Axel Stockburger, artiste et théoricien, professeur associé au département Art & Digital Média à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne Asaf Bachrach, chercheur en neurosciences cognitives au CNRS Angelo Careri, rédacteur en chef de la revue Immersion Mélodie Mousset samedi 1er février 13h-17h Machinima Where Bodies Meet autour de l’exposition de Mélodie Mousset se conclut avec un atelier animé par Isabelle Arvers. Inspiré des machinimas, films expérimentaux réalisés à partir de séquences de jeux vidéos, cet atelier propose d’inventer de nouvelles narrations filmiques. Isabelle Arvers est autrice, curatrice et artiste. Elle explore l’immatériel à travers des relations entre l’art, le gaming, internet et d’autres formes de réseaux. Son projet Art + Games World Tour cherche à relier espaces, géographies, corps et rencontres virtuels et réels. Programme conçu par Katharina Brandl (Université de Bâle / Kunstraum Niederoesterreich, Vienne) et Claire Hoffmann (CCS, Paris)
13 Visuels disponibles pour la presse Img 1 : Mélodie Mousset, HanaHana, 2017-2019 Expérience interactive / Réalité Virtuelle, Courtesy de l’artiste Img 2 : Mélodie Mousset, HanaHana, 2017-2019 Expérience interactive / Réalité Virtuelle, Courtesy de l’artiste Img 3 : Mélodie Mousset, HanaHana, 2017-2019 Expérience interactive / Réalité Virtuelle, Courtesy de l’artiste
14 Visuels disponibles pour la presse Img 4 : Mélodie Mousset, Intra Aura, 2012- 2019 Photo du film, Courtesy de l’artiste Img 5 : Mélodie Mousset, Intra Aura, 2012- 2019 Photo du film, Courtesy de l’artiste Img 6 : Mélodie Mousset, Intra Aura, 2012- 2019 Photo du film, Courtesy de l’artiste
15 Visuels disponibles pour la presse Img 7 : Mélodie Mousset, Intra Aura, 2012- 2019 Photo du film, Courtesy de l’artiste Img 8 : Mélodie Mousset, Intra Aura, 2012- 2019 Photo du film, Courtesy de l’artiste Img 9 : Mélodie Mousset, Intra Aura, 2012- 2019 Photo du film, Courtesy de l’artiste
septembre 2019 Le Centre culturel suisse Le Centre culturel suisse (CCS) a pour vocation de faire connaître en France une création contemporaine helvétique ouverte sur le monde, d’y favoriser le rayonnement des artistes suisses, et de promouvoir les échanges entre les scènes artistiques suisses et françaises. Le Centre culturel suisse est une antenne de Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture. Informations pratiques Mélodie Mousset, L’ épluchée exposition du 27 octobre 2019 au 2 février 2020 vernissage le samedi 26 octobre En parallèle : Ralph Bürgin, La place exposition du 27 octobre au 8 décembre 2019 vernissage le samedi 26 octobre Senam Okudzeto, We Wanted The Object to be the Subject Before We Wanted the Reverse exposition du 15 décembre 2019 au 16 février 2020 vernissage le samedi 14 décembre Médiation : Curator tour par Claire Hoffmann, commissaire Mercredi 6 novembre - 19h Mercredi 4 décembre - 19h Mardi 21 janvier - 19h Visites «flèches» par les médiatrices du CCS Anna Terp, Zoé Lepeule, Yael Miller, Léa Riveres et Léonor Danesi chaque samedi et dimanche à 16h Rencontres et ateliers Where Bodies Meet (cf page 11) Centre culturel suisse. Paris 38 rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris E ccs@ccsparis.com T +33 (0)1 42 71 44 50 expositions du mardi au dimanche 13h–19h Librairie 32 rue des Francs-Bourgeois 75003 Paris du mardi au vendredi 10h-18h samedi-dimanche 13h-19h Exposition : entrée libre Spectacle / concert : 7 € (tarif réduit) / 12 € Projections : 3 € Conférence / table ronde : Entrée libre Tout le programme des événements : ccsparis.com
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