Le re et élitaire de la musique classique - Apolline TERRET - Diplôme Supérieur d'Arts Appliqués ÉSAAB Nevers 2020/2021
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Le reflet élitaire de la musique classique Apolline TERRET - Diplôme Supérieur d’Arts Appliqués ÉSAAB Nevers - 2020/2021
Le reflet élitaire de la musique classique Apolline TERRET - Diplôme Supérieur d’Arts Appliqués ÉSAAB Nevers - 2020/2021
Index Introduction p. 9 Au commencement... p. 11 Les origines de la vision élitaire de la musique classique. Définition de la musique classique. Étude de son origine, de son financement et de son accès. État des lieux de la situation actuelle. Face à face p. 16 Des points de vue contradictoires, voir paradoxaux. Les différents points de vue, le public, les artistes, ce qu’ils projettent. Miroitement et réception p. 22 Les représentations de la musique nourrissent-elles cet élitisme ? Les thèmes abordés sur les pochettes de disques, les images renvoyées à la télévision. Supports prometteurs p. 31 Quels supports tendent à démocratiser la musique classique? La musique dans les films, les videos, la réaction du secteur face à la pandémie mondiale. L’importance des réseaux sociaux et des plateformes de streaming. Conclusion p. 38 Bibliographie p. 40
J e ne comprends pas pourquoi la musique classique fait peur aux gens » « s’étonne le compositeur, concertiste et animateur radio Jean-François Zygel dans un entretien2 pour le magazine Télé Z. D’où peut bien venir cette appréhension ? Lorsqu’on parle de « musique classique », l’adjectif « élitiste » est un de ceux qui lui est le plus souvent associé. C’est donc peut- être cette réputation élitaire dont souffre le secteur qui effraie les foules. Cette notoriété rend frileux de nombreux curieux qui n’osent pas s’investir ou se sentent jugés de ne pas avoir une connaissance parfaite. Le support principal de représentation de la musique classique est sans nul doute le concert suivi du support CD. Les concerts de musique classique sont traditionnellement codés et insinuent une certaine conduite pas forcément connue de tous, rendant les représentations inconfortables pour certains. L’image désuète de la musique classique, présente dans les affiches de spectacle et dans les CD, a également un impact sur la manière dont elle est perçue. Figées dans le temps, les illustrations oscillent entre des thèmes peu diversifiés et renforcent un aspect élitaire par l’utilisation d’œuvres d’art historiques pas forcément accessibles à tous. Les nouveaux supports d’écoute tels que les plateformes de streaming, tendent à démocratiser cette musique mais le fait de sorte que seuls les aficionados peuvent au final s’y retrouver ; ne « traduisant » pas les noms des œuvres. Quand on choisit d’écouter du classique, on choisit avant tout un compositeur connu ou on lance une playlist toute faite. Il nous est difficile de retenir le nom d’une piste ou de nous y retrouver face aux multiples Bagatelle, Concerto, Suite, Nocturne, etc. À travers cet écrit, il ne s’agit pas de vérifier si la musique classique est élitiste, mais de comprendre les fondements de l’image qu’elle renvoie. Il est donc question de saisir les origines de cette vision élitaire afin de déceler ce qui empêche une meilleure accessibilité à la musique classique, de déchiffrer les codes qui miroitent et nourrissent cette image. Il s’agit aussi d’analyser les différents points de vue des acteurs du secteur pour voir si le milieu est prêt à accueillir un nouveau public. 1. Anne-Claire Dugas, « Jean-François Zygel « Je ne comprends pas pourquoi la musique classique fait peur aux gens », TéléZ, www.telez.fr, Paris, 28 août 2018. Consulté le 10 novembre 2020. 9
Au com men cement ... 11
La musique classique désigne une musique savante, profane ou sacrée, dédiée à contribuer à la culture musicale générale et à ce titre étudiée dans des conservatoires de musique. Elle fait référence aux œuvres répertoriées de grands compositeurs occidentaux2, par opposition à la musique populaire, au jazz, au rock ou à la musique de variété. La musique classique répond à des règles codifiées qui n’ont cessé de se perfectionner avec le temps. C’est une musique écrite ˗ à l’origine par des pontifes3, des nobles et des seigneurs ˗ rigoureuse, donc habilement construite. Le son, matériaux noble mais impersonnel de la composition, doit être émis selon des règles conservatrices. Cette musique veut survivre à son époque et est donc dédiée aux compositeurs, laissant une part relativement restreinte à l’interprète. La musique classique se distingue donc de la musique populaire orale et exige plusieurs degrés d’apprentissages. Au XVIIe siècle, tout le monde ne peut pas s’offrir d’instruments ni même une éducation. La plupart des morceaux de musiques classiques étaient financés par de riches mécènes, par l’Église ou directement par la Cour, donc par le Roi. La musique de chambre, formation musicale de petite taille performant chez un particulier, n’est accessible que pour les plus aisés. Les représentations publiques, qui n’arrivent qu’au XVIIIe siècle en France, sont également restreintes et donc peu accessibles car l’Académie royale de musique avait la main mise sur tout spectacle. À l’époque, écouter, jouer ou composer de la musique classique est de ce fait l’affaire de la haute société. 2. Il existe aussi des musiques classiques ailleurs qu’en Occident, qui désignent les traditions musicales érudites, telles que la musique classique chinoise, la musique classique indienne, la musique classique andalouse, etc. Mais l’objet d’étude ici est bien la musique classique occidentale. 3. N.m, du latin pontifex,-icis : titre donné aux évêques et, en particulier, au pape, évêque de Rome et chef suprême de la chrétienté, appelé souverain pontife. def. du dictionnaire Larousse. 12
▶ Collage Le Roy dansant en musique,par l’auteure, 2020 13
▶ Auditorium du Conservatoire à Rayonement Régional (crr) du Grand Chalon (dr), anonyme Qu’en est-il aujourd’hui ? La musique classique est-elle toujours réservée à une certaine catégorie sociale ? Sans apprentissage, cet art ne nous est pas familier et peut paraître compliqué, donc inaccessible. L’école n’ayant pas à son programme un apprentissage approfondi de la musique classique, la familiarité à cette pratique reste déterminée par le bagage culturel auquel chaque individu a accès grâce à son cercle de socialisation primaire, ce que Bourdieu qualifie de capital culturel. L’école a pour mission de démocratiser le savoir, sachant que celui ci n’est pas possible sans transmission. La musique classique, elle, ne bénéficie pas de structure où l’accès y est obligatoire et donc où l’approche de la pratique devient familière. Les bases sont enseignées en cours de Musique mais, avec une heure de cours par semaine pendant les quatre années de collège4, il est difficile de rentrer dans les détails. Un des seuls moyens d’être touché par la musique classique est que le cercle de socialisation primaire, donc la famille et l’entourage proche y ait eu aussi accès. L’enseignement musical extra-scolaire peut également participer à une sensibilisation à la musique classique. Celle-ci connaît en France une augmentation importante de ses effectifs depuis les années 1970. Dans ce contexte où l’enseignement musical n’occupe qu’une place mineure à l’école, ce développement s’est 4. Horaires comuniquées sur le site du ministère de l'éducation nationnale, de la jeunesse et des sports. 14
fait par la création de nombreux établissements spécialisés. Cependant, malgré des objectifs d’une démocratisation culturelle, les données disponibles sur les conservatoires montrent au contraire un renforcement de la sélectivité sociale de cette pratique. En effet, l’enseignement de la musique en conservatoire se distingue des autres par son caractère formel et exigeant, et demande un investissement familial en temps et souvent en argent important. Un établissement semble tout de même décidé à améliorer les choses. En 2018, à l’occasion de La rentrée en musique de la radio France musique, le contre-ténor Philippe Jaroussky, parrain de cet évènement, témoigne de son investissement dans la pédagogie et dans la démocratisation du classique. Pour lui, il faut arrêter d’attendre que les choses se fassent toutes seules et il faut « se retrousser les manches ». C’est ce qu’il a fait en créant sa propre académie musicale5 en 2017. Venant d’un milieu modeste, il a souhaité donner leur chance aux jeunes venant de milieux défavorisés et ne pouvant pas s’offrir le luxe d’un conservatoire. Les cours sont gratuits et les instruments sont prêtés le long de la formation. Les élèves sont accompagnés et baignés dans une culture riche et bienveillante. Sur le site de l’académie le programme « Jeunes Apprentis » est décrit comme permettant « la découverte de la musique classique et l’accès gratuit à la pratique instrumentale à des enfants qui en sont éloignés financièrement et culturellement. » Ils travaillent en association avec des centres sociaux culturels pour repérer ces élèves. Cette académie est unique en son genre, car la pluspart des cours de musique gratuits se font en ligne et ne permettent pas un suivi soutenu. Un problème de taille reste à soulever dans cette belle démarche : la localisation. Même s’ils accueillent des enfants des banlieues défavorisées, les familles peuvent-elles vraiment se permettent de passer une heure aller et une heure retour dans les transports deux fois par semaines pour un cours de musique d’une heure à Boulogne Billancourt ? De plus, c’est l’Île-de-France qui est privilégiée, la centralisation Française est encore bien représentée. À un certain degré, la vision élitaire de la musique classique est donc justifiée par ses origines et par son accès limité. Cependant d’autres facteurs peuvent jouer en défaveur de cette image. Si l’apprentissage de la musique classique semble élitaire, son écoute, son appréciation l’est-elle autant ? Différents points de vue soulèvent un paradoxe au sein de cette pratique. 4. L’Académie Musicale Philippe Jaroussky, association loi 1901, fondée en 2017, 2 Île Seguin, 92100 Boulogne-Billancourt. 15
Face à face 16
À la lecture de divers articles, on constate que les acteurs du milieu du classique ont des points de vue divergents et peuvent renvoyer une image paradoxale. En effet, la vision que certains aficionados de musique classique ont d’eux-mêmes peut parfois laisser perplexe. Dans un de ces articles6 publié sur le site Diapason7, les arguments mis en œuvre pour défendre le non élitisme de la musique classique posent question. L’auteur commence par annoncer un fait « prouvé » par de nombreuses enquêtes statistiques, à savoir que le public de la musique classique ne rajeunit pas. Cependant, il remet immédiatement en cause ces résultats mettant en avant les failles des enquêtes, telles que la non prise en compte du vieillissement du public dans d’autres genres musicaux, comme le rock, ainsi que les mutations démographiques concernant l’entièreté du pays à savoir un vieillissement global de la population. Emmanuel Dupuy blâme ensuite les politiques, pour lui incapables de mettre en place des programmes d’éducation inclusifs. Ce serait apparement les institutions symphoniques et lyriques de France qui mènent des actions envers les jeunes. Et d’après une nouvelle enquête, cela fonctionne. Celle-ci montre que 20% du public a moins de 18 ans, et que l’élitisme de la musique classique n’est pas avérée car 48% du public n’appartiendrait pas aux catégories socioprofessionnelles supérieures. Dupuy se sert donc d’une enquête pour prouver que la musique classique n’est pas élitiste alors qu’il remettait en cause l’utilisation de ce genre de pratique un paragraphe plus tôt, très convainquant. Un témoignage vient, de plus, court-circuiter ces dires. Le 17 décembre 2018, lors de sa chronique8 sur France Musique, la journaliste Aliette de Laleu avoue ne plus avoir envie d’aller à des concerts de musique classique. Pour elle, même si les concerts de musique classique sont accessibles financièrement au plus grand nombre et semblent s’être démocratisés ces dernières années, un problème persiste. Comment un néophyte est-il sensé se sentir à l’aise dans une salle où tout le monde s’accorde sur les codes stricts à respecter lors d’une représentation ? Comment, lui qui est curieux et ne connait pas forcément les œuvres présentées, peut-il savoir à quels moments applaudir ? Pourquoi se soumettre à des codes tels que l’immobilité, le silence imposé, la nécessité d’une connaissance de l’œuvre pour apprécier la musique ? Aliette met en avant le besoin d’exporter un nouveaux public dans les salles de concert tout en leur laissant la possibilité de vivre la musique comme ils le veulent sans être jugé pour leur méconnaissance. La musique classique, selon elle, n’est pas un savoir, c’est de l’émotion, « celle-ci se vie sinon elle meurt ». L’acte même du concert nourrit donc cette vision élitaire et ne rend pas agréable l’expérience du classique. 5. Emmanuel Dupuy, « Non, le public de la musique classique n’est pas vieux et élitiste ! », Diapason, www.diapason.fr, Paris, le 09 octobre 2015 mis à jour 09 mars 2017, consulté le 17 octobre 2020. 6. Ayant pour sous-titre L’amour du classique, la passion de l’excellence, ce qui en dit long sur leur positionnement assez stricte, où aucune faille ne semble possible. 7. Aliette de Laleu, « Les concerts de musique classique sont-ils élitistes ? », Paris, France musique, www.francemusique.fr, le 17 décembre 2018, consulté le 18 octobre 2020. 17
▶ Peintures acryliques retouchées, Danses hongroise, par l’auteure, 2020 18
D’autres interventions semblent mettre en avant une vision du classique contradictoire au sein des acteurs du secteur. Dans son mémoire universitaire9, Adeline Viey analyse et dresse un compte rendu d’entretiens réalisés avec des professionnels du milieu. Il apparait que les artistes sont dans le déni de cette image élitaire et ne partagent pas ces a priori. Ils se basent sur leur propre vision du classique, à savoir, leur métier et leur passion, oubliant le chemin qu’ils ont dû emprunter pour apprécier les subtilités du classique. Pour eux, il n’est pas nécessaire d’avoir un bagage intellectuel pour apprécier la musique classique. Mais, au fil de la discussion, ils finissent par se contredire en admettant que l’accès au classique est tout de même semé d’embuches et peut être contraignant. Viey cite notamment Marine Berthet, administratrice du Quatuor Debussy : « La musique classique, et plus particulièrement le quatuor à cordes qui jouer simplement, ne veulent pas dépend de la musique de chambre, est « devenir un orchestre de variété »10 et un art qui n’est pas forcément accessible souhaitent garder la part de mystère et de à des gens qui ne connaissent pas. […] complexité du classique. Le public de la musique classique est un public aisé situé dans les catégories Ces entretiens et divergences d’opinions sociaux professionnelles les plus élevées, illustrent bien la complexité de la question parce que c’est un art qui est plus d’accessibilité à la musique classique. De difficile d’accès, par rapport à la danse plus, cela met en avant à quel point cette ou au théâtre auxquels on va pouvoir pratique culturelle est involontairement accéder plus facilement sans avoir de élitaire. Comment pallier ce problème compétences particulières. » Suite à d’image ancrée profondément dans notre ce constat, deux visions s’opposent. société ? Les supports de communication Certains soutiennent la nécessité de et de vulgarisations populaires sont-ils de produire des évènements plus faciles bons intermédiaires ? d’accès, plus simples et plus ludiques pour toucher un plus grand public ; d’autres regrettent de ne pas pouvoir 8. Adeline Viey, Démocratisation et musique classique : mythe ou réalité ?, Lyon, Université Lumière Lyon II, Institut d’Études Politiques, 2005-2006. 9. Citation de Claire Delamarche, musicologue et chargée des publications à l’Orchestre National de Lyon 19
« Je continue à composer parce que cela me fatigue moins que de me reposer. » Wolfgang Amadeus Mozart / Lettre - 11 Avril 1787 20
▶ Collage, High Mozart, par l’auteure, 2020 21
Miroi & tement récep tion 22
Si la musique classique souffre d’une certaine réputation, il est légitime d’en observer tous les facteurs. Un de ceux-ci repose sur sa représentation visuelle. En général, quand on pense à des pochettes de musique classique on a des images désuètes et kitsch11 en tête. Si on observe les disques présents dans les rayons « musique classique » à la Fnac ou chez Cultura, plusieurs thèmes sont récurrents. Celui qui a le plus persisté dans le temps est le portrait historique du compositeur. Des dizaines de disques différents sont donc promus avec la même représentation Beethoven ou Mozart. Seuls les usages typographiques divergent mais ils sont souvent proches : typographie manuscrite ou à empatement. Le thème qui est sans nul doute le plus employé aujourd’hui est celui de la photographie d’interprètes. Pianistes, violonistes, flûtistes ou encore chefs d’orchestres prennent la pause tant bien que mal, et virent à la caricature dans certains cas. Effets de mouvements, dégradés, flous gaussiens viennent « parfaire » les pochettes avec cette fois des typographies plus linéales. La nature morte est également très représentée et censée rendre immédiatement compte du contenu du disque. Sujets religieux pour les requiems, paysages champêtres pour Les quatre saisons de Vivaldi, forêts mystérieuses ou encore horizons d’océans infinis. Censés représenter la poésie des œuvres, ces illustrations enferment la musique classique dans un registre pictural daté. De plus, ces représentations appartiennent au registre des beaux-arts et peuvent parfois véhiculer des messages moins directs de par la nécessité de compréhension de l’œuvre. Tout le monde n’a pas une culture de l’histoire de l’art étendue. Si la double lecture peut-être intéressante, l’incompréhension devant les illustrations choisies peuvent les rendre étranges, hors- propos. Si les illustrations figuratives ancrent le classique dans un registre désuet, les représentations contemporaines, elles, le rendent parfois si abstrait que l’accès y devient difficile. Dans les faits, l’abstraction peu exprimer de manière brute et spontanée un sentiment, un mouvement, un rythme, sans l’imager figurativement. Cependant, le goût pour l’art contemporain est moindre et sa compréhension peut parfois être limitée si on y est peu familier. L’abstraction reste tout de même un outil bénéfique à la représentation musicale. Un équilibre entre narration figurative et abstraction pourrait peut-être habiller la musique classique de manière plus juste et plus contemporaine. Sortir des outils « traditionnels » peintures et photographies pourrait également donner plus de puissance aux contenus à illustrer. Les livrets présents dans les CDs, cassettes ou vinyles de musique classique sont également à questionner. En effet, on retrouve souvent la biographie du compositeur accompagnée de la genèse de l’œuvre. Écrit en corps minuscules et formant un gris typographique très dense, la lecture devient douloureuse. Employant des termes spécifiques peu compréhensifs pour les néophytes, les explications apportées ne sont finalement que peu utiles à l’appropriation du registre. Plus de simplicité, de clarté et des mises en page plus aérées pourraient guérir bien des maux. 11. adj. Se dit de quelque chose de démodé, ridicule, surchargé et souvent laid selon les critères du moment. 23
▶ Florilège de pochette d’albums des compositions de Chopin 24
▶ Peintures retouchées, Music in movement, par l’auteure, 2020 25
▶ Prodiges 2020, François Lefebvre, Sortons du format disque. Si on observe l’image de la musique Endemolshine, FTV classique renvoyée par les médias audiovisuels, ces derniers nourrissent une certaine image traditionnelle. En effet, diverses émissions consacrées au classique sont diffusées chaque années, souvent sur les chaines du service public, telles que Les victoires de la musique classique ou encore l’émission Prodiges. Les victoires de la musique classique subissent depuis plusieurs années une baisse d’audience. La raison se trouve suremment dans la durée du programme qui est d’environ trois heures. L’impression d’être inculte face aux morceaux interprétés, la non compréhension des titres joués, l’ennui de voir des personnes inconnues défiler, ainsi que les nombreux aléas du direct, participent également à une certaine réticence. Cette émission, bien qu’essayant de promouvoir la musique classique auprès d’un large public, n’est finalement réservée qu’aux connaisseurs. Même s’il est légitime qu’une émission très spécialisée soit diffusée, l’image que celle-ci renvoie à un plus grand public peut intimider. L’émission Prodiges est, elle, de par sa formule « concours », plus divertissante. La compétition bienveillante est de mise s’agissant d’enfants âgés de sept à seize ans. Une bourse de 10 000€ pour commencer sa carrière est à remporter. Le profil des participants ne varie que légérement : des enfants ayant débuté le conservatoire très jeunes, parfois forcés par leurs parents ou des prodiges ayant commencé à jouer une année auparavant. Plusieurs candidats sortent des mêmes académies ou sont parfois de la même famille. Cette émission mettant en scène des enfants très doués peut renvoyer une image attendrissante au public, facsiné par ce qu’il ne serait même pas capable de faire. Prodiges reflète un classique innaccessible aux commun des mortels, seulement abordable aux prodiges. 26
S’il y a un évènement classique que la plupart des Français regardent chaque année, c’est le concert de Paris pré feu d’artifice de fête nationale. Présenté par Stéphane Bern, ce concert est considéré par Yannis Chebbi, producteur de l’évènement comme « le plus Grand concert » de musique classique : « une diffusion en prime-time en France et à l’étranger, des audiences record, une jauge de public sur place de près de 500 000 personnes. À travers tous ces éléments combinés, on parle bien du plus grand concert du monde».12 Ce concert célèbre la France et la musique classique mais renvoie une image ostentatoire de cette dernière. Les solistes se déplacent avec des robes de bal et des bijoux inestimables, l’orchestre est rangé au millimètre près, les chanteurs ont sorti ▶ Concert de Paris, Delphine Ghosarossian, 2020 leur plus beaux costumes trois pièces. En soit rien d’anormal, l’évènement étant exceptionnel mais, cela nourrit encore une image stricte, luxueuse, taillée au « cordeau » du classique où « l’à peu près » n’est pas envisageable. 12. Propos recueillis par Clément Buzalka, « Audiences en hausse pour le Concert de Paris », francemusique.fr, France Musique, Paris, 15 Juillet 2019, consulté le 10 décembre 2020 27
La télévision est donc un support de communication non négligeable pour la musique classique. Si des émissions renforcent une image désuète, La Zygel Academie amène, elle, un apprentissage historique ludique de la pratique. Le compositeur et concertiste Jean-François Zygel propose dans celle-ci un concept original permettant de mieux connaître le classique accompagné de célébrités. Il se confie auprès du magazine Télé Z à propos de cette émission : « une émission de musique classique peut tout à fait fonctionner en télévision. Je suis certain qu’aujourd’hui le public a soif d’émissions de télévision où on s’adresse à lui simplement et intelligemment en lui expliquant comment ça marche, comment apprécier les différents instruments, découvrir les nombreux interprètes. Regardez les succès des tutoriels sur Internet : à notre époque, les gens veulent comprendre. Nous, les musiciens classiques, devons admettre que notre métier est aussi d’expliquer, de transmettre et de partager la musique classique avec pédagogie. »13 Et cela a fonctionné, bien que malheureusement diffusée à une heure tardive14, les parts de marché de l’émission étaient au rendez-vous. La musique classique s’est vue libérée et décomplexée. Cependant, les émissions culturelles comme celles-ci sont souvent les premières à être annulé dans les programmations du service public et la Zygel Académie n’a pas vu de nouveaux épisodes depuis 2018. Si l’accès à la musique classique par l’apprentissage et le concert est élitaire involontairement, sa présentation, elle, est plus abordable. La plupart des illustrations sont accessibles et illustrent relativement bien les œuvres sonores. Le registre kitsch des œuvres est également un outil marketing jouant sur la culture du moche. Interloquantes et décalées sans le vouloir, ces illustrations peuvent vendre. Cependant, ces figures, souvent désuètes, ancrent cette pratique culturelle dans un registre peu contemporain et n’attire pas forcément un nouveau public de manière pérenne. Les représentations audiovisuelles renvoient, pour la plupart, une impression d’innaccessibilité. Le sujet étant la musique classique populaire, faisant partie de la mémoire collective, l’image élitaire renvoyée par certaines émissions n’est pas souhaitable. Des programmes courts, décontractés et instructifs, passés à des heures de grande écoute pourraient désinhiber l’image du classique. 13. Anne-Claire Dugas, « Jean-François Zygel : « Je ne comprends pas pourquoi la musique classique fait peur aux gens », TéléZ, www.telez.fr, Paris, 28 aout 2018, consulté le 10 novembre 2020. 14. Diffusion en deuxième partie de soirée, à 23h sur France 2 28
▶ Distortions colorées de pochettes de Mozart, par l’auteure, 2020 29
30
31 Supports prometteurs
La musique classique bénéficie d’une change et laisse place au voyage à travers vaste promotion souvent cachée. Les les différentes phases de la nature. bandes originales de films sont fournies L’animation est le moyen pour Walt en références classiques. Œuvres Disney et Stokowski d’amener la musique réinterprétées ou ayant inspirés de classique au monde. Stokowski, lors nouveaux morceaux, les films comme la d’une rencontre avec un journaliste en publicité, sèment dans notre inconscient 1971, évoque d’ailleurs les nombreuses des airs lyriques. Ainsi, Kubrick nous lettres de personnes le remerciant d’avoir hypnotise en 1968 avec l’emploi de Also fait Fantasia, de leur avoir permis avec Sprach Zarathustra de Richard Strauss ce film d’exorciser leurs peurs d’aller dans le long métrage 2001 : A space dans une salle de concert et d’aimer les Odyssey. Il réitère dans A Clockwork chefs-d’œuvre de la musique classique. Orange en 1971 en employant la musique La liste des emplois cinématographiques de Beethoven comme source de la est bien plus longue et permet donc violence du personnage principal. Francis aux auditeurs de se familiariser avec Ford Coppola, lui, nous transporte les compositions classiques, sources avec La chevauchée des Walkyries narratives inépuisables. de Wagner dans Apocalypse Now. De son coté, Disney nous captive avec le La multitude de films retraçant la vie long-métrage d’animation Fantasia en des compositeurs les plus connus aide 1940. Celui-ci est composé comme une également à une vulgarisation du secteur. série de sept séquences illustrant huit Bien que ces adaptations ne soient morceaux de musique classique célèbres. pas toujours fidèles, elles réussissent à On retrouve notamment Toccata et fugue nous divertir tout en nous instruisant. en ré mineur de Bach, différents extraits Ainsi, nous voila plongés dans la folie du ballet Casse-noisette de Tchaïkovski, de Mozart dans l’Amadeus de Miloš Le Sacre du printemps d’Igor Stravinsky, Forman en 1984, absorbés par la tragédie ou encore l’Ave Maria de Schubert. Ces auditive de Beethoven dans Immortal morceaux sont joués pour la plupart Beloved de Bernard Rose en 1994. Jean- par l’orchestre de Philadelphie sous la Louis Guillermou nous accueille dans direction de Leopold Stokowski. l’intimité de Bach dans Il était une fois Jean-Sébastien Bach en 2003 et de Fantasia se veut être une véritable Vivaldi dans Antonio Vivaldi, un prince expérimentation artistique mettant au à Venise en 2006. premier plan la musique et l’animation. Contrairement au cinéma où l’image Le cinéma, et donc l’image animée, précède la musique, la musique est, sont un support permettant de mettre en ici, la base de toutes les séquences. tension musique et narration. Adapter Les animateurs n’ayant que les notes certaines des œuvres de compositeurs de musique pour socle d’histoire, leur en long ou court métrages serait une imagination n’a pas de limites et les ré- solution pour faciliter l’accès à celles- interprétations sont audacieuses pour ci. Il existe déjà quelques adaptations l’époque. Ainsi, le ballet Casse-noisette mais celles-ci sont souvent destinées aux est complètement réinventé. La danse enfants ou plutôt datées. et la forme ballet restent mais l’histoire 32
▶ Also Sprach ▶ La chevauchée Zarathustra, des Walkyries, Richard Strauss Wagner dans dans 2001 : A space Apocalypse Now, Odyssey, Staneley Francis Ford Cop- Kubrick, 1968. pola, 1979 ▶ Symphonie n°9, ▶ Casse-Noisette, Beethoven dans A Tchaïkovski dans Clockwork Orange, Fantasia, Walt Stanley Kubrick, Disney Studio, 1971 1940 ▶ Poster du film Amadeus, Miloš Forman, 1984. 33
bist die Ruh,’ D. 776 - Piano Quartet No. 1, Op. 25 - Nocturne in B-flat minor, Op. 9, No. 1 - Scherzo No. 1 1 - Quintet for Clarinet and Strings in A major, K. 581 - Sonata for Clarinet and Piano, Op. 120, No. 1 - ite No. 3 in D major, BWV 1068 - Partita in C minor, BWV 826 - Also Sprach Zarathustra, Op. 30 - An 77 - Cello Concerto in A minor, Op. 33 - Piano Concerto No. 1 in B-flat minor, Op. 23 - Peer Gynt Suite horus of the Hebrew Slaves (Va’, Pensiero, Sull’ali Dorate) - Piano Concerto No. 21 in C major, K. 467: II. Op. 95, «From the New World»: II. Largo - Gymnopédie No. 1 - Bagatelle in A minor, Wo Op. 59, «Für rings and Organ (after T. Albinoni) - Serenade No. 13 in G major, K. 525, «Eine Kleine Nachtmusik»: I. Vlast (My Fatherland): Vltava (The Moldau River) - String Quintet in E major, Op. 13: Minuet (mislabe- iano Sonata No. 11 in A major, K. 331: Rondo: Alla Turca - Double Concerto in D minor for Two Violins, a Requiem: Dies Irae – Tuba Mirum - Festival Overture in E flat major, Op. 49 - Vivace - Allegro - Pasto- e» - String Quartet No. 62, Op. 76/3 «Emperor» - Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen - 2. Adagio 3 «Pathétique» - Concerto Grosso in G minor, Op. 6/8 «Christmas Concerto» - Allegro ma non tanto - Andante cantabile - Radetzky March, Op. 228 - Symphony No. 9 in D minor, Op. 125 «Choral» - Songs agietto (from Symphony No. 5) - Piano Quintet in A major, D. 667 «The Trout» - Allegro molto appas- e. Jesu bleibet meine Freude (Jesu, Joy of Man’s Desiring) - Cantata, BWV 147 - Allegro molto moderato ves (Va’, pensiero, sull’ali dorate) - Notturno - String Quartet No. 2 in D major - Pavane, Op. 50 - Adagio New World» - Ombra mai fu - Xerxes, HWV 40 - Bagatelle in A minor, WoO 59 «Für Elise» - O mio bab- a - Nocturne No. 2 in E flat major, Op. 9/2 - Minuet, arrangement - Suite No. 1 in G major, for solo cello, - Piano Sonata No. 11 in A major, K. 331 - Double Concerto in D minor, for two violins, BWV 1043 - Alle- ngs and Percussion - Allegro molto - Symphony No. 40 in G minor, K. 550 - String Quartet No. 13 in A rg Concerto No. 3 in G major, BWV 1048 - Symphony No. 94 in G major, H. 1/94 «The Surprice» - Piano ine Kleine Nachtmusik» - Lasciaascia ch’io pianga - Rinaldo, HWV 7 - Violin Concerto No. 4 in F major, RV a and Fugue in D minor for organ, BWV 565 - Canon in D major - Allegro con brio - Symphony No. 5 in jor, BWV 846 - Suite No. 1 in G major for unaccompanied cello, BWV 1007- Symphony No. 5 in C Minor, Scherzo No. 1 in B minor, Op. 20 - Nocturne in C-sharp minor, Op. 27, No. 1 - String Quartet in F major, 120, No. 1 - Piano Concerto No. 1 - Symphony No. 40 in G minor - Symphonie Fantastique, Op. 14 - Or Or- Op. 30 - An Alpine Symphony, Op. 64 - Piano Concerto No. 2 in C minor, Op. 18 - Violin Concerto in D Gynt Suite No. 1 Op. 46:: Morning Mood - Adagio for Strings - Orchestral Suite No. 3 in D major, BWV jor, K. 467: II. Andante - Brandenburg Concerto No. 3 in G major, BWV 1048: Allegro - Symphony No. 9 p. 59, «Für Elise» - Symphony No. 9 in D minor, Op. 125, «Choral»: Ode an Die Freude - Adagio in G mi mi- musik»: I. Allegro - Piano Sonata No. 14 in C-sharp minor, Op. 27:2, «Moonlight Sonata»: Adagio Soste Soste- t (mislabeled – should be Op. 11, No. 5 (G 275): Minuet) - Symphony No. 40 in G minor, K. 550: I. Allegro wo Violins, BWV 1043: Vivace - Concerto Grosso No. 8 in G minor, Op. 6: «Christmas Concerto»: Allegro ro - Pastorale - Hungarian Rhapsody No. 2 in C sharp minor, S. 244/2 - Waltz in D flat major, Op. 64/1 Adagio cantabile - Partita No. o. 2 in D minor for solo violin, BWV 1004 - Piano Sonata No. 8 in C minor, nto - Piano Concerto No. 3 in D minor, Op. 30 - Rhapsody on a Theme of Paganini, Op. 43 - Variation 18: Without Words, Op. 62/6 «Frühlingslied» - Dies irae - Tuba mirum - Chôro No. 1, «Chôro típico» - Ada Ada- ionato - Violin Concerto in E minor, Op. 64 - Pomp and Circumstance March No. 1, Op. 39/1 - Chorale. Allegro moderato - Symphony No. 8 in B minor, D. 759 «The Unfinished» - Chorus of the Hebrew Slaves poco mosso / 3. Rondo: Allegro - Finlandia, Op. 26 - Symphony No. 9 in E minor, Op. 95 «From the New o caro - Adagio in G minor - Panis Angelicus - Liebestraum No. 3 in A flat major, s. 541/3 - Habanera - BWV 1007 - Peer Gynt Suite No. 1, Op. 46 - Piano Concerto No. 21 in C major, K. 467 - Rondo: Alla turca ro non troppo e molto maestoso - Allegro con spirito - Piano Concerto No. 1, Op. 23 - Fratres for Strings inor, D. 804 «Rosamunde» - Also Sprach Zarathustra, Op. 30 - L’Arlesienne Suite No. 1 - Brandenburg onata No. 14 in▶CCollage, sharp Cacophonie minor, Op.sans 27/2 «Moonlight noms, Sonata» par l’auteure, 2020 - Serenade No. 13 in G major, K. 525 «Eine «Winter» (L’inverno) - Violin Concerto No. 1 in E major, RV 269 «Spring» (La primavera) - Toccata and nor, Op. 67 «Fate» - Orchestral Suite No. 3 in D major, BWV 1068 - Prelude and Fugue No. 1 in C major, 2 846 - Ballade No. 3 in A-Flat Major, Op. 47: Allegretto - Barcarolle in F-Sharp Major, Op. 60 - S o n a - lat Major, Op. 53, ‘Heroic’: Maetoso - No. 3 in F Major: Allegro ma non troppo - No. 1 in B Major: Vivace 34
En 2020, une pandémie mondiale a entaché le rythme des pratiques musicales. Les rassemblements sont interdis, plus de concerts, de spectacles, de répétitions, de cours de musique, toute la chaine est ralentie. Mais, grâce à internet, le monde du spectacle a su se réinventer. Des artistes du monde entier se sont mis à jouer simultanément grâce aux visio-conférences15. Ils se sont démarqués dans les médias en partageant leurs performances sur les réseaux sociaux , ont instruit un public plus numérique en filmant l’histoire de leur instrument et en partageant leur passion. Évidemment, ces pratiques ne datent pas de cette année, mais le public s’est élargi et les circonstances ont offert une plus grande visibilité au registre. Ce genre de vidéo-didacticiels pourraient atteindre le format télévisuel recherché dans la partie précédente, offrant connaissance en simplicité. Ce n’est pas une surprise, l’industrie du disque va mal et les ventes d’albums ne constituent plus le revenu principal des artistes. Ce qui rapporte aujourd’hui ce sont les concerts et les droits d’auteurs. La diffusion de la musique se fait quasiment entièrement sur les nouveaux supports d’écoute, à savoir les plateformes de streaming musical et les réseaux sociaux. Ces nouveaux supports d’écoute participent-ils à la démocratisation du classique ? La musique classique est présente sur les plateformes et est donc accessible en un clic au plus grand nombre. Cependant, cela implique-t-il pour autant une large démocratisation ? Tout dépend de ce qu’on appelle démocratiser. Si par là on veut parler du fait d’être à la porté de tous dans la consommation immédiate, oui les plateformes aident. Mais, si on veut dire rendre accessible intellectuellement et facilement la musique classique, il ya des progrès à faire. Comment s’y retrouver quand on ne connait pas le domaine devant des Bagatelle, Concerto, Suite, Nocturne, Sérénades, Fantaisies , face aux noms allemands, italiens ou russes. Comment retenir, retrouver et apprécier des œuvres sans le reflex d’ajouter une piste aux favoris. Là encore, seul les connaisseurs peuvent vraiment se repérer et profiter d’un catalogue infini. Il serait intérresant d’exercer un travail de traduction des œuvres ainsi qu’une meilleure organisation. De plus, les supports tels que la plateforme Spotify permettent des intégrations visuelles. Dans certaines des récentes sorties musicales, chaque pistes est associées à une courte animation illustrant le morceaux16. Le chanteur français Vianney a également réalisé des courtes vidéos dévoilant les étapes de production de ses morceaux à l’occasion de la sortie de album N’attendons pas en 2020. Promu comme « album augmenté » par Spotify, les coulisses, les secrets de réalisation et les anecdotes rendent l’expérience d’écoute plus riche. Une adaptation de ces pratiques au classique pourrait renouveler le secteur et le démarquer. 15. cf. Le Boléro de Ravel par l’Orchestre national de France,Youtube, youtube.com, 29 Mars 2020. 16. cf. Deux derniers albums de la chanteuse américaine Taylor Swift, folklore et evermore, 2020. 35
Certains peuvent cependant hésiter à passer sur une plateforme de streaming pour écouter du classique, la qualité du son étant compressée à la création de la piste. Une plateforme musicale française s’est donc chargée de pallier ce problème. En effet, en 2007, Yves Riesel et Alexandre Leforestier fondent la plateforme Qobuz. C’est un service de streaming qui a la particularité de proposer des abonnements d’écoute de musique illimitée en Hi-Res Audio17, de l’achat de musique, des articles et des playlists. Ils accordent une grande part dédiée aux labels indépendants et aux petites productions, mettant en avant des pratiques de niche comme le jazz contemporain, le baroque sur instruments d’époque, la musique médiévale ainsi que les musiques du monde. Les supports qui tendent à démocratiser la musique classique sont donc multiples. Si certains comme les films ou les réseaux sociaux sont efficaces à rendre accessible le secteur, d’autres supports pourraient gagner en performance. Les plateformes musicales offrent un catalogue classique infini mais peu digeste aux novices. Un effort de vulgarisation pourrait augmenter et faciliter l’expérience. ▶ Collage, Joueur de Flûte nasales double, par l’auteure, 2020 17. Son en haute résolution. 36
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L a vision élitaire de la musique classique trouve son origine dans les fondements de la pratique. Son degré d’apprentissage, son besoin d’investissement intellectuel et monétaire rendent son accès limité. De plus, au sein même du secteur, plusieurs visions s’opposent. Certains sont dans le déni de l’image que la musique classique renvoie, d’autres aimeraient voir le milieux se réinventer pour mieux l’apprécier. Les représentations visuelles du classique participent également à cette vision élitaire. La majorité des émissions télévisuelles reflètent une image grandiloquente du domaine, à travers les mises en scène sensationnelles des concerts ou concours. Certains programmes échappent à cette vision, ayant à cœur de vulgariser la pratique, et gagneraient à être développés plus largement. La communication autour des disques de musique classique est peu diversifiée. Les pochettes se ressemblent et forment un tout homogène peu distrayant et appétissant. Figées dans le temps, le graphisme de pochettes de musique classique aurait besoin d’une profonde refonte, tout comme les livrets les accompagnant. Il serait nécessaire d’expérimenter autour de matériaux, supports et techniques de production afin de raviver l’image du classique. Les films et les réseaux sociaux réussissent, eux, à mettre en image le classique de façon plus attrayante. Ces supports, démocratisant le classique permettent de s’éloigner de la vison élitaire du secteur. L’image animée a un pouvoir de narration fort, permettant une appréhension intuitive et ludique. Développer cet outil est un passage essentiel à la démocratisation du classique. L’avenir de la musique, en général, se trouve dans les nouveaux supports d’écoute. De plus en plus développées, les plateformes de streaming offrent un accès illimité et instantané à tous genres musicaux, y compris le classique. Cependant, il est difficile de s’y retrouver devant cette offre infinie quand on est néophyte. Plusieurs pistes permettraient de rendre l’expérience du classique sur ces plateformes plus agréable. D’abord les traductions des titres en langues étrangères dans un soucis de compréhension globale. Puis, l’utilisation des outils permettant l’intégration visuelles, l’écoute serait augmentée car liée à l’image. Enfin des courtes vidéos coulisses ou anecdotes pourraient décomplexer le genre et amener à une vulgarisation ludique du classique. Une chose est sûre, le reflet élitaire de la musique classique n’attend qu’a être métamorphosé... 38
▶ Sérigraphie, Les Noces de Figaro, Acte III scène 11, par l’auteure, 2021 39
Bibliographie Livres, ouvrages Lawrence KRAMER, Why Classical Music Still Matters, University of California Press, Berkeley and Los Angeles, California, 2007. Lawrence KRAMER, Classical Music and Postmodern Knowledge, University of California Press, Berkeley and Los Angeles, California, 1995. Adeline VIEY, Démocratisation et musique classique : mythe ou réalité ?, Lyon, Université Lumière Lyon II, Institut d’Études Politiques, 2005-2006. Articles, presse Cinla SEKER (PhD), New Classics : The Analysis of Classical Music Album Covers’ Digital Age Characteristics, Dokuz Eylul University, Turkey, European Scientific Journal May 2017. Articles internet Aliette DE LALEU, « Les concerts de musique classique sont-ils élitistes ? », Paris, France musique, le 17 décembre 2018. Emmanuel DUPUY, « Non, le public de la musique classique n’est pas vieux et élitiste ! », Paris, Diapason, le 09 octobre 2015 mis à jour 09 mars 2017. Films Miloš FORMAN, Amadeus, film cinématographique, The Saul Zaentz Company, 1984, 35mm, son Dobly Stereo, coul. (durée 2h40). Staneley KUBRICK, 2001 : L’Odysée de l’espace (« 2001 : A space Odyssey »), film cinématographique, Stanley Kubrick Productions, 1968, 65mm, son stéréo Master hd, coul. (durée 2h41). 40
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