M1 Microbiologie-Pathologies Année 2018-2019 - Emergence virale et pandémies: exemple des virus de la grippe et des Coronavirus
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Emergence virale et pandémies: exemple des virus de la grippe et des Coronavirus M1 Microbiologie-Pathologies BM Imbert-Marcille Année 2018-2019
Les virus respiratoires émergents l Plus de 1400 pathogènes humains identifiés à ce jour: • 65% d’entre eux sont d’origine animale • 5% sont des virus…mais 1/3 des agents identifiés dans les infections émergentes au XXème siècle sont des virus • L’adaptation des virus à l’homme est associée avec des mutations du virus animal l Nombreux nouveaux virus « respiratoires » identifiés depuis 2000 • Certains au pouvoir pathogène encore « incertain » • D’autres identifiés comme de réels pathogènes: Metapneumovirus, Coronavirus du SRAS, virus grippaux aviaires l Grippe et SRAS sont des modèles d’étude pertinents: • Pour le passage de virus animaux à l’homme • Pour les mécanismes de la diffusion pandémique des maladies infectieuses et la mise en place de mesures de prévention • Pour la connaissance de la physiopathologie des atteintes pulmonaires virales
Structure des virus grippaux -PB1,PB2, PA: transcriptase -HA: hémagglutinine -NP: nucléocapside -NA: neuraminidase -M: prot matrice M1 et canal ionique M2 -NS: prot non structurales
Trois types et de nombreux sous-types Type B Type C (7 seg) Type A (144 sous-types possibles) H1N1 H2N2 H3N2 H5N1
Cycle de multiplication l Étape 1: Attachement du virion par HA l Etape 4: Dissociation de la RNP (protéine M2) l Etape 6: Réplication génome par complexe ARN polymerase (pas d’activité de correction) l Etape 12: Libération virion par NA l Mort cellulaire par apoptose
Les caractéristiques de HA et de NA l Hémagglutinine: • Clivage de HAo en HA1 et HA2 par protéase (trypsine en culture) • Attachement du virus à la cellule: R aux acides sialiques liés au galactose par des liaisons glycosidiques: • de type NeuAcα2,3Gal (Virus aviaires et équins) • de type NeuAcα2,6Gal (Virus humains) • Activité fusogène de HA2 (dans vésicule d’endocytose) • Cible majeure de la réponse anticorps l Neuraminidase: • Activité sialidase, permettant libération des virions néoformés par coupure entre l’acide sialique et l’hémagglutinine • Cible des anticorps
La variabilité génétique…et ses conséquences l Variabilité liée aux erreurs de l’ARN polymérase (tous types) • Modifications progressives de HA et/ou de NA = glissements antigéniques ou dérive antigénique • Responsable des épidémies saisonnières • Explique reformulation annuelle du vaccin (en fonction de circulation dans hémisphère sud) l Variabilité liée à des « sauts antigéniques » (uniquement type A) • Par réassortiment génique entre deux types de virus ou par « infection directe »… • Responsable des pandémies • Pas de vaccin tant que la nouvelle souche infectant l’homme n’a pas été identifiée…
Pandémies grippales e Mortalité au cours des pandémies du XX siècle 1918-19 « Grippe ≈ 40 millions espagnole » de décès dans l Les pandémies ont lieu tous les 10 à 40 ans A(H1N1) le monde l Jusqu’à 50 % de la population mondiale peut être affectée 1957-58 « Grippe 1 million l Virus nouveau pour asiatique » de décès dans la population humaine A(H2N2) le monde l Taux de létalité généralement élevé 1968-69 « Grippe de 0,8 millions de décès l 1997 “grippe du poulet” (H5N1) Hong-Kong » dans le monde à Hong Kong – rappel de la A(H3N2) menace pandémique «Grippe l 2009 1977 russe» A(H1N1)
Pandémies de 1957 et 1968: réassortiment entre virus aviaire et humain
La « résurrection » du virus H1N1 de 1918 l Les 8 segments sont d’origine aviaire l Pouvoir pathogène accru • Comparaison souche ancestrale avec la souche Texas (H1N1 dans les 2 cas): 50 fois plus de particules virales produites sur cultures de cellules pulmonaires humaines, 39 000 fois plus de particules virales dans les poumons de souris infectées, mortalité 100% (0%) • Gravité de l’atteinte pulmonaire (modèle murin): exacerbation du syndrome inflammatoire par augmentation de l’afflux de polynucléaires et hyperactivation des macrophages alvéolaires • Virulence attribuée à HA et au complexe ARN polymerase [ von Bubnoff, Nature oct 2005, 437:794]
[Belshe RB, NEJM, 24 novembre 2005, vol 353]
Les virus aviaires l Représentent la très grande majorité des virus de type A car les oiseaux (notamment aquatiques migrateurs) sont le réservoir naturel l Chez les oiseaux (sauvages ou domestiques) : • multiplication du virus dans les intestins • présence en grande quantité dans les excréments • Pas de signes cliniques pour la plupart des souches (Low Pathogenic Avian Influenza) • Certaines souches sont hautement pathogènes (souches HPAI) • mortalité +++ • possibilité de transmission à d’autres animaux (notamment les volailles) et à l’homme l Caractéristique majeure: utilisent les acides sialiques ayant des liaisons de type NeuAc α2,3Gal
Les virus aviaires l Les deux niveaux de virulence sont fonction de la configuration du site de clivage de HA [Horimoto T Kawaoka Y, Nature Rev Microbiol aug 2005, 3: 591]
18 cas humains 85 cas humains
Quid du H5N1? l Nombreuses similitudes avec H1N1 (1918): • Origine aviaire • Létalité chez les jeunes (ado, jeunes adultes) • Implication de HA et du complexe ARN pol dans virulence [Salomon et al., J Exp Med mars 2006, on line] • Accroissement de la réponse inflammatoire pulmonaire dans les modèles animaux (furet) • Présence de mutations particulières sur certains gènes…ces mutations sont absentes chez les virus aviaires « classiques » l Emergence « continue » depuis 2003 à partir de différents foyers…. Progression de l’épizootie: >500 millions d’oiseaux morts
Au 01/01/2017: 856 cas, 452 décès
La grippe aviaire chez l’homme l Actuellement: virus H5N1 en « impasse » chez l’homme car mal adapté l Transmission respiratoire par contacts répétés avec les déjections et sécrétions respiratoires des volailles infectées (pas de cas de contamination directe avec oiseaux sauvages) l Quelques cas de transmission intrafamiliale… l Présentations cliniques • Touche les sujets jeunes (médiane d’age 14 ans) • Mortalité: 60% (délai infection-décès: 4-30 jours, mediane 12) • Dans plus de 50% des cas: insuffisance resp consécutive à une pneumopathie, diarrhées, lymphopénies, augmentation des transaminases
Physiopathologie de la grippe aviaire l Maladie dominée par l’atteinte pulmonaire…mais possibilité d’infections généralisées l Plusieurs éléments: • Les acides sialiques pour les virus aviaires (2,3 gal) sont présents uniquement au niveau du tractus humain respiratoire inférieur • Les doses infectieuses sont très élevées: • réponse cytokinique précoce et très importante • Réponse CD8+ peu soutenue • Certaines souches semblent disséminer dans l’organisme l Existence de cas asymptomatiques…terrain génétique?
Potentiel pandémique et gravité en fonction de l’origine de la souche Virus humain (ex: H1N1) Grippe classique Nombreux cas mais « bénin » Virus aviaire (ex: H5N1) Grippe aviaire Peu de cas mais gravité +++ Virus aviaire « humanisé » (adaptation progressive à l’homme par mutations successives) Contact rapproché +++ Grippe classique Souche virulente Nombreux cas, gravité variable
Evolution du H5N1
Les recours thérapeutiques l Les drogues: • Inhibiteurs M2 • Amantadine, rimantadine • Actifs sur virus A, inactifs sur H5N1 • Antineuraminidases • Oseltamivir et zanamivir • Actifs sur types A et B et sur H5N1 l Les stratégies d’administration: • En curatif (diminution durée excrétion et symptômes) • En prophylaxie post-exposition ou au long cours l Les résistances sont favorisées par: • Les erreurs de l’ARNpol au cours de la réplication [Palese et al. Nature Med 2004, supp12] • Une utilisation inadaptée • Une durée prolongée de traitement • Des charges virales élevées
Résistance aux antineuraminidases l Résistance à l’oseltamivir [Moscona A, NEJM dec 2005, 353: 2633] • Prévisible sur l’analyse structurale de la molécule [Varghese et al. Structure 1998] • Les points de mutation induisant la résistance dépendent du type de N (pas les mêmes pour N1 et N2) • Trois points de mutation, dont la plus fréquente, pour N1, est H275Y => empêche la réorientation de la molécule • Limite parfois le fitness viral mais les souches demeurent transmissibles • Pas de résistance croisée avec zanamivir l Incidence in vivo • Sur virus humains: • résistance de novo des souches H1N1 lors de l’hiver 2007-2008, avec conservation de la capacité réplicative). Ces souches ne circulent plus depuis la pandémie • Très peu de résistance sur H1N1pdm2009 et H3N2….sauf pour épidémie actuelle….. • Sur H5N1: apparition de résistances possible sous ttmt prolongé
Les pistes vaccinales l Nombreux essais actuellement avec H5N1 mais: • H5 est peu immunogène => nécessité d’utiliser des adjuvants et d’injecter au moins deux doses l Plusieurs stratégies possibles: • Vacciner les volailles mais problème du coût et du risque de sélectionner de nouvelles souches par pression immunologique • Pré-vacciner les humains, en espérant avoir une part d’immunité « croisée » avec le futur virus pandémique… • Données encourageantes, obtenues chez des sujets sains et adultes => effet de prime- boost • Essais en cours dans populations plus « fragiles »: immunodéprimés, pathologies chroniques… • A court/moyen terme: • intégration d’une souche prépandémique dans le vaccin contre la grippe saisonnière? • qui vacciner?
Le SRAS: un exemple d’émergence virale 1ère pandémie virale du XXIème siècle
CHRONOLOGIE D'UN SERIAL KILLER (OMS) 11 février 2003 : le ministère chinois de la santé annonce officiellement une épidémie de syndrome respiratoire aigu ayant fait 300 cas et provoqué 5 décès. Les analyses effectuées sont négatives pour le virus de la grippe. 20 février 2003: les chinois déclarent une flambée de grippe H5N1 dans une autre province 21 février : un médecin de la province de Guandgong arrive à Hong Kong et s'installe au 9ème étage de l'hôtel Métropole. Il avait précédemment soigné des patients atteints de pneumopathie atypique avant de quitter la Chine continentale; il est lui-même hospitalisé le lendemain de son arrivée à Hong Kong. 23 février : une touriste de 78 ans en provenance de Toronto séjourne à l'hôtel Métropole. A son retour au Canada, elle se réunira en famille. 26 février : un homme d'affaire sino-américain est admis à l'hôpital français de Hanoï : il a voyagé dans la province de Guangdong et avait séjourné au 9ème étage de l'hôtel Métropole à Hong Kong. 1er mars : Un premier membre du personnel de l'hôpital français de Hanoï tombe malade de pneumopathie atypique et une femme de 26 ans est admise dans un hôpital de Singapour : elle avait également fait un séjour à Hong Kong au 9ème étage de l'hôtel Métropole. 4 mars : le médecin de Guangdong meurt de pneumopathie atypique à Hong Kong. 5 mars : 5 membres de la famille de la touriste canadienne tombent malades. 8 mars : Un homme d'affaire ayant voyagé dans la province de Guangdong souffre de symptômes respiratoires et est hospitalisé à Taïwan.
10 mars : au moins 22 membres du personnel de l'hôpital français de Hanoï sont atteints de pneumopathie atypique. 13 mars : l'OMS envoie une alerte d'urgence à ses partenaires du GOARN (Global Alert Research Network, dont fait partie l'Institut Pasteur). Pendant ce temps, en France, particulièrement exposée par le retour de médecins français de l'hôpital français de Hanoi, le groupe de travail sur la pandémie grippale met en place des protocoles pour rechercher, informer et suivre les médecins de retour de Hanoi. 15 mars : l'OMS énonce des recommandations aux voyageurs, elle nomme la maladie mystérieuse qui se dissémine par l'air et par les transports internationaux SRAS pour "Syndrome Respiratoire Aigu Sévère", et la présente comme une menace sanitaire mondiale. 16 mars : 150 cas suspects sont recensés à travers le monde. l'OMS met en place un réseau de 11 laboratoires (dont un à l'Institut Pasteur), dans le but de détecter l'agent en cause et de mettre au point un test diagnostique fiable. 18 mars: 210 cas cumulés sont notifiés dans 7 pays 20 mars: 306 cas dont 10 décès 26 mars : la Chine déclare rétrospectivement un total de 792 cas et 31 morts dans la province de Guangdong entre le 16 novembre et le 28 février. Les données officielles précédentes ne faisait état que de 305 cas et 5 morts pour cette période… 27 mars : plusieurs laboratoires annoncent avoir identifié un nouveau coronavirus comme agent causal du SRAS…l’OMS confirme définitivement le 16 avril 2 avril: le total cumulé de cas dépasse 2000…l’OMS recommande de ne plus se rendre ni à Hong Kong ni dans la province de Guangdong… et aide tous les pays atteints
Bilan de l’épidémie l Fin de l’épidémie en juillet 2003 l Plus de 8000 cas, dans 27 pays, 774 décès (surtout sujets >50 ans) l Coût économique +++ l 1/3 des cas dans le personnel hospitalier ou de laboratoire l NB: 5 cas en 2004…
Toronto: 44 cas, 5 hopitaux touchés Hopital français de Hanoï: 22 cas
Le Coronavirus du SRAS (SARS-CoV) l Famille des Coronaviridae l Virus enveloppés à ARN positif de très grande taille (30 kb) l Très répandus chez les animaux l Existence d’un virus très proche chez la civette (SL- CoV) l Autres Coronavirus chez l’homme: infections bénignes respiratoires et gastro-entérites
Sept 2005 Juin 2003
Multiplication et affinité pour le récepteur cellulaire l Quelques mutations suffisent pour modifier l’affinité pour le récepteur cellulaire l L’acquisition de la virulence s’est produite chez l’homme
L’évolution du SRAS dépend du profil cytokinique
Rôle des animaux dans l’émergence virale chez l’homme l Chauve-souris+++: identifiées comme réservoir primaire de nombreux virus (Ebola, rage, Hendra, Nipah…) l Notion d’hôtes intermédiaires qui contaminent l’homme (ex:civette et SRAS) l Oiseaux migrateurs: rôle fondamental dans la diffusion « naturelle »: West Nile, Grippe
Naissance, vie et mort des maladies infectieuses Charles Nicolle, 1930 l « Ce qui est nouveau, ce n ’ est pas la survenue d ’ une maladie antérieurement inconnue, c’est cette survenue au sein d’un monde qui se croyait définitivement aseptisé, protégé et tranquille. l Les migrations humaines importeront en tous pays les maladies humaines et animales de chaque région. L’œuvre est déjà avancée, elle est assurée d’avenir. l Les essais de la Nature dans la voie de la création de maladies infectieuses nouvelles sont aussi constants qu’ordinairement vains. Ce qui s’est passé aux époques anciennes où par exception la Nature a réussi un essai se répète à tous les instants présents et se répètera de même toujours. Il y aura donc des maladies nouvelles : c’est un fait fatal. »
MERS-CoV l Responsable du syndrome respiratoire du Moyen Orient l 2266 cas cumulés au 30-11-2018, 804 décès
Cas humains de grippe aviaire H7N9 1567 cas au 05/09/2018 (615 décès)
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