Made in the UK Martin Winckler - L'Inconvénient - Érudit

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L'Inconvénient

Made in the UK
Martin Winckler

L’amitié au temps de Facebook
Number 64, Spring 2016

URI: https://id.erudit.org/iderudit/82370ac

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Publisher(s)
L'Inconvénient

ISSN
1492-1197 (print)
2369-2359 (digital)

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Winckler, M. (2016). Review of [Made in the UK]. L'Inconvénient, (64), 49–53.

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Séries télé

            Made in the UK
                                             Martin Winckler

À
       la fin des années 90, je me rap-      tivement de très grande qualité et fas-      souvent très noir ; la critique sociale et
       pelle avoir lu dans un magazine       cinent à juste titre les spectateurs, les    l’intérêt pour l’Histoire sont omnipré-
       de télévision américain que,          critiques et les scénaristes d’Amérique      sents.
aux yeux de Hollywood, la meilleure          du Nord.                                          Alors que la télévision des États-
télévision était conçue… en Grande-               Certains lecteurs de cette rubrique     Unis se plaît souvent à exploiter des for-
Bretagne. Si je me souviens bien, celui      ont probablement vu – ou regardent ac-       mules, à les reproduire et à les multiplier
qui parlait était un des producteurs         tuellement – Downton Abbey et Broad-         (savez-vous combien de séries inspirées
montants de l’heure – Steven Bochco          church. D’autres ont dévoré les trois        par les superhéros sont en diffusion au
(La loi de Los Angeles, NYPD Blue) ou        premières saisons de l’époustouflante        moment où j’écris ? Une douzaine !), la
David E. Kelley (Ally McBeal, The Prac-      Sherlock, dont le Christmas Special a        télévision du Royaume-Uni tente sans
tice), ou peut-être même John Wells          été diffusé le 1er janvier 2016. D’autres    cesse de faire du neuf avec du vieux,
(ER, The West Wing). À ce moment-            encore sont des spectateurs de Doctor        y compris à travers les genres les plus
là, en France, Internet était balbutiant     Who, créée en 1963 et redevenue, depuis      éculés qui soient : la reconstitution
et on n’avait accès, par une poignée de      sa renaissance en 2005, une des séries       historique et l’histoire criminelle. Sans
chaînes du câble, qu’à un nombre limité      les plus populaires au monde… Au             hésiter à mêler les deux. Voici trois
de séries – le plus souvent américaines.     moment où j’écris ces lignes, une expé-      exemples à l’appui.
Les chaînes françaises n’étaient pas très    rience narrative audacieuse intitulée
ouvertes aux productions télévisées          Dickensian est en cours de diffusion à la                   The Hour
d’ailleurs et celles qu’elles achetaient     BBC : il s’agit d’une fresque-feuilleton
étaient mal diffusées. (Il y a moins de      en vingt épisodes de trente minutes, se           Abi Morgan est auteure de pièces
dix ans encore, en France, The West Wing     déroulant dans le Londres de l’ère victo-    de théâtre (elle en a une douzaine à
et Les Soprano étaient diffusées après       rienne, et dont les personnages, tous is-    son actif ) et scénariste au cinéma. On
minuit ; quant aux séries québécoises        sus d’une dizaine de romans de Charles       lui doit en particulier La Dame de fer
Fortier et Minuit, le soir, elles étaient    Dickens, se croisent pour la première        (2011), qu’interprétait Meryl Streep, le
proposées… en version doublée !)             fois dans une histoire commune. On           très audacieux Shame (2011) de Steve
      Dans ces conditions, il m’était        pourrait multiplier les exemples. S’il       McQueen avec Michael Fassbender et
extrêmement difficile de comprendre          fallait trouver une explication simple à     Carey Mulligan et, tout récemment, Les
pourquoi les scénaristes américains          la diversité et au culot de la télévision    suffragettes (2015). Elle a également si-
considéraient la télévision britannique      britannique, je hasarderais celle-ci : ses   gné le scénario de Sex Traffic (2004), un
comme la meilleure au monde : je n’y         artisans, ayant Shakespeare pour mo-         téléfilm anglo-canadien en deux parties
avais pas accès.                             dèle, n’ont pas grand-chose à prouver et     qui remporta quatre récompenses lors
      Vingt ans plus tard, grâce à la mul-   sont prêts à tout essayer. Et ils le font.   de la remise des prix Gemini. Tout ré-
tiplication des chaînes câblées, au DVD           Les productions britanniques se         cemment, Netflix a diffusé la première
et aux fournisseurs de contenu en ligne      distinguent nettement des productions        saison de son excellente série noire,
comme Netflix, Amazon et d’autres,           américaines sur trois points au moins :      River.
force est de constater que les fictions      elles ne reculent devant aucun sujet ;            Sa production précédente, The
télévisées du Royaume-Uni sont effec-        l’humour y est constant – même s’il est      Hour (BBC, 2011-2012), décrit les

                                                                                           L’INCONVÉNIENT • no 64, printemps 2016   49
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The Hour

ambitions et les difficultés des maîtres        le contrôle du canal de Suez. Les jour-       l’émission est menacée de censure, voire
d’œuvre d’un magazine d’actualités fic-         nalistes du magazine aspirent à infor-        de suppression pure et simple, si elle
tif (mais plausible) diffusé par la BBC         mer leur public des positions – et des        aborde ouvertement les sujets interdits
en 1956. À l’évocation historique, la           décisions – du gouvernement britan-           par le pouvoir.
série allie critique politique et critique      nique quant à ces deux événements. Et              La deuxième saison n’est pas moins
sociale, et elle procède à une analyse fine     c’est dans ce contexte que Freddie Lyon       engagée, puisqu’elle établit des liens
d’un média encore dans son enfance. Au          enquête sur les morts suspectes, rappro-      entre une affaire de mœurs, la corrup-
centre de l’émission, on trouve un trio         chées et peut-être liées d’un professeur      tion des services de police et l’attribu-
constitué d’Isabel Rowley (Romola               d’université et de la fille d’un membre       tion frauduleuse d’un marché gouver-
Garai), jeune productrice en charge du          de la Chambre des lords.                      nemental en rapport avec la politique
magazine ; de son ami Freddie Lyon                    La première saison de The Hour est à    nucléaire du Royaume-Uni. Rien que
(Ben Whishaw), journaliste d’enquête            la fois une enquête criminelle et un film     ça !
engagé et obstiné ; et de Hector Mad-           d’espionnage : Freddie, Isabel et leurs            The Hour est une série d’autant plus
den (Dominic West, naguère interprète           collègues enquêtent sur plusieurs fronts      remarquable que la richesse de son pro-
principal de The Wire), présentateur-           malgré les recommandations du Home            pos, l’épaisseur et l’intelligence des rela-
vedette de l’émission.                          Office, lequel ne tient pas à ce qu’on dé-    tions entre les personnages principaux,
     La série, qui compte deux saisons          couvre les liens des deux victimes avec       et son sens du suspense n’ont d’égale
de six épisodes dont les événements se          le KGB… et l’existence d’une taupe            que son économie de moyens. La se-
suivent à quelques mois d’intervalle,           soviétique au sein même de la BBC. La         conde saison s’achève de manière assez
frappe d’abord par la reconstitution            série nous donne aussi une leçon d’his-       tragique (la vérité éclate, mais l’un des
soignée de l’époque : les décors et les         toire contemporaine en évoquant de            personnages le paie chèrement) et ouvre
costumes sont aussi étudiés que ceux            manière consciencieuse l’atmosphère de        sur une suite qu’Abi Morgan avait pla-
de Mad Men, avec lesquels ils rivalisent,       ces années-là en Grande-Bretagne, avec        nifiée. Malheureusement, la BBC a dé-
même. La mise en scène plus intimiste           les discours de propagande néocolonia-        cidé de ne pas poursuivre la production.
et, surtout, le contenu narratif leur           liste et les films de « prévention » en cas   Restent ces douze épisodes qui consti-
donnent une épaisseur, une texture que          d’attaque nucléaire. Il s’agit également      tuent un bijou de reconstitution, visuel-
n’avait pas toujours la production de           d’une satire sociale et politique, grâce au   lement superbe et à la narration réglée
Matthew Weiner. Car les personnages             personnage de Madden, qui incarne à           comme une horloge. Et le sentiment
de la série sont préoccupés par quelque         l’écran la rigueur et l’élégance d’un jour-   qu’on éprouve après en avoir terminé le
chose de beaucoup plus sombre que               naliste intègre alors que sa vie privée       visionnement est le même que celui qui
ce qui animait l’agence de publicité de         n’est qu’une suite de mensonges, de tra-      nous habite après la lecture d’un grand
Don Draper. Au moment où débute                 hisons et de compromis destinés à ser-        roman : on se sent frustré à l’idée de ne
The Hour, la guerre froide fait rage :          vir sa carrière. Enfin, The Hour proclame     plus retrouver ces personnages, mais
tandis que l’URSS envahit la Hongrie,           son engagement lorsque, dans la meil-         aussi très reconnaissant envers les au-
Nasser nargue l’Angleterre en prenant           leure tradition du film de journalisme,       teurs de nous avoir parlé d’une époque

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Made in the UK Martin Winckler - L'Inconvénient - Érudit
où tout a commencé pour les quatre hé-
                                                                                             roïnes, et de remettre en service les ma-
                                                                                             chines de décryptage qu’elles utilisaient
                                                                                             pour préparer le débarquement allié !
                                                                                                  Sous ses dehors de mystère dans
                                                                                             la veine des romans d’Agatha Christie,
                                                                                             The Bletchley Circle présente une critique
                                                                                             de la société britannique des années
                                                                                             cinquante : quand les anciennes de
                                                                                             Bletchley se réunissent pour la première
                                                                                             fois afin d’étudier le cheminement
                                                                                             des crimes d’un assassin en série, elles
                                                                                             doivent le faire sous le couvert d’un
                                                                                             « club de lecture » – puisqu’elles ne
                                                                                             peuvent pas évoquer leur activité pas-
                                                                                             sée. Quand, dans la seconde saison,
                                                                                             elles tentent d’innocenter une de leurs
                                                                                             collègues condamnée à mort, on ne les
                                                                                             prend pas au sérieux. Et lorsqu’elles
                                                                                             tentent de convaincre les autorités de
                                                                The Bletchley Circle         mettre fin à un trafic d’êtres humains,
                                                                                             on ne les croit pas. Le message est clair :
et d’événements aussi passionnants que         aussi à sa dimension de critique sociale      lorsque les hommes étaient au combat,
méconnus.                                      centrée sur le statut des femmes. Les         les femmes pouvaient mettre au service
                                               quatre amies évoluent dans des milieux        du pays leurs qualités intellectuelles et
    The Bletchley Circle                       très différents. Susan (Anna Maxwell          leur aptitude à travailler ensemble. Une
                                               Martin) a épousé son fiancé de guerre ;       fois la guerre finie, il n’y a plus de place
     Au nord-ouest de Londres, dans            elle ne travaille pas et s’occupe de leurs    pour celles qui ont servi la nation. Elles
le Buckinghamshire, le domaine de              deux enfants ; Millie (Rachael Stirling)      doivent retourner à la vie quotidienne
Bletchley Park abrite le National Mu-          est un esprit indépendant, elle a fait        et à un certain anonymat, et ne peuvent
seum of Computing (Musée national              le tour du monde avant de retourner           prétendre à la même considération qu’en
de l’informatique) britannique. C’est là       à Londres ; Lucy (Sophie Rundle), la          temps de guerre. Au fil de leurs trois en-
qu’opérait, pendant la Seconde Guerre          plus jeune, est mariée à un homme vio-        quêtes (sept épisodes répartis sur deux
mondiale, le principal service de dé-          lent qui la maltraite ; Jean ( Julie Gra-     saisons), ces quatre personnages (et une
cryptage du Royaume-Uni. The Bletchley         ham), la plus âgée, supervisait l’équipe      autre ancienne des services secrets, qui
Circle commence par une séquence si-           de Bletchley Park, et elle travaille          apparaît au début de la deuxième sai-
tuée en 1944, montrant un quatuor de           désormais comme bibliothécaire. Tout          son) nous parlent donc, de manière très
femmes travaillant ensemble au déchif-         devrait les séparer, mais leur intérêt        directe, du sort et du statut des femmes
frage de messages cryptés allemands,           commun pour la justice les rapproche          dans un monde qui les voit de nouveau
mais la série ne s’attarde pas sur cette       irrésistiblement. Et les crimes sur les-      comme des citoyennes de second ordre.
période. Elle nous transporte vite dans        quels elles enquêtent ont toujours des             Dans une veine plus « légère » que
l’Angleterre du début des années cin-          femmes pour victimes ou comme boucs           The Hour, The Bletchley Circle est une très
quante. Rendues à la vie civile, Susan,        émissaires. En même temps qu’elles            bonne série mêlant suspense, histoire
Millie, Lucy et Jean se sont perdues de        mettent en commun leurs ressources            et critique sociale. Que demander de
vue, après s’être engagées à ne jamais ré-     et leurs capacités respectives pour           plus ?
véler leur appartenance passée aux ser-        résoudre des crimes impunis – ou que
vices secrets. La survenue d’un chapelet       la police considère comme insolubles –                Call the Midwife
de crimes, dans lequel il leur semble dé-      elles s’apportent mutuellement aide et
celer une progression logique similaire        soutien.                                           Située à la même époque (la fin des
à celle des messages cryptés d’autrefois,           Solidement écrite par Guy Burt,          années cinquante) que les deux séries
les incite à renouer et à mener leurs          romancier et coscénariste de nom-             précédentes, Call the Midwife a lancé
propres enquêtes.                              breuses séries de télévision (en particu-     sa cinquième saison à la BBC en jan-
     The Bletchley Circle est donc à la fois   lier Les Borgia et La fureur dans le sang),   vier 2016, et la sixième a déjà été com-
une série d’époque et une série d’énigme.      très bien interprétée et magnifiquement       mandée par la chaîne publique, car son
Son charme particulier tient bien sûr au       mise en scène, la série se paie également     succès est colossal : à chaque épisode,
soin accordé aux décors, aux costumes          le luxe, à l’occasion d’une des enquêtes,     on compte de onze à douze millions de
et au parler des années cinquante, mais        de nous emmener à Bletchley Park, là          téléspectateurs (un million de plus que

                                                                                              L’INCONVÉNIENT • no 64, printemps 2016   51
Made in the UK Martin Winckler - L'Inconvénient - Érudit
Et ce dénuement marque dura-
                                                                                             blement la vie de tous les personnages
                                                                                             rencontrés : Conchita, une mère de
                                                                                             famille nombreuse d’origine espagnole,
                                                                                             qui accouche brusquement après un
                                                                                             traumatisme crânien ; Mary, une jeune
                                                                                             Irlandaise qui s’est prostituée pour sur-
                                                                                             vivre en arrivant à Londres et à qui on
                                                                                             retire son enfant à la naissance ; Joe,
                                                                                             le vétéran vivant seul avec ses ulcères
                                                                                             de jambe dans un immeuble voué à la
                                                                                             démolition ; Shirley, dont le bébé dispa-
                                                                                             raît peu de temps après qu’elle a accou-
                                                                                             ché ; Mrs Jenkins, une vieille femme
                                                                                             sans identité, cloîtrée dans un taudis
                                                                                             innommable et qui hurle dès qu’on la
                                                                                             touche ; Peggy, la femme de ménage de
                                                                                             Nonnatus House, dont le frère meurt
                                                                                             lentement d’un cancer…
                                                                                                   Après avoir « bouffé » des centaines
                                                                                             d’épisodes de séries médicales, d’Ur-
                                                                                             gences à The Knick en passant par Dr
                                                                                             House, Scrubs et les méconnues Chicago
                                                                                             Hope et St. Elsewhere, je pensais sincère-
                                                                                             ment avoir tout vu dans ce domaine. En
                                                                                             découvrant Call the Midwife, j’ai com-
                                                                                             pris qu’il n’en était rien. Cette belle série
                                                                                             est une œuvre d’une profonde huma-
                                                                                             nité, audacieuse, résolument féministe
                                                                                             et, il faut le dire, extrêmement culottée.
                                                                      Call The Midwife       Avant de la regarder, je n’avais jamais
                                                                                             vu la grossesse et l’accouchement trai-
                                                                                             tés à l’écran d’une manière aussi crue et
Downton Abbey). Mais alors que The             petite congrégation vivent quatre reli-       réaliste et, simultanément, aussi respec-
Hour et The Bletchley Circle sont des fic-     gieuses par ailleurs soignantes pro-          tueuse.
tions inspirées de situations ou de faits      fessionnelles, et trois sages-femmes :              Au fil des épisodes, Jenny et ses
réels, Call the Midwife est l’adaptation       l’énergique Trixie (Helen George), la         collègues nous font découvrir que les
des mémoires d’une authentique sage-           discrète Cynthia (Bryony Hannah) et           femmes modestes de cette époque de-
femme, Jennifer Worth, qui commença            la pétulante Chummy (Miranda Hart,            vaient souvent mettre leurs enfants au
sa carrière en 1957. Nourrie par cette         épatante), véritable force de la nature.      monde dans les pires conditions – dans
autobiographie, la scénariste et drama-        Jenny Lee, pour qui Londres est déjà un       les toilettes communes d’un immeuble,
turge Heidi Thomas a créé une série            monde nouveau, s’intègre à l’équipe et se     dans la cabine exiguë d’un cargo –,
étonnante dont les allures de « série          trouve vite devant des réalités humaines      quand ce n’étaient pas des adolescentes
d’époque » ne masquent jamais le carac-        dont elle ignorait l’existence.               ayant caché leur grossesse qui étaient
tère subversif.                                     Comme le rappelle en permanence          contraintes à accoucher seules, dans un
     Nous ne sommes plus ici dans le           le monceau de gravats empilés à l’entrée      coin sombre, sur une feuille de papier
milieu de la télévision ou dans la société     de Nonnatus House, les personnages            journal. Et s’il ne s’agissait que des
bourgeoise, mais à Poplar, dans l’East         vivent et travaillent dans un quar-           accouchements ! Un jour, Jenny Lee
End, le quartier le plus défavorisé de         tier qui, plus de dix ans après la fin du     découvre, en ouvrant une porte, une
Londres. Et il n’est pas question d’es-        conflit mondial, n’a pas encore bénéfi-       situation familiale qu’elle n’aurait jamais
pionnage, de complots ou de crimes             cié d’une reconstruction ou d’efforts de      osé soupçonner. Un autre jour, sœur
à élucider, mais de la vie quotidienne         réhabilitation. Chaque épisode dépeint        Julienne ( Jenny Agutter) lui décrit la
d’une poignée de sages-femmes et d’in-         la rencontre entre les soignantes et des      vie dans les workhouses, ces horribles
firmières et de la population dont elles       femmes, des hommes, des couples, des          établissements dans lesquels, en Angle-
s’occupent.                                    familles de Poplar dont la vie et l’état de   terre et au pays de Galles, jusqu’en 1948,
     En 1957, Jenny Lee ( Jessica Raine)       santé sont intimement liés aux années         des femmes pauvres et leurs enfants
arrive à Nonnatus House. Dans cette            de guerre et à la pauvreté endémique.         de tous âges étaient internés dans des

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conditions innommables et nourris en            conditions plus précaires les unes que les    comédiennes admirables, tournée dans
         échange d’un travail pénible, et au prix        autres, on les voit aussi vivre leur propre   des décors vivants, dotée d’une cinéma-
         d’impitoyables séparations. Au fil de la        vie, qu’il s’agisse des mésaventures de       tographie superbe mais jamais « esthé-
         série, nous suivons le travail des sages-       sœur Monica Joan ( Judy Parfitt), dont        tisante », cette série n’est pas une simple
         femmes auprès des femmes battues, de            l’excentricité est peut-être (ou peut-être    « série médicale en costumes ». Il s’agit
         celles que leur père prostitue, de celles       pas) le signe d’une démence sénile, ou        plutôt d’une remarquable entreprise
         qui meurent en couches alors que rien           de l’irrésistible idylle entre Chummy et      d’histoire populaire et d’un authentique
         ne le laissait présager…                        le constable Noakes (Ben Caplan). Et          manifeste féministe. g
              Et pourtant, en dépit de cette triste      pendant ce temps, à l’arrière-plan, une
         énumération, Call the Midwife n’est pas         relation secrète et interdite se noue, par
         du tout une série sinistre ou désespé-          petites touches, entre l’une des pension-     THE HOUR
                                                                                                       BBC, 2011-2012. Les deux saisons sont dis-
         rante. C’est une fiction extrêmement            naires de Nonnatus House et le docteur        ponibles en DVD et sur Netflix.
         délicate, et souvent aussi drôle que poi-       Turner (Stephen McGann), le généra-
         gnante. Avec intelligence, Heidi Tho-           liste veuf de Poplar…                         THE BLETCHLEY CIRCLE
         mas et ses coscénaristes réussissent à                Riche de toutes ces histoires, Call     Présentée à ITV en 2012-2013. Les deux sai-
         équilibrer rire et gravité. Et tandis que       the Midwife est, vous l’aurez compris,        sons sont disponibles en DVD et sur Netflix.
                                                                                                       La version française a été diffusée par ARTV
         Jenny la débutante découvre la cruauté          l’une des plus belles séries qu’on puisse     en 2014, sous le titre Enquêtes codées.
         de la vie, son séjour à Nonnatus House          voir aujourd’hui. Peut-être parce qu’elle
         est constamment égayé par les joutes            n’est pas peuplée de personnages ima-         CALL THE MIDWIFE
         verbales auxquelles se livrent Chummy           ginaires aux prises avec des situations       À BBC depuis 2012 ; SOS sages-femmes à
         et sœur Evangelina (Pam Ferris), et par         énigmatiques, mais par des figures qui        Télé-Québec, depuis 2013. Les saisons 1 à 4
                                                                                                       sont disponibles en DVD et en Blu-ray ; les
         les multiples « combines » organisées           nous ressemblent, et parce qu’elle décrit     saisons 1 à 3 sont sur Netflix.
         par Fred (Cliff Parisi), l’homme à tout         de manière crue, mais toujours avec
         faire du couvent.                               modestie et subtilité, ce qui fait la bru-
              Si l’on suit les soignantes lorsqu’elles   talité, l’absurdité et aussi, parfois, les
         vont accoucher des femmes dans des              bonheurs de l’existence. Servie par des

                                                                                   livres de poche

                                                 Montréal                                                                      Le conte
                                                 est aussi                                                                     d’Honoré
                                                 une femme                                                                     Beaugrand
                                                                                                                               porté à l’écran
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                                                                                                                                       groupefides.com
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