Maladies kystiques hépatiques non infectieuses

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Maladies kystiques hépatiques non infectieuses
POST’U (2022)

Maladies kystiques hépatiques
non infectieuses
    Vincent DI MARTINO
    Service d’hépatologie et de soins intensifs digestifs - CHU J Minjoz - 25000 BESANÇON
    vdimartino@chu-besancon.fr

                                             FDG : Fluorodésoxyglucose
                                             GANAB : neutral alpha-glucosidase AB           Introduction
                                             GGT : gamma-glutamyl transpepti­
                                             dase
Remerciements (sélection bibliogra­          GIST : Tumeurs stromales gastro-in­
phique, données iconographiques                                                             Les kystes hépatiques sont fréquem­
                                             testinales

                                                                                                                                      HÉPATOLOGIE
et révision critique) : Paul CALAME,                                                        ment rencontrés en pratique clinique
                                             GluIIβ : Glucosidase IIβ                       quotidienne. Ils rassemblent un
service d’imagerie Médicale, CHU J           IGF-1 : insulin growth factor 1
Minjoz, 25000 Besançon, France                                                              groupe de lésions hétérogènes qui
                                             IRM : imagerie par résonnance                  varient en fonction de leur pathoge­
                                             magnétique                                     nèse, leur présentation clinique, leur
                                             LRP5 : Low-density lipoprotein recep­          aspect en imagerie, et leur gravité
 OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES                      tor-related protein 5                          potentielle. Les kystes hépatiques
—	Connaître les manifestations clini­       mTOR : mechanistic target of                   bénins sont heureusement les plus
   ques et biologiques des maladies          rapamycin                                      fréquents, mais d’autres lésions, par­
   kystiques du foie                         OMS : Organisation Mondiale de la              fois difficiles à distinguer d’un kyste
                                             Santé                                          simple, peuvent être malignes, voire
—	Connaître leurs critères diagnos­
                                             PC1 : polycystine 1                            engager le pronostic vital. Plusieurs
   tiques
                                             PC2 : polycystine 2                            classifications des kystes hépatiques
—	Connaître le bilan à effectuer selon      PET-scan : tomographie à émission de           sont disponibles dans la littérature ;
   le diagnostic                             positrons                                      la plus répandue sépare les kystes
—	Connaître leurs complications et          PKD1 : gène codant pour la polycys­            hépatiques d’origine infectieuse et
   leur prise en charge                      tine 1                                         non infectieuse et, par extension,
                                             PKD2 : gène codant pour la polycys­            les kystes d’origine parasitaire et
                                             tine 2                                         non parasitaire du foie, car les abcès
 LIEN D’INTÉRÊTS
                                             PKH : polykystose hépatique                    à pyogènes, habituellement faciles
Aucun                                        PKHAD : polykystose hépatique auto­            à diagnostiquer du fait de leur pré­
                                             somique dominante                              sentation clinique et morphologique,
                                             PKHD1 : gène codant pour la fibro­             sont souvent exclus des algorithmes
 MOTS-CLÉS
                                             cystine                                        diagnostiques. Cette mise au point
Kystes biliaires ; polykystose hépatique ;   PKRAD : polykystose rénale autoso­             concerne uniquement les lésions kys­
maladie de Caroli ; Hamartomes ;             mique dominante                                tiques non parasitaires. Pour chacune
Tumeurs mucineuses kystiques.                PKRAR : polykystose rénale autoso­             d’entre elles sont communiquées les
                                             mique récessive                                hypothèses physiopathologiques,
                                             PRKCSH : Protein Kinase C Substrate            les données épidémiologiques, l’his­
 ABRÉVIATIONS                                80K-H                                          toire naturelle (en particulier le
ACE Antigène carcino-embryonnaire            PTEN : Phosphatase and tensin                  risque de transformation maligne),
ALG 8 : Alpha-1,3-Glucosyltransferase        homolog                                        le traitement et, bien sûr les clés
AMPc : Adénosine monophosphate               SEC63/SEC61B : gènes codant pour               du diagnostic radiologique. Ces
cyclique                                     des protéines transmembranaires du             dernières sont résumées et simpli­
APC : adenomatous polyposis coli             réticulum endoplasmique                        fiées, dans la figure 1, qui concerne
AUDC : Acide Ursodésoxycholique              TIPS : transjugukar Intrahepatic               les lésions fréquemment évoquées
AUROC : Area Under the Receiver              Portosystemic Shunt                            dans les discussions diagnostiques.
Operating Characteristics curve              TMK : tumeurs mucineuses kystiques             En dehors des kystes biliaires simples,
Ca 19-9 : Cancer antigen 19-9                TPI : tumeurs papillaires intracana­           qui dans leur présentation typique,
Ca 72-4 : Cancer antigen 72-4                laires                                         peuvent être diagnostiqués par une
CK : cytokératine                            UH : Unités Houndsfield                        simple échographie abdominale,
CPRE : Cholangiopancréatographie             VEGF : Vascular Endothelial Growth             toutes les autres lésions nécessitent
rétrograde endoscopique                      Factor                                         la réalisation d’un scanner ou d’une

                                                               219
Maladies kystiques hépatiques non infectieuses
Figure 1 : Aide-mémoire simplifié d’orientation diagnostique en imagerie                 la plus communément admise est la
                   devant la découverte d’un kyste hépatique                                dilatation kystique d’une voie biliaire
                                                                                            aberrante, ou d’un microhamartome
                                                                                            (cf. infra). Des microhamartomes ont
                                                                                            en effet été décrits associés aux kystes
                                                                                            biliaires dans des séries autopsiques,
                                                                                            alors fréquemment retrouvés dans la
                                                                                            paroi des kystes ou à distance, dans
                                                                                            les espaces portes. Ces microhamar­
                                                                                            tomes sont constitués d’un sac épithé­
                                                                                            lial en continuité avec les travées
                                                                                            hépatocytaires, mais sans communi­
                                                                                            cation canalaire.

                                                                                            L’histoire naturelle des kystes simples
                                                                                            reste imparfaitement connue. Cette
                                                                                            méconnaissance est influencée par les
                                                                                            circonstances de diagnostic (le plus
                                                                                            souvent fortuites) et la recommanda­
                                                                                            tion, justifiée, de ne pas entreprendre
                                                                                            de suivi morphologique chez les
                                                                                            patients atteints de kystes biliaires.
                                                                                            Avant le développement des explora­
                                                                                            tions morphologiques actuelles, les
                                                                                            kystes simples du foie étaient consi­
Seules les principales lésions kystiques sont répertoriées.
                                                                                            dérés comme rares. En fait, Leur
                                                                                            prévalence est de 2 à 5 % dans les
imagerie par résonance magnétique                des voies biliaires du syndrome de         séries échographiques (1,4) et peut
(IRM), soit pour leur caractérisation            Caroli et de la fibrose hépatique          même atteindre 18 % dans les séries
(ce qui nécessite alors toujours une             congénitale (1), reste peu utilisée en     tomodensitométriques (5), probable­
injection de produit de contraste),              France.                                    ment parce que le scanner permet
soit pour l’estimation volumétrique du                                                      de mieux distinguer des kystes de
parenchyme hépatique épargné (cas
                                                 Caractéristiques                           petite taille ou de localisation plus
de la polykystose hépatique). Dans               anatomopathologiques                       difficile à visualiser en échographie.
certaines situations diagnostiques               Le kyste biliaire se définit comme une     Certaines données concernant les
ambiguës, ou pour guider la discus­              cavité unique, contenant un liquide        kystes simples semblent toutefois
sion thérapeutique, d’autres outils              séreux, limpide ou citrin, pauvre en       admises : leur caractère exceptionnel
peuvent être utiles comme l’écho­                éléments cellulaires, et ne commu­         avant l’âge de 10 ans, leur fréquence
graphie de contraste, le PET-scan, la            niquant pas avec les voies biliaires       croissante avec l’âge avec un pic com­
ponction du liquide intra kystique, ou           intrahépatiques (2). Il est bordé d’un     pris entre 50 et 60 ans, et la prédomi­
la biopsie, et méritent d’être évoqués.          épithélium cubique ou cylindrique          nance féminine (sex ratio : 1,5 à 4/1),
Un résumé des connaissances sur le               analogue à celui des canaux biliaires.     encore plus marquée pour les kystes
diagnostic génétique des polykystoses            La composition du liquide intracavi­       volumineux et symptomatiques (1).
et son futur intérêt clinique est aussi          taire est proche de celle de la fraction   Dans 30 % des cas, on retrouve plu­
inclus dans cette mise au point.                 de secrétion biliaire indépendante des     sieurs kystes et plus rarement de
                                                 sels biliaires : même concentration        multiples kystes qui peuvent faire
                                                 hydroélectrolytique, faible concen­        évoquer le diagnostic de polykys­
                                                 tration en protéines, présence d’IgA       tose hépatique, voire de polykystose
Kystes biliaires                                 sécrétoires et de gamma GT à des           hépato-rénale, lorsque les reins sont
                                                 taux supérieurs aux concentrations         le siège de quelques kystes banaux.
                                                 sériques. Il n’existe aucun transfert      Il n’existe aucune localisation pré­
Les kystes biliaires simples sont                de grosse molécule entre le sang et        férentielle. Les kystes découverts à
actuellement les plus fréquentes des             le liquide intrakystique. Ces carac­       l’échographie mesurent en général
formations kystiques hépatiques. Ils             téristiques du liquide intrakystique       moins de 3 cm. Ils peuvent excep­
peuvent être localisés partout dans le           permettent de distinguer les kystes        tionnellement être de taille spectacu­
foie. L’appellation de « kyste biliaire »,       simples des kystes biliaires commu­        laire, jusqu’à 40 cm, ou contenir plus
justifiée par la présence d’un épithé­           nicants et des néoplasies kystiques.       de 10 litres de liquide. Les kystes de
lium analogue à celui des canaux                 Fait remarquable, le liquide des kystes    grande taille sont plus susceptibles
biliaires, est toujours la plus utilisée,        biliaires est riche en ACE dans 66 %       d’être symptomatiques ou de se com­
bien que jugée inopportune compte                des cas et riche en Ca19-9 dans 88 %       pliquer.
tenu de l’absence de communication               des cas (3).
de ces kystes avec les voies biliaires.                                                     Au cours du temps, les kystes biliaires
L’appellation « kyste simple », proposée         Histoire naturelle                         augmentent de taille dans moins de
dès les années 1980, bien que plus               L’origine des kystes biliaires n’est pas   20 % des cas. Les facteurs suscep­
adaptée pour bien les distinguer des             clairement élucidée. Elle est proba­       tibles d’influencer le développement
authentiques dilatations kystiques               blement congénitale, et l’hypothèse        des kystes restent mal connus. Ils

                                                                   220
Maladies kystiques hépatiques non infectieuses
Figure 2 : Exemples de kystes biliaires simples et compliqués                           pourraient impliquer la sécrétine,
                                                                                                  qui stimule la sécrétion des canaux
                                                                                                  biliaires, en lien avec une influence
                                                                                                  hormonale suggérée par la nette pré­
                                                                                                  dominance féminine, similaire à ce
                                                                                                  qui est clairement établi au cours de
                                                                                                  la polykystose hépatique (cf. infra).
                                                                                                  Le mécanisme n’a toutefois pas été
                                                                                                  élucidé.
                                                                                                  Diagnostic
                                                                                                  morphologique
                                                                                                  Dans la très grande majorité des cas,
                                                                                                  les kystes biliaires sont asympto­
                                                                                                  matiques et de découverte fortuite.
                                                                                                  L’aspect échographique correspond
                                                                                                  à une zone anéchogène, ronde, à
                                                                                                  limite nette sans paroi individuali­
                                                                                                  sable, avec un renforcement posté­
                                                                                                  rieur des échos. Les signes négatifs
                                                                                                  importants pour le diagnostic sont
                                                                                                  l’absence de cloisonnement interne,
                                                                                                  d’image endokystique et de calcifica­

                                                                                                                                           HÉPATOLOGIE
                                                                                                  tion, même si ces éléments peuvent
                                                                                                  être exceptionnellement présents,
                                                                                                  produisant alors des situations trom­
                                                                                                  peuses (tableau 1). En dehors de ces
                                                                                                  situations, de complications ou de
                                                                                                  contexte particulier, l’échographie
                                                                                                  représente le seul examen morpho­
                                                                                                  logique nécessaire et suffisant pour
                                                                                                  poser le diagnostic (1). Au scan­
A–C : Kyste biliaire simple. A. IRM en séquence axiale T2 avec saturation de la graisse. Kyste    ner (figure 2C), les kystes biliaires
biliaire en hypersignal T2 liquidien de contours polylobés (flèche). B. IRM en séquence axiale    sont des lésions arrondies, hypo­
T1 après injection de gadolinium au temps portal. Absence de rehaussement pariétal (flèche).      denses, sans modification de densité
C. Scanner abdominal après injection de contraste au temps portal montrant des lésions            (20 UH) après injection de produit de
hypodenses kystiques (étoile), bien limitées, sans paroi du segment IV et du lobe gauche.
                                                                                                  contraste. En cas de stéatose hépa­
D–E : Kyste biliaire infecté chez une patiente de 63 ans révélé par des douleurs fébriles         tique marquée, les kystes biliaires
de l’hypochondre droit. Aspects IRM. D. IRM en séquences axiales T2. Lésion kystique du
segment IV à paroi épaisse et de contenu hétérogène (tête de flèche). E. IRM en séquence
                                                                                                  peuvent être difficiles à individua­
axiale T1 après injection de gadolinium au temps portal. Prise de contraste de la paroi du        liser (6). En IRM (figures 2A,2B),
kyste biliaire en rapport avec l’infection kystique.                                              le kyste biliaire est homogène,
F–G : Kyste biliaire hémorragique chez une patiente de 76 ans révélé par des douleurs             hypointense en T1 et fortement
de l’hypochondre droit. Aspects IRM. F. IRM en séquence axiale T1 avec saturation de la           hyperintense en T2, comme toutes
graisse. Lésion kystique du foie droit en hypersignal T1 spontané en rapport avec l’hémorragie.   les lésions liquidiennes.
G. IRM en séquence axiales T2 montrant un contenu hétérogène du kyste hépatique en rapport
avec l’hémorragie. (P. Calame, CHU Besançon)

          Tableau 1: Principales situations pièges rencontrées dans l’examen morphologique des kystes biliaires

 Images pièges               Explications possibles                   Éléments rétablissant le diagnostic

 image d’allure solide       1	
                               Hémorragie intrakystique               1	
                                                                        Sédiment déclive (écho) hyperintense en T1 (IRM)
 dans le kyste               2	
                               Infection du kyste                     2	
                                                                        Epaississement pariétal / liquide trouble à la ponction
 ou sur sa paroi             3	
                               Rupture pariétale                      3	
                                                                        Epanchement péri-hépatique ; élément serpigineux intrakystique
                                                                        (TDM) mobile (echo) correspondant à la paroi rompue

 Présence de cloisons        1	
                               Plusieurs kystes accolés               1	
                                                                        Absence d’épaississement pariétal, de végétation, de prise
 (aspect évocateur                                                      de contraste des parois ou des cloisons, de dilatation biliaire
 de cystadénome),                                                       péri-lésionnelle, d’activité au PET scan. Présence d’indentation
 kyste d’allure                                                         des parois en regard des cloisons
 remaniée                    2	
                               Remaniements hémorragiques             2	
                                                                        Idem + Signal hyper T1 de la/des pseudo-cloisons
                             3	
                               Remaniements post sclérose             3	
                                                                        Anamnèse

 Calcification               1	
                               Remaniement                            1	
                                                                        Absence d’épaississement pariétal, de périkyste, de membrane
 pariétale                     post hémorragique ?                      proligère ou de vésicules filles évoquant un kyste hydatique
                                                                      1	
                                                                        Absence de bourgeon charnu ou de réhaussement après injection
                                                                        évoquant une lésion néoplasique
                                                                      1	
                                                                        Absence de cloison évoquant un cystadénome

                                                                      221
Maladies kystiques hépatiques non infectieuses
Complications                                  se faire dans la cavité péritonéale,      d’efficacité à long terme sur les symp­
                                               les voies biliaires ou le duodénum,       tômes en analyse multivariée était la
Les complications sont rares et
                                               et sont volontiers provoquées par         réduction du volume du kyste traité
concernent préférentiellement les
                                               une hémorragie intrakystique. Une         mesurée à 6 mois : en cas de dispa­
kystes de grande taille (6). On dis­
                                               rupture intrapéritonéale survenant        rition des symptômes, la réduction
tingue, par ordre décroissant de fré­
                                               chez une femme sous contracep­            du diamètre à 6 mois était de 79 %,
quence :
                                               tion œstroprogestative peut faire         versus 63 % en cas de diminution et
-	La gêne douloureuse provoquée               évoquer à tort le diagnostic de rup­      50 % en cas de persistance des symp­
   par un kyste volumineux mettant             ture d’adénome hépatique hémor­           tômes (9).
   en tension la capsule de Glisson.           ragique.
   Une ponction évacuatrice écho­                                                        Le traitement chirurgical consiste en
                                             Traitement
   guidée peut avoir un intérêt pour                                                     une fenestration ou marsupialisation
   imputer les douleurs au kyste lors­       Les kystes biliaires non compliqués ne      du kyste au sein de la cavité périto­
   qu’elle entraîne une disparition des      justifient aucun traitement ni aucun        néale (10). Elle consiste en la résec­
   douleurs.                                 suivi morphologique. L’intérêt d’un         tion chirurgicale de la partie saillante
                                             suivi morphologique ou d’un traite­         du kyste, dont le fond est recouvert
-	les compressions des organes de           ment préventif des kystes biliaires de      de séreuse. La chirurgie laparosco­
   voisinage (fréquence : 3 à 9 %) :         grande taille n’a, en particulier, jamais
                                                                                         pique est privilégiée, sauf pour les
   digestive (gastroduodénale), vas­         été démontré (2).
                                                                                         kystes de localisation postérieure,
   culaire (pouvant être responsable
   d’un syndrome cave inférieur              La simple ponction évacuatrice a            profonde, ou les kystes compliqués
   ou d’une hypertension portale),           surtout un intérêt diagnostique, son        du fait des remaniements de la paroi
   rénale, ou biliaire. La compression       effet n’étant que temporaire du fait        kystique. La kystectomie totale est
   de la convergence biliaire par un         de la persistance de l’épithélium           justifiée en cas de doute diagnostique
   volumineux kyste centro-hépa­             sécrétant du kyste. Elle reste essen­       avec un cystadénome. Une résection
   tique, entraînant un ictère choles­       tielle, isolée ou associée à un drainage    hépatique réglée est exceptionnel­
   tatique réversible après évacuation       écho-guidé, dans le traitement des          lement nécessaire et réservée à la
   du kyste, parfois révélée par une         kystes infectés. Dans les autres situa­     découverte d’une tumeur intrakys­
   angiocholite, est la compression          tions, les deux traitements utilisés        tique, aux hémorragies difficiles à
   mécanique la plus fréquente.              sont le traitement radiologique             contrôler, aux kystes centro-hépa­
                                             interventionnel percutané, asso­            tiques, ou aux volumineux kystes du
-	l’hémorragie intrakystique (fré­          ciant l’aspiration du liquide kystique      lobe gauche (11). Après fenestra­
   quence : 2 à 5 % ; figures 2F, 2G).       à l’injection d’un produit sclérosant       tion, la persistance ou la récidive de
   Elle est révélée par une douleur de       (éthanol, tétracycline, polidocanol         symptômes ne sont pas rares et ne
   l’hypochondre droit et une aug­           ou sérum salé hypertonique), ou le
                                                                                         seraient pas moins fréquentes que
   mentation du volume kystique. À           traitement chirurgical (2). La scléro­
                                                                                         ce qui est observé après sclérothé­
   l’échographie, il existe un contenu       thérapie vise à tarir la sécrétion du
                                                                                         rapie, contrairement à ce qui a été
   hétérogène et mobile au sein du           kyste par destruction de l’épithélium
                                                                                         rapporté par certains (10). C’est ce
   kyste et, parfois, lors de la lyse du     cavitaire. Après aspiration complète
                                                                                         que suggère une revue systématique
   caillot, des cloisons et des végéta­      du liquide, le produit sclérosant (le
                                             plus souvent l’alcool à 95°) est injecté    récente rapportant le suivi à 2 ans
   tions peuvent être visibles. Le dia­
   gnostic différentiel entre le kyste       et laissé en place 20 minutes avant         de 736 patients, dont 471 traités
   biliaire hémorragique et le cysta­        d’être réaspiré (7). Cette méthode          chirurgicalement. La persistance
   dénome est alors particulièrement         a longtemps été considérée comme            des symptômes était observée dans
   difficile (4). Il nécessite la réalisa­   contre-indiquée en cas de kystes            3,5 % des cas après sclérothérapie,
   tion d’une IRM qui visualisera un         hémorragiques, avant qu’une étude           2,1 % des cas après chirurgie lapa­
   hypersignal en T1 affirmant la com­       française n’affirme son innocuité           roscopique, et 4,2 % après chirurgie
   posante hématique (figure 2F), un         et son efficacité comparables en            conventionnelle. Compte tenu d’une
   signal T2 hétérogène (figure 2G) ou       présence ou non d’un contingent             morbidité plus élevée en cas de
   simplement plus intense que celui         hémorragique intra-kystique (8).            chirurgie comparée au traitement
   des autres kystes biliaires non com­      Les deux inconvénients de cette             percutané, les auteurs recomman­
   pliqués éventuellement présents,          méthode sont le risque de douleurs          daient de réserver la chirurgie aux
   et surtout l’absence de prise de          lors de l’injection, et de récidive des     échecs du traitement percutané (12).
   contraste de la paroi et des cloisons.    symptômes à distance du traitement.         Cette recommandation restera toute­
                                             Une revue systématique récente              fois discutable tant qu’aucune rando­
-	l’infection bactérienne (1 % des          de 588 kystes biliaires symptoma­           misée comparant ces deux stratégies
   cas ; figures 2D, 2E). Elle peut être     tiques traités par sclérothérapie chez      thérapeutiques n’aura été réalisée.
   iatrogène ou spontanée. Sa présen­        526 patients avec un suivi médian de        On ne peut en effet éliminer l’in­
   tation clinique et morphologique          20 mois a documenté une diminution          fluence d’un biais de publication dans
   mime celle d’un abcès hépatique           des symptômes dans plus de 72 %             les données actuellement disponibles
   et justifie sans doute la recherche       des cas et leur disparition complète        dans la littérature.
   d’une porte d’entrée digestive            dans plus de 50 % des cas, ce qui
   lorsque une entérobactérie est en         était interprété comme un excellent
   cause (cas le plus fréquent).             résultat (7). Dans une méta-analyse
-	Les ruptures pariétales sont excep­       de données individuelles rassemblant
   tionnelles et brutales. Elles peuvent     86 patients, le seul facteur prédictif

                                                               222
tose rénale, une fibrose hépatique                ture hépatique hétérogène diffuse.
Hamartomes                                        congénitale et/ ou une Maladie de                 Les hamartomes supracentimétriques
                                                  Caroli. Cliniquement, cette affection             peuvent apparaître hypoéchogènes
                                                  bénigne reste asymptomatique au                   ou anéchogènes avec une image « en
Les hamartomes, également appelés
                                                  cours de la vie et ne nécessite aucune            queue de comète » qui correspond à
complexes de Von Meyenburg, hamar­
                                                  prise en charge ni confirmation histo­            un artéfact de réverbération des petits
tomes biliaires ou microhamartomes
                                                  logique chez les patients présentant              kystes et peuvent être interprétées à
biliaires, sont de petits nodules non
                                                  une présentation d’imagerie typique.              tort comme des calculs intrahépa­
encapsulés (généralement < 5 mm),
                                                                                                    tiques. Au scanner, les complexes de
bien circonscrits, constitués de voies            Imagerie                                          Von Meyenburg apparaissent comme
biliaires de forme irrégulière, souvent
                                                                                                    de multiples lésions hypodenses, qui
dilatées, bordées par un épithélium               Les hamartomes sont fréquemment
                                                                                                    ne se réhaussent pas après injec­
cubique bas, enchâssé dans un stroma              découverts de façon fortuite lors
                                                                                                    tion de produit de contraste. L’IRM
collagène dense (13). On pense que les            d’examens d’imagerie réalisés pour
                                                                                                    (figures 3D, 3E, 3F), met en évidence
hamartomes sont la conséquence d’un               d’autres raisons. Ils se présentent le
                                                                                                    des lésions clairement délimitées
remodelage interrompu de la plaque                plus souvent sous la forme de petites
                                                                                                    qui apparaissent hypointenses en T1
ductale au cours de la phase tardive,             lésions kystiques (moins de 1 cm),
                                                                                                    et nettement hyperintenses en T2,
lorsque se produit le développement               nettement délimitées et de taille
                                                                                                    formant alors un aspect caractéris­
des voies biliaires intrahépatiques de            globalement uniforme, dispersées
                                                                                                    tique de « ciel étoilé » ou de « tempête
petite taille, et qu’ils sont générale­           dans tout le parenchyme hépatique.
                                                                                                    de neige » en T2. Les voies biliaires
ment adjacents aux zones portales.                Ils sont le plus souvent très nombreux.
                                                                                                    intra- et extrahépatiques ne sont
Les hamartomes biliaires constituent              On parle alors d’hamartomatose. À
                                                                                                    généralement pas dilatées et ne
la variante la plus fréquente de la               l’examen échographique, les petits
                                                                                                    communiquent pas avec les kystes (6).

                                                                                                                                                    HÉPATOLOGIE
maladie hépatique fibropolykystique,              hamartomes sont généralement
survenant chez environ 0,6 % à 2,8 %              échogènes. Les hamartomes millimé­                Les hamartomes peuvent être difficiles
de la population générale. Les hamar­             triques ne peuvent pas être identifiés            à caractériser en raison de leur petite
tomes peuvent être associés à des                 comme tels et sont généralement                   taille. Le diagnostic différentiel avec
kystes biliaires simples, une polykys­            interprétés comme une échostruc­                  des métastases hépatiques multiples

                                               Figure 3 : Anomalies de la plaque ductale

A–C : Syndrome de Caroli chez un patient de 47 ans découvert à l’occasion d’un épisode d’angiocholite. A. IRM en séquence axiale T2
montrant des lésions kystiques hépatiques en hypersignal T2 liquidien, communiquant avec les voies biliaires. B. Séquences de cholangio-IRM
en 2D radiaires. Dilatations kystiques des voies biliaires en doigt de gants (tête de flèche) sans sténose à l’origine des dilatations. C. IRM en
séquence axiale T1 après injection de gadolinium au temps portal. « dot sign » (cercle rouge) correspondant à la visualisation d’un vaisseaux
porte au sein d’un kyste hépatique.
D–F : Exemples d’hamartomatoses biliaires. D. IRM en séquence axiale T2. Innombrables lésions kystiques en hypersignal T2 infracentimé­
triques de l’ensemble des segments hépatiques. E. Séquences de cholangio-IRM en 2D radiaires. Innombrables lésions kystiques hépatiques
millimétriques réalisant un aspect en « ciel étoilé ». F. Séquences de cholangio-IRM en 2D radiaires. Multiples lésions kystiques hépatiques de
plus grosse taille en rapport avec des hamartomes biliaires.

                                                                      223
de petite taille est rarement résolu à       carcinome qui a fourni la première         Origine et histoire naturelle
l’échographie seule, ce qui justifie le      démonstration moléculaire de l’asso­       La maladie de Caroli est une maladie
recours à une imagerie en coupe, où la       ciation entre ces deux lésions, la perte   génétique dont le mode de trans­
taille uniforme des kystes et l’absence      d’hétérozygotie au niveau de 20 loci       mission principal est autosomique
de toute prise de contraste lésionnelle      clés avait été examinée au sein du         récessif. On évoque plusieurs hypo­
rétabliront facilement le diagnostic.        cholangiocarcinome, des hamartomes         thèses pour expliquer le dévelop­
On a toutefois décrit la possibilité         éloignés de la tumeur, et des lésions      pement précoce des dilatations
d’un réhaussement nodulaire mural            intermédiaires où était observée la        kystiques des voies biliaires qui la
partiel après injection de contraste.        transition de l’hamartome vers le          caractérisent : une occlusion néona­
Cela dépend de la nature du stroma           cholangiocarcinome. Pour certains          tale de l’artère hépatique à l’ori­
péri-kystique et de la présence d’une        loci, une même perte d’hétérozygotie       gine d’ischémie biliaire, sténose et
branche porte anormale. En cas de            était ainsi observée dans les hamar­       dilatations secondaires (hypothèse
contexte carcinologique, un recours          tomes et les cholangiocarcinomes.          peu probable qui explique mal les
à la biopsie, bien que de rentabilité        Elle affectait les oncogènes p16, p53,     dilatations fusiformes visibles sans
médiocre compte tenu de la petite            APC et PTEN, bien connus pour être         sténose), un développement anormal
taille des lésions, peut alors être tenté,   impliqués dans le développement du         de l’épithélium biliaire et du tissu
et un suivi morphologique indispen­          cholangiocarcinome (18).                   avoisinant, et une involution incom­
sable (14).                                                                             plète de la plaque biliaire qui entoure
                                             Ces données histologiques et molécu­
                                             laires récentes justifient en pratique     les branches portales au cours du
Histoire naturelle                                                                      développement embryonnaire (4). La
                                             clinique la surveillance morpholo­
Les complications des hamartomes             gique régulière des patients atteints      maladie de Caroli est associée à un
sont extrêmement rares. Un seul cas          d’hamartomes. À la lumière de ces          risque accru de cholangiocarcinome,
de transplantation hépatique pour des        données, la survenue d’un ictère,          100 fois supérieur à celui de la popu­
angiocholites à répétition attribuées,       d’une augmentation de l’alpha fœto­        lation générale, dont l’incidence est
peut-être à tort, à des hamartomes           protéine, ou d’une image intrakystique     de 5 % à 10 %. Bien que présente dès
a été rapporté (15) et la survenue           chez un patient porteur d’hamar­           la naissance, la maladie peut rester
de complications liées à la fibrose          tomes doit faire craindre l’apparition     longtemps asymptomatique, pendant
hépatique congénitale possiblement           d’un cholangiocarcinome et poser           les 20 premières années, voire tout au
associée n’a pas été spécifiquement          l’indication d’une résection chirurgi­     long de la vie. Elle peut au contraire
décrite chez les patients atteints           cale (19).                                 se manifester dès l’enfance. Lorsqu’ils
d’hamartomes. Les hamartomes sont                                                       sont symptomatiques, la majorité des
généralement considérés comme                                                           patients ont une franche altération
bénins, mais plusieurs cas cliniques                                                    de leur qualité de vie. La maladie
ont suggéré qu’il existait un risque         Maladie de Caroli                          se manifeste fréquemment par une
de transformation en cholangiocar­                                                      fièvre récidivante, un ictère et/ ou
cinome (13). Certaines observations                                                     des douleurs de l’hypochondre droit.
                                             La maladie de Caroli est une maladie       L’angiocholite aiguë est en effet
histologiques des pièces d’exerèse,
                                             congénitale bénigne, caractérisée par      le principal mode de présentation
particulièrement convaincantes, ont
                                             une dilatation kystique segmentaire        (64 % des patients) et la première
décrit la transition sans perte de
                                             uni ou bilobaire des voies biliaires       cause de mortalité de ces patients.
continuité entre l’épithélium bénin,
                                             intrahépatiques. Sa description a été      Habituellement causée par des
une transformation épithéliale hyper­
                                             faite en 1958 par Jacques Caroli. Son      bacilles à Gram négatif, elle récidive
plasique, dysplasique, et une progres­
                                             incidence est estimée à 1/1 000 000.       fréquemment et finit par résister aux
sion adjacente vers un carcinome
                                             Elle touche autant les hommes que les      antibiotiques. L’hypertension portale
invasif (16,17). Ce phénomène a été
                                             femmes, et plus de 80 % des cas sont       secondaire à la fibrose hépatique
corroboré par des analyses molécu­
                                             diagnostiqués avant l’âge de 30 ans.       congénitale est présente dans 20 % à
laires documentant la présence des
mêmes mutations entre le cholangio­          Il existe deux formes de la maladie,       50 % des cas et peut se compliquer
carcinome et les hamartomes (18). Les        l’une associée à une fibrose hépatique     d’hypersplénisme et de rupture de
changements génétiques moléculaires          congénitale, aussi appelée syndrome        varices œsophagiennes (20).
spécifiques pour la transformation           de Caroli, et l’autre, simple, survenant   Biologiquement, on observe généra­
des hamartomes en cholangiocar­              seule. La forme simple serait moins        lement une cholestase chronique. La
cinome n’ont pas été définitivement          fréquente et associée à une atteinte       fonction hépatique reste longtemps
établis. Contrairement aux adénomes          plus focalisée. La maladie de Caroli       préservée. L’hyperleucocytose à poly­
des voies biliaires, les mutations BRAF      s’accompagne d’une incidence accrue        nucléaires neutrophiles, possible
observées dans certains cholangio­           de lithiase biliaire, d’angiocholites et   malgré l’hypersplénisme, s’observe
carcinomes intrahépatiques ne sont           d’abcès du foie. L’absence de cirrhose     au cours des épisodes d’angiocholite.
pas présentes dans les complexes             lors du diagnostic est habituelle. Une
de Von Meyenburg (13). Des études            hypertension portale secondaire à la       Imagerie
récentes ont suggéré que des change­         fibrose hépatique congénitale peut         La clé du diagnostic radiologique
ments génétiques séquentiels étaient         en revanche déjà être présente. La         de la maladie de Caroli repose sur
nécessaires à la transformation des          maladie de Caroli peut être associée       la démonstration d’une communi­
hamartomes bénins en cholangiocar­           à plusieurs atteintes rénales : polykys­   cation entre les lésions kystiques
cinome invasif. Dans l’étude portant         tose rénale récessive de l’enfant,         et les canaux biliaires normaux (6)
sur deux patients atteints d’hamar­          rein éponge, et maladie de Cacchi et       (figure 3A). Cela peut être vu en écho­
tomatose associée à un cholangio­            Ricci (1).                                 graphie ou en tomodensitométrie,

                                                               224
mais c’est la cholangio-IRM qui est la       abcès, des septicémies, a fortiori         souvent classée simplement parmi les
plus rentable, car elle visualise l’inté­    associées à une cirrhose biliaire          maladies kystiques congénitales des
gralité des voies biliaires. Trois aspects   secondaire, l’hépatectomie n’est plus      voies biliaires intrahépatiques, au
principaux de maladie de Caroli sont         possible et la transplantation hépa­       même titre que les hamartomes ou la
décrits en cholangio-IRM : 1) une            tique doit être proposée (21). Elle        maladie de Caroli.
forme associant multiples ectasies           peut être réalisée malgré la présence
kystiques et dilatations fusiformes          d’une infection biliaire tant que le       Épidémiologie et génétique
(figure 3B) ; 2) une forme associant         patient est stable. Ses résultats sont     PKH associée à la polykystose
dilatations fusiformes isolées avec          satisfaisants à long terme, avec une       rénale autosomique dominante
calculs multiples ; et 3) une forme          survie à 5 ans comprise entre 77 et        (PKRAD)
localisée au lobe gauche, associant          86 % dans les 3 séries publiées. La
dilatations, kystes et calculs multi­        transplantation a aussi le mérite de       La PKRAD est une maladie génétique
ples (4). Au scanner avec injection,         prévenir le développement du cholan­       monogénique fréquente, dont la
outre la communication des kystes            giocarcinome, et la maladie de Caroli      prévalence est de l’ordre de 1/1 000.
avec voies bilaires, on décrit un signe      ne récidive jamais sur le greffon.         La PKH est le symptôme extrarénal
spécifique : le dot sign. Il correspond      Lorsque qu’un cholangiocarcinome           le plus courant de la PKRAD, qui
à une branche portale de petite taille       est présent, la transplantation est        concerne 90 % des patients atteints
entourée de voies biliaires dilatées (6).    contre-indiquée compte tenu d’un taux      de PKRAD. Des mutations dans deux
Ce signe peut également être mis             de récidive élevé post transplantation.    gènes (PKD1 et PKD2) provoquent le
en évidence en IRM (figure 3C) ou            Lorsqu’une fibrose hépatique congé­        développement de la PKRAD. Le gène
en écho-doppler. La CPRE à visée             nitale est présente, la transplantation    PKD1 est situé sur le chromosome 16
diagnostique est contre indiquée car         peut aussi être le recours aux formes      et code pour une protéine appelée
elle peut favoriser les épisodes d’an­       d’hypertension portale invalidantes,       polycystine-1 (PC1). Des mutations de

                                                                                                                                   HÉPATOLOGIE
giocholite. Dans les formes associées        avec ascite réfractaire ou hémorragies     ce gène sont retrouvées chez plus de
à la fibrose hépatique congénitale, le       digestives récidivantes non contrô­        80 % des malades atteints de PKRAD.
foie est dysmorphique et les signes          lées par la mise en place d’un TIPS,       Le gène PKD2 est situé sur le chro­
morphologiques en rapport avec               ou contrôlées au prix d’une encépha­       mosome 4, et est responsable des cas
l’hypertension portale, au premier           lopathie hépatique chronique. Dans         restants. Il code pour la polycystine-2
rang desquels les voies de dérivation        tous les cas, un accès dérogatoire au      (PC2). PC1 et PC2 sont exprimées dans
veineuses, peuvent être au premier           greffon doit être demandé à l’agence       le cil primaire des cellules tubulaires
plan.                                        de la Biomédecine sous la forme d’une      rénales et de cholangiocytes. PC1 agit
                                             « composante expert » (21).                comme un mécanorécepteur sensible
L’ensemble de ces anomalies rend                                                        aux flux liquidiens. PC2 est complexée
très difficile le diagnostic de cholan­                                                 à PC1 et le complexe PC1-PC2 régule
giocarcinome, dont le risque d’appa­                                                    la concentration de calcium intracel­
rition justifie un suivi morphologique                                                  lulaire. PC2 est aussi impliquée dans
régulier des patients atteints de
                                             Polykystose hépatique                      la maturation glycoprotéique de PC1
maladie de Caroli. La comparaison des                                                   dans le réticulum endoplasmique. En
cholangio-IRM successives peut ainsi         La polykystose hépatique (PKH) est         cas de PKRAD, il existe une défaillance
permettre de mettre en évidence un           une maladie héréditaire rare et carac­     dans la production, la maturation et
syndrome de masse ou une distorsion          térisée par la présence de multiples       l’adressage de PC1 aboutissant à la
des voies biliaires dilatées.                kystes diffus du foie. Elle peut être      baisse de la concentration de calcium
                                             isolée (PKH isolée) ou, le plus souvent,   intracellulaire. Cette baisse de concen­
Traitement                                   associée à la polykystose rénale auto­     tration calcique active les voies mTOR,
Le traitement de la maladie de Caroli        somique dominante (PKRAD), ou à la         MAP-kinase, WNT et β-caténine qui
dépend de ses conséquences cliniques         polykystose rénale autosomique réces­      stimulent la prolifération cellulaire
et de la localisation de l’atteinte          sive (PKRAR), beaucoup plus rare.          et la sécrétion du fluide kystique.
biliaire. Le traitement conservateur         Les mécanismes impliqués dans la           D’autres mutations ont été décrites,
doit être privilégié, associant antibio­     genèse des kystes ne sont pas encore       touchant les gènes LRP5 (dont la
thérapie lors des épisodes d’angio­          tous parfaitement élucidés. On sait        protéine interagit avec les protéines
cholite, acide ursodésoxycholique, et        que dans la PKRAD, ils impliquent un       transmembranaires Frizzled pour
traitement endoscopique pour extrac­         dysfonctionnement des cils primaires       moduler la transduction de la voie
tion des calculs intrahépatiques acces­      des cellules épithéliales biliaires, qui   WNT/β-catenine), GANAB (impliqué
sibles. La chirurgie est réservée aux        régulent la concentration de calcium       dans le repliement des protéines),
formes symptomatiques ayant résisté          intracellulaire. La baisse de calcium      ALG9 (impliqué dans la glycosylation
aux traitements conservateurs. Dans          intracellulaire entraîne l’activation      des protéines), et DZIP1L (impliqué
les formes localisées au foie droit ou,      de plusieurs voies qui stimulent la        dans le transport de PC1 et PC2 à la
le plus souvent, au foie gauche, une         prolifération des cholangiocytes et        membrane du cil primaire) (23).
hépatectomie droite ou gauche sera           la sécrétion du fluide kystique. Les
                                                                                        PKH associée à la polykystose
proposée. La morbidité est faible,           polykystoses sont ainsi classées dans
                                                                                        rénale autosomique récessive
la mortalité quasiment nulle, et la          le cadre nosologique des ciliopa­
                                                                                        (PKRAR)
survenue de tumeurs malignes après           thies (22). La dysplasie congénitale
résection hépatique n’a jamais été           des voies biliaires observée dans la       La PKRAR est assez rare avec une
décrite (4). Lorsque l’atteinte est          PKH pourrait toutefois avoir d’autres      incidence d’environ 1/20 000. Elle
diffuse sur les deux lobes, qu’il existe     mécanismes non encore élucidés,            survient souvent chez les enfants,
des angiocholites à répétition, des          raison pour laquelle la PKH est encore     dont 30 % meurent d’une dysplasie

                                                               225
pulmonaire sévère et d’une insuf­          en moyenne 20 ans après comparé           d’insuffisance hépatique. On observe
fisance respiratoire secondaire,           aux formes PKD1, confirmer, chez          fréquemment des anomalies biolo­
associée à une dilatation du canal         l’enfant, une forme PKD1 débutante,       giques hépatiques, principalement
collecteur rénal, une dysplasie des        ou réorienter le diagnostic (27). Dans    d’allure cholestatique, en rapport avec
voies biliaires et une fibrose portale.    le cas de formes avec quelques kystes     la compression des canaux biliaires,
À l’heure actuelle, une mutation du        rénaux et une atteinte polykystique       l’activation des cellules biliaires, ou
gène PKHD1 sur le bras court du chro­      hépatique, le diagnostic génétique,       les anomalies de la microcirculation.
mosome 6 codant pour la fibrocystine       en affirmant l’absence de mutation        45 % des patients atteints de polykys­
(FC), une protéine dont la fonction est    PKD1 et PKD2, et la présence d’un         tose hépatique ont une augmentation
encore mal connue, mais qui pourrait       variant PRKCSH, peut confirmer le         du CA19-9 avec un degré d’élévation
être impliquée la stimulation de PC2,      diagnostic de polykystose hépatique       positivement corrélé au volume du
s’avère être la principale anomalie        isolée et affirmer un risque nul d’in­    foie polykystique (29).
génétique associée à la PKRAR (24).        suffisance rénale (27). Néanmoins,
                                           seules 30 à 45 % des PKH isolées ont      Les facteurs de risque de la survenue
PKH isolée ou PKHAD                                                                  de symptômes chez les patients
                                           une mutation connue, et c’est la prin­
La PKH isolée est une maladie à trans­     cipale raison pour laquelle il n’existe   atteints de PKRAD sont l’âge avancé
mission autosomique dominante à            pas actuellement de recommandation        (effet plus marqué pour les hommes
pénétrance faible (
récidiver et entraîner une anémie                             Figure 4 : Exemples de polykystoses hépatiques
ferriprive (32). L’infection des kystes
hépatiques, (dont l’incidence est de
0,1 %/patient/an) concerne le plus
souvent une entérobactérie. Elle
entraine une fièvre, un syndrome
inflammatoire biologique, et une aug­
mentation significative de CA19-9,
dont la diminution témoigne de
l’efficacité du traitement antibio­
tique (24).

Imagerie
Le diagnostic de PKH est généra­
lement posé lorsque le nombre de
kystes hépatiques est supérieur à
20, ou supérieur à 4 chez un patient
aux antécédents familiaux de PKHAD
isolée (24). Le type de PKH peut être
difficile à identifier car les patients
atteints de PKHAD peuvent avoir des
kystes rénaux, tandis que les patients
atteints de PKRAD ou de PKRAR

                                                                                                                                              HÉPATOLOGIE
peuvent avoir des kystes hépatiques
seuls en cause dans l’expression
clinique de la maladie polykystique.

En imagerie, les kystes, de taille
variable mais souvent supracentimé­
triques, ont toutes les caractéristiques
des kystes simples : bien limités, à
parois fines, sans cloison ni végéta­
tion murale, et avec un renforcement
postérieur à l’échographie. Lorsque le
nombre de kystes est très important,
l’architecture du foie est remaniée,
entraînant une perte des repères
                                            A–B : Polykystose hépatique non compliquée. A. Scanner abdominal en coupe axiale après
anatomiques et vasculaires habi­            injection de produit de contraste au temps portal. Multiples kystes hépatiques hypodenses,
tuels (1). Les remaniements intrakys­       bien limités intéressant l’ensemble des segments hépatiques. B. Même scanner, reconstruc­
tiques secondaires aux hémorragies          tion coronale. Augmentation en volume du foie conséquences des multiples kystes biliaires.
et aux infections sont fréquents. En        C–D : Polykystose hépatique chez une patiente symptomatique de 44 ans. C. IRM en
imagerie en coupe, la paroi des kystes      séquence axiale T2 sans saturation du signal de la graisse. Kyste prédominant du foie droit
ne se rehausse pas après injection de       (tête de flèche). D. IRM en séquence axiale T2. Contrôle 3 mois après alcoolisation percutanée
produit de contraste et on observe          du kyste prédominant.
rarement des calcifications (figure 4).     E–F : Polykystose hépatique chez un patient de 54 ans révélée par un ictère non fébrile. E.
L’IRM est surtout utile en cas de           IRM en séquence axiale T2 avec saturation du signal de la graisse. Polykystose hépatique avec
                                            multiples kystes péri-hilaires comprimant le hile hépatique associé à une dilatation des voies
complication, pour visualiser un signal
                                            biliaires d’amont (tête de flèche). F. IRM en séquence coronale T2 avec saturation du signal
hyperintense en T1, signe d’hémor­          de la graisse. Dilatation des voies biliaires intra hépatiques du lobe gauche (tête de flèche).
ragie intrakystique (1). La localisation
de kystes infectés peut être difficile
en imagerie conventionnelle du fait
de la fréquence élevée de remanie­          Traitement                                        mTOR seuls ou en association avec un
ments kystiques secondaires à des                                                             analogue de la somatostatine n’ont
                                            Traitement médical
épisodes hémorragiques antérieurs.                                                            finalement pas été concluants (24).
Le PET-scan peut alors être très utile      Les deux seuls traitements médicaux
                                            ayant montré un intérêt au cours                  Analogues de la somatostatine
pour localiser le ou les kystes infectés,
ou infirmer le diagnostic d’infection       des polykystoses hépatiques sont                  Les analogues de la somatostatine
kystique en identifiant un foyer infec­     les analogues de la somatostatine et              représentent une stratégie théra­
tieux extrahépatique (23).                  l’acide ursodésoxycholique. Les inhi­             peutique potentielle en raison de
                                            biteurs de mTOR ont été étudiés dans              leur capacité à supprimer la produc­
L’imagerie permet de dénombrer les          cette indication après qu’une réduction           tion d’AMPc, et par conséquent la
kystes, préciser leur taille et le volume   du volume hépatique a été rapportée               sécrétion du liquide intrakystique.
de parenchyme épargné par les kystes.       chez certains greffés rénaux atteints             Plusieurs études ont rapporté les
Ces paramètres sont inclus dans les         de polykystose hépatique traités par              effets bénéfiques attribués à l’admi­
classifications de Gigot (1997) et de       sirolimus mais les essais thérapeu­               nistration d’analogues de la soma­
Schnelldorfer (2009) (Tableau 2).           tiques évaluant les inhibiteurs de                tostatine à la fois dans des modèles

                                                                227
Tableau 2 : Classifications des polykystoses hépatiques

                                                     Classificatrion de Gigot

                       Nombre de kystes                    taille                                   Volume de Parenchyme épargné

 Gigot type I          < 10                                > 10 cm                                  Important
 Gigot type II         Multiples                           Petite ou moyenne                        Important
 Gigot type III        Multiples                           Petite ou moyenne                        Faible

                                    Classification de Schnelldorfer des polykystoses hépatiques

                       Symptomes               Caractéristiques                 Volume                Obstruction portale ou
                                               des kystes                       de Parenchyme         sushépatique dans le territoire
                                                                                épargné               préservé par les kystes

 Type A                Absents ou discrets     Indifférent                      Indifférent           Indifférent
 Type B                Modérés à sévères       Nombre limité, Gros kystes       > 2 secteurs          Absente
 Type C                Sévères                 Indifférent                      > 1 secteur           Absente
 Type D                Sévères                 Indifférent                      < 1 secteur           Présente

animaux de PKH et chez des patients.         biliaire caractéristique des modèles              atteints de PKRAD n’était pas constaté
Chez des rats traités à l’octréotide,        expérimentaux de cholestase obstruc­              chez les patients atteints de PKH
une réduction significative des taux         tive. Au cours des PKH, l’effet de                isolée (36).
d’AMPc, du volume kystique hépa­             l’AUDC a été évalué dans des modèles
                                                                                               Traitement percutané
tique, du poids du foie, et de la fibrose    précliniques et dans un seul essai
sont observés corrélés à la dose et à        clinique. L’administration chronique              La ponction aspiration et sclérose
la durée du traitement (33). Plusieurs       d’AUDC à de jeunes rats atteints de               telle que décrite plus haut pour les
essais cliniques ont été réalisés pour       PKH a bloqué la cystogenèse et la                 kystes biliaires symptomatiques peut
évaluer l’efficacité et l’innocuité de       fibrose hépatique et a amélioré leur              aussi être réalisée en cas de douleurs
l’octréotide et du lanréotide chez les       condition physique. Un effet inhibi­              focales chroniques en rapport avec
malades atteints de PKH associée             teur de l’AUDC sur l’hyperprolifération           un kyste de plus de 4 cm mal situé
ou non à une PKR. L’effet maximal            des cholangiocytes kystiques était                (figures 4C,4D). Elle est efficace
est observé pendant les 6 premiers           observé tant à l’état basal qu’après              dans 66 % des cas mais des récidives
mois sous la forme d’une réduction           stimulation par des acides biliaires              tardives peuvent s’observer, justifiant
significative mais modérée (-5 %) du         promitotiques. L’AUDC a diminué la                de répéter le geste. Le drainage des
volume total du foie, associée à une         concentration hépatique des acides                kystes infectés est indiqué an cas
amélioration de la qualité de vie. Ces       biliaires les plus cytotoxiques et                d’échec du traitement antibiotique.
bénéfices seraient surtout observés          a normalisé la concentration des                  L’embolisation artérielle, destinée à
chez les femmes. Malheureusement,            acides biliaires dans la bile des rats            interrompre la vascularisation des
plusieurs effets secondaires (calculs        atteints de PKH. Ces effets bénéfiques            kystes (qui provient exclusivement
vésiculaires, diarrhée, nausées,             ont été associés à la normalisation               de l’artère hépatique), a montré dans
vomissements, étourdissements et             du calcium intracellulaire dans les               quelques études asiatiques une réduc­
maux de tête) limitent l’utilisation de      cholangiocytes kystiques (35). Ces                tion du volume des kystes comprise
ces molécules, tout comme l’absence          données positives ont encouragé la                entre 33 % et 90 % à 1 an, avec un
d’effet durée : un traitement prolongé       réalisation d’un essai clinique inter­            effet positif sur les symptômes. Ces
de 12 mois pour le lanréotide ou             national multicentrique de phase 2                résultats n’ont néanmoins pas été
jusqu’à 4 ans pour l’octréotide, n’a en      pour évaluer l’effet de l’AUDC (15 à              reproduits par d’autres auteurs, qui
effet pas donné de meilleurs résultats       20 mg/kg/j pendant 6 mois) chez                   ont rapporté un taux d’échec de 70 %
qu’un traitement de 6 mois. Le seul          les patients atteints de PKH sympto­              et un risque d’insuffisance hépatique.
intérêt du traitement prolongé serait        matiques avec une maladie avancée                 L’embolisation artérielle n’a donc pas
de maintenir les effets bénéfiques et        (> 20 kystes et volume hépatique                  encore de place dans l’arsenal théra­
prévenir un effet rebond sur le volume       > 2 500 ml). Globalement, l’AUDC a                peutique des polykystoses hépatiques.
hépatique (22). Malheureusement,             entraîné une diminution de la GGT et              Elle pourrait à l’avenir faire l’objet
les patients traités plus de 18 mois         des phosphatases alcalines, mais n’a              d’essais contrôlés versus chirurgie
par des analogues de la somatos­             pas entrainé de modification significa­           ou être testée comme traitement
tatine peuvent perdre du poids et            tive du volume hépatique. En analyse              adjuvant (24).
développer une sarcopénie (34).              de sous-groupes, une augmenta­
En conclusion, malgré leur rationnel         tion significative à la fois du volume            Traitement chirurgical
séduisant, les analogues de la soma­         hépatique (+4,6 %) et du volume                   Fenestration
tostatine ont un intérêt limité en pra­      des kystes hépatiques (+20 ml) était              Contrairement à la ponction aspi­
tique.                                       observée chez les patients atteints               ration sclérose, qui s’adresse à seul
                                             de PKRAD non traités, alors qu’au­                kyste qui pose problème, la fenestra­
Acide ursodésoxycholique
                                             cune modification de ces paramètres               tion est souvent utilisée pour le traite­
L’acide ursodésoxycholique (AUDC)            n’était constatée sous AUDC. Cet effet            ment de plusieurs kystes, c’est-à-dire
est capable d’inhiber l’hyperplasie          bénéfique observé chez les patients               pour des patients classés Gigot I-II

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