Perturbation du bilan hépatique et traitement anticancéreux
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POST’U (2021) Perturbation du bilan hépatique et traitement anticancéreux Eleonora DE MARTIN Centre Hépato-Biliaire, Hôpital Paul Brousse - Unité INSERM 1193 - 12-14, av. Paul-Vaillant-Couturier, 94800 Villejuif eleonora.demartin@aphp.fr Si une infection virale est détectée, l’in- Introduction dication à la mise en place d’un traite- ment antiviral doit être évaluée (4). En ce qui concerne le virus de l’hépatite B Les traitements systémiques anti- (VHB), la prophylaxie antivirale par HÉPATOLOGIE cancéreux sont actuellement de deux analogue nucleos(t)idique (entecavir types : la chimiothérapie, incluant les (ETV) ou tenofovir disoproxil fumarate thérapies ciblées et l’immunothérapie. (TDF), est recommandée en cas de pré- La chimiothérapie vise à détruire la sence de l’AgHBs indépendamment de cellule tumorale alors que l’immuno la charge virale VHB. L’évaluation du thérapie a comme objectif de stimuler patient doit être complétée par une le système immunitaire contre la cellule échographie abdominale et une mesure tumorale et en particulier rompre de l’élastométrie. Un suivi hépatolo- l’immunotolérance péri-tumorale. gique au long cours doit être envisagé. L’introduction de l’immunothérapie dans la prise en charge des cancers est En cas de négativité de l’AgHBs mais relativement récente. Il s’agit d’utili- de positivité de l’Ac anti-HBc, l’indica- OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES ser des anticorps monoclonaux dirigés tion à une prophylaxie antivirale est contre les récepteurs de la synapse évaluée en fonction du traitement — Savoir dépister les maladies virales anticancéreux. Chez les patients à immunologique entre le lymphocyte T et initier un traitement antiviral haut risque de réactivation (> 10 %) et la cellule présentatrice d’antigène. — Connaître les toxicités hépatiques Les anticorps monoclonaux bloquent une prophylaxie par lamivudine ou des agents anticancéreux la transmission des signaux inhibi- ETV ou TDF est envisagée. L’ETV et — Connaître les indications de la teurs permettant aux lymphocytes T le TDV sont à privilégier surtout en biopsie hépatique de s’activer et de reconnaître la cellule cas de forte immunosuppression et de — Connaître les critères de reprise du tumorale. traitement prolongé. La prophylaxie traitement anticancéreux anti-VHB doit être maintenue pendant Les deux types de traitements sont les 12 mois qui suivent l’arrêt du trai- associés à une toxicité hépatique (1, tement anticancéreux et 18 mois en LIEN D’INTÉRÊTS 2). cas d’utilisation du rituximab. La charge virale VHB doit être testée tous Aucun les 3-6 mois pendant la prophylaxie et pendant 12 mois après l’arrêt de MOTS-CLÉS Quel bilan faire avant l’analogue pour ne pas méconnaître une réactivation virale (4, 5). Toxicité hépatique, chimiothérapie, la mise en route d’un immunothérapie traitement anticancéreux ? Par contre chez des patients à risque modéré (< 10 %) ou faible (< 1 %), une surveillance de l’AgHBs et de la charge ABRÉVIATIONS Avant la mise en route d’un traite- virale VHB tous les 1-3 mois est néces- Anti-CTLA 4 : cytotoxic T lympho- ment anticancéreux, un bilan hépa- saire. Un traitement préemptif est cyte-associated protein 4 tique exhaustif doit être réalisé (3). requis aux premiers signes de réac- Anti-PL1 : programmed cell death Le bilan vise à exclure une pathologie tivation. Si l’Ag HBs et/ou la charge ligands 1 hépatique méconnue (Tableau 1). Le virale se positivent, le traitement anti- Anti-PD1 : programmed cell death 1 dépistage d’hépatite virale est recom- viral doit être initié le plus tôt possible TIPS: transjugular intrahepatic porto- mandé systématiquement avant mise indépendamment du taux de transa- systemic shunt en place d’un traitement anticancé- minases. Pour les patients ayant des OMS : organisation mondiale de la reux même devant un bilan biologique Ac anti-HBs et Ac anti-HBc positifs, santé hépatique normal. une simple surveillance est suffisante. 125
Tableau 1 : Bilan initial chez les patients candidats à un traitement anti-cancéreux Examen Clinique - IMC - Signes d’une hépatopathie chronique/insuffisance hépatocellulaire Antécédents - Traitement en cours et mode de vie - Consommation d’alcool - Facteurs de risque pour une NASH (diabète, hypertension artérielle, dyslipidémie) - Maladies auto-immunes Imagerie - Echodoppler hépatique +/- scanner pour vérifier l’absence de métastases hépatique, thrombose de la veine porte ou des veines sus-hépatiques, dilatation de voies biliaires, dysmorphie hépatique Biologie - ASAT, ALAT, GGT, PAL, Bilirubine totale et conjuguée, TP, INR, NFS, albumine, cholestérol et triglycérides Virologie - Sérologie VHB (AgHBs, AcHBs, AcHBc), VHC (AcVHC),VIH NASH : non alcoholic steatohepatitis En présence d’une hépatite virale C symptômes liés à la toxicité touchant (VHC), avec anticorps VHC et charge Que faire en cas de d’autres organes comme colite, hypo- virale C positive (PCR ARN VHC), il perturbation du bilan physite ou pneumopathie peuvent n’y a pas d’indication à la mise en être présents. Ni l’âge, ni le sexe ne place d’un traitement antiviral et la hépatique durant le semble favoriser leur survenue. guérison virale C avant un traitement traitement anticancéreux ? anticancéreux n’est pas nécessaire. Le délai entre l’administration de la chimiothérapie ou de l’immunothé- La présence des anticorps anti-tissus Devant la présence d’une perturba- rapie et la survenue de la toxicité positifs n’est pas une contre-indica- tion du bilan hépatique pendant un hépatique est variable. tion à la mise en place d’un traite- traitement anticancéreux, trois ques- ment anticancéreux. Si la positivité tions doivent se poser : quel diagnos- En ce qui concerne l’immunothérapie est associée à une élévation du dosage tic de maladie hépatique explique ce selon les données de l’OMS (VigiBase, des IgG, la présence d’une hépatite tableau ? Quelle en est la sévérité ? et http://www.vigiacces.org), le délai auto-immune doit être exclue avec y-a-t-il une indication à un traitement ? entre l’administration du traitement un examen histologique. Les mêmes et l’apparition de la toxicité hépa- recommandations sont appliquées Diagnostic tique est plus court chez les patients pour les patients candidats à un trai- Le diagnostic de toxicité hépatique ayant reçu un anti-CTLA 4 par rapport tement par chimiothérapie ou immu- est parfois difficile en raison de l’hé- au patient ayant reçu un anti-PD 1/ nothérapie. térogénéité de sa présentation. Dans anti-PL-1 (34 [25-46.5] jours versus la plupart des cas, le mécanisme de 48 [27-118] jours (p=0,04). Ces la toxicité est idiosyncratique, c’est données ont été confirmées par à dire non lié à la dose, ni à la voie plusieurs études (25). d’administration. Le diagnostic de la toxicité hépatique Les patients sont majoritairement d’un traitement anticancéreux est asymptomatiques ou présentent des d’abord un diagnostic d’exclusion (6). symptômes aspécifiques comme par Toute cause d’hépatite aigue doit être exemple fièvre, éruption cutanée et éliminée. Le bilan à réaliser face à une dans des rares cas, un ictère. En parti- perturbation du bilan hépatique est culier pour l’immunothérapie, d’autres résumé dans le tableau 2. Tableau 2 : Bilan à réaliser en cas de perturbation du bilan hépatique sous traitement anticancéreux Imagerie - Echodoppler hépatique +/- TDM abdominal ou IRM hépatique avec injection pour vérifier l’absence de métastases hépatique, de thrombose de la veine porte ou des veines sus-hépatiques, de dilatation de voies biliaires, de dysmorphie hépatique. En cas de cholestase prédominante, discuter cholangioIRM Virologie - Serologie VHA (AcVHA), VHB (AgHBs, AcHBs, AcHBc), VHC (AcVHC), PCR CMV, EBV, HSV, HHV6, HHV8, VHE, VHB, VHC Immunologie - Anticorps anti-tissu (anti-nucleaires, anti-mitochondries, anti-muscles lisses) - Dosage IgG, IgA, IgM Infection bactériologique - ECBU, radiographie du thorax, hémoculture Toxiques - Histoire médicale détaillée des traitements, prise de complément alimentaire, herbes, plantes… - Consommation d’alcool - Recherche des toxiques dans les urines Autres - Antécédents récents d’état de choc 126
Les sérologies virales VHA, VHB, VHC, de réaliser d’abord une écho-doppler capillaires sinusoïdes, entraînant VHE sont recommandées ainsi que les hépatique et en présence d’anoma- une nécrose hémorragique centro- PCR VHE, CMV, EBV, HSV, VHB et VHC, lies d’effectuer une TDM abdominale lobulaire puis une fibrose évolutive. si anticorps négatifs, car les patients ou une IRM hépatique injectées. En (Figure 1) L’endothélite veinulaire doivent être considérés immunodépri- cas de cholestase, une cholangioIRM et sinusoïdale initiale est à l’origine més même sous immunothérapie. En peut être utile. d’un état d’hypercoagulabilité locale cas de découverte du VHB (absence de avec hyperagrégabilité plaquettaire dépistage avant traitement ou réacti- Si la toxicité du traitement anti-can- et vasoconstriction. L’atteinte vascu- vation), un traitement par analogue céreux reste l’hypothèse principale, laire présente des lésions intriquées nucleo(t)sidique (entecavir ou tenofo- il est important de distinguer entre de type péliose et d’hyperplasie nodu- vir) doit être commencé au plus tôt. En une atteinte cholestatique, cytoly- laire régénérative (HNR) (9). Elle peut cas d’infection par VHA, VHC et EBV tique ou mixte. Le profil est défini être associée au développement d’une une simple surveillance est recomman- par une augmentation des ALAT ou hypertension portale avec ses compli- dée. Devant à une primo infection par PAL seuls au-dessus d’un certain seuil cations en particulier la survenue HSV, on proposera un traitement par ou du rapport [ALAT/limite supé- d’une ascite et de varices œsopha- acyclovir, devant une infection à CMV, rieur de la norme (LSN)]/[PAL/LSN] giennes. un traitement pourra être proposé. (R). L’atteinte est cytolytique si les L’infection par le VHE confirmé par ALAT ≥ 5-fois la limite normale ou R Le SOS est associé aux chimiothérapie PCR nécessite une étroite collabora- > 5, cholestatique si les PAL ≥ 2-fois par mitomycine C, carmustine, vincris- tion entre hépatologue et oncologue au-dessus la norme ou R < 2. Il existe tine, adriamycine et oxaliplatine. En car une réduction ou un arrêt du des outils tels que le RUCAM (pour ce qui concerne l’immunothérapie, la traitement immunosuppresseur est Roussel-UCLAF Causality Assessment présence d’endothélite centrale a été Methods) permettant d’évaluer la décrite mais un seul cas d’HNR a été HÉPATOLOGIE recommandée ainsi qu’un traitement anti viral par ribavirine. probabilité d’imputabilité du traite- rapporté après utilisation du pembro- ment à la toxicité hépatique (https:// lizumab (anti-PD 1) (10). Le bilan auto-immun doit être réalisé. w w w. n c b i . n l m . n i h . g o v / b o o k s / Les anticorps anti-tissus sont positifs NBK548272/). La stéatose hépatique parfois associée chez environ 30 % à 50 % des patients à des lésions de stéato-hépatite est mais souvent avec un titre bas et un Connaître le risque de toxicité hépa- une autre lésion hépatique secon- profil non spécifique. Les IgG sont tique associé à un traitement anti- daire aux traitements anti-tumoraux généralement normales. En cas de cancéreux est important (3, 8). Le (11) (Figure 2). Le tamoxifène a été suspicion d’hépatite auto-immune, site internet « LiverTox » https://www. associé au développement d’une stéa- une biopsie est nécessaire pour ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK547852/ tohépatite aussi bien que l’irinotecan confirmer ou infirmer le diagnostic. résume les caractéristiques des et le fluorouracil. La stéatose a été médicaments et des substances hépa aussi rapportée dans des cas de trai- L’exclusion de tout traitement hépa- totoxiques, leur mécanisme de toxicité tement par immunothérapie. totoxique à l’interrogatoire est essen- et les références bibliographiques. tielle. Le risque de toxicité hépatique Pour l’immunothérapie, l’atteinte est d’autant plus important que les La biopsie hépatique permet de histologique est hétérogène en inten- traitements anti-cancéreux sont confirmer le diagnostic et évaluer sité et en type lésionnel, avec une utilisés en association ou qu’ils sont la sévérité de l’atteinte hépatique. atteinte majoritairement hépatocel- complétés par une radiothérapie. De Elle est indiquée en cas de toxicité lulaire mais parfois biliaire (12). plus, en dehors des antinéoplasiques, de grade ≥ 3 en absence d’infection Le tableau le plus fréquent est une les cancérologues prescrivent quoti- virale (Tableau 3). Les anticancéreux hépatite aiguë avec nécrose ponctuée diennement une multitude de médica- sont associés à des tableaux histo- à prédominance centrolobulaire avec ments qui possèdent aussi un risque logiques particuliers. Le syndrome dans les cas les plus sévères, une hépatique (antiémétiques, antibio- d’obstruction sinusoïdale (SOS) nécrose confluente centrolobulaire tiques, antalgiques), en particulier le (anciennement nommé maladie parfois en ponts. L’utilisation d’un paracétamol. Il est par ailleurs impé- veino-occlusive) est lié à une obstruc- anti-CTLA4 seul ou en association ratif de rechercher la prise de complé- tion fibreuse non thrombotique des avec un anti-PD1 a été associée à ments alimentaires, herboristerie, ou autre substance pouvant avoir une toxicité directe ou modifier le méta- bolisme des anti cancéreux. Tous les facteurs de risque d’une patho- logie hépatique chronique sont aussi à rechercher : consommation d’alcool, syndrome métabolique, antécédents d’hospitalisation en réanimation avec choc septique ou hémorragique. L’imagerie est aussi importante pour exclure : une localisation tumorale au niveau hépatique, métastases, obstruction biliaire, thrombose vasculaire (7). Il est donc conseillé Figure 1. Lésions HNR (HES x 300) 127
une hépatite granulomateuse avec parfois la présence des granulomes centrés par une vacuole lipidique et associés à des dépôts de fibrine en anneau (Figure 3). Une atteinte des petites voies biliaires intrahépatiques a également été rapportée, parfois associée à l’atteinte hépatocellulaire (Figure 4) : soit sous la forme de cholangite aiguë au sein d’un infil- trat mixte riche en polynucléaires neutrophiles, associée ou non à une prolifération cholangiolaire, soit sous la forme de lésions de cholangite lymphocytaire avec exocytose lym- phocytaire et dystrophie des canaux biliaires. Figure 2. Stéatose avec steatohepatite (HES x 300) Il est important de souligner le fait que ces hépatites n’ont pas les carac- téristiques morphologiques classiques d’une hépatite auto-immune et ne comportent pas, en particulier, d’infil- trat plasmocytaire (13). Donc le terme hépatite auto-immune est impropre et le terme hépatite immuno-médiée est préférable. Le passage d’une hépatite aiguë toxique à la chronicité est incertaine. Kleiner et al. ont décrit un certain stade de fibrose chez 2 patients sur 5 traités (14). Dans notre série de 16 patients traités par immunothé- rapie, une patiente, affectée par une hépatite de grade 4, a eu 3 biopsies hépatiques montrant la progression d’une fibrose (15). Malgré ces cas rapportés, aucune conclusion défini- tive ne peut être tirée. Figure 3. Granulomes : cellules épithélioïdes sans cellule géante, centrés Évaluation de la sévérité par une vacuole lipidique et des dépôts annulaires de fibrine (HES x 350) L’évaluation de la sévérité est réalisée selon le Common Terminology Criteria for Adverse Events (CTCAE) développé par le National Cancer Institute (Tableau 3). Cependant, cette classification semble sures- timer la gravité de l’hépatite. Nous pouvons comparer cette classification avec celle utilisée couramment pour l’évaluation de la toxicité hépatique : Drug Induced Liver Injury Network (Tableau 4). À titre d’exemple, l’augmentation des transaminases à 20 fois la norme correspond selon la CTCAE à une hépatite de grade 4 qui signifie fatale. Pour rappel, une hépatite est définie sévère si le TP est inférieur à 50 % et fulminante si associée à de l’encépha- lopathie hépatique. De ce fait, il est important d’évaluer la sévérité selon l’expertise de l’hépatologue et que la prise en charge doit être multidisci- Figure 4. Lésion de cholangite aiguë destructrice (HES x 400) plinaire. 128
Tableau 3 : Classification de sévérité de l’atteinte hépatique en cas de toxicité d’un traitement anticancéreux selon la classification Common Terminology Criteria for Adverse Events (CTCAE) développée par le National Cancer Institute Version 5.0 Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4 ASAT/ALAT > LSN – 3 x LSN >3- 5 x LSN >5– 20 x LSN >20 x LSN si normale à baseline ASAT/ALAT 1,5 – 3 x >3 - 5 x >5 – 20 x baseline >20 x si perturbé à baseline baseline baseline baseline PAL > LSN – 2,5 x LSN > 2,5 - 5 x LSN >5 - 20 x LSN >20 x LSN si normale à baseline Bilirubine >LSN – 1,5 x LSN >1,5 – 3 x LSN >3 – 10 x LSN >10 x LSN si normale à baseline Bilirubine >1,0 – 1,5 x baseline >1,5 – 3 x baseline >3 – 10 x >10 x si perturbé à baseline baseline baseline LSN : Limite supérieure de la norme Tableau 4 : Classification de sévérité de l’atteinte hépatique en cas de toxicité médicamenteuse selon la classification Drug-Induced Liver Injury Network (DILI-N) HÉPATOLOGIE Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4 Grade 5 Faible Modéré Modère à sévère Sévère Mortel Augmentation ASAT/ Augmentation ASAT/ Augmentation ASAT/ Augementation ASAT/ Décès ou ALAT ou PAL ou les ALAT ou PAL ou les ALAT ou PAL ou les ALAT ou PAL ou les deux transplantation deux mais bilirubine deux et bilirubine deux et bilirubine et bilirubine totale ≥2,5 hépatique à cause de totale < 2,5 mg/dL et totale ≥2,5 mg/dL totale ≥2,5 mg/dL et mg/dL et au moins un des la toxicité hépatique INR < 1,5 ou INR ≥1,5 sans hospitalisation à cause suivant : hyperbilirubinemie de la toxicité hépatique 1) ictère pendant > 3 mois 2) décompensation hépatiques (INR≥1,5, ascite, encéphalopathie hépatique) 3) une autre défaillance d’organe à cause de la toxicité Dans la majorité des cas, la perturba- Il est intéressant de noter qu’aucun être discutés dans un centre expert. La tion du bilan hépatique sous traite- cas d’hépatite fulminante n’a été transplantation hépatique est malheu- ment anticancéreux n’est pas sévère décrit dans les études sur le traite- reusement souvent contre-indiquée mais des cas d’hépatite fulminante ment par immunothérapie chez les pour des raisons d’ordre oncologique. ont été rapportés. patients cirrhotiques à ce jour. En ce qui concerne l’immunothéra- Pour l’immunothérapie selon les La biopsie nous donne aussi des infor- pie, les recommandations de diffé- données de l’OMS VigiBase (http:// mations sur la sévérité de l’atteinte rentes sociétés savantes telles que la www.vigiacces.org), une incidence hépatique, le pourcentage de nécrose, Society for Immunotherapy of Cancer d’hépatite fulminante de 0,4 % a le degré de l’infiltrat inflammatoire, la (SITC), l’European Society of Medical été rapportée. Les résultats d’une présence d’endothélite et cholangite. Oncology (ESMO) et l’American étude multicentrique ayant inclus Society of Clinical Oncology (ASCO) 3 545 patients sont également Le traitement envisagent la suspension de l’immu- rapportés et une hépatite fulminante Devant une perturbation du bilan nothérapie et l’introduction d’une affectait 0,14 % des patients (16). hépatique de grade ≥ 2, la thérapie corticothérapie à partir du grade 2 anticancéreuse doit être suspendue. de toxicité à la dose de 0,5 mg/kg/j Dans le cadre des patients cirrhoti (Tableau 5) (18). Les doses augmen- ques qui développent une toxicité En cas de toxicité hépatique de la tent de façon progressive en fonction hépatique pendant un traitement par chimiothérapie, aucun traitement du degré de la toxicité jusqu’à attendre immunothérapie pour le carcinome spécifique ne peut être proposé. Si les le 2 mg/kg/j. Le délai de résolution des hépatocellulaire (CHC), le bilan hépa- lésions de SOS sont accompagnées toxicités non hépatiques de l’immu- tique est souvent perturbé avant le d’une hypertension portale compli- nothérapie est d’environ 2 semaines début de l’immunothérapie. L’éva quée d’ascite réfractaire ou d’hémorra- cependant l’intervalle de résolution de luation de la sévérité se base sur des gie digestive (par rupture des varices la toxicité hépatique est très variable seuils différents. Encore une fois la œsophagiennes ou gastropathie d’hy- comprise entre 3 et 104 jours selon prise en charge doit tenir compte de pertension portale) un traitement par les séries. De façon surprenante, une l’expertise de l’hépatologue (15). défibrotide ainsi qu’un TIPS doivent étude a rapporté un temps plus long de 129
Tableau 5 : Recommandations de prise en charge de la toxicité hépatique de l’immunothérapie selon l’European Society of Medical Oncology (ESMO). Adapté de Haanen JBAG, Carbonnel F, Robert C, Kerr KM, Peters S, Larkin J, et al. Management of toxicities from immunotherapy: ESMO Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol 2017;28:iv119–iv142 Sévérité Traitement Immunotherapie Grade 1 Pas de traitement Continuer l’immunothérapie ASAT ou ALAT >LSN-3xLSN Grade 2 Si ASAT/ALAT élevés au deuxième contrôle Suspendre l’immunothérapie ASAT ou ALAT >3-5xLSN Introduire prednisolone 1mg/kg/jour Reprise si grade ≤ 1 ASAT/ALAT < 400 et bilirubine totale/INR/diminution Suspendre l’immunothérapie Grade 3 de l’albumine introduire prednisolone 1mg/kg/jour ASAT ou ALAT >5-20xLSN Reprise si grade ≤ 1 avec accord ASAT/ALAT > 400 ou augmentation de la bilirubine/INR/ de l’hépatologue diminution de l’albumine : (methyl)prednisolone 2mg/kg/jour i.v. Grade 4 (methyl)prednisolone 2mg/kg/jour i.v. Arrêter définitivement ASAT ou ALAT >20xLSN résolution chez les patients traités par pas besoin d’une corticothérapie et les avaient pas eu, malgré l’utilisation des corticoïdes par rapport aux patients patients ayant une hépatite de grade corticoïdes (21). D’autres études ont non traités (8,6 versus 4,7 jours) pro- ≥ 3 peuvent aussi s’améliorer avec confirmé l’absence des conséquences bablement car les patients traités été l’arrêt de l’immunothérapie dans 50 % oncologiques chez les patients traités les plus sévères (26). des cas. Seuls des critères de sévérité par corticoïdes. Néanmoins, une étude « hépatologiques » comme une biliru- a décrit des résultats moins bons chez Pour les patients cirrhotiques, un bine > à 2,5 mg/dl, une insuffisance les patients traités par immunothéra- algorithme a été proposé récemment hépatocellulaire ou une constante pie et ayant reçu plus de 10/mg/j de (17). Même en cas de cirrhose, le aggravation du bilan hépatique repré- corticoïdes (22). De nouvelles études traitement par corticoïdes n’est pas sentent les indications à la mise en sont nécessaires pour mieux répondre toujours nécessaire. place d’une corticothérapie. Cela à cette question. S’il n’y a pas d’amélioration malgré permet d’éviter de fortes doses des cor- la dose maximale des corticoïdes, ticoïdes, souvent non nécessaires, avec la toxicité hépatique est considérée leurs nombreux effets indésirables. Si comme corticorésistante, et dans ce le patient ne répond pas à la forte dose Est-ce qu’un traitement des corticoïdes, l’ajout du mycopheno- cas l’ajout d’un deuxième immunosup- late mofetil nous semble le traitement anticancéreux peut être presseur doit être envisagé. Le plus fréquemment utilisé est le mycophe- de choix. Dans le cadre d’une élévation réintroduit après une nolate mofetil. L’azathioprine a été de GGT et PAL isolée un traitement toxicité hépatique ? aussi utilisé avec succès, ainsi que les par acide ursodésoxycholique doit inhibiteurs de la calcineurine (tacro- être débuté. En cas de cholestase qui accompagne la cytolyse, l’acide ursodé- La réintroduction d’un traitement limus, ciclosporine), même s’il s’agit soxycholique peut aussi être ajouté au anticancéreux doit toujours mettre en uniquement de cas cliniques. Enfin, traitement immunosuppresseur. balance le bénéfice oncologique avec pour les formes sévères, la thymoglo- le risque de récidive de l’hépatite qui buline a été employé, avec la metylpre- La prise en charge de la toxicité hépa- peut être plus sévère que la première dnisolone et le mycophenolate mofetil tiques des antinéoplasique doit être fois. La reprise d’un traitement anti- de façon efficace mais cela reste menée par un groupe multidiscipli- cancéreux doit être faite après la anecdotique (19). L’infliximab a été naire qui inclut un hépatologue. résolution de l’hépatite, soit un grade administré à deux patients ayant une ≤ 1 de sévérité. En particulier pour hépatite immune-médiée avec réso- l’immunothérapie cette reprise doit lution des symptômes, mais il n’est être décidée de façon collégiale et le pas la meilleure option thérapeutique compte tenu de sa possible toxicité Est-ce que le traitement dossier doit être discuté en réunion hépatique, elle aussi immuno-médiée. immunosuppresseur a un multidisciplinaire. Pour la chimiothé- rapie, il est conseillé de choisir une Un cas clinique rapporte la survenue impact sur la réponse à nouvelle classe de molécules. d’une hépatite fulminante, traitée l’immunothérapie ? Pour l’immunothérapie, la récidive par des échanges plasmatiques avec de la toxicité hépatique a été réversibilité de l’encéphalopathie Il ne semble pas que les corticoïdes ou rapportée entre 0 % et 66 % des cas hépatique (20). un traitement immunosuppresseur de en fonction du traitement administré. Nous avons récemment publié une deuxième ligne ait un impact sur la Si l'on regarde tous les cas cliniques proposition de prise en charge qui survie globale des patients. Une étude décrits dans la littérature, parmi les diffère des recommandations compte a rapporté une meilleure réponse onco- 58 patients re-traités, 11 (19 %) ont tenu de notre expérience, confirmée logique chez les patients qui avaient développé une récidive de l’hépatite et par d’autres équipes (2). Les patients développé une toxicité d’organe de dans une forme non sévère. Toutefois avec une hépatite de grade 2 n’ont grade ≥ 3 par rapport à ceux qui n’en si nous ne regardons que les patients 130
qui ont une toxicité de grade ≥ 3, le 4. EASL 2017 Clinical Practice Guide- 18. Haanen JBAG, Carbonnel F, Robert C, risque s’élève à 40 % (2). lines on the management of hepatitis Kerr KM, Peters S, Larkin J, et al. B virus infection J Hepatol. 2017 Management of toxicities from immuno- La réintroduction d’une immunothéra- Aug;67(2):370-398 therapy: ESMO Clinical Practice Guide- lines for diagnosis, treatment and pie combinée (par exemple anti-CTLA4 5. Lombardi A, Mondelli MU. Review article: follow-up. Ann Oncol 2017;28:iv119–iv142. + anti-PD1) est associée avec un risque immune checkpoint inhibitors and the liver, from therapeutic efficacy to side effects. 19. McGuire HM, Shklovskaya E, Edwards J, élevé de récidive de la toxicité. Il est Aliment Phar- macol Ther 2019;50:872–884. T r e v i l l i a n P R , M c C a u g h a n G W, donc conseillé d’introduire un seul Bertolino P, et al. Anti-PD-1-induced anticorps monoclonal si le patient a 6. Navarro VJ., Senior JR. Drug-related high-grade hepatitis associated with hepatotoxicity N Engl J Med. 2006 Feb corticosteroid-resistant T cells: a case reçu une thérapie combinée. Les anti- 16;354(7):731-9 report. Cancer Immunol Immunother CTLA4 doivent être évités car il a été 7. Alessandrino F, Tirumani SH, Krajewski KM, 2018;67:563–573. rapporté des cas de récidive d’hépatites S h i n a g a r e A B , J a g a n n a t h a n J P, 20. Riveiro-Barciela M, Muñoz-Couselo E, plus sévères chez les patients ayant Ramaiya NH et al. Imaging of hepatic Fernandez-Sojo J, Diaz-Mejia N, Parra- reçu un anti-CTLA4 après un premier toxicity of systemic therapy in a tertiary López R, Buti M. Acute liver failure due traitement par anti-PD1 par rapport cancer centre: chemotherapy, haema- to immune-mediated hepatitis success- aux patients qui ont reçu un traite- topoietic stem cell transplantation, fully managed with plasma exchange: molecular targeted therapies, and new settings call for new treatment strat- ment par anti-PD1 après un traite- immune checkpoint inhibitors Clin Radiol. egies? J Hepatol 2019;70:564–566. ment par anti-CTLA4. Une explication 2017 Jul;72(7):521-533. possible de cette différence est l’acti- 21. Fujii T, Colen RR, Bilen MA, Hess KR, 8. Field KM, Michael M. Part II: Liver Hajjar J, Suarez-Almazor ME, et al. vité prolongée de l’anti-PD1 après son function in oncology: towards safer Incidence of immune-related adverse arrêt et au moment de l’introduction chemotherapy use. Lancet Oncol. 2008 events and its association with treatment de l’anti-CTLA4. Bien que la demi-vie Dec;9(12):1181-90. outcomes: the MD Anderson Cancer de l’anti-PD1 soit entre 17 et 25 jours, Center experience. Invest New Drugs HÉPATOLOGIE 9. Rubbia-Brandt L, Lauwers GY, Wang H, il semblerait que son activité soit pro- Majno PE, Tanabe K, Zhu AX, et al. 2018;36:638–646. longée jusqu’à 59 jours (23). Donc, Sinusoidal obstruction syndrome and 22. Scott SC, Pennell NA. Early use of nodular regenerative hyperplasia are systemic corticosteroids in patients les patients traités par anti-CTLA4 frequent oxaliplatin-associated liver lesions with advanced NSCLC treated with pendant cette période sont à considé- and partially prevented by bevacizumab nivolumab. J Thorac Oncol 2018;13:1771– rer comme recevant une bithérapie. in patients with hepatic colorectal metas- 1775. tasis Histopathology 2010 Mar;56(4):430-9. Malheureusement, peu de facteurs 23. Brahmer JR, Drake CG, Wollner I, 10. LoPiccolo J, Brener MI, Oshima K, Powderly JD, Picus J, Sharfman WH, de risque de récidive ont été mis en Lipson EJ, Hamilton JP. Nodular regen- et al. Phase I study of single-agent évidence. erative hyperplasia associated with anti-programmed death-1 (MDX- 1106) immune checkpoint blockade. in refractory solid tumors: safety, clinical Il a été rapporté que chez les patients Hepatology 2018;68:2431–2433. activity, pharmaco- dynamics, and qui ont été retraités avec le même immunologic correlates. J Clin Oncol 11. Meunier L, Larrey D. Chemotherapy-as- traitement (anti-PD1 ou anti-PDL1), sociated steatohepatitis. Ann Hepatol. 2010;28: 3167–3175. l’intervalle entre l’administration 2020 Nov-Dec;19(6):597-601. 24. Simonaggio A, Michot JM, Voisin AL, du traitement et le premier épisode Le Pavec J, Collins M, Lallart A, et al. 12. Papouin B, Mussini C, De Martin E, de toxicité était plus court pour les Guettier C. [Hepatic and digestive Evaluation of readministration of immune patients qui ont eu une récidive de la adverse events of immune checkpoint checkpoint inhibitors after immune-re- inhibitors (anti-CTLA-4 and, anti-PD-1/ lated adverse events in patients with maladie tumorale par rapport à ceux cancer. JAMA Oncol 2019;5:1310–1317. PD-L1): A clinico-pathological review] qui n’ont pas eu de récidive (9 versus Ann Pathol. 2018 Dec;38(6):338-351. 25. Vozy A, De Martin E, Johnson DB, Lebrun- 15 jours, p=0.04) (24). Cette observa- 13. Zen Y, Yeh MM. Hepatotoxicity of immune Vignes B, Moslehi JJ, Salem JE Increased tion ne se réfère pas spécifiquement reporting of fatal hepatitis associated checkpoint inhibitors: a histology study à la toxicité hépatique, et doit être of seven cases in comparison with with immune checkpoint inhibitors Eur J prise en compte lors de la discussion autoimmune hepa- titis and idiosyncratic Cancer 2019 Dec;123:112-115. de réintroduction de l’immunothé- drug-induced liver injury. Mod Pathol 26. Gauci ML, Baroudjian B, Zeboulon C, rapie. La nécessité d’une prophylaxie 2018;31:965–973. Pages C, Poté N, Roux O, et al. Immune-re- par corticoïdes avant la réintroduction 14. Kleiner DE, Ber man D. Pathologic lated hepatitis with immunotherapy: are corticosteroids always needed? J Hepatol reste controversée. changes in ipilimumab-related hepa- titis in patients with metastatic melanoma. 2018;69:548–550. Dig Dis Sci 2012;57:2233– 2240. 15. 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5 Les cinq points forts ● Le diagnostic de toxicité hépatique du traitement anticancéreux nécessite l’exclusion de toute autre cause d’hépatite aiguë. ● La sévérité de l’atteinte hépatique peut être surestimée par la classification de la sévérité des effets indésirables (CTCAE). Une expertise hépatologique est souhaitable. ● L’examen histologique confirme le diagnostic et permet d’éva- luer la sévérité de l’atteinte hépatique. Une biopsie hépatique est conseillée en cas de toxicité hépatique de grade ≥ 3. ● La mise en place d’un traitement par corticoïdes pour la toxicité de l’immunothérapie doit être évaluée en fonction de sa sévérité. ● La réintroduction du traitement anticancéreux est possible après amélioration du bilan hépatique (toxicité de grade ≤ 1). Elle doit être validée par une réunion multidisciplinaire en tenant compte du rapport bénéfice-risque. 132
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