ÉDITO - Fédération des maisons médicales

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ÉDITO - Fédération des maisons médicales
ÉDITO

                                                                                      Mariannvoe st
    Un incendie ravage la forêt. Les animaux observent le désastre. Seul un petit colibri
                                                                                          Pré
    s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau avec son bec pour les jeter sur le feu.
    Agacé, le tatou l’apostrophe : « Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que
    tu vas éteindre le feu ! ». « Je sais, répond le colibri, mais je fais ma part1. »
    L‘incendie gronde tout autour de la planète. Les massacres commis là résonnent aussitôt
    ici, dans un enchevêtrement de causes et d’effets complexe et souvent illisible. Vers
    quelles balises se tourner pour dépasser les réactions immédiates, ancrées dans une
    émotion légitime mais qui peut entraîner bien d’autres drames ?
    Alain Badiou propose quelques repères fort utiles pour penser les tueries du 13 novembre
    2015 à Paris, ainsi que les suivantes, les prochaines – et bien plus : il s’agit de l’ordre
    du monde aujourd’hui. Notre mal vient de plus loin : c’est le titre de cet essai court et
    percutant, qui analyse le triomphe et les méfaits du capitalisme mondialisé. Sa grande
    réussite est d’arriver, depuis des années, à détruire tout ce qui avait été mis en place
    (dans certaines parties du monde, soyons réalistes) pour réguler la logique du capital –
    notamment les droits sociaux.
    Le pire, « c’est que cette destruction s’accompagne d’une victoire subjective : le
    déracinement total de l’idée même qu’un autre chemin est possible ». Ainsi, la
    construction d’un système donnant accès à la santé pour tous, entrepris dans les années
    70, pourrait être aujourd’hui taxé d’utopie, même à l’échelle d’un tout petit pays comme
    la Belgique. Ceux qui veulent continuer à y croire sont souvent écartelés entre leur idéal
    de justice et leur impuissance à agir de manière satisfaisante, sans y perdre leur propre
    équilibre2.
    On ne vit pas bien avec une telle contradiction. Le risque serait, pour y échapper,
    d’adapter insidieusement ses idéaux à la férocité du réel, d’admettre la croissance des
    injustices comme une fatalité, d’accepter le fait que certains soient mieux soignés que
    d’autres – les plus responsables, les plus insérés, les plus compliants, les plus activables…
    qu’un système de santé basé sur les soins de santé primaires, c’est un peu dépassé… Les
    discours invitant à ces glissements de pensée sont légion, ils viennent de tous bords : les
    tatous parlent fort dans toutes les langues.
    Les colibris ne se laissent pas démonter. Ils continuent à faire leur part contre l’incendie,
    là où ils sont, avec leurs moyens - un petit bec de colibri ou une grande trompe
    d’éléphant. Ils écrivent des livres, ils font des films (allez voir Merci patron !) éclairants. Ils
    vont voir si la vieille voisine isolée n’a besoin de rien. Ils prennent du temps pour écouter,
    pour soigner ceux qui sont fous ou qui parlent une drôle de langue. Ils manifestent. Ils
    rencontrent d’autres gens, d’autres acteurs, pour porter ensemble la voie de l’humain vers
    ceux qui n’en ont rien à faire. Fort. Très fort. De plus en plus fort.

    1. Cette légende amérindienne a inspiré le doux utopiste Pierre Rhabbi qui a fondé le mouvement Colibris.
    2. Démarche d’évaluation qualitative.
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                                                                                     Santé conjuguée septembre 2016 n° 76
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RUBRIQUES                                                              DOSSIER

Politique                                                              16
                                                                       La couverture sanitaire universelle, définition et origine
4                                                                         Gaëlle Chapoix et France Defrenne, chargées de projets pour le
Les projets pilotes fédéraux « maladies chroniques »                      programme Education permanente de la Fédération des maisons
    Hélène Dispas, médecin généraliste et permanente politique à la       médicales
    Fédération des maisons médicales
                                                                       20
                                                                       Derrière la couverture sanitaire universelle :
Résonance                                                              une idéologie cachée ?
                                                                          Christian Legrève, responsable du programme Education
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Clinique du lien
    Juliette Leconte, psychologue clinicienne à France Terre d’Asile   23
                                                                       Santé globale et couverture sanitaire universelle :
                                                                       même bateau, même dérive ?
Lu pour vous                                                              Gaëlle Chapoix, chargée de projets pour le programme Education
                                                                          permanente de la Fédération des maisons médicales
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Musulmans et non musulmans                                             30
    André Crismer, médecin généraliste au centre de santé Bautista     Repenser le financement du système de santé
    Van Schowen                                                           France Defrenne, chargée de projets pour le programme Education
                                                                          permanente de la Fédération des maisons médicales
Société
                                                                       37
13                                                                     Lecture critique des accords de gouvernement :
Réforme des pensions : ne pas oublier la solidarité                    un équilibre délicat
    Jean Van der Vennet, sociologue                                       Christian Legrève, responsable du programme Education
                                                                          permanente de la Fédération des maisons médicales

                                                                       40
                                                                       L’impact des traités internationaux sur notre système de
                                                                       santé : l’exemple de l’Accord économique et commercial
                                                                       général
                                                                          Etienne Lebeau, expert de la Centrale nationale des employés sur
                                                                          les affaires européennes

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                                                                                                    Santé conjuguée septembre 2016 n° 76
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Couverture
                               sanitaire universelle
                                                                               en Belgique

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Intérêts et limites des mécanismes pour tisser la couverture             Dépasser les facteurs d’exclusion du soin
sanitaire universelle en Belgique                                        De la rue au cabinet médical
   Hubert Jamart et Pierre Drielsma, médecins généralistes,                 Pierre Ryckmans, médecin généraliste à Infirmiers de rue
   permanents politiques à la Fédération des maisons médicales
                                                                         75
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Des soignants en nombre suffisant et bien dans leur peau                 Pistes de travail en maisons médicales
   Hélène Dispas, médecin généraliste et permanente politique de la         Stefania Marsella, assistante sociale à la maison médicale
   Fédération des maisons médicales.                                        Calendula , attachée de projets pour le programme psychosocial
   Interview réalisée par Marinette Mormont, journaliste à Alter Echo       de la Fédération des maisons médicales

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Évaporer la première ligne ? Gare à l’effet de serres !                  La part du colibri :
   Pierre Drielsma, médecin généraliste, permanent politique à la        Quelques réflexions sur l’accessibilité des soins et maisons
   Fédération des maisons médicales                                      médicales
                                                                            Marianne Prévost, sociologue, coordinatrice de Santé conjuguée
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« Communauté » et solidarités de proximité :                             82
prétexte, emplâtre ou levier ?                                           Conclusion
   Gaëlle Chapoix, chargée de projets pour le programme Education
   permanente de la Fédération des maisons médicales

65
Accessibilité, qualité et expertise des usagers
Le point de vue de la Ligue des usagers des services de santé
   Micky Fierens, directrice de la Ligue des usagers des services de
   santé.
   Interview réalisée par Marinette Mormont, journaliste à Alter Echo.

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Etendre la couverture universelle et la solidarité
Le point de vue des Mutualités chrétiennes
   Jean Hermesse, secrétaire général de l’Alliance nationale des
   mutualités chrétiennes.
   Interview réalisée par Marinette Mormont, journaliste à Alter Echo.

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      Santé conjuguée septembre 2016 n° 76                                                                                                   3
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politique /
                                            les projets pilotes fédéraux
                                                  « maladies chroniques »                                                              /
En octobre 2015, l’ensemble des ministres membres de la Conférence interministérielle Santé
publique (donc fédéral - Maggy De Block à l’initiative du projet - régions et communautés) ont
approuvé un plan intitulé : Des soins intégrés pour une meilleure santé.

Hélène Dispas, médecin généraliste et permanente politique à la Fédération des maisons médicales.

Qu’est-ce que le plan « maladies chroniques »                       C’est dans ce cadre qu’en février dernier un appel à pro-
(ou chroniccare) ?                                                  jets-pilotes visant le développement de soins intégrés
                                                                    en faveur des malades chroniques a été officiellement
                                                                    lancé. Au terme d’un processus de sélection, seize pro-
Ce plan se base sur le principe du « Triple Aim » :                 jets ont été choisis sur toute la Belgique, et quatre pro-
• Améliorer l’état de santé de la population, et des                jets ont été acceptés en procédure de « repêchage » .
  malades chroniques en particulier (niveau collectif) ;
• Améliorer la qualité des soins au niveau du patient               Concrètement, on demande au terrain d’être innovant,
  (niveau individuel) ;                                             et de montrer que nous pouvons « faire mieux » sans
• Accroître l’efficience des moyens alloués (ratio effi-            dépenses supplémentaires (idéalement, à moindre
  cacité/coût).                                                     coût, bref d’être efficient) pour soigner les « malades

    Les « soins intégrés » sont définis selon 14 composantes, reprises dans le tableau ci-dessous :

                                                     14 composantes
                  Patients                            Intervenants                                   Système
                Empowerment                                Prévention                               Culture qualité
                                                                                             Adaptation des systèmes de
         Soutien des aidants-proches              Concertation et coordination
                                                                                                    financement
                                              Continuité des soins extra-, intra- et         Stratification des risques et
              Case-management
                                                          transmurale                        cartographie des ressources
       Maintien au travail, réintégration
                                             Organisations de patients, de familles            Gestion du changement
           socioprofessionnelle et
                                                       et des mutuelles                         (change management)
               socioéducative

                                                  Dossier patient intégré (DPI)

                                                 Guidelines multidisciplinaires

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                                                                                                     Santé conjuguée septembre 2016 n° 76
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chroniques ». Nous ne devons pas nous centrer sur une      Nous sommes donc en début de phase de conceptuali-
seule maladie (deux minimum), mais il faut définir un      sation. Les projets retenus seront soutenus par un coach
public cible.                                              pour une période de sept mois, ensuite ils entreront
                                                           en phase d’exécution (quatre ans) après deuxième
Nous sommes encouragés à créer des consortiums             sélection.
de partenaires qui doivent s’organiser par territoires
définis d’environ 150.000 habitants. Les partenaires       Il n’y aura pas de financement, sauf pour la coordination
doivent obligatoirement être d’origines diverses, avec     (et c’est là que le bât blesse, cf. enjeux).
au minimum :
• des acteurs de première ligne (au minimum médecins       A terme, les projets qui fonctionneront le mieux ser-
  généralistes et infirmiers à domicile avec possibilité   viront de modèles à généraliser pour réorganiser la
  d’étendre aux pharmaciens, kinésithérapeutes, den-       prise en charge des malades chroniques, et in fine de
  tistes,…) ;                                              toute la population et donc du système de santé (c’est
• des acteurs de seconde ligne : au minimum un hôpital,    ambitieux).
  au moins deux spécialités différentes ;
• des acteurs de l’aide à domicile ;                       Quels sont les enjeux pour la Fédération des mai-
• une association de patients, d’aidants-proches et de     sons médicales, les intergroupes et les maisons
  familles ;                                               médicales ?
• une structure de concertation.
                                                           Depuis le lancement du plan, les permanents poli-
                                                           tiques et certains mandataires de la Fédération des
Un calendrier bien précis a été défini, en plusieurs       maisons médicales suivent attentivement ce dossier,
phases, sur une période de quatre ans :                    en collaboration avec les intergroupes, certains man-
                                                           dataires de la Fédération des maisons médicales et les
                                                           maisons médicales qui y sont déjà impliquées. Nous
                                                           nous sommes répartis par régions, avons participé
                                                           aux réunions générales d’information, aux premières
                                                           concertations, et enfin au développement des projets
                                                           plus concrets. Nous avons échangé nos informations
                                                           afin de peu à peu construire notre position et garder
                                                           un œil sur l’évolution générale du plan.

                                                           C’est avec cette petite expérience que nous venons
                                                           aujourd’hui vers vous. Nous avons longuement discuté
                                                           des enjeux et avons établi entre nous un recensement
                                                           des « menaces et opportunités » de ce projet. Notre
                                                           conclusion, c’est qu’il semble important d’y être pré-
                                                           sent, sans toutefois s’y épuiser...

                                                           Pourquoi ?

                                                           Opportunité de démontrer la qualité du travail des
                                                           maisons médicales

                                                           Les 14 composantes proposées par ce plan sont des
                                                           axes presque tous présents dans notre travail au quo-
                                                           tidien (continuité, intégration, transversalité, accessi-
                                                           bilité, prévention, promotion à la santé…). A la lecture
                                                           du texte, on peut penser que ce qu’ils souhaitent est
                                                           finalement très proche du modèle que nous proposons
                                                           et expérimentons depuis toujours. Il y a là donc une
                                                           opportunité de le montrer. Mettre en évidence la qualité
                                                           du travail des maisons médicales, faire remonter « nos »
                                                           pratiques (interdisciplinarité, modèle de financement,
                                                           expérience en santé communautaire, prévention,

              I               I
Santé conjuguée septembre 2016 n° 76                                                                              5
ÉDITO - Fédération des maisons médicales
promotion à la santé, etc.) qui souffrent parfois d’un       des mêmes tables. Des enjeux de pouvoir, financiers,
manque de connaissance de la part de la population           et des chocs de culture s’y déroulent donc clairement.
et des autorités.                                            En bref :
                                                             • C’est une richesse d’y être pour rencontrer toutes ces
Adhésion avec le principe du plan                              personnes et participer aux discussions ;
                                                             • C’est peut-être une nécessité de défendre notre vision
Structurer le système de santé au départ du terrain,           du système de santé, basée sur des soins primaires forts,
améliorer la qualité des soins aux malades chroniques,         accessibles et humains (contre hospitalo-centrisme
améliorer la communication entre les lignes de soins           (prises en charges au départ des hôpitaux), commercia-
et l’échelonnement, proposer de nouveaux modèles               lisation des soins, fragmentation des prises en charges,
de financement, sont in fine nos buts à nous aussi.            multiplication des intervenants,..) ;
Attention toutefois à ce que ça pourrait « cacher » : le     • C’est une occasion de défendre la médecine générale
Gouvernement pourrait être plus intéressé par l’aspect         et les maisons médicales. Sur papier les médecins
gain économique que par un réel gain qualitatif.               généralistes sont obligatoirement dans les projets.
                                                               Dans le concret, les médecins solistes fréquentent peu
Etre dans le train de la transformation de notre sys-          les réunions et les maisons médicales sont encore peu
tème de santé                                                  représentées. A terme, la menace est une réorganisation
                                                               du système sans la médecine générale, qui deviendrait
Il est probable que ce plan soit une manière de trans-         de la « bobologie » et sans les maisons médicales qui
former le système dans sa globalité. Tous les acteurs          seraient des structures de soins « pour les pauvres »,
de terrain semblent l’avoir compris. Les hôpitaux ont          ce que nous essayons d’éviter.
manifesté leur intérêt en masse, de même qu’à peu
près tous les acteurs de l’ambulatoire. Des sociétés         A nuancer toutefois : il reste une énorme inconnue
privées à but lucratif tournent également autour des         sur l’évolution de ce plan « titanic » : financement
consortiums… (et on ne peut refuser personne !). Pour        plus qu’incertain, complexité et flou de la demande,
la première fois, des acteurs très différents qui ont pour   superposition de projets dans tous les sens (107, hos-
habitude de ne pas communiquer se retrouvent autour          pitalisation à domicile, retour précoce,…)…il n’est pas
                                                             exclu que tout ça finisse simplement par échouer. Ou
                                                             être abandonné à la prochaine législature. C’est pour
                                                             ça qu’il ne faut pas non plus s’y épuiser.

                                                             Nos patients seront peut-être concernés

                                                             Si nos patients appartiennent au groupe cible du projet
                                                             de la zone ou de l’hôpital concerné, ils vont peut-être
                                                             se retrouver intégrés dans ces projets « malgré nous »,
                                                             et nous serons donc concernés « par défaut »…

                                                             Comment ?

                                                             Nous encourageons les maisons médicales à s’intéres-
                                                             ser aux projets qui touchent leurs zones. Concrètement,
                                                             différents niveaux d’implication sont possibles :
                                                             • Participation au groupe de réflexion (implication
                                                               faible) ;
                                                             • Participation au Comité de pilotage ;
                                                             • Participation au groupe de projet ;
                                                             • Participation aux groupes de travail (implication
                                                               maximale).			                    		               

6                                                                                                        I               I
                                                                                           Santé conjuguée septembre 2016 n° 76
ÉDITO - Fédération des maisons médicales
Voici la liste des projets francophone sélectionnés

                                                      Région de Bruxelles-Capitale

                                                      Région : ville de Bruxelles, Saint-Gilles, Saint-Josse-
                                                      ten-Noode
                                                      Titre projet : Better Offer and Organization thanks to
                                                      the Support of a Tripod model (BOOST)

                                                      Région : Anderlecht, Molenbeek-Saint-Jean, Forest
                                                      Titre projet : Keep Moving

                                                      Wallonie

 Si vous souhaitez plus d’informations concernant     Région : Ottignies, Court-Saint-Étienne, Wavre, Ge-
 un ou plusieurs projets de votre région, vous        nappe, Mont-Saint-Guibert
 pouvez vous adresser aux responsables de votre       Titre projet : Développement et implémentation d’une
 intergroupe, à savoir :                              politique de soins intégrés dans le Brabant wallon
                                                      centre, à partir de la prise en charge des patients souf-
 Liège                                                frants de dépendance au sens large avec pathologies
 ff frederic.palermini@fmm.be                         induites et/ou de comorbidités importantes

 Charleroi et Brabant wallon                          Région : Liège, Seraing
 ff benoit.gerard@fmm.be                              Titre projet : Réseau liégeois intégré pour une nouvelle
                                                      autonomie
 Hainaut
 ff virginie.couvreur@fmm.be                          Région : Dinant, Beauraing, Ciney, Rochefort, Yvoir,
                                                      Hamois
 Bruxelles                                            Titre projet : Projet « Soins intégrés maladies chro-
 ff yaelle.vanheuverzwijn@fmm.be                      niques – zone Dinant/Beauraing »

 Ou au bureau stratégique de la Fédération des        Région : province de Luxembourg
 maisons médicale : helene.dispas@fmm.be              Titre projet : Chronilux – Prise en charge globale des
                                                      personnes présentant un syndrome métabolique et
 Vous pourrez y obtenir, dans la mesure des           ses conséquences
 disponibilités, des descriptifs plus précis pour
 chaque projet.                                       Région : La Louvière, Morlanwelz, Binche
                                                      Titre projet : Dispositif interdisciplinaire de prise en
 D’autres infos sont disponibles                      charge des patients souffrant d’un handicap neurolo-
 via le site officiel fédéral :                       gique dans la région du Centre
 www.chroniccare.be
                                                      Région : Namur, Profondeville, Assesse, Andenne,
 Voir aussi l’article d’Olivier Mariage paru dans     Gesves, Ohey, Floreffe, Gembloux, Éghezée, Fernelmont
 le Santé conjuguée 74 « Transdisciplinarité » :      Titre projet : Projet « Soins intégrés maladies chro-
 http ://www.maisonmedicale.org/Maladies-chro-        niques – zone Grand Namur »
 niques-le-grand-chambardement.html
                                                      “Chronic care and Cure for Health - 3C4H”: Huy, Wa-
                                                      remme et Verviers , Liège.

              I               I
Santé conjuguée septembre 2016 n° 76                                                                        7
ÉDITO - Fédération des maisons médicales
résonance /
                                      Clinique du lien                                   /
Nombres de mineurs isolés étrangers sont très déconstruits lorsque je les rencontre, à Paris, très peu
de temps après leur arrivée en France. Les symptômes, jusque-là contenus, jaillissent sans qu’ils ne
puissent les retenir. Ils sortent alors de l’état de survie dans lesquels ils ont été plongés durant les
évènements traumatiques qui les ont conduits à fuir leur pays ou durant le trajet d’exil.

Juliette Leconte, psychologue clinicienne à France Terre d’Asile.

Article paru dans la revue du Centre bruxellois d’action interculturelle « Les MENA et l’intérêt supérieur de l’enfant : un lien sous tension ? »,
Décembre 2015, n° 328.

Bien que les fragilités et le vécu de chaque jeune soient                  Enfin, les événements traumatiques peuvent exister
bien particuliers, les symptômes développés appa-                          durant le voyage d’exil : voyage souvent long et dé-
raissent en majorité suite à des deuils ou des traumas.                    structurant. Ils connaissent alors des situations déshu-
                                                                           manisantes, et côtoient la mort de près.
Ces événements traumatiques ont parfois eu lieu durant
l’enfance ou la petite enfance du jeune (un deuil, de la                   La culture comme levier thérapeutique
maltraitance, un abandon, etc.). Au pays, c’est contenu
par l’environnement social et la culture. Mais l’exil crée                 Les nationalités des jeunes sont multiples, et il me
un déséquilibre parce qu’il rompt l’homologie entre                        semble majeur de tenir compte des spécificités cultu-
le cadre culturel externe (la culture et les représenta-                   relles des jeunes rencontrés. Comme l’a développé
tions culturelles du pays) et le cadre culturel interne                    Georges Devereux, la psychologie transculturelle re-
intériorisé (les représentations de l’individu). Comme                     pose sur deux principes. D’une part, l’universalité
l’explique l’ethnopsychiatre Tobie Nathan, auparavant,                     psychique : ce qui définit l’être humain, son fonction-
le cadre interne et externe était en harmonie alors que                    nement psychique est le même pour tous. Il s’agit
lorsque l’individu arrive dans un autre pays, il n’est plus                d’une universalité de fonctionnement, de processus. Et
homogène. Cela crée un traumatisme. La fragilité psy-                      d’autre part sur la particularité de sa culture d’appar-
chique n’est alors plus contenue, le jeune se retrouve                     tenance : la culture permet à chacun de lire le monde
sans contenant. Les symptômes apparaissent alors.                          d’une certaine manière. Ainsi, il s’agit de faire cohabi-
Les évènements traumatiques peuvent précéder le                            ter ces deux positions très importantes : l’universalité
départ du pays. Je pense aux demandeurs d’asile qui                        psychique et le codage culturel.
n’ont pas d’autre choix que de fuir. Ce départ n’est pré-
cédé d’aucune élaboration. La rupture est précipitée.                      Pour ce faire, il est nécessaire de se décentrer, de
Le traumatisme psychique peut être gelé et émerger                         prendre de la distance face à nos propres repères afin
seulement à l’arrivée en France, lorsqu’ils ont « posé                     de mieux comprendre ces jeunes. Ce matériel culturel
leur valise ».                                                             est un véritable levier thérapeutique potentiel.

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                                                                                                                Santé conjuguée septembre 2016 n° 76
ÉDITO - Fédération des maisons médicales
Nous sommes des êtres culturels. Il est nécessaire de
tenir compte de l’identité culturelle du jeune. Nous
avons besoin d’être à l’écoute de comment il se définit,
comment il se projette, afin de co-construire avec lui.

Il est souvent important d’avoir recours à des inter-
prètes, pour plusieurs raisons : d’une part, le traducteur
traduit mot à mot, mais aussi reconstitue le contexte des
mots, les représentations sous-jacentes, les mondes
qui donnent sens aux mots, et ses propres associations
sous-jacentes. D’autre part, l’interprète en situation
clinique est un médiateur. C’est aussi un informateur au
sens anthropologique, il permet d’amener des connais-
sances culturelles. De plus, la présence d’un interprète
permet de faire des allers-retours entre les langues. La
possibilité de passer d’une langue à l’autre est aussi
importante. C’est le lien entre les langues qui est recher-
ché. Enfin, le fait d’être trois crée un groupe. Le groupe
permet d’aborder certaines étiologies traditionnelles,
notamment ce qui a trait au magico-religieux (les djins,
la sorcellerie, les ancêtres qui reviennent la nuit, etc.).
Ce sont des leviers thérapeutiques essentiels.

Du lien aux parents

Lorsque c’est possible, nous faisons le pont entre le pays
d’origine et ici. Je recherche les ressources familiales à
travers les souvenirs, les liens sécurisants qui ont existé.   discours des adultes en France est diamétralement
Je cherche à replacer le jeune dans une histoire et une        opposé au discours des parents) où cliver va être la
identité familiales. J’essaie qu’il garde ou retrouve une      seule solution. Là où ils ont une responsabilité familiale,
place dans sa famille (même sans contact, même par             nous allons les ancrer dans une place d’enfant. Là où
l’absence).                                                    ils ont de grands projets d’avenir, nous leur proposons
                                                               une formation qualifiante courte. Là où il y a urgence
De plus, la remise en sens de la décision des parents de       d’aider financièrement la famille ou de rembourser les
faire émigrer leur enfant (lorsque ce sont les parents qui     dettes du voyage, nous leur disons qu’il leur est interdit
sont à l’initiative du départ) est importante. La majorité     de travailler avant leur majorité, etc. Comment trouver
des jeunes ressentent beaucoup d’affection pour leurs          un sens entre celui donné par la famille et la réalité
parents mais également de la colère. Cette colère est          française ? L’espace thérapeutique va devenir un espace
légitime et il est nécessaire de lui faire une place dans      où nous allons faire des ponts entre ici et là-bas afin
l’espace thérapeutique. Ce projet d’exil fut-il construit      que le jeune négocie entre ces deux facettes de son
pour protéger le jeune ? Ou pour l’abandonner et               identité tellement différentes.
l’exclure de la famille ? Pourquoi lui et pas son frère ?
Pourquoi lui faire vivre tant de moments si difficiles s’il    Le lien à la famille, lorsqu’il est possible, est primor-
a l’affection de ses parents ?                                 dial. Il est souvent central dans les entretiens. D’une
                                                               part, ce lien est à reconstruire, à réorganiser. Comment
Les dernières paroles des parents avant la séparation          expliquer toutes leurs démarches administratives, les
vont être déterminantes dans la manière de gérer les           lieux où ils sont hébergés, les choix (ou non choix) de
difficultés. Les jeunes se rattachent à ces paroles qui        scolarité, etc. ? Comment les informer de démarches qui
sont comme des repères quant à leur conduite à tenir.          dépendent d’une logique qu’eux-mêmes découvrent
                                                               mais que les parents ne connaissent pas (et du coup
Par contre, souvent, les projets familiaux ne concordent       ne comprennent pas) ? Ce travail de lien est également
pas avec la réalité française. Le jeune va devoir gérer        parasité par les demandes que les jeunes sont obligés
cette sorte d’injonction paradoxale des adultes (le            de faire : à peine ont-ils repris contact avec leur famille,

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Santé conjuguée septembre 2016 n° 76                                                                                     9
ÉDITO - Fédération des maisons médicales
qu’ils doivent leur formuler des demandes. Car ils ont           s’appuyer sur la connaissance des aînés (des anciens !),
                                                                                                                                      l
souvent besoin d’obtenir des documents d’identité                cet isolement va faire face au manque. Il s’agira donc de
pour justifier de leur âge ou d’éléments de l’histoire           les ancrer à nouveau dans les compétences qu’ils ont
familiale pour les démarches de demande d’asile.                 tout de même acquises antérieurement et de leur per-
                                                                 mettre de trouver les réponses à leurs questions, soit
Par ailleurs, les jeunes ont besoin d’avoir l’aval de la         par un contact téléphonique au pays, soit par d’autres
famille pour pouvoir construire un projet en France.             moyens qu’ils trouveront eux-mêmes.
Je pense à une jeune congolaise incapable de choisir
son orientation scolaire, de prendre une décision,               Je conclurai sur l’étonnante capacité de résilience de ces
de donner son opinion ou d’être partie prenante des              jeunes. Il n’est, en effet, pas rare de les voir rapidement
solutions qui la concernaient. Après en avoir discuté en         évoluer, apaiser leur trauma, soulager leurs maux de
équipe et après avoir eu l’accord de la jeune fille, les         tête, diminuer la fréquence des cauchemars, etc. Ces
éducateurs se sont mis en lien avec les parents afin de          adolescents sont, malgré tout, dans la vie ! Leur désir
transmettre des nouvelles de leur fille et de les informer       d’apprendre et de vivre comme tous les jeunes français
des démarches entreprises. Le plus important fut le              va devenir moteur et leur permettre de construire des
contact. Mettre du lien, aux yeux de la jeune, entre sa          projets professionnels et personnels ! 		                
famille là-bas et sa vie ici, lui a ainsi permis de s’inscrire
dans un projet scolaire.

La culture à petites doses

Enfin, je vais « amener la culture à petites doses »,
expression de Marine Pouthier qui fait référence au
concept de Winnicott lorsqu’il explique que la mère
fait découvrir, à son enfant, le monde à petites doses.

Prenons un exemple sur le travail social en France. Ici,
nous donnons le choix au jeune. C’est un grand principe
du travail social, afin que la personne « soit acteur ».
Mais beaucoup de jeunes, habitués à ce que les adultes
décident pour eux, ressentent cette attitude comme
une marque de désintérêt à leur égard. Comme s’il
n’avait pas d’importance aux yeux du travailleur social.
C’est donc très insécurisant et angoissant.

De même, concernant la parole : nous travaillons
beaucoup en individuel. Nous leur demandons de dire
« je » (concernant le suivi social, la demande d’asile,
etc.), alors que ces enfants ont appris à dire « nous »,
une parole collective. A l’évidence, la représentation
culturelle de la parole est différente.

Ainsi, le travail auprès des mineurs isolés demande des
outils spécifiques. Outre la nécessité de tenir compte
du contexte de départ et des circonstances du voyage,
outre l’importance de travailler à partir de la culture et
des représentations du patient, une clinique du lien va
se créer. Un nécessaire travail de remise en sens sera
réalisé auprès de ces jeunes dont le choc de l’exil peut
créer un trauma. Il sera également fondamental de les
ancrer à nouveau dans leur histoire, pour éviter qu’un
clivage entre l’avant et l’après exil, entre ici et là-bas ne
s’installe. Pour ces jeunes qui n’ont pas encore acquis
toute la connaissance culturelle, et qui devraient encore

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lu pour vous /
                                        Musulmans et non musulmans                                                               /
 Nous sommes toujours sous le choc de la violence qui a frappé Paris et Bruxelles, cette violence qui
 est quasi quotidienne en Irak, en Syrie et dans d’autres pays orientaux, nous sommes inquiets et
 nous voudrions mieux comprendre. De l’Afghanistan au Nigéria en passant par nos cités, le monde
 musulman va mal, pour des raisons internes et pour des raisons externes.

 André Crismer, médecin généralistes au centre de santé Bautista Van Schowen.

 Une lecture d’Eric Zemmour1 m’avait poussé à voir Du-                    naire d’études de l’Islam dans le monde contemporain
 pont Lajoie, un film d‘Yves Boisset de 1975, facilement                  (CISMOC). Une étude précédente de ce centre4 avait
 accessible via internet. On y voit un groupe de Français                 révélé quelques constats, comme l’augmentation du
 moyens en vacances sur la côte d’Azur, agresser un                       poids du religieux, les tensions autour de sujets sen-
 groupe de travailleurs d’Afrique du Nord, engagés par                    sibles, les malaises réciproques qui pèsent sur le vivre
 des promoteurs immobiliers (« ils sont payés comme                       ensemble, surtout dans les grands centres urbains.
 les Français, mais les Français ne veulent plus faire                    Cette nouvelle étude visait à répertorier, à Bruxelles et
 ce travail-là ») : le racisme quotidien, l’hostilité et le               en Belgique, les pratiques et les projets qui favorisent
 rejet de l’étranger débouchent sur de la violence qui                    le dialogue et améliorent les relations interculturelles
 deviendra meurtrière… Bien sûr, il n’y a pas que cela, il                entre musulmans et non musulmans.
 y a la faiblesse des politiques d’intégration, la diffusion
 du salafisme radical, financé par l’argent du pétrole,                   Différents domaines ont été explorés :
 bien décrit par Alaa El Aswany2, mais on sait comme                      • le monde de l’éducation, des établissements sco-
 des traumatismes peuvent se manifester parfois après                       laires ;
 deux générations…                                                        • le monde de la jeunesse, de la culture, des maisons
                                                                            de jeunes, des maisons de quartier, des espaces
 Eric Zemmour est nostalgique du passé et a choisi,                         récréatifs, des centres sportifs ;
 comme l’extrême droite, une démarche qui divise. Heu-                    • les lieux de travail ;
 reusement, d’autres regardent vers l’avenir et essaient                  • le monde de la santé : on y parle surtout des hôpitaux,
 de favoriser la construction d’un « Nous » plus global,                    mais il y a matière à réflexion pour les travailleurs des
 qui recouvre la vision étroite de « eux » et « nous ».                     centres de santé ;
                                                                          • le monde des médias ;
 Une publication récente de la Fondation Roi Baudouin3,                   • des initiatives interconvictionnelles.
 facilement téléchargeable, présente les résultats d’une
 étude menée par une équipe du Centre interdiscipli-                      Pour les différents projets, ont été analysés les types de
                                                                          pratiques, les destinataires et les conditions de succès
                                                                          d’une démarche.
 1. Eric Zemmour, Le Suicide français, Albin Michel, 2014.
 2. Alaa El Aswany, Extrémisme religieux et dictature. Actes Sud, 2014.   4. Bocquet C, Dassetto F, Maréchal B., Musulmans et non musulmans
 3. Bocquet C, Marechal B, Van den Abbeele, Musulmans et non-             à Bruxelles, entre tensions et ajustements réciproques – Synthèse de
 musulmans en Belgique : des pratiques prometteuses favorisent le         l’étude scientifique « Regards et relations entre musulmans et non
 vivre-ensemble, Fondation Roi Baudouin, 2015 ; accessible à www.         musulmans à Bruxelles : entre tensions, (imaginaires) de phobies et
 kbs-frb.be/fr/Activities/Publications/2015/20151123_AD                   ajustements réciproques ». Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 2014.

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 Santé conjuguée septembre 2016 n° 76                                                                                                      11
Trois grands types de pratiques ont été répertoriés :        manes en Belgique, on a vu une explosion du chômage
• celles qui contribuent à accroître la connaissance         et le développement de visions radicales de l’Islam.
  réciproque ;                                               Ces deux tendances, socio-économiques et religieux-
• celles qui se rapportent à des habitudes de vie com-       culturelle ne favorisent pas la rencontre entre les
  mune : où il ressort la nécessité d’expliciter les modes   populations musulmanes et non musulmanes.
  de fonctionnement des institutions, ce qui permet
  parfois des négociations et des accommodements             Malgré ces constats, la majorité des populations
  ou des ajustements ;                                       musulmanes a réussi à trouver un chemin dans le
• Celles qui visent à promouvoir des actions com-            processus d’insertion.
  munes.
                                                             Nos centres de santé sont souvent implantés dans
Les destinataires sont souvent des jeunes. Ce sont           des quartiers plus défavorisés et sont des lieux où
aussi des adultes.                                           se côtoient des populations d’origines variées. Nous
                                                             pouvons contribuer, à notre niveau, plus ou moins acti-
Des conditions de succès ont pu être explicitées :           vement, à l’amélioration du vivre ensemble, dans nos
• une approche empathique, combinée à une connais-           murs et dans des partenariats avec d’autres acteurs
  sance du terrain, du contexte, du public ;                 du réseau associatif.
• une confiance réciproque ;
• une certaine durée dans l’action ;                         Ce travail ne fournit pas de clef sur porte, mais
• un cadre et des objectifs clairs.                          quelques balises pour favoriser des politiques d’ou-
                                                             verture. Il ne s’agit pas nécessairement de mettre en
Le contexte est difficile. Depuis qu’on a mis en place       œuvre de nouveaux projets, mais parfois de modifier
des politiques de regroupement familial qui ont consa-       ou d’adapter des pratiques existantes ou de mieux
cré l’insertion à long terme de populations musul-           faire circuler des informations et des réflexions.         

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société /
                                       Réforme des pensions :
                                            ne pas oublier la solidarité                                             /
Jean Van der Vennet, sociologue.

Notre système obligatoire d’assurance vieillesse est          Par ailleurs, nous ne devons pas oublier que les per-
basé sur le principe de l’assurance sociale. Personne         sonnes ne sont pas égales face à la maladie et à la mort :
ne peut en être exclu, le risque que représente l’assuré      toute les données sur l’espérance de vie en fonction
n’est pas pris en compte dans le montant de la coti-          du revenu indiquent que les personnes les plus défa-
sation qui représente un pourcentage identique des            vorisées ont une espérance de vie à 65 ans nettement
revenus pour chaque assuré : le financement de cette          plus réduite que les personnes favorisées.
couverture est dit « proportionnel ». Quant aux béné-
fices, ils sont avant tout basés sur la durée de cotisation   Dès lors, relever le plafond maximum de la pension
(ou de périodes assimilées) et sont fonction du salaire       favoriserait doublement les plus favorisés qui dispo-
perçu au cours de la carrière. Il existe cependant un         seraient d’un meilleur revenu et pour plus longtemps.
mécanisme pour limiter le montant des allocations de          Nous n’osons pas imaginer non plus comment cette
retraite à un certain plafond : cette manière de faire        mesure serait financée alors qu’en pleine période de
introduit une dose de « progressivité » dans le système.      resserrement des dépenses publiques, chaque dépense
En effet les salariés dépassant le plafond de revenus         supplémentaire est supposée engendrer une économie
ne verront jamais ce surcroît de cotisation se traduire       équivalente ailleurs ! Veillons à ne pas faire payer par
par une allocation plus élevée. Nous pouvons dès lors         les plus pauvres une soi-disant injustice envers les
considérer qu’ils cotisent proportionnellement plus           personnes aisées. 				                                
que les personnes aux revenus ne dépassant pas le
plafond : c’est un des fondements de notre système de
solidarité qui assurent une redistribution plus équitable
des revenus.

L’argument mis sur la table par le Gouvernement pour
réformer le système des pensions en augmentant
ce plafond est que les cotisants aux salaires les plus
élevés ne recevraient pas leur dû. Or dans un système
d’assurance sociale il n’y a pas de lien entre la masse
des cotisations versées tout au long de la carrière et
le total des allocations reçues par une personne. Et ce
pour la bonne et simple raison qu’il ne s’agit pas d’un
capital individuel accumulé au cours des ans mais
d’une contribution à un système de redistribution des
revenus qui sert une rente garantie jusqu’au décès de
de la personne et le cas échéant de son ayant droit.
L’idée que les plus hauts revenus ne percevraient pas
leur dû naît d’une confusion avec le deuxième pilier
des pensions basé sur la capitalisation des apports de
l’assuré qui y adhère. Dans ce cas de figure l’assuré est
en droit de recevoir son capital, augmenté des intérêts,
au moment où il prend sa pension.

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Santé conjuguée septembre 2016 n° 76                                                                                 13
La couverture sanitaire universelle, qu’est-ce que
     c’est, juste un concept ? Et pourquoi lui consacrer un
     dossier aujourd’hui ?

     Le contexte sociopolitique belge francophone est
     celui d’un changement de régime. Les gouvernements
     européens, dont le belge, exploitent les conséquences
     des crises financière et économique pour instaurer un
     régime structurel d’austérité, d’insécurité sociale et
     de recul systématique des acquis sociaux.

     Dans Le Soir du 19 septembre 20131, dans une carte
     blanche rédigée par le Réseau belge de lutte contre
     la pauvreté et Oxfam, on peut lire : « D’ici 2018 au
     Royaume-Uni, 1,1 million d’emplois disparaîtront dans
     le secteur public. La Grèce, la Lettonie, le Portugal
     et la Roumanie ont diminué le budget de la sécurité
     sociale de plus de 5%. L’an dernier, pour la première
     fois depuis des dizaines d’années, le budget de la
     santé a diminué en Europe, tout comme les salaires
     réels, et le chômage a atteint son taux le plus haut
     depuis 10 ans. Près d’un ménage actif sur dix vit dans
     la pauvreté ».

     La Belgique n’est pas en reste. En matière de sécurité
     sociale, la 6ème réforme de l’Etat avec ses transferts de
     compétences vers les entités fédérées, et la réduction
     des solidarités qui en découle, fonde un modèle à
     plusieurs vitesses en matière de santé. Modèle qui
     renforce les problèmes de santé car il touchera proba-
     blement à l’accès aux soins (mécanismes et niveaux de
     remboursement) en dégradant les conditions socio-
     économiques et environnementales qui détermine
     la santé. L’ajustement budgétaire pour cette année
     prévoit des économies drastiques en matière de soins
     de santé. Quel est le sens de ces choix politiques dans
     un environnement marqué par plus de pauvreté, plus
     d’inégalités et donc plus de maladies ?

     1. « Austérité : L’Europe s’enfonce dans la pauvreté », Le Soir,
     2013.

14                                                I               I
                                    Santé conjuguée septembre 2016 n° 76
Couverture
                                 sanitaire universelle
                                                                     en Belgique
                                                           Dossier

 Il nous semble essentiel d’assurer aux populations les        « cadre commun » pour « suivre les progrès accomplis
 plus vulnérables en particulier, dans et hors système,        vers la couverture universelle » aux deux échelons
 d’être en meilleure santé sans s’appauvrir. Pas seule-        national et mondial. Pour l’Organisation mondiale
 ment de donner la possibilité aux citoyens d’aller voir un    de la santé, la couverture universelle est un élément
 médecin mais aussi de pouvoir assumer financièrement          clef de la lutte contre la pauvreté et de réduction des
 les traitements proposés (médicaments, autres actes           inégalités sociales.
 médicaux). Sans oublier le développement et l’accès
 des personnes à des programmes de prévention et de            Dans cette étude, nous commencerons, dans les quatre
 promotion de la santé.                                        premiers articles par clarifier le concept de couverture
                                                               sanitaire universelle, éclairer ses ambigüités et ses
 Le concept de couverture sanitaire universelle pourrait-      enjeux politiques.
 il nous aider à tendre vers la santé pour tous, que la
 Déclaration d’Alma Ata rêvait à l’« horizon 2000 » main-      Nous nous centrerons ensuite sur l’accès aux ser-
 tenant derrière nous ? N’y-a-t-il pas contradiction dans      vices de santé en Belgique dans la perspective de
 le chef des gouvernements à brandir simultanément             la couverture sanitaire universelle. Enjeux, écueils,
 l’étendard de la couverture sanitaire universelle (voir       contradictions, outils et pistes seront abordés à partir
 l’article page 37) et celui de l’austérité ? Cette dernière   de différents aspects et points de vue, sans chercher
 induit à la fois une réduction des moyens alloués à la        l’exhaustivité. Nous regarderons aussi d’un peu plus
 politique de soins de santé et une augmentation des           près la contribution des maisons médicales en matière
 besoins, par ses effets néfastes sur la santé physique et     d’accessibilité.
 psychique des citoyens. En effet, dans ce contexte de
 détricotage de la sécurité sociale et d’augmentation des      Ce parcours sera ponctué de spots sur ce qui existe
 pressions sociétales sur les individus, depuis quelques       ailleurs dans le monde en matière de chemin vers
 années, les soignants ont pu constater l’augmentation         la couverture sanitaire universelle pour soutenir un
 en nombre, en gravité et en complexité des difficultés        regard critique sur ce qui se passe chez nous.
 psychosociales dans la population. Et cette aggrava-
 tion est telle qu’elle constitue, aujourd’hui, un frein à     Du plus conceptuel au plus pratique, nous espérons
 l’accès effectif aux soins, y compris dans nos maisons        ainsi ouvrir et soutenir la voie (des voies !) vers plus
 médicales.                                                    d’équité et de solidarité, valeurs fondamentales du
                                                               mouvement des maisons médicales.
 Alors pourquoi revenir aujourd’hui avec le concept de
 couverture sanitaire universelle qui n’est pourtant pas
 neuf (voir l’article page 16) ?

 Au cours des dernières années, le mouvement mondial
 en faveur de la couverture sanitaire universelle (uni-
 versal health coverage) a pris de l’ampleur. En témoigne
 l’appel lancé en décembre 2012 par l’A ssemblée géné-
 rale des Nations-Unies, qui exhorte les gouvernements
 à « intensifier rapidement et considérablement leurs
 efforts pour accélérer la transition vers l’accès universel                                         France Defrenne,
 à des services de santé de qualité et abordables ». Mai                                            chargée de projets
 2014, le Groupe de la Banque mondiale et l’Organisa-                      pour le programme Education permanente,
 tion mondiale de la santé annoncent la création d’un                               Fédération des maisons médicales.

 SantéSanté
Santé  conjuguée
      conjuguée II
            conjuguéeI
                   septembre
                  mars 2015 I2016
                        décembre
                             n° 70I I
                                    n° 76
                                 2014   n° 69                                                                      15 15
DOSSIER
                                   La couverture
                                   sanitaire universelle,
                                   définition et origine
                                   Couverture universelle, couverture santé universelle, couverture sanitaire
                                   universelle, couverture maladie universelle... Diverses terminologies cir-
Gaëlle Chapoix et
France Defrenne,
                                   culent pour parler de ce concept que nous cherchons à cerner. Certains
chargées de projets pour           semblent manquer de précision, comme le premier ; d’autres paraissent
le programme Education             trop restrictifs, comme le dernier qui se centre sur la maladie plutôt que
permanente de la
                                   sur la santé.
Fédération des maisons
médicales.                         Nous garderons ici le terme de couverture sanitaire universelle, même si, à
                                   travers ce dossier, d’autres expressions seront parfois utilisées.
                                   Regardons maintenant ce que l’on met derrière ces mots et d’où vient le
                                   concept.

Et si on commençait par un dessin ?

Cette couverture qui nous occupe est représentée par                   « Sanitaire ». La deuxième dimension, un accès à tous
un cube. Trois dimensions qui correspondent chacune                    les services de santé, de qualité équivalente pour
à un des termes de son nom. Michel Roland1 nous l’a                    tous, et exercés par des professionnels compétents.
décrite de droite à gauche.                                            Par services de santé, on entend aussi bien les
                                                                       services préventifs, curatifs, de réadaptation, de
« Universelle ». La première dimension, la population                  promotion de la santé, ainsi que l’accès aux médi-
couverte. Elle doit être la plus large possible, bref,                 caments, aux technologies dont chacun a besoin.
concerner tout le monde.                                               « Ce qui nécessite de légiférer sur les différentes

1. Michel Roland, président de Médecins du monde, interviewé par
Santé conjuguée en 2016.

                                                                    Réduire la                                   Coûts
                                                                   participation                                directs :
                                                                   aux coûts et                               proportion
                                                                                               Inclure
                                                                     aux frais                                 des coûts
                                                                                              d’autres
                                                                                                               couverts
                                                                                              services

                       Étendre aux
                        personnes                       Fonds actuellement
                      non couvertes                       mis en commun
                                                                                               Services : quels
                                                                                                services sont
                                                                                                 couverts ?
                                   Population : qui est couvert ?

16                                                                                                               I               I
                                                                                                   Santé conjuguée septembre 2016 n° 76
professions pour voir ce qu’est un soin. Un soin doit
être reconnu et validé scientifiquement. » Même en
chirurgie par exemple, cela implique de différencier           « Un système de santé englobe l’ensemble des
des soins de confort de ceux qui sont nécessaires              organisations, des institutions et des ressources
(par exemple une plastie pour raison esthétique ou             dont le but est d’améliorer la santé.
une reconstruction mammaire suite à une ablation).             La plupart des systèmes de santé nationaux
                                                               sont composés d’un secteur public, d’un secteur
« Couverture ». La troisième dimension indique la pro-         privé, d’un secteur traditionnel et d’un secteur
portion des coûts couverts. Pour assurer l’accessibilité       informel. Les systèmes de santé remplissent
financière à tous, elle doit donc être la plus étendue         principalement quatre fonctions essentielles : la
possible. Notamment en veillant au fait que « les sys-         prestation de services, la création de ressources,
tèmes de financement de la santé évoluent de telle             le financement et la gestion administrative. »
sorte qu’ils permettent d’éviter les paiements directs
importants au moment de la prestation et comportent            Source :
une méthode de prépaiement des cotisations pour les            http ://www.who.int/topics/health_systems/fr/
soins et services de santé, ainsi qu’un mécanisme de
répartition des risques sur l’ensemble de la population
afin d’éviter les dépenses de santé catastrophiques et
l’appauvrissement des personnes ayant nécessité des
soins » précise la résolution des Nations-Unies sur la     De la santé internationale à la santé globale
couverture sanitaire universelle (2012). Tiers-payant
obligatoire, diminution du ticket modérateur, voire        On parle de la couverture sanitaire universelle dans
suppression de ce dernier en première ligne, autant        les instances internationales un peu comme d’une
de manières d’élargir progressivement l’accessibilité      nouveauté en santé publique, et cela depuis plus de
aux soins de base en Belgique (voir l’article page 43).    dix ans, et plus particulièrement depuis la publication
Nous y reviendrons, de même que sur l’importance           du rapport de l’Organisation mondiale de la santé sur
d’organiser la solidarité sur une large échelle pour       la santé dans le monde de 2010. Elle est même pré-
répartir les risques (voir l’article page 30).             sentée « comme un nouvel outil de lutte contre la pau-
                                                           vreté »2. Certains analystes la verraient même comme
« Dans la définition qu’en donne l’Organisation mon-       « la troisième grande transition dans le domaine de la
diale de la santé, « la couverture sanitaire universelle   santé » [F p4] . Mais d’où émerge-t-elle et dans quel
consiste à veiller à ce que l’ensemble de la population    contexte ?
ait accès aux services préventifs, curatifs, de réadap-
tation et de promotion de la santé dont elle a besoin      « La santé publique s’est progressivement internatio-
et à ce que ces services soient de qualité suffisante      nalisée au cours du XXème siècle grâce à la création de
pour être efficaces, sans que leur coût n’entraîne des     conférences sanitaires internationales, puis d’offices
difficultés financières pour les usagers ».                spécialisés en santé, et enfin, de façon plus institution-
Dans une perspective de sociologie de l’action pu-         nalisée, via la création de l’Organisation mondiale de la
blique, la couverture sanitaire universelle se définit     santé en 1948. Une nouvelle discipline, appelée santé
alors comme un référentiel de politique publique, un       internationale ou « santé et développement », a vu le
référentiel d’objectif. » [D, p129]                        jour et s’est d’abord intéressée aux problèmes de santé
                                                           spécifiques aux pays du Sud. » [D, p132]
Comme on peut le lire dans la définition ci-dessus avec
des termes tels que « qualité suffisante » ou même         Le concept de couverture universelle trouve ainsi son ori-
« difficultés financières », nous pouvons entrevoir        gine dans la Constitution de l’Organisation mondiale de
d’emblée des zones de flou laissant la place à l’inter-    la santé (1948) qui proclame que « la possession du meil-
prétation. Flou qui s’ajoute à l’absence de cadre quant    leure état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue
aux moyens à mettre en œuvre, puisque la couverture        l’un des droits fondamentaux de tout être humain […] »,
sanitaire universelle fixe uniquement des objectifs,       et que « les gouvernements ont la responsabilité de la
sans baliser le chemin. Elle proposerait ainsi une base
conceptuelle plutôt orientée sur le financement que
sur les mécanismes de prestations ou la nature de          2. Selon la résolution « Santé globale et politique étrangère » adoptée
systèmes de santé [F] .                                    par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 6 décembre 2012 [F p 131].

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