MAUVAIS GENRE ! livret pédagogique - CONCOURS D'ÉCRITURE CONVIVÉNCIA 2022 - Canalblog
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
CONCOURS D’ÉCRITURE CONVIVÉNCIA 2022 MAUVAIS GENRE ! livret pédagogique C. Dars-Denise, E. Lhuillier, M. Pansu 1
EDITO À l’opposé du style BCBG (bon chic bon genre), il y a le mauvais genre, catégorie fourre-tout qui rassemble en deux mots des manières d’être, de s’habiller, de se comporter, qui n’inspirent pas confiance, et provoquent le jugement des « braves gens qui n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux ». Qu’est-ce qui fait « mauvais genre » aujourd’hui, des bancs de l’école à ceux de la fac ? Et sur les réseaux sociaux ? Qui édicte les normes dans ces espaces où les élèves sont bien souvent hors du regard des adultes ? Les mauvais genres d’hier ne sont-ils pas les « bon chic bon genre » d’aujourd’hui ? Alors qu’en linguistique, le genre est une catégorie grammaticale fondée sur la répartition entre deux ou trois classes (masculin, féminin et neutre), en sciences sociales, le concept de genre renvoie à la dimension historique, politique, sociale, culturelle et symbolique des identités sexuées. Dans quelle mesure nos sociétés modernes fonctionnent-elles encore selon un schéma de domination genrée ? À l’heure où les Etats-Unis éditent les premiers passeports non binaires de leur histoire et que la Belgique s’apprête à les imiter, à l’heure où Kataluna Enriquez devient la première femme transgenre à participer au concours de Miss USA et où l’emploi du pronom « iel » en langue française enflamme les débats, qu’est-ce qu’un « mauvais genre ? » Dans le domaine des arts, la notion de genre renvoie à des catégories d’œuvres qui se définissent par des caractéristiques précises. En littérature, on a pour habitude de distinguer la poésie, le théâtre, le roman et les genres de l’argumentation. Comme il existe une hiérarchie des genres dans la peinture académique (les sujets historiques valent mieux que les portraits qui sont supérieurs aux paysages, etc.), il existe de bonnes et de mauvaise lectures. Sur France Culture, à une heure très tardive du samedi, il est possible d’écouter l’émission de François Angelier intitulée « Mauvais genres » qui est consacrée aux polars, mangas, comics, romans fantastiques et autres genres à la réputation douteuse. Quelle place ces lectures ont-elles dans la vie de nos élèves ? Mot qui unit (les personnes partageant un même style vestimentaire, les êtres vivants appartenant à des espèces voisines, les individus se reconnaissant dans une identité sexuelle commune…), et mot qui sépare (le féminin du masculin, les gendres idéaux des vauriens, les chefs d’œuvres des divertissements populaires…) le « genre » nous l’espérons, inspirera de riches réflexions dans vos classes sur la beauté et la complexité du vivre ensemble (Convivéncia, en occitan) aujourd’hui, et de beaux textes aussi ! Ce modeste livret a pour ambition de vous y aider. Un grand merci à Claudine Dars-Denise, Marion Pansu, Marina Aubin et Mathieu Boeglin pour leurs contributions. Emilie Lhuillier 2
CONVIVÉNCIA, de qu’es aquò ? Notre histoire et notre philosophie La convivéncia est une valeur de l’Occitanie médiévale qui désigne l’art de vivre ensemble en tolérant les différences. Cette tolérance s’étendait des musulmans d’Al Andaluz aux juifs et aux Cathares qui étaient acceptés localement. Le projet Convivéncia est né en 2014 au sein du LPO Jean-Moulin à Béziers. Proposé par la section d’enseignement professionnel, il invitait tous les personnels et élèves de l’établissement à se rencontrer autour d’un thème d’écriture. C’est un succès dès la première année. Au-delà de la participation, qui est importante, la rencontre a lieu : des élèves de diverses filières, des professeurs de diverses matières, des secrétaires, infirmières, agents d’entretien et autres personnels écrivent seuls ou en groupes, échangent au sein des comités de lecture, puis se retrouvent lors d’une première remise des prix très festive. Dès la deuxième année le lycée professionnel Jean Mermoz se joint à l’aventure ainsi que deux collèges : Jean-Perrin et La-Dullague. Les réunions des membres du jury permettent aux collégiens de visiter les lycées et d’échanger avec des lyécens, des apprentis et des enseignants des différentes filières. Elles permettent également aux personnels des collèges et des lycées de se rencontrer et de tisser des liens. Depuis 2020 le projet réunit jusqu’à 16 établissements publics et privés sur un territoire de plus en plus vaste autour de Béziers. Le concours s’est ouvert aux parents d’élèves, aux étudiants de l’IUT, et aux anciens élèves. On constate au fil des années que Convivéncia bouscule les préjugés et permet de belles rencontres entre établissements publics et établissements privés, entre filières générales et filières professionnelles, entre générations... grâce à la littérature ! Calendrier 2022 Inscriptions et dépôt des manuscrits : Vendredi 18 février 2022 dernier délai. Première réunion du jury : Mercredi 16 mars 2022. Clôture des votes : Vendrdei 15 avril 2022. Deuxième réunion du jury : Mercredi 11 mai 2022. Remise des prix : Vendredi 20 mai 2022. Renseignements et règlement complet auprès des professeurs documentalistes des établissements participants ou à l’adresse convivencia@laposte.net Facebook : Convivéncia Concours d’écriture Suivez l’actualité du concours également sur Moulin On Line, journal en ligne du lycée Jean-Moulin de Béziers. 3
1. Quelques documents et une synthèse… …pour nourrir la réflexion des enseignants. Par C. Dars-Denise, E. Lhuillier, M. Pansu 4
Document Histoire du genre par Michelle Perrot Michelle Perrot est une historienne française, professeure émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris-Diderot. Par ses travaux pionniers sur la question, elle est l’une des grandes figures de l’histoire des femmes. Le genre ? Pas seulement une catégorie d’analyse grammaticale ; pas seulement les hommes et les femmes dans leur altérité ; mais la différence des sexes telle que la (les) culture(s) l’inscri(ven)t dans des corps changeants au cours du temps. Car les corps ont une histoire, tout comme le regard que nous portons sur eux. Dans leur représentation et leur matérialité même. Le genre est une notion relativement récente. La première à l’évoquer, sans le nommer du reste, fut Simone de Beauvoir. « On ne naît pas femme, on le devient », écrivait-elle dans Le deuxième sexe (1949). La féminité pas plus que la virilité ne sont des essences, des états, mais des devenirs. Le sexe assurément marque les corps, mais il ne dicte rien aux individus qui les portent. Il les introduit dans un monde de représentations et de pratiques qui constituent le genre. Pourtant cette idée neuve, au vrai bouleversante, ne pénétra que lentement les sciences sociales (qui) voyaient dans l’Homme et dans la Femme des évidences, et dans leur hiérarchie, un universel spatial et temporel. Or rien n’est plus difficile qu’une rupture d’évidence. Il faut quasiment une révolution. Les choses changèrent à l’horizon des années 1970 et d’abord du côté des femmes, désireuses de rompre le silence qui les enveloppait. (…) Nées dans la foulée du mouvement de libération des femmes, les recherches à leur endroit se développèrent dans toutes les sciences sociales et humaines dans la décennie 1970-1980. (…) Parallèlement, les problématiques changeaient. Il s’agissait d’abord de « rendre visble » ce qui était caché depuis le commandement du monde. Puis, de comprendre les raisons de ce apparaissait comme le résultat d’une « domination masculine » dont les modalités variaient, s’articulaient avec les religions, le pouvoir et la famille, et posaient la question de la résistance et du consentement de l’accommodement des femmes. (…) À partir des années 1980, les gender studies succèdent aux women’s studies. (…) Outre son aspect critique, (le genre) permet d’englober les hommes, les homosexue(le)s, les transgenres, de questionnner l’ « histoire de la virilité » et celle de l’homosexualité. Entre les sexes, les frontières se brouillent, au point de s’abolir dans la pensée queer. (…) Ce qui était implicitement consensuel quant à l’ordre des sexes et des sexualités est devenu explicitement problématique et travaille les sociétés en profondeur. Finalement aucune aire du Nord ou du Sud n’échappe à certaines formes de polarisation du débat : le prolongement d’un processus de libération des mœurs et des individus, ou au contraire une crispation morale ou religieuse qui se focalise en particulier sur le genre, au point de dénoncer l’usage même du concept. Michelle Perrot, En tout genre, préface du catalogue de l’exposition Au bazar du genre, Féminin/Masculin en Méditerranée, MUCEM, juin 2013. 5
Document Classiques et « mauvais genres »: l’établissement d’un canon littéraire, des bancs de la fac à Booktube Récemment, Le Parisien a publié un article qui a fait bondir la twittosphère : « Salon du Livre Paris: des inconnues devenues stars grâce aux réseaux sociaux. » Je vous laisse aller lire le billet si cela vous chante, mais soyez prévenus, ce ne sera probablement pas sans grincements de dents, car on y retrouve une critique extrêmement condescendante de Booktube et de Wattpad, mâtinée de mépris pour les littératures de l’imaginaire, pour young adult, et pour les lectrices en général (car oui, l’article est aussi très sexiste.) (…) Ce que cet article révèle, c’est la fracture réelle, profonde, qui existe, ici en France, entre la littérature dite « générale », socialement valorisée et acceptée, et les « littératures de genre », aussi qualifiées de « mauvais genres », qui englobent le policier, la fantasy, la science-fiction, la romance ou encore le thriller (et j’en oublie.) Je ne saurais encore dire comment cet abîme s’est creusé. Bien que ce soit un des objets de mes recherches, je n’ai pas encore suffisamment élucidé la question pour oser en parler ici. Mais toujours est-il que ce gouffre existe, et bien que la recherche universitaire cherche à le combler depuis ces dernières années en s’intéressant à la fantasy, à la SF et aux genres attachés à la culture dite « populaire » (je vous renvoie au MOOC SF de l’université d’Artois si cela vous intéresse, ou encore au projet LégiPop), la plupart des médias généralistes sont encore en retard et continuent de véhiculer l’idée d’une littérature sacralisée et d’une littérature de bas-étage, de lecteurs avertis et d’adolescents ignorants, abreuvés de « sous-culture. » Quand sortirons-nous enfin de cette dualité stérile? (…) C’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, car ce snobisme littéraire, je l’ai reçu de plein fouet lorsque j’étais adolescente. J’aimais certains « classiques » lus à l’école (notamment Maupassant, Poe, ou Corneille), mais je me tournais en priorité vers les genres de l’imaginaire, et j’aimais par-dessus tout Tolkien, J.K. Rowling et Marion Zimmer Bradley. J’étais déçue que ces genres ne soient jamais étudiés en classe, et surtout, je me heurtais au mépris de certains professeurs de français qui ne comprenaient pas comment une bonne élève pouvait apprécier de telles lectures. Je me souviens notamment de mon professeur de 3ème, monsieur T., qui m’avait humiliée devant toute la classe en critiquant violemment la fantasy après m’avoir rendu une rédaction dans laquelle j’avais glissé quelques touches de merveilleux. (…) Défendre la fantasy est devenu, pour moi, une sorte de mission (libre à vous d’insérer ici une musique épique de votre choix.) Bien des années plus tard, j’ai soutenu mon mémoire de master 2 sur la mythologie irlandaise dans la fantasy, et aujourd’hui, je fais ma thèse de littérature comparée sur la réception de la fantasy en France. Monsieur T. n’a jamais su que son mépris avait, en quelques sortes, suscité une vocation. Être une une lectrice de fantasy (…) ne m’a jamais empêchée d’apprécier les lectures dites « classiques« : Zola, Colette et Marguerite Yourcenar font partie des auteurs et autrices que je chéris le plus au monde, aux côtés de Léa Silhol, de Marion Zimmer Bradley ou de Tolkien. J’apprends par cœur des vers d’Eluard juste pour le plaisir et trouver un Flaubert au fond d’une boîte à livres m’emplit de joie. Le Spleen de Paris, L’œuvre au noir et L’Assommoir font partie, à mes yeux, des plus beaux textes jamais écrits, mais je classe aussi, dans ce panthéon non-exhaustif, Les Lais du Beleriand de Tolkien, La Sève et le Givre de Léa Silhol ou encore les nouvelles de Jean-Philippe Jaworski. La beauté n’a ni genre ni étiquette, elle réduit toutes nos faibles tentatives de classement à l’insignifiance la plus totale. 19 mars 2018, La luciole écarlate, blog de Marie-Lucie Bougon, doctorante en littérature 6
Synthèse Les « Gender studies » en histoire : où sont les femmes ? Peut-être connaissez-vous cette histoire du guerrier viking qui était une femme ? En 1880 on retrouve en Suède, à Birka, des tombes et dans la plus belle un squelette avec des armes, des chevaux, des armures, tout l’équipement du guerrier. Etonnamment il y avait aussi quelques petits indices qui pouvaient suggérer des objets féminins, mais non, pour les archéologues d’alors, ce ne pouvait être qu’un homme. Sauf qu’en 2017 les chromosomes ont parlé : c’était bien une femme, une guerrière qui savait se battre et même mener des combats avec intelligence car ont aussi été retrouvés des jeux de stratégie qui le suggéraient. Cette petite introduction, qui est tout à fait véridique, a pour but d’illustrer le fait que pendant longtemps, l’histoire des femmes, a été cachée par l’histoire des Hommes, des hommes avec une majuscule. En effet, tout particulièrement en France, pays des droits de l’Homme, pays de l’universalité, de la neutralité du citoyen, les femmes et leur histoire étaient cachées derrière les « grands hommes ». J’en veux pour exemple cette magnifique citation très « positive » d’Auguste Comte, un homme de son temps (XIX° siècle) : « Dans toutes les sociétés humaines, la vie publique appartient aux hommes et l’existence des femmes est essentiellement domestique. » Les historiens français, à commencer par les fondateurs des Annales, Lucien Febvre et Fernand Braudel, ont cherché à écrire l’histoire, expliquer le passé, sans se préoccuper de la domination du genre masculin. Ils travaillaient à partir des faits, des phénomènes économiques, des manifestations visibles de l’espace public, d’où étaient exclues les femmes. Plus tard, des Américaines, d’abord les anthropologues Margaret Mead et A. Oakley, puis surtout l’historienne Joan W. Scott, ont mis « les pieds dans le plat » : c’est la naissance des « gender studies ». Mais cela restait encore très très confidentiel. Attardons-nous sur Joan Scott, grande figure du genre en histoire qui s’est tournée vers l’histoire des femmes dans les années 1970 et qui pose des questions comme : comment la différence entre les sexes est-elle creusée et théorisée pour servir de fondement aux inégalités entre hommes et femmes ? Comment ces inégalités sont- elles pensées et éprouvées par les individus ? Comment les justifier à l’âge des droits de l’Homme et de l’égalité entre citoyens ? Elle définit le terme « gender » en histoire comme un concept pour désigner la construction sociale de la différence sexuée. En France à cette époque si les « gender studies » restaient confidentielles, une étape importante a été franchie avec la parution de l’excellente et très volumique Histoire des femmes en Occident, de l’Antiquité au XXe siècle, cinq volumes dirigés par Michelle Perrot et Georges Duby, publié en 1990-1991 : la femme est vue comme un sujet d’histoire mais principalement dans le cadre d’études sur les mentalités, la famille, la maternité, le couple… Nouvelle étape dans cette construction : En 1998, Pierre Bourdieu publie La domination masculine. On peut lui reprocher de ne pas citer le travail de ses collègues, surtout féminines, qui avaient bien dégrossi le travail avant lui. Outre celles déjà citées, on peut penser à Eleni Varikas, La révolte des Dames : genèse d’une conscience féministe en Grèce. C’est également avec Masculin/féminin, La pensée de la différence de Françoise Héritier que les « gender studies » sont entrées de plain-pied dans le débat public et se sont ouvertes à d’autres champs de recherche : en publiant une Histoire de la virilité Alain Corbin et Georges Vigarello ont démontré que la virilté et la masculinité sont aussi des constructions sociales. Toutefois comme le montre Michèle Riot-Sarcey la visibilité des « gender studies » n’empêche pas les polémiques de fleurir depuis une 7
vingtaine d’années. Quelle histoire devons-nous raconter ? Celle des Hommes avec un grand H, des hommes, des femmes, des femmes et des hommes ? Le genre est-il une notion immobile, ou évolutive ? A quand un volume sur le troisième sexe et le mauvais genre ? Enfin, en politique sont apparus les détracteurs de la « théorie du genre » censée être enseignée dès la maternelle et ayant pour but supposé de détruire la société. Mais aujourd’hui, l’un des apports importants des « gender studies » est de nous permettre d’enseigner l’histoire avec un autre regard sur les femmes et tout comme, parallèlement, le regard se parte davantage sur les « sans-voix » (ouvriers, colonisés, opprimés…) même si dans nos grandes écoles se sont toujours les hommes qui dominent ! Les stéréotypes ont la peau dure et le chemin est encore long pour réduire les distorsions de genre et consolider la parité comme le dit Odile Roynette « la résistance du mythe de la virilité, […] n’est pas le moindre obstacle au développement d’un “vivre ensembleˮ plus harmonieux entre hommes et femmes ». Claudine Dars-Denise, professeure de Lettres Histoire géographie au lycée Jean-Moulin de Béziers Références bibliographiques : Auguste Comte, Discours sur l’ensemble du positivisme ou exposition sommaire de la doctrine philosophie et sociale à la grande république occidentale, Paris, 1848 Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine, Georges Vigarello, Histoire de la virilité, 2011, Point Margaret Mead Sex and Temperament in Three Primitive Societies, 1935) A. Oakley Sex, Gender, and Society, Temple Smith, 1972 Michèle Perrot, Georges Duby, Histoire des femmes, Paris, Plon, 1991-92 Odile Roynette, Bons pour le service. L’expérience de la caserne en France à la fin du XIXe siècle, 2000, Belin Michèle Riot-Sarcey L’historiographie française et le concept de « genre », Revue d’histoire moderne et contemporaine, oct-déc. 2000 Eleni Varikas, La révolte des Dames : genèse d’une conscience féministe en Grèce, Athènes, 1987 Joan W. Scott, Gender and the Politics of History, Columbia University Press, 1988 – Parité ! L’universel et la différence des sexes Paris, Albin Michel, 2005 Magazine L’Histoire, Numéro anniversaire 1978-2018, 40 ans de controverses, n°447, mai 2018, art. « Faut-il souffrir pour être un homme. Odile Roynette Sites : https://www.lepoint.fr/monde/suede-le-grand-chef-viking-etait-une-femme-13-09-2017- 2156715_24.php https://www.canal-u.tv/video/chs/quelques_cles_sur_les_gender_studies_1.35665 https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_2000_num_47_4_2048 https://www.scienceshumaines.com/les-gender-studies-pour-les-nul-le-s_fr_27748.html https://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2008-4-page- 83.htm?contenu=article 8
Supports de séance Mélange des genres La question du brouillage de la frontière entre les genres fait régulièrement la une de l’actualité et divise l’opinion, mais on la met rarement en perspective. Le féminin et le masculin ont-ils toujours été définis de la même manière dans toutes les sociétés ? Amphore figurant Zeus donnant naissance à Athéna sortie armée de sa tête, 550-540 av JC, terre cuite peinte. Musée d’art et d’histoire de Genève. Enluminure extraite du Devisement du monde de Marco Polo, figurant un rituel de « couvade » où le père soigne le nouveau-né, vers 1520- 1530, BnF, Paris Sous le nom de « couvade » les ethnographes et les anthropologues désignent une pratique rituelle qui consiste en ce que le père, après l’accouchement, se comporte pendant un certain nombre de jours comme s’il avait lui-même accouché. Il se fait soigner comme un malade, garde le lit, et s’abstient de vaquer à ses occupations habituelles. 10
Vierge jurée d’Albanie, photographie de Jill Peters, 2013 La tradition des « vierges jurées » (burrneshë) d’Albanie remonte au XVème siècle. Selon la coutume, une femme peut faire vœu de virginité et vivre dans la peau d’un homme pour le restant de sa vie. Dans la grande majorité des cas, les vierges jurées sont des filles uniques, ou sans frères, qui sont, dès leur naissance ou à la mort d’un frère, élevées en tant que garçon, dans un contexte de très forte inégalité de genre. Quelques pistes… Ces documents permettent d’explorer la thématique du « mauvais genre » en mettant en perspective le brouillage actuel de la frontière entre les genres que constitue la transexualité. On peut également se demander si les circulations traditionnelles entre les genres remettent en question la domination masculine dans les sociétés qui les ont vues naître. On peut le penser ou au contraire émettre l’hypothèse qu’elles y participent et la renforcent. Le mythe de la naissance d’Athéna sortant directement de la tête de Zeus rejoint la préoccupation patriarcale d’inscrire avec certitude l’enfant dans la filiation du père. De même que le rituel de la couvade peut être interprété comme l’expression du désir masculin de dominer le pouvoir d’enfanter. En Albanie, la tradition des vierges jurées permet de contourner les inconvénients d’un patriarcat très puissant en donnant la possibilité à une famille qui n’a pas de fils de bénéficier des prérogatives exclusivement masculines qui lui seraient sans cela refusées (héritage, gestion des affaires, possession d’une arme…) 11
Support de séance Cet inconnu qu’est la révolution des genres… On entend aujourd'hui des hommes se lamenter de ce que l'émancipation féministe les dévirilise. Ils regrettent un état antérieur, quand leur force prenait racine dans l'oppression féminine. Ils oublient que cet avantage politique qui leur a été donné a toujours eu un coût : les corps des femmes n'appartiennent aux hommes qu'en contrepartie de ce que les corps des hommes appartiennent à la production, en temps de paix, à l’État, en temps de guerre. La confiscation du corps des femmes se produit en même temps que la confiscation du corps des hommes. Il n'y a de gagnants dans cette affaire que quelques dirigeants. Le soldat le plus connu de la guerre en Irak est une femme. Les Etats désormais envoient leurs pauvres au front. Les conflits armés sont devenus des territoires mixtes. De plus en plus, la polarité dans la réalité se fait en fonction de la classe sociale. Les hommes dénoncent avec virulence injustices sociales ou raciales, mais se montrent indulgents et compréhensifs quand il s'agit de domination machiste. Ils sont nombreux à vouloir expliquer que le combat féministe est annexe, un sport de riches, sans pertinence ni urgence. Il faut être crétin ou salement malhonnête, pour trouver une oppression insupportable et juger l'autre pleine de poésie. De la même manière, les femmes auraient intérêt à mieux penser les avantages de l'accession des hommes à une paternité active, plutôt que profiter du pouvoir qu'on leur confère politiquement, via l'exaltation de l'instinct maternel. Le regard du père sur l'enfant constitue une révolution en puissance. Ils peuvent notamment signifier aux filles qu'elles ont une existence propre, en dehors du marché de la séduction, qu'elles sont capables de force physique, d'esprit d'entreprise et d'indépendance, et de les valoriser pour cette force, sans crainte d'une punition immanente. Ils peuvent signaler aux fils que la tradition machiste est un piège, une sévère restriction des émotions, au service de l'armée et de l’État. Car la virilité traditionnelle est une entreprise aussi mutilatrice que l'assignement à la féminité. Qu'est-ce que ça exige, au juste, être un homme, un vrai ? Répression des émotions. Taire sa sensibilité. Avoir honte de sa délicatesse, de sa vulnérabilité. Quitter l'enfance brutalement, et définitivement : les hommes-enfants n'ont pas bonne presse. (...) Ne pas montrer sa faiblesse. Museler sa sensualité. S'habiller dans des couleurs ternes, porter toujours les mêmes chaussettes pataudes, ne pas jouer avec ses cheveux, ne pas porter trop de bijoux, ni aucun maquillage. Devoir faire le premier pas, toujours. (...) Ne pas savoir demander d'aide. Devoir être courageux, même si on n'en a aucune envie. Valoriser la force quel que soit son caractère. Faire preuve d'agressivité. Avoir un accès restreint à la paternité. Réussir socialement pour se payer les meilleures femmes. (...) Ne pas jouer à la poupée quand on est petit, se contenter de voitures et d'armes en plastique supermoches. Ne pas trop prendre soin de son corps. Être soumis à la brutalité des autres hommes, sans se plaindre. Savoir se défendre, même si on est doux. Être coupé de sa féminité, symétriquement aux femmes qui renoncent à leur virilité, non pas en fonction des besoins d'une situation ou d'un caractère, mais en fonction de ce que le corps collectif exige. Afin que, toujours, les femmes donnent les enfants pour la guerre, et que les hommes acceptent d'aller se faire tuer pour sauver les intérêts de trois ou quatre crétins à la vue courte. Si nous n'allons pas vers cet inconnu qu'est la révolution des genres, nous connaissons exactement ce vers quoi nous régressons. Virginie Despentes, King Kong Théorie, 2006 12
Couverture d’un manuel préparant au Photogramme tiré du film Rambo, first diplôme d’État de puériculture blood de Ted Kotcheff sorti en 1982 et (spécialisation infirmière dans le soin des inspiré du roman Le premier sang de David enfants en bas âge), 2019. Morell. Le personnage éponyme, un ancien soldat traumatisé par la guerre du Vietnam, est joué par Sylvester Stallone. Quelques pistes… Ces documents permettent d’aborder la question des stéréotypes de genre pour les interroger. La répartition traditionnelle des rôles assignés au féminin et au masculin est- elle désirable par tous ? Le texte se termine par une invitation à craindre le passé plutôt que de le futur. On peut, avec les élèves, recenser les stéréotypes de genre présents en milieu scolaire (orientation, occupation de l’espace, prise de parole…) lors d’un débat, puis, en atelier d’écriture, imaginer un futur utopique où les individus ne seraient plus contraints de se conformer à ces stéréotypes traditionnels, et pourraient inventer de nouvelles féminités et masculinités. 13
Supports de séance Martin Parr, the last resort The last resort est une série de photographies en couleurs prises dans les années 1980 à Brighton (Royaume-Uni). Martin Parr photographie des vacanciers au bord de la mer. Les vacances ressemblent-elles vraiment aux images lisses des publicités ? Martin PARR, 1983, New Brighton, Royaume-Uni, tirage argentique, série The last Resort Martin PARR, 1986, New Brighton, Royaume-Uni, tirage argentique, série The last Resort 14
Martin PARR, 1983, New Brighton, Royaume-Uni, tirage argentique, série The last resort Quelques pistes… La série de photographies The last resort de Martin Parr joue sur la polysémie du mot « resort » en anglais qui signifie à la fois hôtel et complexe touristique, mais aussi recours. Le titre peut ainsi être compris de différentes manières : le dernier hôtel ou complexe touristique (le dernier au classement ou le dernier à la mode ?), mais aussi le dernier recours. Ces photographies réalistes tendent un miroir grossissant à la société, mettant en évidence le contraste entre des attentes idéalisées déployées dans l’imaginaire et dans la publicité (partir en vacances, c’est se distinguer socialement, aller à la mer c’est se rapprocher de la nature…) et la réalité qui reflète les valeurs d’une société faite de consommation de masse et de classes qui ne se mélangent pas. Cette série constitue aussi une observation drôle et non conventionnelle des comportements humains, avec un regard jamais condescendant et toujours empathique pour les sujets photographiés. Ce sont des images familières, dans tous les sens du terme, un peu vulgaires, qui captent avec tendresse le « mauvais genre », en incluant le spectateur - qui se sent moins seul dans son imperfection. Un regard qui transforme le quotidien et le banal en surprenant. 15
Support de séance Charles Bovary, le nouveau dans la classe Nous étions à l'Etude, quand le Proviseur entra suivi d'un nouveau habillé en bourgeois et d'un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail. Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir ; puis, se tournant vers le maître d'études : - Monsieur Roger, lui dit-il à demi-voix, voici un élève que je vous recommande, il entre en cinquième. Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands, où l'appelle son âge. Resté dans l'angle, derrière la porte, si bien qu'on l'apercevait à peine, le nouveau était un gars de la campagne, d'une quinzaine d'années environ, et plus haut de taille qu'aucun de nous tous. Il avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre de village, l'air raisonnable et fort embarrassé. Quoiqu'il ne fût pas large des épaules, son habit-veste de drap vert à boutons noirs devait le gêner aux entournures et laissait voir, par la fente des parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes, en bas bleus, sortaient d'un pantalon jaunâtre très tiré par les bretelles. Il était chaussé de souliers forts, mal cirés, garnis de clous. On commença la récitation des leçons. Il les écouta de toutes ses oreilles, attentif comme au sermon, n'osant même croiser les cuisses, ni s'appuyer sur le coude, et, à deux heures, quand la cloche sonna, le maître d'études fut obligé de l'avertir, pour qu'il se mît avec nous dans les rangs. Nous avions l'habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin d'avoir ensuite nos mains plus libres ; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière ; c'était là le genre. Mais, soit qu'il n'eût pas remarqué cette manoeuvre ou qu'il n'eût osé s'y soumettre, la prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux. C'était une de ces coiffure d'ordre composite, où l'on retrouve les éléments du bonnet à poil, du chapska du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d'expression comme le visage d'un imbécile. Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires ; puis s'alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours et de poils de lapin ; venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d'une broderie en soutache compliquée, et d'où pendait, au bout d'un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d'or, en manière de gland. Elle était neuve ; la visière brillait. - Levez-vous, dit le professeur. Il se leva ; sa casquette tomba. Toute la classe se mit à rire. Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d'un coup de coude, il la ramassa encore une fois. - Débarrassez-vous donc de votre casque, dit le professeur, qui était un homme d'esprit. Il y eut un rire éclatant des écoliers qui décontenança le pauvre garçon, si bien qu'il ne savait s'il fallait garder sa casquette à la main, la laisser par terre ou la mettre sur sa tête. Il se rassit et la posa sur ses genoux. 16
- Levez-vous, reprit le professeur, et dites-moi votre nom. Le nouveau articula, d'une voix bredouillante, un nom inintelligible. - Répétez ! Le même bredouillement de syllabes se fit entendre, couvert par les huées de la classe. - Plus haut ! cria le maître, plus haut ! Le nouveau, prenant alors une résolution extrême, ouvrit une bouche démesurée et lança à pleins poumons, comme pour appeler quelqu'un, ce mot : Charbovari. Ce fut un vacarme qui s'élança d'un bond, monta en crescendo, avec des éclats de voix aigus (on hurlait, on aboyait, on trépignait, on répétait : Charbovari ! Charbovari !), puis qui roula en notes isolées, se calmant à grand-peine, et parfois qui reprenait tout à coup sur la ligne d'un banc où saillissait encore çà et là, comme un pétard mal éteint, quelque rire étouffé. Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1857 Quelques pistes… Pour renouveler l’approche de ce texte très connu, on peut proposer aux élèves d’entrer en premier lieu dans le comique du passage, puis de prendre de la distance en changeant de point vue. On peut ainsi commencer par demander aux élèves de tenter de dessiner la casquette de Charles. Ils mesureront alors à quel point la description est irréaliste, à quel point l’objet est ridicule, et combien les dessins réalisés peuvent provoquer le rire. Il sera ensuite possible d’interroger la classe sur la nature de ce rire : rit-on avec Charles, ou contre lui ? Ici le rire est clairement moqueur. Le point de vue adopté, celui des autres élèves, met en évidence le regard cruel des adolescents de la ville sur ce nouveau venu de la campagne, maladroit et mal habillé. Il peut alors être intéressant de proposer un travail de réception par un écrit d’invention : raconter la scène du point de vue de Charles. Ce qu’il aurait pu écrire dans son journal intime, le soir à l’internat, par exemple. Cet exercice permettra d’articuler l’analyse de ce texte à la question du harcèlement scolaire en proposant aux élèves de mettre le rire à distance pour être en empathie avec celui qui est moqué (pour ses vêtements, sa maladresse , son origine sociale….) 17
3. Une proposition de séquence collège/LP… …à adapter selon le public. Par C. Dars-Denise 18
Séquence : Oh, boy !, Marie-Aude Murail Objet d’étude en CAP : rêver, imaginer, créer Problématique : Oh, boy ! , roman réaliste ou conte moderne ? Séance/Évaluation Objectifs Problématique Déroulé À faire, à et supports apprendre Comment Comparer le Lire, analyser 1 –Quelle Formuler des entrer dans un début de contes et et formuler histoire ? hypothèses de roman ? celui du roman et des lecture les doc hypothèses à Entrer dans Titre/1ère et 4ème iconographiques. l’oral. l’œuvre et faire de couverture S’interroger sur le émerger la titre Lire le roman problématique Textes et compléter de séquence. la fiche galerie de portrait au fur et à mesure Comment sont 2 – Galerie de Portrait caractérisés les Travail en petits Les portraits physique, personnages groupes. personnages réalistes ? social et du roman ? des romans psychologique réalistes. des Tableau à personnages. compléter Livre à feuilleter Comment 3 – Marie Aude Découvrir les Marie-Aude Dominante oral Lire Murail, une genres Murail nous Argumenter romancière littéraires parle d’elle Les genres « Mauvais dans ce littéraires et genre » ? roman ? non littéraires Extrait d’interview de M- A Murail L’humour est-il Travail en groupe Les différents 4 – L’humour et la Comprendre utilisé pour types société. comment nous faire rire d’humour l’auteur utilise ou pour nous l’humour pour faire réfléchir ? parler des choses graves Fiches élèves Répondre à la La fin du roman Les fins de 5 – La fin du problématique répond-elle aux Lecture et débat. roman roman, la fin de de la séquence attentes du La morale l’histoire ? début du d’un conte roman ? A l’issue de la séquence on peut amener les élèves à écrire leur histoire Mauvais genre ! 19
Séance 1 : Quelle histoire ? Lisez la première page du roman et la 4ème de couverture (doc.1) et comparez-le aux textes et images proposés en remplissant le tableau ci-dessous. Document 2 : Hänsel et Grethel Il y avait une fois un pauvre bûcheron qui demeurait au coin d’un bois avec sa femme et ses deux enfants : un garçon qui s’appelait Hänsel et une fille du nom de Grethel. Ils avaient peu de chose à se mettre sous la dent, et une année qu’il vint une grande cherté de vivres il fut impossible à l’homme de gagner le pain quotidien. Une nuit qu’il se tournait et se retournait dans son lit sous le poids des tourments, il dit à sa femme : — Qu’allons-nous devenir ? Comment nourrir nos pauvres enfants, lorsque nous n’avons plus rien pour nous-mêmes ? — Sais-tu, mon homme, ce qu’il faut faire ? répondit la femme. Demain, à la première heure, nous conduirons nos enfants dans la forêt, là où elle est la plus épaisse. Nous leur ferons du feu et nous donnerons à chacun un morceau de pain. Nous retournerons ensuite à notre travail, et les laisserons tout seuls. Ils ne retrouveront pas le chemin de la maison et nous en serons débarrassés. […] Hänsel et Grethel, Wilhem et Jacob Grimm (1782-1863) Document 3 : Blanche-Neige C'était l'hiver. Une reine cousait, assise auprès d'une fenêtre dont le cadre était en bois d'ébène, tandis que la neige tombait à gros flocons. En cousant, la reine se piqua le doigt et quelques gouttes de sang tombèrent sur la neige. Le contraste entre le rouge du sang, la couleur de la fenêtre et la blancheur de la neige était si comme cette neige, les lèvres rouges comme ce sang, les yeux et les cheveux noirs comme les montants de cette fenêtre. Peu de temps après, elle eut une petite fille à la peau blanche comme la neige, aux lèvres rouges comme le sang, aux yeux et aux cheveux noirs comme l'ébène. On l'appela Blanche neige. Mais la reine mourut le jour de sa naissance. Un an plus tard le roi se remaria. Sa femme était très belle et très jalouse. Elle possédait un miroir magique, don d'une fée, qui répondait à toutes les questions. […] Blanche-Neige, Wilhem et Jacob Grimm (1782-1863) Document 4 : Illustration de Gustave Doré du conte Le Document 5 : Première de couverture Petit Poucet de C. Perrault du roman Oh, boy ! 20
Séance 2 : Galerie de portraits réalistes ? PORTRAIT PHYSIQUE et PSYCHOLOGIQUE ÉVOLUTION DU PERSONNAGE entre le début et la fin 14 ans, surdoué, prépare le bac. Il cherche Au début du roman il est orphelin, son Siméon par tous les moyens à rester avec ses père les a abandonnés et sa mère s’est Morlevent sœurs. suicidée. Il a juré avec Morgane et Venise Il est gravement malade : il a une leucémie. de ne jamais se séparer. A la fin du roman, il est guéri, il obtient son bac avec mention TB et il vivra chez son demi-frère Bart. Sans emploi, Morlevent de sang. Au début du roman il accepte d’être le Barthélémy Barthélémy est homosexuel et le titre du tuteur assez vite. Morlevent roman vient de son exclamation quand on le surprend : « Oh, boy ! ». A la fin du roman, il va s’occuper de Mais il est très immature. Par exemple, il Siméon, il a quitté Léo et il va peut-être fait croire à Léo son compagnon pas très finir avec le Pr Mauvoisin qui a soigné tolérant, que les enfants sont ceux de sa Siméon. voisine du dessus, une femme battue nommée Aimée ; parfois il le drogue à son insu avec des calmants pour avoir la paix. Demi-sœur par adoption, mariée, Au début du roman, elle est réticente pour Josiane ophtalmologiste. Elle ne peut pas avoir être tutrice, mais elle veut avoir la garde Morlevent d’enfants et en souffre. de Venise qui est très jolie. Elle s’oppose à son demi-frère en mettant en avant son homosexualité, ce qui selon elle fait de lui un mauvais exemple familial. Elle fait pression sur la juge. A la fin du roman, elle adopte Venise et Morgane à la condition qu’elles puissent voir Siméon un weekend sur deux Les personnages de romans réalistes : Ce sont des personnages de fiction présentés comme des personnes réelles : ils ont une identité, sont décrits physiquement, psychologiquement et socialement. Ils permettent au lecteur de s’identifier à eux et de réfléchir à ses propres comportements, engagements, et à sa place dans la société. Explique en argumentant et en illustrant quel est ton personnage préféré. 21
Séance 3 : Marie Aude Murail, une romancière « Mauvais genre » ? Document 1 : Marie-Aude Murail, Extrait d’une interview de J. Vergely, photo L. Crespi, Télérama, 3699, 02/12/20 Ses romans fascinent les ados depuis trente ans. Toujours à l’affût, elle aime les rencontrer, les écouter, elle leur dit tout, sans tabou. Trouvant dans l’écriture de quoi panser ses blessures. Vous avez écrit près d’une centaine de livres, tous destinés aux adolescents. Pourquoi ? Je ne pense pas que ce soit le hasard. J’ai commencé à écrire à 12 ans pour ma petite sœur. J’avais conçu un journal, je l’ai retrouvé, et il s’agit véritablement de littérature pour la jeunesse. On y retrouve une histoire policière à suivre, un conte animalier, et à la fin […] la vie du saint curé d’Ars. […] Pourquoi avoir si longtemps vécu dans un monde fantasmé ? Je voulais être quelqu’un d’autre, tout simplement. J’étais constamment dans une autre identité. J’étais ce personnage masculin, tout le temps. Vraiment, « je est un autre », de toute puissance, de l’idée qu’à force de fantasmer, les choses ne seraient pas comme elles étaient. Mes enfants ont eu une maman bizarre : je les admirais, je les écoutais, mais par moments, je pouvais certainement être absente. […] Cela s’est dissipé peu après la mort de ma mère. Êtes-vous toujours en quête de vous-même ? Je suis toujours à l’affût. J’écoute les jeunes […] ils nous apprennent sans cesse des choses. Toute cette réflexion récente autour de l’identité et du genre m’a énormément ébranlée et énormément apporté. Je me suis dit « bon sang, mais c’est ça ». Quel chemin serait le mien si j’avais 12 ans aujourd’hui ? Dans Sauveur & fils, […], j’ai créé ce petit personnage, Ella, qui devient Elliot au fur et à mesure du récit. Au début, je me suis dit qu’elle était mon double, qu’elle allait faire comme moi, fantasmer d’être le chevalier Elliot. Finalement, elle est insatisfaite, cela ne lui suffit pas. Et je suis le psy, Sauveur, qui lui dit qu’elle est dans la toute-puissance, à croire qu’elle va changer de sexe. Il voudrait la retenir et lui dire « fais comme Marie-Aude, écrivain, c’est bien, tu peux garder le titre au masculin si tu veux ». Et elle ne l’écoute pas. Elle ne m’écoute pas et fait ce que je n’ai pas fait. Le chemin ne s’est pas présenté à moi, j’ai choisi un embranchement que je ne regrette pas, mais parce que j’ai été d’une certaine époque. Je dis aux enfants qu’on est poupées russes : on ouvre une poupée, puis une autre, et une autre, on attend toujours la dernière, mais on ne l’aura jamais. On apprend sur soi toute sa vie. […] Vous n’aviez pas de modèle d’écrivaine ? Je grandissais dans un lycée de filles, avec professeurs femmes, qui ne parlaient que d’hommes. Les peintres, les musiciens, les scientifiques ou les écrivains, que des hommes. En classe de première, j’ai demandé la permission de faire un exposé sur Colette. Ce fut la première fois que j’entendais parler d’une femme à l’école. […] Beaucoup de femmes se sont fait confisquer leur carrière et leurs découvertes. J’étais au lycée Sophie-Germain, une mathématicienne, une femme extraordinaire, que personne ne connaît. Voilà un modèle possible. Il y en a d’autres mais il faut qu’ils arrivent jusqu’aux petites filles. […] J’aime les gens pour leurs défauts, donc, mes héros, je les montre très faillibles, fragiles, vulnérables. Mais s’accrochant toujours : je ne laisserai jamais mon lecteur dans le noir à la fin du livre, il y aura toujours la lumière allumée. […] Il y a toujours de l’espoir dans vos romans. Êtes-vous véritablement optimiste ? […] Je suis une tragique, mais j’ai appris l’humour de bonne heure. Et quand j’écris, j’ai l’impression qu’il y a quelqu’un d’autre qui prend les commandes. Peut-être ma mère ou quelque chose 22
de toute de toute cette lignée de femmes, très volontaires, très battantes, qui est avec moi et qui me relève. De toute façon, quelque chose m’interdit de désespérer : les enfants. […] Ils me tiennent debout. […] Le mot genre est un nom masculin 1 - Ensemble de traits communs à des êtres ou à des choses caractérisant et constituant un type, un groupe, un ensemble ; sorte, espèce. Ex. : Aimez-vous ce genre de spectacles ? Je n’apprécie pas trop ce genre d’individu. Synonymes : forme - nature - type 2 - Manière d'être de quelqu'un ; comportement, attitude ; allure de quelque chose. Ex. : Il a un genre bizarre. Avoir le genre artiste. Synonymes : air - allure - attitude - comportement - façons - manières - tenue 3 - Catégorie d'œuvres littéraires ou artistiques définie par un ensemble de règles et de caractères communs ; style, ton d'un ouvrage. Ex. : Le genre littéraire. Synonymes : écriture - manière Les genres littéraires et non littéraires. Il ne faut pas confondre les genres littéraires les récits (romans, nouvelles, contes), la poésie et le théâtre et les genres non littéraires, dits fonctionnels que sont les articles de presse, les pages de dictionnaire, les lettres, les publicités, les CV… De plus, il existe des sous-genres dans la catégorie des romans. Ils peuvent être historique, fantastique, épistolaire, jeunesse, dramatique, lyrique, biographique, science-fiction, comique… On peut parler de « mauvais genres » pour le genre policier, la fantasy, la science-fiction, la romance ou encore le thriller, tout ce qui n’est pas littérature classique mais cela reste une histoire de norme, de goût, … Ces genres ont en réalité un immense succès auprès du public. Surlignez tous les genres ou sous-genres dont on parle dans ce texte. Quel est le genre du texte ci-dessus ? Une interview, qui fait partie des textes fonctionnels. De quel personnage du roman Marie-Aude Murail se rapproche-t-elle le plus selon vous ? Pourquoi ? Barth, pour le côté à la marge ; Siméon pour son opiniâtreté ; toute réponse argumentée. Quelles sont les valeurs que Marie-Aude Murail défend dans son œuvre selon vous ? Le féminisme, le droit à la différence… à un autre genre… Document 2 : Qu’est-ce que le genre selon l’ONU ? Par « genre » on entend la construction socioculturelle des rôles masculins et féminins et des rapports entre les hommes et les femmes. Alors que « sexe » fait référence aux caractéristiques biologiques, être né(e) homme ou femme, le genre décrit des fonctions sociales assimilées et inculquées culturellement. Le genre est ainsi le résultat des relations de pouvoir présentes dans une société et sa conception est alors dynamique et diffère selon l’évolution du temps, l’environnement, les circonstances particulières et les différences culturelles. Selon vous, peut-on dire que Marie-Aude Murail, de par les valeurs qu’elle défend et les histoires qu’elle écrit, est une romancière « mauvais genre » ? 23
Vous pouvez aussi lire