Mesures techniques et évaluation des risques environnementaux pour la conservation des éponges d'eaux profondes
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Mesures techniques et évaluation des risques environnementaux pour la conservation des éponges d’eaux profondes
Mesures techniques et évaluation des risques environnementaux pour la conservation des éponges d’eaux profondes de Tony Thompson Consultant Département des pêches et de l’aquaculture Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture Rome et Susanna D. Fuller Oceans North, Canada Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture Rome, 2021
Citer comme suit: Thompson, T. et Fuller, S.D. 2021. Mesures techniques et évaluation des risques environnementaux pour la conservation des éponges d’eaux profondes. FAO, Rome. Les appellations employées dans ce produit d’information et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) aucune prise de position quant au statut juridique ou au stade de développement des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. Le fait qu’une société ou qu’un produit manufacturé, breveté ou non, soit mentionné ne signifie pas que la FAO approuve ou recommande ladite société ou ledit produit de préférence à d’autres sociétés ou produits analogues qui ne sont pas cités. Les opinions exprimées dans ce produit d’information sont celles du/des auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement les vues ou les politiques de la FAO. © FAO, 2021 Certains droits réservés. Cette œuvre est mise à la disposition du public selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution-Pas d’Utilisation Commerciale-Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 Organisations Intergouvernementales (CC BY-NC-SA 3.0 IGO; https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/igo/legalcode.fr). Selon les termes de cette licence, cette œuvre peut être copiée, diffusée et adaptée à des fins non commerciales, sous réserve que la source soit mentionnée. Lorsque l’œuvre est utilisée, rien ne doit laisser entendre que la FAO cautionne tels ou tels organisation, produit ou service. L’utilisation du logo de la FAO n’est pas autorisée. Si l’œuvre est adaptée, le produit de cette adaptation doit être diffusé sous la même licence Creative Commons ou sous une licence équivalente. Si l’œuvre est traduite, la traduction doit obligatoirement être accompagnée de la mention de la source ainsi que de la clause de non-responsabilité suivante: «La traduction n’a pas été réalisée par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). La FAO n’est pas responsable du contenu ni de l’exactitude de la traduction. L’édition originale [langue] est celle qui fait foi.» Tout litige relatif à la présente licence ne pouvant être résolu à l'amiable sera réglé par voie de médiation et d'arbitrage tel que décrit à l'Article 8 de la licence, sauf indication contraire contenue dans le présent document. Les règles de médiation applicables seront celles de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (http://www.wipo.int/amc/fr/mediation/rules) et tout arbitrage sera mené conformément au Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI). Matériel attribué à des tiers. Il incombe aux utilisateurs souhaitant réutiliser des informations ou autres éléments contenus dans cette œuvre qui y sont attribués à un tiers, tels que des tableaux, des figures ou des images, de déterminer si une autorisation est requise pour leur réutilisation et d’obtenir le cas échéant la permission de l’ayant-droit. Toute action qui serait engagée à la suite d’une utilisation non autorisée d’un élément de l’œuvre sur lequel une tierce partie détient des droits ne pourrait l’être qu’à l’encontre de l’utilisateur. Ventes, droits et licences. Les produits d’information de la FAO sont disponibles sur le site web de la FAO (www.fao.org/publications) et peuvent être obtenus sur demande adressée par courriel à: publications-sales@fao.org. Les demandes visant un usage commercial doivent être soumises à: www.fao.org/contact-us/licence-request. Les questions relatives aux droits et aux licences doivent être adressées à: copyright@fao.org. Photo de couverture: ©FAO/Fisheries and Oceans Canada
iii Table des matières Remerciements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . iv Abréviations et acronymes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . v Résumé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vii 1. INTRODUCTION. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 2. ÉCOSYSTÈMES MARINS VULNÉRABLES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 3. FONCTIONS ÉCOSYSTÉMIQUES DES ÉPONGES D’EAUX PROFONDES. . . . 2 3.1. Le rôle écosystémique des éponges. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 4. MESURES RÉGIONALES DE PROTECTION DES ÉPONGES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 4.1 Inclusion des éponges comme espèce indicatrice d’EMV par les ORGP. . . . . . . . 5 4.2 Application de seuils de rencontre pour l’établissement d’EMV . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 4.2.1 Rencontres avec des éponges dépassant la valeur-seuil. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 4.2.2 Rencontres avec des éponges ne dépassant pas la valeur-seuil. . . . . . . . . . . . 9 4.2.3 Prélèvements d’éponges par la pêche profonde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 4.3 Zones actuellement fermées en vue de protéger les EMV abritant des éponges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 4.4 Définition des zones de pêche de fond existantes et de protocoles de pêche exploratoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 5. DISPOSITIONS PRISES DANS LES ORGP POUR ATTÉNUER LES RISQUES POUR LES ÉPONGES.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 5.1 Réduction des zones de chevauchement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 5.2 Définition améliorée de l’empreinte de pêche. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 5.3 Informations sur les engins, modifications et restrictions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 6. ÉVALUATION DES RISQUES DANS LE CONTEXTE DE L’APPROCHE ÉCOSYSTÉMIQUE DES PÊCHES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 7. CADRE D’ÉVALUATION DES RISQUES ÉCOLOGIQUES, ET INDICATEURS FONDÉS SUR LES RISQUES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 7.1 Identification des éléments d’un CERE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 7.2 Application du CERE et des indicateurs fondés sur le risque aux habitats d’éponges de l’Atlantique Nord . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 8. CHANGEMENTS DES FONCTIONS ÉCOSYSTÉMIQUES DES ÉPONGES CAUSÉS PAR LA PÊCHE.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 9. STRATÉGIE POUR INCORPORER LES FONCTIONS DES CHAMPS D’ÉPONGE AUX CADRES DE GESTION. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 10. BIBLIOGRAPHIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
iv Remerciements Le présent rapport a été relu par Merete Tandstad (FAO, Département des pêches et de l’aquaculture – NFIF), Edoardo Mostarda (FAO, NFIF), Blaise Kuemlangan (FAO, Service droit et développement - LEGN), Ellen Kenchington (Pêches et Océans Canada), et Odd Aksel Bergstad (Institut de Recherche Marine, Norvège).
v Abréviations et acronymes AEP approche écosystémique des pêches APSOI Accord relatif aux pêches dans le sud de l’Océan Indien ASFIS Aquatic Sciences and Fisheries Information System CCAMLR Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique CPPN Commission des pêches du Pacifique Nord CCPR Code de conduite pour une pêche responsable CDB Convention sur la diversité biologique CERE cadre d’évaluation des risques écologiques CGPM Commission générale des pêches pour la Méditerranée CIEM Conseil international pour l’exploration de la mer CNUDM Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 CNUED Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement CPANE Commission des pêches de l’Atlantique Nord-Est Directives DSF de la FAO Directives internationales sur la gestion de la pêche profonde en haute mer de la FAO (adoptées en 2008) DSF pêches en eaux profondes ÉÉI éléments écologiques importants EMV écosystème marin vulnérable ENN effets néfastes notables ESA évaluation scientifique des écosystèmes FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture MCE mesures de conservation et d’exécution ODD Objectifs de Développement Durable OPANO Organisation des peches de l’Atlantique du Nord-Ouest OPASE Organisation des pêches de l’Atlantique du Sud-Est ORGP organisations régionales de gestion des pêches ORGPPS Organisation régionale de gestion des pêches du Pacifique Sud ORP organe régional des pêches SICA analyse qualitative des risques SponGES Projet SponGES, écosystèmes de champs d’éponges d’eaux profondes de l’Atlantique Nord, approche intégrée de préservation et d’exploitation viable TAC total admissible des captures UNFSA Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons VMS système de surveillance des navires par satellite WG groupe de travail
vii Résumé Réduire les impacts de la pêche hauturière profonde sur les espèces non ciblées, associées et dépendantes, y compris sur les écosystèmes marins vulnérables (EMV) est un élément important de toute approche écosystémique de la gestion des pêches. L’approche écosystémique est une forme évoluée de la gestion des pêches, incorporant la protection de la biodiversité, et reposant sur des instruments juridiques, dont la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons (UNFSA)1, l’Accord d’application2, et la Convention sur la diversité biologique (CDB). Des instruments juridiques non contraignants, notamment le Code de conduite pour une pêche responsable (CCPR), les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies relatives à la viabilité des pêches, et les Directives internationales sur la gestion de la pêche profonde en haute mer (Directives DSF de la FAO ; FAO, 2009) indiquent d’autres pistes vers la réduction des impacts des activités de pêche. Tout récemment, les Objectifs d’Aichi pour la biodiversité découlant de la Convention sur la diversité biologique (CDB), et le cadre défini par les Objectifs de développement durable (ODD), en particulier l’Objectif 14, sont venus renforcer les structures permettant aux États de prendre des dispositions pour diminuer les pertes de biodiversité dans les écosystèmes marins. Les éponges d’eaux profondes sont des éléments importants de certains EMV, et peuvent être elles-mêmes considérées comme des EMV pour certaines espèces données, soit qu’elles forment sur les fonds marins des agrégats denses, monoespèces ou multi-espèces, soit qu’elles entrent dans des communautés diverses de coraux et d’éponges des grands fonds. Les éponges d’eaux profondes sont souvent longévives et de croissance lente. Elles assument des fonctions écosystémiques très diverses, notamment en offrant un habitat à des espèces associées sur des substrats rocheux ou meubles, en participant au couplage benthique-pélagique, à l’absorption et aux cycles du carbone, de l’azote et de la silice, à la décomposition des particules, au filtrage de l’eau et à l’élimination des bactéries, ainsi qu’à la déflexion des courants et à l’altération du microenvironnement qui les entoure. Relativement moins bien étudiées que les espèces des eaux peu profondes et des récifs coralliens, les éponges d’eaux profondes jouent pourtant un rôle analogue dans l’écosystème. Mais on connaît beaucoup moins bien leur rythme de croissance, leur mode de reproduction et de rétablissement que ceux des systèmes d’eaux peu profondes. Réagissant aux engagements, pris par les États, de donner suite aux demandes figurant dans les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies relatives à la viabilité des pêches, et de se conformer aux principes des Directives DSF de la FAO, les organisations régionales de gestion des pêches (OGRP) ont mis en place diverses dispositions visant à éviter et atténuer les impacts de la pêche profonde sur les éponges, notamment en identifiant ces dernières comme indicateur possible d’EMV, en mettant au point pour les éponges des seuils de rencontre qui déclenchent l’application de règles d’éloignement pour les navires de pêche, en incluant les éponges dans les évaluations des effets néfastes notables (ENN) de la pêche sur les écosystèmes des fonds marins, en fermant des zones et en mettant au point des protocoles de pêche exploratoire. On a pu dans certains cas prédire à partir d’une modélisation écologique la localisation de fortes concentrations d’éponges d’eaux profondes, mais la majeure partie des informations sur la localisation des éponges provient de l’évaluation des prises accessoires des activités de pêche et des identifications issues des recherches par chalutage, certaines informations étant déduites d’échantillonnages in situ (images fixes et vidéos). Les mesures de gestion sont plus ou moins complètes selon l’ORGP, et les conseils concernant les éponges d’eaux profondes peuvent être différents, en fonction du type d’écosystème, du type de pêche et des engins de pêche utilisés, du niveau des connaissances scientifiques et des compétences taxonomiques, ainsi que des modes de pêche pratiqués. 1 Dont le nom officiel est « Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs » 34 ILM 1542 (1995) (ONU, 2020) 2 Dont le nom officiel est « Accord visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion » (FAO, 1995).
viii Certains États et ORGP ont fixé des méthodes d’évaluation des risques écologiques, et les Directives DSF de la FAO présentent des éléments spécifiques à prendre en considération pour l’évaluation des ENN sur les EMV. Pour ce qui est des pêches, le cadre d’approche écosystémique des pêches (AEP), dont la FAO fait la promotion, comporte aussi une procédure d’évaluation des risques, qui est une des étapes essentielles de la planification de la gestion des pêches (FAO 2003, 2005, 2012). Il y a en outre bon nombre de cadres d’évaluation des risques qui peuvent servir à atténuer et éviter les impacts de la pêche profonde sur les écosystèmes d’éponges. Les informations spécifiques qui ont servi à définir ces modes d’évaluation des risques proviennent du projet SponGES, financé par l’Initiative en faveur de la croissance bleue (programme-cadre Horizon 2020 de l’Union européenne) entre 2015 et 2019. Le projet SponGES a stimulé des recherches sans précédent sur les éponges d’eaux profondes de l’Atlantique Nord, avec ce résultat que l’on connaît et comprend mieux désormais la distribution des éponges, leurs fonctions écologiques, les impacts des activités humaines et du changement climatique, leur rôle dans l’écosystème des eaux marines profondes et les contributions qu’elles sont susceptibles d’apporter grâce à leurs composantes biotechnologiques. Les informations scientifiques ainsi obtenues peuvent être intégrées aux cadres politiques et directifs visant les écosystèmes des eaux profondes.
1 1. Introduction L’importance qu’il y a à protéger l’environnement de la haute mer des impacts des activités de pêche est mentionnée expressément à l’article 119 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM, 1982), s’agissant aussi bien des espèces exploitées (par. 1 a) que des espèces qui leur sont associées ou en dépendent (par. 1b). La mise en œuvre de cette disposition a été soulignée lors du Sommet planète Terre de 1992 (CNUED), en particulier au chapitre 15 d’Action 21, «Préservation de la diversité biologique», qui a abouti à la Convention sur la diversité biologique (CDB) de 1992. La protection de l’environnement marin est également au nombre des objectifs d’Aichi pour la biodiversité (CDB, 2020) convenus en 2010, et des Objectifs de développement durable (ODD, 2020) auxquels ont abouti les débats de la conférence Rio + 20 de 2012. Le souci d’une utilisation viable des ressources biologiques de la mer et la nécessité d’améliorer la conservation et la gestion des stocks de poissons grands migrateurs et des stocks chevauchants, souligné lors de la CNUED de 1992, a suscité des négociations, puis l’adoption de l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons (UNFSA), qui donnait toute son importance au rôle qu’assument les organes régionaux des pêches (ORP), et plus particulièrement les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP). Depuis 2006, stimulées par l’Assemblée générale des Nations Unies (Résolution 61/105 de l’Assemblée générale), les ORGP ont inclus les effets néfastes possibles des engins de pêche profonde sur les habitats des eaux profondes en haute mer dans les dispositions qu’elles ont adoptées pour protéger les écosystèmes marins vulnérables (EMV). Ces organisations, qui sont compétentes pour gérer les pêches profondes en haute mer, ont en particulier adopté une série de mesures (Base de données de la FAO sur les EMV [FAO, 2020]) en vue de prévenir les pratiques de pêche destructrices et de concourir à la protection de la biodiversité dans les fonds marins. Ces mesures peuvent se répartir dans les grandes catégories ci-après: 1. Définition des zones de pêche profonde existantes («empreinte») où la pêche profonde est autorisée sous réserve de diverses mesures de contrôle visant à protéger les espèces ciblées et accessoires; 2. Adoption de protocoles d’éloignement à respecter lorsque sont dépassés les seuils de prises dans un EMV; 3. Définition des aires extérieures à l’empreinte où la pêche profonde est fermée mais où de nouvelles pêcheries profondes seront autorisées sous réserve de protocoles de pêche exploratoire; 4. Définition des aires, situées à l’intérieur ou à l’extérieur de l’empreinte, qui sont fermées à la pêche profonde en vue de protéger des EMV d’ENN. Les ORGP conviennent de ce type de dispositions spatiales et les adoptent en les ajustant au contexte régional, leurs membres étant légalement tenus de les respecter. De plus, dans les régions où il n’y a pas d’ORGP, ce sont les États signataires de la CNUDM ayant des navires de pêche («États du pavillon») qui sont responsables de la conservation en haute mer. 2. Écosystèmes marins vulnérables Les EMV comportent des espèces, des communautés ou des habitats qui sont vulnérables aux impacts des activités de pêche. La vulnérabilité d’un écosystème est fonction de celle des populations, des communautés ou des habitats qui le constituent. Au début et au milieu des années 2000, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une série de résolutions [résolutions 58/14 (2004), 59/25 (2005) et 61/105 (2006) de l’Assemblée générale] appelant à élaborer des mesures de gestion protégeant les EMV contre les ENN des activités de pêche, à la suite
2 de quoi a été entreprise la mise au point de directives internationales applicables à la pêche profonde. Puis ont été adoptées en 2008 les Directives internationales sur la gestion de la pêche profonde en haute mer (Directives DSF de la FAO: FAO, 2009), élaborées pour les pêches dont les prises comprennent des espèces dont la viabilité n’est possible qu’avec de faibles taux d’exploitation, et dont les engins risquent de toucher les fonds marins. Ces directives précisent les critères à appliquer notamment pour définir les EMV, pour établir ce qui peut constituer un EMV et pour évaluer les impacts des activités de pêche. Il est indiqué dans les Directives DSF de la FAO que les EMV comportent des populations, des communautés et des habitats où des perturbations de courte durée ou chroniques peuvent causer des altérations importantes et qui peuvent prendre de cinq à 20 ans pour se rétablir d’impacts liés à la pêche (par. 14 à 20). Les caractéristiques à retenir comme critères pour identifier les EMV sont recensées dans la liste ci-après: caractère unique ou rareté, importance fonctionnelle de l’habitat, fragilité, caractéristiques du cycle biologique des espèces le composant qui rendent leur rétablissement difficile, et complexité structurelle (par. 42). Les Directives donnent des exemples de groupes d’espèces, de communautés, d’habitats et de caractéristiques souvent susceptibles de correspondre à un EMV. Il s’agit notamment des coraux d’eau froide et des hydraires, de certains types de communautés où les éponges dominent, de faunes denses émergentes et de communautés vivant dans les zones d’infiltration et de cheminées hydrothermales, généralement associés à des structures sous-marines spécifiques, telles que talus, monts sous-marins, canyons, fosses, zones d’infiltration et cheminées hydrothermales. En général, les ORGP considèrent les EMV comme écosystèmes benthiques fonctionnels qui subissent ou peuvent subir des altérations importantes à cause des ENN de la pêche profonde. Les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies et les Directives DSF de la FAO sont des instruments juridiques adoptés, mais sans force contraignante, comme aide et guide pour les ORGP. Les règles visant les EMV sont formulées par la Commission (organisme de prise de décision et de gestion d’une ORGP) avec l’accord des membres, conformément au mandat établi dans les conventions qui les régissent, sur la base d’avis scientifiques (d’un organe scientifique consultatif intérieur ou extérieur à l’ORGP). L’organe scientifique, généralement à la suite d’une demande de la Commission, examine les éléments permettant de décider s’il y a un EMV dans une zone précise, ou s’il risque d’y en avoir un, et donne les avis correspondants. La Commission examine les avis scientifiques et selon le cas, adopte une disposition protégeant l’EMV ainsi qu’une limite de gestion. Ces dispositions deviennent alors contraignantes pour les membres contractants et les membres non contractants coopérants relevant de la structure de gestion des pêches (par ex. les mesures de conservation et d’exécution – MCE – de l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest, OPANO). Les EMV, de même que les stocks de poissons, présentent des caractéristiques particulières selon les environnements locaux et régionaux, et les critères retenus sont à ajuster en conséquence (Directives DSF de la FAO, par. 43), comme le démontrent les différentes dispositions prises par les ORGP (Base de données de la FAO sur les EMV). 3. Fonctions écosystémiques des éponges d’eaux profondes Les éponges marines n’ont pas été incluses dans les quelques exemples d’organismes susceptibles de constituer des EMV donnés dans la résolution 61/105 de l’Assemblée générale des Nations Unies (par. 80 et 83c) et d’autres qui ont suivi, de ce fait elles n’ont été ajoutées que lentement dans les dispositions de gestion des pêches dans les EMV adoptées par les ORGP. Elles ont toutefois été incluses dans les Directives DSF de la FAO (FAO, 2009), et les politiques ainsi mises en place ont stimulé la collecte et la compilation de données sur les éponges d’eaux profondes, l’élaboration de mesures de protection entrant dans les obligations prévues par les ORGP pour protéger des EMV risquant de subir l’impact d’activités de pêche. Les Directives ont également stimulé l’appui au développement des recherches sur l’écologie et les fonctions écosystémiques des éponges d’eaux profondes, qui n’avaient porté jusqu’à récemment que sur les écosystèmes des eaux peu profondes, dans les récifs coralliens tropicaux pour la plupart d’entre elles.
3 Les explorations des systèmes d’eaux plus profondes, portant entre autres (1992-1995) sur les invertébrés benthiques des eaux islandaises (Benthic Invertebrates of Iceland waters, ou BIOICE), ont visé surtout les «ostur» (Geodia), identifiées d’abord par des pêcheurs au large des îles Féroé et de l’Islande (Bruntse et Tendal, 2001). D’autres explorations portant sur les champs de Pheronema carpenteri (Hexactinellidae) de l’Atlantique Nord-Est (Rice, Thurston et New, 1990) et sur les Geodiidae de l’Atlantique Nord (Klitgaard et Tendal, 2004: Murillo et al., 2012: Beazley et al., 2013) ont permis de déterminer que les grands agrégats d’éponges d’eaux profondes fournissent à d’autres espèces marines un habitat sur lequel elles exercent une influence. Ces champs étaient composés pour l’essentiel des espèces Astrophorina (Demospongiae) et Hexactinellidae. Les champs d’Astrophorina sont souvent multi-espèces (Klitgaard et Tendal, 2004: Beazley et al., 2015), tandis que ceux d’Hexactinellidae présentent plutôt des agrégats monoespèces, composées de Pheronema carpenteri (Rice et al., 1990) et de Vazella pourtalesi (Beazley et al., 2018). En 2016 a été lancé le projet de recherche et d’innovation SponGES, financé grâce à l’Initiative en faveur de la croissance bleue (programme-cadre Horizon 2020), l’objectif étant d’améliorer la conservation et l’exploitation viable des écosystèmes d’éponges d’eaux profondes de l’Atlantique Nord. En quatre années de recherches et d’échanges avec les parties prenantes, SponGES a pu a) étudier la distribution, la diversité, la biogéographie, les fonctions et la dynamique de ces écosystèmes, b) améliorer l’innovation et les applications industrielles en révélant leur potentiel biotechnologique, c) développer les capacités pour la modélisation, la compréhension et la prédiction des menaces, des impacts, et des changements que connaîtront ces champs du fait du climat ou de l’action de l’homme, et d) faire monter l’interaction entre science et politiques du niveau régional au niveau international, d’un bout à l’autre de l’Atlantique Nord, en vue d’une meilleure gestion des ressources et d’une bonne gouvernance de ces écosystèmes. Les éponges d’eaux profondes, écosystèmes qui étaient pratiquement inconnus il a quelques décennies à peine, sont maintenant considérées comme structures biologiques fondatrices dans l’environnement benthique. 3.1 Le rôle écosystémique des éponges Des études de recherche ont montré que les espèces qui forment des structures en eaux profondes assument des fonctions écosystémiques très diverses, distribuées selon la profondeur, le flux des courants et le type de substrat (Buhl-Mortensen et al., 2010). Les études consacrées aux écosystèmes benthiques confirment les différents rôles que jouent les éponges pour le fonctionnement des écosystèmes (Maldonaldo et al., 2016). Les effets sont notamment un accroissement de l’abondance et de la diversité des espèces associées, de la production, du traitement du carbone organique, du couplage benthique- pélagique, de la biofiltration, de la complexité structurelle et biologique, de la bioprospection et de l’atténuation du changement climatique (Tableau 1). Table 1. Fonctions écosystémiques des éponges d’eaux profondes. Fonction écosystémique Source Witte et al., 1997; Klitgaard, 1995; Beazley et al., 2015; Bio-ingénierie de l’habitat, modification des courants locaux Murillo et al., 2012; Kutti et al., 2014; du fond Maldonaldo et al., 2016 et les références qui y sont citées Witte et Graf, 1996; Kutti, Bannister et Fosså, 2013; Cathalot Piégeage du carbone, cycle de l’azote et de la silice et al., 2015; Maldonaldo et al., 2016 et les références qui y sont citées; Hendry et al., 2019; Pham et al., 2019 Witte et al., 1997; Kahn et al., 2015; Maldonaldo et al., 2016 Déposition de particules et les références qui y sont citées Filtrage et élimination de l’abondance bactérienne Kahn et al., 2015
4 L’importance relative de ces fonctions dépend du type de sédiment, de la taille et de la densité des champs d’éponges, de la longévité des espèces, de la morphologie et de la structure des éponges, de la situation sur le gradient de profondeur et de la biomasse totale (Groupe de travail ESA de l’OPANO, 2018) (Tableau 2). Tableau 2. Compilation préliminaire des analyses de traits biologiques des EMV, y compris les modalités, les fonctions et les vulnérabilités possibles des coraux et des éponges face à la pêche (source: groupe de travail ESA de l’OPANO, 2018) Hypothèses sur l’impact Trait Modalités Liens fonctionnels Références de la pêche Productivité, Très petite < 100 mm On s’attend à ce que les Taille contribution à la Sainsbury, Petite 100-300 mm grandes éponges soient plus maximale de biodiversité, capacité Campbell et Moyenne 301 à 500 mm vulnérables aux engins de l’adulte de filtrage, piégeage du Whitelaw, 1992 Grande > 500 mm pêche qui touchent le fond carbone On s’attend à ce que la Massive - globuleuse morphologie et la taille soient Massive - irrégulière des facteurs de capturabilité. Tubulaire/Vase/Cylindrique Productivité, Par ex., 100% des éponges Flabelliforme contribution à la ramifiées de taille inférieure Wassenberg et al., Morphologie Arborescente/Ramifiée biodiversité, capacité à 300 mm, et 80% des 2002 En coussin/Papillée de filtrage, piégeage du éponges ramifiées de hauteur Feuille mince carbone comprise entre En tige Filiforme (en fouet) 301 et 500 mm sont passées sous le filet Contribution à la On s’attend à ce que les biodiversité, bio- éponges formant des Hautement agrégées ingénierie de l’habitat agrégats soient plus Degré (formant un habitat) (stabilisation des vulnérables à la pêche Non disponible d’agrégation Petits agrégats sédiments, par ex.), que les espèces solitaires, Solitaires modification des compte tenu de la probabilité courants locaux du fond de rencontres On s’attend à ce que les éponges filtreuses soient Filtreur Mode Transfert d’énergie plus sensibles aux impacts Carnivore Non disponible d’alimentation (niveau trophique) de la sédimentation due à Suspensivore la pêche que les éponges carnivores On s’attend à ce que les Rocheux Bio-ingénierie de éponges vivant sur un Substrat Gravier/cailloutis l’habitat (stabilisation sédiment meuble soient plus préféré pour Meuble (boue/sable) des sédiments, par sensibles aux impacts de Non disponible l’habitat Habitat épizoïque (sur ex.), modification des la sédimentation due à la d’autres animaux) courants locaux du fond pêche que celles qui vivent sur un fond rocheux Assure une structure Les éponges rigides Rigides stable et un substrat sont plus sensibles aux Rigidité Non disponible Souples où peuvent s’attacher perturbations dues à la d’autres organismes pêche touchant le fond Les éponges sessiles sont Mobilité de Sessile plus sensibles aux pertur- Bioturbation Non disponible l’adulte Sédentaire bations dues à la pêche touchant le fond Les recherches sur les éponges d’eaux profondes se sont certes développées depuis une vingtaine d’années, mais il subsiste des lacunes dans les connaissances touchant les modes et la périodicité de la reproduction, les rythmes de croissance et les rythmes de rétablissement. Les impacts du changement climatique sur les éponges sont inconnus, bien que la recherche expérimentale se développe, notamment les tests de rythme de respiration des éponges face à l’élévation de la température. Tant que demeurent des incertitudes sur certains aspects des fonctions écosystémiques des éponges, l’évaluation des risques écologiques devra être basée sur le principe de précaution.
5 4. Mesures régionales de protection des éponges 4.1 Inclusion des éponges comme espèce indicatrice d’EMV par les ORGP Les ORGP ont désigné des espèces indicatrices d’EMV comme moyen d’identifier des EMV, la plupart du temps lorsque ces espèces ont été rencontrées (pêchées) par des navires de pêche commerciaux. Au moyen d’études scientifiques, elles ont entamé l’identification d’éléments et d’espèces spécifiques des écosystèmes répondant aux critères de définition des EMV, lesquels coïncident dans leur grande majorité avec ceux des Directives DSF de la FAO (par. 42). Dans l’Atlantique Nord-Ouest, des recherches précises sur le sujet (programme de l’OPANO sur les écosystèmes marins potentiellement vulnérables et les incidences de la pêche en eaux profondes, programme NEREIDA), ainsi que des études canadiennes, ont permis de définir certaines espèces d’éponges comme indicatrices d’EMV dans la zone de l’OPANO (tableau 3). La Commission des pêches de l’Atlantique Nord-Est (CPANE) a défini différents agrégats d’éponges d’eaux profondes comme indicatrices d’EMV, tandis que d’autres ORGP incluent plus généralement les éponges comme indicateurs d’EMV. En majorité, les espèces indicatrices d’EMV sont particulièrement difficiles à définir, spécialement les éponges, mais on peut s’aider des guides d’identification établis par les ORGP pour la plupart des régions, par exemple l’Atlantique Nord-Ouest (Kenchington et al., 2015), l’Atlantique Sud-Est (Ramos et al., 2009), la Méditerranée (FAO, 2017a, b) et l’océan Indien (FAO, 2016). Ces difficultés font que les espèces indicatrices d’EMV peuvent être définies à l’échelon taxonomique supérieur, tel que le phylum Porifera dans l’Atlantique Sud-Est (Organisation des pêches de l’Atlantique Sud-Est – OPASE), et les classes Hexactinellidae et Demospongiae dans l’océan Austral et le Pacifique Sud (Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique, et Organisation régionale de gestion des pêches du Pacifique Sud - ORGPPS), ou au contraire par espèces représentatives dans l’Atlantique Nord- Ouest et Nord-Est (OPANO et CPANE). Les éponges figurent dans les règles des parties contractantes applicables à leurs navires pêchant en haute mer dans l’océan Indien, les détails sont consultables sur le site Web de l’Accord relatif aux pêches dans le sud de l’océan Indien (APSOI). Elles ne figurent pas dans les espèces indicatrices d’EMV du Pacifique Nord (Commission des pêches du Pacifique Nord – CPPN), et pour la Méditerranée, les espèces indicatrices restent à définir (Commission générale des pêches pour la Méditerranée – CGPM) (Tableau 3). Tableau 3. Éponges indicatrices d’EMV adoptées par les ORGP (les autres taxons indicateurs ne sont pas inclus dans le tableau). Protocole de Réaction Indicateurs d’EMV (phylum Porifera) Seuil Source collecte des en cas de (famille d’espèces)(Code ASFIS de la FAO) (pour 2019) données rencontre NAFO Asconema foliatum, Rossellidae (ZBA) L’observateur 300 kg d’éponges Signaler la (OPANO) Aphrocallistes beatrix, Aphrocallistidae doit identifier les rencontre, CEM 2019 espèces au niveau s’éloigner Annex I.E Asbestopluma (Asbestopluma) ruetzleri, taxonomique le plus de 2 milles Cladorhizidae bas possible: le marins. Axinella sp. Axinellidae capitaine du navire Fermeture Chondrocladia grandis, Cladorhizidae (ZHD) doit signaler au temporaire à Secrétariat toute l’extérieur de Cladorhiza abyssicola, Cladorhizidae (ZCH) rencontre dépassant l’empreinte. Cladorhiza kenchingtonae, Cladorhizidae (ZCH) le seuil Examen par Craniella sp.,Tetillidae (ZCS) le Conseil scientifique Dictyaulus romani, Euplectellidae (ZDY) Esperiopsis villosa, Esperiopsidae( ZEW) Forcepia spp., Coelosphaeridae (ZFR) Geodia barretti, Geodiidae Geodia macandrewii, Geodiidae Geodia parva, Geodiidae Geodia phlegraei, Geodiidae
6 Tableau 3. Continué Protocole de Réaction Indicateurs d’EMV (phylum Porifera) Seuil Source collecte des en cas de (famille d’espèces)(Code ASFIS de la FAO) (pour 2019) données rencontre NAFO Haliclona sp., Chalinidae (ZHL) L’observateur 300 kg d’éponges Signaler la (OPANO) Iophon piceum, Acarinidae (WJP) doit identifier les rencontre, CEM 2019 espèces au niveau s’éloigner Annex I.E Isodictya palmata, Isodictyidae taxonomique le plus de 2 milles Lissodendoryx (Lissodendoryx) complicata, bas possible: le marins. Coelosphaeridae (ZDD) capitaine du navire Fermeture Mycale (Mycale) lingua, Mycalidae doit signaler au temporaire à Secrétariat toute l’extérieur de Mycale (Mycale) loveni, Mycalidae rencontre dépassant l’empreinte. Phakellia sp., Axinellidae le seuil Examen par Polymastia spp., Polymiastiidae (ZPY) le Conseil scientifique Stelletta normani, Ancorinidae (WSX) (Stelletta) Stelletta tuberosa, Ancorinidae (WSX) (Stelletta) Stryphnus fortis, Ancorinidae (WPH) Thenea muricata, Pachastrellidae (ZTH) (Thenea) Weberella bursa, Polymastiidae NEAFC 3. Agrégats d’éponges d’eaux profondes Signaler simplement Chalut et pêche Signaler la (CPANE) a. Autres agrégats d’éponges: Geodiidae, la rencontre, de autre qu’à la rencontre, 19/2014 Ancorinidae, Pachastrellidae préférence avec palangre: 400 kg s’éloigner (modifié) cartographie du fond d’éponges de 2 milles b. Jardins d’éponges sur fond rocheux: marin (par sondeurs Pêche à la marins. Axinellidae, Mycalidae, Polymastiidae, Tetillidae acoustiques) palangre: 10 Fermeture c. Communautés d’éponges de verre Rossellidae indicateurs d’EMV temporaire. Pheronematidae par milliers de Examen de hameçons (ligne la fermeture de 1 200 m) temporaire SEAFO “… et les éponges comprenant les taxons Les observateurs Chalut S’éloigner de (OPASE) figurant sur la liste des indicateurs d’EMV du doivent enregistrer 600 kg d’éponges 1 ou 2 milles CM 30/15 Conseil scientifique de l’OPASE” (Annexe 6, les espèces au vivantes (zone de marins. par. 1) PFR Éponges Porifera (Phylum) (SEAFO, niveau taxonomique pêche existante), Signaler au 2016, p.36: SEAFO, 2017, p. 16) le plus bas possible 400 kg d’éponges Secrétariat et collecter des vivantes (zone de et au Conseil échantillons pêche nouvelle) scientifique. Palangre et casiers Fermeture >=10 unités (kg or temporaire à litres) pour 1 200 m l’extérieur de (1 000 hameçons) l’empreinte. de ligne pour toutes Évaluation les aires de l’aire par le Conseil scientifique SPRFMO Éponges (Porifera: Demospongiae et Signaler la rencontre Annexe 6A S’éloigner de (ORGPPS) Hexactinellidae) Annexe 5 Un trait, pour un 1 mille marin CMM 3-2019 seul taxon éponges Fermeture indicateur d’EMV, temporaire. 50kg Examen par Annexe 6B le Conseil Un trait pour trois scientifique taxons indicateurs (par. 26 à différents ou plus, 33) Éponges, 5 kg plus deux autres groupes, 1 à 5 kg SIOFA Annexe 1: Porifera (PFR), pouvant être si Les observateurs Palangre Pour les (APSOI) possible réparties dans le rapport entre: doivent collecter des Capture ou lignes CMM 2019-01 Hexactinellidae (HXY)(Classe), et Demospongiae données sur les EMV récupération longues, 1 (DMO)(Classe) Les Parties d’au moins 10 mille marin contractantes unités d’espèces du point Habitat benthique établi faisant l’objet de devront signaler indicatrices d’EMV médian de mesures de protection provisoires toute rencontre de ce Chalut la trace pour type dans le rapport 300 kg d’éponges les chaluts national au Comité en un trait quel 2 milles scientifique qu’il soit marins de chaque côté de la trace de chalutage quelle qu’elle soit
7 Tableau 3. Continué Protocole de Réaction Indicateurs d’EMV (phylum Porifera) Seuil Source collecte des en cas de (famille d’espèces)(Code ASFIS de la FAO) (pour 2019) données rencontre Mesures de Guide de classification des taxons des EMV Donner des détails >=10 unités or >=10 conservation Porifera: Hexactinellidae (éponges de verre), sur les taxons de >=5 unités unités – de la CCAMLR Demospongiae (éponges siliceuses) l’EMV ‘Segment de ligne’ Signalement 22-07(2013) signifie une section et de ligne à 1 000 éloignement hameçons ou une Fermeture ligne de 1 200 temporaire mètres, selon la dans un longueur la plus rayon d’un courte des deux, et mille marin pour les lignes de >=5 - casiers une section signalement de 1 200 m NPFC (CPPN) Les éponges ne sont pas spécifiquement CMM 2018- incluses comme indicateurs d’EMV (les coraux le 05/06 sont), ni incluses par le Conseil scientifique CGPM La CGPM a fermé certaines zones d’EMV mais ne prévoit pas de dispositions pour les rencontres. Aucun indicateur n’a été choisi Parmi les ORGP qui ont inscrit des éponges sur une liste d’indicateurs d’EMV, c’est l’OPANO qui en a inscrit le plus, la liste compte 29 espèces d’éponges indicatrices. Lors de la réunion de 2019 du Conseil scientifique de l’OPANO (NAFO, 2019), des codes ASFIS de la FAO ont été attribués à 18 espèces d’éponges, afin de faciliter le signalement par les observateurs au cours d’activités de pêche. 4.2 Application de seuils de rencontre pour l’établissement d’EMV Afin de réduire le plus possible les impacts sur les EMV, les ORGP ont fixé des mesures spécifiques visant à éviter les effets nocifs notables sur les zones comportant des concentrations importantes d’espèces benthiques. Elles ont donc établi des valeurs-seuils précises de captures des espèces indicatrices d’EMV, valeurs dont le dépassement entraîne l’obligation de prendre des dispositions spécifiques afin d’évaluer la possibilité que le navire soit en train de pêcher dans un EMV. Pour les éponges, les seuils sont établis au niveau du phylum, allant de 300 à 600 kg par chalutage, l’identification jusqu’au niveau de l’espèce n’est donc pas exigée. Les seuils sont souvent plus bas pour les autres engins de pêche profonde, tels que les palangres, qui ne retiennent que très peu d’éponges dans leurs prises (Tableau 3). Les prises dépassant le seuil donnent lieu à des réactions de gestion différentes selon les règles des ORGP: signalement de la rencontre, obligation de s’éloigner, et la possibilité de fermeture temporaire. Le choix des valeurs-seuils pour les navires de pêche profonde s’est fondé sur «l’expérience» ou «les avis d’experts» plutôt que sur des analyses scientifiques solides, et la tendance a souvent été de diminuer ces seuils. Le seuil pour les éponges à l’OPANO, par exemple, qui avait été de 1 000 kg (2009), est passé à 800 kg (2010-2011), puis à 600 kg et 400 kg (à l’intérieur et à l’extérieur de la zone de pêche, 2012) et à 300 kg (2013-2018) (NAFO CMM, 2009-2019). Des travaux scientifiques ont été entrepris dans l’Atlantique Nord-Ouest pour tenter de déterminer un moyen objectif de fixer les valeurs-seuils (Kenchington et al., 2009, 2011: Cogswell et al., 2010). Les résultats, qui ont livré des valeurs-seuils plus faibles, avec une distinction entre les concentrations importantes d’éponges agrégées et les populations éparses d’éponges plus dispersées, peuvent être utiles pour délimiter les zones d’EMV. Un seuil est certes nécessaire pour déclencher une réaction de gestion, mais s’il sert de base pour obliger à signaler les rencontres avec des espèces indicatrices d’EMV, y compris des éponges, cela limite les informations collectées, car la présence d’éponges au-dessous du seuil n’est pas signalée. L’OPANO (NAFO, 2009b, p. 33) a analysé les captures d’éponges par des navires de recherche qui ont déployé des chaluts de fond en haute mer dans l’Atlantique Nord-Ouest entre 1995 et 2008, et dressé le tracé des points où des éponges étaient présentes, de ceux où elles étaient absentes, et des points où
8 les captures avaient été supérieures à 75 kg (Figure 1). L’interprétation des captures nulles (des points où il n’avait pas été constaté de captures) pose problème, mais le tracé donne une indication claire des endroits d’où les éponges sont absentes, de ceux où elles sont présentes avec des densités plutôt faibles, et présentes avec de fortes densités. Les aires de forte densité ont été interprétées comme comportant des concentrations importantes d’éponges, et devant être considérées comme contenant des EMV (OPANO, 2006). Plus récemment a été débattue la question de l’applicabilité de valeurs-seuils pour toutes les espèces d’un taxon. Le seuil de l’OPANO pour les éponges est le plus pertinent pour les éponges Figure 1. Capture d’éponges lors des campagnes de recherche dans Geodia, en forme de boule massive, l’Atlantique Nord-Ouest, 1995-2008 (source: NAFO, 2009b, p. 33). mais il est jugé trop élevé pour certaines des éponges plus légères, par exemple les éponges de verre. Des études en cours portent sur les fonctions écosystémiques des éponges de verre du Bonnet flamand (Murillo et al., 2020). Les rencontres avec des éponges dépassant la valeur-seuil peuvent aussi faire jouer non seulement l’obligation de signalement mais aussi une règle d’éloignement et une fermeture temporaire, encore que les détails varient en fonction de la région (voir plus haut tableau 3). L’utilité de la règle d’éloignement pour la protection des espèces sédentaires longévives d’éponges (et de coraux) a été longuement débattue. La mise en place d’une fermeture temporaire à la suite de rencontres dépassant la valeur-seuil sert à protéger l’aire entourant l’aire de rencontre jusqu’à ce que d’autres investigations aient confirmé ou infirmé la présence d’un EMV. À l’heure actuelle, la fermeture temporaire à la suite d’une rencontre est appliquée dans l’Atlantique Nord-Ouest à l’extérieur de l’empreinte (OPANO), dans l’Atlantique Nord-Est (CPANE), dans l’Atlantique Sud-Est (OPASE), dans l’océan Antarctique (CCAMLR) et pour certaines parties contractantes dans le sud de l’océan Indien (APSOI), la zone étant généralement fermée dans un rayon de 1 à 2 milles marins. 4.2.1 Rencontres avec des éponges dépassant la valeur-seuil La CCAMLR, qui gère les pêches dans l’Antarctique, est le seul organe régional qui ait fait état de rencontres avec des indicateurs d’EMV dépassant la valeur-seuil. Il s’agissait de captures dans les pêches à la palangre de légine australe, qui ont eu pour résultat le signalement de 77 aires à risque d’EMV (CCAMLR, 2018). Pour ce qui est des nombres et du poids des spécimens indicateurs d’EMV, les prises sont enregistrées au- dessus du seuil de 10 unités indicatrices d’EMV par section de ligne (autrement dit, par section de ligne à 1 000 hameçons, ou par section de 1 200 m, selon ce qui est le plus court, et par section de 1 200 m pour les lignes à casiers) (Tableau 4). Les prises dépassant le seuil étaient en moyenne de 12,2 kg d’éponges et de 4,8 kg d’autres espèces indicatrices d’EMV, des gorgones pour l’essentiel. La prise d’éponges la plus importante qui ait été enregistrée était de 68 kg sur une seule section de ligne. Les prises inférieures au seuil n’ont pas été inscrites au registre des EMV (CCAMLR, 2018), mais ont pu être communiquées à la
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