Modélisation du besoin en calcium de la truie reproductrice et variation du rapport phosphocalcique des aliments selon le niveau de performance
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Modélisation du besoin INRAE Prod. Anim., 2021, 34 (1), 61-78 en calcium de la truie reproductrice et variation du rapport phosphocalcique des aliments selon le niveau de performance Nathalie QUINIOU1, Anne BOUDON2, Jean-Yves DOURMAD2, Maud MOINECOURT3, Nathalie PRIYMENKO3, Agnès NARCY4 1 IFIP – Institut du Porc, 35651, Le Rheu, France 2 PEGASE, INRAE, Institut Agro, 35590, Saint-Gilles, France 3 TOXALIM, INRAE, ENVT, 31076, Toulouse, France 4 BOA, INRAE, Université de Tours, 37380, Nouzilly, France Courriel : nathalie.quiniou@ifip.asso.fr Actuellement le calcium est peu onéreux et sa teneur dans l’aliment n’est pas soumise à des contraintes réglementaires. Cependant, en raison des interactions qui existent entre cet élément et le phosphore au niveau digestif, une truie alimentée au besoin en phosphore peut basculer en situation de carence pour ce minéral si l’apport en calcium est excessif. Par ailleurs, les apports en calcium sont parfois insuffisants. Cela incite donc à mieux raisonner l’apport en calcium, notamment via la modélisation des besoins.1 Introduction oiteries (Suttle, 2010), un des indica- b 3 et 7 €/tonne selon le contexte de prix teurs de santé retenus depuis 2009 dans des sources de phosphates et carbo- la démarche Welfare Quality (2009) et nates (Note de Conjoncture IFIP men- L’étude des besoins en énergie et plus récemment dans l’outil pratique suelle, https://www.ifip.asso.fr/sites/ en acides aminés de la truie mobilise d’évaluation du bien-être en élevage default/files/pdf-documentations) ; plusieurs équipes de recherche dans de porcs qu’elle a inspiré (Courboulay le monde. Plus rares sont celles qui se et al., 2019). ii) la raréfaction des réserves natu- consacrent à l’étude des besoins en relles en phosphore (phosphates) au minéraux. Ces derniers sont pourtant L’alimentation minérale adéquate niveau mondial, dont celles utilisables impliqués dans de nombreuses fonc- doit permettre de couvrir les besoins en en alimentation animale, qui conduit tions métaboliques et influencent le calcium et phosphore tout au long de à s’intéresser à des solutions de recy- niveau de performance de reproduc- la vie de l’animal. Ceux-ci augmentent clage pour économiser et prolonger la tion (Pointillart, 1984). D’après van Riet avec le niveau de performance, mais les disponibilité des ressources au-delà du et al. (2013), les problèmes de boite- apports doivent rester parcimonieux xxiie siècle (Koppelaar et Weikard, 2013) ; rie touchent 10 à 15 % des truies en pour plusieurs raisons qui incitent à Europe ce qui pénalise leur longévité optimiser les apports au regard des iii) l’impact des rejets en minéraux et accroît les taux de pertes de porcelets besoins de l’animal : dans l’environnement, en particulier en maternité. Or, la qualité des apports les rejets en phosphore qui altèrent la en minéraux joue notamment un rôle i) le coût économique des sources qualité des eaux et favorisent l’eutrophi- important dans la prévention des minérales dans l’aliment qui varie entre sation lorsque les quantités épandues 1 Cet article a fait l’objet d’une présentation aux 51es Journées de la Recherche Porcine (Quiniou et al., 2019). https://doi.org/10.20870/productions-animales.2021.34.1.4723 INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
62 / Nathalie quiniou et al. excèdent l’exportation par les cultures 2015) selon le stade physiologique, risquer une situation de carence. Une (Dourmad et al., 2020) ; notamment pour les aliments de ges- approche de modélisation permet de tation et de lactation. L’alimentation de prendre en compte l’incidence des iv) les interactions entre calcium précision en cours de développement facteurs d’élevage sur les différentes et phosphore aux niveaux digestif et pour apporter chaque jour à chaque fonctions biologiques impliquées dans métabolique (Létourneau-Montminy animal les nutriments dont il a besoin la performance animale et le besoin et al., 2014). devrait permettre une épargne des res- de ces deux minéraux, pour raisonner sources, celles-ci étant alors utilisées de ensuite les contraintes de formulation Concernant le phosphore, l’enjeu de façon optimisée tant d’un point de vue des aliments utilisés pour nourrir les la conduite alimentaire est de couvrir économique qu’environnemental. Dès truies pendant l’ensemble du cycle de au mieux les besoins tout en respec- lors que les apports en phosphore sont reproduction. tant les contraintes de formulation réalisés au niveau du besoin pour ali- maximales en phosphore total (Ptotal) menter la truie, il n’est plus possible de Après un bref rappel de quelques imposées en France depuis plusieurs raisonner indépendamment les recom- connaissances de bases sur l’utilisation années (Corpen, 2003 ; Dourmad et al., mandations de teneur en calcium sans du calcium et son rôle chez la truie, un modèle de prédiction du besoin en cal- Encadré 1. Le calcium et le phosphore dans l’os. cium est présenté et utilisé pour évaluer l’évolution des besoins selon le poten- Forme du Ca et du P dans l’os tiel de performance des truies. Adossé Le calcium et le phosphore sont déposés dans l’os majoritairement sous forme de cristaux d’hydroxyapatite à un modèle d’estimation du besoin (Ca5(PO4)3(OH), phosphate de calcium) qui constituent 85 % des minéraux de l’os. Dans les 15 % de cristaux en phosphore, il permet également restant, le calcium est présent sous forme de carbonate de calcium (CaCO3) et fluorure de calcium (CaF2). d’estimer le rapport phospho-calcique correspondant. Renouvellement de l’os : phase d’accrétion et de résorption L’os est un tissu renouvelé en permanence. Le dépôt minéral dans l’os (phase d’accrétion) et la destruction 1. Le calcium (résorption) du tissu osseux sont régulés par plusieurs hormones. dans l’organisme Réserve et mobilisation du Ca Si le niveau de réserves est élevé à la mise bas, de 15 à 20 % du calcium osseux peuvent être mobilisés en situation de carence pendant la lactation (Jondreville et Dourmad, 2005), sinon la production de lait diminue Chez le Porc, 99 % du calcium (Ca, masse (Nimmo et al., 1981). molaire 40,08 g/mol) et 75 % du phos- phore (P, masse molaire 30,97 g/mol) Figure 1. Représentation des différents compartiments de calcium (Ca) de l’or- de l’organisme sont stockés dans l’os ganisme et des principales voies de régulation hormonale des flux (processus (encadré 1). La part de calcium non homéostatiques). stockée dans l’os circule dans l’orga- nisme sous forme libre (50 %), liée à des protéines (40 %) ou complexée à Ca ALIMENTAIRE Ca INTESTINAL Ca FECAL d’autres ions (10 %) (Crenshaw, 2000). Elle se répartit entre les tissus mous (compartiment intracellulaire) et les fluides extracellulaires (principalement cortisol calcitriol PTH le sang). calcitonine Ca CORPOREL calcitriol PTH, PTHrP 1.1. Constituant Ca essentiel de l’os Ca CONTENUS OSSEUX UTÉRINS L’hydroxyapatite, dont le rapport cortisol Ca/P massique est de 2,16 et le rapport Ca-EXTRA calcitonine molaire de 1,67, constitue 85 % des cris- CELLULAIRE Ca LAIT taux osseux (Crenshaw, 2000). Les hor- mones qui modulent le renouvellement Ca osseux sont impliquées dans la régula- TISSUS MOUS tion de la calcémie (figure 1). L’accrétion osseuse est régulée, d’une part, par la calcitonine calcitonine, hormone hypocalcémiante calcitriol qui favorise le dépôt de calcium dans stimulation PTH, PTHrP l’os et diminue la réabsorption rénale du inhibition calcium (Suttle, 2010) et, d’autre part, Ca URINAIRE par le cortisol qui stimule le catabolisme INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
Modélisation du besoin en calcium de la truie reproductrice et variation du rapport phosphocalcique des aliments / 63 protéique et ralentit la formation de la plasmatique en Ca2+ (Pointillart, 1984 ; qui p ermet le démarrage du dévelop- trame organique de l’os (Weiler et al., Jongbloed et al., 1999 ; González-Vega pement embryonnaire. Chez les mam- 2003). La résorption osseuse est régulée et Stein, 2014). Ils reposent sur l’activa- mifères, le « signal calcique » serait dû à par plusieurs hormones (Moinecourt tion ou non du transport actif impliqué la libération de calcium par le réticulum et Priymenko, 2006). La parathormone dans l’absorption intestinale, sur l’excré- après l’activation de canaux calciques (PTH), une hormone hypercalcémiante tion rénale et sur l’équilibre entre accré- sensibles à l’adénosine di-phosphate ou sécrétée par les parathyroïdes, ou son tion et résorption osseuse (figure 1). à l’inositol tri-phosphate. Néanmoins, homologue (la PTH related protein, la contribution respective de ces deux PTHrP) sécrétée par la glande mam- Le calcium peut activer ou stabiliser voies dans l’activation ovocytaire n’a maire, augmente la résorption osseuse de nombreuses enzymes, directement pas été décrite chez la truie à ce jour. ainsi que la réabsorption au niveau ou après formation d’un complexe L’hypothèse d’un transfert de calcium rénal et, indirectement via l’activation avec des protéines ou avec des acides provenant du spermatozoïde ou du de la vitamine D, l’absorption au niveau organiques ou inorganiques. Il est milieu extracellulaire est également intestinal. Le calcitriol (dihydroxy-chole- par exemple un des composants des avancée par les mêmes auteurs. califerol ou 1,25(OH)2D3) est une hor- complexes activés dans les différentes mone hyper-calcémiante issue de la étapes de la coagulation sanguine. phosphorylation de la vitamine D, qui Seule la forme ionisée Ca2+ peut tra- 2. Absorption intestinale stimule la résorption osseuse ainsi que verser les membranes plasmiques. Son du calcium l’absorption intestinale (voir plus loin) et entrée dans les neurones est favorisée la réabsorption rénale du calcium. Enfin, par l’arrivée d’un potentiel d’action la calcitonine est une hormone hypo- qui provoque l’ouverture des canaux L’efficacité de l’utilisation digestive calcémiante, qui inhibe la résorption calciques potentiel-dépendants. Le des minéraux dépend de leur solubilité, osseuse via une baisse d’activité des calcium provoque alors la libération de qui dépend du pH des contenus diges- ostéoclastes. De 15 à 20 % du calcium neurotransmetteurs (Peschanski, 1994). tifs, et de la régulation de l’absorption osseux de la truie peuvent être mobi- intestinale, toutes deux confondues lisés en situation de carence pendant Au niveau des muscles striés, le cal- dans la notion de digestibilité (Pérez, une lactation qui dure de 3 à 4 semaines cium contribue à la levée de l’inhibition 1978). (Jondreville et Dourmad, 2005). Cette de la liaison actine-myosine, ce qui mobilisation est très rapide au regard entraîne la contraction (Lefaucheur, 2.1. Mécanismes de la vitesse de renouvellement de l’os 2010). Il interagit avec d’autres cations en situation d’équilibre qui est éva- pour modifier l’excitabilité neuromus- Le calcium est absorbé par diffusion luée à 10 % par an en moyenne chez culaire. D’après Pérez (1978) et Suttle passive et par transport actif à travers l’Homme adulte (Kenkre et Bassett, (2010), la séquence d’apparition des la muqueuse intestinale (De Barboza 2018) avec des différences importantes signes cliniques provoqués par une et al., 2015). La diffusion passive est selon le type d’os (os cortical : 4 % vs. carence aigüe en calcium chez la truie observée tout au long de l’intestin grêle. os spongieux : 25 % ; Lefèvre, 2016). La peut être comparée à celle observée Le transport actif intervient essentiel- résorption de l’os s’accentue pendant la chez la vache qui déclare une fièvre lement dans le duodénum et le jéju- lactation (van Riet et al., 2016), dès lors après la mise bas, appelée « fièvre de num, selon un mécanisme en 3 étapes que la capacité maximale d’ingestion de lait », à cause d’une carence en cal- (canaux d’absorption du calcium de la truie est atteinte plus tôt que le pic de cium, et dont les signes sont aggravés la muqueuse intestinale, transport du lactation. Quand elle est provoquée par par une carence en magnésium jusqu’à calcium dans la cellule, libération dans un déficit en calcium ou en phosphore, une crise de tétanie. la circulation sanguine). Chez l’Homme, il s’ensuit inexorablement la libération il peut contribuer jusqu’à 60 % de l’ab- de l’autre élément. Au niveau du muscle lisse de l’utérus, sorption intestinale du calcium en le complexe que forment le calcium et situation d’apport conforme aux recom- 1.2. Rôle physiologique la calmoduline phosphoryle la myosine, mandations (Fleet et Schoch, 2010). qui peut alors interagir avec l’actine Le calcium ionisé (Ca2+) est la forme pour provoquer la contraction (Inserm, 2.2. Régulation physiologiquement active du calcium. 1997). L’injection de prostaglandine Cette forme libre du Ca2+ ne représente induit le démarrage de la mise bas, La diffusion passive est une voie que 0,5 % de la totalité du calcium de notamment via l’augmentation de la paracellulaire non saturable qui inter- l’organisme. La fraction de calcium ioni- concentration en calcium intracellulaire vient même en situation d’apports éle- sée ou liée aux protéines (notamment (Inserm, 1997). vés en calcium (figure 2). Elle dépend l’albumine) dépend du pH sanguin, du gradient de concentration en cal- le Ca2+ se liant aux sites des protéines Au niveau ovocytaire, De Nadai et al. cium entre la lumière intestinale et le portant une charge négative, en com- (1999) rapportent qu’une augmenta- plasma (Valdiguié, 2000). L’essentiel pétition avec les ions H+. De nombreux tion rapide et transitoire de la teneur de la régulation de l’absorption liée à mécanismes sont impliqués dans la en Ca2+ est observée après la féconda- la couverture du besoin est attribué à régulation (homéostasie) de la teneur tion chez de nombreuses espèces, ce la voie active. Celle-ci est un processus INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
64 / Nathalie quiniou et al. Figure 2. Contribution des voies d’ab- l’absorption marginale (quantité de car elle inhibe alors leur réabsorption sorption passive ou active à l’efficacité Ca absorbée par unité de Ca supplé- rénale. En cas d’augmentation de la totale de l’absorption du calcium (sur mentaire ingérée) est élevée, et la pro- concentration circulante en phos- la base d’une digestibilité maximale du calcium ingéré supposée à 50 %), portion totale de calcium absorbée phates, le « fibroblast growth factor 23 » d’après Fleet et Schoch (2010) diminue. Du fait de ces régulations, est également stimulé. Il intervient en la digestibilité apparente du calcium synergie avec la PTH dans l’augmenta- 60 dépend du niveau d’apport relative- tion de l’excrétion rénale du phosphore Digestibilité maximale ment au besoin. et diminue son absorption intestinale Efficacité d'absorption (%) 50 via une réduction de la synthèse du cal- 40 2.3. Statut physiologique citriol (Bergwitz et Jüppner, 2010). Cela et hormones se répercute donc aussi sur les capacités 30 d’absorption du calcium. Contribution de la voie active Outre la PTH, les œstrogènes, la 20 prolactine (chez la brebis) et l’hor- Quand les apports en calcium sont mone de croissance stimulent indi- réduits afin d’accroître la digestibilité 10 Contribution de la voie passive rectement l’absorption du calcium en du phosphore et réduire les rejets de augmentant la sensibilité intestinale cet élément, ils peuvent ainsi s’avé- 0 au calcitriol (Fleet et Schoch, 2010). rer insuffisants pour la minéralisation L’augmentation des concentrations cir- osseuse. En effet, l’équilibre phos- Teneur en Ca dans la lumière intestinal culantes en œstrogènes vers la fin du pho-calcique est déterminant pour premier mois de gestation et à la fin de l’accrétion osseuse puisque le dépôt la gestation contribue à une meilleure osseux se fait avec le respect strict de saturable dont la contribution à l’ab- absorption intestinale du calcium. l’équilibre Ca/P de la trame osseuse. sorption totale est majeure en situation Après la mise bas, la prolactine prend le Une carence en calcium entraîne alors d’apports alimentaires faibles ou modé- relais comme cela a été mis en évidence une augmentation des rejets en phos- rés, relativement au besoin. À l’inverse, chez la femme (Kovacs, 2005) et la rate phore par la voie urinaire en raison de en situation d’apports élevés, la voie (Fleet et Schoch, 2010). À l’inverse, le son implication moindre dans l’accré- passive devient prépondérante dans cortisol inhibe l’absorption intestinale tion osseuse (Létourneau-Montminy l’absorption du calcium supplémentaire du calcium (Weiler et al., 2003). Le rôle et al., 2012). ingéré (Fleet et Schoch, 2010). potentiel d’autres hormones telles que la leptine n’est pas encore confirmé Différents mécanismes d’absorp- (Breves et al., 2010). 3. Système nutritionnel tion active du calcium sont proposés utilisé en formulation (Fleet et Schoch, 2010), dont le plus 2.4. Interaction des aliments fréquemment décrit est celui de la dif- avec le phosphore fusion facilitée sous l’action du calcitriol. Une diminution de la teneur en Ca2+ L’équilibre entre les apports en cal- Les tables INRA-CIRAD-AFZ (2017) dans le liquide extracellulaire stimule cium et en phosphore est détermi- de valeurs chimiques et nutritionnelles la sécrétion de la PTH par la glande nant pour leur absorption respective, des différentes matières premières uti- parathyroïde. La PTH stimule alors l’hy- un excès de l’un pouvant diminuer lisées pour formuler les aliments des droxylation de la vitamine D3 (cholecal- l’absorption de l’autre (Létourneau- porcs permettent de raisonner l’apport ciférol) en 25-(OH)D3 dans le foie, puis Montminy et al., 2012). En effet, l’excès en phosphore sur la base de la diges- en 1,25-(OH2)D3 (dihydroxy-cholecalci- de calcium dans le tube digestif conduit tibilité fécale apparente, décrite par ferol ou calcitriol) dans les reins mais à la formation de complexes chélatés le Coefficient d’Utilisation Digestive également dans la moelle, la peau et les avec les phosphates et/ou les phytates (CUD). L’expression du besoin sur la muqueuses intestinales (Suttle, 2010). (ou phosphore phytique). De même, un base de la teneur en élément digestible Le calcitriol ouvre les canaux d’ab- excès de phosphore dans le tube diges- apparent implique que les pertes endo- sorption du calcium de la muqueuse tif conduit à la formation de complexes gènes fécales doivent être considérées intestinale en activant une protéine phospho-calciques. comme une composante du besoin de transport du calcium (Ca-binding d’entretien (Jondreville et Dourmad, protein ou calbindin). Le calcium est Outre le piégeage du calcium, l’excès 2005). Une autre approche est utili- ensuite libéré dans la circulation san- de phosphore inhibe les mécanismes sée dans les tables NRC (2012) et CVB guine par l’intermédiaire d’une ATPase impliqués dans l’activation de la vita- (2018), à savoir la digestibilité fécale calcium et magnésium dépendante et mine D en calcitriol au niveau rénal. En standardisée qui est obtenue après d’échangeurs Na+/Ca2+. effet, bien que la synthèse de PTH soit avoir pris en compte les pertes endo- principalement déclenchée lors d’un gènes basales liées à l’ingestion de De même que pour le phosphore, risque d’hypocalcémie, elle peut être matière sèche mais pas les pertes endo- plus les apports alimentaires augmen- stimulée par une augmentation de la gènes spécifiques (liées aux matières tent et approchent du besoin, moins concentration circulante en phosphates premières) en raison d’un manque de INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
Modélisation du besoin en calcium de la truie reproductrice et variation du rapport phosphocalcique des aliments / 65 données disponibles actuellement et pas p ossible d’envisager de raisonner pour établir le statut de l’animal. D’une de problèmes d’additivité. Les pertes l’apport en calcium sur une base diges- façon générale, l’approche empirique endogènes basales fécales étant prises tible actuellement. des besoins par des essais dose-réponse en compte dans l’évaluation du phos- présente l’inconvénient d’aboutir à des phore apporté par les matières pre- conclusions qui dépendent des critères mières, elles ne doivent alors pas être 4. Critères d’évaluation étudiés (gain de poids, efficacité ali- considérées comme une composante du besoin en calcium mentaire, minéralisation osseuse maxi- du besoin d’entretien. L’utilisation de male…), des contraintes de formulation l’un ou de l’autre mode d’expression de l’aliment (encadré 3), voire d’inte- du phosphore digestible modifie peu Pendant l’engraissement, indépen- ractions avec d’autres composants de le classement des principales matières damment des conditions d’ambiance l’aliment. Chez le porc en croissance, premières mais les deux approches ne ou de statut sanitaire, une chute d’ap- la quantification du besoin minéral peuvent pas être combinées, aussi la pétit des porcs peut parfois conduire fondée sur un degré de minéralisation formulation doit-elle être réalisée avec à suspecter rapidement une carence osseuse maximale peut conduire à l’une ou l’autre. Les valeurs de phos- en phosphore (Gonzalo et al., 2014), des niveaux d’apports très élevés que phore digestible considérées dans cet même si ce n’est pas systématique certains auteurs considèrent même article sont celles issues des tables (Misiura et al., 2020). Ce critère ne peut extravagants (Suttle, 2010). Chez la INRA-CIRAD-AFZ (2017). En supposant cependant pas être utilisé pendant la truie, en revanche, atteindre cet objec- que l’activité phytasique endogène gestation puisque les animaux sont ali- tif de minéralisation maximale (10 %, des matières premières est inactivée mentés de façon rationnée (encadré 2). Frandson et al., 2009) en début de (par exemple lors de la granulation), il L’étude du besoin en minéraux de la carrière reproductrice est d’un intérêt est possible de raisonner les apports en truie implique la mise en place d’es- majeur (Nimmo et al., 1981). Il s’agit de phosphore digestible (Pdig) dans la for- sais de longue durée. Or, si la période préparer un squelette solide en début mule de façon additive avec les valeurs de carence se prolonge, les problèmes de carrière, qui puisse contribuer à des tables INRA-CIRAD-AFZ (2017). de reproduction ou de locomotion la longévité dans le troupeau. Chez peuvent être d’une gravité telle que la truie gravide, il s’agit de reconsti- Pour le calcium, seules des teneurs le rétablissement de l’équilibre ali- tuer les réserves après des phases de moyennes en calcium total (Catotal) sont mentaire ne permet pas d’y remédier mobilisation. présentées dans les tables. Les sources (Pointillart, 1984). de calcaire sont les principales pour- La densité osseuse peut être carac- voyeuses de calcium dans l’aliment. Étant donné l’ensemble des méca- térisée de façon non invasive par Cependant les tables ne distinguent nismes mis en œuvre dans l’homéos- tomographie (Monziols et al., 2014) pas le gisement d’origine. Or la com- tasie calcique, l’étude de la teneur en ou par absorptiométrie biphoto- paraison de différentes sources de cal- calcium circulant n’est pas suffisante nique à rayons X (Kipper et al., 2015). caires (oolithique, à rudiste, calcitique, dolomitique…) met en évidence des Encadré 2. L’alimentation des truies gravides. différences non seulement sur la teneur en calcium mais également sur la dispo- Gestation de la truie nibilité de ce dernier (Ross et al., 1984 ; Après une gestation d’environ 115 jours, les truies dites « hyperprolifiques » (i.e. issues de schémas de sélec- Samson et al., 2013). Des travaux sont tion génétique très prolifiques) mettent bas des portées de 16 porcelets en moyenne (vs. 11 il y a 30 ans, conduits aux États-Unis (Université de données GTTT IFIP https://www.ifip.asso.fr/fr/resultats-economiques-gttt-graphique.html). l’Illinois et de Purdue) pour développer un système de digestibilité standardi- Rationnement de la truie gestante sée du calcium permettant de mieux La truie gestante est alimentée de façon rationnée pour éviter qu’un état de réserve excessif à la fin de la caractériser les apports des différentes gestation complique le déroulement de la mise bas et limite l’appétit pendant la lactation. matières premières (Zhang et al., 2016 ; González-Vega et Stein, 2016 ; Alimentation suivant un plan dit « en U » Lee et Stein, 2020). Il se rapproche de Le développement de la portée intervient principalement pendant le dernier tiers de la gestation. Pendant la démarche mise en œuvre sur les cette période, l’augmentation des besoins est exponentielle et ceux-ci sont d’autant plus importants que acides aminés au niveau iléal (Stein la prolificité est élevée (Tokach et al., 2019). Aujourd’hui, avec 16 porcelets par portée voire plus, presque et al., 2007). Cependant, l’influence du toutes les truies sont alimentées suivant un plan dit « en U » avec des apports nutritionnels élevés pendant niveau de couverture du besoin sur la les 2-3 dernières semaines de gestation, et des apports pendant le premier mois de gestation d’autant plus régulation de l’absorption et par consé- élevés que la quantité de réserves à (re)constituer est importante après la lactation précédente. quent sur les valeurs de digestibilité reste un problème à formaliser. Par Élevage en individuel ou en groupe, et individualisation de l’alimentation ailleurs, les connaissances disponibles Une alimentation à la carte est facilitée par un élevage en stalle individuelle pendant le premier mois de sur la caractérisation des pertes endo- gestation. En revanche, à partir du début du deuxième mois de gestation jusqu’à l’entrée en maternité, gènes sont insuffisantes. Du fait de ces environ une semaine avant la date de mise bas prévue, les truies sont élevées en groupe et, selon le système différentes limites, en pratique il n’est d’alimentation utilisé, l’individualisation de la ration peut être plus compliquée à mettre en œuvre. INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
66 / Nathalie quiniou et al. Encadré 3. Formulation des aliments. 5. Modélisation des besoins quotidiens Alimentation biphase des truies : aliment de gestation et aliment de lactation en calcium Dans la plupart des élevages, deux aliments sont utilisés pour nourrir les truies. L’aliment de gestation est distribué à partir du sevrage des porcelets jusqu’à l’entrée en maternité ou la mise bas suivante selon le nombre de silos disponibles. L’aliment de lactation est distribué ensuite jusqu’au sevrage qui intervient après 3 ou Le modèle proposé pour l’estimation 4 semaines de lactation. Ces deux aliments doivent être formulés de façon à couvrir les différents besoins des du besoin en calcium total est associé animaux à chaque stade, selon le niveau de performance observé dans l’élevage. à celui de l’estimation du besoin en phosphore sur la base de sa teneur Contraintes de formulation des aliments digestible fécale apparente. Tant que les Un ensemble de contraintes successives est appliqué pour optimiser les formules d’aliment, c’est-à-dire apports ne dépassent pas les besoins, ajuster les taux d’incorporation des matières premières au moindre coût tout en respectant les caractéristiques l’efficacité d’absorption des minéraux nutritionnelles attendues. Ainsi, outre les limites d’incorporation fixées pour certains ingrédients de la formule est supposée maximale (figure 2). Les (tables de valeurs des aliments IFIP-Arvalis-Unip-Cetiom, 2002), des valeurs minimales et/ou maximales besoins sont estimés par une approche sont renseignées successivement pour les critères nutritionnels suivants : factorielle (encadré 4) qui consiste, – teneur en énergie nette (EN), d’une part, à distinguer pour chaque – teneur en lysine digestible (LYSdig), acide aminé limitant primaire dont la teneur est raisonnée sur la base stade physiologique (i.e., gestation ou d’un rapport avec l’EN, lactation) les composantes du besoin – teneurs minimales des autres acides aminés essentiels qui dépendent de la teneur en LYSdig sur la base du et, d’autre part, à prendre en compte concept de la protéine idéale, des facteurs de variation de ces com- – teneur maximale en Ptotal pour respecter les contraintes environnementales (Dourmad et al., 2015), posantes. Selon le compartiment – teneur minimale en Pdig en intégrant le mode de présentation, i.e. sous forme de farine (avec des phytases considéré, des hypothèses de relations endogènes actives) ou après un traitement thermique (granulation) qui provoque leur inactivation, étroites entre les masses protéiques et – teneurs minimales et maximales en Catotal qui dépendent de la plage de valeurs du rapport Catotal/Pdig. minérales déposées, ou entre miné- raux, sont utilisées. Ce modèle intègre D’autres critères tels que la teneur en parois végétales ou le bilan électrolytique sont également pris en les approches développées antérieu- compte. Les valeurs nutritionnelles moyennes des matières premières utilisées dans les aliments des truies rement pour le calcul des besoins en sont disponibles dans les tables INRA-CIRAD-AFZ (2017) ; elles peuvent être ajustées aux caractéristiques phosphore par Jondreville et Dourmad chimiques des lots rendus à l’usine ou à l’élevage avec le logiciel Evapig® (https://fr.evapig.com/). (2005), intégré dans le modèle InraPorc, et en calcium par Pérez (1978), puis Moinecourt et Priymenko (2006). Ces méthodes sont utilisées dans les CaCO3 ou 42Ca sous forme de CaCl) travaux conduits in vivo chez le porc et nécessitant une quantification par 5.1. Besoin d’entretien en croissance. Chez la truie, plusieurs spectrométrie de masse (Guéguen difficultés se présentent en relation et Rérat, 1967) sont aujourd’hui dif- Le besoin d’entretien représente les i) avec le gabarit de l’animal qui impose ficiles à mettre en œuvre du fait de pertes endogènes non productives iné- l’utilisation d’un équipement ad hoc, l’évolution de la réglementation. Des vitables, c’est-à-dire les pertes urinaires ii) avec l’utilisation d’anesthésiants méthodes alternatives d’analyse du liées au métabolisme de base, ainsi pour la sédation lors de la mesure in statut minéral sont développées, fon- que les pertes endogènes digestives vivo (Kaliszewski, 2019) ainsi iii) qu’avec dées sur l’étude de biomarqueurs san- (basales et spécifiques). Il est supposé les effets potentiellement tératogènes guins (Narcy, 2013). À défaut d’évaluer être proportionnel au poids ainsi que des rayons X sur les fœtus notamment le degré de minéralisation osseuse, ces proposé initialement par Pérez (1978). lorsque les doses reçues s’accumulent biomarqueurs, qui sont des molécules Dans notre modèle, le besoin d’en- au cours de la carrière reproductive discriminantes du statut minéral de tretien est supposé proportionnel au (Yoon et Slesinger, 2020). Toutefois, si l’animal, permettent d’évaluer l’inten- poids vif total de la truie, i.e. poids du des mesures étaient réalisées dans un sité de l’accrétion osseuse (phospha- conceptus (placenta, liquides placen- cadre expérimental chez des truies pré- tase alcaline osseuse, ostéocalcine, taires et fœtus) inclus pendant la ges- vues pour être réformées du troupeau, propeptide C- ou N-terminal du col- tation (tableau 1, équations 6 et 7) car, un travail méthodologique devrait être lagène de type I) ou de la résorption en pratique, il n’est pas possible de les entrepris afin de pouvoir mettre en rela- osseuse (télopeptide N- ou C- terminal distinguer lors d’une pesée réalisée tion la densité de l’os et le statut minéral du collagène de type I, pyridinoline, au cours de cette période. Le poids vif de la truie lors de phases successives de désoxypyridinoline, hydroxyproline). total de la truie est minoré de 4 % pour mobilisation et de récupération. Ces marqueurs présentent cepen- tenir compte des contenus digestifs. dant une grande variabilité à l’envi- Ce facteur est un peu plus élevé que Les méthodes de marquage ronnement et une grande variabilité les 3 et 2 % qui peuvent être calculés radio-isotopique utilisées pendant de inter-individuelle (Shetty et al., 2016). avec l’équation de Dourmad et al. (1997) nombreuses années avec des isotopes À ce jour, ils ne sont encore considérés chez des truies qui pèsent, respective- radioactifs (32P et 45Ca) ou des isotopes que comme des indicateurs qualitatifs ment, 150 et 300 kg, mais est à mettre stables (44Ca apporté sous forme de du statut minéral. en relation avec l’évolution vers des INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
Modélisation du besoin en calcium de la truie reproductrice et variation du rapport phosphocalcique des aliments / 67 Encadré 4. Modèles de calcul factoriel des besoins nutritionnels. auteurs concluent cependant à une répartition différente entre les pertes au Modèles de calcul factoriel des besoins nutritionnels niveau fécal et au niveau urinaire (majo- Ces modèles sont utilisés pour déterminer les besoins en énergie, acides aminés et minéraux des animaux ritaires), répartition très variable selon en fonction d’objectifs de performance, en tenant compte des effets du milieu d’élevage. Il s’agit de modèles les conditions expérimentales. Or, une factoriels fonctionnant de manière dynamique. part seulement de cette variabilité est attribuée au niveau d’apport en phos- Cette approche factorielle consiste, d’une part, à distinguer pour chaque stade physiologique (i.e., gestation phore, ce qui incite à poursuivre l’acqui- ou lactation) des composantes de besoin d’entretien et de besoin de production et, d’autre part, à prendre sition de connaissances sur le sujet. en compte des facteurs de variation de ces composantes. Ces modèles de flux à compartiments fonctionnent de manière dynamique c’est-à-dire en tenant compte 5.2. Besoin de production du temps, avec un pas de temps journalier. pendant la gestation Dans le cas du phosphore et du calcium, les flux sont généralement exprimés en éléments digestibles. Pendant la gestation, le besoin de production dépend du dépôt dans les Les flux considérés concernent : réserves maternelles tout au long de la i) les dépenses d’entretien ; ii) les dépenses de production, à savoir, selon le stade physiologique, le déve- période, et dans les fœtus et le placenta loppement des contenus utérins et la production de lait ; iii) les dépenses associées à la constitution de pendant les deux derniers tiers. Ces réserves corporelles. différents compartiments sont repré- Les forces motrices du modèle sont : sentés dans la figure 3 pour estimer i) l’évolution des réserves corporelles, généralement prédites en fonction du poids vif ou des protéines les flux de besoins en phosphore et corporelles (compartiment maternel) ; ii) la rétention dans les contenus utérins (compartiment utérin) ; en calcium. Le dépôt dans les fluides placentaires n’est pas pris en compte iii) l’excrétion dans le lait. car très faible, à savoir 1,43 mmol/L de calcium (0,057 g/L) et 1,09 mmol/L de formules d’aliments de gestation plus le besoin d ’entretien est calculé sur la phosphate (0,034 g de phosphore/L) dilués en énergie qu’il y a une trentaine base du poids de la truie après la mise (Campbell et al., 1992). d’années, notamment par l’incorpora- bas (tableau 2, équations 16 et 17), tion de sources de fibres qui conduisent sans a priori sur l’intensité de la perte a. Dépôt maternel à des poids de contenus digestifs plus de poids à venir, selon la quantité de La cinétique d’évolution du poids importants (Serena et al., 2008). réserves mobilisées dans un contexte net de la truie dépend des caractéris- où les quantités d’énergie ou d’acides tiques initiales de la truie (âge, poids, À court terme, l’acquisition automa- aminés ingérées sont inférieures aux épaisseur de lard) et de la quantité tique du poids vif peut être envisagée besoins (encadré 5). d’énergie apportée quotidiennement pour modéliser individuellement et au-delà du besoin pour l’entretien, l’ac- quotidiennement les besoins et mettre Le besoin d’entretien en calcium est tivité physique, la thermorégulation et en œuvre l’alimentation de précision. fixé à 35 mg/kg de poids vif par jour le développement de la portée in utero En l’absence de suivi dynamique des par Guéguen et Pérez (1981) avec, res- (Dourmad et al., 2005). La couverture caractéristiques des truies, l’évolution pectivement, 32 et 3 mg/kg de pertes des besoins en acides aminés peut du poids vif pendant la gestation est endogènes fécales et urinaires. Cette également intervenir sur la cinétique modélisée en tenant compte du poids valeur, quoiqu’ancienne, reste proche de prise de poids de la truie. initial (à l’insémination), du gain de de celles estimées plus récemment par poids maternel escompté pendant Misiura et al. (2018) avec une approche En l’absence de données sur la lac- la gestation pour atteindre l’objectif par méta-analyse fondée sur des études tation précédente, en particulier sur d’état à la mise bas, qui dépend du conduites sur le porc en croissance. Ces l’évolution du degré de minéralisation type génétique de la truie, de son âge (Quiniou, 2019), du niveau de rationne- ment pendant la gestation (Dourmad Encadré 5. L’alimentation des truies allaitantes. et al., 1996 ; encadré 5) et de l’évolution du poids du conceptus. La cinétique Plan d’alimentation après la mise bas d’évolution du poids net de la truie La truie est encore rationnée les jours qui suivent la mise bas. La ration augmente cependant rapidement (poids vif de la truie sans le poids du sur 10-15 jours afin que la truie puisse rapidement être alimentée de façon libérale ou à volonté. L’objectif conceptus) dépend du plan d’alimen- est de limiter ainsi le déficit nutritionnel observé pendant la lactation du fait de besoins nutritionnels très tation (Quiniou, 2005), principalement élevés pour la production de lait. Celle-ci permet à la portée qui pèse environ 25 kg à la naissance d’atteindre de la cinétique des apports en énergie 110 kg 4 semaines plus tard. si l’aliment couvre les besoins en acides aminés, tandis que celle du conceptus Risque d’une mobilisation excessive des réserves au cours de la lactation dépend de la taille et du poids de por- La lactation dure de 3 à 4 semaines. Une mobilisation excessive des réserves détériore les performances de tée (voir plus loin). Pendant la lactation, reproduction après le sevrage et peut compromettre la longévité de la truie. INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
68 / Nathalie quiniou et al. Figure 3. Modèle1 dynamique d’estimation du besoin quotidien en phosphore digestible (en bleu) (Pdig) et en calcium total (en rose) (Catotal) de la truie gestante. Poids de la truie (au jour J) Poids du conceptus (au jour J) Eq.1 Placenta (J) Fœtus (J) Eq.3 Eq.2 Teneur P fœtus (J) Gain de poids Dépôt protéines Eq.4 maternel (J) placentaires (J) Teneur Ca fœtus (J) = besoin ˣ 0,010 ˣ 5,5 ˣ 0,016 Eq.5 en Pdig = besoin en Entretien P (J) Dépôt P maternel (J) Dépôt P placenta (J) Dépôt P fœtal (J) P (J) Eq.6 Eq.12 Eq.10 Eq.8 dig Eq.14 ˣ 0,035 1,75 ˣ 0,80 = besoin Entretien Ca (J) Dépôt Ca maternel (J) Dépôt Ca placenta (J) Dépôt Ca fœtal (J) en Ca total (J) Eq.7 /digestibilité Eq.13 /digestibilité Eq.11 /digestibilité Eq.9 Eq.15 1 Le détail des équations (Eq.) utilisées est présenté dans le tableau 1. Le calcul du besoin est effectué sur la base de la digestibilité (CUD/100) fécale apparente. osseuse, le besoin en minéraux pour et Blok (2017) (tableau 1, équations 4 l actation. Une fois absorbés, les miné- les dépôts maternels est calculé sans et 5). À la naissance, elles atteignent, raux peuvent être stockés dans diffé- distinguer le dépôt pour la croissance respectivement, 6,2 et 11,0 g/kg d’après rents compartiments ou complexés et le dépôt pour la reconstitution des Jongbloed et al. (2003). sous différentes formes mais pas rema- réserves mobilisées. La rétention de niés, à l’inverse des nutriments orga- phosphore est fixée à 5,5 g par kg de 5.3. Besoin de production niques. Les composantes du besoin gain de poids de la truie, pour un ratio pendant la lactation utilisées pour le phosphore peuvent Ca/P de 1,75 (Jongbloed et al., 2003 ; être additionnées directement pour tableau 1, équations 12 et 13). Deux versions du modèle d’estima- estimer le besoin sur la base de la tion du besoin pendant la lactation sont teneur en phosphore digestible appa- b. Dépôt placentaire développées ici, statique ou dynamique rent de l’aliment (Pdig, Jondreville et Le développement du compartiment selon le mode adopté pour estimer la Dourmad, 2005) que ce soit pendant protéique placentaire est représenté à quantité de lait produite par la truie la gestation (tableau 1, équation 14) l’aide de l’équation proposée par Noblet à partir de la croissance de la portée ou la lactation (tableau 2, équations 20 et al. (1985, tableau 1, équation 3). La (figure 4). L’exportation de phosphore et 24). Le besoin en calcium est plus quantité de minéraux associée est cal- dans le lait est calculée en supposant un difficile à traduire dans un système culée sur la base de 16 mg de phos- ratio phosphore/azote de 0,196 (NRC, commun à celui utilisé pour formu- phore par g de protéines placentaires 2012 ; tableau 2, équations 18 et 22). ler l’aliment en raison du manque de et un ratio Ca/P de 0,80 (Bikker et Blok, L’exportation de calcium est ensuite connaissances sur l’utilisation diges- 2017, tableau 1, équations 10 et 11). estimée à partir de l’exportation de tive du calcium des matières pre- phosphore. La revue de la littérature mières. L’aliment étant formulé sur la c. Dépôt fœtal réalisée par Hurley (2015) indique que base d’un apport en Catotal, une hypo- Le dépôt de minéraux dans les fœtus la teneur en phosphore dans le lait peut thèse de valeur de digestibilité (CUD) est calculé en combinant les cinétiques être comprise entre 0,87 et 1,87 g/kg doit être appliquée aux composantes d’évolution des teneurs en minéraux et et la teneur en calcium entre 1,51 et de production du besoin pendant la la cinétique d’augmentation du poids 2,54 g/kg. Les teneurs moyennes rete- gestation (tableau 1, équation 15) et de portée in utero, modélisée à partir nues par Hurley (2015) sont utilisées la lactation (tableau 2, équations 21 et de l’équation proposée par Noblet et al. dans le modèle, à savoir 1,42 g/kg lait 25), précisée dans la partie suivante. (1985) et corrigée du poids de portée pour le phosphore et 2,0 g/kg pour le observé à la mise bas en moyenne dans calcium (tableau 2, équations 19 et 23). le troupeau (tableau 1, équation 2). Les 6. Facteurs de variation teneurs en phosphore et en calcium des 5.4. Besoin total du besoin en calcium fœtus augmentent progressivement au cours de la gestation, i.e. à partir de 10 j Le besoin total est calculé à partir du de gestation pour le phosphore et à par- cumul des différentes composantes Le modèle décrit dans le chapitre 5 tir de 33 j pour le calcium d’après Bikker du besoin pendant la gestation ou la est utilisé pour étudier l’évolution des INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
Modélisation du besoin en calcium de la truie reproductrice et variation du rapport phosphocalcique des aliments / 69 Tableau 1. Équations de prédiction du besoin en phosphore digestible (Pdig) et en calcium total (Catotal) pendant la gestation en fonction du stade de gestation1. Critère Équation Poids de la truie, PVtruie J = poids vif de la truie au jour J selon le poids à l’insémination, l’objectif au jour J (kg)2,3 à la mise bas en fonction de l’âge et les apports énergétiques PVconceptus J = (PVportée x 1,329 + 0,3) x Poids du conceptus exp [ 8,74519 – 1,59844 x exp (– 0,05407 (J – 45)) + 0,00006 x EM x J + 0,09745 x N ] / (placenta, liquides (1) exp [ 8,74519 – 1,59844 x exp (– 0,05407 (115 – 45)) + 0,00006 x EM x 115 + 0,09745 x N ] placentaires et fœtus) où PVportée est le poids de portée moyen observé à la naissance (kg), N est le nombre au jour J (kg)3,4 de porcelets nés, EM la quantité d’énergie métabolisable ingérée (MJ/j) PVfœtus J = PVportée x Poids des fœtus (2) exp [ 8,72962 – 4,07466 x exp (– 0,03318 (J – 45)) + 0,00154 x EM x J + 0,06774 x N ] / au jour J (kg)4 exp [ 8,72962 – 4,07466 x exp (– 0,03318 (115 – 45)) + 0,00154 x EM x 115 + 0,06774 x N ] Quantité de protéines PROTplacenta J = placentaires au jour J (3) exp [ 7,34264 – 1,40598 x exp (– 0,0625 x (J – 45)) + 0,00759 x J + 0,06339 x N ] / 23,8 (kg)4 (4) (J ≥ 10) tPfœtus J = (0,0565 x J – 0,736) / (0,0565 x 115 – 0,736) x 6,2 Teneur au jour J (g/kg fœtus)5,6 (5) (J ≥ 33) tCafœtus J = (0,1244 x J – 4,039) / (0,1244 x 115 – 4,039) x 11,0 Besoin quotidien (6) Pentretien J = 0,010 x (PVtruie J + PVconceptus J) x 0,96 Entretien (g/j)7 (7) Caentretien J = 0,035 x (PVtruie J + PVconceptus J) x 0,96 (8) dPfœtal J = (PVfœtus J x tPfœtus J) – (PVfœtus J – 1 x tPfœtus J – 1) Dépôt fœtal (g/j) (9) dCafœtal J = (PVfœtus J x tCafœtus J) – (PVfœtus J – 1 x tCafœtus J – 1) (10) dPplacenta J = (PROTPlacenta J – PROTplacenta J – 1) x 0,016 Dépôt placentaire (g/j)5 (11) dCaplacenta J = dPplacenta J x 0,80 (12) dPtruie J = 5,5 x (PVtruie J – PVtruie J – 1) Dépôt maternel (g/j)6 (13) dCatruie J = dPtruie J x 1,75 (14) Pdig J = Pentretien J + dPfœtus J + dPplacenta J + dPtruie J Besoin (g/j) Catotal J = Caentretien J + (dCafœtus J + dCaplacenta J + dCatruie J) / (CUD/100) (15) où CUD est la digestibilité fécale apparente du Ca (%) Pour une gestation supposée durer 115 j ; 2Quiniou (2019) ; 3Dourmad et al. (2015) ; 4Noblet et al. (1985) ; 5Bikker et Blok (2017) ; 6Jongbloed et al. (2003) ; 1 Guéguen et Pérez (1981). Le jour J correspond au stade de gestation. 7 besoins en calcium selon différents erformance des truies, le CUD du cal- p 6.1. Selon l’utilisation facteurs de variation. L’absorption intes- cium est fixé à 50 % dans le modèle, digestive du calcium tinale du calcium est supposée maxi- à défaut de disposer d’informations male tant que les apports ne dépassent précises sur ce critère. Cette hypothèse Le niveau de besoin global dépend pas les besoins (figure 2). correspond à celle précédemment du CUD appliqué aux composantes de retenue par Guéguen et Pérez (1981) production du besoin en calcium. Un L’influence de différentes hypo- et Jongbloed et al. (1999) pour évaluer changement d’hypothèse sur ce critère thèses de CUD est explorée dans le le besoin en Catotal et à la médiane des impacte notamment les composantes chapitre 6.1. Puis, pour étudier l’effet valeurs rapportées par González-Vega du besoin liées aux dépôts mater- d’autres facteurs liés au niveau de et Stein (2014). no-fœtaux pendant la gestation et à la INRAE Productions Animales, 2021, numéro 1
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