MUSEE ROYAL DE L'ARMEE ET D'HISTOIRE MILITAIRE LE FIL BLEU - Parc du Cinquantenaire, 3 - 1000 Bruxelles Histoire de la marine belge - Service éducatif
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MUSEE ROYAL DE L’ARMEE ET D’HISTOIRE MILITAIRE Parc du Cinquantenaire, 3 - 1000 Bruxelles LE FIL BLEU Histoire de la marine belge Service éducatif
Introduction Jusqu’à ce jour il n’y a pas encore au musée de véritable salle d’exposition « Marine » qui retracerait, dans un même espace, l’historique et l’évolution technique de la force navale, au même titre que les avions ou les véhicules blindés. Néanmoins, dès la création du musée, Louis Lecomte, son premier conservateur, passionné de marine, veille à présenter, au fil des salles, de nombreuses pièces maritimes. Cette brochure vous propose d’examiner ici quelques pièces particulièrement remarquables du musée, sans pour autant dresser un tableau exhaustif de l’histoire maritime belge. La période hollandaise et la révolution belge En 1815, suite à la chute de l’empire napoléonien, la Belgique est rattachée au royaume des Pays-Bas. Des Belges sont dès lors intégrés dans la flotte hollandaise. En 1830, les provinces belges s’insurgent contre le roi Guillaume Ier et proclament leur indépendance à la suite des journées de septembre. Les Néerlandais, qui ne reconnaissent pas le nouvel Etat belge, Une gravure, exposée dans une bijoutière à l’entrée de la occupent la place forte salle Belgique au 19e s., permet de comprendre la situation d’Anvers et maintiennent de l’Escaut de 1830 à 1832. On y voit détaillées les forces l’embouchure de l’Escaut néerlandaises dans l’embouchure du fleuve, en aval d’Anvers. sous leur contrôle, Une des canonnières* hollandaises est commandée par le entravant toute activité lieutenant de vaisseau J.C.J. Van Speyck. Le 5 février 1831, le commerciale. Au-delà navire vient s’échouer sur la digue du vieux fort Saint-Laurent du port d’Anvers, le tenu par les Belges. Ces derniers l’arraisonnent mais Van parcours du fleuve se Speyck préfère faire sauter son embarcation avec 25 marins situe effectivement en hollandais et soldats belges à bord. Le lieutenant Van Speyck terre hollandaise. est devenu un héros national néerlandais et depuis lors il y Ce n’est qu’en 1832 que a toujours un navire de la marine militaire hollandaise qui des troupes françaises porte son nom. obligent les Néerlandais à abandonner définitivement les derniers forts d’Anvers qu’ils occupaient encore. J. Van Imschoot, Les prisonniers hollandais escortés par l’armée française, décembre 1832, © MRA Le fil bleu 3
La Belgique au 19ème siècle • La Marine royale Dès sa naissance, le nouvel Etat, qui possède 60 km de côte, se dote d’une marine militaire. En février 1831, le Congrès national vote les budgets qui doivent permettre la construction de quatre chaloupes-canonnières et de deux brigantins*: le Congrès et le Quatre journées, qui vont constituer la base de la Marine royale. En 1837, la marine compte 8 canonnières en activité. Les premiers navires belges sont récupérés de la flotte hollandaise, achetés à l’étranger ou construits dans les chantiers navals de Boom (Anvers) et Bruges. Le développement de la marine sera toujours soutenu par le roi, que ce soit Léopold Ier (1831-1865) ou son fils Léopold II (1865-1909). C’est pour passer la flotte en revue ou à l’occasion de visites protocolaires dans le port d’Anvers qu’un canot royal à 14 rameurs est construit par les chantiers Lecarpentier. Lancé le 12 juillet 1835, il est utilisé par la famille royale en déplacement sur l’Escaut. A l’arrière de la barque au décor peint, une tente de soie richement décorée est aménagée. La figure de proue et les bandeaux ornés de motifs sculptés parent la barque. A l’avant, se trouve la Renommée, tandis que des cornes d’abondance, des feuillages et rinceaux ornent les flancs de l’embarcation, et qu’à l’arrière, une couronne ceinte de rinceaux parachève cette décoration. Tous ces motifs sculptés et dorés sur fond rouge ont été conservés (la figure de proue se trouve au-dessus de la vitrine consacrée à Léopold Ier, les autres motifs ornent le mur) alors que la barque elle-même, déjà reléguée dans un dépôt dès 1888, disparut vers 1910. Après 1839 et la signature par la Hollande du traité des XXIV articles, la navigation sur l’Escaut est débloquée et les navires belges peuvent enfin rejoindre la mer, sans droit de péage. Cela nécessite l’achat de navires mieux adaptés comme la goélette* Louise-Marie, achetée en 1840, et le brick* de guerre Duc de Brabant, construit à Bruges en 1843. Le Duc de Brabant © MRA 4 Le fil bleu
Initialement prévue pour assurer la défense du pays et faire la police sur l’Escaut, la Marine royale va désormais protéger la grande pêche jusqu’aux bancs de Terre-Neuve. Cette activité conduit par exemple le brick de guerre Duc de Brabant jusqu’aux îles Féroé. La marine est également mise au service des intérêts commerciaux des colonies. Léopold Ier, conscient du rôle que doit jouer la Belgique sur le plan international, pousse en effet au développement outre-mer, pour créer des débouchés nouveaux à l’industrie belge. Le rôle de la flotte s’étend afin de M. Van Cuyck, Le Duc de Brabant aux îles Féroé servir d’instrument à cette expansion. © MRA La goélette Louise-Marie participe aussi à de nombreuses tentatives de développement colonial, notamment au Guatemala en 1842. Paul Jean Clays, ancien officier de marine, immortalise en 1849 une autre P.J. Claeys, La prise et destruction tentative, dans la Prise et destruction de Debokké. Suite aux restrictions de Debokké, © MRA imposées par les comptoirs britanniques et français, aux importations de denrées coloniales vers la Belgique, des pourparlers sont engagés en 1848 en vue de l’établissement d’un comptoir commercial belge sur le Rio Nuñez en Guinée. Très vite les Belges sont entraînés dans un conflit interne. Les rivalités latentes entre tribus rendent impossible le développement d’un comptoir commercial. Une expédition punitive franco-belge est envoyée vers Debokké à bord de deux navires de commerce. La peinture montre le trois-mâts belge Emma et le schoener* français Dorade lançant des troupes à l’assaut d’une colline. Mais en 1851 tout plan pour la création d’un établissement en Guinée est définitivement abandonné. Le Duc de Brabant, armé de 20 canons et composé de 130 hommes d’équipage, est mis en service le 25 novembre 1845. Il est commandé par le capitaine Schockeel, ancien officier de la marine hollandaise ayant fait de nombreux voyages dans les Indes néerlandaises. En 1848, le navire effectue une croisière en Amérique du sud auprès des colonies belges de Rio, Buenos-Aires et Valparaiso. Ses derniers voyages (en 1853-1855) permettront le rapatriement des colons belges survivants de Santo Tomas de Guatemala et de Rio Nuñez en Afrique. Dès la création de la Marine royale, le caractère militaire fait défaut, bien que des miliciens du ministère de la guerre peuvent être transférés à la marine pour compléter l’effectif (fixé à 600 hommes). Elle encadre les états-majors et les équipages de marins qu’elle forme et auxquels elle donne un véritable esprit de corps. C’est ainsi que l’osmose avec la marine marchande va grandissant. Les officiers et matelots accomplissent de nombreux voyages Le fil bleu 5
sur des navires de commerce (de 1834 à 1849). La Marine royale est vue uniquement comme un support à l’expansion commerciale et la protection de la pêche. Après l’échec des premières tentatives coloniales et suite à la volonté affirmée de réduire les dépenses militaires, la Marine royale voit son budget progessivement diminuer. En 1848, les premières diminutions de crédit obligent à désarmer plusieurs bâtiments tandis que les officiers licenciés s’engagent au service de la France et de l’Allemagne. Les navires désarmés se dégradent faute d’entretien. En 1859, le Duc de Brabant est détruit en servant à une expérience de tirs sous-marins. Malgré les efforts de Léopold Ier et de certains de ses conseillers (tel Brialmont qui publie en 1854 une brochure intitulée “Utilité de la Marine militaire belge”) et en dépit de la pression des milieux marchands d’Anvers soucieux d’entretenir des relations avec les établissements belges d’outre-mer, on se dirige de plus en plus vers la suppression pure et simple de la marine. 1862 marque la fin officielle de la Marine royale. Elle est remplacée par la Marine d’état. Les malles Ostende-Douvres Dès 1834, la Marine royale fournit des équipages aux navires de commerce. En 1841, l’Etat belge tente d’établir un service régulier entre New-York et Anvers. Pour cela, il fait acheter deux navires à vapeur, le British Queen et le Président qui sont armés de caronades* de 12 livres. L’aventure tourne court, les navires n’étant pas fiables et l’entreprise sera un cuisant échec financier pour l’Etat. La Belgique enregistre plus de succès avec la création, dès 1846, d’un service de malles, assurant le service passager et postal, entre Ostende et Douvres, chacun des deux ports étant reliés, par chemin de fer, à leur capitale respective, Bruxelles et Londres. L’axe devient vite primordial pour les échanges économiques entre le continent et la Grande- Bretagne. Les grands trains internationaux, comme l’Orient Express ou le Nord Express, relient désormais l’Europe occidentale à l’Asie. Les navires belges et britanniques assurent 14 traversées par semaine. Le trajet dure environ 5 heures. Dès 1863, la Belgique détient le monopole des traversées de la Manche. Pour garantir les deux passages journaliers, elle fait construire de V. Burgess, nouveaux navires chez Cockerill et en achète d’occasion, jusqu’à disposer de 7 La Topaze, vapeurs, dont la Topaze. Au fil des années, au gré de l’importance grandissante © MRA de la ligne, la Belgique se dote de navires plus rapides et plus confortables (éclairage à l’électricité, télégraphie sans fil, chauffage central par air chaud). 6 Le fil bleu
• La Marine d’Etat Les officiers, sous-officiers et matelots sont versés dans les services civils. Ils forment l’équipage des paquebots et des malles et assurent le service de garde-pêche. En 1876, on crée une compagnie de pontonniers disposant d’un bateau à coque de fer et à vapeur pour poser d’éventuelles mines en vue de défendre l’Escaut. En 1901-1902, un navire-école, le Comte de Smet de Naeyer, forme les futurs officiers, mais n’a aucun caractère militaire. En 1902, quelques unité navales sont armées pour assurer la police sur l’Escaut et la Meuse. Elles sont servies par un corps de mariniers composé de miliciens originaires de la côte ou des vallées de l’Escaut et de la Meuse. Ce corps servira sur les navires français en 14-18. Le navire-école de Smet de Naeyer, © MRA Le Sphinx La corvette* à roue le Sphinx est le premier navire à vapeur de la marine royale française dont les machines fonctionnent avec régularité. Construit à Rochefort (Charente maritime), il est gréé en trois-mâts goélette et ses ma- chines actionnent deux roues à aubes. En 1832-1833, le Sphinx remorque d’Alexandrie en Egypte à Cherbrourg en France, le Luxor qui transporte l’obélisque destiné à la place de la Concorde à Paris. Dans la salle Belgique au 19e s., on peut voir la maquette ayant appartenu à Léopold II. © MRA Le fil bleu 7
La Première Guerre mondiale 1914-1918 • La marine belge lors de l’invasion Au moment de l’invasion allemande, l’armée belge ne possède donc pas de marine militaire. Le 4 août 1914, l’Etat-Major crée à la hâte un Service de Défense côtière et fluviale. Il est dirigé par le capitaine de vaisseau comte de Borchgrave d’Altena (1860-1924), assisté de l’avocat Léon Hennebicq (1871-1940), président de la Ligue maritime belge. Les quatre chaloupes-canonnières qui le composent sont stationnées à Anvers. Lorsqu’éclate le conflit en août 1914, la marine néerlandaise -les Pays- Bas sont neutres- surveille ses eaux territoriales et l’embouchure de l’Escaut. Le 4 août, le blocus est déclaré. Seuls les navires belges non armés et ne transportant ni troupes en armes, ni matériel de guerre ou munitions peuvent quitter Anvers. C’est ainsi que la marine hollandaise met à la chaîne nos quatre chaloupes-canonnières lors de leur tentative pour rejoindre la mer et interne leurs équipages. Le 9 octobre 1914, l’embouchure du fleuve est définitivement fermée. Le lendemain, Anvers est abandonnée par l’armée belge qui n’en sabotera pas les installations portuaires. Il en ira de même dans les ports de Bruges, Zeebrugge ou Ostende. Durant le repli des troupes belges, tous les navires dépendant de l’Etat (les malles, navires de balisage, Pont de bateaux sur l’Escaut pour permettre l’évacuation d’Anvers par remorqueurs et bateaux-pilotes) sont mis à l’armée belge, octobre 1914, © MRA la disposition du gouvernement pour aider l’armée et les populations civiles dans leur évacuation. Pour parer au besoin en logistique maritime, l’Etat-Major constitue un Service d’Annexes flottantes en octobre 1914, sous la direction du capitaine de réserve Cornellie, officier de navigation du voilier-école, rappelé sous les drapeaux. Il est composé de marins retirés du front et regroupés dans un dépôt à Gravelines. Du 13 octobre 1914 au 10 mars 1915, 36.000 réfugiés et plus de 22.000 blessés vont être conduits en Angleterre dans des conditions rendues difficiles par les mauvaises communications entre les services civil et militaire. Pendant la bataille de l’Yser, les malles participent à l’évacuation des hôpitaux de Dunkerque et de Calais vers Cherbourg et lors de chaque voyage de retour, elles se chargent de munitions pour Le Havre. Les malles sont ensuite mises à la disposition du gouvernement britannique, pour la durée de la guerre. En quatre ans, elles auront traversé plus de 4.000 fois la Manche, en dépit des mines et filets dérivants garnis d’explosifs, amenant plus de 2 millions de soldats sur le front et rapatriant plus de 500.000 blessés. La seule malle perdue, sur les 13 malles en état de naviguer que compte la Belgique au début de la guerre, est la Marie-Henriette qui fait naufrage le 24 octobre 1914 sans faire de victimes. • La flotte marchande La flotte marchande belge compte, en 1914, 132 unités de plus de 100 tonnes de jauge 8 Le fil bleu
brute (dont 9 voiliers), propriété d’une vingtaine d’armements privés. Ces navires, en majorité dépourvus de télégraphie sans fil, sont disséminés aux quatre coins du monde au moment de l’invasion de la Belgique. Les armateurs, devant l’avancée ennemie, transfèrent leur siège social en Angleterre et, avec la garantie de l’Etat, créent, dès le 5 octobre 1914, une assurance mutuelle pour la couverture des risques de guerre. Les transports maritimes sont de plus en plus sollicités par une industrie décuplée par l’effort de guerre. Outre les risques habituels auxquels sont confrontés les navires en temps de paix, la guerre apporte de nouveaux dangers : extinction des phares et des balises, mines flottantes ou dérivantes (qu’elles soient alliées ou ennemies) et risque de destruction par les canons ou torpilles de la marine de guerre, des sous-marins et bateaux-pièges ennemis. Le 4 février 1915, en réponse au blocus anglais, les Allemands décrètent la guerre sous-marine totale contre toute unité marchande, britannique ou alliée, naviguant dans les eaux britanniques. Seuls les navires marchands battant pavillon neutre seraient épargnés. Les navires coulés sont en tel nombre (40 % de pertes), qu’ils ne sont qu’en partie remplacés. Il s’ensuit donc une hausse vertigineuse des coûts d’un transport maritime vital pour l’armée et la population. A la demande de la Commission for Relief, créée le 1er février 1916 pour acheter et faire acheminer des vivres pour nourrir les populations des territoires occupés, le gouvernement belge réquisitionne 20% de la flotte marchande en y Sacs de farine distribués par la Com- ajoutant des navires apportés par le nouveau Lloyd Royal Belge. La mission for Relief, 1914-1918, © MRA convention tarifaire de cette opération humanitaire s’établit au prix coûtant. Ces navires, malgré la protection des sauf-conduits allemands, sont parfois détruits. La flotte marchande belge transporte un million et demi de tonnes, soit un tiers des vivres convoyé dans le cadre de la Commission for Relief. Sur les 132 navires de plus de 100 tonnes de jauge brute que comptait la Belgique au 4 août 1914, 52 seront perdus durant la guerre. Le torpillage du Lusitania. Le 1er mai 1915, le Lusitania, un vapeur très rapide de la compagnie commerciale Cunard, quitte New York. Outre ses 1962 passagers, il transporte des munitions dans ses cales. Le vendredi 7 mai 1915, en début d’après-midi, au large des côtes irlandaises, une torpille du sous-marin allemand “U-20” touche le Lusitania qui, éventré par une violente explosion, coule en 18 minutes. 1201 passagers périssent, 761 sont sauvés par les bateaux de pêche du port voisin de Queenstown. Parmi les victimes, se trouve Marie Depage, femme du Dr. Antoine Depage, médecin-chef de l’hôpital de l’Océan à La Panne. Elle revenait d’une tournée de deux mois aux Etats-Unis, où elle avait récolté de l’argent pour la Croix-Rouge. Le torpillage d’un navire commercial, transportant 124 Améri- cains, fut habilement exploité par la propagande alliée pour pousser l’opinion américaine à abandonner sa neutralité et en- traîner les Etats-Unis dans la guerre contre l’Allemagne. Le Lusitania, © MRA Le fil bleu 9
En 1917, la guerre sous-marine à outrance menée par l’Allemagne entraîne l’entrée en guerre des Etats-Unis. L’appui de la flotte marchande américaine, la mise en place dès le mois de mai du système de navigation en convois et le lancement presque journalier de nouveaux navires dans les chantiers navals européens et nord-américains décuplent les moyens de la marine marchande. • En Belgique occupée En Belgique occupée, Bruges sert de base à la Flandernflotille allemande. Sa tâche principale est d’assurer l’inviolabilité de la côte belge face aux attaques des Alliés. Des batteries sont érigées tout le long de la côte occupée. Ces pièces, servies par des artilleurs de marine, sont d’un calibre variant de 88 mm à 380 mm. Reliés à Bruges par des canaux, les ports de Zeebrugge et d’Ostende sont les points de départ des raids des torpilleurs et des submersibles (U-Boote). Ces petites unités peuvent facilement Ostende, des fils de fer barbelés barrent la digue, 1914-1918, © MRA manoeuvrer dans les eaux belges peu profondes. Elles naviguent le plus souvent en surface et ne plongent qu’en cas de danger, quand un avion les a repérées par exemple. Mais à cause des quatre bancs de sable situés au large des côtés belges, de nombreux submersibles s’échouent néanmoins durant le conflit. Embarquement d’une mine et d’une torpille à bord d’un sous-marin allemand, 1914-1918, © MRA L’armement des submersibles comprend des mines, des mitrailleuses Maxim ou des canons de faible calibre fixés sur le pont. Ils sont aussi dotés de tubes lance-torpilles (quatre au maximum) installés dans la proue et dans la poupe. Le chargement des torpilles dans les tubes s’opère par l’arrière, manuellement ou électriquement. Le nombre de torpilles à bord est très variable et dépend surtout de la place qui leur était sacrifiée, au détriment de l’espace consenti aux hommes d’équipage. La firme Schwarzkopff fabrique des torpilles de calibre différent (450 ou 500 mm). Celle qui est présentée au musée accuse une longueur de 5 mètres pour un diamètre de 45 cm. Elle est dotée d’une charge de 150 kg, placée dans la tête. Une torpille de ce type peut parcourir une distance de 0,55 mille (1.000 mètres) à la vitesse de 35 nœuds (65 km/h). Afin de contrôler la profondeur et la direction à imprimer à la torpille, son gouvernail doit être réglé au moyen d’une clé. La plupart du temps, le navire ennemi est immobilisé à l’aide d’une torpille puis coulé en surface au canon. 10 Le fil bleu
• Le Dépôt des Equipages Le 3 mai 1917 est créé le Dépôt des Equipages, basé à Gravelines. Il est appelé à gérer les «conscrits» et volontaires enrôlés comme marins, et à développer une «réserve d’appelables» pour les besoins exceptionnels. Le Dépôt des Equipages regroupe les marins enrôlés dans l’armée de terre ainsi que d’autres militaires. Il agit comme un centre administratif qui immatricule Mortier Van Deuren sur un cargo, Calais, juillet 1917, les marins, les administre et les affecte aux navires © MRA après les avoir formés. Le Dépôt compte un Etat- Major, un centre de formation et des écoles, ainsi qu’une compagnie de 154 marins et un peloton d’artillerie de marine de 68 canonniers. Ces derniers sont aussi chargés de la protection des navires de commerce contre les bâtiments de surface et les sous-marins allemands, des cibles particulièrement difficiles à atteindre (au ras de l’eau, ballotés par la houle) et nécessitant une technique éprouvée. Les marins belges vont également participer à la lutte contre les mines. Les Allemands, comme les Alliés, ont en effet mouillé un grand nombre de mines, de barrages flottants et de filets garnis d’explosifs, dans la Manche et la mer du Nord, qui vont constituer un danger permanent pour la navigation. Les seuls Britanniques auront mouillé plus de 100.000 mines en quatre ans… Au 2 octobre 1918, le Dépôt compte 820 hommes. Ces marins et canonniers portent l’uniforme français, mais avec un pompon bleu. Beaucoup effectuent aussi des missions à bord de bâtiments français (dragueurs de mines, sous-marins, chalutiers Tenue de marin réquisitionnés et armés…). belge 1914-1918, © MRA Les mines 1770-1776: La première mine dérivante, inventée par David Bushnell, est posée lors de la Guerre d’Indépendance des Etats-Unis. Robert Fulton introduit la mine ancrée, toujours aux Etats- Unis, en 1810. 1861-1865: la Guerre de Sécession voit l’apparition des mines électrocommandées. 1904-1905: la Guerre russo-japonaise introduit les barrages défensifs constitués de mines. 31 navires russes sont ainsi mis hors combat. 1914-1918: la Première Guerre mondiale use massivement de mines ancrées pour créer des bar- rages défensifs et des champs offensifs dans la Mer du Nord et dans la Manche principalement. Environ 290.000 mines causent la perte d’un millier de navires militaires et marchands. Très logiquement, c’est à la même époque que se développent les premières techniques de déminage avec la drague cisaillante de l’amiral Ronarc’h. 1940-1945: la guerre des mines s’intensifie sur toutes les mers du globe (636.000 mines). Les conflits suivants voient le développement des mines à orin (avec câble), dérivantes ou de fond, magnétiques, acoustiques ou à dépression. Une mine ne coûte que 250 EUR à la fabrication et peut couler un pétrolier de 300.000 tonnes. Le fil bleu 11
• Campagne dans l’Est-africain allemand Déjà présents en Afrique, au Cameroun et dans l’Est-africain, les Allemands ont des prétentions sur le Congo belge, qui pourrait utilement relier leurs possessions. Or en vertu de l’Acte général de Berlin (1885), tout le bassin conventionnel du Congo doit rester neutre en cas de conflit en Europe. Cependant, la situation se dégrade et dès le début du mois d’août, les escarmouches se multiplient. Le 9 août 1914, le vapeur belge l’Alexandre Delcommune, seule unité belge sur le lac Tanganyika, est pris pour cible et est détruit le 22 août assurant ainsi aux Allemands la suprématie sur les eaux du lac, frontière naturelle de plus de 600 km entre le Congo belge et l’Afrique orientale allemande. Pavillon de l’Hedwig von C’est là que se déroulent les principaux Wissman, © MRA affrontements, mais d’autres combats ont lieu Carte de l’Afrique centrale entre autres sur le lac Kivu. Les forces belgo-britanniques reconstituent progressivement une petite flottille sur le lac Tanganyika, qui bénéficie de l’appui de 4 hydravions Short. Dès le milieu de l’année 1916, la victoire alliée est assurée, ouvrant la voie à la conquête de l’Est-africain allemand par les troupes de la force publique du Congo belge. Dans la vitrine allemande, se trouve le pavillon de l’Hedwig von Wissman, navire allemand qui fut coulé par les Belgo-Britanniques en 1916. • Bilan A la fin de la guerre, les pertes en vies humaines sous pavillon belge s’élèvent à 284 officiers et marins, auxquels il faut ajouter les 160 autres Belges disparus en mer sous pavillon allié. Des 12 voiliers de 1914, il n’en reste que 4 fin 1918, dont 2 voiliers-écoles. Les unités coulées seront remplacées par des navires plus modernes parmi lesquels 53 bateaux allemands attribués à la Belgique comme dédommagement de guerre. 12 Le fil bleu
Entre-deux-guerres La flottille belge sur le Rhin, Homberg-Essenberg, v.1919, © MRA • Le Corps de Torpilleurs et Marins Après l’armistice, le Dépôt des Equipages s’installe à Ostende. En novembre 1919, il est supprimé pour faire place au Détachement des Torpilleurs et Marins, rattaché au 1er avril 1920 au ministère de la Guerre. Puis, devenu Corps, il s’installe à Bruges en 1923 et compte 26 officiers, 70 sous-officiers et 585 hommes d’équipage. Il reçoit du matériel français en prêt et bénéficie de réquisitions allemandes. Tout comme le Dépôt avant lui, le nouveau corps est spécialisé dans le déminage en mer du Nord. Il a comme autres tâches la défense côtière et le contrôle du Bas- Escaut. Il participe aussi à l’occupation de l’Allemagne en déployant une flottille sur le Rhin qui effectue des patrouilles entre Cologne et la frontière hollandaise. Le traité de Versailles prévoit l’évacuation de la rive gauche du Rhin par l’armée allemande ainsi que d’une bande de 50 kilomètres sur la rive droite. Les troupes belges occupent cette région avec les Français, les Britanniques et les Américains. Cette occupation, Croiseur D’Entrecasteaux, © MRA fortement critiquée par la population belge en raison de son coût élevé et de la mobilisation de nombreux conscrits, a pour but d’éviter une nouvelle agression allemande. Elle sert également de moyen de pression sur le gouvernement allemand qui rechigne à payer les réparations de guerre, en raison de l’effondrement de son économie. • Nouvelle suppression Les restrictions budgétaires, le lobbying de la marine marchande, la méfiance des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne à voir émerger une flotte concurrente à leurs frontières ont raison du Corps de Torpilleurs et Marins qui est supprimé en 1927. Les navires sont vendus, les marins réintégrés dans l’armée. La Belgique ne dispose donc plus de force navale. • Chronologie 13/10/1914 Service des Annexes flottantes 3/05/1917 Dépôt des Equipages 19/11/1919 Détachement de Torpilleurs et Marins 19/10/1923 Corps de Torpilleurs et Marins Le fil bleu 13
La Seconde Guerre mondiale 1940-1945 • L’invasion Lors de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne le 1er septembre 1939 et de l’entrée en guerre de la France et de la Grande-Bretagne, le blocus est décrété en mer du Nord. La Belgique connaît dès lors de grandes difficultés d’approvisionnement. De plus, les abords des eaux territoriales sont minés: de nombreuses mines dérivent, créant un danger permanent pour les navires civils (marchands, de l’Etat ou pêcheurs) belges. Le 15 septembre 1939, un Corps de marine (qui existait sur papier depuis 1938) est hâtivement mobilisé face Corps de marine, maniement d’un canon à la menace d’une guerre sur mer. Basé à Anvers et Ostende, de 47mm, armée belge, 1939 © MRA puis à Zeebrugge, sa mission consiste à surveiller les eaux territoriales et à neutraliser les mines dérivant au large des côtes belges. Sous les ordres du major Decarpentrie, marin formé au sein de la Marine de guerre française, ce corps compte théoriquement, au début du conflit, 650 marins et quelques navires réquisitionnés (chalutiers, Le patrouilleur A4 vedettes, bateaux-pilotes, etc.) à Dans la nuit du 19 au 20 mai 1940, ce patrouilleur l’armement hétéroclite. Dans de a transporté les encaisses des billets non émis, telles conditions, les opérations des matrices destinées à l’impression de billets et de déminage et de patrouille sont d’autres valeurs pour un montant de 500 millions à chaque fois périlleuses. de francs belges de la Banque nationale pour les amener en Grande- Quand la guerre éclate en Bretagne. Il transporte aussi mai 1940, les unités belges 161 réfugiés qu’il débarque participent à des opérations à Folkestone avant de de secours auprès des navires continuer sa route jusqu’à alliés touchés et poursuivent Plymouth où l’argent est leurs opérations de déminage. débarqué le 23 mai et confié Les ports étant bombardés, à la Banque d’Angleterre. petit à petit, les navires belges Durant son transfert, évacuent Anvers et Ostende l’argent est accompagné par pour se réfugier en France ou un lieutenant de réserve de en Angleterre, échappant ainsi à l’artillerie, commissaire de l’emprisonnement consécutif à la Banque nationale dans la capitulation de l’armée belge le civil, Hubert Ansiaux. le 28 mai 1940. Se réfugient également en Grande-Bretagne des marins-pêcheurs, des marins de la marine marchande ou ayant servi sur les malles Ostende-Douvres. Ils participeront à l’opération Dynamo, du 26 mai au 3 juin 1940, qui veille à récupérer des soldats anglais, français et belges coincés dans la poche de Dunkerque. L’un des navires 14 Le fil bleu
belges, le patrouilleur H75 est cité à l’ordre du jour de l’armée française «A été un des derniers bâtiments à prendre les rescapés à Dunkerque, a embarqué sous le feu de l’ennemi dans la nuit du 2 au 3 juin 240 officiers et soldats français. » Après cette opération, bateaux et marins du Corps de marine, sous les ordres du major Decarpentrie, sont mis aux ordres de la marine de guerre française et rejoignent Lorient puis Bordeaux. Ils participent à des missions d’arraisonnement, de reconnaissance, de dragage des mines magnétiques, larguées par l’aviation allemande, et de sauvetage d’équipages de bateaux ayant sauté sur ces mêmes mines. Le 24 juin, un nouveau repli conduit les navires belges à St Jean-de-Luz où ils arrivent deux jours plus tard, après la signature de l’armistice entre la France et l’Allemagne. Les équipages belges sont épuisés, ils souffrent du manque Côte occidentale de la France de vivres, d’eau douce, de combustible; le matériel est usé sans possibilité de révision. Pour échapper aux Allemands, certains navires belges font route vers l’Espagne ou vers le Portugal, souvent avec des réfugiés civils à bord. D’autres navires, trop endommagés ou dont l’équipage veut retourner en Belgique, choisissent de rester en France. Les équipages, arrivés en Témoignage de Daniel Geluykens, un cadet du Espagne, sont envoyés Mercator, engagé dans la Royal Navy: au camp de Miranda «Notre radar a un bon écho sur l’avant à 4.000 yards. C’est avant d’être rapatriés en certainement un U-boot en surface. Le canon de 76 mm tire une Belgique. Les officiers série d’obus éclairants répartis sur un arc de part et d’autre du sont internés à Bilbao, ils relèvement radar. (...) Dans la lumière lunaire (ainsi) répandue, s’occupent du matériel on a tout juste le temps d’apercevoir une forme noire allongée déjà des navires à quai. Ils ne en partie submergée. Le canon de 120 mm avant tonne par deux rentreront en Belgique fois avant que le U-boot ne disparaisse complètement. Mais il est qu’en 1946. aussitôt repéré par notre asdic. On entend nettement l’écho qui suit Quelque 300 marins, le “ping” de chaque émission et le temps qui les sépare devient de officiers, matelots et plus en plus court. Le Wellington fonce et largue un groupe de 10 pêcheurs belges arrivent grenades de fond réglées à faible profondeur. Chaque explosion néanmoins en Grande- est marquée par un grand éclair laiteux sous l’eau, puis un choc Bretagne. sourd qui se propage d’un bout à l’autre de la coque et enfin une gerbe d’eau monte et s’épanouit en un gigantesque bouquet de • La section belge de la grisaille. Mais les ordres sont stricts, une seule contre-attaque. (...) Royal Navy Couler des U-boots reste, par conséquent, une tâche secondaire.» Parallèlement et à l’instar d’autres groupements Le fil bleu 15
nationaux (Polonais, Français, Tchécoslovaques, Néerlandais, etc.), l’officier de la Marine de l’Etat, Victor Billet (qui disparaît le 19 août 1942 au cours de la tentative de débarquement à Dieppe), œuvre à la mise sur pied d’une section belge au sein de la Royal Navy. Elle voit le jour le 3 avril 1941 et compte bientôt 400 engagés volontaires, presque tous marins de métier, anciens pêcheurs ou issus de la marine de l’Etat et de la marine marchande. Les hommes reçoivent leur formation à la base HMS Royal Arthur à Skegness. Ensuite, certains sont embarqués sur divers types de navires (du porte-avion au sous-marin), suivant leur spécialité (canonniers, télégraphistes, mécaniciens, stewards, infirmiers). D’autres sont envoyés à l’école de dragage des mines HMS Lochinvar en Ecosse. Outre une flottille de dragueurs de mines, les marins belges arment trois patrouilleurs (Phrontis, Kernot, Electra) et deux corvettes (le HMS Buttercup et le HMS Godetia). Engagées dans la bataille de l’Atlantique, ces dernières servent d’escorte aux navires marchands parmi lesquels on compte une centaine de bâtiments belges. Les marins belges participent ainsi aux convois d’escorte dans les Caraïbes et dans l’Atlantique, à des Equipage belge sur le HMS Godetia © MRA opérations de sauvetage de navires coulés, à la tentative de débarquement à Dieppe en août 1942 et au débarquement de juin 1944 en Normandie. A la libération, les Belges rentrent au pays et sont chargés de draguer l’Escaut et la zone de la Mer du Nord affectée à la Belgique. Après la guerre, les 58 officiers et les 385 sous-officiers et matelots issus de la Section belge de la Royal Navy constitueront l’embryon de la force navale. • La bataille de l’Atlantique La « Bataille de l’Atlantique » est la lutte menée par l’Angleterre pour sa survie contre les sous-marins allemands acharnés à lui couper tout ravitaillement et renforts en provenance de ses colonies et surtout d’Amérique. Pour ce faire, ne disposant que d’une faible flotte de surface, mise à mal durant la campagne de Norvège d’avril 1940, l’Allemagne mise surtout sur les sous-marins et les mines (360.000 mines sont mouillées en Mer du Nord par les belligérants durant la guerre). Les navires de transport en sont la cible. Les pertes Formation d’un convoi avant le départ, en Nouvelle-Ecosse, © MRA sont énormes : 7 millions et demi de tonnes, rien que pour les années 1939 et 1940. A ce moment, l’Allemagne croit réellement pouvoir étrangler l’Angleterre. Pour protéger ses navires de transport, la Royal Navy groupe les bateaux marchands en convois escortés de navires de guerre. Les Britanniques peuvent compter sur l’aide de nombreux hommes et navires venant des territoires occupés par l’Allemagne (dont de nombreux Belges), mais aussi des pays membres du Commonwealth (particulièrement la marine 16 Le fil bleu
canadienne dont l’importance est décuplée durant le conflit) et des Etats-Unis (dès avant leur entrée en guerre) Dès lors, la bataille de l’Atlantique se résume pour les Alliés à couler un maximum de sous-marins allemands et à produire plus de navires que ces derniers n’en coulent, afin d’acheminer vers les îles britanniques les hommes et le matériel nécessaires à la victoire finale. Avec la généralisation du système des convois et les améliorations techniques (sonar, armes anti-sous-marines, radar, etc.), tactiques (nombre d’escorteurs, constitution de groupes « hunter-killer », méthodes de lutte anti-sous-marine, extension de la couverture aérienne, etc.) et stratégiques (l’occupation de l’Islande, l’exploitation des renseignements, etc.), cette bataille est gagnée par les Alliés au printemps 1943. La marine marchande paie le plus lourd tribut à cette victoire : 9.000 convois auront traversé l’Atlantique, apportant 35 millions de tonnes de ravitaillement en Grande-Bretagne, perdant plus de 30.000 hommes et plus de 2.500 navires. • La marine marchande Le 10 mai 1940, la flotte de commerce belge compte une centaine de navires. Ces derniers sont rapidement réquisitionnés pour être mis à la disposition des Alliés. Ils font désormais partie du «Ministry of War Transport» britannique qui gère les navires alliés, en dehors des soviétiques et des américains. Les navires marchands reçoivent les ordres de l’Amirauté britannique qui les envoie où nécessaire, pour y charger une cargaison déterminée et la transporter par des routes bien précises. Mais ces navires sont toujours gérés par les armateurs qui les louent à l’Amirauté. Le statut des marins est donc “30.000.000 tonnes brutes envoyées par le fond”, affiche de propagande allemande, © MRA hybride puisque, portant l’uniforme de la Royal Navy, ils restent néanmoins soumis aux lois et règlements de la marine marchande. Les navires marchands sont dotés d’armes anti-aériennes qui restent insuffisantes face aux attaques de sous-marins allemands. Le danger permanent d’être torpillé amène les Alliés à adopter la tactique des convois. L’exercice s’avère difficile pour des navires marchands de vitesses différentes et dépourvus de radars pour maintenir leur position. Pour éviter les collisions et l’égarement la nuit ou par gros temps, il faut sans cesse corriger l’allure et le cap. La communication entre navires est réduite au maximum et se fait à l’aide des pavillons internationaux et, exceptionnellement, par le fanal (signal lumineux), au risque de se faire repérer par l’ennemi. Des navires belges participent aux convois en URSS, dans l’Atlantique, la Méditerranée, l’océan indien et le pacifique. Au cours de la guerre, 56 d’entre eux sont torpillés ou coulés par des mines. Sur ses 3.000 marins, la marine marchande perd quelque 900 hommes. • Opération Neptune Dès 1942, les Anglo-Américains envisagent sérieusement de débarquer sur les côtes françaises de l’Atlantique. Au fil des conférences interalliées (Casablanca, Québec, Le fil bleu 17
Washington), les plans et les besoins en hommes et en matériel se précisent. Résultat d’un lent processus de maturation, ponctué de vives controverses et d’âpres marchandages entre dirigeants américains et britanniques et compliqué par la pression insistante de Staline pour l’ouverture d’un second front, Overlord est finalement programmé. Entérinée par les trois Grands lors du sommet de Téhéran (novembre 1943), l’opération se déroulera finalement le 6 juin 1944, sous le commandement suprême du général américain Les convois progressent vers les plages normandes, 5-6 juin 1944, Eisenhower. © MRA À l’approche du jour-J, une armada forte de 7.000 navires de tout type a rejoint les ports du sud de l’Angleterre (Portsmouth, Southampton, Portland, Plymouth, etc.). L’opération Neptune, phase maritime d’Overlord, peut commencer. Placée sous le commandement de l’Amiral Sir Ramsay, elle consiste à convoyer les forces terrestres aux abords de la zone d’attaque, à couvrir leur débarquement à l’aide de l’artillerie, à protéger leurs lignes de communication et à assurer, pour une durée indéterminée, l’approvisionnement nécessaire à l’exploitation du débarquement. A la veille du jour-J, les bâtiments, à bord desquels les hommes ont pris place depuis plusieurs jours déjà, appareillent et convergent vers l’île de Wight où les convois s’organisent. Protégés par des ballons captifs et précédés par un nuage de brume artificielle, des navires de transport escortés de navires de guerre font route vers la Normandie en empruntant les voies dégagées par les dragueurs de mines. La participation belge à cette phase du débarquement se chiffre à quelques centaines d’hommes ayant rejoint les rangs de la Royal Navy. En plus des corvettes HMS Buttercup et HMS Godetia qui battent pavillon belge, des marins belges équipent et commandent plusieurs dragueurs de la 118ème flottille. Alors que l’armada s’approche de la côte, des divisions aéroportées britannique et américaine sont larguées de nuit sur les flancs du futur champ de bataille dont elles doivent neutraliser les accès. Pour détourner l’attention de la défense allemande, des bombardements prennent le littoral pour cible : plus de 8.000 Progression des péniches de débarquement vers les plages normandes, 6 tonnes de bombes sont ainsi larguées entre juin 1944, © MRA Cherbourg et Le Havre. Quelques heures plus tard, les péniches de débarquement sont mises à l’eau. Chargées de troupes et de matériel, elles s’avancent vers la plage sur une mer agitée et sous les tirs de l’ennemi qui revenu de sa surprise commence à réagir. Pendant ce temps, les navires de guerre ont ouvert le feu sur les batteries côtières allemandes, déjà pilonnées par l’aviation. Tandis que se poursuit le bombardement aérien et naval, les péniches atteignent les plages où déferlent, avec des fortunes diverses, les quelque 175.000 hommes qui tentent d’établir une tête de pont. 18 Le fil bleu
Le cryptage, acteur de la lutte navale Il y a plusieurs manières de coder les messages, l’une d’entre elles consiste à rem- placer les lettres par d’autres, à l’aide d’une machine à coder. Dès 1926, la Kriegs- marine se dote d’une machine de chiffrement appelée Enigma, qui va également coder les messages du restant de l’armée allemande. Enigma se compose de ro- tors (roues dentées à 26 crans, comme les 26 lettres de l’alphabet), assemblés les uns aux autres, qui s’entraînent comme un engrenage pour coder chaque lettre mécaniquement. Ce premier codage est doublé par un réflecteur qui renvoie la lettre à travers les rotors qui ont tous bougé d’un cran. Mais dès 1932, les mystères d’Enigma sont percés par les Polonais qui trans- mettent, en 1939, à l’approche de la guerre, leurs découvertes aux Français et aux Britanniques. Ces derniers parviennent, à partir de mai 1940, à déchiffrer les communications de l’armée de terre et de la Luftwaffe, seul l’accès à la Kriegsma- rine leur reste fermé en raison de procédures de chiffrement plus complexes. En février 1941, la capture d’un sous-marin allemand équipé d’une machine Enigma et de l’ensemble de ses instructions permettent aux Britanniques de percer les messages de l’Amirauté allemande et de connaître l’emplacement des sous-marins ennemis. Ils peuvent ainsi ordonner à leurs convois les manœuvres d’évitement nécessaires. Les Allemands, craignant que leurs défenses ne soient percées à jour, créent un nouveau réseau de communications radios, complètement isolé des autres liaisons de la Kriegsmarine et baptisé Triton. En 1942, ils introduisent une machine Enigma à quatre rotors, la M4. Les procédures de chiffrement devien- nent plus élaborées par l’ajout d’un rotor supplémentaire, par le choix des rotors disponibles pour le codage (il faut en choisir 4 parmi 8 disponibles alors que les utilisateurs de l’Enigma M3 choisissent 3 rotors parmi 5 disponibles) et par le réflecteur qui peut être orienté de manières différentes. Pour les Britanniques, commence alors un silence de 11 mois durant lesquels la marine marchande al- liée enregistre à nouveau des pertes énormes. Il faudra attendre la capture, en octobre 1942, d’un nouveau sous-marin allemand pour que la M4 livre ses secrets et que les services de décryptage alliés puissent diriger la traque des sous-marins de plus en plus menaçants pour les convois. Le décryptage est à la fois une lutte de vitesse perpétuelle, où chacun des adversaires marque à son tour des points, et un combat lent et ardu sans cesse à recommencer. Le fil bleu 19
La Force navale belge Les bons états de service des marins belges durant la guerre incitent des parlementaires belges à réclamer la création d’une marine de guerre. Le 1er février 1946 est créée la Force navale belge, armée de navires achetés aux Alliés ou récupérés des Allemands. Les missions à assurer consistent à restaurer la sécurité des eaux côtières et des zones de pêche, en détruisant les épaves, à déminer les voies d’accès aux ports (le 21 juin 1949, un paquebot, la Princes Astrid explose et coule au large de Dunkerque), à sauver les marins et pilotes tombés en mer, à réprimer la contrebande et à effectuer des tâches d’escorte de convois. Le 1er mars 1949, la Force navale passe du ministère des Communications à celui de la Défense nationale et participe à certaines missions dans le cadre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). L’une des premières missions dans ce cadre international est le transport de 800 volontaires belges et luxembourgeois vers la Corée en 1950. Au fil des années, la marine belge participe à de nombreuses opérations internationales dans un cadre européen ou onusien : 1987-88 lors de la Force navale en mission Guerre Iran- Le Belgica pris dans les glaces, © Navidoc Irak, mission Octopus de déminage du Golfe persique, en 1990-91 Opération Southern Breeze durant la Guerre du Golfe, en 1992-94 La Belgica en Antarctique En 1894, Adrien de Gerlache, lieutenant à bord des malles, conçoit l’idée d’une expédi- tion scientifique dans les mers australes. Soutenu par le prince Albert, aidé par des fi- nancements privés et de l’Etat, il aménage un baleinier norvégien en navire antarctique, la Belgica, en renforçant la coque, en chargeant des instruments scientifiques, des vivres, du charbon, des explosifs, des vêtements. L’expédition quitte Anvers le 16 août 1897. La coordination scientifique est assurée par Georges Lecointe, un officier belge, envoyé en stage à la Marine française, où il se dis- tingue en publiant un précis de navigation astronomique qui lui vaut, à 28 ans, la croix de la Légion d’honneur. Pour la première fois, un navire hiverne, enfermé dans les glaces à la dérive. La mission dure deux ans et rentre à Anvers le 8 novembre 1899. Les échantillons zoologiques, les relevés hydrographiques, les mesures climatologiques et physiques pris au cours de l’expédition nécessiteront des années d’étude scientifique. Après 1946, deux frégates portent les noms de de Gerlache et Georges Lecointe, tandis qu’un navire scientifique reprend le nom de Belgica. 20 Le fil bleu
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