Nations Unies et le Canada - Les Ce que le Canada a apporté à l'ONU et ce qu'il devrait faire aujourd'hui

 
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Nations Unies et le Canada - Les Ce que le Canada a apporté à l'ONU et ce qu'il devrait faire aujourd'hui
Les
Nations Unies
et le Canada
Ce que le Canada a apporté à l’ONU
et ce qu’il devrait faire aujourd’hui

Sous la direction de John E. Trent
Les Nations Unies et le Canada:
Ce que le Canada a apporté à l’ONU et ce qu’il devrait faire aujourd’hui

Sous la direction de John E. Trent

Cet ouvrage a été préparé et publié en tant que projet du World Federalist Movement – Canada/Mouvement
canadien pour une Fédération mondiale (www.worldfederalistscanada.org). Les points de vue et opinions
exprimés dans chacun des articles demeurent la seule responsabilité de leurs auteurs.

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Preface

Les Nations Unies et Le Canada
Ce que le Canada a apporté à l’ONU et ce qu’il devrait faire aujourd’hui
John E. Trent                                                         universelles de l’ONU demeurent peu connues. Voici une
                                                                      liste partielle de celles-ci :
   L’un des premiers et des plus grand secrétaires-généraux           • Le maintien de la paix et de la sécurité à l’échelle internatio-
de l’ONU, Dag Hammarskjöld, aurait déclaré : « Les Nations                nale
Unies ne furent pas créées pour transporter l’homme au                • L’aide humanitaire
ciel, mais pour épargner à l’humanité d’être condamnée à              • La promotion des droits de la personne et de la justice
l’enfer. » Le but de ce livret est un tant soit peu plus limité. Il       sociale
se consacre surtout à démontrer jusqu’où l’ONU peut aller             • La bonne intendance visant le patrimoine mondial (y com-
afin d’assurer un avenir durable sur cette planète qui est la              pris l’atmosphère, l’espace, les océans et l’environnement,
nôtre et, partant, de quelle manière le Canada peut aider                 et toutes les questions transnationales)
à atteindre ce but. Le message de Hammarskjöld est clair :            • Le droit international, les tribunaux, les conventions, le
nous ne pouvons pas nous attendre à des merveilles de                     développement des normes et l’élaboration de traités
l’ONU mais il est indéniable que sous son égide, le monde a           • Les fonctions sociales et techniques interétatiques
pu éviter des guerres meurtrières à l’échelle internationale             Malgré le fait que les médias se consacrent surtout aux
tout en assurant une plus grande mesure de richesse et                conflits, la véritable histoire à l’échelle internationale, c’est
d’intégration. Tant les réalisations que les défaillances de          celle de la coopération. En fait, notre monde s’en tire assez
l’ONU sont bien reconnues par nos auteurs. Toutefois, ces             bien au jour le jour, en grande partie parce que la gamme
derniers croient fermement que le monde a absolument                  d’agences onusiennes spécialisées se penchent sur tout,
besoin d’organisations internationales pour nous appuyer              allant du courrier, des communications, du transport aérien
dans nos prises de décisions face à nos problèmes à l’échelle         jusqu’aux problèmes de santé, l’agriculture, le commerce
globale et qu’elles soient le plus efficaces possible.                  et l’éducation. Tous bénéficient de ces services qui sont
   Pour avoir une bonne vue d’ensemble des Nations                    malheureusement peu connus.
Unies, il faut partir d’une analyse de ses fonctions en tant             Mais les Nations Unies ne se reposent pas sur leurs lauriers
qu’organisme, c’est-à-dire son utilité dans le contexte des           pour autant. Leur capacité d’adaptation selon les circon-
relations internationales - la façon dont elle est en mesure          stances repose surtout sur leur légitimité comme organisme
de remplir ses obligations à ce titre. Dans la mesure où les          universel dies ad quem. Cette légitimité s’appuie sur le prin-
médias se penchent surtout sur les conflits armés et les               cipe fondateur de la résolution pacifique des différends et la
blocages au Conseil de sécurité, la gamme des fonctions               contribution au développement économique et social ainsi

                                                                                                                                      1
qu’au respect des droits de la personne. Sans pour autant        toujours tenté d’améliorer et de réformer l’ONU. Le Premier
s’être servi d’un seul policier au cours des dix premières an-   ministre canadien d’alors, Lester B. Pearson remportait le
nées, l’ONU s’est métamorphosée en agent de maintien de          Prix Nobel de la paix pour les efforts qu’il avait déployés
la paix, à partir des années 1950 allant jusqu’aux opérations    pour instituer le maintien de la paix à l’ONU. Nous avons
globales de maintien de la paix actuelles. Celles-ci béné-       œuvré pendant des années pour renforcer la transparence
ficient de l’appui de l’appareil de justice criminelle et des     au sein du Conseil de sécurité. Dernièrement encore le
instruments de promotion des droits de la personne. L’ONU        Canada a assuré le financement de la commission chargée
demeure chef de file dans les efforts de pacification et de         de concrétiser le concept de la « responsabilité de proté-
reconstruction de pays déchirés par la guerre ainsi que pour     ger » qui incombe à la communauté internationale envers
le combat contre les maladies transmissibles, la lutte contre    les citoyens. La dénommée « R2P » est en train de modi-
la pauvreté et le soutien à la démocratie. Ces contributions     fier la notion de souveraineté pour qu’enfin les relations
démontrent à l’envi le caractère indispensable des institu-      internationales se modernisent. Le Canada a toujours été un
tions internationales et, qui plus, des efforts du Canada de      participant actif et créateur au sein de l’ONU en raison de
porter au maximum leur utilité par une participation éner-       notre conception ouverte et généreuse de la diplomatie et
gique à ses programmes et à ses tentatives de réforme.           de la politique internationale.
   Et, jusqu’à l’arrivée du gouvernement Harper, le Canada          Ce n’est plus le cas aujourd’hui. De plus en plus, le gouver-
jouait un rôle prépondérant au sein de l’ONU. Pour sa part,      nement du Canada tend à saper le travail de l’ONU et l’esprit
le Canada fut un des meilleurs tenants de l’ONU depuis           de coopération globale. Voici quelques exemples récents :
sa fondation. En 1948, un Canadien, le professeur John           nous n’avons pas encore signé le traité visant la réglemen-
Humphrey, entreprenait le rôle d’architecte principal de la      tation du commerce des armes; les diplomates canadiens
Déclaration universelle des droits de l’homme. La diplo-         à l’ONU apportent de faibles contributions aux débats sur
matie canadienne a appuyé l’augmentation du nombre de            la responsabilité de protéger; nous nous sommes désistés
membres de l’ONU, l’effort de décolonisation, le dialogue         du Protocole de Kyoto sur le changement climatique et
Nord-Sud, le sommet de Rio sur l’environnement et le             de la Convention sur la désertification; jusqu’à présent le
développement, les négociations visant l’arrêt de la destruc-    Canada a refusé de se joindre à la mission de maintien de
tion de la couche d’ozone et des pluies acides, ainsi que les    la paix pour venir en aide au Mali – un pays qui, jadis, avait
efforts pour mettre fin au régime d’apartheid en Afrique-          notre appui; notre projet de loi pour la mise en œuvre de
du-Sud. Parmi d’autres initiatives récentes du Canada, il faut   la Convention sur les armes à sous-munitions se traduirait
mentionner la campagne contre les mines anti-personnel et        par l’annulation de son propos. Qui plus est, les coupures
contre le commerce des diamants de la guerre, la mise sur        imposées au ministère des Affaires étrangères ainsi qu’à la
pied de la Cour pénale internationale et la mise en évidence     rémunération de ses agents ont réduit notre capacité diplo-
du fléau des enfants soldats.                                     matique. Nous avons également réduit de façon draconi-
   Pour autant, le Canada ne se contentait pas d’aller à quai    enne le nombre de réfugiés qui seront dorénavant acceptés
avec la vague populaire. Nous n’avons jamais cru que l’ONU       par notre pays tandis que notre programme d’aide a égale-
était une institution sans reproches. Les Canadiens ont          ment été coupé et incorporé au sein du ministère des Af-

2
faires étrangères. Aujourd’hui le Canada accuse une grande        démontrer que nous sommes des partenaires avertis.
faiblesse comparativement au passé. Là où étions prudents         Nous devons gagner le respect dans le monde pour notre
nous faisons preuve maintenant d’une certaine hostilité à         politique étrangère et cesser d’être marginalisés. Nous ne
tout ce que l’ONU et ses activités peuvent représenter.           pouvons pas nous permettre de tout simplement ignorer
   L’ONU n’est certainement pas parfaite. Elle manque             l’ONU ou, pire encore, de la dénigrer continuellement. Le
présentement à ses devoirs envers la population du Darfour        Canada se doit de redevenir un chef de file dans l’arène
et de la Syrie. Ses forums sur les droits de la personne inclu-   politique internationale ainsi qu’à l’ONU. En ce qui concerne
ent souvent ceux-là même qui maltraitent leurs propres            le Canada, disposer de solides organisations internationales
citoyens. Les fonds recueillis sont parfois gaspillés. Nous       devrait demeurer un des principes de base de sa politique
nous sentons souvent angoissés devant l’incapacité de             étrangère.
l’organisme de prendre des décisions face aux grands défis
mondiaux. Mais en dépit de toutes ses faiblesses, l’ONU           Ouvrages à consulter
reste indispensable. Elle réussit beaucoup plus souvent ses       Paul Heinbecker (2010) Getting back in the Game, a Foreign
opérations qu’on ne le croit. Comme organisme qui a la ca-           Policy Playbook for Canada, Toronto, Key Porter Books.
pacité de convoquer toutes les nations de la planète, il con-     Jean E. Krasno (ed.) (2004). The United Nations: Confronting
stitue la charpente d’une meilleure gouvernance mondiale.            the Challenges of Global Society, Boulder, Lynne Reinner
   Donc, si nous, comme auteurs de ce livret ou, encore, si          Publishers.
tous les Canadiens désirent une Organisation des Nations          Clyde Sanger (ed.) (1988) Canadians and the United Nations,
Unies qui soit en mesure d’aider à gérer les problèmes du            Ottawa, Minister of Supply and Services Canada.
monde et à prendre les décisions qui s’imposent, nous             Thomas G. Weiss & Sam Daws (eds) (2007) The Oxford Hand-
devons alors œuvrer de concert pour susciter des change-             book on the United Nations, Oxford, Oxford University
ments au sein des institutions internationales. Il nous faudra       Press.

                                                                                                                                 3
Sommaire   Warren Allmand
           allmandw@gmail.com
              Le respect des droits de la personne au cœur de la paix dans le monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                   6

           Lloyd Axworthy
           l.axworthy@uwinnipeg.ca
              Le Canada et la ‘responsabilité de protéger’ (R2P) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .              8

           Michael Byers
           michael.byers@ubc.ca
             L’ONU et le droit de la mer: de l’Arctique à la mer de Chine méridionale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                  10

           Ferry de Kerckhove
           ferry@dekerckhove.ca
              Le Canada et les organisations internationales : un peu de reconnaissance s’il vous plait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                                  12

           Walter Dorn
           dorn@cfc.dnd.ca
             Impréparés pour la paix : une décennie de déclin du maintien de la paix canadien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                              14

           Yves Fortier
           yfortier@arbitrationplace.com
             Le Canada et le Conseil de Sécurité hier et aujourd’hui : une vue de l’intérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                      16

           Robert Fowler
           robert.fowler@uottawa.ca
             Pourquoi le Canada n’a pas été élu au Conseil de Sécurité il y a deux ans et pourquoi nous ne serons
             jamais élus à moins de changement fondamental dans notre politique étrangère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                                  18

           Gilles Gingras
           gingrasgilles@videotron.ca
             L’ONU, le Canada et l’Organisation internationale de l’Aviation civile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                20

           Peter Langille
           hpl@globalcommonsecurity.org
             Comment se préparer pour la paix. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   22

4
Carolyn McAskie
carolynmcaskie@yahoo.com
  L’intérêt bien compris du Canada et les Nations Unies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                             24

Marilou McPhedran
marilou.mcphedran.uw@gmail.com
 L’ONU, ONU Femmes, et le Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                26

Errol Mendes
emendes@uottawa.ca
  Le Canada, les droits de la personne et l’ONU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                     28

Douglas Roche
djroche@shaw.ca
   Le rôle du Canada dans l’interdiction des armes nucléaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                 30

Julia Sanchez
jsanchez@ccic.ca
   La société civile, le Canada et les Nations Unies: des partenariats pour l’avenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .                                                32

Ian Smillie
ismillie@magma.ca
  Les Nations Unies et l’aide humanitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .               34

John Trent
jtrent@uottawa.ca
   Repenser les Nations Unies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   36

Kathryn White
kate@unac.org
  Que fait le Canada pour aider à établir le programme de développement international
  pour les deux prochaines décennies ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .              38

Le système des Nations Unies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .          40

                                                                                                                                                                                                                         5
Le respect des droits de la personne au cœur de la paix dans le monde
Résumé                                        Warren Allmand, C.P., O.C., C.R.                                    personne et devaient être poursuivis en même temps.
Quand les Nations Unies ont été fondées                                                                              Animée par les contributions d’Eleanor Roosevelt, René
en 1945, le monde était convaincu que            La naissance des Nations Unies en 1945 a présidé à un            Cassin et du Canadien John Humphrey, la Commission des
le nouvel ordre international devait être     mouvement profond en faveur d’un « nouvel ordre mon-                droits de l’homme a mis un point final à la Déclaration uni-
bâti sur une assise de droits de la per-      dial » fondé sur les droits de la personne. La Charte de l’ONU      verselle des droits humains en 1948 et celle-ci a été adoptée
sonne. La Charte comportait plusieurs         contient plusieurs dispositions importantes à cet égard. En         par l’Assemblée générale par un vote de 48 à 0 avec 8 abs-
dispositions importantes à cet égard.         premier lieu, l’accent est mis sur l’auto-détermination des         tentions. C’était une réalisation exceptionnelle, une pierre
Très rapidement, un nombre significatif        peuples (art.1(2)), Deuxièmement, l’organisation mon-               de touche importante dans l’histoire de l’humanité. Eleanor
d’instruments sur les droits de l’homme       diale serait fondée sur le principe de la non-discrimination        Roosevelt a décrit la Déclaration universelle comme la
ont été adoptés, dont la Déclaration          sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion         « Grande Charte du genre humain ». Il est difficile à croire
universelle des Droits de l’Homme pour        [préambule et art.1 (3)]. Troisièmement, les États membres          qu’un document aussi fondamental, avec des préceptes
laquelle le Canadien John Humphrey a          s’engageaient à coopérer à l’échelle internationale pour            aussi élevés, ait été adopté par tant de pays de cultures, reli-
joué un rôle clé.                             promouvoir les droits humains pour tous les peuples (art.1          gions, langues, races et systèmes politiques différents. Mais
Le dispositif des droits de l’homme à         (3)). Quatrièmement, les États membres s’engageaient à              à cette époque la volonté politique était au rendez-vous.
l’ONU a évolué et s’est amélioré au fil        prendre des mesures ensemble et séparément pour assurer                Vint s’ajouter à ce dispositif la Convention contre le
des ans, bien qu’il soit encore loin d’être   le respect universel des droits de la personne [art. 55 &           génocide, adoptée par l’ONU la même semaine. Puis l’ONU
parfait. Mais la solution ne consiste pas     56]. Cinquièmement, la Charte appelait à la création d’une          adopta les quatre Conventions de Genève définissant les cri-
à affaiblir ou à dissoudre l’ONU. Notre        commission des droits de l’homme (CNUDH) à titre d’organe           mes de guerre (1949), la Convention sur les réfugiés (1951),
objectif doit être de renforcer la mise en    de base du Conseil économique et social des Nations Unies           le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et
œuvre des procédures et mécanismes            (ECOSOC, art.68). Cette Commission fut effectivement créée           le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux
d’observation.                                en 1946 et son premier mandat fut de rédiger une conven-            et culturels (1967), plus les conventions contre la discrimi-
Dans le passé, le Canada a fait preuve        tion internationale des droits de la personne.                      nation raciale (1969), contre l’apartheid (1971) et contre la
de beaucoup de leadership à l’appui              Il faut se souvenir que ces initiatives ont été prises au sor-   torture (1984). Il y eut aussi les conventions établissant les
des programmes de maintien de la              tir de la deuxième Guerre mondiale au cours de laquelle des         droits des femmes (1981) et les droits des enfants (1989).
paix, de développement et de droits de        abus horribles avaient été commis – l’Holocauste, le bom-           Tout cela pour dire que les Nations Unies ont connu des suc-
la personne. C’est une fière tradition qui     bardement indiscriminé de civils innocents, l’épuration eth-        cès considérables pour ce qui est d’adopter des normes de
doit être poursuivie et renforcée.            nique, des meurtres, des viols et de la torture. Tous ces abus      droits de la personne applicables au monde entier, à tous les
                                              étaient frais dans la mémoire de ceux qui militaient pour la        peuples, tous les continents et toutes les races et cultures.
                                              rédaction de la Charte des Nations Unies et d’une conven-           Mais il y a eu des problèmes sérieux au plan de leur mise en
                                              tion internationale des droits de la personne. D’aucuns             œuvre.
                                              reconnaissaient que les autres objectifs de l’ONU (paix et             On s’attendait à ce que le plus haut niveau de réalisation
                                              sécurité internationale, plus le développement économique           serait atteint par l’adoption de législations de mise en œuvre
                                              et social) étaient étroitement liés au respect des droits de la     par les États ayant ratifié les conventions, adopté des chartes

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des droits de l’homme et mis sur pied des commissions de       nombreuses normes de droits de la personne depuis 1945
droits de la personne, le tout conformément aux Principes      a illustré la volonté de progresser sur ces questions. La
de Paris adoptés par l’ONU en 1993. Il faut noter que le       Cour pénale internationale a été créée en 1998; l’examen
Canada a ratifié toutes les grandes conventions des droits      périodique universel de tous les membres de l’ONU en 2006
de la personne mentionnées ci-dessus, a adopté des lois en     et la Responsabilité de Protéger ont été entérinés par l’ONU
conséquence, mis sur pied des commissions des droits de        en 2005 tandis que des efforts sont consacrés de nos jours
la personne et adopté une Charte sur les Droits et Libertés.   à peaufiner les procédures de mise en œuvre. La tâche qui
Bon nombre d’autres pays ont fait de même. Néanmoins,          incombe aux Canadiens et à tout le genre humain est de
on ne cesse de constater un nombre considérable de             travailler ensemble à faire avancer la cause de la paix, de la
violations des droits de la personne et des histoires d’hor-   justice et des droits de la personne. Ce ne peut être l’œuvre
reur – Rwanda, Syrie, Afghanistan, Tchétchénie, Kosovo et      d’États individuels ou d’une petite coalition d’États. Pour
Darfour, contre les Roms en Europe et les autochtones dans     qu’il aboutisse, l’effort doit être universel et entrepris par
les Amériques.                                                 une Organisation des Nations Unies réformée et efficace.           L’honorable Warren Allmand est
   En fait, aucun État n’est sans faute mais la solution ne    Le Canada, dans le passé, a fait preuve de beaucoup de           le président national du Mouve-
consiste pas à affaiblir ni à dissoudre l’ONU et les autres     leadership à l’appui des opérations de maintien de la paix et    ment fédéraliste mondial pour
institutions internationales. Notre objectif doit être de      du développement et des droits de la personne aux Nations        le Canada. Il a été président de
renforcer les procédures de mise en œuvre et les mécanis-      Unies. C’est une glorieuse tradition qui doit être poursuivie    Droits et Démocratie (Centre
mes de vérification. L’acceptation par les Nations Unies de     et accentuée.                                                    international des droits de
                                                                                                                                l’homme et du développement
                                                                                                                                démocratique) de 1997 à 2002.
                                                                                                                                Auparavant il a été député
                                                                                                                                fédéral pendant 33 ans, au cours
                                                                                                                                desquels il a occupé plusieurs
                                                                                                                                postes ministériels, dont ceux de
                                                                                                                                Solliciteur général, ministre des
                                                                                                                                Affaires indiennes et du Nord,
                                                                                                                                Ministre de la Consommation et
                                                                                                                                des Affaires commerciales.

                                                                                                                                                               7
Le Canada, l’ONU et la responsabilité de protéger
Résumé                                         Dr. Lloyd Axworthy                                                avons fourni un assez nombreux personnel et des avions
À la fin du siècle dernier, certains s’en                                                                         de chasse à l’intervention en Libye mandatée par l’ONU en
souviendront, le Canada était à l’avant-          À la fin du siècle dernier, certains s’en souviendront, le      2011, un appui de transport aérien et de l’aide financière au
plan au titre des initiatives novatrices       Canada était à l’avant-plan au titre des initiatives novatrices   Mali en 2013 et nous avons engagé des fonds considérables
pour la promotion de la paix et la             pour la promotion de la paix et la sécurité internationale et     en aide humanitaire pour les réfugiés syriens. Je crois que le
sécurité internationale et la protection       la protection des droits de l’homme et de la vie des civils,      Canada peut encore jouer un rôle significatif dans l’évolution
des droits de l’homme et de la vie des         notamment l’avènement du traité interdisant les mines anti-       à venir de la R2P.
civils. Une de ces initiatives a été la con-   personnel, la participation active à la création de la Cour          Même les États-Unis expriment de l’intérêt. Les États-Unis
tribution au lancement de l’idée de la         pénale internationale et le lancement de la Commission            reconnaissent que, compte tenu de leur puissance militaire
Responsabilité de Protéger (R2P). Après        internationale de l’intervention et la souveraineté des États     dominante, le monde se tournera toujours vers eux pour
avoir langui pendant presque toute             qui a donné naissance au concept de la Responsabilité de          solliciter une orientation ou une action face à des crises
une décennie, l’idée a connu un regain         Protéger (R2P).                                                   humanitaires. Regardez la Libye, regardez la Syrie, regar-
d’intérêt à l’orée du Printemps arabe et          À l’époque, la R2P représentait un point culminant de          dez l’Égypte. La décision des États-Unis d’agir ou non est
suite à une relance de la discussion sur       la politique étrangère du Canada; l’accent étant mis sur la       souvent le catalyseur d’une réponse mondiale ou d’absence
les interventions destinées à la protec-       sécurité humaine. Il s’agissait d’une réponse au nouveau          de réaction. Cependant, en raison de difficultés politiques
tion des civils. Le Canada devrait une         désordre post-guerre froide alors que des conflits violents        et économiques internes, après plus d’une décennie de
fois de plus jouer un rôle diplomatique        avaient pour cibles des civils. La R2P a été présentée au         guerres dans différents endroits de la planète, les États-Unis
dans l’institutionnalisation et la mise en     monde au tournant du siècle, à l’ombre du 11 septembre.           sont devenus fatigués de jouer le rôle de policier interna-
vigueur du concept.                            C’est ainsi qu’elle languit pendant presque une décennie          tional.
                                               entière tout en suscitant lentement un appui de la commu-            La nomination récente de Samantha Power comme
                                               nauté internationale.                                             ambassadrice auprès des Nations Unies et de Susan Rice au
                                                  Depuis l’intervention en Libye en 2011, la R2P est devenue     poste de conseillère pour la sécurité nationale - toutes deux
                                               un sujet de discussion fréquent. Sa légitimité a été mise en      partisanes de la R2P – offre des indices importants sur la
                                               doute par la critique mais elle continue à se valoir des ap-      direction à venir de la politique étrangère américaine. Cela
                                               puis au Nord comme au Sud et demeure un sujet méritant            laisse présager que les États-Unis pourraient être plus acces-
                                               une analyse sérieuse et une application concrète. Malheu-         sibles à des démarches coopératives pour répondre aux ur-
                                               reusement, depuis notre participation initiale à la création      gences humanitaires complexes dans le monde – comme ce
                                               du concept, le Canada a été plutôt absent des discussions et      fut le cas pour l’intervention en Libye. Tout récemment, un
                                               débats en cours.                                                  groupe de haut niveau co-présidé par Madeleine Albright
                                                  Cependant, en dépit d’une hésitation à se servir de            et Richard Williamson a publié un rapport recommandant à
                                               l’expression, notre gouvernement actuel a fait preuve de          l’administration Obama d’endosser pleinement le concept
                                               la volonté de participer à des interventions internationales      de R2P.
                                               quand la priorité portait sur la protection des civils. Nous         Cet intérêt nouveau offre l’occasion au Canada de

8
reprendre son rôle de promotion et de raffinement de la               du nombre de membres permanents du Conseil pour y
R2P. Par exemple, l’intention initiale de la Responsabilité de      inclure les puissances émergentes devrait également com-
Protéger – dans sa première mouture – était de s’écarter            porter l’ajout de limites au recours au droit de veto quand
du caractère ad hoc des réponses aux crises humanitaires.           les situations à l’ordre du jour correspondent aux critères de
Cette démarche provenait de l’intervention internationale           la R2P. La victime la plus évidente du recours injustifiable du
sous l’égide de l’OTAN au Kosovo en 1999. On reconnut, à ce         veto au cours des deux dernières années est évidemment la
stade, que n’importe quelle réponse ultérieure devrait être         Syrie. Le blocage au Conseil de Sécurité a conduit à ce qui
dirigée par l’ONU, le Conseil de Sécurité y apportant à la fois     est aujourd’hui une guerre civile.
la légitimité et la surveillance. Ce qui reste à créer, c’est une      Enfin, il faudrait mettre davantage l’accent sur l’alerte
force d’intervention rapide permanente de l’ONU de telle            précoce et la prévention. C’est là le cœur de l’idée de R2P. Je
sorte que nous puissions cesser de devoir nous fier à l’OTAN.        pense que le Canada est en mesure d’apporter une con-
   À l’heure actuelle, le plus gros obstacle à la mise en œuvre     tribution réelle et efficace à l’établissement d’une capacité
de la R2P est le blocage au Conseil de Sécurité. Tout projet        effective, à l’ONU, pour mettre en œuvre la R2P.
                                                                                                                                      Le Dr. Axworthy est président
de réforme qui pourrait être proposé pour l’élargissement                                                                             et vice-chancelier de l’Université
                                                                                                                                      de Winnipeg. En 1961, il a
                                                                                                                                      obtenu un BA du United College
                                                                                                                                      (maintenant l’Université de
                                                                                                                                      Winnipeg), un MA et un Ph.D.
                                                                                                                                      de l’Université Princeton.
                                                                                                                                      Sa carrière politique s’est
                                                                                                                                      étendue sur 27 ans dont six
                                                                                                                                      ans à l’Assemblée législative
                                                                                                                                      du Manitoba et vingt-deux au
                                                                                                                                      Parlement fédéral. Il a occupé
                                                                                                                                      plusieurs postes ministériels dont
                                                                                                                                      celui de ministre de l’Emploi
                                                                                                                                      et de l’Immigration, ministre
                                                                                                                                      responsable pour le Statut de la
                                                                                                                                      Femme, ministre des Transports,
                                                                                                                                      ministre du Développement des
                                                                                                                                      Ressources humaines, ministre
                                                                                                                                      de la Diversification économique
                                                                                                                                      de l’Ouest et ministre des Af-
                                                                                                                                      faires étrangères de 1996 à 2000.

                                                                                                                                                                      9
L’ONU et le droit de la mer: de l’Arctique à la Mer de Chine méridionale
Résumé                                      Michael Byers                                                      glace à l’année longue crée des dangers exceptionnels pour
En 1969, le superpétrolier SS Manhattan,                                                                       la navigation.
avec une capacité brise-glace et battant       En 1969, le superpétrolier SS Manhattan, avec une ca-              La Loi sur la Prévention de la Pollution des Eaux arctiques
pavillon américain a navigué à travers le   pacité brise-glace et battant pavillon américain, a navigué à      était légitimée à l’échelle internationale, exactement 12 ans
Passage du Nord-Ouest sans demander         travers le Passage du Nord-Ouest sans demander la per-             après son adoption par le Canada. Fait tout aussi important,
la permission du Canada. Les diplo-         mission du Canada. Les diplomates du Canada se sont mis            l’Article 234 a suscité le développement d’une règle paral-
mates du Canada se sont mis au travail,     immédiatement au travail, définissant une stratégie pour            lèle de « droit international coutumier » qui est considérée
définissant une stratégie pour protéger      protéger les intérêts du pays contre d’autres contestations        de nos jours comme contraignante pour tous les pays – y
les intérêts du pays contre d’autres        de notre revendication sur le Passage du Nord-Ouest.               compris ceux, comme les États-Unis, qui n’avaient pas en-
contestations de notre revendication sur       Leur réponse a été la Loi sur la prévention de la pollution     core ratifié la Convention de l’ONU. De fait, aujourd’hui, les
le Passage du Nord-Ouest. Un engage-        des eaux arctiques, que le Parlement a adoptée l’année sui-        États-Unis recommandent que les navires marchands bat-
ment en profondeur dans la négocia-         vante. La Loi imposait des normes de sécurité et de protec-        tant pavillon américain respectent la Loi sur la prévention de
tion et la rédaction de la Convention de    tion de l’environnement très rigoureuses sur toute la naviga-      la pollution des eaux arctiques quand ils naviguent près ou
l’ONU sur le Droit de la Mer fut au cœur    tion à l’intérieur d’une zone de 100 milles marins au large de     dans les eaux arctiques canadiennes.
de la stratégie du Canada. En raison du     la côte canadienne de l’Arctique. Ce faisant, le Canada s’est         Beesley et ses collègues ont réussi à faire avancer les in-
leadership canadien, l’article 234 de la    trouvé à prolonger les limites du droit international qui, à       térêts du Canada pour ce qui est des ressources océaniques.
Convention permet aux États côtiers         l’époque, ne reconnaissait pas le droit des États côtiers à plus   Selon la Convention de l’ONU, chaque État côtier a droit
d’adopter des lois contre la pollution      de 12 milles marins de la côte.                                    à 12 milles marins de mer territoriale de même qu’à une
marine jusqu’à 200 milles marins des           Les États-Unis ont déclaré que la Loi canadienne sur la         « zone économique exclusive » de 12 à 200 milles marins où,
côtes dans l’arctique. Le leadership        prévention de la pollution des eaux arctiques était illégale       comme le nom l’indique, le pays a des droits exclusifs sur
canadien s’est également retrouvé dans      mais les diplomates canadiens ont maintenu la pression. Ils        les ressources de la colonne d’eau, des fonds marins et du
les dispositions de la Convention de        ont consacré leurs efforts au processus de négociation qui          sous-sol.
l’ONU accordant aux États côtiers une       commençait aux Nations Unies en vue de produire une Con-           Les diplomates canadiens ont aussi reconnu que les
juridiction étendue sur les ressources du   vention des Nations Unies sur le Droit de la Mer acceptable à      nouvelles technologies et les prix plus élevés mèneraient
sous-sol marin, question de grande im-      l’échelle mondiale.                                                éventuellement à l’exploitation du pétrole, du gaz et des
portance pour le Canada qui a les plus         Le Canadien Alan Beesley a été élu président du comité          minerais à plus de 200 milles marins de la côte, y compris les
longues côtes au monde. De l’Arctique       de rédaction, ce qui le plaçait au cœur de la diplomatie           eaux relativement moins profondes près des côtes atlan-
à la Mer de Chine méridionale, des pays,    des grandes puissances. Lors d’une session à huis clos avec        tiques et arctiques du Canada. Ils ont contribué à rédiger
partout dans le monde, ont accepté la       les seules délégations américaine et soviétique, Beesley           l’article 76 de la Convention de l’ONU qui accorde aux États
validité de ces règles. Quand surgissent    a obtenu leur accord sur l’Article 234 de la Convention            côtiers des droits sur un « plateau continental étendu » au-
des divergences d’opinion, elles sont       de l’ONU, intitulé « L’exception arctique » qui permet aux         delà des 200 milles marins, si la profondeur et la forme du
examinées dans un cadre juridique, ce       États côtiers d’adopter des lois contre la pollution maritime      sous-sol et l’épaisseur des sédiments sous-marins révèlent
qui réduit les risques de conflits armés.    jusqu’à 200 milles marins de la côte, quand la présence de         « un prolongement naturel » du plateau côtier. L’article 76

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stipule que l’existence d’une prolongation naturelle est une       monde, pourrait revendiquer une surface plus grande que
question de science, non de compétence technique ou de             l’Alberta et la Saskatchewan réunies.
puissance militaire, et il précise les règles détaillées sur les      Un point est plus important encore : les pays non river-
critères géographiques et géologiques qui doivent être             ains de l’Océan Arctique acceptent la validité de ce proces-
remplis.                                                           sus parce que les règles ont une application mondiale. La
   Les pays qui veulent revendiquer une extension du pla-          Chine, par exemple, se sert de l’article 76 pour appuyer ses
teau continental doivent présenter, à l’appui, des éléments        revendications sur le sous-sol marin dans la Mer de Chine
de preuve scientifiques à la Commission des limites du pla-         Orientale. Elle a recours à d’autres dispositions de la Conven-
teau continental de l’ONU, un organisme composé entière-           tion de l’ONU pour appuyer des revendications totalement
ment de scientifiques. La Norvège a présenté sa demande             différentes dans la Mer de Chine Méridionale et ,bien que
en 2006; le Canada fait de même en décembre tandis que le          ces revendications soient contestables, le fait que le dif-
Danemark et la Russie le feront l’année prochaine. Même les        férend est exprimé en termes juridiques réduit le risque de
États-Unis, bien que n’ayant pas encore ratifié la Convention       conflit armé.
de l’ONU, ont coopéré avec le Canada pour recueillir des              Alors, la prochaine fois que quelqu’un vous dira que
données scientifiques du sous-sol marin au nord de l’Alaska         l’Arctique est accessible à tous, que le Canada se doit           Michael Byers enseigne à
                                                                                                                                     l’Université de Colombie-Britan-
pour étayer une revendication éventuelle.                          d’y aller ou de le perdre, ou que la Chine se comporte
                                                                                                                                     nique où il est titulaire de la
   Tout le monde bénéficie de ces règles. L’étendue même            de façon débridée dans les mers de Chine orientale et             Chaire de Recherche du Canada
de l’Océan Arctique et la longueur des côtes non contes-           septentrionale, parlez-lui de la Convention de l’ONU sur la       en politique mondiale et droit
tées signifie que la Russie peut légitimement revendiquer           Loi de la Mer et du rôle central que le Canada a joué dans        international. Son travail porte
une extension du sous-sol marin plus grand que celle de            sa négociation.                                                   sur la politique étrangère cana-
l’Europe. Le Canada, qui possède la plus longue côte au                                                                              dienne, y compris l’Arctique, les
                                                                                                                                     changements climatiques et le re-
                                                                                                                                     cours à la force militaire. Le Dr.
                                                                                                                                     Byers a été Fellow au Jesus Col-
                                                                                                                                     lege de l’Université d’Oxford et
                                                                                                                                     professeur de droit à l’Université
                                                                                                                                     Duke. Il a également enseigné
                                                                                                                                     comme professeur invité aux
                                                                                                                                     universités de Cape Town, Tel
                                                                                                                                     Aviv et Novosibirsk. Le Dr. Byers
                                                                                                                                     est l’auteur de sept ouvrages,
                                                                                                                                     dont International Law and the
                                                                                                                                     Arctic (Le droit international et
                                                                                                                                     l’Arctique) qui vient d’être publié
                                                                                                                                     par Cambridge University Press.

                                                                                                                                                                     11
Le Canada et les organisations internationales:
Résumé
                                             un peu de reconnaissance, s’il vous plait!
Le Gouvernement du Canada a une rela-
tion difficile avec le monde multilatéral.     Ferry de Kerckhove                                              fondements qui sous-tendaient la crédibilité du Canada sur
Il préfère les groupements inter-gou-                                                                        la scène internationale, comme l’engagement envers la sé-
vernementaux où prévaut la règle du             Un Gouvernement inamical envers le multilatéralisme:         curité humaine, la Responsabilité de protéger, la préférence
consensus entre les principaux joueurs.      Un refrain bien connu voudrait que la réputation du Canada      pour la diplomatie multilatérale et le désir de renforcer le
Il en a payé le prix par la défaite de sa    sur la scène internationale ait chuté au cours des dernières    cadre normatif au sein duquel s’épanouissent les organisa-
campagne pour un siège au Conseil de         années. Pourtant, le Premier ministre est plutôt fier de la      tions internationales. Si le refus du Gouvernement de faire
Sécurité des Nations Unies. Aux Nations      participation du Canada à la gouvernance économique             le moindre compromis, notamment envers les régimes
Unies, d’aucuns estimaient qu’avec son       mondiale. Mais le Gouvernement actuel est mal à l’aise avec     non-démocratiques, est une position de principe défend-
« multilatéralisme à la carte », la Canada   le multilatéralisme, que Miles Kahler définit comme « la         able, il ne devrait pas pour autant vilipender l’Organisation
avait renoncé a certains des principes       gouvernance internationale de la multitude » (Kahler, 1992).    au lieu de se limiter à ses nombreux membres peu recom-
qui lui avaient valu sa crédibilité sur la   Il préfère nettement les groupements inter-gouvernemen-         mandables.
scène internationale.                        taux comme le G-8 ou le G-20 où la souveraineté s’exprime          Multilatéralisme à la carte: Bien qu’il continue de financ-
Le Gouvernement devrait : a) surmonter       sans ombrage et où le consensus entre grands joueurs est la     er des organisations internationales fonctionnelles, le Gou-
ses frustrations à l’égard des processus     norme. Le Canada semble ne pas vouloir traiter les organisa-    vernement canadien n’est pas intéressé à consacrer temps
multilatéraux complexes; b) raviver          tions internationales en tant qu’acteurs indépendants sur la    et efforts à améliorer l’efficacité des Nations Unies et de ses
son engagement envers l’architecture         scène internationale. Il est regrettable que son mépris pour    divers instruments de gouvernance mondiale. Bien entendu,
d’organisations fonctionnelles, bâtie        les inévitables jeux politiques et « effets de scène » à l’ONU   personne ne nie qu’il y ait souvent un vaste écart entre le
péniblement au fil des ans; c) entrepren-     rende le Gouvernement moins sensible aux vastes questions       mandat ou la charte d’une organisation internationale et la
dre un examen en profondeur de toutes        qui vont largement au-delà de la géopolitique, comme les        qualité de son action sur le terrain. Aussi est-il normal pour
les organisations internationales ou         changements climatiques et autres maux sans frontières          le Gouvernement d’exiger de l’imputabilité, de tenir à en
multilatérales auxquelles appartient le      mais qui bénéficient tous d’une organisation multilatérale       avoir pour son argent et de demander une gestion axée sur
Canada.                                      vouée à trouver des solutions. C’est ainsi que le Gouverne-     les résultats. Mais quand on blâme les organisations plutôt
                                             ment s’est retiré de la Convention des Nations Unies pour       que les nations qui dictent leur conduite ou les empêchent
                                             combattre de désertification, dénoncée comme un « bavar-         de faire leur travail, c’est comme si on s’en prenait aux ingré-
                                             dage de bureaucrates » sans s’inquiéter le moindrement du       dients d’un plat plutôt qu’au choix de la recette.
                                             fait que la décision a été taxée de « rejet de la citoyenneté      Ce que le Gouvernement devrait faire: Premièrement, il
                                             mondiale ».                                                     devrait se guérir de ses frustrations à l’endroit des organisa-
                                                Il a payé le prix: Les citoyens du monde n’étaient cer-      tions purement « politiques » comme le Conseil de Sécurité
                                             tainement pas du côté du Canada quand celui-ci a perdu sa       et l’Assemblée générale des Nations Unies et cesser de
                                             campagne pour un siège au Conseil de Sécurité des Nations       prendre n’importe quel vote de résolution à l’Assemblée Gé-
                                             Unies. Aux yeux de la communauté internationale, le Gou-        nérale des Nations Unies dans un sens qui lui déplait comme
                                             vernement canadien semblait avoir renoncé à certains des        une attaque directe contre lui.
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Deuxièmement, il doit raviver son engagement envers              monde multilatéral et une plus grande compréhension
l’architecture d’organisations fonctionnelles, bâtie pénible-       des différentes perspectives sur les problèmes mondiaux.
ment au fil des ans, dont les chefs et gestionnaires tentent         Faire preuve de plus d’équilibre et de moins d’agressivité ne
désespérément d’éviter toute interférence politique dans            signifie pas que l’on abaisse son niveau d’acceptation. Mais
leur travail. Le Canada doit accepter qu’il arrive que des          cela promet une meilleure capacité d’écoute. Même si elles
décisions aillent dans le sens contraire de sa conception par-      sont cause de profondes frustrations en bien des occasions,
ticulière de l’orientation d’une organisation. C’est en restant     les organisations internationales fournissent une fenêtre sur
à l’intérieur d’un organisme qu’on est mieux placé pour le          le monde : le Canada ne peut être aussi grand qu’il mérite de
transformer.                                                        l’être s’il ne profite pas de cette fenêtre.
   Troisièmement, le plus important : l’appel à l’imputabilité
doit aller de pair, comme le disait Tony Blair, avec le renforce-   Références/lectures
ment de ce qu’il appelait « les moyens concertés d’agir »           Miles Kahler, Multilateralism with Small and Large Numbers”,
(Blair, 2007). Le Gouvernement doit entreprendre un exam-              International Organization, 46, 3, Summer 1992               Ferry de Kerckhove est entré au
en en profondeur de toutes les organisations internationales        Dennis Stairs, “Pogo Land: the challenge of UN Reform”; The     ministère des Affaires étrangères
ou multilatérales auxquelles il appartient, en commençant              Dispatch, CDFAI, Winter 2012                                 en 1973. Il a été en poste en
par leurs objectifs et leurs mandats, pour ensuite déterminer       Tony Blair, speech at Davos, January 27, 2007                   Iran, à l’OTAN et à Moscou.
comment elles remplissent leurs rôles et apportent leurs            Arthur Stein, “Incentive compatibility and global gover-        Il a pris sa retraite en 2011. Il
contributions. Le Gouvernement doit décider dans quelle                nance” in A. Alexandroff (ed.) Can the World be Governed;     est chercheur invité à l’École
mesure le Canada devrait accentuer son engagement avec                                                                              supérieure des Affaires publiques
                                                                       WLU Press, 2008.
                                                                                                                                    et internationales de l’Université
les institutions qui traitent des enjeux mondiaux de notre          Ferry de Kerckhove, “Multilateralism on Trial” in               d’Ottawa, chercheur émérite à
temps. Le Canada a un intérêt vital à participer pleinement            A. Alexandroff (ed.) Can the World be Governed;               l’Institut canadien de la défense
à tous les débats, multilatéraux et inter-gouvernementaux,             WLU Press, 2008.                                             et des affaires étrangères et
où l’avenir de la Planète est en jeu. Pour un Gouvernement                                                                          membre du Conseil de l’Institut
profondément convaincu qu’il détient la supériorité morale                                                                          de la CAD. Il siège au Conseil
sur toute question d’éthique, de droit ou de valeur, une                                                                            de WIND Mobile Canada et est
démarche plus ouverte est plus susceptible de produire des                                                                          président de Ferry de Kerckhove
                                                                                                                                    International Consultants Inc.
résultats que celle qui consiste à faire connaître publique-
ment divers préjugés contre ce que Arthur Stein appelle « la
réalité existentielle du multilatéralisme » (Stein, 2008).
   Cela demande une approche moins brutale envers le

                                                                                                                                                                   13
Impréparés pour la Paix :
Résumé
                                              une décennie de déclin du maintien de la paix canadien
La réputation internationale du Canada
                                              A. Walter Dorn                                                     mission de l’ONU continue à servir de tampon important
comme contributeur prolifique et effi-
                                                                                                                 entre Israël et la Syrie, qui est en proie à une dangereuse
cace au maintien de la paix est en déclin
depuis plus d’une décennie en raison
                                                 Le maintien de la paix occupe une place de choix dans           guerre civile. Au lieu du maintien de la paix, le Canada s’est
du désengagement du pays à l’égard
                                              l’histoire et l’identité canadienne. Les Canadiens savent que      mis à faire la guerre, dépensant des milliards de dollars en
des opérations de maintien de la paix.
                                              Lester B. Pearson a proposé la création de la première force       Afghanistan pour essayer sans succès de vaincre les Talibans
Cette perte d’expérience à l’étranger est     de maintien de la paix, pour épargner au monde une guerre          et d’apporter la stabilité au pays. Les Forces canadiennes se
aggravée par la perte d’entrainement          lors de la crise de Suez en 1956, ce qui lui valut le Prix Nobel   sont transformées en une force militaire avec une seule mis-
à domicile, ce qui laisse le Canada           de la Paix. Jusqu’au milieu des années 1990, le Canada était       sion et l’Afghanistan comme seul objet d’attention. En une
impréparé à tout réengagement dans            le plus grand contributeur de troupes de maintien de la paix       décennie, opérant dans un seul pays, il y a eu plus de soldats
des opérations de maintien de la paix         pendant la Guerre Froide et le seul pays à avoir contribué         canadiens tués qu’au cours de six décennies de maintien de
à un niveau comparable au sien il y a         à chaque mission de l’ONU. Du Cachemire au Congo, de la            la paix dans plus de 40 pays.
quelques années. À mesure que les vété-       Bosnie à l’Éthiopie, les soldats canadiens ont été à l’avant-         Pire encore, au cours de la dernière décennie, les Forces
rans du maintien de la paix des années        plan de l’ordre mondial, ayant concouru à la paix en des pays      canadiennes (FC) ont permis un déclin majeur dans la
90 prennent leur retraite, et que les cours   déchirés par la guerre. Cette contribution a été reconnue          formation et l’éducation en maintien de la paix – ce que l’on
et exercices qui ont été élaborés pour        par la Médaille canadienne du maintien de la paix qu’ils ont       appelle les opérations en appui à la paix (OAP) dans la ter-
préparer les officiers à faire face aux défis    le droit d’arborer. Le Monument national du maintien de la         minologie et la doctrine militaire canadienne. Le retrait par
uniques des déploiements de maintien          Paix (nommé « Réconciliation ») à Ottawa est un autre té-          le gouvernement de l’appui au Centre Pearson du Maintien
de la paix ont été coupés, les options fu-    moignage de leurs contributions, de même que la silhouette         de la Paix a entraîné la fermeture de cette institution unique,
tures de politique étrangères du Canada       d’une femme sur le billet de dix dollars arborant un béret         ce qui signifie que les soldats ne pouvaient plus suivre une
sont affectées et offrent moins d’options.      bleu sous une bannière où l’on peut lire “Au Service de la         formation sur les opérations de paix multidimensionnelles
Au cas où des impératifs nationaux ou         Paix – In the Service of Peace.”                                   en même temps que des civils et des officiers étrangers.
internationaux, dans l’ère post-Afghani-         Mais qu’est-il advenu de cet héritage ? Le Canada est-il le     Plus globalement, les FC n’offrent que la moitié des activités
stan, feraient revenir à des opérations de    contributeur prolifique de naguère au maintien de la paix ?         de formation en maintien de la paix par rapport à il y a dix
l’ONU, les Forces canadiennes et le gou-      Malheureusement, la réponse est non. Bien que le Canada            ans. Il est à noter que dans les exercices et simulations de
vernement doivent être prêts. Pour être       ait jadis fourni jusqu’à 3000 soldats au maintien de la paix, il   formation, les officiers canadiens ne jouent plus les rôles des
bien préparées pour la paix, les Forces       n’en fournit aujourd’hui que 60 – comme le dit un ami , juste      forces onusiennes comme par le passé. Dans le programme
canadiennes auront besoin de change-          de quoi remplir un autobus scolaire. Bien que les Nations          pour le commandement conjoint et le personnel, les of-
ments majeurs dans leur formation et          Unies maintiennent plus de 80,000 soldats sur le terrain, le       ficiers planifient et modèlent les opérations d’une alliance,
leur préparation de même que dans leur        niveau le plus élevé à ce jour, le Canada a maintenu son con-      parfois explicitement identifiée comme étant l’OTAN, mais
mode de pensée, dès lors qu’il s’agira de     tingent au niveau le plus bas depuis 2006. Deux mois après         on ne leur offre plus la possibilité de le faire du point de vue
servir la cause du maintien de la paix        l’arrivée des conservateurs au pouvoir, le Canada a retiré         d’une mission de l’ONU ou de passer en revue les procé-
d’une façon constructive et progressiste.     ses 200 logisticiens des hauteurs du Golan alors que cette         dures et pratiques de l’ONU.
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