Nations Unies et le Canada - Les Ce que le Canada a apporté à l'ONU et ce qu'il devrait faire aujourd'hui
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Les Nations Unies et le Canada Ce que le Canada a apporté à l’ONU et ce qu’il devrait faire aujourd’hui Sous la direction de John E. Trent
Les Nations Unies et le Canada: Ce que le Canada a apporté à l’ONU et ce qu’il devrait faire aujourd’hui Sous la direction de John E. Trent Cet ouvrage a été préparé et publié en tant que projet du World Federalist Movement – Canada/Mouvement canadien pour une Fédération mondiale (www.worldfederalistscanada.org). Les points de vue et opinions exprimés dans chacun des articles demeurent la seule responsabilité de leurs auteurs. Cette oeuvre, création, site ou texte est sous licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 non transposé. Pour accéder à une copie de cette licence, merci de vous rendre à l’adresse suivante http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/. Pour commander des exemplaires supplémentaires, veuillez communiquer avec: Mouvement fédéraliste mondial (Canada) 207 – 145 rue Spruce Ottawa ON K1R 6P1 Tel : (613) 232-0647 Courriel : wfcnat@web.ca
Preface Les Nations Unies et Le Canada Ce que le Canada a apporté à l’ONU et ce qu’il devrait faire aujourd’hui John E. Trent universelles de l’ONU demeurent peu connues. Voici une liste partielle de celles-ci : L’un des premiers et des plus grand secrétaires-généraux • Le maintien de la paix et de la sécurité à l’échelle internatio- de l’ONU, Dag Hammarskjöld, aurait déclaré : « Les Nations nale Unies ne furent pas créées pour transporter l’homme au • L’aide humanitaire ciel, mais pour épargner à l’humanité d’être condamnée à • La promotion des droits de la personne et de la justice l’enfer. » Le but de ce livret est un tant soit peu plus limité. Il sociale se consacre surtout à démontrer jusqu’où l’ONU peut aller • La bonne intendance visant le patrimoine mondial (y com- afin d’assurer un avenir durable sur cette planète qui est la pris l’atmosphère, l’espace, les océans et l’environnement, nôtre et, partant, de quelle manière le Canada peut aider et toutes les questions transnationales) à atteindre ce but. Le message de Hammarskjöld est clair : • Le droit international, les tribunaux, les conventions, le nous ne pouvons pas nous attendre à des merveilles de développement des normes et l’élaboration de traités l’ONU mais il est indéniable que sous son égide, le monde a • Les fonctions sociales et techniques interétatiques pu éviter des guerres meurtrières à l’échelle internationale Malgré le fait que les médias se consacrent surtout aux tout en assurant une plus grande mesure de richesse et conflits, la véritable histoire à l’échelle internationale, c’est d’intégration. Tant les réalisations que les défaillances de celle de la coopération. En fait, notre monde s’en tire assez l’ONU sont bien reconnues par nos auteurs. Toutefois, ces bien au jour le jour, en grande partie parce que la gamme derniers croient fermement que le monde a absolument d’agences onusiennes spécialisées se penchent sur tout, besoin d’organisations internationales pour nous appuyer allant du courrier, des communications, du transport aérien dans nos prises de décisions face à nos problèmes à l’échelle jusqu’aux problèmes de santé, l’agriculture, le commerce globale et qu’elles soient le plus efficaces possible. et l’éducation. Tous bénéficient de ces services qui sont Pour avoir une bonne vue d’ensemble des Nations malheureusement peu connus. Unies, il faut partir d’une analyse de ses fonctions en tant Mais les Nations Unies ne se reposent pas sur leurs lauriers qu’organisme, c’est-à-dire son utilité dans le contexte des pour autant. Leur capacité d’adaptation selon les circon- relations internationales - la façon dont elle est en mesure stances repose surtout sur leur légitimité comme organisme de remplir ses obligations à ce titre. Dans la mesure où les universel dies ad quem. Cette légitimité s’appuie sur le prin- médias se penchent surtout sur les conflits armés et les cipe fondateur de la résolution pacifique des différends et la blocages au Conseil de sécurité, la gamme des fonctions contribution au développement économique et social ainsi 1
qu’au respect des droits de la personne. Sans pour autant toujours tenté d’améliorer et de réformer l’ONU. Le Premier s’être servi d’un seul policier au cours des dix premières an- ministre canadien d’alors, Lester B. Pearson remportait le nées, l’ONU s’est métamorphosée en agent de maintien de Prix Nobel de la paix pour les efforts qu’il avait déployés la paix, à partir des années 1950 allant jusqu’aux opérations pour instituer le maintien de la paix à l’ONU. Nous avons globales de maintien de la paix actuelles. Celles-ci béné- œuvré pendant des années pour renforcer la transparence ficient de l’appui de l’appareil de justice criminelle et des au sein du Conseil de sécurité. Dernièrement encore le instruments de promotion des droits de la personne. L’ONU Canada a assuré le financement de la commission chargée demeure chef de file dans les efforts de pacification et de de concrétiser le concept de la « responsabilité de proté- reconstruction de pays déchirés par la guerre ainsi que pour ger » qui incombe à la communauté internationale envers le combat contre les maladies transmissibles, la lutte contre les citoyens. La dénommée « R2P » est en train de modi- la pauvreté et le soutien à la démocratie. Ces contributions fier la notion de souveraineté pour qu’enfin les relations démontrent à l’envi le caractère indispensable des institu- internationales se modernisent. Le Canada a toujours été un tions internationales et, qui plus, des efforts du Canada de participant actif et créateur au sein de l’ONU en raison de porter au maximum leur utilité par une participation éner- notre conception ouverte et généreuse de la diplomatie et gique à ses programmes et à ses tentatives de réforme. de la politique internationale. Et, jusqu’à l’arrivée du gouvernement Harper, le Canada Ce n’est plus le cas aujourd’hui. De plus en plus, le gouver- jouait un rôle prépondérant au sein de l’ONU. Pour sa part, nement du Canada tend à saper le travail de l’ONU et l’esprit le Canada fut un des meilleurs tenants de l’ONU depuis de coopération globale. Voici quelques exemples récents : sa fondation. En 1948, un Canadien, le professeur John nous n’avons pas encore signé le traité visant la réglemen- Humphrey, entreprenait le rôle d’architecte principal de la tation du commerce des armes; les diplomates canadiens Déclaration universelle des droits de l’homme. La diplo- à l’ONU apportent de faibles contributions aux débats sur matie canadienne a appuyé l’augmentation du nombre de la responsabilité de protéger; nous nous sommes désistés membres de l’ONU, l’effort de décolonisation, le dialogue du Protocole de Kyoto sur le changement climatique et Nord-Sud, le sommet de Rio sur l’environnement et le de la Convention sur la désertification; jusqu’à présent le développement, les négociations visant l’arrêt de la destruc- Canada a refusé de se joindre à la mission de maintien de tion de la couche d’ozone et des pluies acides, ainsi que les la paix pour venir en aide au Mali – un pays qui, jadis, avait efforts pour mettre fin au régime d’apartheid en Afrique- notre appui; notre projet de loi pour la mise en œuvre de du-Sud. Parmi d’autres initiatives récentes du Canada, il faut la Convention sur les armes à sous-munitions se traduirait mentionner la campagne contre les mines anti-personnel et par l’annulation de son propos. Qui plus est, les coupures contre le commerce des diamants de la guerre, la mise sur imposées au ministère des Affaires étrangères ainsi qu’à la pied de la Cour pénale internationale et la mise en évidence rémunération de ses agents ont réduit notre capacité diplo- du fléau des enfants soldats. matique. Nous avons également réduit de façon draconi- Pour autant, le Canada ne se contentait pas d’aller à quai enne le nombre de réfugiés qui seront dorénavant acceptés avec la vague populaire. Nous n’avons jamais cru que l’ONU par notre pays tandis que notre programme d’aide a égale- était une institution sans reproches. Les Canadiens ont ment été coupé et incorporé au sein du ministère des Af- 2
faires étrangères. Aujourd’hui le Canada accuse une grande démontrer que nous sommes des partenaires avertis. faiblesse comparativement au passé. Là où étions prudents Nous devons gagner le respect dans le monde pour notre nous faisons preuve maintenant d’une certaine hostilité à politique étrangère et cesser d’être marginalisés. Nous ne tout ce que l’ONU et ses activités peuvent représenter. pouvons pas nous permettre de tout simplement ignorer L’ONU n’est certainement pas parfaite. Elle manque l’ONU ou, pire encore, de la dénigrer continuellement. Le présentement à ses devoirs envers la population du Darfour Canada se doit de redevenir un chef de file dans l’arène et de la Syrie. Ses forums sur les droits de la personne inclu- politique internationale ainsi qu’à l’ONU. En ce qui concerne ent souvent ceux-là même qui maltraitent leurs propres le Canada, disposer de solides organisations internationales citoyens. Les fonds recueillis sont parfois gaspillés. Nous devrait demeurer un des principes de base de sa politique nous sentons souvent angoissés devant l’incapacité de étrangère. l’organisme de prendre des décisions face aux grands défis mondiaux. Mais en dépit de toutes ses faiblesses, l’ONU Ouvrages à consulter reste indispensable. Elle réussit beaucoup plus souvent ses Paul Heinbecker (2010) Getting back in the Game, a Foreign opérations qu’on ne le croit. Comme organisme qui a la ca- Policy Playbook for Canada, Toronto, Key Porter Books. pacité de convoquer toutes les nations de la planète, il con- Jean E. Krasno (ed.) (2004). The United Nations: Confronting stitue la charpente d’une meilleure gouvernance mondiale. the Challenges of Global Society, Boulder, Lynne Reinner Donc, si nous, comme auteurs de ce livret ou, encore, si Publishers. tous les Canadiens désirent une Organisation des Nations Clyde Sanger (ed.) (1988) Canadians and the United Nations, Unies qui soit en mesure d’aider à gérer les problèmes du Ottawa, Minister of Supply and Services Canada. monde et à prendre les décisions qui s’imposent, nous Thomas G. Weiss & Sam Daws (eds) (2007) The Oxford Hand- devons alors œuvrer de concert pour susciter des change- book on the United Nations, Oxford, Oxford University ments au sein des institutions internationales. Il nous faudra Press. 3
Sommaire Warren Allmand allmandw@gmail.com Le respect des droits de la personne au cœur de la paix dans le monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Lloyd Axworthy l.axworthy@uwinnipeg.ca Le Canada et la ‘responsabilité de protéger’ (R2P) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Michael Byers michael.byers@ubc.ca L’ONU et le droit de la mer: de l’Arctique à la mer de Chine méridionale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Ferry de Kerckhove ferry@dekerckhove.ca Le Canada et les organisations internationales : un peu de reconnaissance s’il vous plait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Walter Dorn dorn@cfc.dnd.ca Impréparés pour la paix : une décennie de déclin du maintien de la paix canadien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Yves Fortier yfortier@arbitrationplace.com Le Canada et le Conseil de Sécurité hier et aujourd’hui : une vue de l’intérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Robert Fowler robert.fowler@uottawa.ca Pourquoi le Canada n’a pas été élu au Conseil de Sécurité il y a deux ans et pourquoi nous ne serons jamais élus à moins de changement fondamental dans notre politique étrangère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Gilles Gingras gingrasgilles@videotron.ca L’ONU, le Canada et l’Organisation internationale de l’Aviation civile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Peter Langille hpl@globalcommonsecurity.org Comment se préparer pour la paix. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 4
Carolyn McAskie carolynmcaskie@yahoo.com L’intérêt bien compris du Canada et les Nations Unies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Marilou McPhedran marilou.mcphedran.uw@gmail.com L’ONU, ONU Femmes, et le Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Errol Mendes emendes@uottawa.ca Le Canada, les droits de la personne et l’ONU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Douglas Roche djroche@shaw.ca Le rôle du Canada dans l’interdiction des armes nucléaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Julia Sanchez jsanchez@ccic.ca La société civile, le Canada et les Nations Unies: des partenariats pour l’avenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Ian Smillie ismillie@magma.ca Les Nations Unies et l’aide humanitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 John Trent jtrent@uottawa.ca Repenser les Nations Unies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 Kathryn White kate@unac.org Que fait le Canada pour aider à établir le programme de développement international pour les deux prochaines décennies ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 Le système des Nations Unies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 5
Le respect des droits de la personne au cœur de la paix dans le monde Résumé Warren Allmand, C.P., O.C., C.R. personne et devaient être poursuivis en même temps. Quand les Nations Unies ont été fondées Animée par les contributions d’Eleanor Roosevelt, René en 1945, le monde était convaincu que La naissance des Nations Unies en 1945 a présidé à un Cassin et du Canadien John Humphrey, la Commission des le nouvel ordre international devait être mouvement profond en faveur d’un « nouvel ordre mon- droits de l’homme a mis un point final à la Déclaration uni- bâti sur une assise de droits de la per- dial » fondé sur les droits de la personne. La Charte de l’ONU verselle des droits humains en 1948 et celle-ci a été adoptée sonne. La Charte comportait plusieurs contient plusieurs dispositions importantes à cet égard. En par l’Assemblée générale par un vote de 48 à 0 avec 8 abs- dispositions importantes à cet égard. premier lieu, l’accent est mis sur l’auto-détermination des tentions. C’était une réalisation exceptionnelle, une pierre Très rapidement, un nombre significatif peuples (art.1(2)), Deuxièmement, l’organisation mon- de touche importante dans l’histoire de l’humanité. Eleanor d’instruments sur les droits de l’homme diale serait fondée sur le principe de la non-discrimination Roosevelt a décrit la Déclaration universelle comme la ont été adoptés, dont la Déclaration sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion « Grande Charte du genre humain ». Il est difficile à croire universelle des Droits de l’Homme pour [préambule et art.1 (3)]. Troisièmement, les États membres qu’un document aussi fondamental, avec des préceptes laquelle le Canadien John Humphrey a s’engageaient à coopérer à l’échelle internationale pour aussi élevés, ait été adopté par tant de pays de cultures, reli- joué un rôle clé. promouvoir les droits humains pour tous les peuples (art.1 gions, langues, races et systèmes politiques différents. Mais Le dispositif des droits de l’homme à (3)). Quatrièmement, les États membres s’engageaient à à cette époque la volonté politique était au rendez-vous. l’ONU a évolué et s’est amélioré au fil prendre des mesures ensemble et séparément pour assurer Vint s’ajouter à ce dispositif la Convention contre le des ans, bien qu’il soit encore loin d’être le respect universel des droits de la personne [art. 55 & génocide, adoptée par l’ONU la même semaine. Puis l’ONU parfait. Mais la solution ne consiste pas 56]. Cinquièmement, la Charte appelait à la création d’une adopta les quatre Conventions de Genève définissant les cri- à affaiblir ou à dissoudre l’ONU. Notre commission des droits de l’homme (CNUDH) à titre d’organe mes de guerre (1949), la Convention sur les réfugiés (1951), objectif doit être de renforcer la mise en de base du Conseil économique et social des Nations Unies le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et œuvre des procédures et mécanismes (ECOSOC, art.68). Cette Commission fut effectivement créée le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux d’observation. en 1946 et son premier mandat fut de rédiger une conven- et culturels (1967), plus les conventions contre la discrimi- Dans le passé, le Canada a fait preuve tion internationale des droits de la personne. nation raciale (1969), contre l’apartheid (1971) et contre la de beaucoup de leadership à l’appui Il faut se souvenir que ces initiatives ont été prises au sor- torture (1984). Il y eut aussi les conventions établissant les des programmes de maintien de la tir de la deuxième Guerre mondiale au cours de laquelle des droits des femmes (1981) et les droits des enfants (1989). paix, de développement et de droits de abus horribles avaient été commis – l’Holocauste, le bom- Tout cela pour dire que les Nations Unies ont connu des suc- la personne. C’est une fière tradition qui bardement indiscriminé de civils innocents, l’épuration eth- cès considérables pour ce qui est d’adopter des normes de doit être poursuivie et renforcée. nique, des meurtres, des viols et de la torture. Tous ces abus droits de la personne applicables au monde entier, à tous les étaient frais dans la mémoire de ceux qui militaient pour la peuples, tous les continents et toutes les races et cultures. rédaction de la Charte des Nations Unies et d’une conven- Mais il y a eu des problèmes sérieux au plan de leur mise en tion internationale des droits de la personne. D’aucuns œuvre. reconnaissaient que les autres objectifs de l’ONU (paix et On s’attendait à ce que le plus haut niveau de réalisation sécurité internationale, plus le développement économique serait atteint par l’adoption de législations de mise en œuvre et social) étaient étroitement liés au respect des droits de la par les États ayant ratifié les conventions, adopté des chartes 6
des droits de l’homme et mis sur pied des commissions de nombreuses normes de droits de la personne depuis 1945 droits de la personne, le tout conformément aux Principes a illustré la volonté de progresser sur ces questions. La de Paris adoptés par l’ONU en 1993. Il faut noter que le Cour pénale internationale a été créée en 1998; l’examen Canada a ratifié toutes les grandes conventions des droits périodique universel de tous les membres de l’ONU en 2006 de la personne mentionnées ci-dessus, a adopté des lois en et la Responsabilité de Protéger ont été entérinés par l’ONU conséquence, mis sur pied des commissions des droits de en 2005 tandis que des efforts sont consacrés de nos jours la personne et adopté une Charte sur les Droits et Libertés. à peaufiner les procédures de mise en œuvre. La tâche qui Bon nombre d’autres pays ont fait de même. Néanmoins, incombe aux Canadiens et à tout le genre humain est de on ne cesse de constater un nombre considérable de travailler ensemble à faire avancer la cause de la paix, de la violations des droits de la personne et des histoires d’hor- justice et des droits de la personne. Ce ne peut être l’œuvre reur – Rwanda, Syrie, Afghanistan, Tchétchénie, Kosovo et d’États individuels ou d’une petite coalition d’États. Pour Darfour, contre les Roms en Europe et les autochtones dans qu’il aboutisse, l’effort doit être universel et entrepris par les Amériques. une Organisation des Nations Unies réformée et efficace. L’honorable Warren Allmand est En fait, aucun État n’est sans faute mais la solution ne Le Canada, dans le passé, a fait preuve de beaucoup de le président national du Mouve- consiste pas à affaiblir ni à dissoudre l’ONU et les autres leadership à l’appui des opérations de maintien de la paix et ment fédéraliste mondial pour institutions internationales. Notre objectif doit être de du développement et des droits de la personne aux Nations le Canada. Il a été président de renforcer les procédures de mise en œuvre et les mécanis- Unies. C’est une glorieuse tradition qui doit être poursuivie Droits et Démocratie (Centre mes de vérification. L’acceptation par les Nations Unies de et accentuée. international des droits de l’homme et du développement démocratique) de 1997 à 2002. Auparavant il a été député fédéral pendant 33 ans, au cours desquels il a occupé plusieurs postes ministériels, dont ceux de Solliciteur général, ministre des Affaires indiennes et du Nord, Ministre de la Consommation et des Affaires commerciales. 7
Le Canada, l’ONU et la responsabilité de protéger Résumé Dr. Lloyd Axworthy avons fourni un assez nombreux personnel et des avions À la fin du siècle dernier, certains s’en de chasse à l’intervention en Libye mandatée par l’ONU en souviendront, le Canada était à l’avant- À la fin du siècle dernier, certains s’en souviendront, le 2011, un appui de transport aérien et de l’aide financière au plan au titre des initiatives novatrices Canada était à l’avant-plan au titre des initiatives novatrices Mali en 2013 et nous avons engagé des fonds considérables pour la promotion de la paix et la pour la promotion de la paix et la sécurité internationale et en aide humanitaire pour les réfugiés syriens. Je crois que le sécurité internationale et la protection la protection des droits de l’homme et de la vie des civils, Canada peut encore jouer un rôle significatif dans l’évolution des droits de l’homme et de la vie des notamment l’avènement du traité interdisant les mines anti- à venir de la R2P. civils. Une de ces initiatives a été la con- personnel, la participation active à la création de la Cour Même les États-Unis expriment de l’intérêt. Les États-Unis tribution au lancement de l’idée de la pénale internationale et le lancement de la Commission reconnaissent que, compte tenu de leur puissance militaire Responsabilité de Protéger (R2P). Après internationale de l’intervention et la souveraineté des États dominante, le monde se tournera toujours vers eux pour avoir langui pendant presque toute qui a donné naissance au concept de la Responsabilité de solliciter une orientation ou une action face à des crises une décennie, l’idée a connu un regain Protéger (R2P). humanitaires. Regardez la Libye, regardez la Syrie, regar- d’intérêt à l’orée du Printemps arabe et À l’époque, la R2P représentait un point culminant de dez l’Égypte. La décision des États-Unis d’agir ou non est suite à une relance de la discussion sur la politique étrangère du Canada; l’accent étant mis sur la souvent le catalyseur d’une réponse mondiale ou d’absence les interventions destinées à la protec- sécurité humaine. Il s’agissait d’une réponse au nouveau de réaction. Cependant, en raison de difficultés politiques tion des civils. Le Canada devrait une désordre post-guerre froide alors que des conflits violents et économiques internes, après plus d’une décennie de fois de plus jouer un rôle diplomatique avaient pour cibles des civils. La R2P a été présentée au guerres dans différents endroits de la planète, les États-Unis dans l’institutionnalisation et la mise en monde au tournant du siècle, à l’ombre du 11 septembre. sont devenus fatigués de jouer le rôle de policier interna- vigueur du concept. C’est ainsi qu’elle languit pendant presque une décennie tional. entière tout en suscitant lentement un appui de la commu- La nomination récente de Samantha Power comme nauté internationale. ambassadrice auprès des Nations Unies et de Susan Rice au Depuis l’intervention en Libye en 2011, la R2P est devenue poste de conseillère pour la sécurité nationale - toutes deux un sujet de discussion fréquent. Sa légitimité a été mise en partisanes de la R2P – offre des indices importants sur la doute par la critique mais elle continue à se valoir des ap- direction à venir de la politique étrangère américaine. Cela puis au Nord comme au Sud et demeure un sujet méritant laisse présager que les États-Unis pourraient être plus acces- une analyse sérieuse et une application concrète. Malheu- sibles à des démarches coopératives pour répondre aux ur- reusement, depuis notre participation initiale à la création gences humanitaires complexes dans le monde – comme ce du concept, le Canada a été plutôt absent des discussions et fut le cas pour l’intervention en Libye. Tout récemment, un débats en cours. groupe de haut niveau co-présidé par Madeleine Albright Cependant, en dépit d’une hésitation à se servir de et Richard Williamson a publié un rapport recommandant à l’expression, notre gouvernement actuel a fait preuve de l’administration Obama d’endosser pleinement le concept la volonté de participer à des interventions internationales de R2P. quand la priorité portait sur la protection des civils. Nous Cet intérêt nouveau offre l’occasion au Canada de 8
reprendre son rôle de promotion et de raffinement de la du nombre de membres permanents du Conseil pour y R2P. Par exemple, l’intention initiale de la Responsabilité de inclure les puissances émergentes devrait également com- Protéger – dans sa première mouture – était de s’écarter porter l’ajout de limites au recours au droit de veto quand du caractère ad hoc des réponses aux crises humanitaires. les situations à l’ordre du jour correspondent aux critères de Cette démarche provenait de l’intervention internationale la R2P. La victime la plus évidente du recours injustifiable du sous l’égide de l’OTAN au Kosovo en 1999. On reconnut, à ce veto au cours des deux dernières années est évidemment la stade, que n’importe quelle réponse ultérieure devrait être Syrie. Le blocage au Conseil de Sécurité a conduit à ce qui dirigée par l’ONU, le Conseil de Sécurité y apportant à la fois est aujourd’hui une guerre civile. la légitimité et la surveillance. Ce qui reste à créer, c’est une Enfin, il faudrait mettre davantage l’accent sur l’alerte force d’intervention rapide permanente de l’ONU de telle précoce et la prévention. C’est là le cœur de l’idée de R2P. Je sorte que nous puissions cesser de devoir nous fier à l’OTAN. pense que le Canada est en mesure d’apporter une con- À l’heure actuelle, le plus gros obstacle à la mise en œuvre tribution réelle et efficace à l’établissement d’une capacité de la R2P est le blocage au Conseil de Sécurité. Tout projet effective, à l’ONU, pour mettre en œuvre la R2P. Le Dr. Axworthy est président de réforme qui pourrait être proposé pour l’élargissement et vice-chancelier de l’Université de Winnipeg. En 1961, il a obtenu un BA du United College (maintenant l’Université de Winnipeg), un MA et un Ph.D. de l’Université Princeton. Sa carrière politique s’est étendue sur 27 ans dont six ans à l’Assemblée législative du Manitoba et vingt-deux au Parlement fédéral. Il a occupé plusieurs postes ministériels dont celui de ministre de l’Emploi et de l’Immigration, ministre responsable pour le Statut de la Femme, ministre des Transports, ministre du Développement des Ressources humaines, ministre de la Diversification économique de l’Ouest et ministre des Af- faires étrangères de 1996 à 2000. 9
L’ONU et le droit de la mer: de l’Arctique à la Mer de Chine méridionale Résumé Michael Byers glace à l’année longue crée des dangers exceptionnels pour En 1969, le superpétrolier SS Manhattan, la navigation. avec une capacité brise-glace et battant En 1969, le superpétrolier SS Manhattan, avec une ca- La Loi sur la Prévention de la Pollution des Eaux arctiques pavillon américain a navigué à travers le pacité brise-glace et battant pavillon américain, a navigué à était légitimée à l’échelle internationale, exactement 12 ans Passage du Nord-Ouest sans demander travers le Passage du Nord-Ouest sans demander la per- après son adoption par le Canada. Fait tout aussi important, la permission du Canada. Les diplo- mission du Canada. Les diplomates du Canada se sont mis l’Article 234 a suscité le développement d’une règle paral- mates du Canada se sont mis au travail, immédiatement au travail, définissant une stratégie pour lèle de « droit international coutumier » qui est considérée définissant une stratégie pour protéger protéger les intérêts du pays contre d’autres contestations de nos jours comme contraignante pour tous les pays – y les intérêts du pays contre d’autres de notre revendication sur le Passage du Nord-Ouest. compris ceux, comme les États-Unis, qui n’avaient pas en- contestations de notre revendication sur Leur réponse a été la Loi sur la prévention de la pollution core ratifié la Convention de l’ONU. De fait, aujourd’hui, les le Passage du Nord-Ouest. Un engage- des eaux arctiques, que le Parlement a adoptée l’année sui- États-Unis recommandent que les navires marchands bat- ment en profondeur dans la négocia- vante. La Loi imposait des normes de sécurité et de protec- tant pavillon américain respectent la Loi sur la prévention de tion et la rédaction de la Convention de tion de l’environnement très rigoureuses sur toute la naviga- la pollution des eaux arctiques quand ils naviguent près ou l’ONU sur le Droit de la Mer fut au cœur tion à l’intérieur d’une zone de 100 milles marins au large de dans les eaux arctiques canadiennes. de la stratégie du Canada. En raison du la côte canadienne de l’Arctique. Ce faisant, le Canada s’est Beesley et ses collègues ont réussi à faire avancer les in- leadership canadien, l’article 234 de la trouvé à prolonger les limites du droit international qui, à térêts du Canada pour ce qui est des ressources océaniques. Convention permet aux États côtiers l’époque, ne reconnaissait pas le droit des États côtiers à plus Selon la Convention de l’ONU, chaque État côtier a droit d’adopter des lois contre la pollution de 12 milles marins de la côte. à 12 milles marins de mer territoriale de même qu’à une marine jusqu’à 200 milles marins des Les États-Unis ont déclaré que la Loi canadienne sur la « zone économique exclusive » de 12 à 200 milles marins où, côtes dans l’arctique. Le leadership prévention de la pollution des eaux arctiques était illégale comme le nom l’indique, le pays a des droits exclusifs sur canadien s’est également retrouvé dans mais les diplomates canadiens ont maintenu la pression. Ils les ressources de la colonne d’eau, des fonds marins et du les dispositions de la Convention de ont consacré leurs efforts au processus de négociation qui sous-sol. l’ONU accordant aux États côtiers une commençait aux Nations Unies en vue de produire une Con- Les diplomates canadiens ont aussi reconnu que les juridiction étendue sur les ressources du vention des Nations Unies sur le Droit de la Mer acceptable à nouvelles technologies et les prix plus élevés mèneraient sous-sol marin, question de grande im- l’échelle mondiale. éventuellement à l’exploitation du pétrole, du gaz et des portance pour le Canada qui a les plus Le Canadien Alan Beesley a été élu président du comité minerais à plus de 200 milles marins de la côte, y compris les longues côtes au monde. De l’Arctique de rédaction, ce qui le plaçait au cœur de la diplomatie eaux relativement moins profondes près des côtes atlan- à la Mer de Chine méridionale, des pays, des grandes puissances. Lors d’une session à huis clos avec tiques et arctiques du Canada. Ils ont contribué à rédiger partout dans le monde, ont accepté la les seules délégations américaine et soviétique, Beesley l’article 76 de la Convention de l’ONU qui accorde aux États validité de ces règles. Quand surgissent a obtenu leur accord sur l’Article 234 de la Convention côtiers des droits sur un « plateau continental étendu » au- des divergences d’opinion, elles sont de l’ONU, intitulé « L’exception arctique » qui permet aux delà des 200 milles marins, si la profondeur et la forme du examinées dans un cadre juridique, ce États côtiers d’adopter des lois contre la pollution maritime sous-sol et l’épaisseur des sédiments sous-marins révèlent qui réduit les risques de conflits armés. jusqu’à 200 milles marins de la côte, quand la présence de « un prolongement naturel » du plateau côtier. L’article 76 10
stipule que l’existence d’une prolongation naturelle est une monde, pourrait revendiquer une surface plus grande que question de science, non de compétence technique ou de l’Alberta et la Saskatchewan réunies. puissance militaire, et il précise les règles détaillées sur les Un point est plus important encore : les pays non river- critères géographiques et géologiques qui doivent être ains de l’Océan Arctique acceptent la validité de ce proces- remplis. sus parce que les règles ont une application mondiale. La Les pays qui veulent revendiquer une extension du pla- Chine, par exemple, se sert de l’article 76 pour appuyer ses teau continental doivent présenter, à l’appui, des éléments revendications sur le sous-sol marin dans la Mer de Chine de preuve scientifiques à la Commission des limites du pla- Orientale. Elle a recours à d’autres dispositions de la Conven- teau continental de l’ONU, un organisme composé entière- tion de l’ONU pour appuyer des revendications totalement ment de scientifiques. La Norvège a présenté sa demande différentes dans la Mer de Chine Méridionale et ,bien que en 2006; le Canada fait de même en décembre tandis que le ces revendications soient contestables, le fait que le dif- Danemark et la Russie le feront l’année prochaine. Même les férend est exprimé en termes juridiques réduit le risque de États-Unis, bien que n’ayant pas encore ratifié la Convention conflit armé. de l’ONU, ont coopéré avec le Canada pour recueillir des Alors, la prochaine fois que quelqu’un vous dira que données scientifiques du sous-sol marin au nord de l’Alaska l’Arctique est accessible à tous, que le Canada se doit Michael Byers enseigne à l’Université de Colombie-Britan- pour étayer une revendication éventuelle. d’y aller ou de le perdre, ou que la Chine se comporte nique où il est titulaire de la Tout le monde bénéficie de ces règles. L’étendue même de façon débridée dans les mers de Chine orientale et Chaire de Recherche du Canada de l’Océan Arctique et la longueur des côtes non contes- septentrionale, parlez-lui de la Convention de l’ONU sur la en politique mondiale et droit tées signifie que la Russie peut légitimement revendiquer Loi de la Mer et du rôle central que le Canada a joué dans international. Son travail porte une extension du sous-sol marin plus grand que celle de sa négociation. sur la politique étrangère cana- l’Europe. Le Canada, qui possède la plus longue côte au dienne, y compris l’Arctique, les changements climatiques et le re- cours à la force militaire. Le Dr. Byers a été Fellow au Jesus Col- lege de l’Université d’Oxford et professeur de droit à l’Université Duke. Il a également enseigné comme professeur invité aux universités de Cape Town, Tel Aviv et Novosibirsk. Le Dr. Byers est l’auteur de sept ouvrages, dont International Law and the Arctic (Le droit international et l’Arctique) qui vient d’être publié par Cambridge University Press. 11
Le Canada et les organisations internationales: Résumé un peu de reconnaissance, s’il vous plait! Le Gouvernement du Canada a une rela- tion difficile avec le monde multilatéral. Ferry de Kerckhove fondements qui sous-tendaient la crédibilité du Canada sur Il préfère les groupements inter-gou- la scène internationale, comme l’engagement envers la sé- vernementaux où prévaut la règle du Un Gouvernement inamical envers le multilatéralisme: curité humaine, la Responsabilité de protéger, la préférence consensus entre les principaux joueurs. Un refrain bien connu voudrait que la réputation du Canada pour la diplomatie multilatérale et le désir de renforcer le Il en a payé le prix par la défaite de sa sur la scène internationale ait chuté au cours des dernières cadre normatif au sein duquel s’épanouissent les organisa- campagne pour un siège au Conseil de années. Pourtant, le Premier ministre est plutôt fier de la tions internationales. Si le refus du Gouvernement de faire Sécurité des Nations Unies. Aux Nations participation du Canada à la gouvernance économique le moindre compromis, notamment envers les régimes Unies, d’aucuns estimaient qu’avec son mondiale. Mais le Gouvernement actuel est mal à l’aise avec non-démocratiques, est une position de principe défend- « multilatéralisme à la carte », la Canada le multilatéralisme, que Miles Kahler définit comme « la able, il ne devrait pas pour autant vilipender l’Organisation avait renoncé a certains des principes gouvernance internationale de la multitude » (Kahler, 1992). au lieu de se limiter à ses nombreux membres peu recom- qui lui avaient valu sa crédibilité sur la Il préfère nettement les groupements inter-gouvernemen- mandables. scène internationale. taux comme le G-8 ou le G-20 où la souveraineté s’exprime Multilatéralisme à la carte: Bien qu’il continue de financ- Le Gouvernement devrait : a) surmonter sans ombrage et où le consensus entre grands joueurs est la er des organisations internationales fonctionnelles, le Gou- ses frustrations à l’égard des processus norme. Le Canada semble ne pas vouloir traiter les organisa- vernement canadien n’est pas intéressé à consacrer temps multilatéraux complexes; b) raviver tions internationales en tant qu’acteurs indépendants sur la et efforts à améliorer l’efficacité des Nations Unies et de ses son engagement envers l’architecture scène internationale. Il est regrettable que son mépris pour divers instruments de gouvernance mondiale. Bien entendu, d’organisations fonctionnelles, bâtie les inévitables jeux politiques et « effets de scène » à l’ONU personne ne nie qu’il y ait souvent un vaste écart entre le péniblement au fil des ans; c) entrepren- rende le Gouvernement moins sensible aux vastes questions mandat ou la charte d’une organisation internationale et la dre un examen en profondeur de toutes qui vont largement au-delà de la géopolitique, comme les qualité de son action sur le terrain. Aussi est-il normal pour les organisations internationales ou changements climatiques et autres maux sans frontières le Gouvernement d’exiger de l’imputabilité, de tenir à en multilatérales auxquelles appartient le mais qui bénéficient tous d’une organisation multilatérale avoir pour son argent et de demander une gestion axée sur Canada. vouée à trouver des solutions. C’est ainsi que le Gouverne- les résultats. Mais quand on blâme les organisations plutôt ment s’est retiré de la Convention des Nations Unies pour que les nations qui dictent leur conduite ou les empêchent combattre de désertification, dénoncée comme un « bavar- de faire leur travail, c’est comme si on s’en prenait aux ingré- dage de bureaucrates » sans s’inquiéter le moindrement du dients d’un plat plutôt qu’au choix de la recette. fait que la décision a été taxée de « rejet de la citoyenneté Ce que le Gouvernement devrait faire: Premièrement, il mondiale ». devrait se guérir de ses frustrations à l’endroit des organisa- Il a payé le prix: Les citoyens du monde n’étaient cer- tions purement « politiques » comme le Conseil de Sécurité tainement pas du côté du Canada quand celui-ci a perdu sa et l’Assemblée générale des Nations Unies et cesser de campagne pour un siège au Conseil de Sécurité des Nations prendre n’importe quel vote de résolution à l’Assemblée Gé- Unies. Aux yeux de la communauté internationale, le Gou- nérale des Nations Unies dans un sens qui lui déplait comme vernement canadien semblait avoir renoncé à certains des une attaque directe contre lui. 12
Deuxièmement, il doit raviver son engagement envers monde multilatéral et une plus grande compréhension l’architecture d’organisations fonctionnelles, bâtie pénible- des différentes perspectives sur les problèmes mondiaux. ment au fil des ans, dont les chefs et gestionnaires tentent Faire preuve de plus d’équilibre et de moins d’agressivité ne désespérément d’éviter toute interférence politique dans signifie pas que l’on abaisse son niveau d’acceptation. Mais leur travail. Le Canada doit accepter qu’il arrive que des cela promet une meilleure capacité d’écoute. Même si elles décisions aillent dans le sens contraire de sa conception par- sont cause de profondes frustrations en bien des occasions, ticulière de l’orientation d’une organisation. C’est en restant les organisations internationales fournissent une fenêtre sur à l’intérieur d’un organisme qu’on est mieux placé pour le le monde : le Canada ne peut être aussi grand qu’il mérite de transformer. l’être s’il ne profite pas de cette fenêtre. Troisièmement, le plus important : l’appel à l’imputabilité doit aller de pair, comme le disait Tony Blair, avec le renforce- Références/lectures ment de ce qu’il appelait « les moyens concertés d’agir » Miles Kahler, Multilateralism with Small and Large Numbers”, (Blair, 2007). Le Gouvernement doit entreprendre un exam- International Organization, 46, 3, Summer 1992 Ferry de Kerckhove est entré au en en profondeur de toutes les organisations internationales Dennis Stairs, “Pogo Land: the challenge of UN Reform”; The ministère des Affaires étrangères ou multilatérales auxquelles il appartient, en commençant Dispatch, CDFAI, Winter 2012 en 1973. Il a été en poste en par leurs objectifs et leurs mandats, pour ensuite déterminer Tony Blair, speech at Davos, January 27, 2007 Iran, à l’OTAN et à Moscou. comment elles remplissent leurs rôles et apportent leurs Arthur Stein, “Incentive compatibility and global gover- Il a pris sa retraite en 2011. Il contributions. Le Gouvernement doit décider dans quelle nance” in A. Alexandroff (ed.) Can the World be Governed; est chercheur invité à l’École mesure le Canada devrait accentuer son engagement avec supérieure des Affaires publiques WLU Press, 2008. et internationales de l’Université les institutions qui traitent des enjeux mondiaux de notre Ferry de Kerckhove, “Multilateralism on Trial” in d’Ottawa, chercheur émérite à temps. Le Canada a un intérêt vital à participer pleinement A. Alexandroff (ed.) Can the World be Governed; l’Institut canadien de la défense à tous les débats, multilatéraux et inter-gouvernementaux, WLU Press, 2008. et des affaires étrangères et où l’avenir de la Planète est en jeu. Pour un Gouvernement membre du Conseil de l’Institut profondément convaincu qu’il détient la supériorité morale de la CAD. Il siège au Conseil sur toute question d’éthique, de droit ou de valeur, une de WIND Mobile Canada et est démarche plus ouverte est plus susceptible de produire des président de Ferry de Kerckhove International Consultants Inc. résultats que celle qui consiste à faire connaître publique- ment divers préjugés contre ce que Arthur Stein appelle « la réalité existentielle du multilatéralisme » (Stein, 2008). Cela demande une approche moins brutale envers le 13
Impréparés pour la Paix : Résumé une décennie de déclin du maintien de la paix canadien La réputation internationale du Canada A. Walter Dorn mission de l’ONU continue à servir de tampon important comme contributeur prolifique et effi- entre Israël et la Syrie, qui est en proie à une dangereuse cace au maintien de la paix est en déclin depuis plus d’une décennie en raison Le maintien de la paix occupe une place de choix dans guerre civile. Au lieu du maintien de la paix, le Canada s’est du désengagement du pays à l’égard l’histoire et l’identité canadienne. Les Canadiens savent que mis à faire la guerre, dépensant des milliards de dollars en des opérations de maintien de la paix. Lester B. Pearson a proposé la création de la première force Afghanistan pour essayer sans succès de vaincre les Talibans Cette perte d’expérience à l’étranger est de maintien de la paix, pour épargner au monde une guerre et d’apporter la stabilité au pays. Les Forces canadiennes se aggravée par la perte d’entrainement lors de la crise de Suez en 1956, ce qui lui valut le Prix Nobel sont transformées en une force militaire avec une seule mis- à domicile, ce qui laisse le Canada de la Paix. Jusqu’au milieu des années 1990, le Canada était sion et l’Afghanistan comme seul objet d’attention. En une impréparé à tout réengagement dans le plus grand contributeur de troupes de maintien de la paix décennie, opérant dans un seul pays, il y a eu plus de soldats des opérations de maintien de la paix pendant la Guerre Froide et le seul pays à avoir contribué canadiens tués qu’au cours de six décennies de maintien de à un niveau comparable au sien il y a à chaque mission de l’ONU. Du Cachemire au Congo, de la la paix dans plus de 40 pays. quelques années. À mesure que les vété- Bosnie à l’Éthiopie, les soldats canadiens ont été à l’avant- Pire encore, au cours de la dernière décennie, les Forces rans du maintien de la paix des années plan de l’ordre mondial, ayant concouru à la paix en des pays canadiennes (FC) ont permis un déclin majeur dans la 90 prennent leur retraite, et que les cours déchirés par la guerre. Cette contribution a été reconnue formation et l’éducation en maintien de la paix – ce que l’on et exercices qui ont été élaborés pour par la Médaille canadienne du maintien de la paix qu’ils ont appelle les opérations en appui à la paix (OAP) dans la ter- préparer les officiers à faire face aux défis le droit d’arborer. Le Monument national du maintien de la minologie et la doctrine militaire canadienne. Le retrait par uniques des déploiements de maintien Paix (nommé « Réconciliation ») à Ottawa est un autre té- le gouvernement de l’appui au Centre Pearson du Maintien de la paix ont été coupés, les options fu- moignage de leurs contributions, de même que la silhouette de la Paix a entraîné la fermeture de cette institution unique, tures de politique étrangères du Canada d’une femme sur le billet de dix dollars arborant un béret ce qui signifie que les soldats ne pouvaient plus suivre une sont affectées et offrent moins d’options. bleu sous une bannière où l’on peut lire “Au Service de la formation sur les opérations de paix multidimensionnelles Au cas où des impératifs nationaux ou Paix – In the Service of Peace.” en même temps que des civils et des officiers étrangers. internationaux, dans l’ère post-Afghani- Mais qu’est-il advenu de cet héritage ? Le Canada est-il le Plus globalement, les FC n’offrent que la moitié des activités stan, feraient revenir à des opérations de contributeur prolifique de naguère au maintien de la paix ? de formation en maintien de la paix par rapport à il y a dix l’ONU, les Forces canadiennes et le gou- Malheureusement, la réponse est non. Bien que le Canada ans. Il est à noter que dans les exercices et simulations de vernement doivent être prêts. Pour être ait jadis fourni jusqu’à 3000 soldats au maintien de la paix, il formation, les officiers canadiens ne jouent plus les rôles des bien préparées pour la paix, les Forces n’en fournit aujourd’hui que 60 – comme le dit un ami , juste forces onusiennes comme par le passé. Dans le programme canadiennes auront besoin de change- de quoi remplir un autobus scolaire. Bien que les Nations pour le commandement conjoint et le personnel, les of- ments majeurs dans leur formation et Unies maintiennent plus de 80,000 soldats sur le terrain, le ficiers planifient et modèlent les opérations d’une alliance, leur préparation de même que dans leur niveau le plus élevé à ce jour, le Canada a maintenu son con- parfois explicitement identifiée comme étant l’OTAN, mais mode de pensée, dès lors qu’il s’agira de tingent au niveau le plus bas depuis 2006. Deux mois après on ne leur offre plus la possibilité de le faire du point de vue servir la cause du maintien de la paix l’arrivée des conservateurs au pouvoir, le Canada a retiré d’une mission de l’ONU ou de passer en revue les procé- d’une façon constructive et progressiste. ses 200 logisticiens des hauteurs du Golan alors que cette dures et pratiques de l’ONU. 14
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