CYBER-INTIMIDATION ENTRE ÉLÈVES - ACTE - RESSOURCE POUR LE CYCLE D'ORIENTATION - Friportail
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CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper ÉLÈVES CYBER-INTIMIDATION ENTRE ÉLÈVES ACTE – RESSOURCE POUR LE CYCLE D’ORIENTATION © Association REPER 2020. Tous droits réservés. Version 1 2020
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 2 ÉLÈVES TABLE DES MATIÈRES 1. INTRODUCTION 3 2. CYBER-INTIMIDATION ENTRE ÉLÈVES EN CONTEXTE SCOLAIRE 5 2.1 INTIMIDATION ENTRE ÉLÈVES, UN LIEN AVEC LA CULTURE D’ÉTABLISSEMENT 5 2.2 DÉFINITIONS 7 2.2.1 INTIMIDATION OU HARCÈLEMENT ? 7 2.2.2 INTIMIDATION 7 2.2.3 CYBER-INTIMIDATION 10 2.3 FORMES D’INTIMIDATION ENTRE ÉLÈVES 11 2.3.1 FORMES DIRECTES ET INDIRECTES 11 2.3.2 MÉDIAS NUMÉRIQUES 14 2.4 DYNAMIQUE DE L’INTIMIDATION ENTRE ELEVES 15 2.4.1 RÔLE DES PROTAGONISTES 17 2.4.2 LA PERSONNE-CIBLEE ET L’IMPACT DE LA CYBER-INTIMIDATION 19 2.5 CADRE PÉNAL DU CYBER-HARCÈLEMENT (CYBER-INTIMIDATION) ENTRE ÉLÈVES 21 2.5.1 GÉNÉRALITÉ CONCERNANT LE HARCÈLEMENT ENTRE PAIRS 21 2.5.2 MAJORITÉ PÉNALE 21 2.5.3 INFRACTIONS AU CODE PÉNAL 21 3. AGIR EN CONTEXTE SCOLAIRE 23 3.1. PRÉVENTION DANS LE CONTEXTE SCOLAIRE 23 3.1.1 REPERER L’INTIMIDATION ENTRE ÉLÈVES 25 3.2 MÉTHODES ET RESSOURCES DE PRÉVENTION 26 3.2.1 LA MÉTHODE DE LA PREOCCUPATION PARTAGEE 26 3.2.2 LA MÉTHODE « NO BLAME » (GROUPE D’ENTRAIDE, FR) 27 3.2.3 FACTEURS DE PROTECTION 28 4. TRAVAIL DE PRÉVENTION EN CLASSE 31 4.1 LA RESSOURCE ACTE 31 4.2 GUIDE D’UTILISATION DES FICHES PÉDAGOGIQUES 32 4.2.1 FICHE PEDAGOGIQUE « CHARTE DE CLASSE » 33 4.2.2 FICHE PEDAGOGIQUE « APPARTENANCES » 35 4.2.3 FICHE PEDAGOGIQUE « RE-AGIR » 39 4.2.4 FICHE PEDAGOGIQUE « CIAO.CH » 41 4.2.5 FICHE PEDAGOGIQUE « AGIR DE BON DROIT » 51 4.2.6 FICHE PEDAGOGIQUE «VIOLENCES » 61 4.2.7 FICHE PEDAGOGIQUE « INTIMIDATION OU NON ? » 67 4.2.8 FICHE PEDAGOGIQUE « RUMEURS » 74 4.2.9 FICHE PEDAGOGIQUE « LE CERCLE » 76 4.2.10 FICHE PEDAGOGIQUE « GERER LES CONFLITS » 79 5. RESSOURCES 84 6. REMERCIEMENTS 94 © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 3 ÉLÈVES 1. INTRODUCTION Par Caro line Dayer Do cteure et chercheuse, formatrice et consultante Les violences entre élèves nuisent aux apprentissages et parasitent le travail du corps enseignant ainsi que de l’ensemble des professionnel·le·s œuvrant en contexte scolaire. Ces violences (verbales, physiques, psychologiques, sexuelles, etc.) se déclinent à travers un spectre de couleurs plus ou moins visibles. L’intimidation entre élèves s’inscrit dans cet iceberg des violences aux faces émergées et immergées, tout en présentant des particularités telles que la répétition, l’installation dans le temps et l’effet de groupe qui crée un rapport de force empêchant la personne qui en est la cible de se défendre. La pression groupale et la peur (re)produisent cet engrenage. Comment enrayer cette asymétrie qui scie l’estime de soi, trie les relations et vrille le parcours scolaire ? Définir pour ré-agir Il s’agit de saisir ces phénomènes, au sens de définir, comprendre et prendre en charge. Les définitions théoriques engendrent des implications pratiques, elles préfigurent les modalités à privilégier et celles à éviter. Clarifier permet de repérer et de décrypter afin de ré-agir de manière pertinente. A titre d’illustration, dans l’expression « harcèlement scolaire », les deux termes posent problème. Tout d’abord, les mésusages de la notion de « harcèlement » – employée à tort et à travers – soulignent les écueils à déjouer, notamment d’ouvrir des représentations sociales ambigües ou de confondre le harcèlement entre adultes et l’intimidation entre élèves. Par exemple, le harcèlement sexuel au travail peut être le fait d’une seule fois entre deux personnes alors que l’intimidation entre élèves se déploie à travers la répétition via un phénomène de groupe. Dans ce sens, l’utilisation de ce terme peut brouiller la détection et l’identification de ces phénomènes, et empêcher une prise en charge adéquate. De plus, tout en reconnaissant la souffrance et le statut de victime des élèves qui sont la cible de violences, il ne s’agit en rien de les figer dans un rôle victimaire mais de les accompagner, en se basant sur leurs besoins. Afin d’éviter des formulations essentialisantes, il est plus pertinent de parler d’élèves qui sont la cible de violences plutôt que des « harcelé·e·s », des élèves qui participent de manière présumée à l’intimidation – avec des degrés d’implication divers – plutôt que des « harceleuses et harceleurs ». Prenant le contre-pied d’une approche fataliste, l’enjeu consiste à transformer une situation de vulnérabilité en pouvoir d’agir, en évitant de la psychologiser, de la minimiser ou de faire culpabiliser l’élève-cible, en ne faisant pas reposer sur ses épaules la résolution de la disproportion des forces et des multiples agressions perpétrées par le groupe. Ensuite, la notion de « scolaire » ne permet pas de cerner le type d’interactions et le périmètre en question. S’agit-il de violences entre élèves, entre adultes, d’adultes envers des élèves, d’élèves envers des adultes, de l’institution ou envers soi-même en lien avec l’école ? Selon la configuration, les dynamiques, les cadres et les modalités de réponse ne sont pas les mêmes. En outre, l’utilisation de « scolaire » en tant que qualificatif crée une confusion entre le type de violence et son contexte : l’école, le travail, l’espace public, etc. Par conséquent, parler d’intimidation entre élèves, d’intimidation entre pairs à l’école ou en contexte scolaire se montre plus judicieux. Ces situations diffèrent en termes de configurations mais ont en commun un rapport asymétrique, qui ne se trouve pas dans une situation de conflit, pouvant quant à lui être traité à travers de la médiation par des adultes ou par des pairs notamment. Dans des cas d’intimidation, il s’agit au contraire de ne pas employer des outils qui valident et entérinent ce rapport de pouvoir. Par ailleurs, la potentielle dimension « cyber » de l’intimidation exerce une amplification du phénomène en fonctionnant comme une caisse de résonance numérique. Cet usage problématique pulvérise – d’autant plus sous couvert d’anonymat et dans une logique de surenchère – les frontières temporelles (rapidité de la transmission, propagation auprès d’un large public, en tout temps) et spatiales (partout, aucun lieu de répit). Un tel lynchage n’est en rien virtuel, il agit instantanément comme rétrospectivement (en revenant de manière récurrente et intempestive) et ses répercussions sont concrètes voire tragiques. S’il est difficile de supprimer totalement une trace sur la toile, il est par contre possible de faire des captures d’écran, contrairement aux actes d’intimidation qui s’accumulent sans laisser d’empreintes perceptibles mais qui provoquent de véritables séquelles. Endiguer la cyber-intimidation passe nécessairement par un travail de fond sur l’intimidation en présentiel. © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 4 ÉLÈVES Les clarifications conceptuelles sont non seulement intrinsèquement reliées au choix des modalités d’action (et réciproquement) mais permettent aussi de contextualiser les usages terminologiques pour affiner la compréhension et la communication, d’élaborer un langage commun pour des pratiques partagées et harmonisées. Toutefois, comment agir lorsque les violences se déroulent dans le dos des adultes ? Prévenir-intervenir-promouvoir Réagir face aux violences visibles est déjà une manière d’agir sur les violences invisibles. En effet, à chaque fois que la personne adulte montre son désaccord face à une violence, elle démontre en même temps son soutien. En refusant de légitimer la violence et de cautionner qu’elle se reconduise, en intervenant à chaud pour la stopper à sa manière, un triple message est porté : aux élèves qui en sont la cible (tu n’as pas à subir de la violence, je te soutiens), aux élèves qui participent à l’intimidation (ces conduites sont inadmissibles) et aux élèves qui sont les témoins plus ou moins impliqué·e·s et / ou n’osant pas bouger (si tu devais être cible de violences, je ne la validerais pas et te soutiendrais ; tu es dans un cadre qui t’écoute et te prend au sérieux). Les élèves soulignent que c’est violent d’être la cible de violences et que c’est encore plus violent lorsque les adultes ne réagissent pas. En intervenant, les adultes ont un pouvoir d’action permettant de diminuer les sentiments d’injustice et d’impuissance éprouvés par les élèves en n’acceptant pas l’impunité ; de faire figure d’identification et de modèle, de responsabilité et de solidarité ; de rompre l’isolement et de briser la loi du silence en montrant qu’il est possible de parler aux adultes et de faire l’apprentissage de la confiance ; de refuser de répondre à la violence par la violence et de les outiller dans ce sens, en se basant sur leurs pistes. Signifier son désaccord et son soutien – à chaud – face aux violences émergées permet de donner un cadre clair et cohérent, pouvant être réactivé lors de cas de violences immergées, qui demandent à être traitées par des outils spécifiques dont la méthode de la préoccupation partagée. Ce message est d’autant plus solide quand la prise en charge s’enracine dans un dispositif global et s’ancre dans un terreau de prévention cultivé au quotidien – à froid. L’appréhension de ces phénomènes ne se limite donc pas à leur traitement mais inclut également leur prévention (chartes, activités avec les élèves, projets d’établissement, etc.). Tout le travail réalisé en amont permet de semer des graines et de créer un cadre commun, et de faire en sorte que les adultes et les élèves s’y réfèrent dans des moments problématiques, nourrissant une communauté éducative qui promeut le respect et la santé, l’égalité et la diversité. Passer du climat scolaire à la culture d’établissement Les violences traversent toutes les sphères de l’école ; la classe et la cour, les couloirs et les vestiaires n’y échappent pas. Leurs répercussions affectent l’accrochage scolaire et le sentiment d’appartenance à l’école, les parcours personnels et le groupe classe, et plus généralement le climat scolaire. Étant donné que la cohésion entre les adultes constitue le principal facteur de prévention des violences, le fait de tirer à la même corde et de passer le témoin si nécessaire permet d’articuler les actions individuelles, la cohérence collective et les cadres institutionnels. Chaque adulte a un pouvoir d’action, à différents niveaux et à sa manière, pour garantir des conditions d’apprentissage sereines et constructives, sans devoir faire davantage mais autrement. La posture professionnelle comme les pratiques éducatives et pédagogiques se trouvent au cœur d’une culture d’établissement durable qui se préoccupe des violences et refusent de les banaliser, qui valorisent la participation des élèves et la prévention par les pairs, en leur donnant la possibilité de développer de multiples compétences. Incarner collectivement cette cohérence éducative au quotidien participe de la prévention des violences et de la qualité de l’enseignement ainsi que de la santé des élèves comme des adultes en contexte scolaire. © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 5 ÉLÈVES 2. CYBER-INTIMIDATION ENTRE ÉLÈVES EN CONTEXTE SCOLAIRE FICHE PÉDAGOGIQUE – PAIRS AIDANTS FICHE PÉDAGOGIQUE – CHARTE DE CLASSE FICHE PÉDAGOGIQUE – VIOLENCES 2.1 INTIMIDATION ENTRE ÉLÈVES, UN LIEN AVEC LA CULTURE D’ÉTABLISSEMENT Pour prévenir les phénomènes d’intimidation entre pairs et y répondre de manière efficace, l’enseignant·e doit prendre conscience de sa responsabilité de traiter ce thème de manière régulière en classe avec les élèves, afin de faciliter le dialogue autour des situations de violence et de permettre aux élèves de mieux les identifier. L’approche s’articule autour d’axes éducatifs concrets tels que : • La sensibilisation sur le thème et le rééquilibrage des relations entre élèves, par ex. par des activités de prévention universelle (ACTE, Grandir en Paix, autres mesures) et un travail sur les dynamiques de classe. Dans ce sens, le développement des compétences psychosociales est travaillé en priorité, de même que l’esprit critique, la conscience citoyenne et la communication. • La promotion de la parole face à la loi du silence, par ex. en créant des espaces de dialogue au sein des classe ; • La facilitation de la régulation entre pairs, par ex. par des outils de médiation entre pairs (les pacificatrices et pacificateurs) ; • La mise en lumière des actes des personnes qui intimident au regard de la communauté éducative, par ex. par des sensibilisations à l’attention des enseignant·e·s ; • L’action cohérente et concertée au niveau de l’établissement pour augmenter l’efficacité des interventions, par ex. un travail ciblé sur un protocole d’intervention et la création d’un groupe chargé de coordonner les situations de souffrances en milieu scolaire. COMPÉTENCES SOCIALES COMPÉTENCES COGNITIVES COMPÉTENCES ÉMOTIONNELLES (INTERPERSONNELLES OU DE COMMUNICATION) Compétences de communication verbale Compétences de prise de décision et Compétences de régulation et non verbale : écoute active, expression de résolution de problème. émotionnelle : gestion de la colère et de des émotions, capacité à donner et l’anxiété, capacité à faire face à la perte, recevoir des feedbacks. à l’abus et aux traumatismes. Perception de soi et attention portée Pensée critique et auto-évaluation : Compétences de gestion du stress aux autres. impliquent de pouvoir analyser qui impliquent la gestion du temps, l’influence des médias et des pairs, la pensée positive et la maîtrise des d’avoir conscience des valeurs, techniques de relaxation. attitudes, normes, croyances et facteurs qui nous affectent, de pouvoir identifier les (sources d’) informations pertinentes. Capacité de résistance et de Compétences d’auto-évaluation et négociation : gestion des conflits, d’autorégulation qui favorisent la capacité à se positionner, résistance confiance et l’estime de soi. à la pression d’autrui. Compétences de coopération et de collaboration en groupe. Source : Santé en Action, inpes, n°431, 2015 © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 6 ÉLÈVES Intimidation entre pairs, quelle vigilance ? Dans le contexte scolaire romand, selon les derniers résultats publiés par l’enquête HBSC, 10% des élèves en moyenne sont la cible d’intimidation, 5% le sont de manière sévère. La même enquête indique que 8,9% des 11 à 15 ans disent avoir été la cible de cyber-intimidation et 4,6% admettent avoir cyber-harcelé quelqu’un au moins une ou deux fois dans les derniers mois. Les garçons sont un peu plus souvent auteurs que les filles. Le taux d’auteur·e·s et de victimes varient sans tendances claires selon l’âge. Et auteur·e·s comme victimes montrent des signes de mauvaise santé et de mal-être. Il existe une forte corrélation entre la cyber-intimidation et l’intimidation en présentiel, ce qui indique que les auteur·e·s ont plusieurs modes opératoires et les cibles sont souvent atteintes aussi bien à l‘école que dans leur sphère privée (HBSC, 2018). Ces constats soulèvent la question d’une école qui assure un cadre sécurisant et promoteur de santé pour l’ensemble de ses membres. Notamment car chaque élève n’a pas forcément les outils pour identifier ce qui lui arrive. Repérer et intervenir de manière précoce ? Pour mieux se concentrer sur la prévention des violences auprès des élèves, il est important de faire un pas de côté par rapport à la représentation dramatique de l’intimidation entre pairs et adopter une attitude pragmatique. Plus vite les élèves reconnaissent une situation de violence de type « intimidation », plus vite il leur est possible de réagir. A un stade précoce de la situation, il est plus facile pour un·e enfant ou un·e jeune de s‘y opposer et / ou de dénoncer une situation d’oppression. Le mécanisme de l’intimidation entre pairs se fonde sur un rapport de force qu’il est difficile d’identifier pour l’élève qui en est la cible d’une part et de changer sans aide extérieure d’autre part. Les auteur·e·s d’intimidation savent en effet rendre visibles leurs attaques aux yeux des autres élèves, le plus souvent à l’insu des enseignant·e·s, et leur sentiment d’impunité se voit renforcé par la honte éprouvée par la personne ciblée et la peur des représailles si elle venait à en parler. Les approches de repérage et d’intervention précoces ont été initialement développées dans le champ de la prévention des addictions. Elles sont maintenant appliquées aussi dans d’autres domaines de la prévention, en particulier la prévention des violences. Un de leurs principes essentiels est de faciliter la mise en place de mesures appropriées lors de situations problématiques. De même, ces approches permettent l’intervention de professionnel·le·s à un stade précoce lorsqu’une prise en charge s’avère nécessaire. Les actions de prévention universelle sont au service du repérage précoce et permettent d’intervenir en amont des situations de violences pour, d’une part, sensibiliser les élèves et, d’autre part, éviter qu’elles ne s’installent dans la durée et péjorent l’environnement scolaire. Il est efficace de lier les mesures de prévention aux mesures permettant de détecter le plus tôt possible les signes précurseurs de comportements violents (repérage précoce), et d’agir face à cela de manière adéquate (intervention précoce). Les recherches actuelles montrent que tant le climat de classe que la culture d’établissement jouent un rôle fondamental sur la qualité de l’enseignement et sur la prévention des violences entre pairs. La cohérence éducative, le travail en équipe, et l’application de règles communes définies et portées par l’ensemble de l’équipe éducative influe positivement sur la qualité d’être et de vie à l’école. (voir chapitre « Agir dans le contexte scolaire »). © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 7 ÉLÈVES 2.2 DÉFINITIONS FICHE PÉDAGOGIQUE – LES QUIZ FICHE PÉDAGOGIQUE – FLYER RÉ-AGIR 2.2.1 INTIMIDATION OU HARCÈLEMENT ? La littérature et la pratique montrent les écueils liés à l’utilisation du terme de « harcèlement scolaire » pour qualifier les dynamiques de brimades et de stigmatisation qui sont à l’œuvre dans les relations entre élèves. Le harcèlement concerne avant tout des faits d’adultes, phénomène distinct de ce qui se passe dans les cours d’écoles. Le transposer sans traduction au monde des jeunes et des enfants a pour effet de les enfermer dans des comportements intentionnellement agressifs et de sous-estimer le rôle du groupe. Il a pour autre effet d’entraver le repérage de ce type de situations, comme d’empêcher de les traiter avec efficacité. Comme le souligne Caroline Dayer (2020), les enjeux sont autant théoriques que pratiques. En effet, les violences en contexte scolaire se déclinent de différentes manières et une clarification terminologique se montre incontournable afin de s’appuyer sur des fondements conceptuels solides et de développer des actions cohérentes. Dans ce dossier, nous avons choisi de nous rallier à la terminologie française et canadienne, soit « intimidation », pour ne pas se heurter aux ambiguïtés du terme « harcèlement ». 2.2.2 INTIMIDATION L’intimidation entre élèves est une forme de violence qui doit se considérer avec sérieux. Elle se distingue en cela d’une situation de conflit. L’intimidation est une démonstration de pouvoir, caractérisée par un déséquilibre des forces en présence (position affaiblie de la personne ciblée et position d’oppression des auteur·e·s). L’intimidation entrave le processus de développement (Alsaker, 2012) et n’est pas porteuse de compétences. Le conflit, en revanche, repose sur une divergence d’opinion, une opposition d’intérêts donc sur une dynamique relationnelle sans asymétrie unilatérale. Le conflit fait partie d’une forme de relation et est, selon les configurations, susceptible de développer des compétences dans la mesure où il peut se régler grâce aux ressources des personnes impliquées ou grâce à l’aide d’une tierce personne. Il n’est toutefois pas exclu qu’un conflit mal géré soit à la source d’une situation d’intimidation. La gestion d’un conflit demande des compétences et la portée d’un conflit ne doit pas être sous-estimée. Conflit Intimidation • Relatif équilibre entre les parties • Déséquilibre entre les parties • Désaccord sur des « idées » ou des manières de faire • Attaque(s) contre la personne • Désaccord exprimé • Répétition des faits • Isolement de la personne ciblée © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 8 ÉLÈVES L’intimidation entre pairs traverse tous les établissements scolaires. Apparu comme sujet d’étude dans les années septante, la recherche sur le thème n’a cessé d’évoluer et il existe aujourd’hui une littérature abondante à ce sujet. Elle nous en donne une compréhension large, notamment sur la souffrance vécue par les élèves qui en sont la cible et les conséquences engendrées par ce type de mécanismes de manière générale. La connaissance acquise des impacts provoqués par ces situations, à la fois sur les élèves impliqués et sur la vie de l’école, nous pousse à voir ce phénomène sous un jour nouveau. Car se résoudre à le voir comme une fatalité, c’est renoncer au devoir mobilisateur et citoyen de faire de l’école un lieu de vie où l’on peut apprendre et grandir en sécurité. Définir le concept d’intimidation entre élèves ne va pas sans discussion : certains aspects font consensus et d’autres font débat. La répétition d’actes agressifs, sporadiquement ou quotidiennement sur une certaine période de temps, la dynamique de groupe impliquée dans les brimades, l’incapacité pour l’élève-cible de se défendre sont les éléments qui sont acceptés par le plus grand nombre. L’aspect de l’intentionnalité est critiqué, en ce sens qu’elle n’est pas nécessairement avérée (cf. dynamique de groupe et mécanisme de l’intimidation) ni observable, et que cet aspect conduit à passer à côté de la plupart des situations d’intimidation s’il est systématiquement recherché. Pour aller plus loin dans la compréhension du phénomène, deux psychologues scandinaves ont travaillé à mieux le définir et ont développé deux approches, lesquelles diffèrent dans leur fondement et leurs réponses. • Pour Dan Olweus (1978), la définition se base sur la figure du « bully » (la brute, la personne tyrannique) dont l’intimidation est vue comme une maltraitance (de l’anglais « to bully ») (Bellon & Gardette, 2016). Il avance l’hypothèse que l’agressivité individuelle voire le profil déviant de la personne qui intimide, elle-même en souffrance psychologique et / ou sociale, est à l’origine du mécanisme de l’intimidation. De plus, l’élève qui intimide aurait de plus grandes chances de développer des comportements à risque à l’âge adulte (addiction, violence, etc.). • Anatol Pikas (1975) définit cette forme de violence comme du « mobbing », terme emprunté à l’anglais et formé à partir du verbe « to mob » (attaquer, assaillir) qui renvoie à « the mob », la foule. Ces observations mettent en lumière la force de mobilisation d’une foule contre quelque chose ou quelqu’un, dans ce cas précis, un bouc émissaire. Le mobbing désigne l’action d’un groupe entièrement fédéré contre une cible (Bellon & Gardette, 2016) avec comme facteur de cohésion le rire et la peur. Le rire collectif que procure la vanne, la moquerie, le surnom, à l’encontre d’un·e élève ainsi que la peur de se voir jeté·e à la place de la personne ciblée si on s’oppose à ce qui se passe fédèrent le groupe dans le processus d’intimidation. Mettre les deux approches en parallèle est intéressant car elles appellent à intervenir dans les situations de manière différente. • Dans le cas d’Olweus, la réponse donnée en cas d’intimidation sera plutôt de type répressive et punitive. Attitude possible lorsque l’on parvient à identifier et isoler un·e auteur·e. • Dans le cas de Pikas, la réponse sera plutôt de type « non blâmant ». L’approche utilisée est la méthode de la préoccupation partagée, développée au chapitre IV. Agir dans le contexte scolaire. Les visées de la méthode sont citoyennes : ré-individualiser chacun·e des membres, les aider à prendre de la distance et à s’affranchir de la pression du groupe, les amener à réfléchir au vécu d’une cible en souffrance et à ce qui pourrait être fait pour améliorer son quotidien. Elle permet aussi de traiter les situations où il est impossible de savoir qui devrait être sanctionné·e. © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 9 ÉLÈVES Dan Olweus, auteur de « Violence entres élèves, Anatol Pikas, auteur de la méthode de la préoccupation harcèlements et brutalité – les faits, les solutions», partagé en collaboration avec Ken Rigby, observe que le considère que c’est l’agressivité individuelle qui groupe pousse les personnes vers des comportements pousse certain·e·s à entraîner le groupe vers un acte offensifs. d’intimidation (bullying). Les personnes, une fois isolées du groupe, ne En suivant sa compréhension du phénomène : continueraient pas à adopter un tel comportement • Les actes sont prémédités et répétés. (mobbing) selon ses observations. • Les actes sont perpétrés dans le cadre d’une En suivant sa compréhension du phénomène : disproportion des forces. • L’intimidation entre pairs est un phénomène de • Les actes sont commis avec intention de nuire. groupe. • Les actes sont issus d’une disproportion des forces Les auteur·e·s présentent un profil type – profil qui résulte principalement du nombre. caractérisé par une impulsivité et un besoin impérieux de dominer les autres. • Les actes sont perpétrés sous l’influence du groupe. L’agressivité intrinsèque est déterminée par un • Les actes ne sont pas nécessairement prémédités, ni contexte individuel défavorable. avec intention de nuire. © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 10 ÉLÈVES 2.2.3 CYBER-INTIMIDATION L’utilisation croissante des nouveaux moyens de communication amène les personnes à repenser la socialisation. L’espace numérique est devenu une part importante de l’univers des jeunes. On existe « numériquement » autant que dans la vie « réelle ». Cet espace implique de développer d’autres modalités relationnelles et de recréer du sens dans la manière d’envisager le lien. Avec le développement de l’espace numérique, il est possible de créer, de stocker et de partager des messages texte, des photos et des vidéos avec de nombreuses personnes (par exemple via WhatsApp ou d’autres plateformes sociales) partout et à tout moment en un clic. Les nouvelles modalités techniques ont également conduit aux phénomènes de cyber-intimidation. L’intimidation prend donc une dimension numérique (PSC, Prévention Suisse de la Criminalité en matière de cyber-intimidation : Agir de bon droit, 2014). La cyber-intimidation se fonde sur l’utilisation inappropriée des moyens de communication numérique et, le plus souvent, s’inscrit dans la continuité d’une situation d’intimidation existante dans le contexte scolaire. Ce qui était circonscrit à l’espace scolaire s’étend désormais à l’ensemble d’un réseau, plaçant les protagonistes dans une cours de récréation mondiale au vaste public. La cyber-intimidation est généralement définie comme une intimidation (…) par le biais d’appareils électroniques (par exemple : ordinateurs, téléphones portables). (Heidi Vandebosch et al. 2014). Dans ce contexte, les actions doivent répondre à plusieurs critères : • Elles doivent faire partie d’un dispositif répétitif d’actions négatives en ligne, donc être amplifiées par les moyens de communication. • Elles doivent être effectuées au sein d’une relation caractérisée par un déséquilibre du pouvoir. La cyber-intimidation comporte d’autres spécificités, notamment en termes de rapport à l’espace et au temps, rendant son appréhension plus compliquée (Stassin, 2019). L’anonymat des auteur·e·s devient possible grâce aux fonctionnalités numériques. L’absence de relation directe entre l’auteur·e, l’élève-cible et les témoins cachés derrière leurs écrans compromet l’identification des agressions. Selon Bellon et Gardette (2019), des enquêtes montrent qu’au moins 50% des élèves cyber- intimidés ignorent qui est la personne qui agresse. Deux effets sont observés relativement à la distance imposée par l’écran : • D’une part, le défaut d’empathie des auteur·e·s et des témoins. Plus la personne-cible est « loin », moins on a de scrupules à balancer des attaques. • D’autre part, le processus de surenchère qui s’installe au niveau du public, lequel d’un clic (like, retweet, etc.) ou d’un commentaire souvent totalement sans lien avec l’origine des messages, nourrit l’agression. Pour la personne-cible, la souffrance n’est pas virtuelle, mais est bien réelle. © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 11 ÉLÈVES 2.3 FORMES D’INTIMIDATION ENTRE ÉLÈVES FICHE PÉDAGOGIQUE – GESTION DE CONFLITS FICHE PÉDAGOGIQUE – RUMEURS 2.3.1 FORMES DIRECTES ET INDIRECTES L’intimidation peut prendre différentes formes, que Françoise Alsaker (2012) propose de distinguer en deux catégories, directe et indirecte. Les formes directes regroupent les agressions dirigées ouvertement contre une cible. Il s’agit d’agressions physiques, verbales ou psychologiques telles qu’injures, coups, menaces, moqueries, humiliation, vol ou dégradation d’objets personnels, gestes obscènes, attouchements sexuels. A l’inverse, l’intimidation indirecte prend une forme plus sournoise qui agit au niveau relationnel et se caractérise par l’isolement social et l’exclusion de groupes (absence d’invitation ou interdiction de participer à des jeux, des fêtes, des sorties, rejet des groupes sur les réseaux sociaux, etc.). Formes d’intimidation Schéma adapté de F. Alsaker Formes directes Formes indirectes • Confrontation • Pas de confrontation claire • Visibilité des auteur·e·s • Opacité des auteur·e·s Manifestations types • Agressions physiques • Manipulation • Agressions verbales • Rumeurs • Rackets, chantage • Chantage • Destructions de biens personnels • Isolement social • Exclusion • Toute autre action vécue négativement Médias électroniques Cyber-intimidation © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 12 ÉLÈVES Attaques verbales Atteintes à la dignité des personnes, les attaques verbales les plus courantes dans le cadre de l’intimidation sont l’utilisation de surnoms souvent attribués arbitrairement à partir du patronyme de l’élève ou de ses caractéristiques physiques. Les injures, les propos méprisants sur une orientation homosexuelle supposée ou avérée (homophobie), le fait de ridiculiser l’autre en public sont aussi des actes répandus. L’attaque est d’autant plus dévalorisante qu’elle est reprise par d’autres (dans le cas du surnom par exemple) et colle à la peau de l’élève sans qu’elle ou il puisse s’en détacher. Pressions Les menaces et le chantage sont des actes verbaux et peuvent également comporter un aspect physique. Par exemple, le cas d’enfants plus âgés qui menaceraient ou feraient chanter de plus jeunes enfants, jouant de leur supériorité physique afin d’exercer une pression et faire peur. Ces deux formes de violence se manifestent tôt, dès les petites classes. Elles sont malheureusement peu visibles car exercées loin des yeux des adultes. De manière générale, si elles sont constatées, les adultes les prennent peu au sérieux et ne s’y opposent pas. Le chantage est un processus progressif. Des objets personnels de petite taille sont empruntés (par ex. les cartes panini, les cartes Pokémon, les stylos, les gommes ou autres petits jouets pris à l’école), puis ne sont pas rendus lorsque l’élève les demande en retour. La situation sera renforcée si cela fonctionne et augmentera en intensité. La personne qui exerce le chantage gagne en confiance et finit par exiger de la personne ciblée des objets de plus en plus précieux, conséquents, voire de l’argent. Dans le cas où, par exemple, l’école se trouve à proximité d’un kiosque, il est courant de voir les enfants emmener de l’argent de poche pour aller s’y acheter des bonbons. Cette situation est aussi idéale pour qu’un contexte de chantage, voire de racket s’installe. Un enfant peut se voir contraint de donner ses bonbons, d’aller acheter des bonbons ou encore de donner son argent de poche. Vol et dégradation d’objets Une escalade progressive des comportements offensifs est démontrée dans ce type de comportement. Les personnes qui intimident commencent avec des actions de moindre gravité, auxquelles les adultes ne réagissent pas. Des vêtements, du matériel scolaire, des travaux personnels, des vélos, etc. sont endommagés ou volés. Les chaussures sont cachées ou jetées à la poubelle, sur le chemin de l’école, le cartable est vidé, jeté par la fenêtre ou dans les toilettes. • Porter attention aux élèves qui prétendent avoir régulièrement oublié ou perdu un travail à faire. © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 13 ÉLÈVES Gestes manifestes Outre les attaques non verbales subtiles, il existe également des attaques évidentes et directes destinées à rabaisser ouvertement un·e élève-cible sous les yeux d’autres élèves qui y assistent : • Le changement de direction ou le fait de s’écarter lorsque l’élève est croisé·e • Les gestes vulgaires et obscènes dirigés vers un·e élève • Les gestes qui symbolisent le dégoût ou la puanteur dirigés vers un·e élève Ces gestes marquent la transition vers des formes indirectes d’intimidation. La plupart des attaques décrites sont manifestes. Elles attirent cependant peu l’attention des adultes. C’est malheureusement souvent la réaction agressive ou bruyante de l’élève ciblé·e qui est observée et réprimandée. Harcèlement sexuel et Le harcèlement sexuel peut être très subtil, de sorte qu’il n’est que peu perceptible. agressions sexuelles De la même manière que pour les autres formes d’intimidation, le harcèlement sexuel augmente en intensité. Ci-dessous sont décrits les comportements agressifs de types sexistes, homophobes, transphobes et autres formes d’intimidation basée sur l’orientation affective et sexuelle ou l’identité de genre telles que rencontrées dans le contexte scolaire (garçons envers filles - garçons envers garçons - filles envers filles - filles envers garçons - parfois aussi élèves envers enseignant·e·s et inversement, adultes envers adultes ; non prise en compte des élèves non-binaires). • Remarques à caractère sexuel et suggestif sur le corps d’une personne (fesses, seins, pénis), sa tenue vestimentaire ou sur la personne • Blagues sexistes, sexuelles, homophobes ou transphobes • Abus ou dénigrement sexuel comme « la salope, la pute » ou « le pédé » • Remarques concernant l’orientation affective et sexuelle supposée ou avérée ; l’expression de genre, l’identité de genre • Photos prises sans consentement dans le vestiaire • Diffusion-publication de photographies intimes (dérives du sexting) • Envoi de ou exposition à du matériel pornographique - chantage, donner des photos de nus • Contacts sexuels non désirés • Coercition pour des actes sexuels, viol © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 14 ÉLÈVES 2.3.2 MÉDIAS NUMÉRIQUES L’identité numérique est fondamentale dans la vie des jeunes. Les actions consistent principalement à détruire la réputation numérique et par conséquent réelle d’une cible. Dans une étude de Heidi Vandebosch et Katrin Van Cleemput (2009) menée en 2005 auprès des 10-18 ans, les formes les plus courantes d’activités potentiellement offensives sur l’internet et les nouveaux médias sont : • insultes ou menaces via l’internet ou le téléphone portable (33,7 % des cibles, 23,7 % des auteur·e·s) • tromperie via internet ou le téléphone portable (27,3 % des cibles, 30,8 % des auteur·e·s) • diffusion de ragots ou de rumeurs via l’internet ou le téléphone portable (18,9 % des cibles, 12,9 % des auteur·e·s) • intrusion dans le compte de messagerie ou de messagerie instantanée d’une personne et modification de son mot de passe (15,9 % des cibles, 14,6 % des auteur·e·s). Une autre étude menée en 2018 par A. de Smet et al. a révélé que : • Les jeunes non hétérosexuels sont plus souvent la cible d’intimidation. • Les jeunes non hétérosexuels sont plus souvent la cible de cyber-intimidation. • La (cyber-)intimidation des jeunes non hétérosexuels augmente avec l’âge. • La (cyber-)intimidation n’augmente pas avec l’âge chez les jeunes hétérosexuels. Dans son fonctionnement, la cyber-intimidation comporte des caractéristiques spécifiques : En termes de lieu, de temps et de forme • absence d’espace de retrait pour la personne ciblée (24h24 / 7j7) • public sans limite présent dans l’espace numérique • visibilité immédiate des injures par un large public • contenus médias manipulables (vidéos, images, sons) • permanence des contenus dans l’espace virtuel • peur d’être en permanence exposé·e à de nouvelles attaques Par rapport à la personne ciblée et à l’auteur·e, aux auteur·e·s • invisibilité de la personne ciblée • absence de maîtrise des évènements • anonymat et moins de surveillance • sentiment d’impunité de l’auteur·e, des auteur·e·s • inhibition potentiellement moindre de l’auteur·e, des auteur·e·s (absence d’empathie) Par rapport à l’entourage • mélange entre école et vie privée (appareils privés à l’école, dynamique de groupe dans la classe qui se propage sur le temps libre) • difficulté pour les parents de découvrir ce qui se passe sur la toile, les réseaux sociaux, les chats • facilité pour les témoins soit de détourner le regard, soit de propager la situation par un « like » surenchéri, dénué de réflexion. © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 15 ÉLÈVES 2.4 DYNAMIQUE DE L’INTIMIDATION ENTRE ELEVES FICHE PÉDAGOGIQUE – APPARTENANCES FICHE PÉDAGOGIQUE – DANS LE CERCLE Le sentiment d’appartenance est fondamental pour la construction identitaire des enfants et des jeunes, mais aussi de l’estime de soi. La construction de l’identité se fait dans la relation à autrui. Et le besoin de se forger une personnalité qui procure une bonne estime de soi pousse continuellement à la recherche d’une image de soi positive et par conséquent à fuir les catégories qui renverraient une représentation négative. Le fait d’appartenir à un ou plusieurs groupes, pouvant parfois s’opposer dans leurs nuances, permet à la personne de se construire. Dans un établissement scolaire, la manière dont seront perçus les enfants et les jeunes qui ne correspondent pas aux attentes socialement construites joue un rôle important dans le développement de situations de violences. Les normes Une norme d’ici n’est pas celle d’ailleurs, comme une norme d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier. Elle n’est ni universelle, ni naturelle mais se façonne dans un environnement situé, traversé d’interactions diverses. La norme est un critère ou un principe, elle est le fruit de décisions sociales. Les normes se construisent, se transmettent, s’intériorisent, raisons pour lesquelles elles nous semblent « innées » alors qu’elles sont socialement construites. Mais elles sont questionnables et muables en tout temps, d’autant plus lorsqu’elles s’érigent à des fins d’oppression. Le fait de questionner, « dénaturaliser les normes et les sortir du marbre dans lequel elles sont gravées offre une capacité d’action et une réouverture des possibles pour tout le monde » (Dayer, 2014 / 2017). © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
CYBER INTIMIDATION/ HARCÈLEMENT ENTRE Agir - connaître - tester - (s)’émanciper P. 16 ÉLÈVES Cet·te « autre » qui dérange Lorsqu’un·e enfant ou un·e jeune adopte un comportement qui va à l’encontre d’une norme, qui ne se plie pas aux stéréotypes, elle ou il s’expose à la critique, à l’isolement voire au rejet. Sans forcément être la cible d’intimidation, elle ou il est souvent mis·e à l’écart, ce qui peut déjà être perçu et vécu comme violent. On est dérangé·e par ce qui nous paraît « autre », par ce qui ne nous ressemble pas. Au mieux, cela suscite une curiosité et une envie de comprendre, au pire, cela créé de la discrimination. Les mécanismes de rejet se construisent sur la catégorisation. A la lumière de la psychologie cognitive, le concept de catégorisation désigne une activité cognitive qui consiste à organiser et à compartimenter les informations perçues de l’environnement, puis à mettre de côté les dimensions jugées non pertinentes à un instant T, pour sélectionner et « traiter celles qu’il a la possibilité d’associer à une catégorie connue » (Dayer, 2014 / 2017). Le processus de catégorisation repose sur une simplification mentale de la réalité qui consiste à accentuer les ressemblances entre les éléments d’une même catégorie et également les distinctions entre les catégories. Ce mécanisme permet de simplifier la réalité sociale, de la structurer et réduire sa complexité. En effet, la bicatégorisation hiérarchisante (Dayer, 2014 / 2017) pose problème car ce processus crée uniquement deux catégories et postule le primat de l’une sur l’autre. La personne construit la catégorie « Nous » et la catégorie « Les autres », en attribuant par exemple des caractéristiques généralisées (stéréotypes) aux membres appartenant à l’autre groupe. La théorie de l’identité sociale permet d’expliquer le biais pro-endogroupe, c’est-à-dire la tendance à favoriser son groupe d’appartenance (endogroupe) par rapport à un autre groupe (exogroupe). Ainsi, l’identité sociale correspond à “la partie du soi qui provient de la conscience qu’a la personne d’appartenir à un groupe social, associée à la valeur et à la signification émotionnelle qu’il attache à cette appartenance” (Eckmann, 2004). C’est ainsi qu’une personne jugera généralement positivement son groupe et dévalorisera les membres du groupe auquel elle n’appartient pas en les jugeant de moindre valeur. La catégorisation sociale se fait souvent sur la base de caractéristiques qui sont particulièrement visibles et valorisent au mieux son groupe d’appartenance. Avoir les cheveux roux étant plus rare qu’être blond·e ou brun·e (mais cela est bien moins vrai en Ecosse ou en Irlande), cet attribut devient un critère distinctif important, tout comme le sont l’identité et l’expression de genre, l’orientation affective et sexuelle, l’origine, la couleur de la peau, ou la manière de s’habiller, qui tous s’accompagnent de stéréotypes et peuvent déboucher sur certaines formes de discrimination. L’acte de discrimination est la réalisation, le passage à l’acte d’un préjugé à l’encontre de la personne appartenant à la catégorie à laquelle on l’a attribuée. Un processus dynamique Le processus d’intimidation met en relation plusieurs élèves qui prennent en défaut une dimension d’un·e élève-cible et l’exploitent négativement. Une relation dynamique s’installe et clive la relation, plaçant les personnes qui intimident en position haute et la personne ciblée en position basse. Elles se sentent de plus en plus puissantes et la personne ciblée perd progressivement toute capacité de réaction et toute confiance en elle. Pour les spectatrices et spectateurs, assister à la violence sur autrui n’est pas anodin et n’est pas sans risque. Un fort sentiment de culpabilité instantané ou rétrospectif peut être éprouvé, pour avoir refusé de dénoncer les faits ou de n’avoir pas su ou pu défendre un·e élève-cible. Malgré la tentative d’oubli ou de rationalisation (« je ne pouvais rien faire d’autre »), cette expérience laisse des traces durables dans le psychisme des témoins. Assister à des pratiques d’intimidation en constatant leur impunité peut inciter des jeunes à adopter des pratiques violentes et malveillantes à l’égard de leurs camarades et entrer ainsi dans un cercle vicieux. Par exemple, lorsque la peur d’être une cible est trop forte, certain·e·s témoins peuvent choisir le passage à l’acte violent pour asseoir leur statut au sein du groupe. Toutefois, s’il est difficile d’intervenir en tant que témoin sur le moment en raison de la disproportion des forces, il est aussi possible de signifier son soutien ultérieurement, hors du regard des autres et de la pression du groupe (Dayer, 2017). © Association REPER 2020. Tous droits réservés.
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